annexes

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FAITS DE SOCIÉTÉ : Comment traiter de sujets difficiles grâce aux outils actuels de la communication ?


ANNEXES


Ces annexes viennent compléter les différentes analyses d’objets de communication m’ayant servi de références pour la réalisation de mes propres projets, présentées dans la première partie de mon mémoire.

Vous trouverez ici des recherches théoriques, ainsi que des analyses de travaux d’artistes m’ayant servi d’inspiration de façon indirecte dans mes projets, notamment pour définir les approches à avoir des sujets ( de la misère sociale plus particulièrement ). C’est justement parce que les références sont plus ou moins reliées à mes projets que j’ai choisi de les placer dans le mémoire, ou bien ici.

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J’ai choisi d’y placer d’autres recherches sur mes deux thèmes principaux, dont je n’ai pas parlé, ou que je n’ai pas détaillées, dans le mémoire.


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Références : Comment aborder un problème tel que l’inceste en communication ?

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Comment la misère sociale a-t-elle été montrée ?

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Bibliographie : La communication associative

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Comment aborder un problème tel que l’inceste en communication ?

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Comment la misère sociale a-t-elle été montrée ?

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RÉFÉRENCES


Comment aborder un problème tel que l’inceste en communication ?


INCESTE

L’inceste : « Pourquoi en parler ? », « Comment en parler ? », « Oser voir, entendre, dire » Ces données proviennent du site de la Fondation canadienne MarieVincent. Elles font partie des premiers résultats de mes investigations sur le Web, et m’ont beaucoup éclairée sur les problématiques liées aux conséquences de l’inceste sur la santé mentale et physique des victimes, ainsi que sur la problématique du silence gravitant autour de l’inceste, et sur la nécessité de lutter contre.


Lorsque les victimes d’inceste se retrouvent dans un contexte de vie sécuritaire et peuvent parler du traumatisme qu’elles ont vécu, elles parviennent alors à libérer et à maîtriser l’émotion qui les a paralysées au moment de l’abus et remanier le sentiment provoqué par le fracas. Actuellement, les victimes de l’inceste, nombreuses à ne pas avoir dénoncé leur agresseur, n’osent pas parler publiquement des souffrances qu’elles ont vécues. Elles craignent d’être pointées du doigt, de briser leur famille, d’être jugées, revictimisées ou discréditées dans leur profession. Les preuves ne sont pas toujours évidentes à formuler, les agressions sont souvent commises sous la menace et derrière des portes closes. Les enfants victimes d’inceste, quant à eux, sont isolés et leur développement est compromis. Alors, L’INCESTE, PARLONS-EN.

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est permettre d’accueillir les victimes et les écouter afin qu’elles puissent faire le récit de leur blessure et métamorphoser l’horreur. Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est permettre aux victimes de trouver en l’autre compréhension et réconfort, afin d’entamer un processus de guérison. Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est permettre aux victimes d’être accueillies dans leur détresse afin de trouver le soutien nécessaire pour se reconstruire. Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est dénoncer et condamner des actes inacceptables qui brisent la vie de nombreuses personnes. Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est travailler à empêcher que les situations d’abus ne se répètent.

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est reconnaître l’existence de cette problématique et conscienter les gens autour de soi de la nécessité de protéger les enfants.

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est briser les chaînes qui permettent la transmission de cette problématique de génération en génération.

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est permettre de briser le mur du silence dans lequel sont enfermées trop de victimes.

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est s’engager à exiger que soient implantés dans nos pays respectifs, des ressources adéquates pour intervenir auprès des victimes et des familles.

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Pourquoi en parler ?


Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est offrir en milieu de travail de l’aide aux employés qui en furent victimes.

Comment en parler ?

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est offrir dans nos écoles des outils de prévention adéquats.

Les victimes d’inceste portent le lourd secret, souvent honteux, de leur blessure. Mais tous les chagrins sont supportables si on en fait un récit. Accueillir les victimes dans leur récit, les écouter de façon chaleureuse et active, les valider, sans les forcer, sans les juger, sans les stigmatiser dans un rôle de victime, représente une étape cruciale de leur processus de guérison. Il s’agit du pouvoir façonnant du regard des autres.

Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est exiger une formation adéquate des intervenants.

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Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est exiger des investissements dans la recherche, la formation et la prévention. Parce que parler de l’inceste ouvertement, c’est contribuer socialement à changer les choses, transformer la culture et offrir aux victimes un chemin vers la guérison.

« La narration permet de recoudre les morceaux d’un moi déchiré. »

Ainsi, pour la victime, être écoutée, accueillie, validée, et reçue dans son récit est capital. C’est la présence d’un confident empathique qui lui offre la possibilité de se reprendre en main après un traumatisme. Le secret clive et ampute, autant qu’il altère les émotions. La manifestation du récit, à travers des rencontres affectives et sociales, permet à la victimes de sortir de son isolement et trouver le soutien nécessaire à sa recontruction. Parler, pour la victime, crée un sentiment d’apaisement. L’avenir est moins sombre quand elle dispose, autour d’elle, de l’accueil inconditionnel de ses confidents.


Si nous parvenons à créer un contexte socialement acceptable pour recevoir le récit des victimes, le sentiment que les victimes éprouvent envers ellesmêmes changera tout autant. C’est donc en soulevant le voile du secret et en donnant la parole à la victime, en soufflant sur la flamme de sa résilience, dans un espace d’accueil et de nonjugement, que nous parviendrons, comme société, à transformer leur sort et à cicatriser leurs blessures. Nous parviendrons, dans un même temps, à protéger nos enfants de la répétition intergénérationnelle de ces abus puisque le simple fait d’ignorer le passé nous condamne à le reproduire.

Oser voir, entendre, dire - Oser voir le comportemant et le corps d’un enfant abusé sexuellement - Chez le nourrisson et le tout jeune enfant On sait maintenant que plusieurs abus incestueux débutent dans la toute petite enfance. L’enfant n’a pas de parole. Le diagnostic est difficile. Il repose sur l’examen clinique lors de visites systématiques chez le médecin. L’enfant peut alors présenter ( mais pas toujours ) des lésions à l’anus, à la vulve, à la bouche : blessures, irritations, hémorragies. L’évaluation de la croissance et l’observation du comportement du nourrisson peuvent aussi apporter des renseignements précieux : l’enfant est-il chétif ? trop immobile ? apathique ? sans sourire ? méfiant ? étonnamment silencieux ou au contraire gesticulant de manière étrange ? - Chez l’enfant Ce sont les troubles du comportement qui occupent le devant de la scène : Comportement anormalement sexualisé, Troubles de développement responsables de difficultés scolaires,

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C’est seulement dans une société qui permettra l’ouverture au vécu et au récit de la victime, à son partage dans un contexte socialement acceptable que celle-ci pourra s’accepter intimement, se regarder en face et réintégrer la société.


Modification du comportement et manifestations émotionnelles envahissantes, Fatigue, mal de ventre sommeil perturbé, cauchemars fréquents, régression,

sexuel, il abuse de l’enfant, il le trompe et l’emprisonne. Il lui vole son enfance. L’enfant peut alors adopter un comportement de survie, un comportement ambivalent. Il est débordé de sensations qu’il ne peut pas intégrer. Il est soumis au secret imposé par son abuseur.

Estime de soi gravement altérée. - À l’adolescence

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Douleurs abdominales, maux de tête, malaises, Comportements autodestructeurs, toxicomanie, tentatives de suicide, fugues et errances, troubles du comportement alimentaire, hyperactivité sexuelle, prostitution, automutilation.

- Oser entendre la parole d’un enfant abusé sexuellement La révélation des abus vécus dans la famille n’est jamais facile. L’enfant ignore le plus souvent que la situation qu’il vit est « anormale » et qu’il a des droits. Ce qui se passe en famille est sa norme. Quand l’enfant réalise l’anormalité de ce qu’il vit, il est envahi par la honte et la culpabilité. Il se tait surtout parce qu’il est menacé et sommé de le faire. Tout enfant est en quête affective. Quand un adulte profite de cette quête pour offrir une réponse d’ordre

Alors, quand l’enfant ose parler, osons l’écouter. Généralement, sauf dans de rares exceptions, l’enfant n’invente pas le récit d’une agression sexuelle. Honte et peur sont les sentiments dominants. Son récit est fait dans ses mots et n’est pas élaboré avec une chronologie précise. Croire l’enfant et le lui dire est essentiel. Celui-ci, après avoir parler, peut se rétracter. Ce symptôme fait partie des mécanismes d’accommodation au traumatisme. Il peut s’agir d’un revirement spontané parce que l’enfant se sent coupable d’avoir parlé ou parce qu’il est soumis à des pressions familiales.

- Oser dire qu’un enfant est abusé sexuellement Il faut avoir le courage de repérer et de dépasser nos résistances face à cette violence. La perspective d’un signalement n’est jamais une tâche facile mais combien nécessaire pour protéger l’enfant. L’abus sexuel est un piège qui enferme la victime et les témoins. Dès sa


Sortir du silence et du secret, de la confusion et de la honte engendrées par les climats incestueux, c’est soutenir l’enfant dans ses propres efforts de résistance et sa volonté de résilience. L’enfant victime d’inceste en veut souvent davantage à ceux qui ne l’ont pas protégé de ces situations d’abus.

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naissance, le corps de l’enfant est livré à sa famille, puis à ses proches, et de tous temps, cette vulnérabilité a poussé des adultes à en profiter. Cette violence impensable est enfouie en nous, elle court-circuite nos pensées et nos actions. Les familles incestueuses suscitent en nous des mécanismes inconscients de défense. Nous les mettons en place à notre insu, pour sauver nos représentations parentales., notre idéal familial ou professionnel, et plus largement notre vision de l’humanité. Prenons garde à ces idéologies qui nous font refuser l’évidence du mal et nous protègent de l’angoisse.


Controverse autour de la campagne d’AIVI : compte-rendu du débat.

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Cette article du journal Le Monde revient sur la polémique provoquée par la campagne de prévention contre l’inceste proposée en 2005 par l’association AIVI ( visuels et analyses dans le mémoire ).


Diffusée dans la presse depuis deux semaines, la publicité lancée par l’Association internationale des victimes de l’inceste ( AIVI ) suscite la colère et l’indignation d’autres mouvements qui luttent contre le fléau, mais aussi l’incompréhension du grand public. Deux autres visuels évoquent « la main baladeuse de tonton » et « le doigt tripoteur du frangin ». Le Monde a publié l’un de ces encarts dans son édition du 11 février, et a reçu en retour un important courrier des lecteurs ( Le Monde daté 20 et 21 février ). Le magazine pour adolescents Actu a publié les trois visuels le 16 février, en expliquant la campagne provocante de l’AIVI dans un article. D’après l’agence de publicité V, qui a créé gratuitement les images, la diffusion est prévue dans d’autres titres grand public.

« Nous avons voulu choquer pour médiatiser le problème de l’inceste», explique Hugues Pinguet, le directeur artistique de la campagne. La présidente de l’AIVI, Isabelle Aubry, assure l’avoir soumise à des enfants : « Ils n’étaient pas choqués et ils comprenaient le message. Ce n’est pas grave que la campagne dégoûte des adultes si elle permet de sauver des enfants. » L’objectif, au départ, n’était pas seulement de les diffuser dans la presse, mais aussi de les afficher sur de grands panneaux urbains. Mais, en décembre 2004, le Bureau de vérification de la publicité ( BVP ) a émis un avis négatif sur la campagne d’affichage : « Nous ne voulons pas que des parents aient à expliquer ces images à leurs enfants à un moment où ils n’en ont pas envie. Nous ne voulons pas non plus que ce genre de publicité se retrouve coincée entre une réclame de yaourt et une autre de lingerie », explique Joseph Besnaïnou, le directeur général de l’organisme. « Notre éthique est d’éviter de choquer les publics les plus fragiles. Or les victimes d’inceste seraient profondément bouleversées par une telle campagne. » Joseph Besnaïnou affirme avoir émis un avis négatif sur la diffusion dans la presse à la mi-janvier. Il accuse les journaux qui sont passés outre d’« irresponsabilité ».

