Ibilka #19

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ibilka

le magazine

NUMÉRO 19– 2018 UDA- ÉTÉ

Itsas Begia

L’Océan est au cœur de l’histoire du Pays basque. Marin, pêcheur, corsaire, aventurier des mers, le Basque fut un peu tout cela au fil des siècles. L’association Itsas Begia rend hommage à cette mémoire des mers.

L’Hôpital Saint-Blaise

Halte très courue sur le chemin du piémont, la petite église souletine reste un témoignage important des relations transpyrénéennes.

Mendizale

Mendizaletasun exprime en euskara la passion des montagnes. C’est bien d’une histoire d’amour dont il s’agit, et qui de plus pertinent qu’un mendizale revendiqué pour la conter ?

Champion du monde

Certains hommes ont des destins peu communs. Paulino Uzcudun est de ceux-là.


un outil communautaire eLKarreKiLaKo TreSNa BaT

Luzaz, Hegoaldeko portuetan, hautestontzi gisa, Kofradiek atabaka erabili izan zuten arrantza ateraldiak erabakitzeko. Elkarrekilako senaren adierazpen bat. t e x t e Txomin Laxalt

L

obligation collégiale et une représentativité réciproque ’histoire d’Euskal herri est pour partie (marins et armateurs). Sa finalité en est la défense et maritime. Les fouilles archéolol’aide des pêcheurs », est-il précisé dans un article de giques ont démontré que les premiers droit maritime. Il fut un temps où la Kofradia gérait ouvrages portuaires dataient de la la vie du pêcheur du berceau à la tombe ou… au romanisation. Plus tard, l’apparition fond de l’océan. des chartae populationis ou cartes de Une des illustrations de ce statut reste cet étonnant populations, un document par lequel les autorités usage qui longtemps eu cours au sein de la Kofradia, royales, les seigneurs et le pouvoir ecclésiastique, celui de l’atabaka. Atabaka signifie urne et se préaccordaient des privilèges aux communautés nousente comme une simple boîte de bois rectangulaire vellement créées, a permis d’en cerner la genèse. dont le couvercle coulissant est C’est à partir du Moyen-Âge que se décoré pour une moitié d’un sont structurés les ports de la côte Mots-clés/Hitz gakoak dessin représentant la côte et, cantabrique avec en particulier la pour l’autre, d’une évocation de pêche à la baleine. Mais leur foncMétéo : eguraldi, aro pêche en mer. Deux trous sont tionnement différait selon qu’ils se Prévision : aurreikuspen pratiqués sur chaque section grostrouvaient en Ipar ou Hegoalde. Majorité : gehiengo sièrement pyrogravée. L’intérieur Aujourd’hui, en allant du Gipuzkoa Minorité : gutiengo de l’atabaka est lui-même divisé vers la Biscaye, on dénombre dix en deux compartiments destinés ports pratiquant la pêche de haute à recevoir les boules correspondantes aux votes des ou de basse mer. Si Hondarribia, Getaria, Ondarroa patrons de pêche et des pêcheurs. et Bermeo sont sans conteste les plus importants, En effet, dans chaque port, à l’époque où les avis Donostia, Orio, Mutriku, Lekeitio, Mundaka et météo n’avaient pas la précision qu’on leur connaît Armintza ne sont pas à négliger. Chacun d’entre aujourd’hui, les spéculations sur le temps à venir eux est régi depuis le Moyen-Âge par une institution étaient généralement dévolues à un ancien du métier originale qui s’appelle Kofradia. Les Kofradiak que l’on pourrait traduire par confréqui avait toute la confiance des équipages. Dans ries sont des corporations de droit public collale doute, on utilisait l’atabaka. Si le compartiment borant étroitement avec l’Administration, gérant décoré de la côte recueillait la majorité, tous les équipages restaient à terre, dans le cas contraire, tous jalousement tout ce qui a trait à la pêche, depuis l’armement jusqu’au droit syndical, en passant sortaient en mer. Un bel exemplaire d’un atabaka XIXᵉ est conservé au Musée basque de Bilbao. par la vente du poisson et les caisses de secours. du XIX « Les Kofradiak doivent être basées sur les principes Une grossière pièce de bois pour l’expression d’un haut sens communautaire communautaire. d’indépendance et d’autogestion ce qui impose une


Éditorial

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À chacun son port Société éditrice : BAMI Communication Rond-point de Maignon, Avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul Inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin bobinjeanpaul@gmail.com

Textes : Txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : Sandrine Lucas atmosphere2@gmail.com

Fabrication : Patrick Delprat Iru Errege Le Forum 64100 Bayonne N° ISSN 2267-6864 Photos : Couverture : Cédric Pasquini P. 30 : D.R. ; p. 2 : © Euskal Museoa Bilbao Museo Vasco ; p.29 : D.R.

D

e l’embouchure de l’Adour à la ria du Nervion, un unique et paradisiaque balcon sur le grand large ; comme une exhortation à la découverte, une invite à l’errance ; a forgé l’identité des Basques, baptisés d’embruns iodés et maquillés d’écume au fil des générations. L’Océan et l’appel du large font partie de notre histoire, que ce soit par nécessité, par soif d’aventures ou simplement par amour. « Il y a trois sortes d’hommes, les vivants, les morts et ceux qui voyagent sur la mer » écrivait Platon. Indéniablement, les Basques sont de ceux-là. Baleiniers, pirates ou corsaires, explorateurs… les Basques ont été des pionniers des mers. Rappelons simplement qu’Elcano, l’enfant de Getaria fut le premier homme à faire un tour du monde complet et que les historiens s’accordent aujourd’hui à reconnaître que les Basques avaient mis les pieds sur le continent américain bien avant Colomb ! Et, en scrutant cet Océan qui les a portés vers tant de terres, on pourra distinguer, là-bas, quelque part au large, les contours de la Huitième province, celle-là même vers laquelle les flots capricieux et la dureté des temps ont poussé nos aïeuls depuis plusieurs siècles. Il y a près de trente ans, que l’association Itsas Begia (L’œil de la mer), la bien nommée, donne vie à ce patrimoine à travers des fouilles, des expositions, des sorties en mer… Une bien belle raison de se rendre à Ciboure pour plonger dans la mémoire de notre pays. Peuple de marins, mais aussi assurément de montagnards, de mendizale. Retrouvez toutes ces racines d’Euskal Herria dans ce nouveau numéro d’IBILKA qui vous entraînera entre mer et montagne. Chacun choisira son port ! Je vous souhaite, à toutes et à tous un très bel été et je vous donne rendez-vous dès cet automne en compagnie d’un numéro exceptionnel d’IBILKA. Jean-Paul Inchauspé, Directeur de la publication


PORTRAIT

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e Cédric Pasquini

un homme de réseau

Peio Jorajuria


PORTRAIT dates clés

1977

1983

1994

1987

2010

Coopération en Côte d’Ivoire.

Mariage à Bidarrai.

Entrée à Herria.

Premier livre, monographie Bidarrai.

Découverte du peuple Amazigh du Haut Atlas.

sareko gizonezko bat Badu 25 urte Peio Jorajuriak parte hartzen duela Herria astekariaren bizian. Kazetaria baita ere olerkaria eta mendizalea, gizon horrek kudeatzen du izigarrizko sare bat, nonbait Euskal herriko boza.

