Letzebuerger Land 06 du 10.02.2023

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Une histoire juridique de la Place Pour la première fois, un historien se penche sur les cabinets d’avocats d’affaires du Luxembourg et sur la manière par laquelle ils ont façonné le centre financier local

Fir de Choix, Part II Initiée par un membre de l’ADR, une pétition réclame des allocations « au lieu » des maisons relais. Le CSV tente d’en tirer du capital politique et plaide pour un maximum de « liberté de choix »

Ëmmer bereet « Candidat Bourgmestre » pour Déi Gréng dans la capitale, François Benoy ne cache pas ses ambitions. Cet écolo modèle entend mener une campagne sans concession

Die Kuhflüsterin Die Tierärztin Marie-France Weisgerber ist nahezu im Dauereinsatz für kranke Tiere. Das Land hat sie einen Tag lang begleitet

Foto: Olivier Halmes

Unabhängige Wochenzeitung für Politik, Wirtschaft und Kultur

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70. Jahrgang 10.02.2023 ­

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Sven Becker

Le mur des bâtonniers dans la maison de l’avocat

Une histoire juridique de la Place Pierre Sorlut

Pour la première fois, un historien se penche sur les cabinets d’avocats d’affaires du Luxembourg et sur la manière par laquelle ils ont façonné le centre financier local Ce mercredi soir à la Bibliothèque nationale (BNL), l’historien Benoît Majerus a levé le voile sur les premiers travaux de recherche académique détaillant le rôle des avocats d’affaires dans l’émergence et le développement du centre financier luxembourgeois. Devant un parterre d’avocats et d’amateurs de droit réunis par les juristes cathos de la Conférence SaintYves, l’historien du C2DH (Centre for Contemporary and Digital History) de l’Université du Luxembourg a soutenu la thèse selon laquelle, dans les deux derniers tiers du XXe siècle, les avocats-entrepreneurs ont réussi à imposer leur savoir technocratique dans « le codage luxembourgeois du capital ». Le monde des avocats a co-construit le code réglementaire qui leur donne un avantage face aux concurrents étrangers. Ils peuvent guider leurs clients entre les différentes strates législatives qu’ils ont eux-mêmes mises en place. Une « politique discrète » qui explique comment la place financière est restée longtemps un sujet non citoyen, analyse l’historien. Le travail de Benoît Majerus, basé sur un dépoussiérage bénédictin des archives ainsi que sur des entretiens semi-dirigés, déroule son argumentation sur un axe chronologique. Cette dernière est étayée par des références bibliographiques : Les courtiers du capitalisme de Sylvain Laurens (2015) sur les milieux d’affaires à Bruxelles), Marchands de droit d’Yves Dezalay (1992) sur l’essor du marché international du droit des affaires et la mise en concurrence des modes de production du droit) ou encore The Code of Capital de Katharina Pistor (2019) sur la manière par laquelle le droit crée la richesse et les inégalités). Mais ce mercredi, Benoît Majerus conte une histoire, une histoire d’hommes (principalement) qui ont accompagné et intensifié la transition du Luxembourg, d’une économie secondaire (dominée par la sidérurgie) à une économie tertiaire. Selon le narrateur, elle commence par le vote de la loi holding en 1929. Sa rédaction associe Léon Metzler, le chef du département légal de l’Arbed, à Pierre

« If you wanted to get something done, you went to them and if there wasn’t a law, they would have a law made » Steve Cormack, fondateur de Peat Marvick, devenue KPMG, au sujet d’EHP

Braun, directeur de l’administration de l’Enregistrement. Cette loi a un but : permettre aux étrangers de payer moins d’impôts dans leur pays d’origine. Quatre avocats en particulier soutiennent cette ligne d’affaires naissante, notamment dans la fonction d’administrateur des sociétés domiciliées : Max Baden, Fernand Loesch, Joseph Wolter et Ernest Würth. Dans le Luxembourg sidérurgique et agricole de l’entre-deux-guerres, ils sont les précurseurs du conseil juridique d’affaires. Deux de ces patronymes marqueront la scène juridique luxembourgeoise au cours du siècle. Max Baden deviendra bâtonnier en 1968 et sera le géniteur de trois juristes dont un sera aussi bâtonnier, Georges, en 1992. Ce dernier sera également liquidateur des premiers Titanics de la finance luxembourgeoise, à savoir l’Investors Overseas Service (1972) et la Bank of Credit and Commerce International (BCCI) en 1992. Sa progéniture officiera aussi dans le droit des faillites, notamment son fils Yann. L’étude Loesch sera, elle, l’un des principaux cabinets d’affaires du centre financier. Née à l’initiative d’Adam Loesch, elle se lance résolument dans les affaires avec le prénommé Fernand et les holdings comme activité notable, mais l’avocat, par

ailleurs député CSV, se fait un nom dans le droit des sociétés au-delà des frontières, principalement via son rôle actif à l’Union Internationale des Avocats. Son frère Alfred figure parmi les sommités du barreau de Luxembourg et deviendra également maréchal de la Cour. Son fils Jacques rejoindra l’étude en 1952. Celle-ci va notamment gérer l’implantation de la Commerzbank au Luxembourg en 1969. Elle sera incorporée en 2002 à l’un des membres du Magic Circle londonien, Linklaters, mais la continuité familiale sera assurée avec une quatrième génération en la personne de Guy Loesch. Voilà pour un concentré historique à travers une étude, symbole de l’internationalisation progressive du centre financier. Comment en est-on arrivé là ? Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, le centre financier s’ouvre et se diversifie au gré des innovations financières émanant des cabinets. Les atouts fonds d’investissement et émissions obligataires (euromarchés) sont ajoutés à la carte holdings. L’association scellée en septembre 1964 entre de deux avocats, André Elvinger et Jean Hoss, marque un tournant dans la spécialisation accrue du métier d’avocat d’affaires. Le premier est issu d’une famille de notables avec plus particulièrement un oncle, Paul, aussi avocat, échevin à la Ville de Luxembourg, puis ministre (DP) de l’Économie. Par son biais, le Luxembourg s’ouvre aux capitaux américains. Le jeune cabinet Elvinger & Hoss assiste les entreprises de l’Oncle Sam qui envisagent une installation au Grand-Duché, profitant le cas échéant des incitations mises en place par le gouvernement. Benoît Majerus relève ici qu’en plus de défendre les dossiers individuels de leur clients, Elvinger et Hoss provoquent des décisions de « jurisprudence » de l’administration. En 1968, ils réussissent à faire bénéficier les sociétés d’investissement du régime favorable accordé aux holdings grâce aux bonnes relations que l’étude entretient avec deux fonctionnaires de la haute administration fiscale. Voici l’un des jalons de l’industrie des fonds locale. L’historien parle de l’acquisition d’un « capi-

tal bureaucratique ». Il n’est plus seulement question de connaître la loi et d’en faire bénéficier ses clients, mais de façonner la législation. Est aussi souligné le capital social d’une étude comme celle qui deviendra EHP : André Elvinger et Pierre Jaans, régulateur-enchef du secteur financier pendant 25 ans, faisaient du vélo ensemble. Jean Hoss et Jacques Santer, ministre des Finances (1979-1989) et Premier Ministre (19841995), étaient des amis très proches. Pour attester de la prépondérance de l’étude, l’historien cite Steve Cormack, qui a installé Peat Marwick (futur KPMG) au Grand-Duché entre 1979 et 1989 : « They were the Platinum standard, the Gold standard in Luxembourg. If you wanted to get something done, you went to them and if there wasn’t a law they would have a law made. They were very clever guys, very well connected. Very international and obviously very luxembourgish. » D’autres cabinets se développent parallèlement dans le droit des affaires. L’étude Dupong, créée en 1947 par Jean et Lambert Dupong, fils de Pierre Dupong, Premier ministre et ministre des Finances (19371952), est l’un d’entre eux. L’étude s’illustre notamment en conseillant l’International Investment Trust (IIT), le principal fonds mis en place par Bernie Cornfeld dont l’empire financier (IOS) s’est écroulé dans les années 1970. Bernard Delvaux devient, lui, le premier avocat luxembourgeois cité dans le Financial Times, pour son rôle de legal adviser du prêt de l’État italien sur l’euromarché en 1964. Nonobstant des développements remarquables de l’après-guerre, le petit monde du conseil en affaires au Luxembourg se limite à une petite quarantaine d’avocats à la fin des années 1980 (sur 250 inscrits au barreau). À ce moment, se développe la firme aujourd’hui connue sous la marque Arendt & Medernach. Le premier patronyme tient à Ernest, un autre patriarche du centre financier luxembourgeois. Avec André Elvinger et Jacques Loesch, il a participé à la rédaction de l’arrêté grand-ducal de 1972, après le scandale


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T H E M A

Archives privées

SIP

Guy Arendt (DP) rendent visite à Alex Bonn (qui dirigeait l’étude où ils ont

Ernest Arendt à la présidence du Conseil d’État en 1987

exercé) pour son 75ème anniversaire au barreau.

