Bref Aéro 366- Septembre/octobre 2017

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BREF Septembre/octobre 2017 • N° 366

AÉRO

ÉDITO

CAPITAL HUMAIN VERSUS MASSE SALARIALE

Ce fut la rentrée des classes. Ce fut presque la rentrée de la lutte des classes. Le code du Travail est « assoupli », les organisations syndicales voient, en théorie, leur champ d’action limité. Comme quoi, en théorie, tout ne va pas toujours si bien. Mais ce qui intéresse votre syndicat, c’est de passer désormais de la théorie à la pratique, car la pratique, c’est ce qui se passe dans nos entreprises. La structure de représentation des salariés évolue ? La CFE-CGC AED évoluera ! Si le code du Travail évolue, les modes de gouvernance des entreprises doivent évoluer aussi. Les salariés n’existent pas sans l’entreprise. Mais l’inverse est tout aussi vrai…

Sommaire Actualités

Élections et représentativité

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Nouvelles désignations

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Le mot de la prévoyance

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Le mot de la santé

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Vie des entreprises Cession financière et gestion sociale : un équilibre difficile à atteindre

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Safran Engineering Service: la CFE-CGC signe un accord d’adaptation et de performance

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Vector Aerospace France va quitter le groupe Airbus

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Dassault-Aviation met en place un plan de transformation

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ArianeGroup : signature d’un accord de télétravail

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Dossier Défense et aéronautique: le juteux marché australien

C’est dans l’air La grande illusion

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La CFE-CGC AED a chevillée au corps une valeur fondamentale qu’aucune évolution ne nous retirera : la conviction que les salariés ne sont pas un coût pour l’entreprise. Nous ne pouvons pas être réduits à une simple masse salariale. Nous sommes les actionnaires de notre entreprise dans le sens où nous en représentons le capital humain. Soit ! Le code du Travail a évolué. Cela n’enlève rien à notre détermination à défendre l’équilibre dans l’entreprise entre capital humain et capital financier. Cela ne nous empêche pas de déjà préparer les futures réformes annoncées sur l’UNEDIC, la formation professionnelle et les retraites. Ces négociations se dérouleront au niveau national. Cela ne nous empêchera pas de préparer le virage que nos entreprises devront prendre par choix ou par obligation pour cause de nouvelle révolution industrielle et de nouvelle révolution managériale. Le numérique arrive et va changer beaucoup de choses dans notre environnement. Il permet la simultanéité de certaines tâches, et leur distribution plus rapide à un nombre élevé de partenaires. L’évolution du rapport au temps et à la hiérarchie nécessitera que la fonction RH soit aux aguets afin d’être en mesure d’anticiper et d’accompagner ces bouleversements. La CFE-CGC AED sera aux aguets également. L’importance du sujet est telle qu’il serait irresponsable de notre part de le laisser à la seule responsabilité des RH. Comment pourrait-on imaginer une seconde que cela n’influencera pas fortement les emplois, les compétences, la formation ? Tiens, la formation, parlons-en, justement. L’arrivée massive du e-learning, sorte de Khan Academy* adaptée au monde de l’entreprise, va rapidement poser des questions. Comme par exemple l’imbrication avec nos plans formation, ou encore la formation pendant ou en dehors du temps de travail ? La philosophie du e-learning réside dans le partage des savoirs accessibles à tous. Tout ce que l’on veut apprendre, s’apprend ! Ces sujets seront débattus, négociés dans l’entreprise. Encore plus qu’auparavant. Cela va renforcer le rôle de vos sections d’entreprise. Il leur faudra de l’énergie. Il leur faudra des têtes pour réfléchir, des jambes pour avancer et des bras pour porter vos revendications. Ces têtes, ces bras, ces jambes, ce sont vous… ainsi que les salariés non syndiqués qui nous rejoindront parce que c’est dans l’entreprise que tout se passe. Il va falloir chausser les baskets… et faire un double nœud !