C >>

Un hebdo créé en 1944 et qui touche 2 200 foyers.

ontrairement à ce qu’affirme le dictionnaire, Herria, du moins quand il se décline avec un h majuscule, ne signifie pas nécessairement pays mais un monde et Peio Jorajuria (Senpere/ Saint-Pée-sur-Nivelle, 1955) y habite depuis 25 ans. Un monde que synthétiserait la trilogie à peine esquissée, valant symbole, et qui contrarierait presque l’impitoyable loi de l’impermanence des choses. Elle ourle le bandeau de Herria, le titre du plus ancien journal (1944) d’Iparralde : le fronton, l’église et une maison que l’on soupçonne être l’auberge. Peio Jorajuria, en est son rédacteur en chef atypique lequel, sans portable, ni insipides Facebouque et autre Ouatessape, semaine après semaine, garantit les chroniques qui font battre le cœur de Euskal herria et surtout, en pénétrant dans 2 200 foyers, l’assoient dans cet autre monde qui est le monde. Le village, le hameau, le quartier, la ferme ou la maison, celle dont on porte le nom, et les terres qui vont autour en sont les thèmes chers autant qu’inépuisables, dits en euskara, cette langue sur laquelle Peio Jorajuria s’est construit. « Nous étions six enfants et à la maison nous nous exprimions et continuons à le faire en euskara. » L’euskara, avec cet humanisme emprunté à un catholicisme progressiste, c’est le sel d’Herria ; il s’y décline dans tout ce que les euskalki (dialectes) ont de plus riche et qui, pour être utilisés par la quarantaine de correspondants bénévoles de l’hebdomadaire – authentique homme de réseau, Peio gère ce maillage obligé – permettent aux habitants de ce pays multiple de se reconnaître dans cette forme de communion. « Avec la pluralité d’opinions, c’est l’une des exigences de Herria, respecter dans l’écrit ces formes d’expression qui font la richesse de l’euskara comme nous utilisons aussi le batua (basque unifié) ». L’euskaldun zahar (locuteur de toujours) est comblé quand l’euskaldun berri (nouveau locuteur) se voit souvent contraint à de fructueuses immersions dans le Lhande, à ce jour une Bible lexicographique (1926). Lot de beaucoup de parcours singuliers, Peio est entré par hasard dans le journalisme après une formation de comptable, un passage dans une coopérative de fabrication de meubles et deux ans (1977-1979) de coopération en Afrique : « Je n’ai pas osé franchir le pas de l’insoumission ou de l’objection de conscience mais cette expérience d’enseignant en Côte d’Ivoire m’a permis de tisser des liens forts que j’entretiens encore 40 ans après. » Une première et intense expérience de l’altérité qu’il reconnaît l’avoir bouleversé : « Le secret ? Oublier sa propre culture pour mieux s’imprégner de celle des autres. » Une attitude que ce mendizale met en pratique vers où le conduisent

ses grolles : « Je n’ai plus le culte des sommets, ce qu’il y a autour m’intéresse davantage », que ce soit dans les Pyrénées, les Monts Cantabriques, les Alpes, voire dans l’Atlas. Précisément, d’un trek au Maroc cet euskalzale (défenseur de la langue) a tiré un livre attachant : Inifife (Éditions Maiatz, 2012) ; au-delà de simples souvenirs de marche c’est une touchante ode à la culture amazigh (berbère) et au tamazigh, sa langue mais comment en aurait-il été autrement ? Peio a beau affirmer n’être qu’un bi sosetako olerkari xume (poète à deux sous), on le sait féru de rimes qu’il trousse joliment (Uzkinazo luma, Éditions Maiatz, 2008) à ses heures. Dans Inifife, il nous entraîne dans les drapés du timmh’remt-I-fouta de Mririda N’Ait Attik (1900-1940), poétesse berbère méconnue, d’une exceptionnelle beauté, si l’on en croit l’unique photo existante, mais surtout femme libre qui choisissait ses amants. Peio a traduit en euskara quelques poèmes du seul ouvrage publié (Les chants de la Tassaout), comme hommage à celle qui se plaisait à muser dans les marchés du Haut Atlas. Arpentant la vie en incurable optimiste, Peio s’inquiète cependant de l’avenir de l’euskara – on le pratique davantage certes, mais il s’appauvrit. Il n’a de cesse de l’affirmer à longueur de ces éditos qu’il partage avec d’autres opiniâtres et incisifs dépositaires de la pépite : Janbatitt Dirassar, Jean-Louis Arignordoquy Laka et depuis peu Menane Oxandabaratz. Dans quelques semaines, nous ne distinguerons plus sa silhouette familière dans les conférences de presse puisqu’il bouclera son sac pour cette nouvelle aventure qu’on appelle retraite. En euskara on la dit erretiro, un retrait, un simple effacement. N’a-t-il pas écrit un jour ? : Badakit hau guzia Amets bat baizik ez dela Paper huntan idazteko Denbora baizik ez badu irauten ere Je sais bien que tout cela N’est qu’un rêve Même s’il ne dure que le temps De le coucher sur ce papier (Loresiak)

Mots-clés/Hitz gakoak Hebdomadaire : astekari Dialecte : eskualki Poésie : olerki Lien : lokarri


patrimoine maritime

Itsas begia, ontziko liburu handi bat 1981ez geroztik, Itsas begia elkarteak zaintzen du gure itsasoko ondarea. Ez da ezer bere begiradatik eskapatzen. Gure gizaldiarentzat, ezinbesteko bilketa bat.

Itsas begia un grand livre de bord

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s CĂŠdric Pasquini


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Transmission L'œil de la mer (Itsas begia) ne saurait s'amarrer définitivement à quai. Cette poignée de passionnés œuvre, dans une approche socioculturelle, à un travail de valorisation et de transmission du patrimoine maritime.

A

Affirmer que l’association Itsas begia, l’œil de la mer, est sise sur l e s h a u t s d e Zi b u r u (Ciboure) serait par trop réducteur. Aussi vrai que la mémoire ne saurait se contenter d’un local, celle d’Itsas begia ne saurait s’amarrer définitivement à quai. Elle n’en finit pas de croiser partout où le marin basque, pour le meilleur comme pour le pire, a hissé la voile, planté le harpon, lancé la ligne, traîné le filet et usé de son ingéniosité pour construire ces fascinantes embarcations, idoines pour affronter le grand océan. À ce propos, n’usez pas du terme galvaudé de vieux gréements, Michel Pery, le grand mât, entendez le président de l’association, ancien marin de surcroît, vous remonterait la vareuse. À ce terme un brin condescendant, il lui préfère le terme de voilier de travail et comment ne pas l’admettre ? « Itsas begia rassemble des personnes qui ont compris toute l’énergie, tout le talent dont ont fait preuve les anciens pour résoudre les problèmes de leur labeur quotidien en aucun cas il ne s’agit d’une démarche passéiste mais d’une véritable approche socioculturelle, d’un travail de collecte, de sauvegarde, de valorisation et de transmission, autant de tâches nécessaires à toute communauté si elle veut réussir son

avenir. » Itsas begia s’y attache depuis 1981, année où une poignée de passionnés a fondé l’association afin de rassembler les divers éléments du riche patrimoine maritime basque. Brokoa c’est le Fou de Bassan en euskara, le plus grand oiseau de mer d’Europe, au plumage pie et au vol spectaculaire, tourné comme une ogive quand il plonge à la verticale, magnifique d’élégance quand il cercle au-dessus des flots. Brokoa c’est aussi le nom de la txalupa handi, la chaloupe biscayenne, quelque part l’emblème de l’association. Cette exceptionnelle embarcation serait à Itsas begia ce que représente le grand pavois pour un navire quand il rend les honneurs ; mieux, Brokoa en est son ambassadeur pour évoquer non seulement Itsas Begia, mais aussi tout le patrimoine maritime basque sur des mouillages amis, ainsi à Douarnenez en 1992, lors du concours des bateaux des côtes de France. C’est en 1990 que Itsas Begia décide de participer à ce concours et de construire - ce fut l’affaire de tous les membres -dans la pure tradition marine basque ce symbole de l’histoire de notre pêche. « Le choix s’est porté sur un modèle ponté de 13,72 m de long. Une demi-coque sera réalisée d’après un


