Bref Aéro 352- mai/juin 2015

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BREF Mai/juin 2015 • N° 352

AÉRO

ÉDITO

Un gardien s’est échappé Sommaire Actualités Élections de représentativité

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Nouvelles sections et désignations 2 43ème congrès de la Fédération de la Métallurgie

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Vie des entreprises Négociation temps de travail des Cadres : la CFE-CGC recadre la Direction chez Airbus Group 3 NAO Safran 2015, quand négociations riment avec provocations, tensions, coordination et propositions ! 4 Le succès du Rafale

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Dossier Les grandes manœuvres se sont déclenchées dans les aérostructures françaises

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C’est dans l’air Prophétie auto réalisatrice

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POUR VOUS AVEC VOUS

PARTOUT

Nous allons tenter d’apporter une nouvelle démonstration au fait que la lutte contre le chômage commence dans la vie quotidienne de tout un chacun. Nous avons rencontré récemment le responsable financier d’un groupe international. La crise mondiale était un sujet facile pour lier connaissance. La vision que nous en a donné notre interlocuteur est sans appel : la crise est terminée, elle ne sert plus que d’alibi aux entreprises pour retarder la remontée des effectifs. Une fois la surprise passée, examinons de près le raisonnement. L’activité redémarre. Doucement, certes, mais elle redémarre. Or embaucher, c’est prendre un risque, et ce quel que soit le lieu ou le pays : si le droit français est contraignant, la légende de la souplesse anglo-saxonne est largement surestimée. De toute façon, les entreprises ne veulent pas prendre de risque trop tôt. On peut y lire une attitude raisonnable (attendre que la reprise se confirme), opportuniste (tant qu’on peut faire de la marge …) ou les deux. Comment faire de la marge ? Très simple. Il suffit de ne pas embaucher et de faire le même travail avec moins de monde. Pas tout à fait le même travail cependant : on ne pourra pas tenir la cadence. Il s’agit donc de prendre des engagements – vive la certification Iso 9001 ! – et d’expliquer ensuite qu’on n’a pas pu les tenir. Au bout du bout, c’est le consommateur qui patiente, et c’est cette patience qui entretient le chômage. Tout ceci est terriblement simpliste, nous direz-vous. Mais faisons un petit jeu. Mettons-nous d’abord dans la peau du consommateur : on lui annonce que sa voiture sera livrée dans six semaines au lieu de quatre, ou qu’il doit attendre son hamburger cinq minutes, ou que son avion ne sera pas tout à fait livré au bon standard : le sous-effectif du fournisseur, dans chacun des cas, est une des causes racines du retard, et il se traite à court terme par appel à la patience du client. Maintenant, mettons-nous dans la peau du salarié. On lui dit que le client « gueule » parce que sa voiture est en retard, qu’il est parti voir le fast-food d’à-côté ou qu’à cause de « son » retard, l’entreprise fait la Une négative des médias. Alors … il doit accélérer. Il faut augmenter la productivité. Et on crée du chômage, du burn-out, etc. Vous connaissez le tableau par cœur. Face à ce cercle vicieux, pour une fois, nous adhèrerons à l’exemple allemand. Demandez à un service allemand d’augmenter sa charge, la réponse première de son hiérarchique sera : « je veux du monde en plus ». De l’interim, du temps partiel, du CDI, ça dépend de la situation, mais il faut du monde en plus. Sinon, les syndicats monteront au créneau pour dénoncer le risque, précisément, d’entrer dans le cercle vicieux. Les syndicats … tiens, tiens … Des garde-fous ? Se pourrait-il que les attaques du MEDEF contre le droit social français aient pour motif de supprimer des garde-fous ? Comptez sur la CFE-CGC pour parler de l’exemple allemand avec le patronat français, mais un exemple pris dans son entièreté. Et en attendant, nous espérons que d’autres gardiens de l’orthodoxie financière de nos grands groupes seront tentés par d’autres discussions avec nous ! Et nous appelons chaque lectrice et chaque lecteur à prendre du recul dans sa vie quotidienne, et vérifier si notre raisonnement si simpliste, par hasard, se vérifierait … Christophe Dumas, Délégué administratif