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le Bureau de vérification de la publicité affirme qu’il avait émis un avis négatif sur sa diffusion. Dans l’encart publicitaire, le film plastique rose bonbon, bardé d’annonces accrocheuses, aurait pu contenir un jouet. Il n’en est rien. L’intérieur du paquet renferme une langue, incongrue : « la vraie langue de papa », lit-on sur l’emballage, avec, dans un coin, cette petite note : « 72 % des infractions sexuelles sont perpétrées dans le cercle familial. »


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De son côté, l’AIVI affirme que l’avis négatif ne concernait que l’affichage et défend sa volonté de bousculer les consciences au moyen d’images chocs. La présidente de l’association, elle-même ancienne victime, se bat pour médiatiser la question de l’inceste : « Ces images sont peutêtre choquantes, mais elles le sont toujours moins qu’un viol d’enfant. » « Ce n’est pas parce qu’on est victime qu’on a raison, rétorque Annie Gaudière, directrice générale de l’organisation Allô enfance maltraitée ( le 119 ). Ces visuels divulguent un message pervers qui demande trop de gymnastique intellectuelle pour être compris. » Une bonne campagne contre l’inceste devrait, selon elle, « montrer aux parents les limites de l’intimité de l’enfant, en expliquant par exemple qu’il faut fermer la porte de la salle de bains pendant la douche ». Le vice-président de l’association Enfance et partage, Christian Gautier, craint que ces visuels provoquent « un deuxième traumatisme pour un enfant victime ». Une personne qui a subi un inceste éprouve toujours d’énormes difficultés à mettre des mots sur son vécu, et « la vue de ces encarts publicitaires pourrait bloquer sa capacité à communiquer ». L’agence V avait proposé des visuels similaires à Enfance et partage, qui avait décliné l’offre.

Annie Pizon, coordinatrice à SOSInceste pour revivre, juge la campagne contre-productive. Le dégoût détourne le public du problème, et les images chocs empêchent la libération de la parole des victimes. « C’est dans l’intimité et dans la confidentialité qu’il faut lutter contre l’inceste, pas en faisant du battage médiatique ! » Le risque est aussi que de jeunes enfants tombent par hasard sur les encarts diffusés dans la presse. D’après Patricia de Almeida, psychologue et écoutante bénévole à SOS-Inceste pour revivre, ces visuels peuvent provoquer un rejet de certaines parties du corps, voire une phobie des gestes affectifs des parents. « Ces images sont très réductrices de la problématique de l’inceste, et elles salissent les notions de sexualité et de sensualité. » Sur le site Internet de l’AIVI, on peut lire, à propos des visuels : « S’ils suscitent une réaction forte, ou une simple réaction de dégoût, notre but est atteint. » Sur ce point, la mission semble réussie.

Sarah Nafti et Amélie Poinssot le monde du 22/02/05


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Comment prévenir de l’inceste ?

Ce texte est extrait de « L’inceste envers les filles : état de la situation », document produit en 1995 par le Conseil du statut de la femme au Québec. Ce bilan, bien qu’il concerne le Québec en particulier, m’a apporté pas mal d’informations au niveau des précautions à prendre lorsque l’on veut faire de la prévention contre un tel sujet.


Selon l’Organisation mondiale de la santé, il existe trois niveaux de prévention : « Dans le contexte des abus sexuels, la prévention peut se définir comme toute mesure qui vise à empêcher qu’un abus sexuel se reproduise ( prévention primaire ), à en détecter les premières manifestations ( prévention secondaire ), et à en réduire les conséquences ( prévention tertiaire ). » L’application de programmes de prévention, même si elle vise plus particulièrement un de ces niveaux, a souvent des répercussions plus larges. « Ainsi, un programme d’information sur l’abus sexuel destiné à un groupe d’enfants d’âge scolaire constitue une approche de type primaire. Mais ce même programme peut favoriser chez certaines victimes le dévoilement d’une situation abusive ( prévention secondaire ) et permettre à d’autres de trouver l’aide et les ressources dont elles ont besoin ( prévention tertiaire ). » Nous avons déjà examiné les services d’aide offerts dans les cas d’inceste. Ces services se situent au pôle curatif des niveaux secondaire et tertiaire de prévention. Nous étudierons ici les moyens de prévention ( dits primaires pour les

spécialistes et situés près du pôle préventif ), qui doivent s’efforcer d’éliminer les causes des agressions sexuelles envers les enfants. Aucun des programmes recensés ne se présente comme un programme de prévention de l’inceste, ni comme un programme orienté uniquement vers les filles. De plus, contrairement aux programmes visant les mauvais traitements qui, eux, font davantage appel aux parents, la grande majorité de ces programmes de prévention sont destinés aux enfants. 4.3.1 L’analyse théorique Il est évident que l’analyse de la problématique va influencer directement le message véhiculé par la prévention. Dans une étude fort intéressante à ce sujet, Bouchard établit une classification des instruments de prévention et dégage deux grands courants idéologiques. Le premier modèle, dit moraliste, est issu de la tradition judéo-chrétienne et est basé sur le discours médical véhiculé par les intervenants du monde de la santé. À partir des études scientifiques, le courant médical met l’accent sur le dépistage « par une sensibilisation et une description des symptômes physiques ou comportementaux offertes aux médecins et aux travailleurs et travailleuses sociales. » Très peu d’auteurs essaient d’expliquer les causes des agressions. La seule remise en question des rôles

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4.3 La prévention de l’inceste


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sociaux s’attache à évaluer s’ils sont bien ou mal remplis selon une conception traditionnelle des rôles familiaux. La prévention est orientée presque totalement pour contrer les risques d’enlèvement des enfants et les personnes-ressources retenues à cette fin sont toujours en premier lieu les parents.

en soi, l’estime de soi, l’assurance font partie de cette intervention.

Quant au deuxième modèle, nommé égalitariste, il est issu du mouvement féministe et d’un courant sociologique fondé sur les droits des enfants. L’interprétation féministe des agressions sexuelles a retenu des éléments essentiels à la prévention :

Le modèle égalitariste vise la transformation, non seulement des rapports sociaux hommes/femmes et adultes/enfants, mais aussi des processus de socialisation aux rapports de force et aux rôles en découlent.

- Les enfants sont des personnes à part entière; leur corps leur appartient et n’est la propriété de personne. Ils ont le droit de dire non et de refuser ce qu’ils ne désirent pas. - Ainsi, la prévention est orientée contre tous les types d’agresseurs, pas seulement les étrangers. - L’enfant est respecté ainsi que ce qu’il nous confie. - L’intervention contre le sexisme, les stéréotypes et l’inégalité sexuelle se pose comme une autre constante. Contrer la vulnérabilité et la dépendance autant que l’agressivité et la violence, développer la confiance

- La reconnaissance de droits aux enfants suppose qu’on accepte leur contestation de l’autorité adulte. - Les droits des enfants incluent la reconnaissance du droit à l’éducation sexuelle.

Certains documents de prévention puisent des éléments dans l’un et l’autre de ces modèles, mais l’une des deux analyse est généralement dominante. Selon les objectifs que l’on veut atteindre, il faudra donc déterminer le modèle lors du choix d’un outil de prévention. 4.3.2 Les services institutionnels Les services de protection de l’enfance, ( les DPJ et les CPEJ ) font rarement de la prévention primaire. D’ailleurs peu d’organismes gouvernementaux le font au Québec. Plusieurs prétendent que l’école est le milieu idéal pour s’acquitter de cette responsabilité, car c’est un lieu qui rassemble les jeunes. Selon une recherche réalisée par le CLSC la Guadeloupe, en avril 1988,


Cette étude favorise cependant l’utilisation du personnel enseignant, plutôt que des spécialistes. La question de savoir qui est plus apte à faire de la prévention en milieu scolaire, des enseignants ou des spécialistes, est encore débattue vivement. Si un programme de prévention devait être administré par des enseignantes et des enseignants, nous croyons qu’une formation et un encadrement spécial auprès de ceux-ci serait essentielle, compte tenu des préjugés et des malaises associés à la thématique. Au Québec, le Programme de formation personnelle et sociale du ministère de l’Éducation comprend un volet d’éducation à la sexualité qui inclut quelques heures sur les agressions sexuelles. Toutefois, le peu de temps consacré à ce sujet ne peut pas être considéré comme

un programme de prévention. Débordant de la problématique des agressions sexuelles envers les enfants, une nouvelle initiative du ministère de l’Éducation du Québec mérite néanmoins d’être mentionnée à cause de l’influence intéressante qu’elle peut avoir sur les adolescents et adolescentes. En effet, le Ministère offre depuis octobre 1993, à toutes les écoles secondaires du Québec le programme VIRAJ, conçu par Entraide Jeunesse Québec en collaboration avec l’École de psychologie de l’Université Laval. VIRAJ traite de la violence dans les relations intimes chez les jeunes et vise à modifier les comportements contrôlants en une relation égalitaire où garçons et filles disposent des mêmes droits et libertés. Des sessions de perfectionnement sont aussi offertes au personnel qui applique le programme. Quant aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux, l’équipe de recherche du CLSC la Guadeloupe a répertorié quelques expériences institutionnelles de prévention provenant des CLSC. Un autre lieu privilégié de prévention, qui n’a pas encore été exploité, serait les médias télévisés, entre autres, à cause du nombre d’heures que les enfants consacrent à la télévision. La prévention primaire et secondaire, qui vise à détecter les premières

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l’école serait l’endroit idéal pour faire de la sensibilisation, et ce, pour nombre de raisons : plusieurs parents n’abordent pas la question et, dans de nombreux cas, l’agresseur est le parent lui-même ; les enseignantes incarnent un « adulte significatif » pour les enfants et peuvent soulever des discussions ; la prévention cadre avec l’objectif global de l’école publique québécoise, qui consiste à développer toutes les dimensions de la personne chez les enfants. De plus c’est un endroit privilégié pour rejoindre un maximum d’entre eux pour un minimum d’argent.


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manifestations du problème et à en réduire les conséquences, a aussi donné lieu à certains efforts institutionnels. Par exemple, le ministère de la Justice, en collaboration avec un groupe de consultation multidisciplinaire, a réalisé un film, Fini le secret, qui sert d’outil à la Couronne pour expliquer aux enfants le déroulement des mesures judiciaires. Le film relate la mésaventure d’une fille avec son voisin et est offert à toutes les écoles du Québec par l’entremise des directions régionales du ministère de l’Éducation. Quant au ministère de la Santé et des Services sociaux, il a produit une vidéo, Juste une enfant, qui s’adresse aux gens travaillant avec les jeunes et qui leur explique l’approche sociojudiciaire. Finalement, les programmes de soutien à la famille peuvent fournir une forme de prévention institutionnelle. Un mouvement en faveur de ces programmes s’est formé aux États-Unis, il vise surtout à réduire les risques que des enfants soient maltraités physiquement dans des familles dites à hauts risques. 4.3.3 Les services communautaires Plusieurs organismes non gouvernementaux travaillent à la prévention des agressions sexuelles faites aux enfants. L’effort communautaire le plus soutenu provient du programme Espace.

Ce programme, conçu aux États-Unis par le groupe Women Against Rape de Columbus ( Ohio ), y est connu sous le nom de Child Assault Prevention ( CAP ). Il a été adapté à la réalité québécoise par le Regroupement québécois des CALACS, qui a pris l’initiative d’implanter Espace au Québec et qui a marrainé EspaceQuébec de février 1985 à octobre 1988. Le programme est offert, depuis janvier 1989, par le Regroupement des équipes régionales Espace et il est administré par neuf équipes régionales Espace. Huit équipes, membres du Regroupement, offrent des services dans les régions suivantes : TroisRivières, Bois-Francs, Estrie, Outaouais, Val-d’Or, Chaudière - Appalaches, Châteauguay et Valleyfield. Pour sa part, la région de Montréal est desservie par un organisme nonmembre du Regroupement, le Centre de prévention des agressions de Montréal. À Montréal comme en région, le programme offre trois ateliers au personnel enseignant ainsi qu’aux travailleuses en garderie, aux parents et à l’ensemble des enfants, qu’ils fréquentent la garderie ou l’école. De 1985 à juin 1989, les équipes régionales ont rejoint directement 57 600 enfants et 16 000 adultes. Notons que le Regroupement des CALACS offre aussi des services de prévention. Par ailleurs, il existe une forme de collaboration entre les services communautaires et le monde des


Relevons en dernier lieu la création, en 1991, d’un service d’écoute téléphonique, Tel-Jeunes, pour les enfants et les jeunes qui ont été victimes de divers problèmes, dont l’inceste. Ce service, créé par Parents Anonymes, est financé en grande partie par des corporations privées et reçoit des subventions du ministère de la Santé et des Services sociaux ( 50 000 $ en 1993). Finalement, il ne faut pas oublier les ressources privées en vidéo et en théâtre qui peuvent quelques fois offrir des moyens de prévention très intéressants. Notons, entre autres, les efforts de l’Office national du film ( ONF ), qui, subventionné par Santé et Bien-être Canada, a produit une série de films et de vidéos portant sur la violence dans la famille, dont un sur l’inceste, L’enfant dans le mur. 4.3.4 Les difficultés, les limites et les orientations possibles La prévention primaire devrait tendre à empêcher que l’inceste se produise. Pourtant, la majorité des outils de

prévention sont destinés aux enfants. Vise-t-on la bonne clientèle pour répondre à cet objectif ? Plusieurs auteurs critiquent l’approche qui remet entre les mains de la victime toute la responsabilité des mesures à prendre. Certains suggèrent qu’il est peu réaliste de demander à ces enfants de porter la responsabilité de prévenir et, s’il y a lieu, de dévoiler l’agression sexuelle dont ils seraient victimes. Surtout en matière d’inceste, le silence leur semble parfois « la meilleure chose à faire afin d’éviter le ‹ pire › ( séparation des parents et/ou emprisonnement du père). » Un exemple de la responsabilisation des enfants se retrouve dans le document du CLSC la Guadeloupe, qui soutient que les enfants sont agressés sexuellement pour les causes suivantes : « le manque d’information des enfants sur les comportements non acceptables d’un adulte envers un enfant, l’absence chez l’enfant de la notion de propriété de son corps et l’ignorance des moyens dont il dispose pour se protéger. » Plusieurs de ces outils souffrent de simplifications excessives dans la description des agressions, alors que certaines études concluent que la majorité des agresseurs ont commis leur première agression sexuelle pendant leur adolescence. « Par conséquent, une population cible très pertinente pour une intervention éducative et

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affaires. C’est ainsi que l’association d’éducation préscolaire du Québec, soutenue financièrement par l’Assurance-vie Desjardins, a fait parvenir, sans frais, une trousse pédagogique ( deux livres et deux courtes vidéos ) à 1 600 écoles maternelles en 1988.