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PatrIMOIne MarItIMe

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Sorties Itsas begia organise également des sorties en mer à l'occasion desquelles chacun met la main au … cordage. Pour certains, de vraies initiations à la navigation.

plan de 1878, confié par l’Aquarium de Donostia. Elle permettra de retravailler les formes du bateau afin de les adapter à celles des chaloupes de Sokoa. Le plan de construction a été réalisé à partir de cette demi-coque de chantier », nous confiera-t-on. Brokoa décrochera le deuxième prix. Il n’est que de voir Brokoa naviguant ses deux voiles au tiers déployées, en accord parfait avec le flot, quand il ne navigue pas à l’aviron, pour en apprécier toute sa puissance et en supposer son efficacité à l’ouvrage. D’origine incertaine -certains spécialistes n’hésitent pas à voir dans sa conception un héritage viking jusqu’au XVIIIᵉ siècle, la txalupa handia a scandé les grandes heures des pêches lointaines de nos ancêtres, mais aussi du transport. Il n’est jusqu’aux Indiens qui, au contact des pêcheurs à la morue, l’ont adopté pour l’acheminement des peaux. Txalupa handia ou quand le pragmatisme associé à la distinction – hanches larges mais rostre profilé – n’empêche en rien la performance. L’histoire rappelle qu’aux XVIIᵉ et XVIIIᵉsiècles, en

l’armant d’un canon entre les deux mâts, les corsaires luziens et cibouriens ont aussi fait merveille contre l’Espagnol et le Hollandais. Ce prodige maritime qui embarquait une douzaine d’hommes d’équipage, sera utilisé jusqu’en 1925 pour la pêche côtière. « Outre l’action de pêche, sa manœuvre se révélait complexe et particulièrement physique », souligne Michel Pery. Comme au Fou de Bassan, dont les yeux sont orientés vers l’avant afin de mieux déceler le poisson avant le plongeon, rien n’échappe à la sagacité des membres d’Itsas Begia quand il s’agit de référencer tout ce qui a trait à la grande aventure maritime basque. Surtout ne pas croire qu’il s’agit seulement d’amateurs de coques obsolètes, la serge sociale qui s’est tissée durant des siècles autour de la pêche les intéresse tout autant comme « vecteur de cohésion d’une communauté ». Grand œuvre ou passionnante chasse au trésor qui passe par la collecte de documents, de plans, de photos, de vidéos, de témoignages – les derniers déposants de la saga de

La txalupa handia est un réel prodige maritime


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PatrIMOIne MarItIMe

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Maquettes Plans et croquis en main, les dix-huit passionnés de l'atelier maquette, sous la vigilance de Laurent Erchandy, redonnent vie aux trésors de la marine basque.

la pêche luzienne à Dakar sont de précieux collaborateurs. La démarche de ces amateurs relève de l’anthropologie. De la période préhistorique et d’une navigation balbutiante à la pêche au chalut pélagique en passant par l’épopée baleinière, la pêche à la morue sous les latitudes subarctiques et la geste corsaire, c’est d’un savoir-faire, d’une ouverture au monde dont témoigne l’association. Si la batellerie basque occupe une place importante dans les activités de l’association, ainsi en 1981, elle aura présenté un battela à Douarnenez, cette petite e m b a rc a t i o n t ra ditionnelle – on en trouve des traces dans une ordonnance de Bermeo rédigée en 1353 – embarquant deux à cinq hommes pour la petite pêche, les activités marines annexes ont aussi leur place dans leur quête. Outre une approche exhaustive du fort de zokoa, l’indéfectible vigie de la baie, Itsas begia a étudié en détail le chantier pharaonique qui, entre 1873 et 1884, dans des conditions extrêmes, a permis l’édification des trois digues de la baie de Donibane, celles de Sokoa, Sainte-Barbe et l’Artha,

soit la pose de 7 400 blocs et l’utilisation de 32 000 m³ de maçonnerie. Donibane, qu’en 1822 une tempête avait détruite pour un quart, sera désormais protégée des colères océanes. De même, tous les ans à compter du mois d’avril, une campagne d’archéologie sous-marine est menée qui permet après identification des épaves – les naufrages furent nombreux dans le Golfe – un repérage et un quadrillage minutieux sans que ne soit remontée la moindre pièce. Itsas begia navigue en fait à travers les siècles sur cette mer des Basques pour ne rien oublier des gestes et mieux comprendre les conséquences socio-économiques induites par l’évolution des techniques. Aux lignes traînantes, à la bolinche, à l’appât vivant, à la senne ou au chalut, depuis le XVIIᵉ siècle jusqu’à nos jours en passant par la révolution de la vapeur, les méthodes ont démontré savoir-faire et capacités d’adaptation. Révolutionnaire fut après le deuxième conflit mondial, la pêche au thon à la canne, une spécificité basque. Cette époustouflante méthode, superbe dans

C'est d'un savoir-faire dont témoigne Itsas begia


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sa gestuelle quand, dans la gaze irisée de la rampe d’eau, bluffés, sont ferrés des scombridés démesurés, force le respect tant pour son efficacité que pour les qualités physiques qu’elle demande au cours de l’action de pêche. Il s’y exprime une partie de l’âme et de la fierté de Donibane. « Nous avons retenu l’échelle 1/40 è , la proportion idéale pour bien visualiser. Il s’agit d’aller le plus loin possible dans le détail. Nous abordons toutes les époques, la seule limite que nous nous sommes imposée c’est de ne pas réaliser de bateaux de guerre. Pour le reste tout est affaire de patience et de passion », nous avait confié Laurent Etchandy, responsable ou plutôt conseiller technique de l’atelier maquettes d’Itsas begia. Cet indispensable complément, à la fois ludique et hautement pédagogique, ne remplacera certainement pas les originaux – qu’une incompréhensible et douloureuse décision précipita à la casse – , mais la magie opère. Les figures de proue de la pêche luzienne triomphante du XXᵉ y figurent en bonne place : L’Aigle des mers, l’Edurne, le Sokorri, le Pierre Loti, la Marie-Rose, le Beñat mais bien sûr la trainière, quelque part la matrice de la batellerie basque et bien d’autres. Les 18 maquettistes de la section participent ardemment de cette histoire en petit de la pêche utilisant,

dans la mesure du possible, plans mais surtout photos et indispensables et émouvants témoignages ou quand le récit se double du temps de l’histoire. Expositions, conférences, journées du patrimoine, sont autant d’activités menées en parallèle, souvent en collaboration avec le Musée d’Aquitaine. Opiniâtrement, Itsas begia rédige le livre de bord richement ouvragé d’un peuple dont le faste passé marin est parfois injustement négligé.