IOS, qui donne une première règlementation, « très légère, autour des fonds d’investissement », détaille Benoît Majerus. Ernest Arendt est entré au Conseil d’État et y a joué un rôle majeur dans la transposition de la première directive européenne concernant les fonds d’investissement. Trois « jeunes loups » aux profils complémentaires s’associent au père-fondateur : Paul Mousel (spécialiste du droit des affaires), Guy Harles (ancien du service financier de l’Arbed, proche des milieux catholiques) et Claude Kremer (ancien étudiant de la London School of Economics et transfuge d’EHP où les structures familiales allaient limiter sa soif de développement entrepreneurial). Ainsi naît Arendt & Medernach, cabinet affairiste qui investit le marché du droit financier. Celui des fonds d’investissement, plus technique et exigeant en capital, prend son essor dans les deux principales firmes, EHP et Arendt. Celui de la domiciliation, en sous-marin, dans les études plus modestes. Le nombre élevé, 61, de cabinets cités sur la base de données offshore leaks du consortium de journalistes ICIJ autour de 2017 fera remonter à la surface tout ce petit monde un peu honteux quoique bien content de pouvoir se retrancher derrière son secret professionnel face aux assauts de l’administration des contributions directes, bien moins docile que dans les décennies précédentes. En 1989, l’International Financial Law Review distingue les études EHP et Wolter&Loesch, les « traditional firms », des Arendt & Medernach et Zeyen,Schmitt,Bonn & Prum considérées comme « young » and « aggressive ». L’industrie des fonds se développe. À la fin des années 1980, le Luxembourg de la finance présente un double avantage : une fiscalité attractive et des avocats d’affaires bon marché selon les standards internationaux, de quoi alimenter la dynamique. Les cabinets internationaux menacent. Les entreprises d’audit flairent là aussi l’opportunité et une concurrence s’exerce sur le conseil juridique aux entreprises. Les avocats luxembourgeois envisagent alors une loi pour protéger le marché du droit. « Écrite par des avocats luxembourgeois pour des avocats luxembourgeois », selon Benoît Majerus. La préparation de la loi sur la profession d’avocat (qui sera votée en 1991) provoque pour la première fois des tensions ouvertes avec d’autres professions sur la place financière. La proposition est élaborée en 1986-1987 par André Elvinger, lorsqu’il est bâtonnier. Elle est voulue protectionniste, avec la nécessité de parler le luxembourgeois (c’est la décennie du « nationalisme linguistique »), l’allemand et le français. Le lobby des banques (ABBL) s’en offusque. « La place bancaire de Luxembourg souffre du manque d’avocats spécialisés dans des domaines hautement techniques tel que le droit fiscal, le droit des affaires et le droit international. Les délais pour obtenir au Grand-Duché de Luxembourg les avis juridiques formels sont longs », écrit l’ABBL dans son avis sur le projet de loi. L’association des juristes de banques (ALJB) alerte aussi sur le manque d’avocats. L’International Financial Law Review se fait l’écho du mécontentement des acteurs internationaux. La revue souligne « l’endogamie du monde des avocats luxembourgeois, la lenteur des procédures de l’IML (ancêtre de la CSSF, ndlr), le côté rétrograde d’une législation nationaliste, la difficulté d’avoir des agréments et la taille trop réduite du champ luxembourgeois des juristes qui serait devenue particulièrement visible lors du scandale de la BCCI », narre l’historien. Benoit Majerus relève que le barreau luxembourgeois est le seul barreau européen à s’opposer explicitement à la directive européenne, présentée par la Commis-

« Le code fabriqué dans le domaine financier est souvent un droit dérogatoire, à l’extérieur du droit commun. Ce droit ne passe pas par le contrôle parlementaire »,relate Benoît Majerus

sion en 1994, « visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre ». Au Parlement européen, quatre des six députés luxembourgeois interviennent lors des débats pour faire entendre leur opposition, notamment en introduisant un amendement concernant le régime linguistique. La résistance est menée par la députée chrétien-social Viviane Reding, mais le parlementaire socialiste Ben Fayot (peu connu pour sa proximité avec les avocats d’affaires, sinon d’avoir eu un fils, Franz, passé par EHP de 1997 à 2015) s’est associé à la fronde (avec Astrid Lulling, CSV, et Marcel Schlechter, LSAP). Une fois adoptée, en 1998, la directive fait l’objet d’un recours en annulation du Luxembourg devant la Cour de justice des communautés (CJCE). Il est rejeté en novembre 2000. La loi luxembourgeoise repasse au Parlement national pour un toilettage. La commission juridique de la Chambre compte dix avocats parmi ses onze membres. Le rapporteur de la loi est Patrick Santer (CSV), avocat travaillant chez EHP, le président de la commission est Laurent Mosar (CSV), avocat d’affaires et féru de domiciliation. La nécessité de parler luxembourgeois est réaffirmée, mais elle se base sur un substrat légal pensé plus solide. La CJCE retoque une nouvelle fois la loi en 2007. Le GrandDuché laisse tomber toute obligation linguistique. « L’effet au niveau des inscriptions est immédiate », retrace Benoît Majerus. En 2006-2007, 1 076 avocats sont inscrits au barreau. Il sont 1 526 un an plus tard.

fabrication du cadre légal qu’ils sont censés appliquer par la suite ». Les organisations internationales comme l’OCDE reconnaissent ce « processus d’ingénierie législative et réglementaire reposant sur la collaboration des pouvoirs publics et des professionnels du secteur financier », explique Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’ABBL, ce mercredi à la BNL. L’OCDE, organisation promouvant la convergence des politiques économiques (libérales), vise ici les partenariats structurés et reconnus plus ou moins officiellement, comme la CAIL… qui est devenu le Codeplafi dans les années 2000, présidé par le directeur général de la CSSF. Catherine Bourin souligne en outre le travail de préparation législative élaboré par le centre universitaire et son Laboratoire de droit économique fondé en 1996 par André Prüm. « Ce laboratoire a été à l’origine de nombreux projets de recherche qui ont donné naissance à des lois majeures pour la place financière », raconte sa première salariée. Catherine Bourin évoque la loi sur la titrisation, celle sur le commerce électronique ou les travaux préparatoires sur le droit des sociétés. D’autres textes de lois bancaires (loi de 2005 sur les contrats de garantie financière, loi de 2001 sur la circulation des titres, loi de 2013 relative à la dématérialisation des titres) ont été directement régigés par Philippe Dupont, avocat des banques au sein de la firme Arendt & Medernach. « Effectivement, le cadre réglementaire a très souvent été l’œuvre de la communauté des juristes et avocats de la Place, qui, réunis au sein de ces commissions, ont tenu la plume d’un grand nombre de textes législatifs », résume Catherine Bourin. Au cours de ses recherches, Benoît Majerus a aussi remarqué que, dans le monde des juristes luxembourgeois, quelques-uns comme Patrick Kinsch exprimaient des inquiétudes doctrinales et politiques. Le code fabriqué dans le domaine financier est souvent un droit dérogatoire à l’extérieur du droit commun. Ce droit dérogatoire est un droit des circulaires qui ne passe pas par le contrôle parlementaire : « Il est moins légitimé démocratiquement, instauré sans dé-

L’historien déterre des dossiers législatifs portés par les gouvernements successifs au bénéfice des avocats et, concomitamment, à celui du centre financier national, avec l’imbrication des avocats dans les « rouages » politiques. Ainsi, la nouvelle loi sur les domiciliations transposant la directive européenne est déposée par le ministre de la Justice, Luc Frieden (CSV), ancien avocat d’affaires chez Bonn & Schmitt. Le rapporteur de la loi est Laurent Mosar. Le député-avocat veut exclure explicitement « e Paraïsser Affekot, e Münchener Réviseur d’entreprise oder e Bréisseler Expert-Comptable ». Seuls les professionnels agréés au Luxembourg, dont les avocats (autocontrolés), pourront domicilier les sociétés. Les avocats d’affaires apparaissent continuellement dans les instances de réflexion stratégiques : dans la Commission chargée d’étudier l’amélioration de l’infrastructure législative (la CAIL dont était notamment membres Jean Hoss, EHP, et Jean-Claude Wolter, Loesch) installée en 1980 par le gouvernement Werner-Thorn-Flesch ou dans le Haut comité pour la place financière (HCPF), créé en 2010 par Luc Frieden. Benoît Majerus explique au Land : « Les avocats d’affaires participent d’une manière très étroite à la

L’historien Benoît Majerus à la Bibliothèque nationale mercredi soir

Olivier Halmes

En 2007, le ministre de la Justice, Luc Frieden (CSV), et le bâtonnier

bat public, ni transparence », relate l’historien. Puis il conte, dans les années 2000-2010, la guéguerre entre la profession d’avocats et les Big Four. Un je-t’aime moi-non-plus ponctué de renvois d’ascenseurs (plus précisément de clients) et de recours en justice pour empêcher les PWC, KPMG ou EY d’ouvrir leurs cabinets de conseil juridique. Benoît Majerus a rencontré Marie-Jeanne Chèvremont, cheville-ouvrière du développement de PWC au Luxembourg, aujourd’hui l’un des principaux employeurs du pays : « On avait des clients (des fonds d’investissement, ndlr) qui nous demandaient de préparer le prospectus. Comme j’avais beaucoup travaillé dessus, bien sûr je pouvais faire un prospectus (…) J’ai été convoqué une paire de fois par le bâtonnier », témoigne celle qui a été recrutée par la firme Arendt&Medernach en 2007, la plus importante au Luxembourg, pour structurer l’entreprise à l’image des grands cabinets d’audit. Benoît Majerus attire en outre l’attention sur des paradoxes piquants. Les avocats d’affaires se considèrent souvent comme « les hérauts d’une vision libérale ». Ils se plaignent régulièrement des excès de régulation. Or, ils requièrent traditionnellement une plus grande régulation de leur profession. Ce pour mieux protéger leur pré-carré national, mais pas que. Si le paysage du droit des affaires luxembourgeois s’est internationalisé, « l’espace légal » est lui resté luxembourgeois et il « doit le rester pour constituer un élément distinctif dans la compétition sur les marchés financiers globalisés », comprend Benoît Majerus. Un article académique paraîtra sous sa plume dans les prochains mois. Une lecture gramscienne de l’histoire : Les chefs d’entreprises, ou une élite d’entre eux, doivent se montrer « capables d’être des organisateurs de la société en général, dans l’ensemble de l’organisme complexe de ses services, jusqu’à l’organisme d’État, car il leur est nécessaire de créer les conditions les plus favorables à l’expansion de leur propre classe – ou bien ils doivent du moins posséder la capacité de choisir leurs commis, auxquels ils pourront confier cette activité organisatrice des rapports généraux de l’entreprise avec l’extérieur », écrivait Antonio Gramsci.