Actualités LES NOMINATIONS

Les créations de sections syndicales

SONT DÉSIGNÉS DÉLÉGUÉS SYNDICAUX CENTRAUX :

AIRBUS SAFRAN LAUNCHERS SAS Issy les Moulineaux Fabien BENEDIC, il est désigné délégué syndical DAHER AEROSPACE Le Haillan Bruno BARONNET, il est désigné délégué syndical DAHER AEROSPACE Blagnac Patrice BREQUE, il est désigné délégué syndical DAHER AEROSPACE St Aignan de Grand Lieu Laurent MILHOUET, il est désigné délégué syndical à Montoir de Bretagne

UTC ACTUATION SYSTEMS

Guillaume MANON, en remplacement d’André TERLIER

ZODIAC AEROTECHNICS Christophe URBERO

EUROPROPULSION

Carlo CAMINITO, reconduit dans ses fonctions

SNECMA Evry

Patrick POTACSEK et Serge PADIE, reconduits dans leurs fonctions

ROXEL

Christian FREYDIER, reconduit dans ses fonctions

Élections de représentativité AED… les résultats de mars, avril et début mai 2015 STELIA COMPOSITES « AQUITAINE » : une représentativité de 35,67 % et un poids de 17,34 %. AIRBUS SAFRAN LAUNCHERS « PHASE 1 » : une représentativité et un poids de 33,33 % ; la CFE-CGC AED est 1ère organisation syndicale représentative pour cette première élection…

AIRBUS Group

RECAERO : une représentativité de 64,29 % et un poids de 46,61 %, face à CGT et FO.

DAHER GROUPE

SAFRAN AERO COMPOSITE « COMMERCY » : une représentativité et un poids de 41,30 %, suite à la création de la section.

AIRBUS HELICOPTERS

TELESPAZIO « KOUROU » : une représentativité et un poids de 22,22 %, en progression, notamment au 2ème collège, au détriment de l’UTG.

Patrick DE PERCIN, en remplacement de Vincent LOIZEAU Christian BONE, reconduit dans ses fonctions Ludovic ANDREVON et Jacques ROSSE (suppléant), reconduits dans leurs fonctions

AIRBUS HELICOPTERS « MARIGNANE » : une représentativité de 34,43 % (en progression de 2,47% !) et un poids de 30,04%, en étant majoritaire chez les ingénieurs et cadres. GROUPE SAFRAN : une représentativité de 37,56 % et un poids de 30,34 % pour la signature d’accord généraliste ! La CFE-CGC est devenue la 1ère organisation syndicale dans le groupe Safran !

SLCA « SACLAY » : une représentativité et un poids de 58,06 %.

RATIER FIGEAC : une représentativité de 58,13 %, en progression au détriment de la CFDT, notamment au 2ème collège, et un poids de 27,80 %.

L’AED poursuit l’optimisation continue de sa représentativité, avec créations de sections et de belles progressions au 2ème collège... À suivre…

SLCA

Serge PRADELLA, reconduit dans ses fonctions

Marc Legrand, Secrétaire général AED

TELESPAZIO

Bernard DUMONT, reconduit dans ses fonctions SONT DÉSIGNÉS REPRÉSENTANTS SYNDICAUX AU CCE :

ZODIAC AEROTECHNICS Christophe URBERO

SNECMA

Patrick POTACSEK, reconduit dans ses fonctions

Le conseil national de la CFE-CGC Aéronautique, Espace Défense a validé, le 24 avril dernier, les candidatures proposées par notre syndicat, à l’occasion du prochain congrès de la fédération de la Métallurgie CFE-CGC, lors des élections de renouvellement des instances fédérales.