Mots-clés/Hitz gakoak Bateau : itsasontzi Voilier : baleontzi Pêche : arrantza Patrimoine : ondare


montagne

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Mendizaletasu une façon de vivre Mendizaletasuna bizimodu bat Mendizale batentzat, mendia ez da kirol bat bizimodu bat baizik. Euskal herrian, mendizaletasuna, egia erran izendatze berezi bat, oso nortasunari lotua da.

Limite(s) Sommes-nous en Aragon dans le Roncal, en Navarre, en Soule ? Le montagnard rĂŠpondra : dans les PyrĂŠnĂŠes !


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suna

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz Aramendia


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« La montagne offre le décor, à nous d'inventer l'histoire qui va avec », Nicolas Helmbacher

Bonheurs intenses Baigura, Navarre, qu'importe le lieu, parfois seul compte l'instant, celui qui procurera un petit bonheur immense !


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www.studio-rituel.paris

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Euskal herri, comme les autres régions et états de la chaîne, participe de la culture pyrénéenne.

Protéiforme Quelle que soit la pratique, randonnée familiale, raid, excursion, en été comme en hiver, à chacun sa montagne pour des plaisirs partagés.


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DĂŠcor Existe-t-il plus sublime dĂŠcor, plus apaisante vision que celle des sommets posĂŠs sur le ciel ?


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J

Je pense souvent à la phrase du journaliste de montagne Antxon Iturriza (Donostia, 1948) : « Nous, les Basques, sommes connectés avec la montagne. La seule chose que nous ayons faite, c’est d’avoir changé avec son usage. Avant on grimpait pour le travail, maintenant pour son aspect ludique mais la confiance et la convivialité entre l’homme et la montagne au Pays basque sont permanents. » Le mot mendizaletasun m’enchante. Je le trouve plus évocateur que passion pour la montagne dont il est la traduction littérale. Il n’existe pas, en français, de terme équivalent sinon celui, plus restrictif, d’alpinisme. Dans sa rondeur, mendizaletasun exprime en euskara la passion pour cet espace circonscrit entre le piémont et le ciel, les granges et le sommet - entre étage collinéen et étage alpin, préférera l’anthropologue des montagnes. L’allitération, à la fois sifflante et chuintante due à la présence du z et du s, évoque quelque marche dans la neige entre Urepele et Lindux ou le vent souvent cinglant à l’approche d’un col. Les six syllabes renvoient à cette longévité qui, comme elle tresse les véritables idylles, forge un authentique mendizale. À l’image de toute histoire d’amour qui dure, en se liant à la montagne, il lui aura fallu apprendre à essuyer fatalement nuages et tempêtes pour mieux apprécier les embellies. Mendizaletasuna ou l’apprentissage d’une vie, un long déniaisement qui met tous les sens en éveil. Être mendizale c’est s’en remettre au temps. Pas plus qu’on ne court en montagne on n’y utilise de chronomètre, une forme d’hérésie – faire de la montagne une piste d’athlétisme, l’a bien définie Antoine de Baecque. Non, pour le mendizale le temps se mesure à la seule course d’un soleil l’autre, entre le matin et le soir il n’y a que le chemin. Être mendizale c’est lier sa marche à l’Histoire et aux hommes. Être mendizale, c’est aussi une autre façon d’avoir une conscience écologique, de constater que nous habitons un univers de blessures ainsi que le rappelait l’irremplaçable écrivainforestier-trimardeur, Aldo Leopold (1887-1948, USA). Enfin, être mendizale c’est vivre plus intensément la montagne dans cette langue qui possède un éventail merveilleux de mots pour la dire. L’euskara, le grand témoin comme se plaisait à le désigner le Père Joxe Miguel de Barandiaran, nous lie à elle comme il nous unit, nous, les mendizale.

Pas de frontières en montagne Mendizaletasun est un mot récent qui apparaît au tout début du XXe� siècle avec l’arrivée de l’alpinisme en Hegoalde. La pratique est introduite par les Anglais dans les Alpes d’abord, en Biscaye à l’heure de la révolution industrielle

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ensuite. Champions de la discipline, les investisseurs anglais expatriés sur les rives du Nerbioi (Nervión) – certains membres étaient issus du très distingué Alpine club créé à Londres le 22 septembre 1857 – initièrent, en même temps que le football, la randonnée en Biscaye. Faut-il rappeler que le nationalisme basque naît dans ces années et que la montagne participera de l’affirmation identitaire ? Le 30 septembre 1914 demeure comme une nuit de Walpurgis dans l’histoire du mendizalisme. À la lueur des torches, au sommet du modeste Gañekogorta (999 m), dominant la capitale biscayenne, Antxon Bandrés (Tolosa, 1874- Bilbo, 1966) — il deviendra l’emblématique premier président de la puissante Euskal Mendizale Federazioa (Fédération basque de montagne) – au cri de : Gora mendizaleak ! identifie une pratique basque et populaire de la montagne. Une éthique qui n’est pas étrangère au fait qu’aujourd’hui, les Basques font partie de l’élite de l’alpinisme, de l’himalayisme et de l’andisme. Versant nord, la genèse est différente. Si ce sont toujours les Anglais qui, dans sa version sportive, importèrent dans les Alpes la nouvelle discipline, inspirés par eux, ce sont des Pyrénéens — de classe aisée il est vrai — qui créeront à la moitié du XIXe�et de lumineuse façon, le Pyrénéisme. Il réunira la fine fleur des marcheurs et escaladeurs, lesquels se doubleront de botanistes, géologues, zoologistes, anthropologues, dessinateurs et photographes de première magnitude. Ces amateurs, ô combien éclairés, se révéleront en plus, d’admirables plumes. L’un de ses illustres représentants, Henri Beraldi (1849 – 1931), en résumera ainsi la philosophie :

Mendizaletasuna ou l'apprentissage d'une vie qui met tous les sens en éveil

Saisons À chacun la sienne pourrait-on dire. Irati en automne découvre sa palette unique de couleurs, ultime combat avant l'inéluctable hiver qui attirera d'autres montagnards en quête de sensations différentes.


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Joie et fraternité La cordée, cet effort collectif qui fait qu'il n'y a ni premier, ni dernier, est l'un des forts symboles des « conquérants de l'inutile » !


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Une histoire De Navarre, de Gipuzkoa ou d'ailleurs en Pays basque, les clubs d'alpinisme se sont multiliés un peu partout au début du siècle dernier.

Les Basques font partie de l'élite de l'alpinisme, de l'himalayisme et de l'andisme !


