Bref Aéro 354 Septembre/ octobre 2015

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BREF Septembre/octobre 2015 • N° 354

Aéro

édito Marchands de RÊVES ?

Vive la rentrée ! Les rapports s’accumulent sur les bureaux ministériels. Jamais un gouvernement ne s’est penché avec autant d’attention sur le dialogue social et l’Emploi !

Sommaire Actualités Retraites complémentaires, les négociations en cours

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Comité de surveillance des retraites, un rapport 2015 peu optimiste

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Vie des entreprises Vers Ariane 6, à petits pas

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« Airbees », une initiative qui fait le buzz

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Campus Thales Bordeaux : un projet immobilier au service d’orientations stratégiques et l’emploi dans tout ça ?

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Intéressons-nous au rapport Mettling. Il n’est pas surprenant que l’État s’intéresse à la transformation numérique. Les entreprises et la CFE-CGC s’y sont intéressé avant lui. Le congrès de la fédération CFE-CGC de la Métallurgie y était entièrement consacré. Votre syndicat AED s’inscrit pleinement dans ces réflexions. Mais attention : qu’un phénomène de mode soit en train de balayer la planète est certain. Cependant, que des DGRH cherchent à cloner le modèle serait dangereux. Pourquoi ? D’abord, parce que l’économie du numérique est jeune. La plupart des entreprises de ce secteur ont été créées il y a, au maximum, 15 ans. Leurs codes sont donc forcément différents des industries plus traditionnelles. Ensuite, parce que les patrons de ces entreprises incarnent une vision. Lorsque Elon Musk explique que SpaceX réalisera une desserte habitée régulière de Mars à terme, ou que Jeff Bezos (Amazon) développe le concept de « réutilisabilité » des systèmes de transport spatiaux, il faut les croire, parce qu’ils y croient. Dans tous les cas, leurs salariés les croient. Et c’est sans parler de Larry Page et Sergei Brin (Google) qui recherchent l’immortalité. C’est très différent des entreprises industrielles traditionnelles dont la seule vision semblerait bien être de réaliser 10 % de rentabilité opérationnelle.

Dossier Transition numérique des entreprises, vers quel modèle d’entreprise ?

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Concrètement dans nos entreprises…

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C’est dans l’air Et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne

Jugez plutôt : les décrets de la loi Rebsamen, relative au Dialogue Social et à l’Emploi, ne sont pas encore sortis, que déjà, un rapport sur la négociation collective, le travail et l’Emploi (rapport Combrexelle) est remis au gouvernement. Il faut dire que François Rebsamen n’est déjà plus là pour piloter ses décrets, et que sa successeur se penche déjà sur (un autre !) rapport : le rapport Mettling sur la Transformation Numérique et la vie au Travail.

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POUR VOUS AVEC VOUS

PARTOUT

Ces deux mondes sont-ils miscibles ? La question n’est plus là. La vraie question est : les marchés traditionnels des entreprises traditionnelles résisteront-ils longtemps aux nouveaux codes de l’entreprise libérée, coopérative ? À l’heure où des Uber, des Blablacar et des AirBnB bouleversent le marché traditionnel du transport et de l’hôtellerie, combien de temps cela prendra-t-il pour que le monde de l’aéronautique soit impacté ? Après le monde de l’automobile ? Oui après…, mais pas longtemps. Nos grands groupes réfléchissent donc. Et ils ont bien raison, rapport Mettling ou pas. La CFE-CGC AED anticipe aussi. Car si les codes de l’entreprise de demain changent, alors ce seront aussi les codes du dialogue social dans l’entreprise qui changeront (c’est là qu’interviendra peut être le rapport Combrexelle). Et cela, nous devons le préparer, avec un seul objectif : défendre les intérêts des salariés et de leur entreprise avec un esprit d’équité dans ce monde changeant. Les salariés de nos industries ont une technicité élevée qu’il faut mieux respecter et des compétences qui ne demandent sans doute qu’à être mieux valorisées. Encore faut-il les écouter et les faire rêver avec autre chose que 10 % ! On pourrait inventer un nouveau slogan. Respect, Écoute, Valorisation, Équité, Solidarité. Ludovic Andrevon Vice-président CFE-CGC AED