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préventive en matière d’agression sexuelle serait celle des garçons adolescents. » Ils sont un groupe-cible d’autant plus intéressant que nous savons qu’ils représentent une source d’aide potentielle importante pour les jeunes agressés. Selon Tel-jeunes, dans un cas sur deux, la victime se confie à un pair. De plus, les adolescents sont aussi une source importante de risque ( 25 % des agresseurs sont des mineurs ). Un effort particulier pourrait être entrepris concernant le vécu sexuel des adolescents. De plus, il existe peu d’outils s’adressant aux mères soutiens de famille pour les informer du fait que leurs filles courent de plus grands risques d’être agressées par leurs nouveaux conjoints que par les pères biologiques ; peu ou pas d’efforts portent sur les causes du comportement d’agresseurs, tant individuelles que sociales ; très peu d’évaluations de programmes sont faits ; et, finalement, il n’existe à peu près pas de matériel adapté aux clientèles particulières, par exemple les handicapées, les filles des minorités visibles, les filles ayant déjà subi une agression, etc. En outre, les agresseurs présentés sont souvent un étranger ou un voisin, rarement le père, le beau-père, l’oncle ou le frère. Il semble donc impérieux d’élaborer des approches préventives qui tiennent compte des facteurs de risque et incitent les adultes à y prendrent part.

Tourigny et Bouchard, après avoir examiné ces facteurs proposent des interventions liées aux rôles sexuels : « Le fait que la très grande majorité des abuseurs soit des hommes et que la majorité des victimes soit des filles, conjugué à l’absence des pères dans la socialisation de leurs enfants, aux difficultés de l’abuseur dans ses relations avec les femmes et le lien trouvé entre les tendances pédophiles et la violence envers les femmes chez les abuseurs montrent qu’il est important que les programmes de prévention puissent porter sur des éléments étroitement reliés à la socialisation des rôles sexuels. » Ils suggèrent donc des programmes privilégiant des valeurs de partage de pouvoir et d’égalité entre les hommes et les femmes, des interventions en périnatalité où les les pères seraient partie prenante, et un accroissement des programmes d’éducation sexuelle auprès des adolescents et adolescentes pour diminuer les stéréotypes sexuels. En raison d’autres facteurs de risque dépendant du manque de supervision parental et des relations dysfonctionnelles entre les parents et les enfants, Tourigny et Bouchard conseillent aussi de mettre sur pied des ressources pouvant aider les familles en situation de crise ou de transition. De plus, on pourrait penser à des programmes de sensibilisation et de


« Les adolescentes étant plus à risque d’abus sexuels extrafamiliaux, il apparaît alors pertinent de mieux les préparer à reconnaître et à exprimer leurs véritables besoins et intentions dans certaines situations à risque et de mieux les préparer à se défendre physiquement s’il le faut. Pour les enfants plus jeunes, davantage à risque d’abus sexuels intrafamiliaux, il faudrait surtout insister sur la diffusion de moyens propres à encourager la reconnaissance de la situation abusive et son dévoilement à une personne de confiance. » Quant à la prévention secondaire, ces auteurs rappellent que, compte tenu de la difficulté du système de protection actuel à recevoir tous les signalements et à les prendre en charge ( Messier ) et de la réticence des enfants à signaler leur situation, Saucier avait préconisé la création d’un réseau d’aide pour les victimes d’inceste. Ce réseau mettrait à la disposition de ces enfants, dans chaque école, « une personne volontaire, bien connue de la plupart des enfants et accessible. » Deux autres

volets pourraient compléter ces actions préventives auprès des jeunes : une ligne téléphonique d’aide pour les enfants abusés sexuellement et des équipes de jeunes aidants spécialement formés pour venir en aide à leurs camarades victimes d’abus sexuels. Enfin, Bouchard et Tourigny mettent l’accent sur une campagne publique de sensibilisation tout en insistant sur l’importance de soutenir cette campagne et toute action préventive, par une structure et des moyens qui permettent d’atteindre les objectifs et d’aider les enfants qui révèlent les agressions subies. Nous retiendrons donc, à l’instar des auteurs qui ont analysé les actions préventives et certains des programmes, que la prévention des agressions sexuelles envers les enfants n’a pas fait l’objet d’actions et d’engagements suffisants, ni de financement approprié, et qu’une analyse des objectifs et des moyens proposés par les programmes existants devrait être entreprise au plus tôt.

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formation auprès de l’ensemble des personnes intervenant auprès des enfants. Comme les caractéristiques des agressions varient selon le contexte dans lequel ils se produisent, il serait important que l’on développe des contenus de programmes adaptés aux groupes visés par ces programmes. Par exemple :


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Comment la misère sociale a-t-elle été montrée ?


MISÈRE


En prison, les détenus font souvent preuve de beaucoup d’ingéniosité et de créativité pour bricoler des objets leurs permettant d’améliorer leurs conditions de vie, aussi bien au niveau esthétique ( objets décoratifs ) que pratique ( pour répondre aux nécessités fonctionnelles ). Voulant prendre le contre-pied de l’image actuelle des centres de détention, c’est cet acte de revendication sociale, ce signe de l’humanité qui demeure en dépit des contraintes de la vie recluse, que Catherine Réchard a eu envie de montrer. Ce travail est le fruit de deux ans de travail, prises de contacts, rencontres et ateliers menés dans six prisons françaises. Les photographies de Catherine suscitent de l’empathie. En effet, la présence des détenus dans la plupart des images, et le lieu où elles ont été prises ( dans les cellules, lieux de vies des prisonniers ), permet une certaine forme d’identification aux créateurs de ces objets. De plus, l’organisation du travail en portraits individuels, composés d’une interview ( paroles des détenus retranscrites à la première personne ) et d’un ou plusieurs clichés d’un des objets qu’ils ont fabriqués, augmentent cet effet humaniste. Catherine Réchard a

su trouver l’originalité du sujet, et a évité de tomber dans la monstration froide et technique de la présentation d’objets désignés, en montrant les objets dans leur contexte, et en mettant en avant leurs créateurs, qui nous expliquent les motivations, les besoins qui les ont amenés à les réaliser.

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« Système P Bricolage, invention et récupération en prison. » de Catherine Réchard Éditions Alternatives 2002


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« Still life Killing Time » de Edmund Clark Éditions Dewi Lewis Publishing ( UK ) 2007 Les quarante-trois photographies en couleurs de ce livre ont été prises dans une unité spéciale de détention réservées aux personnes âgées, dans laquelle sont incarcérées vingt-cinq personnes qui ont entre cinquante et quatre-vingts ans, et qui sont détenues depuis minimum dix ans, voire jusqu’à trente ans pour certaines d’entre-elles ( meurtriers, violeurs, pédophiles, et autres criminels violents ). L’auteur de ce travail a souhaité s’intéresser particulièrement aux personnes âgées, car il estime que l’univers carcéral ne leur est pas adapté et que la maltraitance de ces personnes détenues dans les centres de détention habituels est une honte pour notre société. En effet, ces personnes, souvent infirmes, fragiles et vulnérables, sont des proies faciles, et sont régulièrement exploitées : la prison devient alors un lieu d’intimidation, de terreur, d’isolement. C’est pourquoi le photographe a souhaité s’intéresser à ce premier centre spécialisé pour personnes âgées, initiative intéressante en réaction au vieillissement de la population carcérale en Angleterre, mais qui n’est encore pas suffisante ( trop peu de places compte tenu du nombre de prisonniers âgés par exemple ). Souhaitant aller au-delà de l’image, certes fascinante, mais voyeuriste,

que l’on donne habituellement des détenus lorsqu’on en fait le portrait, Edmund Clark a souhaité produire un travail différent. Effectivement, aucune présence humaine n’est visible sur ses clichés, ce sont les images du lieu dans lequel les prisonniers vivent, et leurs objets personnels, qui parlent pour eux. Ces photographies sont une tentative de fusion entre des images documentaires et le symbolisme de la nature morte. Ces images, très esthétiques et très graphiques ( utilisation récurrente de plans frontaux, d’axe de symétrie au centre de l’image ), sont formellement très impersonnelles, mais pourtant en disent long sur la détention de ces personnes âgées. Seul un titre très bref et pas toujours explicite accompagne les photographies. L’absence de texte décrivant chaque cliché ou le détenu auquel certaines images se rapportent, laisse toute la place à l’image pour évoquer les problématiques de la vie carcérale de ces personnes âgées, et les solutions proposées par ce centre de détention.


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« Portraits in prison » de Luigi Cariglio Éditions Contrasto 2007 Depuis 1995, Luigi Cariglio travaille avec des détenus de prisons de différents pays ( Italie, Portugal, Écosse, Hollande, Finlande, Pologne, Roumanie, etc. ). Un peu comme celles de Reneke Dijkstra, ses photographies, prises sans idées reçues ni jugement, tentent d’apaiser la crainte de l’Autre, de l’étranger. On perçoit dans ses images la relation particulière qui s’est établie entre le photographe et les sujets – des clichés pris avec franchise et curiosité, qui redonnent leur dignité aux détenus, des gens qu’il considère comme étant ordinaires. Même si l’intention du photographe n’était pas de produire un document fidèle sur les prisons ou leurs occupants, il rejoue les codes du documentaire en associant deux types d’éléments à ses clichés : des lettres de détenus, et des photographies des centres de détention ( lieux uniquement, sans présence humaine ). Il affirme avoir fait ce choix simplement pour contextualiser ses portraits, qui en eux-mêmes ne sont pas caractéristiques de l’univers carcéral. Effectivement, il a demandé aux personnes photographiées de choisir elles-mêmes l’endroit où elles allaient l’être. Les choix que chacun a faits se sont portés sur des fonds qui n’évoquent en rien la prison, et il en sort donc des photographies qui auraient pu être celles de n’importe

qui. Les portraits en couleurs, toujours frontaux, de ces gens vulnérables, de ces hommes et de ces femmes solitaires, sont très expressifs. Leurs regards, toujours très franchement dirigés vers l’objectif, vers nous, semblent nous interpeller, vouloir nous dire quelque chose, nous passer un message sur leur condition. Ils semblent s’échapper de leurs stigmates, dans lesquels les images de la prison et les lettres – qui évoquent alors leur vie quotidienne – les gardent captifs. Une confrontation que je trouve très juste, et très habilement pensée par le photographe.