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« L’idéal du pyrénéiste est de savoir à la fois ascensionner, écrire et sentir. S’il écrit sans monter, il ne peut rien. S’il monte sans écrire, il ne laisse rien. Si, montant, il relate sec, il ne laisse rien qu’un document qui peut être, il est vrai, de haut intérêt. Si, chose rare, il monte, il écrit et sent, si en un mot il est le peintre d’une nature spéciale, le peintre de la montagne, il laisse un vrai livre, admirable. » Depuis le néolithique, la montagne basque restait le domaine des seuls bergers ; seuls s’y risquaient quelques chasseurs. Quant aux promeneurs, ils ne s’aventuraient guère au-delà des dernières fermes. La côte avait davantage les faveurs de l’aristocratie et d’une nouvelle bourgeoisie que les crêtes venteuses d’Irati et ce, jusqu’à cette année 1898. Le Club Alpin Français qui a vu le jour en 1874 – en 2005 il prendra le nom de Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne – pour la patrie par la montagne est sa devise — se présente comme une structure fédérative. La section de Pau va rapidement admettre la création d’une section basque. Le 11 juillet 1898 a lieu sa première réunion à l’Hôtel de Ville de Bayonne. Le Bulletin pyrénéen de septembre 1898 s’en fait l’écho et en expose le but : « Bayonne, ville frontière, est privilégiée entre toutes : les Pyrénées basques, les montagnes du nord de l’Espagne, les Cantabres orientales offriront à la section nouvelle un magnifique champ d’action. » La première sortie de la section aura lieu le 24 juillet de la même année, au Jarra (Basse Navarre).

Depuis le néolithique, la montagne basque restait le domaine des seuls bergers

Une seule montagne La vallée des Aldudes, l'un des forts symboles de l'ignorance de la frontière et de l'unicité de la montagne pour les amoureux de la randonnée et de la grimpe.

Une toponymie locale intacte Au-dessus de mon bureau figure en bonne place cette vieille affiche que tous les pieds poudreux, entre Hendaia et Collioure, connaissent. Le dessin représente, vu depuis une fenêtre de cabane entrouverte, un paysage pyrénéen avec, en fond, la montagne filigranée d’une neige de printemps sous un ciel bleu à peine moucheté de nuages erratiques. En pied de poster, une phrase fédératrice : la vraie liberté c’est le vagabondage. Elle nous renvoie vers toutes ces merveilleuses années durant lesquelles, au long de sentiers, vires, pentes, raillères et névés nous avons usé sacs, godasses, crampons, piolets, disloqué dos et articulations et partagé de mémorables bivouacs. Elle renvoie surtout, au quotidien, vers des repères (repaires) familiers dont la permanence rassure. Je veux parler des montagnes amies, celles que l’on aperçoit dès que l’on repousse les volets. Par sa seule présence, la montagne basque — que d’aucuns pour ne s’y être jamais frotté, les pauvres, qualifient de montagne à vaches — participe de l’esprit du lieu. Nous, quand

nous sommes sur un sommet pyrénéen, aussi prestigieux soit-il, c’est vers l’ouest que nous nous tournons pour tenter d’apercevoir la dent de l’Ori, de distinguer dans la brume dansante de chaleur, une bribe d’Auñamendi, l’épaule d’Hiru erregeen mahaia, voire la pyramide du Beorlegi, nos montagnes du cœur, notre horizon, notre référent. Euskal herri participe intimement, avec l’Occitanie, la Catalogne, et l’Aragon – même si l’écrivain en langue aragonaise Anchel Conte affirmait avec amertume : « Aragon, une terre que l’on croise pour passer de Catalogne au Pays basque » – de la culture pyrénéenne. Pourtant, jamais l’histoire de ses sentiers ne fut contée comme le fut celle des chemins des Pyrénées hautes. Bien sûr entre Santa Grazi et Enkartekoak, point de prestigieux 3 000 ni de glaciers somptueux. Exceptés Ori, le premier 2 000 de la chaîne, l’Anie (2 504 m), – notre attachement à ce sommet situé en Béarn et que nous appelons Auñamendi (montagne de l’isard) mérite bien que nous l’annexions un peu ! – et Hiru erregeen mahia (La table des trois rois, 2 421 m), l’ensemble des sommets des sept provinces titre une altitude moyenne de 1 300 m. Mais d’un versant l’autre, il existe cette continuité qui a fait dire habilement à Bernardo Atxaga qu’Euskadi n’est que l’endroit où le monde prend ce nom-là. Il n’y eut qu’une ethnocentrique interprétation géopolitique de la géographie pour faire des rivières et des montagnes des frontières. Cols et euskara ont suffi à unir l’un et l’autre versant. Si la plupart des sommets pyrénéens portent les noms de ceux qui les ont foulés ou croient les avoir foulés pour la première fois — indigne et narcissique appropriation quand tous possèdent une désignation d’origine renvoyant à la mémoire locale — le Pays basque peut s’enorgueillir d’avoir conservé intacte sa toponymie. Aucun patronyme ne désigne les 599 sommets d’Euskal Herri dûment répertoriés par Euskal Mendizale Federazioa, seuls l’environnement proche ou une caractéristique morphologique les désignent. Lire une carte du Pays basque, par la seule désignation des lieux, c’est déjà embrasser un paysage. J’aime les départs sur la pointe des pieds quand, dans le cliquetis des dernières étoiles et les fragrances du café frais, pataud sous le sac, empêtré dans les bâtons, qu’elle soit celle du nid familial, du refuge ou de la cabane, je referme la porte derrière moi. Pour le mendizale, la promesse de l’aube c’est gage de temps recouvré.

Mots-clés/Hitz gakoak Marcher : ibili Sommet : kasko, tontor Pyrénées : Pirinioak Errer : nora ezean ibili


InterVIeW

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p h o t o Cédric Pasquini

PaYS BaSQue, PYrénéeS, SurF eT Sud-oueST Depuis plus de vingt ans, Pimientos est un nom qui s’est imposé dans l’univers de l’édition basque. Rencontre avec son fondateur, Alexandre Hurel.

aLeXandre HureL géographe de formation, alexandre hurel a été journaliste à Surf Session, puis éditeur de presse avant de créer Pimientos en 1997, mais avoue-t-il, « j’aurais voulu devenir écrivain. »

Pimientos vient de célébrer son 21e anniversaire. Quel bilan dressez-vous ? alexandre Hurel : 21 ans en effet, et quelque 200 livres dont certains ont très bien marché, notamment Un Siècle de peinture au Pays Basque qui fait partie des best-seller. Il n’y pas de règle, je fonctionne au feeling, parfois je me plante et parfois ça marche. Une bonne surprise, c’est quand on édite un bouquin pour des raisons plutôt « sentimentales » que rationnelles et puis qu’il rencontre son public. Quel est votre positionnement éditorial ? a.H. : Pays basque, Pyrénées, Sud-Ouest et surf. Au départ on va dire que c’était par questionnement, j’habitais là et je ne connaissais pas bien, donc l’envie d’approfondir, et en même temps je suis un commerçant et j’ai supposé qu’il y avait un marché. Tous les livres sur le Pays basque sont transfrontaliers, c’est ma lignes éditoriale depuis la création de Pimientos. Quand on regarde la liste de vos auteurs, on trouve Victor Hugo, Maupassant, Flaubert et bien d’autres, pourquoi être aller les chercher ? a.H. : Au début de l’aventure, un jour j’étais désœuvré dans une bibliothèque, je tombe sur les œuvres complètes deVictor Hugo, et je découvre des descriptions de Bayonne, Biarritz ; de H à F, je prends les œuvres complètes de Flaubert et je me rends compte qu’il a fait la même chose. Je trouve cela rigolo et j’ai décidé d’en faire une collection autour des écrivains voyageurs, elle a très bien marché et marche encore très bien. Ces écrivains classiques de la littérature française ont voyagé dans toute l’Europe