Actualités

Retraites complémentaires, les négociations en cours Les complémentaires ARRCO et AGIRC voient leurs réserves fondre à vue d’œil (2023 pour l’ARRCO et 2018 pour l’AGIRC). Les partenaires sociaux échangent, depuis début février, pour trouver des solutions susceptibles de redresser les comptes des deux régimes. La cinquième réunion de concertation a eu lieu le 22 juin, et n’a pas débouché sur un accord. Le MEDEF a formulé plusieurs propositions, dont l’une suscite l’hostilité : elle vise à inciter les salariés à décaler de leur propre chef, l’âge effectif de départ à la retraite, en installant des abattements temporaires et dégressifs (départ à 62 ans, abattement de 30 % du montant des complémentaires, pour

63 ans, l’abattement serait de 20 %, pour 64 ans, l’abattement serait de 10 % et les pleins droits reviendraient à 65 ans). Les enjeux sont loin d’être négligeables, quand on sait que les complémentaires représentent de l’ordre de 30 % du montant de la retraite pour un non cadre et 60 % pour un cadre. La négociation reprendra à l’automne. La CFE-CGC considère qu’il faut, à la fois, agir sur les ressources et sur les dépenses, afin de répartir équitablement les efforts entre les concernés : entreprise, salariés (jeunes – seniors) et retraités. Christian Viguier Expert Retraite CFE-CGC AED

Comité de surveillance des retraites, un rapport 2015 peu optimiste La loi de janvier 2014 a mis en place un comité de surveillance des retraites (CSR). Il est composé de cinq membres et doit rendre, chaque année avant le 15 juillet, un avis destiné à évaluer si le système s’éloigne de ses objectifs (montant des retraites et niveau de vie des retraités, équité entre assurés, pérennité financière du système). Il y a un an, le Comité pensait que l’objectif d’un retour à l’équilibre d’ici à 2020 était «accessible» pour les retraites de base (retraite Sécurité sociale). Mais au regard des divers indicateurs de suivi, le

retour à l’équilibre paraît difficile à atteindre sans meilleure croissance et/ou mesures nouvelles. Il souligne que la révision à la baisse, en 2015, des hypothèses économiques du gouvernement pour 2015-2018 conduisent désormais à prévoir un déficit de 2,9 milliards d’euros en 2018, pour les régimes obligatoires de base et le Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV, qui finance notamment les cotisations retraite des chômeurs). Christian Viguier Expert Retraite CFE-CGC AED

Nouvelles désignations DASSAULT AVIATION : B ernard Mathieu est reconduit en qualité de délégué syndical central et Stéphane Marty en qualité de délégué syndical central suppléant.

MESSIER BUGATTI DOWTY : D aniel Verdy est reconduit en qualité de représentant syndical au comité central d’entreprise.

DASSAULT AVIATION-DASSAULT FALCON SERVICE (UES) :

Bernard Mathieu est reconduit en qualité de représentant syndical au comité central d’entreprise.

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Élections de représentativité AED… Voici les résultats des élections DP/ CE qui se sont déroulées sur la période juillet, août et début septembre 2015 : Sagem défense sécurité : une représentativité de 23,64 % en l’absence de candidat au 2ème collège.

À suivre…

Marc Legrand Secrétaire général AED

Tristesse Notre syndicat est en deuil. Marc Perrin, secrétaire général adjoint de notre bureau, nous a quittés ; il aurait eu 59 ans, le 29 novembre prochain. Marc a adhéré Marc à la CFE-CGC le 1er Perrin janvier 1994, il était alors salarié d’Aérospatiale Cannes. Il a occupé tous les mandats d’élu et de désigné (CE, CCE, DP, DS, DSC, RS) ainsi que les responsabilités de secrétaire de section à Aérospatiale, puis ALCATEL Space Industrie, puis ALCATEL ALENIA Space, puis enfin Thales ALENIA SPACE, et toujours à Cannes.

