Bref Aéro 371

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BREF Juillet/août 2018 • N° 371

AÉRO

ÉDITO

SUR TOUS LES FRONTS Ce nouveau numéro de Bref aéro vous cueille à froid, dès votre retour de congés. Il va falloir vite s’échauffer et vous allez comprendre pourquoi à la lecture des pages qui suivent. Vous aurez noté au fil des éditos précédents une accélération constante de l’environnement social, économique et législatif de nos entreprises. C’est pourquoi ce numéro de rentrée « scolaire » reprend ces trois domaines sous des angles bien particuliers. Tout d’abord, notre conception du syndicalisme, qui se veut avant tout une activité de terrain, nous amène à, plus que jamais, faire le tour des régions pour expliquer directement à nos militants dans les entreprises le mur de négociations qui approche : nouvelle convention de la métallurgie, renégociation des accords d’entreprise, nouvelle donne pour la représentation des salariés, etc. Bref, nous injectons en direct l’actualité de négociation nationale et les impacts des ordonnances Macron. Ça… c’est pour le législatif.

Sommaire Actualités Les nouvelles désignations

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Élections de représentativité

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Une nouvelle génération de délégués syndicaux

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Contact !

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Grève Air France : où va-t-on ?

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Vie des entreprises Brexit : ça s’agite ! 5ème réunion plénière du Réseau DD AED : un très bon cru !

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Dossier Les nouveaux mondes, du faire-ensemble, du savoir-faire, du faire-savoir, du savoir et … du faire ! 6-7

C’est dans l’air Envie d’avoir envie

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POUR VOUS AVEC VOUS

PARTOUT

Ensuite, vous découvrirez l’analyse que nous portons sur le Brexit et, en particulier, l’impact qu’il pourrait avoir sur nos activités Aéronautique Espace Défense. En fonction de ce qu’il sera « hard » ou négocié, les conséquences seront très différentes. Les syndicats britanniques ne cessent de faire du lobbying auprès de leur gouvernement pour que la sortie soit la mieux négociée possible. Il en est de même pour nous. Vous avez tous été, à titre professionnel ou privé, otages des grèves d’Air France, le printemps dernier. Concentrez-vous sur l’interview de Pascal Mathieu, CFE-CGC Air France, qui vous livre une étude sans concession de l’état de la compagnie. La CFE-CGC ne brûlant pas de pneus, il faut que vous sachiez que votre syndicat avait appelé à voter OUI pour l’accord proposé par le PDG afin de sortir le Groupe de l’ornière. Vous lirez enfin le dossier consacré au changement sociétal en cours dans nos entreprises. Sujet qui affole au premier chef les DRH. En effet, des milliers de jeunes diplômés arrivent dans le monde du travail avec des attentes très différentes de celles de leurs ainés. L’Entreprise va devoir s’adapter à ce nouveau paradigme. Notre modeste étude sociologique vous livrera quelques clés de compréhension sur ce qui nous attend tous, collectivement. Au-delà des DRH, ce sont bien les organisations syndicales qui devront aussi faire leur « coming out » sur ce sujet. Sur ce point, la CFE-CGC AED n’est pas en retard et bouge déjà. Nous ne pouvons plus nous contenter de défendre ce qui a été créé par les anciens. Ce sont de nouvelles institutions, de nouveaux droits qu’il s’agit d’inventer aujourd’hui, qui incluent aussi les outsiders, tous ceux qui ne rentrent plus dans les cases de l’économie des 30 Glorieuses. C’est sans doute cette conjonction d’actions reposant sur le triptyque législatif/économique/ social qui fait que, une fois de plus, ce mois-ci, les équipes CFE-CGC Zodiac Seats ont pulvérisé les scores lors des élections. Ça tombe bien. Zodiac arrive chez Safran, où la CFE-CGC est la 1ère organisation syndicale. Avant de clore cet éditorial, les équipes de l’AED se joignent à moi pour saluer la mémoire des deux grands dirigeants que furent Serge Dassault et Henri Martre. Ils ont fortement contribué à faire de l’industrie aéronautique française une pointure mondiale. Ils lèguent un héritage que leurs successeurs devront faire fructifier. Nous serons là pour leur rappeler !