ce qui a permis de proposer de très nombreux titres, par région ou par ville, sur toute la France. Il y a peu de romans dans votre catalogue, c’est une volonté éditoriale ou un manque d’auteurs ? a.H. : Oui très peu. Ce n’est pas une question d’auteurs, c’est davantage lié à moi, à mon expérience personnelle. J’ai tellement lu les classiques Flaubert, Stendhal, Dostoïevski…, que j’ai du mal avec la littérature contemporaine et c’est un tort. et le polar régional qui semble devenir une manne pour beaucoup de maisons d’édition, vous y pensez? a.H. : Oui, j’ai édité un polar sur Bordeaux, il y a dix ans, sans beaucoup de succès, ce mois-ci, j’en publie un autre sur le Pays basque, mais oui, pas mal d’éditeurs s’y sont penché. aujourd’hui, quelles sont vos ambitions, vos projets pour l’avenir ? a.H : Je viens de monter, il y a six mois, une seconde maison d’édition à Paris, Quai des Brunes, qui n’a rien à voir avec le Sud-Ouest, mais qui se positionne autour de l’Histoire des femmes. Je l'ai fait avec une copine éditrice. Le premier titre s’intitule Femmes : Naissance de l’homme, et traite des femmes de la préhistoire. Nous avons publié deux livres et le troisième sortira en novembre. L’idée, c’est de faire de très beaux livres, avec plein d’iconographies, à moins de 20 €, autour de la représentation des femmes. Concernant Pimientos, nous allons sortir un livre de photos réalisées par un Hollandais qui habite le Pays basque. C’est une histoire incroyable, il a découvert la photographie en même temps que le Pays basque et ses photos sont sublimes. Il revisite le Pays basque avec un œil totalement neuf. Par ailleurs, il y a des sujets qui m’intéressent mais pour lesquels je n’ai pas encore trouvé d’auteurs.

un PoLar alain irigaray livre son premier roman : une histoire singulière d’un jeune américain issu de la diaspora et qui, lors de la mort de son père, découvre vraiment qui il était, et plonge ainsi dans le passé de ses origines.

Jo Ta Ke, Basque à en mourir, Alain Irigaray. Éditions Pimientos. 11 €.


CULtUre

PICaSSo À BIarrITz au cours de l’été 1918, pablo picasso séjourne à Biarritz en compagnie de sa femme olga, à l’occasion de leur voyage de noces. ils résident dans la villa La Mimoseraie, invités par Madame errazuritz qui deviendra mécène de l’artiste. c’est à cette occasion qu’il peint les baigneuses et réalise la fresque de la villa. en 2018, l’École Supérieure d’Art Pays Basque fête ses dix ans qui coïncident avec le centenaire des Baigneuses. pour célébrer ces événements, une exposition propose de composer un dialogue entre le passé et le présent, entre la dimension historique du tableau et la diversité contemporaine. parmi les artistes convoqués on trouvera notamment annette Messager, daniel Buren, hervé di rosa… l’exposition est réalisée en collaboration avec le Musée picasso de paris. Jusqu’au 30 septembre 2018, Le Bellevue à Biarritz. Tous les jours de 11h à 20h, fermé le mardi.

euSkara LanGue oFFICIeLLe

L’arT BaSQue sOUs Le FranQUIsMe est l’expo de l’été, celle qu’il faut absolument voir. elle présente la résistance des artistes basques au franquisme. 100 œuvres et autant de documents historiques composent cette rétrospective qui regroupe, pour la première fois en iparralde les huit artistes du groupe gaur : arias, Basterretxea, chillida, Mendiburu, oteiza, ruiz Balerdi, sistiaga et Zumeta. le groupe gaur (aujourd'hui) créé en 1966 à donostia entendait proposer une alternative avant-gardiste à l’art validé par la censure franquiste. le musée présente des œuvres des ces huit artistes, essentiellement constituée de pièces de cette époque et revient sur le contexte politique et culturel des années 60 en pays Basque. signalons également une excellente publication bilingue de 150 pages. 1966, Gaur. L’art basque sous le franquisme. Musée basque et de l’histoire de Bayonne jusqu’au 4 novembre 2018.

c'

QUELQUES MINUTES HORS DU MONDE si peu d’entre nous l’avons réellement connu de l’intérieur, nous avons pourtant tous frémi aux premières heures du petit matin, au son caverneux des sabots sur les pavés d’estafeta et au souffle rauque des taureaux lancés à toute vitesse. Fransisco chapu apaolaza, journaliste et écrivain, né à donostia, est un fou des 848,6 de l’encierro. un effort court et violent qu’il raconte dans son livre entre roman et reportage. il nous invite dans l’intimité des coureurs, entre adrénaline, vacarme et odeurs. on y croise une brochette d’hommes aux capacités et aux motivations fort différentes, on partage des tranches de vie de quelques minutes qui pèsent une éternité. on y tutoie la peur et l’extase, et surtout le bonheur, un moment unique et exceptionnel. Le 7 Juillet, Chapu Apaolaza, Éditions-Atlantica, 19,90 €.

CHaGaLL au guggenheiM difficile de classer chagall, ni cubiste, ni expressionniste, ni surréaliste, mais un peu de tout cela à la fois pour un style qui lui est propre. entre ses racines russes et les avant-gardes parisiennes qu’il fréquenta il pouvait affirmer : « l’art me semble surtout un état de l’âme. » le guggenheim présente, les années décisives, 1911-1919, une sélection de plus de 80 tableaux et dessins. Bilbao, jusqu’au 2 septembre 2018.

en BreF >>>

Expo

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la communauté d’agglomérations du pays basque a adopté la reconnaissance officielle de la langue basque et du « gascon occitan », comme langues de la république au côté de la langue française.

ETHNOPÔLE BASQUE : CONFÉRENCES SUR LE WEB

le premier séminaire de l’ethnopôle basque organisé par l’institut culturel basque en partenariat avec l’école des hautes études en sciences sociales, consacré à l’oralité sont disponibles en ligne. Vous pouvez ainsi retrouver : littérature orale basque : genres et exemples, par xabier paya ruiz ; la pastorale entre deux mondes, par pierre Villar ; l’oralité aujourd’hui, par andoni egana ; plurilingues et monolingues de naissance ? Telle est la question, par enoch aboh et enfin la mémoire d’après-guerre à travers les témoignages oraux, par aitzpea leizaola. https://www.eke.eus/fr/institutculturel-basque/ethnopole-basque/ seminaires

PaSToraLe andere Serora HIrIBurun

Montée par saint-pierre-d’irube (hiriburu) la pastorale andere serora hiriburun, pour sa première représentation, a connu un franc succès, près de 3 000 spectateurs. la seconde représentation aura lieu le 16 septembre. sans aucun doute l’événement à ne pas manquer.

AMÉRIQUE LATINE

la 27e édition du festival Biarritz amérique latine aura lieu du 24 au 30 septembre 2018. cette année, l’uruguay sera à l’honneur à travers une rétrospective d’une douzaine de film et des rencontres littéraires autour d’un hommage à l’écrivain Juan carlos onetti.