Il a été élu au Bureau de la CFE-CGC AED en 2001, bureau dans lequel il a occupé les fonctions de délégué administratif et secrétaire général adjoint, dans les différentes mandatures depuis cette date. Il était notre «Monsieur Base de données» et il alimentait nos sections en études comparatives sur les rémunérations, bilan sociaux... Sa gentillesse et sa discrétion nous manqueront, nous perdons un compagnon de lutte et un ami. Bernard Valette Président CFE-CGC AED


Vie des entreprises

Vers Ariane 6, à petits pas L

a constitution de la Joint-Venture entre Airbus et Safran pour mettre en commun leurs activités dans les lanceurs, avance à petits pas.

Il y avait eu, fin 2013, une mise en commun des travaux des sections CFE-CGC concernées par Ariane 6. Nous trouvions qu’il y avait dans ce programme des choses qui sonnaient faux et avions commencé à lister nos propositions, à établir nos préconisations et à prévoir un plan de lobbying… Puis, en juin 2014, la création de la JV fut annoncée. La CFE-CGC, seule organisation syndicale présente dans tous les sites concernés, s’est d’emblée… et elle seule, prononcée en faveur de ce projet. Une première phase a été achevée en janvier 2015, avec la création du noyau de « Airbus Safran Launchers » et le transfert en son sein d’environ 200 personnes en France. La phase d’information / consultation pour la création définitive d’ASL a débuté peu après, selon un planning qui devait initialement aboutir à cette création au 1er septembre 2015. Entretemps, l’ensemble des personnels travaillant sur le programme Ariane 6 s’est trouvé confronté à des conditions de travail difficiles : doubles procédures (ASL

et maison-mère), outils informatiques disparates, incertitudes quant au positionnement d’entités telles que l’ESA ou le CNES. L’annonce du rachat par ASL des parts du CNES dans Arianespace a jeté le trouble dans cette entreprise, dont l’existence même se trouvait remise en cause. Pour la CFE-CGC AED et l’ensemble des sections concernées, il était urgent d’aboutir et de clore cette phase transitoire. Mais d’autres organisations syndicales ne l’ont pas entendu de cette oreille, préconisant un GIE en lieu et place de la JV envisagée. Rassurant d’un point de vue social, ce modèle n’est cependant pas adapté au but recherché : créer une entité extrêmement réactive face à une concurrence allaitée au sein de la Silicon Valley. Il s’en est suivi une bataille d’arrière-garde qui a eu pour effet de freiner le processus d’information – consultation, et qui pourrait retarder la création d’ASL. À l’heure où nous mettons sous presse, on parle de la repousser au 31 décembre 2015, ce qui contraindra le personnel à travailler plus longtemps dans de mauvaises conditions.

Nous laissons à chaque salarié le soin de se faire sa propre idée sur le bilan de cette obstruction. Pour la CFE-CGC, l’important c’est le futur. Si nous observons qu’industriellement Ariane 6 avance à petits pas, nous voyons arriver pour 2016 une monstrueuse quantité de travail syndical quand il va s’agir de définir un statut social commun entre toutes les entités d’ASL, qui ont chacune leur histoire, leur culture, et un statut parfaitement respectable issu de plusieurs décennies de négociations. Ce sera pour les sections CFE-CGC un challenge de premier ordre. Les prochaines élections professionnelles sur le périmètre ASL seront déterminantes pour conforter nos positions à la table des négociations. Et l’antériorité de notre réseau, dans le (petit) monde des lanceurs et des travaux de comparaison que nous avons déjà effectués, sera un plus indéniable dans la quête du Graal spatial ! Christophe Dumas Délégué administratif

« Airbees », une initiative qui fait le buzz

Tournefeuille ont fait naître l’idée de contribuer ensemble au maintien de la biodiversité et à la survie des abeilles. Un groupe de travail regarde les sites d’Airbus à Blagnac et Toulouse, en coopération avec la direction, le CHSCT et les Moyens Généraux, pour concrétiser le projet “Airbees”.

Pourquoi tout ça ?