DAHER GROUPE

Renouvellement du Bureau fédéral, candidatures proposées par l’AED :

TELESPAZIO

Gabriel Artero, Président sortant, au poste de Président Anne-Catherine Cudennec, Secrétaire national sortante, au poste de Secrétaire national Jean-François Foucard, Secrétaire national sortant, au poste de Secrétaire national Christophe Dumas, au poste de Délégué national Fabrice Nicoud, au poste de Délégué national Daniel Verdy, au poste de Délégué national

Christian BONE, reconduit dans ses fonctions Bernard DUMONT SONT DÉSIGNÉS REPRÉSENTANTS SYNDICAUX AU COMITÉ EUROPÉEN :

ROXEL

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43ème congrès de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC : les candidats AED

Christian FREYDIER

Renouvellement du Conseil juridictionnel, candidature proposée par l’AED : Joël Boursereau

SONT DÉSIGNÉS DÉLÉGUÉS SYNDICAUX SUR NOUVELLES SECTIONS :

SAFRAN AERO COMPOSITE Commercy Jean-Philippe MICHEL (ex RSS)

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Dans vos agendas…


Vie des entreprises

NÉGOCIATION TEMPS DE TRAVAIL DES CADRES : la CFE-CGC recadre la Direction chez Airbus Group Une négociation s’est tenue sur le temps de travail des Cadres I à III B dans le groupe Airbus en France. En parallèle, s’’est également tenue une négociation sur le « Système de rémunération des Cadres ». Dès le début de la réunion, la Direction a lié les 2 négociations. La Direction a précisé que si cette négociation devait échouer, elle « ira chercher les gains de compétitivité escomptés sur la politique salariale des Ingénieurs et Cadres ». La Direction considère que des efforts sont ou seront faits sur d’autres dossiers pour augmenter la productivité des salariés non Cadres. Par équité, elle entend rechercher des sources de compétitivité aussi chez les Ingénieurs et Cadres. Il convient cependant de ne pas confondre compétitivité et productivité !

Il y a une différence entre «réorganiser le temps de travail» et «augmenter le temps de travail sans le compenser». Si des marges de manœuvre existent sur d’autres thématiques (comme, par exemple, le passage de 12 % à 15 % de la prime annuelle des Cadres 3B, ou encore, des Augmentations Générales chez les Cadres positions 1 et 2), la position de la Direction ne semble pas pouvoir évoluer suffisamment sur les aspects de compensation des jours travaillés pour l’ensemble de la population Cadres (et, en particulier, les positions 2 et 3A). Le financement des promotions aurait dû être étudié plus dans le détail. De cette première ébauche, on pouvait redouter un système conduisant à un salaire fixe plus bas au profit d’une part variable plus élevée !!!

Les arguments pour justifier ce besoin de compétitivité en augmentant le temps de travail des Cadres n’étaient pas suffisamment aboutis pour «susciter une adhésion au projet de la population Cadre». Lors des deux premières réunions, la Direction avait justifié sa volonté d’harmoniser le temps de travail des Cadres par le fait que « dans un Groupe intégré, il n’est pas cohérent d’avoir des durées du travail des Cadres différentes selon les divisions». Lors de la 3ème réunion, le discours est radicalement différent, axé sur la compétitivité.

La compétitivité n’est pas un tabou pour la CFE-CGC ! Mais ici, gagner en compétitivité signifie que les Cadres au forfait jours donnent 3 jours à l’entreprise !!! La CFE-CGC a démontré qu’elle savait négocier des accords gagnant/gagnant en signant une augmentation provisoire du temps de travail à Airbus Helicopters sur 2013/2014. Nous le referions si nécessaire pour « passer » de la charge supplémentaire. Mais ce n’est pas ici la raison invoquée par la Direction ! Airbus Group est-il en difficulté qu’il nous faille engager une démarche défensive ? Nous avons signé de tels accords chez Renault, Peugeot, Air France… Mais la contrepartie était la sauvegarde de l’emploi ! D’ailleurs, notre démarche y fut bien partagée car les salariés de ces entreprises ont placé la CFE-CGC en tête des suffrages lors des dernières élections. Mais là encore, peut-on dire qu’Airbus Group est en difficulté ? NON !