Sport

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t e x t e Txomin Laxalt

Paulino Uzcudun,

le héros aux poings d’acier

(Madrid) et en Pays basque (Bilbo et Donostia) où il terrasse tous ses adversaires. De retour à Paris, il dézingue littéralement le champion anglais Arthur Townley au premier assaut. Un journaliste écrira : « Celui qui m’aurait dit qu’un jour un boxeur espagnol vaincrait un Anglais de la terre des boxeurs m’aurait fait hurler de rire. » (Boxeo 1930) Devenu champion d’Espagne en 1925, il accumule combats et victoires dont une à Bayonne par un K.O au 5e round contre l’Anglais Frank Goddard. Fortune faite, il hante les soirées festives de Donostia et flambe au volant de son Hispano-Suiza jusqu’à Errezil, le village natal. En 1926, il décroche à Barcelone le titre de champion d’Europe après avoir affronté l’Italien Erminio Spalla. 100 000 personnes l’attendent à Donostia au cri de « Gora Uzcudun ! » rappelle Bernardo Atxaga.

L'invité d'Al Capone !

altzairu ukabilekiko heroia Paulino Uzcudun boxeolari famatu bat izan zen azken gerlaren aitzin. Maleruski, bere engaiamendu politikoek bere ibilbide dirdiratsua hitsu zuten.

es boxeurs, l’histoire l’a prouvé, ont des existences de météores, c’est la rude loi du genre. La boxe, pour les sacrifices qu’elle demande, pour les souffrances physiques qu’elle impose, fait la bonne ou mauvaise fortune des humbles. On doit à l’écrivain Bernardo Atxaga, dans un chapitre de son livre Nevadako egunak (Ed. Pamiela, 2013), d’avoir tiré de l’oubli Paulino Uzcudun Eizmendi (Errezil, Gipuzkoa, 1899 -Torrelaguna, Espagne 1985). De ce boxeur d’exception tristement récupéré par d’impitoyables impératifs politiques, Bernardo Atxaga écrit : « Quelques êtres, laissent un double emblème derrière eux, ce fut le cas de Paulino Uzcudun qui fut le plus admiré des hommes tant par les Basques que par les Espagnols. » Au-delà d’un parcours indéniablement exceptionnel, ce sont les engagements personnels du personnage, complice abusé ou convaincu, qui interpellent, ce qui n’a évidemment pas échappé à Bernardo Atxaga. Celui qui fera une carrière internationale face à des adversaires coriaces, dont Max Schmeling, Max Baer, Primo Carnera et le grand Joe Louis, était d’extraction modeste. Né à Errezil à la ferme Gurutzeaga, Paulino était le plus jeune de dix enfants. Comme il le rappellera, le castillan était inconnu à la ferme où l’on ne s’exprimait qu’en euskara. Pour arrondir les fins de mois difficiles de la ferme familiale, cette force de la nature s’illustre dans les tournois d’aizkolari (bûcherons). C’est au cours de son service militaire qu’il découvre la boxe et en 1923, pour la première fois, il pénètre dans une salle au 13 de la rue Peña y Goñi de Donostia. Remarqué pour ses qualités de frappe, en particulier ses enchaînements de la gauche et sa droite fulgurante, il est recommandé à un médecin tolosarra, exerçant à Paris. Paulino Uzcudun confiera : « À 23 ans, je quitte la maison et me retrouve fauché à Paris, ne sachant m’exprimer qu’en euskara. » Il suit un entraînement rigoureux sous la férule d’Arthus, un entraîneur ayant pignon sur ring dans la capitale. Ayant remarqué les potentialités du Gipuzcoan, il va vite le propulser sur le ring en catégorie poids lourds. En septembre 1924, Uzcudun s’oppose au Russe Alex Touroff qu’il expédie au tapis à la troisième reprise. S’ensuit une tournée triomphale en Espagne

L

Avec son départ vers les USA, sonne l’heure du déclin malgré l’éclat de ses dents d’or qui ornent désormais sa mâchoire, de nombreuses victoires au Madison Square Garden dont celles contre Harry Wills et Tom Heeney. Coqueluche américaine, Paulino Uzcudun sera même l’invité d’Al Capone ! En 1935, sa cuisante défaite contre Joe Louis, met fin à sa brillante carrière. De retour à Donostia, aux heures qui précèdent la Guerre civile, il prend fait et cause pour le mouvement fasciste et adhère à la Phalange. En juillet 1936, il est arrêté par les anarchistes. L’intervention du PNB (Parti Nationaliste Basque) permet sa libération et surtout d’échapper au peloton d’exécution auquel il est promis. Il rejoint le camp franquiste et combat sur le front du Gipuzkoa puis d’Aragon à la tête d’un groupe de requetes. Uzcudun participera même à une opération de commandos avortée, destinée à libérer José Antonio de Rivera emprisonné à Alicante. Sa haine viscérale du communisme le poussera à de graves exactions. Certains, dont le journaliste Francisco Umbral, affirmeront qu’il choisissait des prisonniers républicains comme sparring partners jusqu’à les tuer à coups de poing et qu’il travaillait sa frappe contre des sacs pleins d’os de fusillés. La revue Gudari écrira en novembre 1936 : « Le misérable tricheur, traître et boxeur sur le retour est chargé des exécutions en Gipuzkoa. » À l’issue du conflit Uzcudun fut utilisé par la propagande franquiste, figure célébrée en Espagne où il se retirera mais roi déchu en son pays. Celui qui professait trois dévotions : le fronton, la hache et l’Église catholique, le boxeur aux 70 combats, 50 victoires, 17 défaites - une seule par K.O contre Joe Louis- s’éteindra à 86 ans, ayant perdu la mémoire. Il en est des héros comme de Janus, lequel n’était pas boxeur mais avait deux visages.

Mots-clés/Hitz gakoak : Boxe : boxeo Coup de poing : ukabilkada Gants : eskularruak Sport de combat : borroka kirola


taBLe

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Céderic Pasquini

La Maison de Pierre un concerto à six mains sei esKuKo concerTo BaT

V

ous êtes vous jamais posé la question ? Urcuray (Urkoi) est-il village à part entière ou bourg ? N’en déplaise aux tenants d’une tenace et bien peu séculière assertion accréditant qu’église signifie localité, Urkoi n’est que l’un des quartiers d’Hasparren, mais paroisse Saint-Joseph depuis la construction, en 1662, du coquet lieu saint. L’occasion inespérée de découvrir La Maison de Pierre, une étape gourmande hors des chemins battus. Un pari audacieux relevé par Julien Bonnal (1987, Paris), Thibaud Guéna (1991, Toulon) et Nicolas Montceau (1990, Gien) qu’un même credo gourmand anime lequel, voilà un an, leur a fait rallumer les fourneaux de l’ancienne et mémorable auberge bar-tabac Côte Paota pour donner libre cours à leur talent. Tous trois issus de l’École hôtelière, leurs riches parcours professionnels se sont croisés – Julien et Nicolas à l’Hôtel du Palais (Biarritz) – pour interpréter un étonnant concerto culinaire à six mains. Un attachement au Pays basque sans doute mais une lucide volonté de fuir la côte a présidé au choix : « Nous disposons ici d’une diversité incroyable de produits et l’avantage, c’est qu’on est proche de nos fournisseurs et surtout des gens des environs qui sont déjà des habitués, heureux de ne pas avoir à faire de la route. » La triade superbe réunissant un curriculum pour le moins instructif : Le Domaine Les Crayères (Reims), Le Drouant, Le Crillon, L’Arcane (Paris) Guérard (Eugénieles-Bains), Ostape (Bidarai), Julien se doublant d’un diplôme de pâtissier. « Des produits d’excellence que l’on retravaille le moins possible pour garder la pureté des goûts », nous confiait Nicolas, résumant la philosophie de l’établissement. Pour l’heure, La Maison de Pierre propose un menu du jour le midi et une carte le soir. En entrée (10 €), une Royale de petits pois gnocchis croustillants à la sauge