Depuis 2011, la commission Développement Durable du comité d’entreprise « Airbus Staff Council » (AISC) à Airbus SAS Blagnac organise des cours de jardinage pour nos employés et leurs enfants. Les contacts avec les jardiniers et apiculteurs de l’association partenaire à

Sans aller jusqu’à demander à chacun d’installer une ruche dans son jardin, des associations incitent à adopter des comportements favorables aux abeilles : bannir les pesticides ou herbicides, cultiver des plantes mellifères telles que le thym ou la lavande, très appréciées par les butineuses. C’est dans ce mouvement que s’inscrit notre projet “Airbees”. À travers les instances de l’AISC, de l’entreprise et de ses employés, c’est sous l’impulsion de notre syndicat CFE-CGC, que nous

contribuons à la survie des abeilles, dans un sous-bois près du nouveau pôle logistique. Nos hôtes se portent à merveille, une première extraction de miel avec la participation des employés a eu lieu en septembre ! Bernard Gasber Président commission Développement Durable de l’AISC depuis 2010

Lidvine Kempf Responsable Développement Durable CFE-CGC AED

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Vie des entreprises

Campus Thales Bordeaux :

un projet immobilier au service d’orientations stratégiques - et l’emploi dans tout ça ?

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HALES est implanté sur l’agglomération bordelaise depuis 40 ans avec 2 établissements éloignés d’une dizaine de km. À Pessac, THALES Systèmes Aéroportés (TSA), établissement de 1 000 salariés (72 % d’IC), et au Haillan, THALES Avionics, établissement de 1 000 salariés (75 % d’IC).

Chronique d’un grand projet pour THALES Pourquoi un nouvel établissement ? Selon les directions de Pessac et Le Haillan, les bâtiments des sites actuels étaient trop vétustes et devenaient très coûteux à entretenir. En avril 2013, le PDG de THALES, Jean-Bernard Levy, a annoncé sa volonté d’investir 200 millions d’euros dans un nouveau campus immobilier et industriel pour regrouper les 2 000 collaborateurs travaillant dans la région bordelaise au sein de l’Aéroparc de Mérignac. Les activités rassemblées sur le futur site en feraient un acteur de 1er rang mondial dans le domaine de l’aéronautique et une entreprise emblématique de la région, se positionnant parmi les plus gros employeurs. En fait, le projet était déjà bien avancé « sur le papier » quand il a été révélé, mais il restait le feu vert du financement par le Groupe pour annoncer officiellement son lancement, avec pour objectif sa réalisation en 44 mois après le T0. La pose de la première pierre, le 10 avril 2015, marqua le début de la construction du chantier pour une livraison des locaux en septembre 2016.

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L’implantation bordelaise au coeur de la stratégie de THALES Avionics En septembre 2014, les 450 salariés de THALES Avionics Meudon ont déménagé dans un établissement voisin flambant neuf, situé sur la commune limitrophe de Vélizy-Villacoublay. Un mois plus tard, Michel Mathieu, Directeur Général de THALES Avionics, a présenté la stratégie de TAV dans cadre de l’ANI : stupéfaction, il est question de regrouper géographiquement les équipes de développement au nom de l’amélioration de la compétitivité grâce à la co-localisation des salariés. Par conséquent, tous les postes des salariés de Vélizy seront transférés sur le futur établissement de Mérignac d’ici mi- 2017 (et Le Haillan en attendant l’achèvement des travaux fin 2016). Sont également concernés les postes du secteur de développement à TAV Vendôme qui, selon le centre de compétences, seront transférés soit à Mérignac, soit à Valence. En chiffres, cela donne en théorie 522 postes supplémentaires devant intégrer le futur établissement de Mérignac qui deviendra le siège social de THALES Avionics ! De son côté, THALES Systèmes Aéroportés a projeté le transfert vers Mérignac d’une centaine de postes en provenance d’Élancourt. Si l’on fait la somme de tous les postes, on devrait s’attendre à un établissement de 2 622 salariés auxquels il faudrait ajouter des places pour les moyens généraux (Vinci) et les sous-traitants. Pour le moment, la Direction fait officiellement état d’un établissement d’environ 2 300 salariés. Pourquoi ? N’y aurait-il pas un plan social déguisé basé sur le fait qu’une minorité de salariés acceptera leur transfert sur Bordeaux ? Une réserve foncière jusqu’à 500 places existe ; dans quelle mesure sera-telle utilisée à court terme ?