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« Entre parenthèses Regards sur l’univers carcéral par Klavdij Sluban » Photo poche Société – Éditions Actes Sud 2005 De 1995 à 2005, Klavdij Sluban a mis en place des ateliers photographiques avec des jeunes détenus de France d’abord, puis de différents pays de l’Est ( Serbie et Monténégro, Slovénie, ex Union Soviétique ). Restant en moyenne pour des durées de deux semaines consécutives dans chaque établissement pénitentiaire, où il séjourne en immersion totale, afin de pouvoir investir les lieux et en rendre quotidiennement l’atmosphère, c’est seulement après trois ans qu’il a lui-même sorti son appareil pour prendre ses propres photographies. Son travail, présenté dans ce livre ainsi que dans un DVD, « 10 ans de photographie en prison », regroupe des clichés pris par des détenus lors des ateliers, et les siens. Sa volonté était de mener en parallèle une recherche personnelle et un travail de transmission auprès d’adolescents incarcérés – la photographie devenant un support à la relation. Cette réelle collaboration a permis de produire un mélange de photographies de l’artiste, plus expérimenté avec ce médium, et d’images des détenus, plus aptes à retranscrire la vie carcérale, qui s’avère très riche. Cependant, si l’échange semble très important pour lui, il affirme que sa démarche est

avant et par-dessus tout artistique, et ne se situe pas directement au niveau de l’aide. Son objectif est plutôt d’essayer de « voir là où il n’y a rien à voir en apparence : ce temps qui s’effiloche, ce calme plat de la non-espérance. » Dans ses photographies, toujours en noir et blanc, couleur qu’il affectionne et qui représente parfaitement le gris des murs de prison, on perçoit le calme, le silence, la froideur de l’environnement carcéral, la dureté du lieu, l’abattement des détenus, mais un peu de vie aussi parfois malgré la détresse générale. Les photographies prises par les détenus interrogent le lieu où ils vivent, et la raison pour laquelle ils y sont. Leur besoin de se restituer une identité les a amené à beaucoup se photographier eux-mêmes. À travers la photographie, ils ont pu se réapproprier le milieu carcéral par leur regard, se réapproprier leur propre image, et goûter à la satisfaction de mener un projet à terme. Un tel projet, au-delà de sa valeur esthétique et documentaire, est à mon avis un réel bénéfice pour ceux qui y ont participé : les détenus ( même si le photographe affirme que l’aide n’est pas sa priorité ), et l’artiste.


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« L’enfer me ment » de Alain Wiame Éditions Husson 2007 Les photographies de ce livre ont été réalisées par cinq photographes reconnus à l’initiative de l’association belge Autrement ASBL, qui œuvre pour l’insertion et la formation par le travail ; elle est active depuis plus de vingt ans dans le secteur de l’aide aux justiciables détenus, aux exdétenus, et aux victimes. Jane Evelyn Atwood, Jean-arc Bodson, Gaël Turine, Michel Vanden Eeckhoudt et Hugues de Wurstemberger ont passé des journées, parfois des semaines, dans des prisons belges pour réaliser ce travail. Cet ensemble de photographies revêt autant les qualités d’un travail d’artistes, soutenu par le rager et la sensibilité de chaque photographe, que celles d’un document, de part la force des images et les sujets qu’elles présentent, auxquelles viennent s’associer des textes explicatifs et parfois des témoignages de détenus ( seulement pour une prison étudiée ). Le premier souhait des créateurs de cet ouvrage a été de donner la parole à ceux qui n’ont d’habitude que le droit de se taire. S’affranchissant de l’idée commune selon laquelle le système pénitentiaire peut protéger durablement les citoyens, ils ont tenté de ramener l’humain au centre de leur réflexion. Considérant que le durcissement des conditions carcérales n’est pas une réponse

adéquate au malheur des victimes et n’engendre rien de positif non plus chez les prisonniers eux-mêmes, ces photographes et l’association asbl, ont choisi de dénoncer cette nouvelle tendance. L’intérêt de tous repose dans la lutte contre la récidive, qui passe par la lutte contre l’exclusion, et qui nécessite donc que les objectifs de la détention soient axés prioritairement sur les problématiques de réinsertion. À l’heure actuelle, la prison semble n’être qu’un lieu d’attente ( de la fin de la peine ) dont les détenus ressortent socialement ( et moralement ) affaiblis. C’est ce que ce projet photographique critique en interrogeant par l’image (et par le texte) les conditions de l’enfermement, et sa raison d’être. Montrant la détresse, mais aussi parfois les moments de joie des détenus, leurs échanges, la solidarité, ainsi que les conditions dans lesquelles ils vivent, ces photographies, en noir et blanc ou en couleurs selon les artistes, nous donnent à voir la réalité carcérale de chacun des lieux en question, autant de réalités que d’établissements pénitentiaires et d’individus. Les images, déjà très puissantes et très évocatrices en ellesmêmes, sont complétées par des textes ( du Service Public Fédéral Justices et des photographes ) qui viennent apporter des précisions parfois nécessaires à la compréhension réelle des problématiques abordées et de l’approche qu’en a eue chaque artiste.


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« Mineurs en peines – Photographies de Lizzie Sadin » Photo poche Société – Éditions Actes Sud 2009 De 1999 à 2007, Lizzie Sadin a parcouru les prisons de onze pays aux caractéristiques géopolitiques très différentes ( pays en paix ou en guerre, états de droits ou régimes autoritaires, etc. ) pour y photographier de jeunes détenus. À travers ce reportage photographique, elle dénonce les violences, les humiliations psychiques, physiques voire sexuelles infligées aux jeunes détenus. Pour elle, la privation de liberté n’est pas une fin en soi, mais une étape de prise en charge, d’autres mesures – qui n’existent pas ou sont trop peu appliquées – sont nécessaires à la reconstruction de ces mineurs en conflit avec la loi. L’incarcération ne se justifie que si elle tend vers la réinsertion. Or, les conditions arbitraires de détention, humiliantes, répressives et inhumaines, qu’elle a pu découvrir dans de nombreux centres de détention, ne permettent pas d’atteindre cet objectif. C’est pourquoi elle a souhaité mener ce combat, redonner aux jeunes incarcérés la dignité qui est la leur, briser le silence dans lequel ils se trouvent, et surtout rompre leur isolement en les sortant de l’ombre. Ses photographies, en noir et blanc, dégagent une charge émotionnelle très forte. Mais en plus de cette qualité artistique, ce qui

m’a particulièrement intéressée dans ce travail, c’est la valeur sociale qui s’en dégage. Ce n’est pas un simple reportage, mais une dénonciation. Les légendes accompagnant les images permettent de mieux appréhender et comprendre les problèmes dont elles traitent, et de prendre conscience de la gravité de la situation. Pour ce travail, Lizzie Sadin a reçu le Visa d’or du festival de Perpignan en 2007. Ses photographies des prisons russes ont également servi de supports à Amnesty International en 2003 pour plaider sa cause auprès des autorités afin d’améliorer les conditions de vie de ces mineurs condamnés.


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Alors qu’elle en faisait la demande depuis le début des années 80, ce n’est qu’en 1989 que Jane Evelyn Atwood obtint sa première autorisation pour aller photographier des personnes incarcérées. Elle a depuis ce jour photographié des femmes en prison, les détenues, mais aussi les gardiennes, pendant neuf ans, dans quarante prisons de neuf pays différents ( Europe de l’Est et de l’Ouest, et Amérique ). C’est d’abord la curiosité qui l’a poussée à découvrir ce milieu si particulier, puis la révolte a pris le dessus, lui donnant la rage de poursuivre. Le premier objectif de son travail est bien d’informer, mais ses photographies constituent également « un appel urgent au changement ». Ce reportage, premier d’une telle ampleur sur le sujet, est un témoignage poignant sur le quotidien des femmes incarcérées. Composés de 150 clichés en noir et blanc, et de témoignages écrits, il nous amène à nous interroger sur les conditions carcérales. En effet, on découvre dans les textes, d’une part, les racines du crime ( pauvreté, abus de toutes sortes, etc. ), et d’autre part, leur quotidien, fait de nouveaux abus, d’un ennui profond dû au manque d’activité, et qui ne les prépare aucunement à une future réinsertion.

À travers son regard extrêmement sensible, et une esthétique très sûre, Jane Evelyn Atwood nous donne à voir la réalité d’une population carcérale féminine en constante augmentation. Ces images sont témoins de l’engagement total de la photographe dans ce projet, et du rapport quasi intime qu’elle a réussi à mettre en place avec ses sujets. Il en ressort des images émouvantes, très poignantes, parfois insoutenables, mais qui malheureusement correspondent à la réalité.

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« Too Much Time Women in Prison » de Jane Evelyn Atwood Éditions Phaidon 2000


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« Pauvres de nous Images de l’exclusion » Ouvrage collectif conçu et réalisé par le Centre National de la Photographie pour les petits frères des Pauvres, 1996 L’idée de ce livre est simple : l’association Les Petits Frères des Pauvres a fait appel à dix-sept photographes reconnus pour qu’ils mettent leurs talents au service des « exclus », grands vieillards et personnes en situation de précarité, et qu’ils réalisent des clichés qui ont par la suite été présentés dans un livre vendu au profit de l’association. Le concept de ce travail est assez similaire à celui que j’ai mis en place dans mon propre livre de photographies sur la misère. C’est un travail d’information et de sensibilisation qui prolonge le travail de terrain, un témoignage en faveur des plus démunis et une dénonciation de l’intolérable. Les photographies ont été prises dans plusieurs pays, avec la sensibilité propre à chaque artiste, mais l’ensemble met en avant l’universalité de la misère : quelles que soient la culture, la religion et la nationalité de ces personnes, on perçoit toujours la même détresse chez eux. La pauvreté a les mêmes effets destructeurs partout. Par souci de rigueur et de justesse, chaque photographe est resté immergé plusieurs mois dans le milieu dans lequel il travaillait. Il en ressort des images empreintes d’émotions

très fortes, des images effrayantes, perturbantes, insoutenables, car elles ont un effet miroir. Elles dressent notre portrait, celui de l’humanité, et c’est pour cela qu’elles nous touchent inévitablement. Sans complaisance ni voyeurisme, c’est simplement le sentiment d’urgence, de responsabilité, de mission, qui a guidé ces artistes sur le chemin de cet acte militant contre la misère. C’est aussi cette envie qui m’a poussée à travailler sur un tel thème.


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« Elle, Lui Et Les Autres Un Regard Pour La Fondation Abbé Pierre » de Eric Cantona 2009 C’est pour témoigner du travail réalisé par la Fondation Abbé Pierre qu’Éric Cantona a réalisé les photographies présentées dans ce livre. Pour cela, il s’est confronté pendant plusieurs mois au mal-logement en France ( Paris et banlieue, Metz, Lyon, la Réunion ) et à l’étranger ( Brésil ). Le parti pris de la Fondation, et du photographe, est de montrer des problématiques invisibles, « car ce qui ne se voit pas n’intéresse personne ». Plus qu’un simple travail d’artiste, ce projet lance un appel à une plus grande solidarité, tentant par l’émotion que dégagent les images de faire prendre conscience de la gravité du problème de la pauvreté et de l’exclusion. Les intentions initiales du projet étaient de prendre des clichés de sans-abris ou de très mal-logés pour montrer leur détresse, dénoncer leurs conditions de vie, et témoigner de la gravité du phénomène, honteuse dans un pays tel que le nôtre. Mais au cours de sa réalisation, le projet s’est élargi, en montrant de façon plus globale « toutes » les personnes à qui la Fondation vient en aide, qu’elle « soutient, accompagne, sauve parfois ». Les photographies en noir et blanc qui composent ce livre témoignent avec force des différentes actions de la

Fondation, et surtout de la nécessité d’un tel engagement auprès des plus démunis. Mais elles redonnent aussi un peu d’humanité, de dignité, à ces personnes qui n’ont plus rien. Associées parfois à des citations de membres du Comité d’Amis et de Parrains de la fondation Abbé Pierre ou à des explications des ses actions ( légendes ou textes plus longs ), ces images nous montrent aussi bien des portraits que des échanges entre plusieurs personnes, des moments de complicité, ou même parfois des lieux de vie, sans présence humaine. Cette diversité de clichés traitant d’une même thématique me paraît très intéressante, car elle reflète plus largement la vie des gens qui sont dans la misère, leur réalité.Tous les bénéfices de ce livre seront reversés à la Fondation Abbé Pierre.