POUR VOUS AVEC VOUS

PARTOUT

*Khan Academy : cours vidéo gratuits de mathématiques, physique et chimie (de la 6ème à la Terminale) sur Youtube

Ludovic ANDREVON Président de la CFE-CGC AED


Actualités ÉLECTIONS ET REPRÉSENTATIVITÉ Chez Matra Electronic à Compiègne, la CFE-CGC passe de 18 % à 33 % de représentativité. Très belle performance de Luc Pivardière et de ses équipes. Chez Safran Helicopter Engines (ex Turbomeca), la CFE-CGC passe de 32 % à 35 % et devient la 1ère organisation syndicale devant la CGT qui perd la première place, passant de 37 % à 33 % de représentativité. Le travail et les valeurs portés par l’équipe CFECGC, animée par Fernande Oliveira et Didier Jouanchicot, ont été reconnus par les salariés.

n°6 LE MOT DE LA PRÉVOYANCE :

La rente au conjoint (marié ou pacsé) survivant Certains contrats de prévoyance proposent le versement d’une rente au conjoint (marié ou pacsé) survivant en cas de décès de l’assuré. C’est un plus qu’il faut manier avec anticipation. Dans la plupart des contrats, le choix effectué sera respecté même si le conjoint et l’assuré n’ont plus de vie commune et qu’en plus vous avez un enfant issu du nouveau couple au jour du décès. Si vous avez un changement réel de situation familiale, comme des enfants de mère ou de père différents, contactez votre interlocuteur prévoyance afin de mettre par écrit vos souhaits en cas de décès.

QUELLES ÉLECTIONS D’ICI LA FIN D’ANNÉE ?

Un certain nombre des élections professionnelles prévues d’ici la fin de l’année courent le risque d’être reportées dans l’attente de la publication des décrets issus des « ordonnances Macron ». Celles-ci stipulent en outre que toutes les entreprises devront passer sous le nouveau mode de représentation du personnel d’ici fin 2019. Ce qui implique que des élections, qui auraient dû avoir lieu au-delà de cette date, risquent d’être avancées.

Patrick FRODEFOND Expert CFE-CGC AED Protection sociale

n°6 LE MOT DE LA SANTÉ :

Ne prêtez pas attention qu’au prix

Nous vous invitons à vous rapprocher de votre section syndicale pour connaître avec précision la situation de votre site, dès lors que les décrets seront parus. Christophe DUMAS Secrétaire général CFE-CGC AED

NOUVELLES DÉSIGNATIONS

THALES ALENIA SPACE : Béatrice Campana a été désignée déléguée syndicale centrale référente en remplacement de Max Soler. Xavier Picault est désigné délégué syndical central, il remplace Béatrice Campana. LATÉCOÈRE : Ahmed EL Ziani est désigné membre suppléant (3ème collège) au Comité de Groupe, il remplace Benoit Froidure. Eric Deshayes est désigné membre titulaire (3ème collège) au Comité de Groupe en remplacement d’Alain Cros.

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Le coût d’une complémentaire santé individuelle varie selon les garanties et le profil du souscripteur (âge, sexe, département de résidence, régime social, etc.). Généralement, un contrat au prix modeste sera moins généreux en matière de remboursements qu’un contrat plus onéreux. La prise en charge d’une chambre individuelle en cas d’hospitalisation ou le remboursement de dépassements d’honoraires sont des exemples de garanties que l’on ne retrouve généralement pas pour les contrats les moins chers du marché.

Les frais de santé d’un senior ou d’un couple de seniors peuvent être élevés. Il convient donc de veiller à être bien remboursé de vos dépenses et de trouver le bon compromis, le cas échéant. Souscrire un contrat uniquement parce qu’il est le moins cher serait une erreur.

Patrick FRODEFOND Expert CFE-CGC AED Protection sociale


Vie des entreprises

CESSION FINANCIÈRE ET GESTION SOCIALE :

un équilibre difficile à atteindre

SAFRAN ENGINEERING SERVICE :

LA CFE-CGC SIGNE UN ACCORD D’ADAPTATION ET DE PERFORMANCE

Après plusieurs mois de mouvements sociaux afin d’éviter leur sortie du groupe Safran et la vente de leurs activités en France à des discounters de la prestation de bureau d’études, les élus CFE-CGC de Safran Engineering Services (SES) ont arraché la négociation d’un accord d’adaptation et de performance à la Direction de Safran.