La Direction s’étant engagée à trouver une bonne solution pour chaque salarié concerné par le transfert et refusant sa mobilité (pas de licenciement), des mesures d’accompagnement ont été négociées avec les organisations syndicales dans un accord signé, en juillet dernier, par les 3 organisations syndicales représentatives de TAV.

Un enjeu qui va bien au-delà d’un simple projet immobilier Non seulement le Groupe THALES veut faire du futur établissement bordelais une vitrine permettant d’accueillir clients, propects et utilisateurs potentiels dans d’excellentes conditions, mais aussi transformer en profondeur les méthodes de travail des salariés en agissant d’abord sur l’environnement de travail. La volonté affichée de la Direction est de favoriser au maximum le travail collaboratif, selon ses termes : « un milieu flexible, modulaire pour favoriser les synergies et l’efficacité collective ». Il n’y aura pas de barrière entre les 2 sociétés de THALES, les salariés seront regroupés par métier. Pourtant, manifestement, THALES a la volonté de généraliser des méthodes de travail collaboratif telles que « AGILE » qui peuvent permettre de recentrer le travail sur l’humain plutôt que sur les processus. L’organisation actuelle nous semble inadaptée et les managers insuffisamment préparés pour mettre en place le changement. Une organisation hiérarchique non adaptée nous fait craindre le risque d’aboutir à un résultat dénaturé qui créerait un nouveau malaise plutôt que de « rendre heureux au travail ». La Direction avance à pas feutrés, dévoilant ses intentions goutte à goutte, sans concertation, oubliant que la Confiance est la clé de la réussite de tout grand projet. Jean-Jacques Pouêtre Délégué syndical central THALES Avionics


Dossier

Transition numérique des entreprises, >>>>>>> vers quel modèle d’entreprise ?

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a transition numérique comprend deux composantes : la digitalisation des données et des process, d’une part, et l’arrivée de nouveaux comportements et modes managériaux, voire une nouvelle manière de vivre l’entreprise, d’autre part. Mais qu’est la digitalisation de l’entreprise ? Pourquoi se digitaliser ? Quels sont les enjeux et les implications de cette mutation de l’entreprise ? Tant de questions auxquelles nous tenterons d’apporter quelques éclairages.

Un enjeu économique et social La transformation numérique des entreprises est un enjeu économique et sociétal majeur pour la France, qui n’est, en 2014, qu’à la 25ème position mondiale. La mutation des entreprises vers le numérique ne se résume pas à l’adoption intensive d’outils et de technologies, à la dématérialisation de processus internes ou externes, mais remet en question les modèles économiques, les chaînes de valeur, l’environnement concurrentiel, les organisations et leur fonctionnement, les métiers, les modes de travail et de collaboration des hommes et des femmes, la vie quotidienne des salariés. Cela impacte non seulement toutes les fonctions classiques (ressources humaines, marketing, communication, ventes, finances, production), mais aussi tous les niveaux hiérarchiques, y compris les directions générales. La métamorphose numérique repose sur l’appropriation et la diffusion au sein des organisations d’une véritable culture numérique, fondée sur l’intelligence collaborative, l’open innovation, l’ouverture à

un écosystème, la participation nouvelle des salariés, l’évolution constante des métiers et des modes de travail.