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« Paysage d’exclus » travail photographique de Franck Boucher

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Franck Boucher est un jeune photographe français, devenu professionnel depuis peu. Conjointement à ses activités professionnelles, il a animé bénévolement un atelier photo dans un centre d’accueil de jour pour personnes en grande précarité, dans lequel il a réalisé durant trois années le projet « Paysage d’exclus ». Ce projet, reconnu en 2005 d’utilité publique artistique et primé par le concours une minute pour convaincre ( Banque Populaire / radio NRJ ) a été financé ensuite par une bourse défis jeune remportée auprès du ministère de la jeunesse et des sports en 2005 et d’un prix lauréat envie d’agir en 2006. Il s’est décliné en trois phases de réalisation. Premièrement, la rencontre, dont découle une série de photographies en noir et blanc, « Paysages / Portraits », qui présentent un aspect de la réalité des modèles et de leur vie. Le deuxième partie de ce projet, appelée « SDF Top modèle », est une série de portraits en couleurs, sans maquillage ni artifices vestimentaires, réalisée en studio. Le photographe a laissé libres ses modèles de poser comme ils le voulaient, leur proposant « d’illustrer par leurs jeux d’acteurs

improvisés, un moment de leur vie, une anecdote, voir un fait divers directement lié à leur histoire ». Il a ensuite placé les trois meilleurs clichés dans ce qu’il a appelé le Permis d’exister ( portfolio miniature facile à emporter à l’aspect d’un permis de conduire rebaptisé ), qu’il a offert à chacun des SDF. Cherchant ensuite à « pénétrer le monde de l’art, et à iconographier l’image des vies des 26 SDF » qu’il avait rencontrés à l’étape précédente, il a créé une troisième partie pour ce projet : « Story-Bord-de-Vie ». Cette série d’images a été réalisées à partir de photographies et de dessins. Ce sont des tableaux qui font le récit de la vie de ses modèles, entre drame et humour. Il a choisi cette technique mixte dans le but de respecter la dignité de ses modèles tout en soulevant des problématiques réelles sans pour autant tomber dans l’apitoiement. Ce qui m’a particulièrement touchée dans le travail de cet artiste, c’est son discours. En effet, Franck Boucher est un photographe qui tente de lier le traitement artistique à un acte social. L’humain est au centre de ses préoccupations. C’est en cela que sa démarche se rapproche de la mienne. En revanche, malgré son approche intéressante, je souhaiterais tout de même souligner la qualité médiocre, à mon avis, des images qui en ressortent ( en particulier pour la troisième partie du travail ).


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72 Opération médiatique à étendre : Comment aurais-je pu faire autrement pour alerter l’opinion publique ? Notre monde ne porte d’intérêt qu’à ce qui choque, divertit ou apitoie. Difficile alors, de parler juste de dignité et d’existence ... et puis j’ai vu « La vie est belle » de Roberto Benigni. Alors j’ai compris ce que je pouvais faire de l’idée de Pascal … Mai oui c’est donc ça ! Pour être pris au sérieux, il faut s’avoir faire rire. Seul le rire a le pouvoir de révéler avec dignité les situations les plus difficiles à regarder en face. Merci Monsieur Benigni. Puissent mes deux vieilles chaussettes volontaires de SDF, devenir les symboles d’une polémique bienfaitrice que j’attends de pied ferme.


Jean-Louis Courtinat est un photographe français qui exerce depuis 1981. Dès le début de sa carrière, il réalise des reportages sociaux dans des lieux d’enferment ( réel ou symbolique ), comme l’univers hospitalier, et le monde carcéral. C’est en 1994 qu’il oriente son travail vers l’exclusion sociale. C’est son premier projet sur cette thématique dont je vais parler ici : « Les Damnés de Nanterre ». Ce travail est en réalité une réponse à une commande collective du Centre National de la Photographie et de l’association Les Petits Frères des Pauvres. C’est dans le centre d’hébergement pour sans-abris de Nanterre, un des plus importants en France, que le photographe s’est rendu pour réaliser son reportage sur la pauvreté. Il y a suivi des SDF de leur entrée dans le bus qui les y conduit jusque dans les dortoirs, en passant par les douches, passage obligé pour pénétrer dans les dortoirs. On lit dans ses images la détresse de ses sujets, leurs conditions de vie si difficiles, mais aussi une certaine humanité dans leurs regards. Il en ressort des images parfois très dures, mais probablement nécessaires pour dénoncer une telle problématique.

Jean-Louis Courtinat revendique le statut militant de son œuvre photographique : « offrir une voix aux sans-voix, sans voyeurisme ni complaisance ». C’est également une de mes préoccupations dans mon travail.

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« Les Damnés de Nanterre » travail photographique de Jean-Louis Courtinat


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Andres Serrano est un photographe contemporain américain. Son travail tourne essentiellement autour des problèmes sociaux, du sexe et de la religion. Sa série qui m’a particulièrement intéressée en regard de mon propre travail, et dont je vais parler ici, est « Nomades », qu’il a réalisée à New-York au début des années 90. À l’aide d’un studio itinérant, il a photographié les sans-abris et les marginaux de New-York qui voulaient bien se prêter au jeu. L’objectif de ce travail a été de tenter de redonner une existence à ceux qui l’ont perdue. En effet, il affirme « Je voulais être confronté à mes propres craintes et malaises quant aux conditions sociales qui envahissent tous les centres urbains tels Brooklyn où je vis. Nous passons tant de temps à ne pas regarder ces gens. » Photographiés sur un fond coloré uni, les sujets sont alors totalement isolés de leur contexte habituel. Les poses et les lumières utilisées rendent ces portraits pittoresques, redonnant une certaine dignité aux personnes photographiées. Les couleurs de leurs vêtements ressortent particulièrement à l’image, laissant même parfois leurs visages en retrait. Le souci

esthétique est très important dans le travail d’Andres Serrano, comme il le justifie : « Je crois que lorsqu’on travaille avec des sujets difficiles comme ceux que j’aborde, il est nécessaire de retranscrire une certaine beauté au sein de l’œuvre réalisée. » Bien qu’il soit assez différent du mien, aussi bien dans la démarche que dans le rendu photographique, j’apprécie beaucoup ce travail, qui nous offre un résultat très inattendu, inhabituel et très intéressant.

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« Nomades » série de photographies d’Andres Serrano


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Gaël Turine est un jeune photographe belge qui appartient à l’agence Vu. Le projet que je vais évoquer ici est un reportage sur les sansabris à Moscou, qu’il a réalisé à titre personnel fin 99 début 2000. Il correspond à ses premiers essais en couleurs, technique qu’il jugeait trop délicate à manier auparavant. Plusieurs caractéristiques qu’il a détaillées dans une interview que j’ai pu lire m’ont intéressée. En effet, il y explique que ce n’est qu’après avoir photographié ses sujets qu’il les contacte et établit si possible une relation avec eux, ou du moins leur explique sa démarche. Il a fait ce choix dans le but de conserver une certaine spontanéité dans la prise de vue, et notamment dans leur attitude. J’ai également fait ce choix pour mon propre travail, pour les mêmes raisons. Contrairement à beaucoup d’autres photographes reporters qui s’en défendent, il affirme sans complexe rechercher volontairement l’esthétique de la douleur, sans pour autant tomber dans l’excès, et justifie ce choix par le fait qu’il estime cela nécessaire pour attirer le lecteur et l’intéresser au sujet. La vision classique qu’il a de la photo documentaire correspond également à la mienne. Effectivement,

le sujet est au centre de son travail, il n’essaye pas du tout de se mettre luimême en avant à travers ses clichés. Ses clichés sont en général diffusés dans la presse. Leur objectif premier est d’informer, même si ses photographies adoptent parfois un autre statut quand elles sont exposées, mais il ne les crée pas dans ce but. Il explique qu’il refuse en général que ses photos soient diffusées sans la légende qui les accompagne, et qui empêche toute mauvaise interprétation de l’image. Je trouve ce choix très juste et très conscient par rapport aux thèmes qu’il aborde. En plus de ses choix éthiques et de sa démarche que je trouve remarquable, j’ai particulièrement apprécié la sensibilité de ce photographe. Ses choix esthétiques et la composition toujours très juste de ses images leur donnent une force que j’estime très juste.

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Reportage sur les sans-abris à Moscou travail photographique de Gaël Turine


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Octobre 1999. Ce sans-abri profite de la douche pour laver son pantalon qu’il fera sécher sur le radiateur du centre de santé de MSF en attendant l’heure de la consultation. D’autres centres de désinfection possèdent des machines qui désinfectent les vêtements par la chaleur. Ici, il le fait lui-même, du mieux qu’il peut, pour sentir moins mauvais pendant quelques jours.


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L’hiver, les journées sont aussi insupportables que les nuits pour les sans-abris. Il est difficile de trouver à manger et, pour tenir le coup, il faut boire de la vodka. Seules la mendicité et la chance de trouver un petit boulot les « sauveront » pour la journée. Pacha et son amie comptent les roubles récoltés pour acheter une bouteille. Depuis qu’il a été gravement blessé par l’explosion d’une mine anti-personnel en Tchétchénie, Pacha se déplace en chaise roulante. Sans pension de l’état et ne voulant pas retourner chez lui, la rue est devenue son univers.


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Comme beaucoup d’autres sans-abris, Lliocha squatte les canalisations de chauffage qui traversent Moscou. Depuis les attentats de 1999, la plupart des portes d’accès ont été scellées par la police mais certaines restent ouvertes pour des raisons de sécurité. La température élevée et le taux d’humidité transforment cette planque en nid à maladies.


Sebastão Salgado est un photographe autodidacte brésilien qui a consacré sa vie à diverses causes mondiales. De réputation mondiale, il a aussi bien répondu à des travaux de commande que réalisé des projets documentaires personnels. Un peu en marge de la profession, il ne s’intéresse pas aux sujets concernant l’actualité immédiate, mais travaille uniquement sur des sujets de fond, à long terme. Photographe humaniste, appartenant à la tradition de la « photographie concernée », ses clichés traitent de la lutte de l’Homme pour sa survie : famine, pauvreté, exode, etc. sont au coeur de ses préoccupations. Il a ainsi réalisé de très nombreux reportages en Afrique, Europe et Amérique latine. La volonté première du photographe, la finalité de ses images, est d’informer, de témoigner ; l’objectif étant de révéler, souligner, et donc faire prendre conscience. Cette volonté militante amène également à une réflexion profonde sur la façon dont nous acceptons ou non de regarder la réalité du monde. Tentant de « réconcilier esthétique et information, esthétique et engagement, esthétique et politique », c’est justement une critique qui lui a souvent été faite. En effet, on lui reproche une certaine vision esthétisante de la misère, et il est accusé d’utiliser de manière cynique

et commerciale la misère humaine, de rendre belles des situations dramatiques qu’il saisit au risque de leur faire perdre leur authenticité. Pour ma part, je pense que la recherche de l’esthétique est une chose qui, bien qu’elle puisse paraître cynique, peut en réalité s’avérer positive, puisqu’elle permettra certainement de sensibiliser davantage de personnes aux problèmes concernés. Comme le disait Gaël Turine, l’esthétique des images est quelque chose de nécessaire pour attirer les lecteurs et les faire s’intéresser aux sujets. En revanche je suis assez d’accord avec la deuxième critique qui lui est faite, au sujet de l’utilisation commerciale qu’il fait de ses clichés. Je la trouve effectivement paradoxale avec la simple volonté d’information qu’il revendique, le photographe étant souvent davantage mis en avant que le sujet. Toutefois, malgré cette divergence d’opinions et de choix, le travail de ce photographe m’intéresse particulièrement pour la qualité de ses clichés. Ces images, très poignantes, impressionnantes, parfois pénibles, ont une esthétique dérangeante mais qui nous oblige à les regarder. Les cadrages justes, les compositions toujours équilibrées, ainsi que l’utilisation récurrente de symboles, donnent une très grande force plastique à ses photographies.