Il n’aura malheureusement pas été nécessaire d’attendre les ordonnances « Macron » pour observer des mises en vente d’entreprise assez lamentables. C’est d’abord la filiale d’Airbus SLC (Secure Land Communications) qui a fait les frais de la revue de portefeuille de sa maison-mère. Elle a été mise en vente il y a bientôt trois ans, sans succès puisque le repreneur un temps pressenti a lui-même été … racheté. Ce qui, soit dit en passant, déclenche en ce moment un plan social chez le nouvel ensemble. Au bout d’un certain nombre de péripéties – qui ont traumatisé le personnel comme on peut l’imaginer – SLC est vendue partiellement, sa branche américaine ayant trouvé repreneur. La branche européenne attendra. Et pendant ce temps, le marché redevient porteur … Parlons ensuite de Safran Engineering Services (SES), mise en vente au printemps par son groupe. Après de nombreuses actions tant externes (manifestations, notamment soutenues par les sections CFE-CGC du groupe Safran) qu’internes, la DG du groupe est revenue à la table des négociations. Elle a finalement décidé de ne plus vendre SES, en échange de quoi les IRP ont accepté un plan de réduction des coûts passant notamment par une réduction du nombre de jours de RTT et des taux des primes d’atteinte des objectifs. Mais finalement, le personnel voulait rester Safran et il va le rester … du moins pour l’instant. Saluons l’action courageuse et opiniâtre de la CFE-CGC de SES dans cette affaire. Ces deux exemples montrent combien il

est facile même dans des grands groupes, de soumettre le personnel à de fortes pressions qui l’amènent à négocier des aspects sociaux qu’on juge souvent inamovibles quand tout va bien. Au niveau individuel, soulignons les traumatismes vécus par nombre d’anciens qui année après année ont construit une relation quasi conjugale avec leur entreprise : en pareil cas, une mise en vente est vécue quasiment comme un divorce. Les générations Y, qui gardent un certain détachement à l’égard de leur employeur, savent se protéger contre ce choc. Enfin, nous ne pouvons pas passer sous silence les fusions comme ArianeGroup ou des cessions comme Vector ou CIMPA : suscitant des renégociations des statuts sociaux, elles peuvent conduire à une réduction – réelle ou apparente – des avantages acquis. Cependant, le législateur a donné aux partenaires sociaux le temps de la négociation. Fusion, vente, deux cas de figure de la vie d’une entreprise dans lesquels la défense des intérêts des salariés repose sur des partenaires sociaux performants. La CFE-CGC en fait partie. Au travers des exemples ci-dessus provenant d’Airbus et de Safran, concluons que personne n’est à l’abri … N’hésitez pas à en parler autour de vous et à contribuer à rendre la CFE-CGC plus forte, ça peut servir !

Christophe DUMAS Secrétaire général CFE-CGC AED

Après une concertation au sprint (moins d’une semaine) sur les différents sites du Groupe pour expliquer et recueillir l’aval des salariés de SES sur les accords négociés, 60 % des salariés ont été consultés, donnant 896 avis pour l’accord Safran, soit 84,6 % des exprimés. Une délégation des 3 organisations syndicales représentatives de SES (CFE-CGC, FO et CGT), menée par notre délégué syndical central, Serge Cumerlato, s’est retrouvée le 26 juillet 2017 pour la signature de l’accord négocié. Celui-ci concerne, entre autres :  le gel des salaires 2018 et 2019 et 1 % de budget en 2020 ;  un découplage de l’intéressement, qui n’est plus lié aux résultats de la maison- mère, mais aux seuls résultats de SES ;  l’adaptation et de performance (mobilité, aide à la création, transmission de savoir…). Cette signature aura permis le maintien des effectifs de SES au sein du groupe Safran et de préserver l’essentiel de leurs acquis sociaux, mais aussi pour Safran de conserver un savoir-faire inestimable acquis par les salariés de SES dans le monde de l’aéronautique. La CFE-CGC du groupe Safran tient à remercier l’ensemble des salariés du Groupe pour la solidarité dont ils ont fait preuve pour accompagner SES dans ces moments difficiles et permettre ce résultat.