Les implications de la digitalisation La digitalisation, c’est l’adoption de technologies numériques pour qu’humains et machines soient interconnectés en permanence. Cette connexion se fait en développant des plateformes uniques qui centralisent les interactions entre toutes les parties prenantes internes et externes (salariés, partenaires, clients, réseaux sociaux, applications mobiles…)... La digitalisation d’une entreprise est également la source de gains de temps et de confort (du moins, pour les générations Y et suivantes qui utilisent des objets interconnectés par habitude, voire par addiction). Ainsi, elle peut se matérialiser dans la création d’applications qui simplifient la vie des salariés (des applications pour faire du covoiturage, pour connaître le nombre de places libres dans chaque parking, pour connaître les disponibilités à la cantine ou celles des salles de

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Dossier

réunion…). Elle signifie également au sein d’une entreprise un accès au réseau rapide, simple et sécurisé. La modernisation de l’entreprise passe aussi, particulièrement dans les usines, par une robotisation intense. Les tâches les plus répétitives et simples sont automatisées, des outils précis aident les compagnons pour assurer une production rapide, sans accros, rapides.

Quels sont les outils ? Quatre lettres symbolisent à elles seules cette mutation numérique : SMAC. Social : partager ses connaissances et collaborer ; Mobile : accéder à l’information n’importe où et n’importante quand ; Analytics : collecte de millions de données pour une analyse intelligence prédictive ; Cloud : stocker et héberger toutes les données nécessaires à la réalisation des « SMA ». Nous aborderons dans ce Bref Aéro, le premier point : le social. Les trois autres composantes de « SMAC » feront l’objet d’articles dans nos prochains numéros.

Le social : les réseaux internes d’entreprises « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts », écrivait Isaac Newton. Aujourd’hui, grâce au réseau internet, des ponts virtuels sont construits tous les jours et connectent les utilisateurs depuis les quatre coins du monde. Les Réseau Sociaux d’Entreprise désignent les formes de « link-in » internes, les forums … tous les réseaux qui permettent aux salariés de communiquer à distance. Inspirés de Facebook, de Twitter ou de LinkDn, ces réseaux per-

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mettent d’ouvrir aux individus la possibilité de créer du contenu, de le diffuser, de le partager. Ces réseaux encouragent les échanges horizontaux, et donc hors hiérarchie dans tous les sens du terme.

Les raisons favorables à la mise en place d’un RSE : la création d’une E-réputation indispensable pour attirer les compétences rares ; le soutien au travail collaboratif ◊ les compétences sont attribuées aux bons projets. Le travail collaboratif a plusieurs objectifs : Just In Time (fluidifier le processus industriel et minimiser les stocks), le Total Quality Control : améliorer la qualité des processus industriels et des produits semi-finis et le Total Productive Maintenance: améliorer la performance des équipements en augmentant leur disponibilité ;

le développement du partage des connaissances ; la limitation des « débordements »

sur internet (effet de réputation pour ne pas « laver son linge sale en famille »). La critique interne peut être vigoureuse mais elle reste au moins à l’intérieur.

Les principaux freins à l’adoption des réseaux sociaux d’entreprise : la difficulté à exposer son identité et son activité ;

la crainte de la fuite d’informations:

des informations confidentielles risquent potentiellement d’être divulguées (les administrateurs de ces réseaux ne seront peut-être pas assez réactifs pour stopper la diffusion de l‘information) ; la perte de repères dans l’accès à l’information : effet mille-feuille, « info-obésité », ce moyen d’informations peut aggraver la charge informationnelle des collaborateurs ;

la difficulté à s’exprimer sur des espaces ouverts: risque d’un conformisme

trop poli (les collaborateurs n’oseront peutêtre pas critiquer leurs collègues et « insulter l’avenir » quand ils savent qu’ils peuvent être lus par n’importe qui et, notamment, par leurs supérieurs hiérarchiques…) – il convient de limiter certains groupes de discussion à un nombre restreint de personnes. De plus, l’ouverture des réseaux 7/7j et 24/24h risque d’affecter fortement le temps de travail et d’amener une déshumanisation du travail. Ludovic Andrevon Vice-président CFE-CGC AED


Dossier

Concrètement dans nos entreprises…

Entreprise libérée, les Micro Usines de Saint-Nazaire

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ans l’usine Airbus de Saint-Nazaire, une expérience a été lancée, depuis le début du mois de janvier 2015, s’inspirant du concept d’entreprise libérée.