Ludovic Andrevon Président de la CFE-CGC AED


Actualités

CONTACT ! De manière concomitante, au printemps dernier, la Fédération de la Métallurgie et un certain nombre de ses syndicats, dont l’AED, ont constaté de fortes déperditions dans la transmission d’information en direction des élus, mandatés et adhérents. Les causes sont multiples et ne sont pas à chercher seulement dans la sphère syndicale : le phénomène est commun à toutes les entreprises modernes et touche en particulier les populations de l’encadrement. On peut y voir un effet pervers de « l’infobésité » : un mail arrive, je le range ou je le détruis, mais en tout cas, je ne le lis pas maintenant. Et il finit par tomber dans l’oubli. Or, l’actualité est particulièrement chargée depuis quelques mois : après les ordonnances, la renégociation de la convention de la Métallurgie est en route. C’est juste un … tsunami qui se

NOUVELLES DÉSIGNATIONS DELAGE AÉRO (Ex Aequs Aérospace Fabrication ) À CHOLET : Kevin Daniel est désigné délégué syndical en remplacement de Cyrano Goussu. AEQUS AEROSPACE FABRICATION À PIERREFITTE/SEINE : Laurent Gouin est reconduit en qualité de délégué syndical et est désigné représentant syndical au Comité de Groupe SIRA.

ÉLECTIONS DE REPRÉSENTATIVITÉ

Carton plein chez Aequs à Cholet, avec les deux sièges du 2ème collège au CSE. Idem au Bureau de Normalisation de l’Aéronautique et de l’Espace, avec 100 % des voix au collège unique. Enfin, succès chez Zodiac Seats Issoudun où, avec un grand chelem au 3ème collège et une élue au 2ème, la CFE-CGC atteint une représentativité de 66 % et prend le secrétariat du CSE. Grandes ou petites entités, chacune a ses challenges propres et mérite son coup de chapeau !

Christophe Dumas Secrétaire général CFE-CGC AED

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prépare, qui pourrait, s’il aboutit, refondre complètement le cadre social du travail en entreprise. Nous ne pouvions pas attendre les bras ballants que les militants de l’AED s’en trouvent emportés et noyés. Le Bureau de l’AED a donc décidé de passer au contact en mode « circuit court ». C’est d’abord une communication plus directe qui s’adresse dorénavant aux mandatés. Si les prérogatives de chaque mandat demeurent, nous avons choisi d’envoyer l’information au plus près, en augmentant les chances que votre interlocuteur local le plus direct puisse réagir très vite à la moindre de vos questions … ou nous la remonter ! Parallèlement, nous avons lancé une série de rencontres en région avec les délégués syndicaux. Ainsi, nous basant sur l’expérience de la région de Bor-

deaux, nous avons rencontré en Aquitaine, Hauts de France, Île de France et Occitanie, 30 sections syndicales pendant le printemps, hors des assemblées générales statutaires. Le partage d’expérience a été profitable à tous : compréhension des enjeux nationaux dans un sens, des réactions de terrain dans l’autre. Ceci nous conduit à envisager de répéter ce type de rencontre dans le futur, selon un calendrier qui dépendra notamment de l’avancement des travaux sur la convention collective. Plus globalement, nous sommes à la disposition des sections syndicales qui le demanderaient, pour venir expliquer à leurs adhérents le futur proche de l’activité syndicale et du monde du travail, tels que l’AED les voit venir. Christophe Dumas

UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DE DÉLÉGUÉS SYNDICAUX : THIERRY YNGLADA Les changements se poursuivent chez Latécoère, après la désignation de Laure Matignon en qualité de déléguée syndicale centrale en novembre dernier, c’est au tour de Thierry Ynglada de se voir confier la charge de délégué syndical. Un challenge qui n’effraie pas ce jeune militant de 38 ans, adhérent CFE-CGC depuis son embauche dans le Groupe il y a 13 ans. Chahutée par un PSE et un éclatement du site historique toulousain en 5 établissements distincts, la section CFE-CGC de Latécoère se remet sur le chemin de la reconstruction sous la houlette de son délégué syndical. « Nous devons remettre en mouvements les forces à présent, confie Thierry Ynglada. Le PSE et la nouvelle configuration de l’entreprise nous obligent à réadapter notre syndicalisme de terrain. Avec l’éclatement de l’établissement, c’est toute notre politique de communication sur le terrain qui doit être repensée et ajustée. Nous devons apprendre à gérer le dialogue social en multi-sites et être performants ». Un challenge pour la section dont la mixité des adhérents et des idées vont lui permettre de trouver les solutions idoines. « La CFE-CGC représente 20 % des sala-

riés de Latécoère, poursuit le jeune délégué syndical, notre pluralité fait notre force. En 2019, les élections pour la mise en place du CSE vont avoir lieu, nous comptons les remporter et asseoir la CFE-CGC comme l’organisation syndicale incontournable chez Latécoère ». Un bel enthousiasme que Thierry partage avec sa section, mais également au sein du groupe de travail Syndicalisme 4.0 dont il est le pilote régional dans le SudOuest.


Actualités

GRÈVE AIR FRANCE : OÙ VA-T-ON ? Depuis de nombreux mois, les personnels d’Air France grognent et sont en grève perlée. Tous les usagers, à titre professionnel ou personnel, ont été impactés par cette situation, dont l’apothéose fût le départ du PDG du Groupe à l’issue d’une consultation du personnel à son initiative, le 4 mai dernier. Éclairage de la situation par l’administrateur salarié CFE-CGC du Groupe Air France, Pascal Mathieu. Bref Aéro : Pascal Mathieu, quels sont les déclencheurs de la grogne des salariés ? Pascal Mathieu : plus i e u r s f act eurs expliquent le véritable crash social actuel. Le sentiment de faire sans fin des efforts, les doutes sur l’avenir et un besoin de changement d’ambiance générale et de reconnaissance ont engendré des incompréhensions, des insatisfactions voire de forts mécontentements. Le non-respect des accords négociés avec les syndicats réformistes est source de déception. L’abandon de la convivialité des rituels sacrifiés à la productivité casse le collectif de travail. Le besoin d’éthique : pas d’intentions ou d’incantations, mais une incarnation exemplaire de valeurs en cohérence avec « le terrain ». La forte attente de modernisation du management. D’abord en respectant les besoins de base : la justice, la reconnaissance, la simplification des organisations et du fonctionnement, davantage de cohésion, d’équité et de confiance entre mé-

tiers, la liberté d’initiative et d’expression et l’éradication des irritants du quotidien. Les trop nombreux projets qui se télescopent et sont trop souvent synonymes de recul des conditions de travail. Bref Aéro : lors de cette consultation des salariés, à l’initiative du PDG, Jean-Marc Janaillac, la CFE-CGC avait appelé les salariés à voter OUI. Qu’est-ce qui a motivé votre appel ? Pascal Mathieu : quelles que soient ses origines et ses intentions affi chées ou cachées, la grève alors en cours était insensée et désastreuse. Il fallait que cesse au plus vite ce gâchis pour nos clients excédés, pour l’image de notre Compagnie abîmée, pour nos comptes dégradés, pour notre union fragilisée avec KLM. Le risque d’un nouveau plan de restriction était élevé. Il fallait parer au plus urgent pour défendre l’intérêt général de la Compagnie. Cet appel était aussi la demande expresse du règlement de ce qui exaspère l’encadrement et les techniciens et qui s’est finalement traduit par le rejet lors de la consultation.