Daniel VERDY Coordinateur CFE-CGC Groupe Safran

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Vie des entreprises

VECTOR AEROSPACE FRANCE va quitter le groupe AIRBUS Vector Aerospace est une entreprise spécialisée dans la maintenance des moteurs (aviation régionale), des ensembles mécaniques hélicoptères et des accessoires au sein du groupe Airbus. Aujourd’hui, 160 personnes sont employées sur le site de Gonesse, dans le Val d’Oise. Il s’agit de la filiale française du groupe Canadien, Vector Aerospace, achetée en 2011 par Airbus Helicopters. À l’époque, Airbus voulait développer son offre de services et de maintenance. La filiale française Vector a donc été intégrée dans ce nouvel ensemble. En 2017, la société fête ses 71 ans d’existence, elle a toujours été rattachée de près ou de loin à un groupe Français ou Européen (Aerospatiale, EADS, AIRBUS). En 2014, un plan social a réduit les effectifs de 30 % avec un objectif de se recentrer sur les produits rentables. Depuis 2015, la société est redevenue bénéficiaire. Les salariés de Vector Aerospace France qui ont un savoir-faire reconnu,

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ont montré dans le passé qu’ils pouvaient s’adapter pour assurer la continuité du site. Airbus Helicopters qui souhaite se recentrer sur les produits « Hélicoptères » a décidé de remettre en vente le Groupe Vector (2 300 personnes), en 2016. Nous arrivons au bout du processus de vente. Le repreneur, connu aujourd’hui, est un groupe Américain, StandardAero (4 300 salariés), soutenu par un fond d’investissement Américain, Veritas Capital. Ce groupe est aussi spécialisé sur la maintenance des moteurs et des hélicoptères avec une large gamme de licences moteurs. La vente devrait se concrétiser avant la fin de l’année.

Bruno PELLETIER Délégué syndical CFE-CGC Vector Aerospace

L’avis de la CFE-CGC sur cette vente Nous regrettons les stratégies du passé qui ont amené à réduire fortement le portefeuille « produits » et les effectifs de la société. Néanmoins, nous avons obtenu une information selon laquelle le nouvel acquéreur voulait développer sa présence et son activité en Europe et en Asie. C’est une bonne chose pour notre site en France. Si l’activité est au rendez-vous, nous savons que la rentabilité va suivre. Par contre, il sera très important de garantir l’activité et même de développer celleci par l’intégration de nouveaux produits. Espérons que ce nouvel épisode va nous permettre de continuer à exister, à garantir l’emploi sur notre site, sans remettre en cause profondément nos accords sociaux.


Vie des entreprises

Dassault-Aviation

MET EN PLACE UN PLAN DE TRANSFORMATION :

PILOTER NOTRE AVENIR Il n’y a pas que le nouveau gouvernement qui se lance dans la « transformation ». À l’instar de nombreuses entreprises (Airbus, Latécoère, AIRFRANCE ...), Dassault-Aviation lance son propre plan de transformation, dont l’objectif est de gagner en compétitivité. Ce plan de transformation comprend plusieurs axes, dont : le renforcement de la culture d’entreprise et le recentrage sur les métiers de base ; l’extension de l’entreprise numérique ; la spécialisation des usines ; le rapprochement de certaines directions centrales des avions, et donc leur transfert partiel à Mérignac. La spécialisation des usines entraine des transferts d’activité : la réalisation des pièces primaires en métal sera recentrée sur Seclin (près de Lille). Les activités de chaudronnerie correspondantes quitteront Argenteuil. L’ensemble des aérostructures de produits « plats » (voilure, dérives, gouvernes) seront centralisées à Martignas (près de Bordeaux), la couture des fuselages (FALCON, RAFALE) est rassemblée à Biarritz, l’activité très pointue de pyrotechnie est transférée de Poitiers à Mérignac/Martignas, enfin, le développement de la fabrication additive sera localisé sur le site d’Argonay, spécialisé dans les commandes de vol.

 dans le domaine des études/conception, cela concerne :

 dans le domaine du support civil et militaire, cela impacte certains départements, notamment ceux en relation avec la SIMMAD étatique, logée dans la Base Aérienne de Mérignac. Pour abriter les salariés transférés, un nouveau bâtiment sera construit à Mérignac d’ici 2020. Le VOLET SOCIAL de la transformation est basé sur les principes suivants : pas de fermeture de sites, pas de licenciements, et toutes les mobilités seront basées sur le volontariat. La CFE-CGC a négocié un « package » mobilité afin de prendre en compte / compenser les frais et les contraintes engendrés par les déménagements des salariés concernés. Le personnel qui ne désire pas suivre son activité sera reclassé sur son site d’origine. La CFE-CGC veillera particulièrement à ce que les engagements de la Direction soient respectés et que, notamment, il n’y ait pas de « volontaires désignés ».