Nos concurrents sont de plus en plus agressifs. Leurs processus semblent parfois être plus efficaces que les nôtres. De nombreux plans de transformation sont lancés dans le Groupe Airbus, ainsi que de nombreuses réorganisations.

La CFE-CGC soutient les stratégies d’entreprise visant à dégager des marges d’investissement de nature à développer l’emploi et les compétences hautement qualifiés dans nos établissements. Mais augmenter le temps de travail des Cadres (trop peu compensé) serait donner raison à tous ceux qui recherchent la facilité ! Il est toujours plus simple de dire que les salariés ne travaillent pas assez que de véritablement étudier les freins (nombreux) qui les empêchent de travailler efficacement ! Cette négociation sur le temps de travail et les éléments de rémunération des Cadres se finit donc ex abrupto sur un constat de divergence entre la Direction du groupe et la CFE-CGC, syndicat majoritaire dans l’encadrement. Nous aurions pu essayer de faire bouger les lignes en poursuivant cette négociation. Mais les nouvelles lignes obtenues auraient été en deçà de la confiance que vous nous portez ! Le dossier « temps de travail et rémunération des Cadres » est clos au niveau du Groupe Airbus en France. Ludovic Andrevon Coordinateur CFE-CGC Airbus Group

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Vie des entreprises

NAO Safran 2015,

quand négociations riment avec provocations, tensions, coordination et propositions ! Fin janvier 2015, la direction du groupe Safran a lancé les Négociations Obligatoires en Entreprise, NOE anciennement NAO, par une déclaration unilatérale d’amputation de moitié du programme salarial en rupture totale avec une tradition de 10 ans de politique salariale stable dans ce groupe aéronautique. Concrètement la direction voulait passer de 3 % à 1.5 % de programme salarial.

Des annonces choquantes de la direction Le matin du mercredi 25 février, cette même direction annonce aux investisseurs du monde entier que le groupe Safran a réalisé des résultats record de plus de 14 % d’EBIT. L’après-midi, la direction maintient son programme de baisse du programme salarial de 3 % à 1.5 %, en avançant toutefois une compensation autoproclamée de 1.3 % de la masse salariale en supplément de Participation. Début mars, elle annonce que, dans ce contexte de modération salariale, il serait « naturel » qu’au moins 30 % des cadres n’aient pas d’augmentation en 2015.

Les conséquences • Union Sacrée de tous les syndicats du Groupe, contre ce programme injuste et contre cette pseudo-compensation induisant une perte des cotisations sociales. • 10 000 salariés en grève pendant deux mois sur 40 000 présents. • Développement d’un mode de protestation alternatif : 500 salariés grévistes, principalement des cadres, sont restés à leur poste de travail et ont régulièrement demandé à être recensés grévistes. La CFE-CGC a soutenu ces personnes et leur mode d’action. • Deux rassemblements forts à Paris et à Toulouse, avec une forte participation de la CFE-CGC et une bonne couverture médiatique (presse locale et nationale, interviews TV, communiqués de presse CFE-CGC …).

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Les moyens qui ont permis d’avancer L’unanimité des syndicats a entraîné une forte mobilisation des salariés et l’instauration d’un rapport de force favorable sans lequel, malheureusement, on n’aurait rien obtenu. Un suivi quotidien de la position de plus de trente sections CFE-CGC du groupe Safran a été effectué, dans un contexte contraignant d’événement confus, de situations différentes. Une organisation d’un réseau de renseignement performant avec remontée des informations vers la coordination CFE-CGC Groupe a été mis en place, traitement par la coordination et redescente vers toutes et chacune des sections. Ces téléconférences quotidiennes des trente sections, ce partage presque en temps réel d’une information analysée et traitée a permis à chaque section CFE-CGC des entreprises du Groupe Safran : • de pouvoir se situer, par rapport aux autres et par rapport aux enjeux Groupe ; • de maintenir une attitude ferme unanime qui a amené la direction à négocier et à nous lâcher des concessions.