Bref Aéro : depuis le 4 mai, Air France est dans l’attente de la nomination d’un nouveau PDG, qu’attendez-vous de ce futur dirigeant ? Quelles sont les urgences ? Pascal Mathieu : Air France a besoin d’un PDG qui puisse, dans la durée, appliquer sa stratégie rapidement et complètement. Un leader dont la bienveillance, l’exigence et le charisme sachent faire adhérer les salariés à une dynamique de croissance prospère qui permettra de préserver nos emplois et notre modèle social. Un patron qui a la vision du marché, l’expérience du secteur du transport aérien, de la situation compétitive et de l’état des lieux social d’Air France afin d’être tout de suite opérationnel. Un entrepreneur viendrait avec une équipe qui renouvellerait le management de la Compagnie majoritairement usé. Un Dirigeant qui aurait la détermination, le courage et l’indépendance vis à vis de l’État pour enfin achever la réforme vitale d’Air France. Un patron qui, grâce à sa crédibilité interne et à sa fibre sociale, exercerait son mandat avec l’exigence nécessaire aux réformes et aux choix difficiles.

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Vie des entreprises

BREXIT : ÇA S’AGITE !

Le Brexit reflète la nostalgie du Rule Britannia, quand la Grande Bretagne était une grande puissance mondiale. La politique intérieure au Royaume Uni pollue les négociations, pendant que l’UE veut montrer que quitter l’UE c’est perdant – perdant … Être dedans et dehors ce ne peut pas être la même chose. Le Plan Moyen Terme de l’UE intégrait des financements britanniques : entre réduire les ambitions de l’UE – ce que personne ne veut – ou compenser le manque de financement – ce que personne ne peut, les négociateurs UE ont voulu d’abord voir si le RU tiendrait ses engagements financiers. Ce qui a fini par être acté. On discute aujourd‘hui du Traité de séparation, plus fort juridiquement qu’un accord. Il devra être approuvé par le Parlement européen, et par le Parlement britannique. Le Brexit peut être annulé si le RU le demande et si les 27 sont unanimes pour l’annuler. Sinon et s’il n’y a pas approbation du Traité, on appliquera les conditions de base de l’OMC, compliquées pour l’industrie. Malgré des tentatives britanniques de négociations bilatérales, les 27 sont restés soudés autour d’objectifs communs, dont la Défense. Par contre, l’industrie assaille les politiques pour demander qu’en gros rien ne change. En matière de Défense, le RU n’est que le 7 ème contributeur européen, malgré son poids démographique, sa puissance militaire, sa BITD et son budget : se passer des Britanniques dans le cadre de la

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Défense européenne n’est pas difficile. Côté OTAN, les pays de l’Est sont rassurés par les progrès de Bruxelles en matière de Défense. USA, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande avaient via le RU un point d’entrée dans l’UE. Tous cherchent de nouvelles entrées, laissant le RU sur la touche un peu plus. Bruxelles en sort un peu grandi. Trouver une place au RU dans la Défense est compliqué : il propose d’augmenter sa participation pour qu’on ne le laisse pas tomber, ce qui est paradoxal vis-à-vis du Brexit. Mais l’UE ne peut pas traiter le RU différemment de la Norvège ou de la Turquie, pas plus en matière de Défense que dans d’autres, cohérence oblige. L’industrie sent non seulement qu’on peut, mais qu’il faut se passer du RU. Premier exemple l’Espace : le RU ne sera plus à terme habilité à travailler sur Galiléo, il devra passer par un traité pour utiliser les signaux militaires. Se pose une question sur le devenir de MBDA. La réponse des politiques est claire : oui, il y a des Britanniques dans MBDA, mais c’est comme ça et il n’y aura pas d’exception. MBDA devra de se positionner comme entreprise européenne … ou pas. Le Traité est bouclé à 75 %. Les derniers 25 % sont les plus lourds. L’UE pourrait voter pour le traité, les Travaillistes s’y opposer pour rester dans l’UE, les Conservateurs s’y opposer parce qu’il n’irait pas assez loin … En matière de Défense, la France a la clef : lâcher le RU pour renforcer la coopération avec l’Allemagne ? On voit que le RU n’a plus beaucoup de cartes en main.

1 Le cas

Pour Airbus, un Brexit dur menace l’avenir du Groupe en Grande Bretagne. Il y produit l’ensemble de ses ailes. Une alternative serait déjà à l’étude selon les médias. Certaines sources accusent le Brexit après la perte d’appels d’offres dans le spatial. L’enjeu principal : l’allongement des circuits administratifs et douaniers, et la certification des produits. La charge sur les comptes et les plannings serait insupportable si, à chaque traversée de la Manche dans chaque sens, il fallait tout recontrôler, certifier et dédouaner.