Afin de situer certaines fonctions centrales au plus près des avions, des activités seront déplacées de St-Cloud à Mérignac, lorsque cela amène de l’efficacité :

Bernard MATHIEU Délégué syndical central Dassault-Aviation

 les bureaux d’études sur avions en service ;  les laboratoires d’essais ;  le Centre de Développement Exploratoire ;

ARIANEGROUP : SIGNATURE D’UN ACCORD DE TÉLÉTRAVAIL L’accord Télétravail a été signé à l’unanimité des organisations syndicales et la CFE-CGC s’en félicite. Il n’est certes pas parfait, mais il contient la plupart des revendications portées par la CFE-CGC. Ces revendications ont été construites via un important benchmark et des réunions d’adhérents que la section CFE-CGC a élargies à des collègues intéressés par le sujet : nous remercions nos adhérents et nos sympathisants de leur contribution. La même méthode sera appliquée pour les dossiers dont la négociation s’ouvre dans les prochaines semaines : l’égalité professionnelle hommes/femmes ; la Qualité

de Vie au Travail (QVT) ; le droit à la Déconnexion. Un accord à durée indéterminée : cet accord Télétravail, signé pour une durée indéterminée, est le premier accord « 100 % ArianeGroup » de notre socle social commun. C’est une brique modeste, mais c’est la première et cela doit être salué. Vaincre les ‘résistances’ : il s’agit maintenant de déployer cet accord dans tous les établissements de la société au gré des demandes des salariés ; les représentants CFE-CGC combattront toutes les ‘résistances’ au Télétravail infondées, et il y en aura ! Alors, n’hé-

sitez pas à transmettre cet accord à vos collègues, la CFE-CGC sera à leurs côtés pour faire positivement aboutir leur demande de Télétravail ! Pour en savoir plus, suivez-nous sur les réseaux sociaux : • Twitter : @CfeCgcAriane • Facebook : @cfecgcasl et sur notre site internet : • www.cfecgc-arianegroup.org

Philippe GÉRY Délégué syndical central CFE-CGC ArianeGroup

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Dossier

DÉFENSE ET AÉRONAUTIQUE :

le juteux marché australien À 15 000 kilomètres à vol d’oiseau de la France, l’Australie est en passe de devenir un nouvel eldorado pour les entreprises aéronautiques et de défense françaises. Le Commonwealth d’Australie, grand comme quatorze fois la France, peuplé de 24 millions d’habitants, est désormais la douzième économie mondiale selon le classement du FMI. Les relations économiques de la France avec l’Australie sont dans une phase ascendante. La plupart des grandes entreprises françaises sont présentes en Australie, employant plus de 60 000 Australiens, pour un chiffre d’affaires de près de 20 milliards d’euros. Une économie en croissance constante depuis 1991 Malgré l’effet de la crise financière de 2008 sur les finances publiques, le pays est un des derniers dont la dette est notée AAA par toutes les agences. Les forces traditionnelles de l’économie australienne sont ses ressources primaires très abondantes et variées (fer, charbon, gaz, pétrole, uranium, or, cuivre, terres rares) et une agriculture productive et tournée vers l’exportation. L’économie australienne connait une croissance ininterrompue depuis 1991 (record de l’OCDE), d’abord tirée par le commerce de ses richesses minérales avec ses partenaires asiatiques. L’Australie est traditionnellement un pays fortement exportateur et libre-échangiste. Elle est particulièrement active au sein de l’OMC, tout en déployant une stratégie de conclusion d’accords de libre-échange, régionaux et bilatéraux avec ses principaux partenaires. Après avoir signé ces ALE avec ses grands clients asiatiques (Chine, Japon, Corée du Sud, ASEAN) et le Partenariat Trans pacifique, le prochain objectif australien est la conclusion d’un