Les résultats Certaines sections étaient signataires une semaine avant les autres et ont pu, grâce au respect des consignes de la coordination et au maintien de la fermeté unanime, obtenir plus qu’elles ne l’auraient jamais espéré. Plus des trois quarts de nos adhérents se sont déclarés sur tous les sites du Groupe favorables à notre signature.

Début avril, signature unanime de toutes les sections CFE-CGC du groupe Safran pour 2.1 à 2.3 % d’augmentation tout compris, sauf exceptions.

Les impacts politiques La signature seule des accords NOE de la CFE-CGC a été acceptée in fine par les directions et, là où la CFE-CGC pèse plus de 30 % aux élections sur trois collèges, les accords NOE ont été appliqués. Catégoriels ou pas, c’est une reconnaissance de facto de la valeur de notre signature par les directions de nos entreprises.

Retour d’expérience : proposition d’un autre dialogue social La CFE-CGC a adressé à la Direction du groupe un courrier dressant le bilan qui précède, et qui propose de discuter de la structure de la rémunération des salariés courant 2015, en dehors de la période « passionnelle » des NOE sous le vocable suivant : « Il est temps de partager intelligemment les résultats à venir du Groupe et d’en discuter froidement». Nous attendons les réponses de la Direction du groupe Safran… à suivre… Didier Jouanchicot Coordinateur CFE-CGC groupe Safran

Le Grand Sud-Ouest en action à Toulouse chez Microturbo : CFE-CGC Messier-Bugatti-Dowty Bidos (64), Turbomeca Bordes (64), Microturbo et Technofan Toulouse (31)


Vie des entreprises

LE SUCCÈS DU RAFALE

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a situation du programme RAFALE, en décembre 2014, pouvait être qualifiée de compliquée : encore aucune vente export et une Loi de Programmation Militaire 20142019 qui, pour raison budgétaire, limitait les livraisons à l’Armée Française à avril 2016. Sur 66 fabriqués entre 2014 et 2019, seuls 26 avions étaient prévus pour la France ; il fallait trouver 40 ventes export pour assurer l’équilibre de la LPM, même si une clause de revoyure était prévue en cas de non-export, mais avec quel budget ?

Tout a changé brusquement en 2015, avec une avalanche de bonnes nouvelles : • février : l’Égypte commande 24 avions, signés en grande pompe au Caire par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian ; • avril : le Premier ministre Indien, Narendra Modi, en visite officielle à Paris, s’engage auprès du Président de la République à négocier l’achat de 36 unités ; • mai : François Hollande signe, à Doha, avec l’émir du Qatar un contrat de 24 avions. En résumé : restent à produire, sur les chaines Dassault, 91 Rafale sûrs (43 France de la tranche 4, 24 Égypte, 24 Qatar), ainsi que l’ajout probable de 36 Indiens, si les négociations sont rapidement menées. À la cadence actuelle de 1 avion par mois, ceci donnerait 8 ans de charge. Mais les clients sont pressés, il faudra donc augmenter la cadence. Et, pour ce faire, embaucher chez Dassault, et chez les 500 sous-traitants du programme. Les premiers besoins se feront jour dans l’établissement d’Istres, qui devra mener de front les avions de développement Égypte et Qatar, la qualification du standard Rafale F3R, la transformation des premiers avions égyptiens, sans oublier les essais du Falcon 8X et du Falcon 5X, en cours de développement.

Ce brusque revirement de conjoncture sur le programme Rafale, longtemps décrié par les médias, a plusieurs raisons : • l’excellence de l’appareil, qui a fait ses preuves en Afghanistan, en Lybie, au Mali, en Irak ; • l’implication directe du politique, Président de la République, et surtout ministre de la Défense, motivé de surcroit par la nécessité d’équilibrer la Loi de Programmation Militaire ; • la montée des périls qui incite des pays à l’environnement incertain à renouveler leur flotte (Égypte, Qatar, Inde…) ; • la modification des équilibres au Moyen-Orient avec le retrait relatif des USA. À moyen terme, ces succès du Rafale vont entrainer des effets collatéraux : conforter l’avenir de Dassault-Aviation dans sa dualité civile-militaire ; sortir du marché le principal concurrent européen, l’Eurofighter, dont les chaines s’arrêtent, sans nouvelle commande, en 2018 ; et ainsi assurer le leadership français sur le prochain avion de combat européen. Bernard Mathieu Délégué syndical central Dassault- Aviation