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ÉDITO

POLITIK

« Les excités du RGPD »

Grün-Schwarz?

Pierre Sorlut

Une petite mise en abîme journalistique. Lundi, dans le cadre de la préparation d’un article relatif aux avocats d’affaires, nous avons demandé au Barreau si nous pouvions accéder à des copies digitales de trois photos de bâtonniers qui trônent depuis des lustres dans la salle de réunion de la Maison de l’avocat. Réponse du bâtonnier en exercice, Pit Reckinger : « Nous ne sommes pas en mesure de donner suite à cette demande sans l’accord des héritiers ». Accès de prudence de la part d’une corporation qui a le droit pour métier. Nous nous tournons vers le Conseil d’État. Trois avocats d’affaires qui nous semblent d’intérêt pour illustrer le sujet (Alex Bonn, Ernest Arendt et Jean Dupong) ont présidé la Haute corporation au moment où le centre financier luxembourgeois prenait son envol. « Notre direction ne souhaite pas que vous utilisiez ces photographies », nous répond-on. Les bâtonniers et présidents d’une institution qui examine les projets de lois ne sontils pas des personnages d’intérêt public ? Bien sûr qu’ils le sont. Faut-il voir là l’expression d’une quelconque méfiance envers les journalistes ? L’événement rappelle un débat organisé en 1984 par l’Institut Grand-Ducal dans le cadre de la réforme de la loi sur la presse. Carlo Hemmer, fondateur du Land trente ans plus tôt et présenté comme « pionnier actif et dynamique de la presse indigène », s’y disait convaincu d’une « possible conciliation entre le libre accès à l’information et le respect d’autrui ». Le constitutionnaliste Alex Bonn répliquait sur les abus de la liberté de la presse, alors encadrée par une loi datant de 1869 qui condamnait (pénalement) les atteintes à l’honneur. Le président honoraire du Conseil d’État (et fondateur du cabinet d’affaires Bonn & Schmitt) souhaitait que les tribunaux poursuivent les journalistes quand « tel particulier est mis sur la sellette pour des faits de sa vie professionnelle ou même privée » ou quand « tel autre est ironisé en raison de l’aspect lucratif de son activité ». Autre temps, autres mœurs, espère-t-on. Mais l’accès à l’information n’est toujours pas ancré dans la loi. « Ah… C’est encore des excités du RGPD », réagit un interlocuteur du monde du droit au sujet de notre quête d’illustration. Le règlement général sur la protection des données est régulièrement brandi depuis mai 2018 (date de son application) pour justifier la noncommunication de documents. Ici ce n’est pas explicite. D’autres fois, ça l’est. Comme lorsque nous demandons au ministère des Finances (fin 2021) d’accéder à la liste des récipiendaires des médailles honorifiques. (Les listes des médailles remises au nom du peuple luxembourgeois seront à nouveau publiées un an plus tard, mais dix promotions n’auront entretemps bénéficié d’aucune publicité.) Ce n’est pas de la popote interne. Il s’agit d’entraves à la diffusion de l’information et de la connaissance. Les historiens sont de plus en plus confrontés à la protection des données personnelles lors de leurs recherches aux archives. Les délais d’accès luxembourgeois ont d’ailleurs été critiqués ce jeudi dans le cadre d’une journée de débat organisée à l’abbaye de Neumünster. Les dossiers couverts par le secret fiscal restent par exemple inaccessibles pendant un siècle. Un travail sur les débuts des holdings 29 ne serait donc pas encore possible. Depuis 2018 et l’application du RGPD, en droit, la protection de la vie privée prime sur les libertés de l’expression et de l’information, ou sur le principe même de publicité de la justice. L’anonymisation des décisions rend leur publicité compliquée voire impossible dans la presse. Cela nuit par exemple à la lutte contre le blanchiment ou l’évasion fiscale. Comment les autorités étrangères seront-elles alertées si les journaux ne peuvent faire état d’une condamnation visant une personne d’intérêt public ? Enfin, dans le monde scientifique et économique, le RGPD tel qu’appliqué aujourd’hui freine le développement du cloud européen, Gaia-X. La réglementation votée par l’Union européenne empêche l’échange de données qu’elle promeut. La protection des données ne doit pas devenir synonyme d’obscurantisme.

Die Grünen ließen am Montag wohl die Korken knallen, als das Wort die Resultate seiner OnlineUmfrage vom Wochenende veröffentlichte. Auf die Frage, wer von den Spitzenkandidat/innen der vier größten Parteien ihr Favorit sei, antworteten 40 Prozent der Teilnehmer/innen Sam Tanson (Foto: Olivier Halmes), obwohl sie von den Grünen noch nicht einmal als solche designiert wurde, was nicht zuletzt daran liegt, dass deren Statuten eine nationale Spitzenkandidatin bislang nicht vorsehen. Trotzdem verwies die Kultur- und Justizministerin das Comeback Kid der CSV, Luc Frieden, auf Platz zwei. Mit 36 Prozent erzielte aber auch er noch ein beachtliches Resultat. Die laut repräsentativen Umfragen seit drei Jahren zu den drei beliebtesten Politiker/innen Luxemburgs gehörenden Xavier Bettel (DP) und Paulette Lenert (LSAP) kamen lediglich auf neun und fünf Prozent. Überraschend war aber nicht nur das Resultat der Frage des Wochenendes, sondern auch die hohe Beteiligung. Verzeichnet die Online-Umfrage in der Regel 2 000 bis 3 000 Stimmen, waren es am Wochenende 14 719. Das könnte einerseits darauf hindeuten, dass sehr viele Menschen in Luxemburg die Nationalwahlen vom 8. Oktober kaum noch erwarten können. Wahrscheinlicher ist aber, dass die Umfrage manipuliert wurde. Einerseits ist sie, anders als die meisten Inhalte auf Wort.lu nicht hinter der Paywall versteckt und damit auch nicht an ein Nutzerkonto gebunden. Andererseits ist sie zwar durch eine sogenannte Cookie based protection „abgesichert“, damit jeder User nur einmal teilnehmen kann, wie der Leiter der WortOnline-Redaktion auf Nachfrage erklärt; durch das Löschen der Cookies im Browser lässt sich dieser „Schutz“ aber problemlos umgehen, sodass tatsächlich jeder so oft votieren kann, wie er möchte. Es ist demnach nicht auszuschließen, dass einige Grüne und Christsoziale das ganze Wochenende damit verbracht haben, für die Spitzenkandidat/ innen ihrer jeweiligen Partei abzustimmen, oder dass sie einen einschlägigen Dienst in Anspruch genommen haben, um die Umfrage zu manipulieren. Bei der DP und der LSAP hatte man die Frage des Wochenendes vielleicht verpasst oder man hatte am Samstag und Sonntag tatsächlich besseres zu tun. ll

AG R I K U LT U R

20 Einwände Ganze 20 oppositions formelles hat der Staatsrat in seinem am Dienstag veröffentlichten Gutachten zu dem im August 2022 von Landwirtschaftsminister Claude Haagen (LSAP) hinterlegten Agrargesetz veröffentlicht. Unter anderem kritisieren die Autoren, dass das Ministerium einen „jungen

Blog

Bauern“ als mindestens 23-Jährigen definiert, womit Jüngere von bestimmten Subventionen ausgeschlossen seien. Darüber hinaus fragt sich der Staatsrat, ob theoretische Arbeitseinheiten der geeignete Bezugswert sind, um Ammoniakemissionen zu regulieren, und damit zusammenhängend Genehmigungen oder Betriebsbegrenzungen zu begründen. Deshalb solle das Ministerium rechtfertigen, weshalb ihre Berechnungen an Arbeitseinheiten gekoppelt sind oder möglicherweise einen besseren Bezugswert einführen. An mehreren Stellen wird bemängelt, dass klare Definitionen nicht eingefügt wurden, wie beispielsweise für „Mikrounternehmen“. Unpräzise Begrifflichkeiten wie „autres personnes“ als potenzielle Empfänger von Finanzunterstützungen seien laut Staatsrat ebenso unpassend in einem Text, in dem es um AgrarAkteure gehe. Problematisch sei zudem, dass genaue Kriterien fehlen, um Beihilfen für umweltfreundliche Arbeitsweisen zu entlohnen. Am Mittwoch zeigte sich Claude Haagen gegenüber RTL gelassen: „De Gros vun den Oppositions formelles ass, sou wéi ech dat gelies hunn, op juristesch Technizitéiten zréckzeféieren, dann ännere mir déi.“ sm