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ALE avec l’Union européenne, deuxième partenaire commercial de l’Australie. Les travaux préparatoires à l’ouverture d’une telle négociation (scoping exercise) se sont conclus début 2017. La relation commerciale entre l’Australie et la France est relativement peu développée, mais structurellement très favorable à la France, le solde positif atteignant 1,4 milliard d’euros en 2016, avec des exportations françaises représentant plus de deux fois et demi le flux d’importations depuis l’Australie. Un État acteur de stabilité en Océanie Du fait de sa situation géographique, l’Australie est très impliquée dans son rôle de stabilisateur en Océanie, où ses voisins chaotiques, Corée du Nord et Philippines, sont sous les feux des observateurs internationaux. L’Australie affiche une très forte volonté d’être un acteur de Paix dans cette partie du monde. Alignée sur les positions géostratégiques des États-Unis, l’armée Australienne est présente sur tous les fronts où sont engagés les Américains : Afghanistan, Asie du Sud-Est. Ce point de vue géopolitique se traduit par la décision d’équiper son armée en matériel militaire très performant. L’Australie est devenue ainsi le 6ème importateur mondial d’armement en 2014, selon le cabinet IHS, seulement devancé par l’Arabie Saoudite, l’Inde, la Chine, les Émirats Arabes Unis et Taiwan. Selon le think-tank suédois Sipri, les acquisitions australiennes de matériel militaire ont augmenté de 65 % entre 2010 et 2014. « Malgré le ralentissement de l’économie australienne, nous prévoyons des importations d’armements encore en hausse en 2015, à 2,5 milliards de dollars », indiquait Ben Moores, analyste senior chez IHS Jane’s, en 2014.

De quoi imposer le pays dans le cercle fermé des grandes puissances militaires: Canberra affiche le 11ème budget militaire mondial (33 milliards de dollars), devançant ainsi des pays comme l’Italie ou le Canada. Un marché ouvert aux entreprises Françaises Malgré son alignement sur les États-Unis, l’Australie demeure très indépendante quant à ses équipements de Défense, l’État n’hésite pas à se démarquer et se tourner vers l’Europe pour leurs achats et maintenance. Si les groupes américains gardent la haute main sur une bonne partie de ce juteux marché (chasseurs F-35, avions de transport C-17, drones de surveillance MQ-4C Triton…), la France n’est pas en reste. Ainsi, Thales a frappé un grand coup sur le gigantesque marché militaire australien en décrochant, en octobre 2015, un contrat pour 1 100 véhicules Hawkei, des 4X4 blindés de sept tonnes produits sur place. Le géant français de l’électronique et de la défense est un peu chez lui en Australie: il avait pris le contrôle, en 2006, de l’industriel ADI, champion local de l’armement terrestre et naval. Le groupe est désormais intégré dans la filiale australienne de Thales (3 700 salariés, 630 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014), qui est un des plus gros fournisseurs des forces armées, avec une gamme qui s’étend du fusil d’assaut F88 aux torpilles et systèmes de déminage. En 2016, c’est un autre marché important que la France a remporté (face aux allemands et japonais) : la vente de 12 sous-marins conventionnels par Naval Group (ex DCNS), le « contrat du siècle » pour un montant de 30 milliards d’euros. En dehors de ces contrats récents, les


Dossier grands groupes aéronautiques et de défense sont présents depuis de très nombreuses années en Australie. Safran, installé sur le territoire depuis près de 40 ans, fournit de très nombreux équipements à l’aviation civile et militaire : moteurs d’avions, turbines d’hélicoptères, trains d’atterrissages, systèmes d’optronique, systèmes de surveillance, etc. Aujourd’hui, près de 200 collaborateurs du Groupe Safran développent des produits et solutions de haute technologie, notamment pour les forces de police, les gouvernements fédéraux, l’État Australien et les compagnies aériennes. Installé depuis 1981 dans la région, le Groupe Airbus est également un acteur industriel impliqué, via sa filiale dans le Pacifique Sud. Avec plus de 1 700 collaborateurs dans 19 sites à travers l’Australie et la Nouvelle-Zélande, Airbus Group Australia Pacific a accès à la solidité financière et à l’expertise d’Airbus Helicopters et du Groupe Airbus. En 2015, l’armée de l’air australienne a acquis 2 A330 MRTT en plus des 5 déjà commandés, il s’agit d’appareils A330-200 qui ont appartenu à Qantas Airways, la compagnie aérienne australienne, et qui seront transformés par Airbus Defense and Space. Ces appareils servent autant au ravitaillement en vol qu’au transport de personnel ou de fret. L’armée de terre australienne s’est également équipée d’hélicoptères NH90, et de H135 T2+ auprès du groupe français. Une obligation de fabrication et formation locale Une des clés de ces contrats australiens, en dehors de leurs qualités et performances technologiques, réside dans l’obligation pour les entreprises « victorieuses » de produire les équipements sur le sol australien. Ainsi, tous les grands groupes français ont installé des usines de production et de maintenance en Australie. C’est un enjeu majeur pour le pays : former et employer ses ressortissants dans l’industrie de haute technologie. Le Groupe Safran, bien implanté à Sidney, est un partenaire clé des universités australiennes depuis plusieurs années. Le Groupe a notamment développé des programmes d’apprentissage avec TAFE (Technical and Further Education) en mécanique, logistique et gestion d’entreprise. Safran est également un membre actif de la recherche et du développement en Australie et travaille par exemple avec l’université Monash et Amaero Additive Manufacturing. Cette collaboration a