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Dossier

Les grandes manœuvres s dans les aérostructures fr Quid de l’avenir à long terme du groupe LATECOERE

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ans son livre blanc, la CFE-CGC prônait la réorganisation du secteur, par tant du principe que cette activité était trop morcelée en France. Elle ne pouvait donc pas lutter à armes égales avec des géants du secteur, comme Spirit ou d’autres. Cette activité, par nature, sur un marché très concurrentiel pouvait en pâtir à terme.

L’annonce du regroupement des sociétés Aérolia et Sogerma au sein du groupe Airbus, ainsi que l’annonce d’une solution de financement pour le groupe LATECOERE sont des marques fortes de cette réorganisation. Il restera donc deux acteurs majeurs : LATECOERE et STELIA. Le groupe Daher (et, en particulier, la Socata) est un peu à part dans ce dossier, ayant choisi d’adosser son activité aérostructure sur un panel beaucoup plus large et diversifié d’activité. Que réserve l’avenir une fois la situation totalement sous contrôle de LATECOERE et STELIA ? Un statut quo ou un regroupement des deux entreprises ? Seul l’avenir le dira. À chaque jour suffit sa peine. La CFE-CGC n’a aucun dogme pour l’avenir. Seul l’emploi et le développement de l’activité en France guident notre action. Nos sections CFE-CGC respectives ont pour l’instant de grands chantiers sociaux et industriels devant eux. Témoignages…

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Le 30 avril dernier a été signé un accord historique entre le Groupe LATECOERE et ses créanciers. Après 9 mois de négociations, cet accord comporte un premier volet portant sur une diminution de la dette de 178 M€ à 100 M€, ce qui, pour LATECOERE, ramène l’endettement à un niveau raisonnable. Le deuxième volet de cet accord est un apport de 100 M€ d’argent frais. Cette diminution de la dette et cet apport sont obtenus par abandon et par conversion d’une partie de la dette, et par l’émission de nouvelles actions. La conséquence majeure est donc l’entrée au capital, en tant qu’actionnaires majoritaires, des deux fonds Apollo Global Management et Monarch Alternative Capital qui prennent la majorité des sièges du futur Conseil d’administration. Cet accord, qui peut sembler bénéfique pour le Groupe, ne traite que de la partie financière. La CFE-CGC LATECOERE, bien que consciente de l’urgence à traiter le financier, s’inquiète en revanche de l’avenir industriel et commercial du Groupe. La vision du futur industriel, tel qu’il est présenté par la Direction (arrivée en janvier 2013), s’articule en trois points. Le premier est un changement de stratégie pour aller vers des solutions intégrant toutes les compétences du Groupe. Le deuxième est de tendre vers une évolution de nos propositions commerciales vers des solutions clé en main. Et enfin, le troisième est d’élargir notre panel de clients (hélicoptéristes, motoristes…) et de produits. Ce troisième volet visant, notamment, à réduire la dépendance jugée trop forte aux donneurs d’ordre historiques. Pour la CFE-CGC LATECOERE, des garanties restent à obtenir sur l’engagement des futurs nouveaux actionnaires à accompagner le Groupe dans un vrai projet industriel viable, sur la conservation de l’intégrité du Groupe LATECOERE, sur la