Vie des entreprises

5ÈME RÉUNION PLÉNIÈRE DU RÉSEAU DD AED :

UN TRÈS BON CRU !

2 Le cas Le pôle d’expertise de l’AED sur le Développement Durable (DD) et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), réuni en séminaire en juillet dernier sur le site de Dassault Aviation Mérignac, a conclu une année riche en travaux et réflexions.

Commissions Développement Durable Aujourd’hui, les Britanniques réalisent les gouvernes du nouveau missile français MMP et les Français le calculateur du nouveau missile air sol britannique SPEAR 3. MBDA exemple de l’intégration réussie de l’industrie de Défense européenne … on voit mal les États faire machine arrière ; la ministre des Armées, à Bourges le 15 juin dernier, a même cité le futur missile antinavire et de croisière franco-britannique. Le Brexit gênera l’accès au financement européen créé pour les matériels de Défense. Gageons que les contraintes budgétaires et les questions d’autonomie et de souveraineté de nos États imposeront à ces derniers de trouver des solutions permettant à l’industriel de se développer et par la même, sauvegarder nos emplois et nos compétences. Christophe Dumas & Christian Sibuet

Dans un premier temps, nos 18 référents AED ont dressé un bilan des activités Développement Durable dans leurs entreprises au sein des groupes Airbus, Safran, Thalès, Liebherr et Dassault. Le constat est sans appel : là où la CFECGC gère ou cogère les CE, les commissions DD impliquent de plus en plus de salariés et sont un marqueur de différenciation fort. Proches des préoccupations d’un nombre croissant de salariés, elles proposent des conférences et des ateliers sur des sujets aussi variés que le bio, les circuits courts, le Zéro Déchet, la finance verte, la fabrication de produits ménagers ou encore la voiture électrique.

En bref : QVT, RSE et CSE

Ensuite, 3 thèmes majeurs ont été discutés : la Qualité de vie au Travail (QVT), la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et le Conseil Economique et Social (CSE).

Y Le groupe de travail sur la QVT a présenté une synthèse pour négocier un accord QVT en entreprise. Une fiche de référence et un accord type seront prochainement disponibles pour les sections intéressées. Y François Moreux, délégué confédéral à la RSE et au DD, a présenté la vision de la CFE-CGC. La CFE-CGC est signataire du Pacte Mondial des Nations Unies et doit s’approprier cette démarche à tous ses niveaux pour être partie prenante des démarches RSE dans nos entreprises. Y La mise en place du Conseil Économique et Social (CSE) doit être l’occasion de pérenniser les commissions DD / RSE existantes et d’implanter de nouvelles commissions DD là où elles n’existent pas encore. Préoccupations croissantes des salariés, le DD et la RSE permettent à la CFE-CGC de se différencier. La CFE-CGC montre ainsi qu’elle est acteur du changement et donc de l’avenir. Lidwine KEMPF Responsable du pôle d’expertise AED pour le DD et la RSE

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Dossier

LES NOUVEAUX MONDES, DU FAIRE-ENSEMBLE, DU SAVOIR-FAIRE, DU FAIRE-SAVOIR, DU SAVOIR ET … DU FAIRE ! L’écosystème de nos entreprises évolue, nos entreprises doivent s’adapter. Rien de nouveau, on entend ça depuis des années, voire des décennies, mais depuis l’apparition du PC et d’Internet, la vitesse du changement augmente. Le Big Data et l’Intelligence Artificielle vont encore exacerber les enjeux. ENJEU SOCIOLOGIQUE : motiver toutes les générations ! De nombreuses études sociologiques présentent les différentes attentes ou les modes de travail des générations qui composent les forces vives de notre entreprise. Trois observations à la lecture de ce tableau : YY une multiplicité des générations : 4 générations cohabitent, alors qu’on avait précédemment une représentation en débutants, confirmés et anciens ;