I N F L AT I O N

Marge de manoeuvre Premierminister Xavier Bettel (DP) scheint spät Gefallen an der Tripartite gefunden zu haben. Laut Tageblatt will er bereits in der zweiten Märzhälfte die nächste Dreierrunde mit den Sozialpartnern einberufen, nachdem das Statec am Mittwoch gemeldet hatte, die Inflation sinke wegen der Energiepreisbremse zwar seit Oktober kontinuierlich und liege in diesem Jahr voraussichtlich bei 3,4 Prozent (im mittleren Szenario), könne aber 2024 wieder auf 4,8 Prozent ansteigen, wenn die bei der

letzten Tripartite im September beschlossenen Maßnahmen Ende 2023 auslaufen. Die nach Februar zweite Lohnindexierung könne demnach, je nach Szenario, im dritten oder vierten Trimester dieses Jahres oder Anfang nächsten Jahres fällig werden. Mit der bei der Tripartite im März 2022 auf April 2023 verschobenen Indextranche würden dann in diesem Jahr zwei bis drei Indextranchen auf die Betriebe zukommen. „Mir wäerten d’Kafkraaft an d’Aarbechtsplazen och iwwert d’Enn vum Joer eraus ofsécheren“, kündigte der Premierminister am Mittwoch auf Twitter an. Welche Maßnahmen ihm genau vorschweben, ist noch nicht bekannt. Auf jeden Fall wird er sein Versprechen vom Oktober einhalten müssen, dass die Regierung den Unternehmen eine weitere Indextranche in diesem Jahr kompensieren werde. DPFinanzministerin Yuriko Backes hatte bei ihrer Haushaltsrede im Oktober bereits angekündigt, sie habe für diese Kompensation „eng marge de manoeuvre“ im Budget vorgesehen, auch für den Fall, dass „Ufank 2024 verschidde Mesuren aus der Tripartite nach misste verlängert ginn“. Darunter fällt wohl auch der Energiesteuerkredit, der bereits Ende März ausläuft. Ihn ausgerechnet in einem Wahljahr nicht zu verlängern, wäre von der Regierung politisch unklug. Wegen der 834 Millionen Euro an Mehreinnahmen, die der Staat vergangenes Jahr insbesondere wegen der kalten Progression verzeichnete, hatte Backes schon Ende Januar gezielte Steuererleichterungen für Haushalte in Aussicht gestellt. ll

A R B E I T

Work-Life-Konflikte Partizipation, Feedback, Autonomie und Kooperation – diese Aspekte kommen laut Arbeitnehmer/innen in ihrem Arbeitsalltag zu kurz. Im Vergleich zu 2014 haben sich diese Bezugswerte gar verschlechtert. Damals führte die Universität Luxemburg zusammen mit

der Arbeitnehmerkammer CSL die erste Quality of WorkStudie durch. Gestern wurden die Ergebnisse der aktuellen Befragung aus dem Jahr 2022 vorgestellt. Vor allem seit 2017 ist zu beobachten, dass Arbeitnehmer/ innen weniger körperliche Belastungen und Unsicherheiten empfinden, jedoch die mentalen Anforderungen steigen und WorkLife-Konflikte sich zuspitzen. Positiv hervorzuheben ist seit dem Ende der Pandemie, dass die Kooperation unter Kolleg/innen reibungsloser abläuft und die Angestellten zeitnah Feedbacks erhalten. Als Vorteil wird ebenfalls die Beibehaltung der HomeofficeOption bewertet. Allerdings ist die Arbeitsplatzsicherheit durch den Kriegsbeginn und die hohe Inflation wieder gesunken. Unterschiedliche Bewertungen sind zwischen Männern und Frauen, sowie je nach Gehaltsund Autonomiestatus zu dokumentieren: Die Autor/ innen des Berichtes Philipp Sischka, Ines Müller und Georges Steffgen berichten beispielsweise von einer höheren subjektiv wahrgenommenen Arbeitsqualität von Führungspersonen. sm

R E N T E N F O N D S

Regierung reagiert Es war bislang ein reiner Widerspruch, dass DP, LSAP und Grüne seit der FukushimaKatastrophe von 2011 dem Nationalen Aktiounskomitee géint Atomkraaft angehören (CSV und ADR hatten das Bündnis 2022 verlassen) und die Regierung sich gegen die neue europäische Taxonomie ausspricht, während andererseits der Luxemburger Rentenfonds über seine SicavFis rund 800 Millionen Euro an Rentenbeiträgen in Unternehmen platziert, die im Bereich der Atomkraft tätig sind. Insbesondere die ONGs Greenpeace und ASTM, aber auch die Linke, hatten in den vergangenen Jahren wiederholt darauf hingewiesen. Der sozialpartnerschaftlich besetzte Verwaltungsrat des FDC hatte

immer wieder betont, dass er die Investitionspolitik des Fonds nicht eigenständig ändern könne, das dürfe nur die Regierung tun, und voraussichtlich müsse dazu das Gesetz geändert werden. Die Grünen haben nun bei einer Anwaltskanzlei ein juristisches Gutachten in Auftrag gegeben, das zu dem Schluss kommt, dass eine Gesetzesänderung nicht notwendig sei, um die Investitionsstrategie des Fonds de compensation zu ändern. Bereits in der Vergangenheit habe der Verwaltungsrat beschlossen, Firmen zu blacklisten, die die internationalen Konventionen und Abkommen, die Luxemburg unterzeichnet hat, nicht respektieren. Weil auch die Gewerkschaften sich in den vergangenen Monaten gegen Investitionen des FDC in Atomkraft ausgesprochen hatten, und deshalb im Verwaltungsrat gegen die neue Investitionsstrategie für die Jahre 2023 bis 2027 votiert hatten, hatte Sozialminister Claude Haagen eine Konsultationsdebatte im Parlament beantragt, die gestern stattfand. Die Debatte sollte ihm auch dabei helfen, Kriterien festzulegen, nach denen die Aktivitäten von Unternehmen bewertet werden können. Vor allem CSV, DP und LSAP waren gestern noch der Meinung, dass große Energiekonzerne ja Anstrengungen unternähmen, um auch in erneuerbare Energien zu investieren, und man sie daher nicht ohne weiteres blacklisten könne; vor allem, da sie große Gewinne ausschütten, die dabei helfen, die Luxemburger Renten abzusichern. Allerdings reichten die Fraktionen von DP, LSAP und Grünen eine gemeinsame Motion ein, die die Regierung dazu auffordert, dafür zu sorgen, dass die Investitionsstrategie des FDC die Pariser Klimaziele und die Haltung Luxemburgs zur europäischen Taxonomie respektieren solle: Der FDC müsse eine DesinvestitionsStrategie für Unternehmen einleiten, die in der Kernenergie tätig sind, und nicht über eine Ausstiegsstrategie verfügen. Sie soll auch für Konzerne gelten, die keine Dekarbonisierungsstrategie verfolgen, die im Einklang mit den Pariser Klimazielen steht. ll


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Fir de Choix, Part II

Z UFA L L SGE SPR ÄCH MI T DEM M A NN IN DER EISENB A HN

Eine Vision für 2024

Bernard Thomas

La pétition « Elterengeld amplatz vun institutionnelle Ariichtungen » vient d’atteindre 5 096 signatures, et devrait être débattue prochainement à la Chambre. Son auteur, Luc Martiny, est membre de l’ADR et se dit prêt à se présenter aux législatives, si son parti le lui demandait. Éducateur gradué de formation, le résident de Kopstal a choisi l’angle social pour motiver sa pétition : « Leit mat wéineg Akommes hunn aktuell net de Choix, si mussen Kanner an Institutiounen ofginn, soss geet et hannen bis fir net duer » Contacté par le Land, il critique le gouvernement qui miserait sur « eng schaffend Gesellschaft ». Et de s’interroger : « Ass eng Fra jeemools gefrot ginn, ob si dat wierklech wëll hunn ? » Sa pétition a notamment trouvé le soutien des milieux traditionnalistes, dont le groupe Facebook « Méi Elteren, manner Staat » qui est suivi par plus de 4 000 personnes. « Firwat Mammen an d’Aarbechtswelt schécken, wann hiert ënnerlechst Wiesen hinne seet, dass hir Plaz doheem, bei de Kanner ass », y lit-on.

Le débat tourne en rond, et la pétition de Luc Martiny provoque une impression de déjà-vu. Le 5 mai dernier, c’était à Jules Clement d’avoir son quart d’heure au Parlement. Accompagné par son épouse, sa sœur et sa mère, il présenta la pétition « Ënnerstëtzung fir d’Elteren deenen hier Kanner net an eng Maison relais ginn », qui avait recueilli 4 879 signatures. Clement réclama des compensations financières pour les parents « qui s’efforcent tous les jours à éduquer euxmêmes leurs enfants » ; en contrepartie, l’État pourrait « réaliser des économies au niveau des infrastructures et des frais de fonctionnement des maisons relais ». Sous la bannière du « choix », le CSV, l’ADR et les Pirates se rangèrent derrière cette proposition.

Hierzulande war das schwieriger. Unternehmer und Gewerkschaften waren ähnlich stark. Das verhinderte 2010 eine Einigung in der Tripartite. Es verhinderte eine Einigung zwischen CSV und LSAP in der Regierung. Man sprach von Blockade.

Les maisons relais sont un ersatz d’une Ganzdagsschoul que la politique n’a pu imposer aux enseignants

de l’école au foyer, du foyer à l’école, de l’école au foyer, du foyer à la maison.