Dossier

se sont déclenchées rançaises préservation de l’actionnariat salarié, sur les conséquences sociales de cet accord, sur la préservation d’un dialogue social moderne et de qualité. Les enjeux des prochains mois et années d’un point de vue social s’orientent logiquement vers la transformation du modèle LATECOERE tel qu’il existe avec, selon toute certitude, un chantier compétitivité à prévoir. Cependant, une question fondamentale reste toujours en suspens : pourquoi l’État ne participe-t-il pas aux différentes augmentations de capital prévues par ce projet ? Depuis toujours, on sent une certaine frilosité de l’État à investir dans le Groupe LATECOERE lors des différents projets, pourquoi ? Lors de chacune de nos rencontres avec les représentants de l’État, ils nous ont affirmé que le dossier était suivi en haut lieu. Parfois, il ne faut pas se contenter de suivre, mais il faut se mouiller en investissant dans une société bientôt centenaire et qui constitue un des fleurons de l’industrie aéronautique. La CFE-CGC fait la différence entre le fait d’être concerné et celui d’être impliqué ; il semblerait que sur le dossier LATECOERE, l’État, qui se dit concerné, refuse de s’impliquer. Enfin, cette solution apparaît être transitoire. Les horizons d’investissement des fonds Apollo et Monarch n’excédant pas 5 ans en moyenne, il semble clair que, dans les prochaines années, le Groupe devra trouver un autre actionnaire de référence. Pour la CFE-CGC LATECOERE, les prochains actionnaires majoritaires devront être industriels afin d’inscrire le Groupe dans une trajectoire long terme. Fort de ce constat, une question nous vient à l’esprit : « Les échecs des projets successifs de rapprochement (Zéphyr en 2008 et avec la Sogerma en 2013) n’ontils pas définitivement enterrés la piste franco-française ? »

Fusion d’AEROLIA et de SOGERMA. Création de STELIA AEROSPACE Le 8 octobre 2014, les CCE d’Aérolia et de Sogerma étaient convoqués en réunions extraordinaires simultanées pour annoncer aux élus la volonté de fusionner les deux filiales. Le 29 octobre, à l’issue d’une procédure de consultation très condensée, les CCE d’Aérolia et de Sogerma donnaient un avis positif à la création de STELIA AEROSPACE, au 1er janvier 2015. Cette nouvelle société, filiale à 100 % d’AIRBUS GROUP, devient ainsi le 1er fournisseur Européen d’Aérostructure et 3ème mondial. Cinq établissements composent cette filiale : Méaulte (1 600 salariés), Rochefort (930 salariés), Saint-Nazaire (880 salariés), Toulouse (500 salariés) et Mérignac (230 salariés) et 6 filiales (Stelia Composites à Salaunes, 2 en Amérique du Nord, 1 en Tunisie et 2 au Maroc). Début 2015, STELIA AEROSPACE s’est donc doté d’une organisation dite « de transition », avec Cédric Gautier, au poste de Président, et Donald Fraty, Directeur des Ressources Humaines. Les organisations syndicales, quant à elles, désignaient leurs délégués. Joël Bousereau (Sogerma) devient délégué syndical central et Éric Horville (Aérolia), délégué syndical central adjoint pour la CFE-CGC.

Après 8 réunions de « concertation », au cours desquelles chaque responsable aura présenté le projet d’organisation industrielle et fonctionnelle, 4 réunions de négociation des modalités d’accompagnement des salariés et 2 expertises (ICC et CCE), la CFE-CGC, en CCE extraordinaire du 6 mai 2015, a rendu un avis favorable (abstention de l’ensemble des autres organisations syndicales) au projet présenté par la Direction. Durant les deux prochaines années, les établissements vont donc vivre au rythme des restructurations, dont l’objectif est la spécialisation des sites (Pointes Avant à Méaulte, Usinage et Tuyauteries à Saint Nazaire, Fuselages et Cabine Interior à Rochefort, ATR à Mérignac et Bureau d’Études et Fonctions Structures à Toulouse). Ce sont ainsi 140 personnes (120 cols bleus et 20 cols blancs) qui verront leur poste évoluer sur les sites et 60 personnes des services de structure qui devront se repositionner en mobilité, soit géographique (essentiellement de Rochefort vers Toulouse), soit fonctionnelle. L’accord GPEC qui prévoit 400 000 € de budget « formation spécifique », des mesures d’accompagnement des mobilités et, si besoin, l’accompagnement de maxi 20 personnes en « congé de mobilité » (départ de l’entreprise) a été négocié pour que l’ensemble de ces mouvements se déroulent de la meilleure manière possible. Ludovic Andrevon, Joël Boursereau et Thierry Thomas