conduit à la création du premier moteur à réaction au monde imprimé en 3D. Airbus Group n’est pas en reste. Airbus est le plus grand fabricant d’hélicoptères de la région et un acteur majeur d’entretien, de réparation et de révision pour les avions militaires. C’est un employeur majeur en Australie dans le secteur aérospatial. Le Groupe s’est engagé à développer l’industrie locale, notamment pour fabriquer et soutenir des segments cruciaux des programmes Airbus, y compris les composants de structure composite, moteurs, avionique, équipement électronique et pièces mécaniques.

de personnels de ces industries de défense, formés et performants, préférant rejoindre une mine pour quelques mois. Dans ce pays continent, la mobilité est une seconde nature. Gagner beaucoup d’argent sur une courte période, puis profiter de longs temps de repos dans les villes stations balnéaires, est un modèle de conciliation des temps de vie privilégié par ces salariés. Dans ce cadre, le maintien de la qualité et de la performance dans la durée devient un enjeu majeur. Les activités réalisées par les australiens se limitent essentiellement à la fabrication et à la maintenance de

La GPEC : un enjeu majeur pour l’industrie de défense australienne L’industrie de défense bénéficie d’une bonne image : les produits fabriqués, les technologies mises en œuvre, le partenariat entre les universités et les industriels, les conditions de travail sont autant d’atouts que cette industrie met en avant pour attirer de nouveaux talents. Son plus grand défi consiste néanmoins à fidéliser ces salariés. L’acquisition des compétences représente un investissement considérable pour ce pays qui est toujours en phase d’appropriation des technologies nécessaires à la conception et à la fabrication de ces matériels. Le secteur minier, principal concurrent, présente une réelle attractivité en termes de salaires malgré des conditions de travail contraignantes et difficiles. Contraignantes, car les bassins miniers sont en général éloignés des grandes villes. Difficiles, car les travaux d’extraction et de transport représentent un environnement de travail plutôt « rugueux ». Il n’est pas rare de constater la démission

matériels conçus en Europe ou aux USA. Leur incapacité à concevoir des systèmes complexes comme des avions d’armes ou de transport, ou des sous-marins, s’explique essentiellement par cette difficulté à pérenniser les compétences propres aux industries de défense. La disponibilité des matériels : juge de paix des futurs contrats Pour les industriels étrangers implantés via des filiales en Australie et qui assurent la maintenance de leurs propres matériels (avions, hélicoptères), il est primordial de fournir des systèmes opérationnels garantissant un fort taux de disponibilité. De plus, les temps d’immobilisation pour les activités de maintenance doivent être limités au strict nécessaire. Le respect de ces deux critères est le premier obstacle à franchir par les industriels pour espérer pouvoir être retenus dans les futurs appels d’offres qui seront lancés par le gouvernement Australien. Disponibilité des matériels, performance du MCO sont des atouts face à une concurrence américaine particulièrement affûtée.