Initiée par un membre de l’ADR, une pétition réclame des allocations « au lieu » des maisons relais. Le CSV tente d’en tirer du capital et plaide pour un « maximum de liberté de choix »

La ministre de la Famille, Corinne Cahen (DP), opposa un niet et parla « aus dem Häerz eraus » : « À Bonnevoie où j’habite, la plupart des enfants – ou beaucoup d’enfants – ne mangeaient autrefois rien du tout à midi ». Elle mit en garde contre les abus potentiels : « Que va-t-il arriver si on donne de l’argent aux parents pour qu’ils n’envoient pas leurs enfants à la maison relais ? Ceci ne comporte-t-il pas le risque qu’au final, cet argent ne bénéficie pas aux enfants ? » La revendication d’une nouvelle allocation d’éducation (abolie en 2015 par la coalition libérale) est portée par une classe moyenne luxembourgeoise qui conçoit sa réalité sociale comme une évidence : Des grands-parents au pays, un salaire confortable et un héritage familial qui soulage la charge de la dette hypothécaire. Travaillant souvent pour l’État, elle est accoutumée à un employeur accommodant. (Même si les disparités de genre restent très prononcées dans la fonction publique : 5 968 femmes y travaillent à temps partiel, contre 1 326 hommes seulement.) Plutôt qu’une amélioration de l’offre publique, les pétitionnaires réclament des subventions individuelles pour sortir du système des maisons relais. Dans cette logique, les foyers scolaires sont destinés à redevenir ce qu’ils étaient jusqu’en 2005 : une offre réservée aux monoparentaux et aux salariés précarisés. Or, comme l’écrivait le chercheur britannique Richard Titmuss dès 1969, « services for the poor are poor services ». Le ministre de l’Éducation, Claude Meisch (DP), a présenté la gratuité des maisons relais comme une concrétisation « d’une école ouverte à temps complet ». Or, en réalité, les foyers scolaires ne sont qu’un ersatz d’une Ganzdagsschoul que la politique n’a pu imposer aux enseignants. Ce compromis à la luxembourgeoise génère un certain stress quotidien. Les lundis, mercredis et vendredis, la majorité des enfants mène une vie pendulaire : de la maison à l’école,

Entre enseignants et éducateurs, les tensions étaient latentes ; l’aide aux devoirs, que les premiers ont externalisée aux seconds, les a rendues patentes. Dès 2011, les chercheurs de l’Uni.lu pointaient dans Forum le « Spannungsverhältnis » qu’engendrait la question de l’aide aux devoirs : « Übernimmt die Maison relais dafür die Verantwortung, verwischt sie die Grenzen zum Unterricht und wird zu einer Art Ganztagsschule. Tut sie dies nicht, gerät sie in Konflikt mit den Erwartungen der Eltern […] und gerät dann aus deren Sicht in Verdacht, nur mehr die ‘schlechtere’ Alternative zur häuslichen Betreuung zu sein. » En septembre, les maisons relais ont franchi le Rubicon. Elles sont officiellement chargées d’« assister » les élèves dans leurs devoirs ; « en revanche », précisait le ministère, « il n’appartient pas au personnel des structures d’accueil d’expliquer aux enfants des matières qu’ils n’ont pas comprises ». Face à cette nouvelle tâche, les éducateurs se sentent en effet mal outillés ; la plupart proposent simplement un cadre calme et une surveillance aux élèves désirant se mettre à leurs devoirs. Alors que le système scolaire reproduit de manière implacable les inégalités sociales, les maisons relais pourraient en théorie fournir un correctif, les éducateurs (« Sozialpädagogen » en allemand) suivant les familles sur la longue durée. Dans une interview parue en septembre sur Science.lu, la chercheuse au Liser, Audrey Bousselin, citait des études longitudinales américaines analysant l’impact des structures d’accueil sur le développement des enfants en situation familiale précaire. « Elles mettent en lumière des effets positifs à long terme, et cela, jusqu’à l’âge adulte : meilleurs résultats scolaires, moins de comportements à risque, moins d’abus de drogues, taux de chômage plus faible, etc. » Lors du débat à la Chambre en mai dernier, il fallut attendre trois quarts d’heure avant qu’une députée (Simone Asselborn-Bintz ; LSAP) ne thématise le rôle de « socialisation » et d’« intégration » des maisons relais. Face au Land, Corinne Cahen met l’accent sur la « mixité sociale », « wou mir all zesumme kommen, an all un engem Strang zéien ». Ces considérations de cohésion sociale restent largement absentes des discussions actuelles. Ce n’est probablement pas un hasard si la revendication de l’« Elterengeld » refait surface au moment où de nombreux propriétaires sont pris au piège par les taux variables. Contraints de travailler à temps plein pour rembourser leur prêt immobilier, ils se découvrent, à leur tour, tributaires des structures d’accueil. L’exigence d’une compensation financière pour pouvoir s’occuper des enfants correspond, en fin de compte, à une subvention étatique des mensualités.

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Der CSV-Minister wollte die Blockade überwinden. Im Sinn der Union des entreprises luxembourgeoises. Auf Kosten der Lohnabhängigen: Sie müssten wissen, „que nous devons travailler probablement un peu plus“. Und „que nos salaires sont beaucoup plus élevés que ceux dans les pays avoisinants“. Besonders der Mindestlohn: „Est-ce que ces salaires sont appropriés pour attirer vers le Luxembourg de nouvelles industries ?“ Er wollte vollendete Tatsachen schaffen. Zugunsten der Besitzenden, auf Kosten der Besitzlosen: „Il faut à court terme veiller à ce que les impôts ne doivent pas être considérablement augmentés. Il faut aussi à court terme modifier un certain nombre de domaines de la Sécurité sociale. En premier lieu desquelles, les retraites.“ Er beanstandete „des automatismes qui, aussi agréables soient-ils, ne peuvent pas être financés sur le long terme“. Eine Woche zuvor hatten CSV, LSAP, DP und Grüne ein Gesetz zur weiteren Indexmanipulation gestimmt. Alle fordern Chancengleichheit in der Schule. „Mais il faut faire aussi quelque chose pour ceux qui auront demain la charge de diriger l’économie et la société luxembourgeoise.“ Die Tripartite von 2010 zeigte, dass die „vision de 2024“ sozialpartnerschaftlich nicht zu haben war: „Je dirais que, dans

le domaine économique et social, la tripartite n’est pas le modèle sur lequel l’avenir peut être construit.“ Am 7. Dezember 2011 hatte Luc Frieden dem Parlament angekündigt: „Ech sichen duerfir 2012 informell Gespréicher mat alle Fraktiounen am Parlament, mat de Sozialpartner, mat aneren organiséierte Gruppen, virun allem och mat de Jugendmouvementer [...] Et geet ëm d’Gestaltung vun eisem Land iwwert déi nächst fënnef bis zéng Joer.“ Er wollte seine eigene Tripartite, um Premierminister zu spielen.

Luc Frieden legte eine CSV/DP-Koalition auf der Höhe der neoliberalen Zeit nahe. Ohne JeanClaude Juncker und die LSAP

Luc Frieden legte eine CSV/DP-Koalition auf der Höhe der neoliberalen Zeit nahe. Vielleicht durch einen sanften Putsch gegen den heimlichen Sozialdemokraten Jean-Claude Juncker und die LSAP. Spätestens aber nach den Wahlen. Der Thronfolger wollte nicht ewig warten. Bis Jean-Claude Juncker doch noch einen Posten in Brüssel erhaschte. Luc Frieden ist Geschäftsanwalt. Er stellt seine Rechtskenntnisse in den Dienst der Bereicherung wohlhabender Kunden. Mit seiner „vision de 2024“ bot er den Unternehmern seine Dienste an. Sie misstrauten seinen Fähigkeiten. Einen Monat später begann ihr Verein 5vir12, für einen Bruch mit dem CSV-Staat zu werben. Für einen politischen Neuanfang ohne einen CSV-Premier. Ganz gleich, wie er heißt. Danach wurde Jean-Claude Juncker gestürzt. Zehn Jahre später suchte die CSV verzweifelt einen Spitzenkandidaten. In einer Anwaltskanzlei stieß sie auf ihren ehemaligen Minister. Dank alter Seilschaften saß er in einigen Verwaltungsräten. Er war Präsident der Handelskammer. Die CSV bat ihn, im Wahlkampf Kreide zu fressen. Dafür überließ die Volkspartei ihm die Führung. Sie machte sich zur Klassenpartei. Sie gibt ihm eine zweite Chance, seine „vision de 2024“ durchzusetzen. Romain Hilgert

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Sven Becker

Le discours sur les foyers scolaires est imprégné d’une forte charge morale et idéologique. Critiques fondées et clichés sociaux s’y coagulent. Des rumeurs se propagent sans se heurter aux moindres données empiriques. On parle ainsi beaucoup d’enfants inscrits de sept heures du matin à sept heures du soir, qui passent la totalité de leurs vacances scolaires à la maison relais. Mais combien sont-ils réellement ? Et quel est leur background social ? Aucune étude n’a jusqu’ici livré de réponses à ces questions. De même qu’on attend toujours une première analyse comparative sur les meilleures (et pires) pratiques dans les communes et organismes conventionnés (Caritas, Croix-Rouge, Inter-Actions, etc.) qui gèrent les maisons relais. En attendant, le Wort improvise sur le thème du déclinisme. Les maisons relais seraient source de « souffrance » pour les enfants, engendrant « Beziehungsarmut », « kognitive Defizite » et « Entwicklungsstörungen ». La situation serait « catastrophique », pouvait-on lire dans un édito fin décembre. Les parents s’éloigneraient (« entfremden ») de leurs enfants, « parce qu’ils ne savent plus ce qu’être parent veut dire ». Dans la même édition, le dirigeant d’une maison relais se lâcha contre les parents : « Sie geben ihre Verantwortung mehr und mehr ab, und ihr Elterninstinkt geht mehr und mehr verloren ». Un sermon culpabilisant qui a rendu quasi-inaudible sa revendication, très concrète, d’une révision du ratio d’encadrement. Au Luxembourg, celui-ci s’établit à un éducateur pour onze enfants, contre un par 7,5 en Allemagne. Les éducateurs (dont la plupart sont embauchés avec des contrats à mi-temps) estiment ne pas avoir le temps nécessaire pour s’occuper individuellement des enfants. Le niveau de stress est également épinglé : « Die meisten Kinder […] betrachten die hohe Geräuschkulisse und die mangelnde Rückzugsmöglichkeiten während der Betreuung als sehr belastend », lit-on dans les conclusions d’une enquête menée par l’Uni.lu au sein d’une maison relais gérée par la commune de Strassen (qui avait commandité l’étude).

Die besitzenden Klassen hatten sich rasch vom Schock des Bankenkrachs 2008 erholt. Sie gingen in die Offensive. Die Union des entreprises luxembourgeoises wollte die Volkswirtschaft „desindexieren“, die Reallöhne verringern. Sie wollte die Lohnstückkosten auf das Niveau Deutschlands senken. Dort hatten Sozialdemokraten und Grüne den Sozialstaat demontiert.