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C’est dans l’air

Prophétie auto réalisatrice Moi, dit le jeune, de toute façon, je ne toucherai pas de retraite. Mais pourquoi, répond l’ancien ? Parce qu’il n’y a pas assez de cotisants et trop de retraités. Je ne t’en veux pas, c’est évident. Tu n’es pas responsable du Papy Boom, pas plus que je suis l’inventeur de la génération Y. Mais c’est comme ça : vous les anciens, vous êtes en train de siphonner le puits dans lequel nous versons nos cotisations. Et donc : je ne toucherai pas de retraite. Et donc, reprend l’ancien, quelle conclusion en tires-tu ? Eh bien, répond le jeune, je pense que puisque je n’aurai pas de retraite, me demander de cotiser pour quelque chose que je n’aurai pas, constitue une profonde injustice sociale. Je peux comprendre ton point de vue, répond l’ancien. Mais si c’est injuste pour toi, c’est juste pour moi. Ta cotisation est la juste suite de la mienne et me permet aujourd’hui de vivre dans le respect du contrat social qui fut le mien.

BREF

AÉRO 8

Peut-être, répond le jeune. Mais comme dit la dernière chanson des Enfoirés, « ta classe d’âge a déjà tout et la mienne n’aura jamais le même niveau de vie ». Alors avant de cotiser, si tu veux, j’aimerais bien savoir, j’aimerais bien choisir où va mon argent. D’ailleurs, les assurances privées proposent des rendements bien supérieurs à ceux des caisses de retraite par répartition. Donc, reformule l’ancien, tu es prêt à cotiser par capitalisation parce qu’on te vend des rendements mirifiques, et à abandonner la répartition ? Oui, acquiesce le jeune, c’est ça. Mais, reprend l’ancien, la capitalisation, cela revient à dire que, non seulement, tu donnes ton argent de futur retraité à un fond de pension, mais qu’en plus, en tant que salarié, tu devras en quelque sorte obéir à ce même fond de pension pour qu’il fasse fructifier ton argent, s’il est par hasard actionnaire de ta société. C’est bien ça que tu veux ? Eh bien, hésite un instant le jeune … ce n’est pas très entraînant, mais oui. Le résultat va ressembler à ça. J’admets qu’on est loin des idéaux de mai 1968, si c’est ça que tu veux me faire dire …

Ce n’est pas ce que je cherche à te faire dire, mais ça m’amuse de l’entendre, reconnait l’ancien. Non, ce qui m’importe le plus c’est d’imaginer ce qui va se passer si tout le monde fait comme toi. Eh bien, interroge le jeune ? Oh, c’est très simple : au-delà d’une certaine proportion, que je ne connais pas, le transfert d’argent du système par répartition vers le système par capitalisation va assécher le premier. Lequel va s’effondrer. Et donc ta prophétie va se réaliser : tu ne toucheras pas de retraite. Tu toucheras les dividendes que les banquiers et les fonds de pension arracheront aux bénéfices des entreprises, si la mondialisation leur en laisse. En somme, conclut l’ancien, tu auras formulé ce que l’on appelle une prophétie auto réalisatrice. Je te laisse méditer là-dessus …

Mai/juin 2015 • n°352 Directeur de la publication : Bernard Valette Coordinateur de la rédaction : Daniel Verdy Ont participé à la rédaction : L.Andrevon, T.Thomas, J.Boursereau, D.Jouanchicot, M.Legrand, B.Mathieu, C.Dumas Crédits photos : © Thinkstock - Sogerma, Dassault-Aviation Bref Aéro est une publication bimestrielle de la CFE-CGC AED - 66, rue des Binelles 92310 Sèvres contact@snctaa.fr Rédaction, conception, réalisation : Agence L’œil et la plume - www.loeiletlaplume.com Impression : Imprimerie La Centrale de Lens Dépôt légal : juin 2015 ISNN : 0293-8251 - CPPAP : 0114S 08080

Christophe Dumas Délégué administratif


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