S’il s’agit du premier coup d’essai dans un des sites d’Airbus, il faut dire que le département de la Loire Atlantique était précurseur dans la stratégie de libération de l’entreprise. En effet, à Saint-Herblain, près de Nantes, le patron iconoclaste de Chrono Flex (spécialiste du dépannage de flexibles hydrauliques) avait ouvert la voie, dès 2012, en décidant de « tuer l’organigramme ». En pleine tempête économique et sociale, Alexandre Gérard comprend que son entreprise ne pouvait plus être gérée à coups de procédures et d’interdits, emprisonnant toute créativité. Côté Airbus Saint-Nazaire, même constat : la tempête n’est pas là, mais il faut toujours rechercher plus de compétitivité, réduire les coûts, les temps passés, optimiser les processus, être plus innovant, mieux satisfaire le client. Or, toutes les opérations lancées ces dernières années, qu’elles s’appellent « Lean », « Boost competitiveness », « Mesure des temps passés », etc. sont à bout de souffle. Le « A380 Saint-Nazaire » sera donc la référence Airbus pour un nouveau modèle d’organisation. Les responsables airbusiens, de retour d’un périple dans la Silicon Valley, adhèrent et soutiennent immédiatement l’initiative.

Le principe et les objectifs ? Les salariés de l’unité de production A380 ont été consultés, pendant plusieurs semaines, afin de proposer de nouvelles idées d’organisation. Chacun des principaux postes de la ligne d’assemblage seront désormais considérés comme des « mini-usines » autonomes, libres de s’organiser elles-mêmes en fonction de leurs contraintes et de leurs objectifs. Les compagnons gèreront leurs relations avec les services supports ou les fournisseurs. L’équipe pourra être responsable des visites de clients des compagnies aériennes ou participer au recrutement de nouveaux collègues. Chaque équipe choisira son leader parmi des candidats qui devront toutefois avoir passé des tests prouvant leur capacité au management. Cette démarche, basée sur la confiance, exige l’implication responsable de tous et un changement des méthodes de management. Les managers sont désormais avant tout des facilitateurs, des « coachs ». Ils ont été formés préalablement à ce rôle d’accompagnement. L’expérience est à ses débuts et il est encore trop tôt pour mesurer les résultats sur la performance, les relations sociales et la qualité de vie au travail. L’engouement des salariés impliqués dans la démarche est réel même si de nombreuses questions n’ont pas encore trouvé de réponse (condition de l’élection des leaders, statut et rémunération des

leaders élus, avenir de ces leaders s’ils doivent passer dans une autre unité de l’usine fonctionnant classiquement …). Afin d’éviter tout signe d’essoufflement au sein des groupes de travail, la démarche a été officialisée auprès des instances représentatives du personnel et lancée, dès la rentrée 2015, sous forme d’expérimentation afin d’impliquer plus largement, multiplier les énergies, capitaliser les idées de chacun, avancer pas à pas sans plan prédéfini : les fondements de l’usine libérée. Cette expérimentation conduira à constater des erreurs et nécessitera donc des réajustements. La CFE-CGC, tout au long du projet, est restée en contact étroit avec ses adhérents engagés dans les réflexions, continue à suivre avec intérêt et vigilance cette expérience, convaincue que l’innovation sociale, comme l’innovation technologique, doit être le moteur de l’entreprise et ce d’autant dans un contexte de transformation numérique de nos entreprises. Toutefois, la CFE-CGC est consciente qu’il existe encore de nombreuses interrogations comme celles mentionnées plus haut, qui interpellent, déstabilisent et font même peur. Pour cela, la CFE-CGC demande que la plus grande transparence soit faite devant les instances représentatives des salariés au cours des prochains mois. La CFE-CGC continuera à être le garant du respect des hommes et des droits au sein de nos entreprises. Oui, la CFE-CGC croit en l’innovation, mais cette dernière ne doit pas se traduire par vendre du rêve aux salariés, la chute en serait trop rude ! Françoise Vallin Déléguée générale CFE-CGC AED

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C’est dans l’air

Et à la fin,

c’est l’Allemagne qui gagne

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a Grèce à genoux, l’Allemagne fait payer au prix for t son soutien au redressement des finances d’Athènes. Il y a longtemps qu’on nous rabâche que « ce soir, c’est une réunion décisive », que « c’est le plan de la dernière chance », etc. Jusqu’au rachat, cet été, de quatorze aéroports grecs par un consortium allemand.