Urte batez geroztik Urkoik bere kontzertu aretoa du. Nicolasi, Julieni eta Thibaud-ri esker, sekulako sukaldariak, La Maison de Pierre jatetxeak, sukaldaritzako sinfonia proposatzen dizue.

ou quoi de plus trad qu’un concombre mais revu façon tsatsiki et granité au… gin. Les asperges vertes gagnent en singularité quand elles s’accompagnent de Yuzu confit, l’incontournable citron de la cuisine japonaise. Pour le second mouvement du concerto nous aurons le choix (22 €) entre le poisson selon arrivage, tapenade et polenta de grand-roux et févettes, une côte de cochon rôtie asperges blanches et jus court, voire la volaille aux herbes fraîches, croustillant de béatilles (abats) au foie gras… Une carte renouvelée tous les mois ! Pour notre bonheur, nous nous étions régalés de rognons de veau sauce moutarde, fermes et goûteux à souhait mais cela aurait pu bien être le succulent lapin en déclinaison : rognons, foie, râble, carré, effiloché de cuisse à la moutarde, courgettes et amandes fraîches, « nous sommes peu à utiliser ces dernières, étonnantes pour leur côté juteux et croquant. » Côté desserts (10 € ), vous vous en remettrez à Julien qui vous guidera sans doute vers quelque rhubarbe en croûte de sucre, crème caramel et glace sureau ou des framboises poêlées, sablé basque et gianduja, une pâte de noisette et chocolat. Ceux qui aiment les surprises s’abandonneront au menu découverte (51 € ), entrée, poisson, viande et dessert. Quant aux vins, ils satisferont les plus exigeants, 120 étant référencés sous la houlette de Pierre le sommelier. Un cadre épuré pour une cuisine élaborée mais jamais affectée et pour l’apéro entre amis, un comptoir double face, on pourra déguster quelques tapas à l’heure des lampes. Le concert est terminé, un bis s’imposera.

La Maison de Pierre : Maison Cote Paota, Quartier urcuray 64240 hasparren Tél. : 05 59 93 40 49. ouvert du jeudi au lundi.

Mots-clés/ Hitz gakoak : Pari : apustu Sauge : salbia Abats de volaille : hondaki Herbes : belarrak


LIeU

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t e x t e Txomin Laxalt / photographie Polo Garat

OSPITALEPEA, HARRIAK HITZ EGITEN DUELARIK Ezinbesteko etapa Donejakue bidearen gainean, Ospitalea eta batez ere bere eliza, altxor bat arkitekturaren mailan, atzo eta gaur arteko lotura sendo bat da.

ux beaux jours, il n’est pas rare de les voir groupés sur le parvis, fumant la cigarette de l’arrivée, le sourire de l’abandon de l’étape aux lèvres, que tous les marcheurs connaissent. Depuis le XIIe� siècle l’église de L’Hôpital-Saint-Blaise (Ospitalepea, 85 habitants) est une halte essentielle sur l’écliptique compostellien appelé aussi chemin d’Arles ou encore Chemin du piémont pyrénéen, ce dernier itinéraire bien peu fréquenté. Cette rencontre intemporelle est quelque part rassurante pour ce lien tendu entre deux époques que tout pourtant devrait séparer. Magie de la marche, constellation dans le ciel de la culture

a

L’HÔPITAL

SAINT-BLAISE QUAND LA PIERRE PARLE

coteaux. Du bosquet, éclôt soudainement la corolle de pierre auréolée d’ardoise du sanctuaire roman et de laquelle, tel un pistil, surgit la coupole octogonale. Tout autour, comme un taillis joliment taillé, se pressent de superbes demeures souletines. L’historien paléographe Jean-Auguste Brutails ne s’y est pas trompé qui, dans un précis d’archéologie du Moyen-Âge suggérait déjà que l’église, classée dès 1888, est d’inspiration musulmane de par ces énigmatiques pincées architecturales emmitouflant l’ensemble dans un halo de mystère. La fausse bousculade des corps du bâtiment dissimule l’ordonnance tranquille du roman, la stricte croisée du transept. « L’église de l’Hôpital-Saint-Blaise a, sur le carré du transept, une voûte mauresque, une coupole sur trompes à huit nervures qui se coupent sans atteindre la clef de la coupole, des fenêtres polylobées. Cet édifice qui paraît dater de 1200 environ est sur un chemin de SaintJacques », écrit-il. Ces curieuses petites fenêtres polylobées ou claustras – arcatures à plusieurs lobes – sont caractéristiques de l’architecture omeyyade (Xe siècle) et que l’on retrouve dans les mosquées de Cordoue et Todèle. Elles apaisent l’austérité toute romane et évoquent aussitôt l’indéfectible relation entre l’Occident chrétien et l’Orient, comme un héritage culturel emmené dans leurs fontes par les chevaliers Hospitaliers.

Patrimoine mondial

Mots-clés/Hitz gakoak : Sanctuaire : santutegi Rencontre : topaketa Transept : gurutzadura Coupole : kupula

humaine, c’est tout cela qu’inspire l’église de Ospitalepea, ultime vestige d’une fondation hospitalière destinée à accueillir le pèlerin aux marches de zuberoa (Soule). L’environnement sans doute participe de ce rayonnement tranquille comme l’isolement rend l’endroit propice à la réflexion. Opportune aussi la proximité géographique, cinq kilomètres, comme historique, à peine 70 ans, du voisin béarnais Gurs dont les traces de la douloureuse histoire du camp affleurent les

Robert Elissondo, membre de l’association culturelle souletine Ikerzaleak, a consacré un ouvrage exhaustif à l’édifice (L’Hôpital-SaintBlaise, Atlantica, 2009) dont il date le début de la construction à 1148. « Malgré sa petite taille elle est un témoignage précieux des influences artistiques qui se rencontraient sur les chemins entre la France et la péninsule ibérique. C’est ce qui a justifié son classement au Patrimoine mondial de l’humanité en 1998… Le modèle original est une coupole de la mosquée de Cordoue édifiée au Xe siècle », rappelle-t-il. Récurrente dans l’art islamique, la figure de deux carrés concentriques, symboliquement ceux de la terre et du ciel, forme un octogone et la fameuse étoile à huit branches. Le huit ou le symbole de la vie nouvelle, chez les chrétiens celui de la résurrection. La visite de ce petit joyau mérite un déplacement aux marches de zuberoa. Depuis peu, un spectacle Son et Lumière retrace l’histoire de l’église en respectant l’intégrité du lieu. En filigrane, la montagne avait pris des teintes bleutées et eux avaient capelé leurs sacs, traînant des pieds jusqu’au refuge tout proche. Il leur restait bien du chemin jusqu’à Santiago.


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