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Travail photographique de Sebastião Salgado


86 Les enfants sont pesĂŠs et mesurĂŠs pour ajuster les rations, GourmaRathous, Mali, 1985


Refugiée de Gondan, Mali, 1985

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Centre de nutrition pour enfants à Korem, Éthiopie, 1984


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Les jeux des enfants du NordEst brésilien durant la grande sécheresse du début des années 1980, Brésil, 1983


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Victimes de mines, Cambodge, 1990


Travail photographique de Dorothea Lange

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Dorothea Lange est une photographe américaine, née en 1895 et morte en 1965. Après des débuts en tant que portraitiste, elle commence un travail personnel de photographies dans les rues de San Francisco, qu’elle pourra poursuivre sur le plan professionnel par la suite, grâce au succès qu’elle a obtenu. Repérée par Roy Stryker, elle devient en 1935 photographe officielle à la RA ( Resettlement Administration ), qui deviendra plus tard la FSA ( Farm Security Administration ), créée pour résoudre les problèmes des fermiers les plus pauvres. C’est justement durant sa participation aux travaux de la FSA, pendant la Grande Dépression, que Dorothea Lange a pu se consacrer à photographier la main-d’œuvre itinérante. On y attend d’elle et des autres photographes qu’ils adoptent une attitude positive et libérale, ce que Stryker définit comme « un respect profond pour les êtres humains ». En effet, la plupart de ses clichés illustre ce que Stryker disait de la tension inhérente aux photographies de la FSA : « le combat de la dignité contre le désespoir » ; et il ajoutait « je crois que c’est la dignité qui l’emporte. » Les photographies de Dorothea Lange ne sont jamais dépourvues d’émotion et de la volonté de convaincre. Le but de son travail est bien de pousser

le spectateur à réagir. Elle a pour habitude de présenter, de critiquer, différents problèmes de société, comme la dévastation d’un lieu par exemple, à travers les souffrances endurées par les hommes. En effet, l’humain est au centre de ses préoccupations. Cherchant à éviter tout sensationnalisme, c’est davantage à son quotidien qu’elle s’intéresse. Pour elle, le dialogue avec ceux qu’elle photographie est essentiel, la relation qu’elle met ainsi en place lui permettant de produire des images plus justes. Plus encore que ses photographies dans les rues de San Francisco, où elle explique que ses sujets était plutôt silencieux, ses clichés du monde rural, où elle a pu avoir de véritables échanges avec eux, témoignent de la proximité entre photographe et sujet photographié, d’une véritable collaboration. Une critique qui lui a souvent été faite est d’ailleurs que ses clichés traduisent « une empathie flagrante pour ses sujets », et donc un manque de distance vis-à-vis d’eux. Au-delà de ses portraits des travailleurs itinérants, on peut noter dans ses photographies plusieurs sujets récurrents. Elle photographie régulièrement les structures précaires et improvisées qui constituent les foyers transitoires des migrants. La ségrégation raciale, problématique à laquelle elle a été fortement confrontée malgré elle dès son arrivée dans le Sud, est également un sujet qui revient


Selon elle, le pouvoir de persuasion est essentiel dans le métier de photographe : « convaincre le spectateur implique de lui donner une place dans vos pensées. Ce n’est pas un spectateur. Vous avez le pouvoir d’élargir ses perceptions et ses conceptions. » Tout comme Stryker, elle conçoit la photographie comme un moyen d’action politique. Elle considère que celle-ci peut changer les choses, et elle le fait effectivement. Une aide d’urgence de dix tonnes de nourriture a par exemple été allouée par le gouvernement fédéral aux occupants d’un camp qu’elle avait photographié ; Dorothea Lange avait informé le rédacteur en chef du San Francisco News du malheur qui frappait les

travailleurs itinérants – ses clichés, transmis à la United Press, ont alors fait (ré)agir le gouvernement fédéral. C’est avec beaucoup d’habileté qu’elle photographie la misère. Loin de considérer ses sujets comme des victimes impuissantes, elle réussit, au cœur du désespoir, à capturer leur fierté et leur force, faisant ainsi ressortir leur dignité et leur courage. Très sensible au langage du corps et aux attitudes, dans ses images c’est souvent le corps qui témoigne des souffrances endurées par l’individu photographié – corps déformés par le travail ou par le manque de nourriture par exemple. Les corps qui prennent appui, qui cherchent un soutien, sont récurrents dans ses clichés. Au-delà de ses portraits, elle réussit parfois à illustrer les effets de la crise uniquement par certains détails. C’est d’ailleurs souvent en éliminant les éléments contextuels, voire même parfois le visage, qu’elle obtient une représentation de la pauvreté, du désespoir, plus abstraite, et donc plus universelle. On ressent dans ses photographies une certaine fascination pour les textures, souvent mises en valeur grâce à une lumière très dure. Ses photographies sont toujours très minutieusement composées. Son perfectionnisme et son souci du détail l’ont même amenée parfois, contre la volonté de Stryker, à retoucher les négatifs. Les légendes accompagnant ses photographies semblent très importantes dans son travail. Elles

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souvent dans ses clichés ( elle-même s’est autant intéressée à la communauté noire qu’à la communauté blanche ). Elle a également réalisé de nombreux clichés relevant le contraste ironique entre des panneaux d’affichage vantant l’Amérique comme un pays prospère et sans problèmes et la réalité des migrants installés temporairement en dessous. Dorothea Lange s’intéresse aux opprimés et aux déshérités, mais son travail comporte aussi une critique subtile et une mise à nu des figures de l’autorité et du pouvoir. Effectivement, comme elle l’explique « Vous ne pouvez pas montrer des gens en difficulté, sans photographier aussi des gens qui ne sont pas du tout en difficulté. Car ces contrastes sont nécessaires. »


contiennent régulièrement des paroles des personnes mêmes qui se trouvent sur les images. Ses clichés ont d’abord été réalisés pour la presse, dans un but informatif et revendicatif, mais ont souvent, pour les plus connus été exposés par la suite dans des musées.

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Je me suis particulièrement intéressée au travail de Dorothea Lange pour la force plastique de ses images, et l’humanité qui s’en dégage. Loin de tout effet de sensationnalisme, c’est sans doute les liens qu’elle a mis en place avec ses sujets qui lui ont permis une telle justesse de regard.


93 Mère migrante, Nipomo, Californie, 1936.


94 Membre d’un groupe de cÊlibataires sur le bord de la route. Ils sont venus travailler dans les champs de pois. Nipomo, Californie, 1935.


95 Producteur de pois, Nipomo, Californie, 1935.


96 Scène sur Howard Street, San Francisco, Californie, 1937.


97 Trois familles, quatorze enfants sur l’US 99, San Joaquin Valley, 1938.


« Punk House Interiors in Anarchy » de Thurston Moore et Abby Banks ( photos ) éd. Abrams Image 2007

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Cet ouvrage collectif rassemble plus de trois cents photographies d’une soixantaine de « punk houses », prises dans vingt-cinq villes américaines en 2004. Les « punk houses » sont des logements occupés par des membres de la communauté punk – squattés, loués ou possédés par l’un d’entre eux, possédant leurs propres règles. Ces maisons, et surtout les groupes qui s’y forment, sont souvent centrés sur une convergence d’opinions politiques. Une des caractéristiques principales de ces lieux d’habitation est que, pour éviter trop de dépenses superflues, ils sont souvent surpeuplés. Réduisant ainsi leurs frais, ils peuvent ne travailler qu’à temps partiel, et consacrer davantage de temps à la création et à l’activisme. Dans ce livre, on découvre des photographies d’entrepôts anarchistes, de collectifs féministes, des ateliers, des studios d’artiste, des fermes auto-suffisantes, des squats de vagabonds, des foyers municipaux, des magasins de vélo en soussol, des bars clandestins, et toutes autres sortes d’espaces communs.

Abby Bank, le photographe auteur des clichés de ce livre, a su faire ressortir dans ses images les caractéristiques principales de ces lieux, auxquelles il a été confronté. Vaisselle sale dans l’évier, nombreuses affiches au mur, parfois déchirées, bric-àbrac en tous genres, etc. mais aussi la musique, l’énergie, et surtout la convivialité, commune à tous ces lieux. Ses photographies nous offrent à voir ces intérieurs anarchistes qui, malgré leur non-conformisme, paraissent très attrayants. Les couleurs vives, les cadrages, et la sympathique présence humaine sur certains des clichés, donnent un côté très attirant à ce mode de vie. J’apprécie particulièrement l’approche qu’Abby Bank a eue de ce sujet, aussi bien au niveau du choix de ce qu’il allait photographier, que de sa méthode. En effet, c’est en parcourant le pays à la recherche de « punk houses », et en se liant d’amitié avec leurs occupants durant de courts séjours dans chacune de celles-ci, qu’il a pu réaliser ce projet.


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Ce livre est une singulière rétrospective composée d’images et de textes – commentaires et histoires orales retranscrites. Né en 1965 à Londres, Gavin Watson vit toujours en Angleterre. Il est désormais un photographe documentaire et portraitiste reconnu. Dès quatorze ans, en autodidacte, il se saisit d’un appareil photo pour immortaliser sa vie et celle de ses amis, les Wycombe Skins. C’est vu de l’intérieur qu’il a réalisé cette ensemble d’images. Ce ne sera que quinze ans plus tard que la plupart de ces photographies, prises au début des années 80, sera publié dans un premier livre intitulé « Skins ». Plus tard, à la demande de l’éditeur pour la réalisation de ce nouvel ouvrage, il dévoilera ses clichés encore inédits, et souvent plus intimes encore que ceux déjà diffusés. Ces deux livres retracent avec honnêteté l’univers d’un ado rebelle des années 80. Pour lui, le plus important, ce sont les histoires, les mythes, la mémoire. C’est pour garder une trace de cette époque et de ce mouvement culturel qu’il a réalisé tous ces clichés, nous donnant une

vision très réaliste, et parfois très intime, du quotidien de ses sujets et amis – qui partagent généreusement leur joie, sans aucune inhibition. On découvre dans cet ouvrage une vision du mouvement skinhead totalement différente de celle habituellement véhiculée, communiquant une image de voyous violents, jeunes blancs ignorants et racistes. Ce livre, au contraire, nous présente une réalité différente : la sous-culture de la jeunesse ouvrière britannique, des garçons et des filles, des jeunes et des plus vieux, des noirs et des blancs, uniquement par un goût commun pour la musique et la mode. Dépassant tous les clichés établis, il nous donne à voir la multiplicité de styles différents à l’intérieur du mouvement, beaucoup moins codifié, selon lui, que ce qu’on ne croit. Il nous montre, avec l’accumulation de ses photographies, comment les skinheads ont mixé diverses influences et les ont associées pour créer un style hors du commun. Chaque photographie révèle une compréhension et une sensibilité contrastant avec le sujet parfois brutal. Ces images sont très humaines, on ressent la proximité entre auteur et sujets ; c’est ce qui me plaît particulièrement dans ce travail.

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« Skins & Punks Lost Archives, 1978-1985 » de Gavin Watson éd. Vice Books 2008 ( première publication : 1994 )


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« Rien à perdre » Ci-contre, le dossier du documentaire de Jean Henri Meunier, sorti en 2009, film qui m’a beaucoup marquée. Les rencontres avec son réalisateur ont également été très enrichissantes pour mon propre travail. Le médium vidéo et le médium photo ( que j’ai moi-même utilisé pour mon travail sur ce sujet ) comportent, certes, des enjeux différents, pourtant les conseils qu’il a pu me donner en terme d’approche notamment, m’ont été d’une grande utilité.


Avec pour seul centre l’homme, rien que l’homme, le film de Jean Henri Meunier, Rien à perdre, m’a fait verser des larmes de rage et de bonheur. J’ai vu là un homme végétal au cœur de Toulouse, en quête du bonheur sur un fil fragile, entre enracinement et rejet, entre cadre et hors cadre, entre l’homme et son ombre. C’est une traversée permanente de frontières entre surface et profondeur, là où le caché devient visible, là où se manifeste le visible autrement, jusqu’à l’émergence d’une autre hiérarchie des choses, des gestes et de leurs relations

dans un relativisme au parfum de réel. Il ne s’agit pas d’un savoir figé, mais bien d’une leçon d’humanisme où rien n’est vraiment anodin, ni jamais définitif. C’est un nouvel intervalle de clarté où se déploie la fraternité. De telle manière que Toulouse est filmée comme jamais. C’est un vol d’oiseaux qui se reflète dans l’eau ductile d’une Garonne contenue et apaisée ; une Garonne dont le sillon liquide fertilise des quais où les corps s’étirent, sommeillent, s’enlacent, se caressent, s’embrassent, s’embrasent, où ça marche à pied, où ça court, où se croisent arpenteurs et rêveurs, bref où ça vit pleinement, y compris l’homme végétal. Il y a là le regard d’un poète intégral car, sans ignorer les atours de la surface, il en fait éclater la peau, en pénètre la béance pour en sonder la profondeur. L ‘homme végétal n’a pas de domicile fixe, il est en lutte et il proteste, « ça se passe comme ça ; ça restera comme ça ; on ira jusqu’au bout », dit-il, « et puis, je ne suis pas le seul, on est nombreux dans ce cas-là ». En effet, il est installé dans un campement des Enfants de Don Quichotte , sur l’esplanade du 19 août 1944, jour de la libération de Toulouse ; la libération, ça ne

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Synopsis : Ce film est d’abord né d’une rencontre forte et fortuite, dans une rue toulousaine, avec un homme errant « aux semelles de vent », un vagabond gouailleur et lumineux : Phil le Fakir, clown et SDF de son état, lancé alors dans une grève de la faim contre le harcèlement de la Police Municipale et pour le combat quotidien des Enfants de don Quichotte Toulousains. C’était le jour de son anniversaire, il était joyeux et criait qu’il était né le même jour que la mort d’Edith Piaf, dans le même hôpital … Je savais désormais que ce film serait le portrait d’obscurs flamboyants, d’errants majestueux, de perdants généreux, de déclassés à la classe humaine sans pareille, de figures de l’ombre mises en lumière … Ce film raconte leur vie des hauts et bas, leur combat pour avoir un toit ... »