Sven Becker

Le CSV s’est illico emparé du sujet. Ce samedi, Martine Hansen a publié une tribune libre dans le Wort : « Will man den Müttern und Vätern – sowie jenen, die es werden wollen – etwa sagen, sie seien mit dieser Aufgabe ohnehin überfordert und die Kinder seien sowieso besser in einer Betreuungsstruktur aufgehoben ? », s’interroge la coprésidente de la fraction. 33 ans plus tôt, Erna Hennicot-Schoeppges avait écrit dans le même journal : « Kinderkriegen scheint eine lästige Sache geworden zu sein. Möglichst schnell will man sich ihrer erledigen [sic]. Darum werden mehr Kinderkrippen gefordert. » Et la présidente des Femmes chrétiennes-sociales de s’emporter dans un délire réactionnaire : « Da wird der Wille am Überleben eines Volkes angezweifelt, da wird seine Eigenständigkeit und sein Wert in Frage gestellt. Da kommt die Ärztin vom Tageblatt-Dienst über Orgasmus und Vaginismus jetzt bei der Homosexualität an ». Même si le CSV a depuis abandonné ces positions hardcore (à l’ADR), la « Familljepolitik » reste un moyen privilégié pour mobiliser sa clientèle électorale. Martine Hansen se remet donc à critiquer un « einseitiges Kinderbetreuungsmodell » et à réclamer une « größtmögliche Entscheidungsfreiheit ».

Am 4. Februar 2012 fand die Journée de l’ingénieur im „Arbedsschlass“ am Rousegäertchen statt. Die Ingénieurs et scientifiques du Luxembourg a.s.b.l. empfingen Finanzminister Luc Frieden. Sein 56-minütiger Gastvortrag gipfelte in „une vision de 2024“.

Michel Wurth und Luc Frieden, vorige Woche in der

Abtei Neumünster


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Land

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10.02.2023

Ëmmer bereet France Clarinval

« Candidat Bourgmestre » pour déi Gréng dans la capitale, François Benoy ne cache pas ses ambitions. Cet écolo modèle entend mener une campagne sans concession

L’autre caractéristique que François Benoy met volontiers en avant est son engagement, associatif d’abord, écologique et politique ensuite. « Je m’intéresse à la politique depuis que je suis enfant, même si ma famille était peu politisée », relate-t-il en se remémorant les discussions avec son grand-père maternel, boucher à Mersch, « nettement plus conservateur ». Déjà à l’école primaire, il collectionnait les dépliants des partis et apprenait les noms des candidats. Les scouts du quartier de Belair sont la première étape de cet engagement. Membre actif du groupe Jang de Blannen (« Jean L’Aveugle, par rapport à mon ambition, ça me plait », rigole-t-il). Il est toujours le président de l’Amicale des guides et scouts du Belair. Engagement qui se confirme au lycée où il s’investit dans le comité des élèves. Il sera d’ailleurs élu en faisant campagne pour l’amélioration du transport public pour les lycéens. Pendant ses études – de sciences politiques et sociales –, il s’implique auprès de l’Unel (Union nationale des étudiant-e-s du Luxembourg). Période pendant laquelle, il commence à travailler comme journaliste (d’abord correspondant) pour RTL Radio. Le journalisme n’était pas la voie rêvée par François Benoy, mais « un job qui me permettait de mieux comprendre le Luxembourg et ses rouages politiques ». Non sans ironie, il se rappelle avoir couvert une séance du Conseil communal de la Ville de Luxembourg où un Plan d’aménagement particulier de la Place de l’Étoile était voté. Il en profite pour glisser dans la conversation : « Ça n’a pas vraiment bougé depuis. La Ville aurait pu faire beaucoup plus. » Au cours de ses années lycéennes et universitaires, François Benoy développe sa pensée écologiste : « Pour moi, c’est une question de justice générationnelle, environnementale et sociale ». La protection de l’environnement et du climat prennent de plus en plus de place dans sa réflexion. Il considère que « la politique environnementale doit être une priorité absolue et doit orienter les politiques fiscale et budgétaire. » Après la radio, il travaillera comme coordinateur auprès de l’asbl Natur&Ëmwelt. « À l’époque, je ne pensais pas à la politique comme métier, je n’allais vers aucun parti ». Mais lors des élections communales de 2011, il est approché par Carlo Back, conseiller communal. « Son fils Nicolas était aux scouts avec moi. C’est lui qui a pensé que je pourrais être intéressé. Aujourd’hui, il est sur notre liste ». Carlo Back lui propose de rejoindre la liste Déi Gréng. « Je n’ai pas hésité une seconde ». Il prend la campagne à bras le corps et arrive en septième position sur la liste, avec 4 135 suffrages nominatifs. Quand, en 2013, François Bausch entre au gouvernement, une place se libère au Conseil communal. Élu sixième, Carlo de Toffoli aurait dû siéger, mais « il a eu ce très beau geste de me céder sa place, estimant qu’il fallait me donner une chance ». C’était il y a dix ans. Depuis, François Benoy s’est fait un nom dans le paysage politique de la capitale. Déi Gréng étant au pouvoir, avec le DP, il exerce comme président de la commission de l’urbanisme à l’époque des discussions et du vote de Plan d’aménagement général « qui pose des choix importants pour la Ville ». En 2017, Lydie Polfer rompt avec Déi Gréng au profit d’une coalition avec le CSV. Deuxième élu

Olivier Halmes

Dès qu’il en a l’occasion, il tient à souligner qu’il a toujours vécu dans la capitale. François Benoy se présente comme ayant grandi à Belair et habitant Bonnevoie. Face au Land, il ajoute une parenthèse à Gasperich après des études universitaires à Heidelberg et à Lausanne et confirme son attachement à la ville, « dans des quartiers aux profils différents ». Une ancrage qui remonte à plusieurs générations. Son grand-père paternel, Maurice Benoy était artiste-peintre et a fondé la première agence de publicité du Grand-Duché. Il a fait installer les colonnes d’affichage en imitation des colonnes Morris parisiennes, reprises désormais par JC Decaux. La grand-mère de François Benoy était issue de la famille Lassner, propriétaire d’un grand magasin de jouets et d’articles pour la maison, place Guillaume II. « J’allais régulièrement y travailler pour aider au moment de la Braderie », se souvient-il. Ce qui fait resurgir les images d’un jeune Xavier Bettel qui aidait son aime Corinne Cahen dans son magasin de chaussures. Un père à la tête d’une fiduciaire, une mère à celle d’un cabinet de ressources humaines, la famille se situe dans une moyenne bourgeoisie, orientée vers le commerce et l’entreprenariat.

Sur toutes les questions liées à la mobilité, l’environnement, les espaces verts, comme sur celles du logement, du commerce, de l’école, du vivre ensemble, le candidat bourgmestre étrille la coalition au pouvoir qui « n’utilise pas ses possibilités d’intervention ou d’action et préfère laisser-faire ». Il ponctue ainsi ses réponses de « la Ville doit se donner davantage de moyens », « la Ville peut agir », « la Ville a des moyens qu’elle n’utilise pas », « la loi donne la possibilité aux communes de faire plus ». En septembre dernier, Serge Wilmes, probable tête de liste du CSV ne disait pas autre chose vis-à-vis du Land (09.09.2022) : « Il ne suffit pas de laisser-faire. La politique doit donner des impulsions, initier des projets et s’impliquer à tous les niveaux pour transformer Luxembourg en une métropole où il fait bon vivre ». L’actuel Premier échevin insiste aussi beaucoup sur la vie des quartiers et la gestion de l’espace public. Un partenaire de coalition potentiel pour les Verts ? « Il nous importe d’avoir les meilleurs résultats possibles. Ensuite, nous verrons quelles coalitions peuvent être menées. Nous pouvons envisager de travailler avec tous les partis qui sont actuellement au Conseil communal, sauf l’ADR », botte-t-il en touche.

François Benoy, toujours souriant

des Verts avec 7 053 voix, François Benoy prendra la tête de l’opposition quand Sam Tanson, qui le devançait, devient ministre. Parallèlement, il siège à la Chambre des députés depuis 2018. Avec 9 830 voix, il est arrivé en troisième position sur la liste des Verts au Centre, loin derrière les ténors que sont François Bausch (19 889 voix) et Sam Tanson (17 290 voix). Pendant ces années, il jongle parfaitement avec l’idée de représenter la majorité au Marché-aux-herbes et l’opposition au Knuedler. D’un côté, c’est un député actif qui ne veut pas seulement jouer la chambre d’enregistrement. « J’ai pu contribuer à faire bouger les choses comme je l’avais prévu, par exemple en tant que président de la commission parlementaire de l’environnement ou comme rapporteur du budget. » D’un autre, il joue la partition de l’opposition avec la même ferveur. Il pose un grand nombre de questions au Collège échevinal, non seulement sur ses sujets de prédilection, l’urbanisme (risque d’inondations, aménagement des espaces publics, transformation de certains bâtiments, habitat participatif, arbres dans l’espace public) ou la mobilité (déneigement, parkings, zones 30, plans de bus, pistes cyclables, carsharing), mais aussi sur des aspects liés à la vie en société (feux d’artifice, fête des voisins, vidéosurveillance, toilettes publiques, marchés, lieu de célébration des mariages). Aujourd’hui en campagne, il fustige « le manque de courage politique pour faire avancer les dossiers urgents ». Les prochaines élections communales sont bien la ligne de mire de celui qui s’est positionné comme

Quand il détaille les axes prioritaires de la politique qu’il entend mener, « ambition » et « courage politique » sont les termes qui reviennent. François Benoy considère que « les gens sont prêts, ils veulent une politique climatique plus ambitieuse, ils veulent participer à la transition écologique, ils attendent plus de pistes cyclables, plus de qualité de vie dans leurs quartiers ». Il n’oublie pas que cela entraînera des changements d’habitudes, notamment de l’usage de la voiture et cite plusieurs exemple européens « courageux » : Elke van den Brandt qui, en tant que ministre de la Mobilité à Bruxelles, a aidé le vélo à percer et a « changé le visage de la ville », ou la maire de Strasbourg, Jeanne Bargeshian, qui y a porté la participation citoyenne à un niveau supérieur et fait avancer la végétalisation de sa ville. Tout en considérant que les citoyens (sous-entendus luxembourgeois) sont prêts pour un changement, François Benoy n’entend pas faire l’impasse sur le vote des étrangers « qui peuvent être un game-changer ». Tous les dépliants et les informations de campagne sont publiés en quatre langues, « ce que personne n’avait jamais fait ». Priorité est donnée pendant les prochaines semaines à cette mobilisation dans les quartiers, « à la rencontre des gens » et sur les réseaux sociaux, en liant les messages politiques à l’inscription.