De dernière chance en dernière chance, le navire grec voit ses prétentions couler, mais pavillon haut, avec les honneurs, face à l’intransigeance de financiers essentiellement allemands. Mais faut-il blâmer ces derniers ? Ils se sont payé pendant une quinzaine d’année les fruits de la réunification. On leur sert régulièrement les anniversaires de la seconde guerre mondiale pour leur rappeler que les fils devront payer pour les fautes des pères. Et cela fait 70 ans que l’Allemagne se reconstruit, se construit, pour devenir aujourd’hui la locomotive de l’Europe. Tout ceci pourrait en rester aux salles de cours des écoles d’économie, mais la

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géopolitique reprend ses droits. Et dès que l’Allemagne prend la tête quelque part, les vieux démons ressurgissent : on reparle d’hégémonie, de mainmise, d’impérialisme, jusqu’aux plus pessimistes qui vont jusqu’à considérer que si l’Allemagne reste intransigeante cela ne pourra conduire l’Europe qu’à l’implosion, voire de nouveau à des guerres sur le vieux continent. Mais au lieu de larmoyer dans ces directions, il faudrait juste décider si oui ou non, la classe politique française, pour ne parler que d’elle, adoptera du modèle socio-économique allemand ce qu’il y a de positif et d’adaptable à la France, ou si nous allons continuer passivement à la regarder avancer, avec un mélange de peur et d’envie. Dit plus crûment, nous regardons la Grèce se faire phagocyter, sans réagir, et rien ne dit que, dans un demain plus ou moins lointain, ce ne sera pas notre tour. Pourtant les sociologues s’accordent à dire que l’Allemagne aime la France et que la France admire l’Allemagne : il y a là de bonnes bases pour faire ensemble quelque chose d’intelligent. Mais non, rien ne vient. Dans le domaine de la gouvernance des entreprises par exemple, alors que depuis Bismarck la

participation des représentants des salariés – comprenons pour l’Allemagne : de puissants syndicats – a fait ses preuves, certains députés français n’ont pas d’autre idée que d’ouvrir les portes des négociations nationales du monde du travail à des salariés non formés, sans étiquette, et qui, convenons-en, ont sans doute de nos jours bien d’autres chats à fouetter. Autrement dit : allons à rebours du modèle allemand, au lieu de chercher ce qui freine la syndicalisation des entreprises françaises. Certes, l’histoire de notre pays est farcie d’exemples qui montrent la difficulté à le réformer. Mais raison de plus pour en appeler à du courage politique, dont d’autres dirigeants dans d’autres pays apprennent durement la nécessité. Le footballeur anglais, Gary Lineker, a un jour dit que dans son domaine « … à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne ». Le traitement de la crise grecque nous laisse craindre que, faute d’énergie politique, on en arrive en économie au même résultat qu’en football. Mais qui peut dire ce qui se passera si nous ne gagnons pas tous ensemble ?

Septembre/octobre 2015 • n°354 Directeur de la publication : Bernard Valette Coordinateur de la rédaction : Daniel Verdy Ont participé à la rédaction : C.Dumas, C.Viguier, B.Gasber, B.Valette, L.Kempf, M.Legrand, L.Andrevon , JJ.Pouêtre, F.Vallin Crédits photos : © Thinkstock - Shutterstock - Istock Bref Aéro est une publication bimestrielle de la CFE-CGC AED - 66, rue des Binelles 92310 Sèvres - contact@snctaa.fr Rédaction, conception, réalisation : Agence L’œil et la plume - www.loeiletlaplume.com Impression : Imprimerie La Centrale de Lens Dépôt légal : octobre 2015 ISNN : 0293-8251 - CPPAP : 0114S 08080

Christophe Dumas Délégué administratif


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