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s’invente pas ! et là, c’est tout un programme aimanté par un toit ; « un toit c’est un droit », le mot d’ordre récurrent que clament tous les sans-abris qu’abrite ce film. Au total, c’est la description d’un combat où se croisent la résistance, la générosité, l’humanité et le partage pour faire émerger l’énergie singulière d’une cité non exclusive. Ainsi, dans ce village sur lequel flotte le drapeau noir des pirates au grand cœur, les gestes divins d’un quotidien social s’enchaînent et se déchaînent avec des débats, des discours, des meetings, des fêtes, des chants, un coiffeur, des toilettes sèches, l’arrosage de fleurs, la corvée des poubelles, l’épluchage des légumes et la préparation du repas pour 40 ou 60 personnes, jusqu’à tresser toute une vie d’êtres ensemble que le film fait émerger comme une terre d’Utopie au cœur de la cité rose. C’est le moment où, par la guitare de Sandoval, l’image devient irrésistiblement audiovisuelle et se pulvérise en fragments de plainte ; la plainte pénétrante d’une chose qui s’exonde et s’étire lentement, jusqu’à pénétrer la ville et l’incliner. Ici, une femme qui a très froid, c’est son premier hiver dehors, parle d’une perte d’emploi, éjectée par le patron, et puis d’un accident de voiture qui la met à la rue. C’est l’engrenage sans appel, « sans logement pas de boulot et sans boulot pas de logement ». Là,

un jeune homme, qui a eu un problème familial, a tout laissé sur place, le canapé, le frigo, payé le loyer, mis la clé sous la porte et s’est cassé dans la rue, cette nouvelle école où on apprend chaque jour, souvent dans la peine, pour trouver un abri, des amis, car seul dans la rue, « tu ne t’en sors pas et c’est pour ça qu’on a des chiens ». « Pas un mot en moins, pas un mot en plus » dit un passant solidaire, comme le film dont le montage est celui d’un rhapsode soucieux de lier, de réunir ceux qui, épaves de trottoirs, n’ont qu’une main à tendre, que personne ne prend jamais, telles les images de ces vélos tordus, enchaînés, désossés, abandonnés eux aussi, qui témoignent vivement d’une fausse mollesse de la violence ordinaire. Mais encore et toujours le grincement d’une guitare dans l’entrelacs d’images incertaines, hantées par des fantômes qui boivent, courent, patinent, souvent au ralenti, gros plan sur le temps, pour donner la mesure d’une tension, d’un mouvement qui n’est plus contenu. D’ailleurs, c’est le départ d’une manif, dans la beauté d’un geste décidé, d’une voix collective qui clame « luttons, luttons, un toit c’est la loi » et « une tente démontée, c’est un toit retrouvé ». Le film n’écarte aucune souffrance, aucun doute, aucune contradiction, il ne cherche pas la perfection qui finirait par n’être plus qu’une contrefaçon de la vérité. Il se déroule sous le soleil, dans la neige où le groupe grelotte,


Et toujours des fragments grinçants du temps qu’il fait, du temps qui passe et des chalands qui passent le temps, qui tuent leur temps à consommer, sans regarder la simultanéité complexe de leur condition, dans la répétition à l’infini des modes d’emploi publicitaires de la consumation. Au demeurant des fragments chaleureux qui dessinent l’horizon de ce qui devrait se partager. Tandis que là-bas, du côté de la Libération, où le campement sous la neige n’a rien d’un gel pictural, où des mains se réchauffent dans les flammes, le mouvement continue. Ils iront jusqu’au bout, portés par le rêve moteur d’un voyage au pays des merveilles, du partage et de la fraternité, où il ferait bon vivre dans une petite chaumière, près d’une cheminée, avec les chiens à côté, un petit potager derrière et puis la vente de leurs radis ou de leurs salades. Soudain, c’est le sommet, un jeune homme est ému aux larmes, car il vient de recevoir une lettre, la

première du campement pour une personne, une lettre de sa grand-mère. « Elle pense à moi », dit-il, « merci à la poste ». La larme à l’œil, il me semble que j’ai la larme à l’œil. Le film ne vise nullement l’idéalisation de la réalité, mais il ne rejette pas le désir des sans abris de vivre ordinairement au beau milieu de la vie des gens ordinaires. Il organise même cette envie en suivant les sans abris sur le chemin de l’action, eux qui savent que c’est la seule solution de faire leur petite révolution et de montrer qu’ils sont nés dans un pays qui existe vraiment. D’ailleurs, si le film insiste sur la fragilité du camp, il insiste aussi sur l’agora qu’il est devenu, où convergent de nombreux soutiens qui prouvent que désormais la frontière se traverse aisément, comme le fait cette jeune fille solidaire qui amène l’homme végétal sur le porte-bagage dans une ronde du bonheur, au son d’éclats de rires complices et joyeux, sur la place du changement, dans le film du changement ; alors là, le bonheur existe bel et bien, car il est partagé. A la sortie du Tribunal, loin de l’élection de Sarkozy qui les avait tétanisés, les visages sont radieux et libérés, « c’est bon on a gagné ». Aussi, lorsque l’homme végétal agite un trousseau de clés, telles les clés d’une liberté nouvelle d’entrer et

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mais résiste et insiste alors que le film persiste dans la relance d’un désir en construction : « on nous a posé l’électricité, on peut recevoir le courrier, alors là, il y a plus qu’à construire ». L’homme végétal vient de parler, d’une parole en santé, d’une parole d’homme en liaison avec le monde, enfin, un poste de radio à la main pour étendre encore plus son écoute.


de sortir de chez soi pour aller vers les autres, c’est le début d’autre chose, avec beaucoup de souvenir, de promesses et pas mal d’amour. Alors, dans le moment où le visage de Fakir, l’homme végétal, au ras des pâquerettes, me dévisage, je me demande bien quel est ce regard qui traverse ses yeux et j’ai envie de dire que c’est celui de la dignité gagnée.

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Merci à Jean Henri Meunier dont le film m’a rendu meilleur. C’est bon, il a gagné. Guy Chapouillié Professeur des universités, Cinéaste & Directeur de l’Ecole Supérieure d’Audiovisuel


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« Logement social : comment rendre le droit au logement effectif ? » Ci-contre, le contenu d’un dossier d’actualité provenant du site Web « Vie Publique », et traitant du droit au logement. Ce dossier date d’avril 2007, mais contient des informations passées importantes pour comprendre la situation actuelle, qui finalement semble n’avoir pas trop évolué depuis la réalisation de ce dossier. ( il n’est pas signé )


Le droit au logement tenu en échec Proclamé avec la loi Quilliot ( 1982 ) qui fait du droit à l’habitation un droit fondamental et consacré quelques années plus tard par la loi Besson de 1990 ( « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation » ), le droit au logement est tenu en échec. Bien que le nombre des mal logés et des sans abris soit difficilement mesurable, les statistiques de l’INSEE témoignent d’une permanence autour de 3 millions de personnes : selon les derniers chiffres disponibles ( Enquête nationale sur le logement – 2001 ), 86 000 personnes sont sans domicile en France métropolitaine, 548 000 sont dépourvues de logement personnel ( hébergement chez des tiers, en camping, etc. ) et 2 200 000 vivent dans des conditions très difficiles ( absence de chauffage, d’équipement sanitaires, etc. ).

Sur le terrain, les élus et intervenants sociaux constatent que le nombre de personnes connaissant des difficultés de logement s’accroît : les dispositifs d’hébergement sont saturés malgré l’augmentation de leurs capacités, les listes d’attente de logements sociaux s’allongent, le recours à l’hébergement par des tiers se développe, etc. Cette situation s’explique principalement par l’insuffisance de la construction depuis plus de 25 ans, par l’inadaptation des flux récents de construction de logements sociaux qui tendent à se détourner des ménages les plus modestes et par l’envolée des prix de l’immobilier qui bloque la sortie d’un nombre croissant de ménages vers le secteur privé, hypothéquant ainsi l’accès au parc social d’autres populations, notamment celles logées en structures d’urgence et en attente d’une solution plus durable. C’est à la suite de la mobilisation autour des campements de sans abris installés sous l’impulsion de l’association « les Enfants de Don Quichotte » dans plusieurs grandes villes de France durant l’hiver 2006, que l’opposabilité du droit au logement a acquis un fondement juridique : la loi du 5 mars 2007 vise à garantir le droit à un logement à toute personne qui, résidant en France de façon stable et régulière, n’est pas en mesure d’accéder à un logement décent ou de s’y maintenir.

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Bien que le droit au logement soit inscrit dans la loi depuis plus de 20 ans, on estime qu’environ 3 millions de personnes souffrent actuellement de « mal logement », voire d’absence de logement. C’est pour tenter de remédier à cette situation que la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable fixe à l’Etat une obligation de résultats et non plus seulement de moyens.


Les principales dispositions de la loi « DALO »

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La loi désigne l’Etat comme le garant du droit au logement. La mise en œuvre de cette garantie s’appuie sur un recours amiable et un recours contentieux. Le premier recours s’exerce devant une commission de médiation départementale qui, si elle juge la demande de logement urgente et prioritaire, demande au préfet de procurer un logement sur le contingent préfectoral. Si, malgré l’avis de la commission, le relogement n’a pas lieu, le demandeur peut engager un recours devant une juridiction administrative et l’État pourra être condamné à payer une astreinte. Ce second recours est ouvert aux demandeurs prioritaires ( personnes sans logement, menacées d’expulsion sans relogement, hébergés temporairement, etc. ) au 1er décembre 2008. Il sera étendu, à partir du 1er janvier 2012, à tous les demandeurs de logement social qui n’ont pas reçu de réponse à leur demande après un délai anormalement long. La loi reconnaît par ailleurs aux personnes accueillies dans un hébergement d’urgence le droit d’y rester jusqu’à ce qu’il leur soit proposé une place en hébergement stable ou un logement adapté à leur situation.

Elle prévoit également la création d’un comité de suivi chargé d’évaluer la mise en oeuvre du droit au logement. Les autres dispositions de la loi « DALO » visent principalement à développer l’offre d’hébergements et de logements. Sont notamment prévus : - l’augmentation du nombre de logements sociaux à construire sur la période 2005 - 2009 dans le cadre de la loi de cohésion sociale : il passe de 500 000 à 591 000, afin de rééquilibrer l’offre au profit des logements « très sociaux », - l’augmentation des objectifs d’accroissement des capacités d’hébergement figurant dans la loi de cohésion sociale : il s’agit notamment de transformer 10 500 places d’hébergement d’urgence en places d’hébergement de stabilisation ou places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale. - le renforcement des obligations fixées aux communes et groupements intercommunaux en matière de création de places d’hébergement d’urgence, - l’extension de l’obligation de 20 % de logements sociaux, représentant quelque 250 communes de plus.


Pour le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, il est indispensable que le comité de suivi se saisisse de certains points laissés en suspens par le texte de la loi. Il recommande tout d’abord de définir les responsabilités des collectivités territoriales afin que le développement de l’offre de logements sociaux soit harmonieusement réparti entre les communes et permette la mixité sociale. Il précise qu’un « traitement spécifique devra être accordé à l’Ile de France, qui connait une crise particulièrement lourde du fait de l’absence d’une autorité en capacité de mettre en œuvre une politique d’agglomération ». Estimant par ailleurs que le contingent préfectoral ne pourra suffire à répondre aux demandes prioritaires de logement, il suggère de développer les conventions passées avec les propriétaires privés et les dispositifs de réhabilitation de l’habitat. Enfin, il souligne que la mise en œuvre du droit au logement « nécessitera une revalorisation de l’effort de la collectivité en faveur du logement ». Certaines associations d’aide aux sans abris contestent la portée de la loi. Considérant que le recours au contingent préfectoral ne pourra suffire, elles appellent à la mise à disposition de logements et de locaux publics ou semi-publics et à la réquisition des logements vides, rendue possible

par une ordonnance de 1945 et confirmée par la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Elles déplorent d’autre part que la loi ne modifie en rien les procédures d’expulsions locatives et considèrent que la prévention des expulsions constitue le volet manquant de la loi. Dans son rapport « Les personnes sans domicile » ( mars 2007 ), la Cour des comptes, après avoir souligné que la perte du logement est un facteur clé dans « les ruptures qui conduisent à la rue », avait constaté le mauvais fonctionnement du dispositif de prévention des expulsions et avait regretté qu’il n’en existe aucun concernant le parc privé.

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Les réactions et interrogations


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Sur ce CD se trouve un PDF sur lequel vous trouverez des liens vers tous les sites Internet qui m’ont servi dans l’élaboration de mes projets.