BABY-BOOMERS 1946-1964

GÉNÉRATION X 1965-1980

GÉNÉRATION Y 1981-1990

GÉNÉRATION Z > 1990

COMPORTEMENTS

Défier les règles

Changer les règles

Créer les règles

Personnaliser les règles

ASPIRATIONS

Sécurité de l’emploi Rémunération

Équilibre vie privée / vie pro

Liberté Flexibilité

Autonomie Stabilité

ATTENTES EN TANT QUE CONSOMMATEURS

Accessibilité des produits

Qualité des produits

Personalisation des produits

Innovation des produits

ORGANISATION DE L’ENTREPRISE

Hiérarchique Com. descendante

Hiérarchique Com. transversale

Intelligence collective

Intuitive

PRÉFÉRENCE DE MANAGEMENT

Directif

Participatif

Collaboratif

Éclairé

PRÉFÉRENCE DE COMMUNICATION

Face à Face, Téléphone, E-mail

SMS E-mail

Réseaux sociaux SMS

Appels video Tablette

VISION DU CHANGEMENT

Prudence

Possibilité

Amélioration

Attendu

YY la répartition précédente en 3 générations était fondée sur l’expérience et son corollaire, la transmission du savoir des anciens vers les plus jeunes. La révolution Internet et celle de l’Intelligence Artificielle qui vient tendent à inverser ce flux. Le savoir part aussi des jeunes vers les anciens, croisement des savoirs alors, conflits ou échanges ?

YY les générations durent de 18 ans pour les baby-boomers à 9 ans pour la génération Y, voire moins pour la génération Z. Donc, ça va changer encore plus vite !

ENJEU ORGANISATIONNEL : mieux travailler ensemble ! Nous disons mieux travailler, nous ne disons pas travailler plus. YY OUI, les entreprises évoluent dans ce sens, aucune n’y échappe. YY OUI, ce mouvement sociologique remet en cause les équilibres en place et le corps social a du mal à les digérer. YY La difficulté réside dans des FREINS qui sont multiples et largement partagés. YY CÔTÉ DIRECTIONS, une partie des cadres dirigeants, majoritairement « baby-boomers » ou « génération X », sont tentés de conserver leur pouvoir de contrôle, via l’information et les lignes hiérarchiques pyramidales.

YY CÔTÉ SYNDICATS, certains peuvent croire détenir leur pouvoir de l’ordre établi et vouloir que les salariés aient des horaires définis et contrôlables à la minute près pour mieux en contrôler le respect et saisir éventuellement l’Inspection du Travail.

En conclusion, il faut passer de 4 générations qui cohabitent à 4 générations qui collaborent ! Et se préparer à faire collaborer 6 générations dans moins de 10 ans !

YY Mais direction et syndicats immobilistes se trompent. Face à ces évolutions, côté CFE-CGC, nous sommes prêts à nous remettre en cause afin d’accompagner ces mutations, quand elles correspondent à la volonté des salariés et se font dans l’intérêt des salariés.

Bibliographie

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Arnold Toynbee : L’Histoire, traduction de The Study of History trad. en français par J. Potin et P. Buisseret, Paris-Bruxelles, Elsevier Séquoia, 1978 (préface de Raymond Aron). Michael Porter : The Five Competitive Forces That Shape Strategy, de, Harvard Business Review, janvier 2018. Joseph Schumpeter : Histoire de l’analyse économique traduction de (History of Economic Analysis), publié après sa mort en 1954, (préface de Raymond Barre). Ashlee Vance : Elon Musk, Tesla, PayPal, SpaceX : l’entrepreneur qui va changer le monde, Paris, Eyrolles, février 2016. Valérie Trierweiler : Merci pour ce moment, Joke and Chicot, 4 septembre 2014.