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C’est dans l’air

LA GRANDE ILLUSION « … L’homme de 36 ans est ensuite remonté dans le hall où il s’est précipité vers un militaire en criant «Allahu Akbar». Le militaire a fait feu à plusieurs reprises, blessant l’individu mortellement. » (La Libre Belgique, 20 juin 2017) Insidieusement, au fil des attentats qui frappent l’Europe occidentale depuis plusieurs années et en particulier depuis celui du Bataclan, nous nous habituons à voir des militaires ou des policiers abattre les terroristes sur les lieux mêmes et au moment même de l’attentat qu’ils commettent. D’un côté, quoi de plus normal ? Abattre l’assassin fait partie d’une réaction d’auto-défense, légitime, presque animale de la Société : le malfaisant doit être éliminé. Il porte en lui toutes les images d’horreur de ceux qui l’ont précédé dans son action mortifère : il va en quelque sorte payer pour ceux d’avant, et ainsi de suite, dans une macabre récurrence dont personne ne peut prédire la fin. D’un autre côté, quoi de plus dissonant dans nos soi-disant démocraties soi-disant modernes ? Le 18 septembre 1981, sous les ors de la République et encore toute auréolée d’une victoire longtemps attendue de sa majorité d’alors, l’Assemblé Nationale française a voté l’abolition de la peine de mort. On en parle encore avec émotion comme d’une victoire majeure de la civilisation sur la barbarie. Trente-six ans après cette grande illusion, de facto, la peine de mort est rétablie pour un certain type de crimes – les crimes terroristes, donc – et qui plus est sans autre jugement que celui du pauvre soldat ou du malheureux policier élevé au rang de bourreau, chargé d’appuyer sur la détente, dans un hall de gare ou une galerie commerciale.

BREF

AÉRO ÉRO 8

Christophe DUMAS Secrétaire général CFE-CGC AED

Que de chemin parcouru en trentesix ans. Mais dans quelle direction ? Et pendant ce temps, quelle réponse peut-on donner aux parents de l’enfant assassiné sauvagement par un criminel « classique », pardonnez l’expression, qui demandent justice ? La question ne s’arrête pas là. Rappelons-nous de la problématique lamentablement non tranchée de la déchéance de nationalité qui aurait été prononcée contre les terroristes français. Certes, cette menace n’aurait rien changé à leur détermination. Mais en empêchant des Français d’en tuer d’autres (devenus « légalement étrangers »), elle aurait occulté plus sûrement un débat sur la peine de mort ou, à tout le moins, sur le sort à donner à d’éventuels prisonniers bien encombrants. Alors pour conserver une apparence de droit, on a considéré que la France est en guerre. Mais en guerre contre qui ? Contre quel État, quelle nation organisée et reconnue ? Pendant ce temps, et dans un silence naturellement assourdissant, la France, par la voix de ses autorités, transmet de temps à autres à certaines officines des listes d’individus qu’il ne gênerait personne de voir empêchés de regagner l’hexagone. Si l’on nous vend régulièrement la résilience des sociétés occidentales face au terrorisme, ne soyons pas naïfs : résilience ne signifie pas immobilisme. La fin justifie les moyens, y compris les moyens de contourner des obstacles juridiques.

ici n’est pas de prendre parti : c’est là l’affaire de chacun en son âme et conscience. Néanmoins, nous ne pouvons pas éluder les questions éthiques que pose la vie d’aujourd’hui. En fin de compte, abattre un terroriste dans le feu de l’action, c’est poser au grand jour la question de la différence entre le droit et la justice : normalement, on ne devrait pas avoir le droit de le faire – et c’est pourquoi des lois d’exception sont mises en place – mais la majorité silencieuse des peuples approuve, car elle voit dans le bras du soldat ou du policier le bras armé de la Justice.

Le sujet de la peine de mort dépasse largement celui de l’action syndicale et notre but

Oui, vraiment, que de chemin parcouru en trente-six ans. Mais pour aller où ?

Septembre/octobre 2017 • n°366 Directeur de la publication : Ludovic Andrevon Ont participé à la rédaction : C.Dumas, P.Frodefond, X. Dahéron, D.Verdy, P. Géry, B. Pelletier, B. Mathieu Crédits photos : © Fotolia, © Paul Slader- Airbus Group Crédits vidéos : L’œil et la plume Bref Aéro est une publication bimestrielle de la CFE-CGC AED 10-12 avenue de la Marne - 92120 Montrouge - contact@snctaa.fr Rédaction, conception, réalisation : Agence L’Œil et la plume www.loeiletlaplume.com Impression : Imprimerie La Centrale de Lens Dépôt légal : octobre 2017 - ISNN : 0293-8251 - CPPAP : 0114S 08080


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