BIBLIOGRAPHIE


La communication associative


COM ASSO


« La publicité au service des grandes causes » sous la direction d’Amélie Gastaut éd. Les Arts Décoratifs 2010

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J’ai eu l’occasion de visiter une exposition au Musée des Arts Décoratifs de la ville de Paris, traitant de façon générale de la communication autour des grandes causes. Le catalogue que j’avais acheté, et en particulier les textes qu’il contient, ont été des références très importantes dans ma réflexion autour de ce type de communication. Au-delà de l'aspect historique des faits, on y traite de questions essentielles, comme : « Peuton vendre des grandes causes comme on vend de la lessive ? », ou encore jusqu’où peut-on aller pour marquer les esprits ? ( question suscitant évidemment un très large débat, au sein duquel les divergences d’opinions sont grandes )


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Comment aborder un problème tel que l’inceste en communication ?


INCESTE


Dans un premier temps, ce sont diverses analyses d’experts ( médecins, psychiatres, sociologues, etc. ), qui m’ont permis d’appréhender, de façon théorique, la problématique de l’inceste. « Énigme de l’inceste. Du fantasme à la réalité » de Laure Razon éd. Denoël 1996 ( l’espace analytique ) L’ensemble des autres recherches théoriques directement sur l’inceste provenant d’Internet, elles sont visibles à partir du CD fourni.

La lecture d’un livre a été primordiale dans ma découverte de la forme poétique des haïku, et m’a beaucoup aidée dans l’écriture de mes textes pour le projet « Des mots pour en finir avec ces maux ». « Le livre des haïku » de Jacques Kerouac ( traductions de Bertrand Agostini ) éd. de la Table Ronde 2006

Pour construire mes propositions de diffusion alternative pour mon projet « Des victimes de l’inceste prennent la parole », je me suis beaucoup inspirée des actions de l’association Act Up - Paris, dont je parle plus en détails dans mon mémoire. J’ai découvert beaucoup de leurs revendications, et compris les fondements de leur démarche militante, dans un livre publié à l’occasion de leurs vingt ans d’existence. « Democratic Books – Act Up - Paris » éd. Jean di Sciullo 2009

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- Recherches théoriques


- Documents audiovisuels J’ai récemment visionné un documentaire sur le thème de l’inceste, que j’ai trouvé particulièrement original et intéressant. On y retrouve des témoignages inédits, le déroulement d’un procès d’assise, le témoignage d’agresseurs, ou encore celui d’une famille ayant surmonté l’inceste.

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« L’inceste : enfances brisées, vies explosées » docu de Alexandra Riguet et Anne de Réparaz diffusé sur France 3, dans l’émission « Hors-Série », le 10 mai 2010

Une fiction, traitant de façon relativement intelligente du problème, a également joué un rôle important dans la constitution de mon regard sur l’inceste. « The War Zone » de Tim Roth Italie / Royaume-Uni 1999

- Analyse de la communication existante sur le sujet Toutes les données que j'ai pu trouvées à ce sujet-là provenaient d'Internet. Elles sont consultables à partir du CD fourni.


- Témoignages J’ai également lu plusieurs récits autobiographiques de victimes, textes qui m’ont permis de comprendre le problème de l’intérieur, et qui m’ont servi, pour la plupart, de base pour la réalisation de mon projet « Des victimes de l’inceste prennent la parole ».

Je me suis également servi d’un roman traitant très justement du thème de l’inceste dans ce même projet. « Elle ne pleure pas, elle chante » de Amélie Sarn éd. Albin Michel 2002

« J’étais sa petite princesse » de Nelly éd. Fixot 1996

« J’avais douze ans … » de Nathalie Schweighoffer éd. Fixot 1990 « Chut. Dans les silences de l’inceste » de Myriam Périne éd. France Loisirs 2007. « Il m’aimait » de Christophe Tison éd. Grasset & Fasquelle, 2004 « L’araignée sur l’épaule » de Carmen Richard éd. Robert Laffont 1998

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« La première fois, j’avais six ans … » de Isabelle Aubry éd. Oh ! Éditions 2008


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Comment la misère sociale a-t-elle été montrée ?


MISÈRE


C’est la lecture d’un livre qui m’a donné l’envie de travailler sur ce sujet-là. Fort de son expérience de quinze ans de consultations psychiatriques au CASH ( Centre d’accueil et de soins hospitaliers ) de Nanterre, auprès des clochards parisiens, Patrick Declerck, un psychanalyste belge, nous livre un ouvrage audacieux, parfois violemment critique, dans lequel il réfute les présupposés de la sociologie comme de la psychiatrie sur les clochards. Apportant une réelle contribution à toute réflexion sur la désocialisation, il nous offre une vision neuve des différents mécanismes qui peuvent en être à l’origine. Par la radicalité de son questionnement et de ses conclusions, il nous invite à remettre en cause notre relation aux victimes de l’exclusion, à porter un autre regard sur eux, et nous amène à nous interroger quant aux enjeux de l’aide sociale. S’intéressant spécifiquement aux dix à quinze mille individus profondément désocialisés qui vivent à Paris ( et non à l’ensemble des SDF ), il dresse, malgré une très forte implication dans sa mission, un tableau très noir et profondément pessimiste quant à l’avenir de ceux-ci. Effectivement, il affirme n’avoir relevé aucun cas de « réinsertion », de re-socialisation durable, durant sa longue intervention sur le terrain. Ce livre m’a appris beaucoup de choses, et à la fois m’a

beaucoup marquée. De telles situations, qu’il raconte parfois avec tant de distance dans le récit, sont souvent quasiment de l’ordre de l’inimaginable. Mais heureusement, il se garde bien de jouer sur le sensationnalisme, son récit est au contraire emprunt de beaucoup de simplicité, de modestie. « Les Naufragés : avec les clochards de Paris » de Patrick Declerck, éd. Plon ( Terre Humaine ) 2001

Puis, j’ai poursuivi mes lectures avec cet autre livre du même auteur, dans lequel il critique avec virulence le système d’aide et d’accompagnement des SDF, que chacun contribue à perpétuer, année après année, comme s’ils n’avaient besoin d’aide que pendant la période hivernale. Il condamne ce « système organisé autour de l’urgence du moment ( qui ne fait que laisser en l’état ) et la réinsertion au long cours ( inatteignable ). Alors que l’on sait que les SDF sont des écorchés nécessitant des prises en charges longues et finement pensées, des soins complexes tant somatiques que thérapeutiques, un accompagnement sur un long terme par des personnels dotés de hautes compétences. » « Le sang nouveau est arrivé : L’horreur SDF » de Patrick Declerck, éd. Gallimard 2007

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- Recherches théoriques


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Enfin, cette dernière lecture, un peu plus tardive, n’a fait que me conforter dans mon choix de sujet, étant donnée l’urgence d’action nécessaire pour venir en aide à ce nombre croissant de personnes à la rue et en souffrance extrême. Psychiatre et psychanalyste œuvrant depuis dix ans au sein du Samu social, Sylvie Quesemand Zucca nous expose dans son ouvrage l’univers de la rue qui s’est agrandi, compliqué, diversifié. « Les vieux clochards, figures historiques, sont toujours là, mais ils ont été rejoints par une population hétérogène : jeunes, sans-papiers, femmes, travailleurs pauvres, personnes âgées, malades mentaux chroniques … » Se basant sur ces connaissances professionnelles et sur son expérience de terrain, elle nous expose les nombreuses problématiques liées à la vie dans la rue, tentant de les comprendre et de les expliquer, et mettant l’accent sur la nécessité de « voir ‹ au-delà de l’urgence › pour enrayer de tels engrenages, car il ne peut y avoir de résilience sans rêverie d’avenir. » « Je vous salis ma rue : Clinique de la désocialisation » de Sylvie Quesemand Zucca éd. Stock 2007

J’ai également relu de nombreux passages d’un livre que j’avais lu quelques années auparavant. Dans cet ouvrage conséquent, Pierre Bourdieu se risque à une sociologie de la souffrance. Partant durant trois années enquêter sur le terrain, l’équipe de sociologues et Pierre Bourdieu lui-même ont rencontré des ouvriers, des employés, des paysans, etc. menant leur investigation dans les familles, la ville, l’école, l’usine, etc. Collection de récits de vies sous forme d’entretiens, recueil de leurs maux, la richesse de ce livre réside également dans les introductions à chaque histoire, qui contextualisent d’une part, mais surtout qui offrent un regard critique sur les faits, sur les hommes politiques ou encore les médias. « La parole est donnée à ces souffrances silencieuses que la misère empêche le plus souvent de s’exprimer. » Des souffrances individuelles, donc, et en même temps « sociales », car reflets de bien plus. Véritable acte politique, par cet énorme travail, Pierre Bourdieu et son équipe sont parvenus à nous livrer un véritable livre-outil, très instructif sur le sujet. « La misère du monde » sous la direction de Pierre Bourdieu éd. du Seuil 1993


Un élément clé du projet a été le visionnage d’un documentaire tournée à Toulouse sur l’ancien campement citoyen de l’association des Enfants de Don Quichotte. Ce film m’a permis de préciser beaucoup de choses pour mon propre projet, et surtout de rencontrer de nombreuses personnes présentes dans le film, SDF ou anciens SDF ayant été relogés, ainsi que le réalisateur avec qui j’ai pu longuement discuter. « Rien à perdre » docu de Jean Henri Meunier, 2009

- Recherches spécifiques sur le problème du mal-logement Les recherches concernant cette partie provenant toutes du Web, elles sont visionnables à partir du CD fourni.

- Analyse de la communication existante sur le sujet De la même façon, ces recherches sont accessibles à partir du CD.

- Théorie de la photographie documentaire Deux lectures ne concernant pas directement le thème de la misère ou de l’exclusion, mais plutôt la photographie de façon générale, ou plus spécifiquement la photographie documentaire, m’ont également permis de pousser ma réflexion personnelle sur ce médium, et de me positionner. « La photographie contemporaine » de Michel Poivert éd. Flammarion 2002 « Le style documentaire - D’Auguste Sander à Walker Evans 1920 - 1945 » d’Olivier Lugon éd. Macula 2001

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- Documents audiovisuels


- Analyse de travaux d’artistes photographes Afin de me positionner, j’ai analysé des travaux de photographes autour des thèmes de la misère et de l’exclusion, que ce soit en prison ou dans la rue, ( estimé ) choisi ou pas. J’ai découvert la plupart de ces projets dans des livres, ainsi que certains autres sur le Web ( sites accessibles à partir du CD joint ).

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« Système P – bricolage, invention et récupération en prison. » de Catherine Réchard éd. Alternatives 2002 « Still life Killing Time » de Edmund Clark éd. Dewi Lewis Publishing ( UK ) 2007 « Portraits in prison » de Luigi Cariglio éd. Contrasto 2007 « Entre parenthèses Regards sur l’univers carcéral par Klavdij Sluban » Photo poche Société éd. Actes Sud 2005 « L’enfer me ment » de Alain Wiame éd. Husson 2007 « Mineurs en peines Photographies de Lizzie Sadin » Photo poche Société éd. Actes Sud 2009

« Too Much Time – Women in Prison » de Jane Evelyn Atwood éd. Phaidon 2000 « Pauvres de nous Images de l’exclusion » Ouvrage collectif conçu et réalisé par le Centre National de la Photographie pour les petits frères des Pauvres, 1996 « Elle, Lui Et Les Autres Un Regard Pour La Fondation Abbé Pierre » de Eric Cantona 2009 « Nomades » Photos de Andres Serrano, découvertes dans l’ouvrage suivant : « El Dedo en la Llaga » Catalogue rétrospectif éd. La Fábrica 2010 ( autres recherches à voir sur le CD )  « Sebastião Salgado » Photopoche éd. Actes Sud 2004 ( autres recherches à voir sur le CD ) « Dorothea Lange » par Mark Durden éd. Phaidon 2001 « Tulsa » de Larry Clark éd. Grove Press 2000 ( édition originale : 1971 ) ( autres recherches à voir sur le CD )


« Punk House – Interiors in Anarchy » de Thurston Moore et Abby Banks ( photos ) éd. Abrams Image 2007 « Skins & Punks Lost Archives, 1978-1985 » de Gavin Watson éd. Vice Books 2008 ( première publication en 1994 )

« The Ballad of Sexual Dependency » par Marvin Heiferman et Mark Holborn éd. Aperture 1996 ( éd. originale 1986 ) ( autres recherches à voir sur le CD )

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« Nan Goldin » par Guido Costa éd. Phaidon Press Ltd. 2006


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ANNEXES

Olivia Campaignolle / Annexes du mémoire du DNSEP communication École des beaux-arts de Toulouse / juin 2010


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