Dossier ENJEU TECHNICO-MÉDIATIQUE : survivre aux nouveaux entrants ! Les nouveaux entrants et les produits de substitution théorisés par Michael Porter sont une réalité : Tesla voiture électrique, Space X lanceur réutilisable ... C’est d’autant plus important que Space X innove aussi dans le domaine de la communication institutionnelle, en adoptant des postures pour le moins non institutionnelles. L’explosion de la fusée Falcon9, en septembre 2016, a été suivie d’une fuite orchestrée sur l’enquête avec appels à témoignage aux internautes afin de créer un énorme élan de « Techno-démocratie » directe où l’élève d’un campus de Virginie a le même crédit que l’expert de la NASA. De même, la mise en orbite d’un cabriolet Tesla a été un coup de maître médiatique d’impact mondial. Le savoir-faire ne suffit plus, maintenant il faut maîtriser le faire-savoir. ENJEU SOCIAL : s’adapter aux nouveaux entrants de l’intérieur Dans ce contexte protéiforme et hyper médiatisé, les dirigeants de nos grands Groupes prennent bien conscience que la flexibilité des nouveaux entrants, de type GAFA, Google, Apple, Facebook, Amazon, est l’un des facteurs les plus déterminants de leurs succès. En réaction, ou par mimétisme, ces grands groupes utilisent trois leviers : Y soit ils investissent dans des start-ups, futurs nouveaux entrants novateurs ; Y soit ils créent leur propre structure allégée, type Phantom Works de Boeing ou Skunk Works de Lockheed Martin ; Y soit ils développent du crowdsourcing. Les start ups et les centres d’innovation Pour ces deux types de structures, nous sommes confrontés à des modèles et à des dirigeants disruptifs, en véritable rupture avec le passé et qui mènent leurs entreprises grâce à un processus schumpetérien de destruction / création. Conséquence, sur le plan social, le prix à payer peut être très élevé. Les bureaux d’études seront-ils condamnés à rectifier les erreurs de conception de leurs jeunes et bouillonnants collègues cantonnés dans leurs univers virtuel de création numérique, ou seront-ils

condamnés, tout court, au suivi de modifications et de liasses, tâches à peu de valeur ajoutée ? Pour la CFE-CGC, très présente dans les directions techniques, l’enjeu et les inquiétudes sont énormes. D’autant plus que le phénomène s’accélère et mute encore, en vertu de son principe de destruction/création, vers le crowdsourcing. Le crowdsourcing : les nouveaux entrants de l’intérieur Le crowdsourcing est une démarche d’innovation participative qui consiste à faire appel à l’intelligence, à la créativité, aux connaissances ou aux données d’un grand nombre de personnes dans le but de faire émerger de nouvelles idées, de consolider des connaissances ou encore de proposer de nouveaux services et donc d’améliorer la satisfaction de nos clients. Si de plus cette défi nition, lue dans la communication d’un grand groupe français, est validée par la sacro-sainte satisfaction du client, le crowdsourcing est la source de tous les bienfaits. Côté CFE-CGC, la démarche interpelle. Si on fait appel à la création par des salariés ou des extérieurs, comment rémunère-t-on ces personnes pour leur travail ? Par concours, internes et externes, nouveaux modèles de « techno-démocratie directe ».

ENJEU SOCIÉTAL : promouvoir l’avenir du salariat Plus largement, ces modes d’expression et de développement de la création remettent en question le statut du salariat en entreprise. En effet, pourquoi entretenir des cohortes d’ingénieurs et techniciens si le savoir est accessible directement via un concours sur Internet ? Voilà nos employeurs et nos DRH à l’aube d’une « révogression » sociale, qui d’éleveurs/cultivateurs va les transformer en chasseurs/cueilleurs, la révolution destructrice va les transporter du néolithique au … paléolithique et … nous transporter aussi ! À terme, les salariés, soumis à la compétition des « nouveaux entrants » seront-ils les « nouveaux sortants » de notre secteur ? On peut comprendre que ces questions préoccupent la CFE-CGC AED au plus haut point. Mais, soyons optimistes, se poser ces questions, les ordonner, les publier, c’est permettre de trouver individuellement et collectivement des réponses, d’anticiper et de ne pas subir l’avenir !