« Candidat Bourgmestre, ce n’est pas seulement un choix de mot, c’est l’aboutissement de mon parcours et la preuve de mon ambition » François Benoy

« candidat bourgmestre ». Une stratégie mûrement réfléchie et discutée depuis l’été 2021 où il s’est déclaré au sein du parti qui l’a soutenu. Une terminologie qui ne doit rien au hasard. « Ce n’est pas seulement un choix de mot, c’est l’aboutissement de mon parcours, de mon engagement et la preuve de mon ambition. Déi Gréng sont l’alternative à une coalition qui n’est pas à la hauteur. C’est pourquoi nous visons le poste le plus élevé. » Dès juillet, les écologistes de la capi-

tale ont lancé leur campagne et leur slogan « Frësche Wand fir ons Stad ». À la braderie, en septembre, ils ont symboliquement distribué des moulins à vent en carton. Depuis, ils énoncent les sujets prioritaires à travers des conférences dans les quartiers, des dépliants et diverses interventions dans la presse : vie dans les quartiers, mobilité, durabilité, logement et jeunesse. La campagne s’attèle à la fois à lancer des critiques contre « l’immobilisme et le laisser faire » de l’actuelle majorité et à faire valoir « des propositions claires et concrètes ». La semaine dernière, la présentation de la liste a été l’occasion de marteler à nouveau ce crédo « Nous sommes prêts à assumer la responsabilité à la tête de notre commune ». Aux côtés de François Benoy, et de Claudie Reyland qui complète le duo de tête, les 25 candidates et candidats doivent représenter ce « vent nouveau ». Une bonne moitié se présente pour la première fois à des élections communales. Si la liste est bien paritaire, avec treize femmes et quatorze hommes, relativement multiculturelle, avec sept nationalités différentes, les profils sociaux restent très middle class (on dira volontiers « bobo »). Les courtes notices biographiques laissent voir des médecins, juristes, architectes, fonctionnaires (nationaux et européens) ou cadres du secteur financier. « Il y a aussi des personnes qui viennent du monde associatif et qui sont engagées socialement », tempère le candidat. « On entend que d’autres partis vont faire appel à des candidats classiques, les mêmes anciennes figures. Ce n’est pas ce que nous faisons. »

Il espère une campagne sereine, sans coups bas et sans attaques personnelles. Il veut s’y montrer exemplaire. À tout juste 38 ans, François Benoy est un écologiste modèle : il se déplace à vélo et il est végétarien depuis de nombreuses années. « Ce n’est pas une posture pour les réseaux sociaux ou les affiches de campagne, c’était son mode de vie quotidien dès avant de faire de la politique », notent plusieurs de ses proches. Tout le monde le dit souriant, entier, volontiers jovial et n’hésitant pas à faire la fête. « J’aurais bien du mal à dire quelque chose de négatif sur lui », avance sa collègue de parti Sam Tanson avec laquelle il pourrait faire tandem en tête de liste pour la circonscription Centre aux législatives d’octobre (« Si le parti me le demande, je serai prêt à assumer cette responsabilité », avance-t-il prudemment). Elle le décrit comme « travailleur, organisé et qui se donne à fond. Un vrai scout, en somme ». La page Facebook de François Benoy est le reflet de son activité politique : à la Chambre de députés, lors des sorties officielles du Conseil communal ou du parti Déi Gréng. Sur Instagram, il poste des messages un peu plus personnels, faisant l’article pour son vélo-cargo, souriant face à une vache lors de la Foire agricole ou amenant ses deux enfants à l’école lors de la rentrée des classes. En tant que père, il tient à « prendre ses responsabilités à la maison et partager les tâches ». Il s’organise pour être chez lui les vendredis à l’heure où ses enfants quittent l’école, ainsi que les soirs et les week-ends : « C’est très important pour moi que ma femme puisse continuer à avoir un poste de responsable (elle est directrice du Scap qui vient en aide aux enfant ayant des troubles de l’attention (ndlr). » Même si la campagne va certainement bouleverser ce rythme, François Benoy se fixe des règles pour faciliter son engagement : Les vendredis à la maison, aller courir le midi et chez le coiffeur toutes les six semaines.

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Land 10.02.2023

P O L I T I K

Die Kuhflüsterin Stéphanie Majerus

Die Tierärztin Marie-France Weisgerber ist nahezu im Dauereinsatz für kranke Tiere. Das Land hat sie einen Tag lang begleitet Die Tierärztin drückt mir eine Plastikschürze in die Hand – „damit die Kühe deine Hose nicht vollkacken“. In einem Milchkühe-Stall im Zentrum des Landes entnehmen wir 160 Blutproben. Die Kühe sind am Fressgitter fixiert, damit Marie-France Weisgerber ungehindert ihre Nadel beim Schwanzansatz einstechen und das Blut in ein Reagenzglas einlaufen lassen kann. Die gefüllten lauwarmen Behälter übergibt sie mir. Diese werden mit der Nummer der jeweiligen Kuh etikettiert und auf einer Karre einsortiert. Milchkühe sind den Umgang mit Menschen gewohnt, nur die jungen Färsen werden nervös, als sich Marie-France ihnen annähert: Sie schreiten mit den Hinterbeinen von links nach rechts, schlagen jedoch nicht aus. Entnimmt Marie-France Limousins Blutproben, wie es für den darauffolgenden Tag vorgesehen ist, ist die Gefahr grösser, deshalb muss sie sich ihnen im Frontlader in einem Käfig nähern.

„Es kommt vor, dass Landwirte eine Kuh, die leicht beeinträchtigt ist, einschläfern lassen wollen. Da ringe ich mit mir und den Landwirten.“ (Marie-France Weisgerber)

sind schwieriger zu verdauen. „Es kommt vor, dass Landwirte eine Kuh, die leicht beeinträchtigt ist, einschläfern lassen wollen. Und andere rufen zu spät den Veterinär, dann bleibt einem nichts mehr übrig als vorzuschlagen, dass sie erlöst werden muss. Da ringe ich mit mir und den Landwirten.“ Danach rollt der Break wieder Richtung Süden. Unterwegs drückt mir Marie-France einen Bogen in die Hand: „Jedes Jahr werden die Betriebe von mir bezüglich Tierhaltung, Ernährung und Hygiene bewertet. Dieses Bewertungsprinzip ist etwas kurios, da ich als Freischaffende meine Kunden benote und schlechte Benotungen in der Vergangenheit dazu geführt haben, dass Landwirte nicht mehr mit mir zusammenarbeiten wollten“. Eigentlich sei es besser, wenn die Bewertungen nicht vom betreuenden Tierarzt unternommen werden müssten. Auf dem ehemaligen Herrenhof angekommen, sehen wir zwei Kälber, hinter einem eingestreuten Korral umherhüpfen. An deren Rücken ist eine Decke befestigt. Sie haben eine Grippe. Marie-France steht unter Zugzwang und vergibt ein Antibiotikum. Um das adäquate Antibiotikum festzulegen, kann zuvor ein Antibiogramm erstellt werden, das auf Antibiotika-Resistenzen hinweist; heute bleibt dafür keine Zeit. Antibiotika sind in der Landwirtschaft ein heikles Thema. Die bei den Vereinten Nationen angesiedelte Welternährungsorganisation warnt seit einigen Jahren vor Antibiotikaresistenz-Bakterien, die eine