Didier JOUANCHICOT Secrétaire général adjoint CFE-CGC AED

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C’est dans l’air

Envie d’avoir envie

Voilà presque vingt ans que le troisième millénaire a commencé et on peut dire que notre monde est sens dessus dessous. Les entreprises n’en finissent plus d’être bouleversées, notamment par la digitalisation, après les années mondialisation. Les grandes nations elles-mêmes sont déboussolées, la première d’entre elles semblant plus être gouvernée au travers d’un réseau social que via ses institutions. Le monde change et pose à chacune et chacun une lourde question : être ou ne pas être acteur du changement ? Encore qu’on parle du changement comme s’il n’y en avait qu’un ou comme s’il ne revêtait qu’une seule forme, compréhensible facilement. Mais nous avons bien entendu à faire à un processus multiforme, qui peut dans certains domaines nous plaire, dans d’autres nous angoisser. Il paraît que notre pays est l’objet de fractures. L’on objectera que la fracture sociale, ce n’est pas nouveau. Mais vingt ans après la dénonciation de celle-ci, nous pouvons penser vivre dans un pays souffrant de la maladie des os de verre : fracture numérique, France des villes contre France des champs, jeunes versus séniors, CDD contre CDI, faut-il en rajouter ? En fait, ces fractures ne sont que l’effet destructeur des changements.

BREF

AÉRO ÉRO 8

Elles séparent ceux qui suivent de ceux qui ne suivent pas. Manager le changement n’est pas une mince affaire. Dans nos entreprises, l’encadrement enchaîne souvent les formations en la matière, mais il n’y a pas de méthode miracle. Ça se saurait. Le mot clef réside peut-être dans un concept très subtil : susciter l’envie. En fin de compte, une start-up c’est quoi ? C’est un petit groupe de personnes, voire un individu tout seul, qui a une idée et qui veut la faire aboutir. C’est une question d’envie. Mais plus prosaïquement, une famille qui décide de jouer la carte de la mobilité, un salarié qui décide de changer de métier, même un voisin de bureau qui décide de se syndiquer, chacun peut agir en fonction d’un champ de contraintes qui lui est propre, et dont il cherche l’issue avec une dose aussi importante que possible d’envie. Le général G. Patton (1885 – 1945) comparait un groupe d’hommes à un spaghetti cuit : si le chef est derrière et pousse, on visualise bien le résultat. Le chef, selon lui, doit se trouver devant et créer au sein de son équipe l’envie de le suivre. Mais ce modèle d’équipe a été mis à mal ces dernières décennies par l’organisation matricielle. Conçue au départ pour partager les responsabilités, elle a fini par les

Juillet/août 2018 • n°371 Directeur de la publication : Ludovic Andrevon Ont participé à la rédaction : C.Dumas, C.Sibuet, L.Kempf, D. Jouanchicot Crédits photos : © Airbus, © Tesla, © MBDA, © Adobe Stock Bref Aéro est une publication bimestrielle de la CFE-CGC AED 10-12 avenue de la Marne - 92120 Montrouge - contact@snctaa.fr Rédaction, conception, réalisation : Agence L’œil et la plume www.loeiletlaplume.com Impression : Imprimerie La Centrale de Lens Dépôt légal : août 2018 - ISNN : 0293-8251 - CPPAP : 0114S 08080

diluer, sans limiter pour autant l’individualisme. « Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas », voilà une amère sentence que l’on entend très souvent de la part d’équipiers dépités qui constatent que l’art de tirer à soi la couverture a pris le pas sur la compétence intrinsèque. Moyennant quoi, le changement dans l’entreprise, on nous dit que c’est tout le temps, mais nous, CFE-CGC, nous observons surtout qu’il ne va pas de soi. Et malheureusement, nous observons que les dinosaures industriels ont beau vouloir endosser la peau de start-up, dans le meilleur des cas, elles en ont l’air, mais elles en ont rarement les performances. Envie d’avoir envie, dit la chanson. Elles sont loin, ces envies, de nous arriver de la part de managers bridés par le tout financier et le court terme. Du coup, la construction d’une approche positive des changements collectifs auxquels nous devons faire face, cette construction n’existe pas non plus. Il ne faudra s’étonner de rien si on continue à laisser faire l’individualisme. Quels créateurs de liens reste-il de nos jours ? Les salariés syndiqués, bien sûr !

Christophe Dumas Secrétaire général CFE-CGC AED


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