Pandemie auslösen können. Dazu bei trägt vor allem der Antibiotika-Einsatz in der Massentierhaltung der Schweine- und Geflügelzucht. Nicht selten werden sogenannte Reserveantibiotika verabreicht, die eigentlich nur in Notfällen verwendetet werden sollen. Zudem bereitet das Excenel-Antibiotikum der Tierärzteschaft sorgen, denn es bedarf hierbei – nicht so wie bei anderen Präparaten – kein Aussetzen der Milchabgabe. Dessen Anwendung lässt sich somit leichter verheimlichen. Normalerweise müssen Landwirte in ihrem Medikamentenbuch vermerken, was sie wie lange bei einer bestimmten Kuh anwenden – und Tierärzte in ihrem Abgabeheft, welche Medikamente sie an Landwirte verkaufen. Doch es ist nicht ausgeschlossen, dass Medikamente über Internet angeschafft werden. Selbstmedikation ist keine rezente Entwicklung. Vor zehn Jahren berichtete ein Großtierveterinär bereits dem Land (6.6.2014) von gegoogelten Diagnosen und dem Youtube Selbststudium über Behandlungen. Immer genauer schaue der Zuchtbullen- und Milchkuhbesitzer aufs Geld, während in der breiten Gesellschaft für Katzen und Hunde bereitwillig das Portemonnaie gezückt wird, erzählte der Pferdespezialist. Marie-France beobachtet das Phänomen auch, sie wird über Whatsapp-Nachrichten nach Behandlungstipps gefragt. Vor allem für Bullenkälber rechnet sich eine Visite aus Sicht mancher Landwirte nicht wirklich. Ein Bullenkalb kann derzeit für etwa 70 Euro verkauft werden. Tierarztvisiten kosten jedoch um die 38 Euro, hin-

zu kommt eine separate Medikamenten-Rechnung. Eine Operation, die bis zu 90 Minuten dauern kann, kostet um die 150 Euro. Unterwegs in die Praxis von Marie-France holen wir ihre beiden grauen Esel, Pepe und Titi, von der Wiese und bringen sie für die Nacht in den Stall. In der Praxis empfängt sie einen zotteligen Mischling, der am rechten Hinterfuß eine rosa-orangene Socke trägt und darunter einen Verband. „Er hat sich eine Kralle rausgerissen und ich befestige einen neuen Verband, damit sich die Stelle nicht entzündet“, erläutert die Veterinärin. In einem Regal neben dem Behandlungstisch liegen Broschüren mit Informationen zu Tierbestattungen und -Einäscherungen. Immer mehr Hunde- und Katzenbesitzer greifen auf Bestattungsdienste zurück. „Für manche Bauern ist dies unverständlich, – dass jemand dafür Geld ausgibt.“ Sie selbst hat ihren Hund und eine ihrer Kühe einäschern lassen; sie macht keinen Unterschied zwischen Haus- und Nutztier. Wer sich mit einer Kuh intensiv beschäftige, stelle fest, dass man zu dieser eine ähnliche Beziehung wie zu Hunden aufbauen kann. Nebenan in ihrer Küche serviert mir Marie-France einen Kaffee. Über unsere Köpfe fliegt ein Spatz, der Piou-Piou, mit einem abstehenden Bein; es war gebrochen. Sie hat ihn von einem Hof mitgebracht und gepflegt. „Manchmal liege ich abends im Bett und erinnere mich an alles, was an dem Tag gut lief, an anderen Tagen überlege ich, was ich noch tun könnte für die kranken Kühe, die ich gerade betreue.“

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Am Ende der Blutproben-Abnahme bleibt eine Etikette übrig – der Bauer meint, der entsprechende Stier sei seit Jahren nicht mehr auf dem Hof. Er muss nun in den kommenden Tagen überprüfen, ob er vom Abdecker abgeholt oder verkauft wurde. „Den umgekehrten Fall habe ich auch schon erlebt: Dass sich im Stall eine Kuh befand, für die wir keine Etikette hatten“, erklärt die Tierärztin. Bevor wir den Stall verlassen, waschen wir gründlich die Untersohle der Gummistiefel, - „das ist das A und O bei den Hof- zu Hof-Visiten, um keine Parasiten zu verschleppen.“ Das Ministerium will die infektiöse bovine Rhinotracheitis (kurz IBR) ausrotten und veranlasst deshalb im Winter vor dem Weidegang Tests in Ställen. Es handelt sich dabei um eine Herpesvirus-Erkrankung; eine Infektionskrankheit, die Tiere häufig latent in sich tragen, bei Symptomen aber hohes Fieber, Nasenfluss und Milchrückgang bewirken können. Die Bekämpfung des Virus ist zeitintensiv: Eine Impfung schützt zwar vor Symptomen, verhindert jedoch nicht die Infektion mit dem Feldvirus, sodass Tiere das Virus latent beherbergen und weitergeben können, deshalb werden immer wieder Routinekontrollen durchgeführt. Gegen Mittag sitzen wir wieder im VW-Break, der mit Medikamentenschränken vollgepackt ist, vor der Windschutzscheibe liegt ein Stethoskop, auf der Windschutzscheibe haben ihre beiden Katzen Pfoten-Abdrucke hinterlassen, an ihrem Schlüsselanhänger baumelt ein Stoffhund. „Tierärztin zu werden, war mein Kindheitstraum. Wir besaßen Milch- und Ammenkühe und mein Vater war als Viehhändler unterwegs – die Atmosphäre, die Kühe ausstrahlen, ist einfach besonders“. Sie erzählt von einer unbeschwerten Kindheit in dem kaum besiedelten Ostbelgien. In einer Mutterkuhherde von einem Bauern im Kanton Redingen hält sie heute vier Weißblaue. Sie ist eine von drei Großvieh-Tierärzten, die alleine arbeitet, ohne Team. In ihrem Kopf dreht das Thema eine Runde: „Als Einefraubetrieb kann ich mich selbst organisieren. Aber ich kann keine Schichten an Teamkollegen delegieren.“ Derzeit muss sie etwa zweimal im Monat nachts aufstehen wegen Kaiserschnitten. Vor 25 Jahren betreute sie mehrere Mutterkuhherden mit Charolais- und Blonde d’AquitaineRinder, bei denen häufiger Geburtskomplikationen entstehen. „Damals kam ich wochenweise erst gegen Mitternacht nach Hause.“

Leidet die Kuh an einer Labmagenverlagerung?

Olivier Halmes

Wir kehren in der Nähe von Ettelbrück in einen mittelgroßen Milchviehbetrieb ein. Die Betriebsleiter haben den Verdacht auf eine Labmagenverlagerung. Ein recht häufiger Vorfall bei Hochleistungskühen wie der Holstein-Friesian: Der Labmagen befindet sich beim Rind im Bauchraum unten rechts und kann sich bei Verdauungsstörungen mit Gas füllen und verrutschen. Marie-France stellt eine andere Diagnose, während sie mit der Hand in den Darm der Kuh fährt; es handle sich um eine Verdauungsverstimmung. Dessen Ursache aber sei schwer auszumachen: „Manchmal kann es an Blechdosen liegen, die Autofahrer gedankenlos beim Vorbeifahren an Feldern aus dem Fenster werfen und die später vom Mähdrescher oder Häcksler – anders als Blech – nicht aussortiert werden“, erläutert sie. Aus ihrem Kofferraum packt sie eine Baxter-Infusion aus; eine fünf Liter Kochsalzlösung dehnt die Plastikhülle. Während die Flüssigkeit intravenös verabreicht wird, zupft die sechsjährige Kuh am Heu. Marie-France spritzt der Kuh zusätzlich noch Vitamin B12 für die Verdauung und einen entzündungshemmenden Stoff. „Das sind Momente, die mich freuen“, sagt die Ärztin später in der Kaffeepause. Andere Situationen


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Land 10.02.2023

P O L I T I K

müsse auch strukturell und emotional, nicht nur kognitiv angegangen werden. Die homophobe Grundhaltung verstelle auch den Zugang zu Trans- und Intersex-Themen. Soziale Fortschritte wurden in den vergangenen Jahren vor allem für homosexuelle Männer aus den oberen Gesellschaftsschichten erzielt, die einem homonormativen Lebensstil folgen, der das (klein-)bürgerliche, heteronormative Familienmodell reproduziert. (Lesbische) Frauen sind aufgrund ihres Geschlechts grundsätzlich strukturell benachteiligt. Um auch intersektionale Faktoren wie Behinderung, Alter, Klassen- oder Schichtzugehörigkeit und ethnische Herkunft in Betracht zu ziehen, die im Zusammenspiel mit sexueller Orientierung und Geschlechtsidentität mehrfach diskriminierend wirken können, haben sich Begriffe wie queer und nicht-binär etabliert, die die sexuelle und geschlechtliche Vielfalt und die Zurückweisung von Klassifizierungen, Konventionen und Normen ausdrücken. Das Cigale verfolgt seit der Loslösung von Rosa Lëtzebuerg einen inklusiven, pädagogischen Ansatz, der Intersektionalität stärker berücksichtigt. Die ehemalige Cigale-Mitarbeiterin und Soziologin Enrica Pianaro hat 2020 gemeinsam mit den Philosophinnen Sandy Artuso und Josée Thill das Laboratoire d’études queer, sur le genre et les féminismes (LEQGF) gegründet, das zu queerfeministischen Themen forscht. Dieser Ansatz stößt aber innerhalb der Community nicht nur auf Zustimmung.

Olivier Halmes

Rosa-LëtzebuergPräsident Tom Hecker (r.), Sprecher Andy Maar und Project Manager Kusaï Kedri (l.) vor dem Lokal, das ab März das neue Rainbow-Center beherbergen wird

„Sou queer sinn, wéi mir wëllen“ Luc Laboulle

Mit dem Rainbow Center will Rosa Lëtzebuerg einen sicheren Ort und eine Vitrine für die LGBTQI+Community in Luxemburg schaffen. Trotz einiger Meinungsverschiedenheiten herrscht Einigkeit darüber, dass sich die Situation von queeren Menschen in den vergangenen Jahren nicht verbessert hat

Queer Space Das kleine Geschäftslokal in der rue du Saint Esprit in unmittelbarer Nachbarschaft zum Gudde Wëllen steht noch leer. Anfang der Achtziger Jahre beherbergte es eine Milk-Bar, danach einen Plattenladen, zuletzt einen Escape-Room. Vor einer Woche hat Rosa Lëtzebuerg die Räume übernommen. Im März will die Vereinigung hier ihr Rainbow-Center eröffnen. In den nächsten Jahren soll daraus die Anlaufstelle der LGBTQI+-Community in Luxemburg werden, eine Kultur- und Bildungsstätte mit Regenbogen- oder Progress-Pride-Fahnen im Schaufenster. Für 2023 hat Familienministerin Corinne Cahen (DP) über eine Konvention 294 000 Euro für die Anmietung der Räume und den Betrieb des Rainbow-Centers zur Verfügung gestellt, zwei Vollzeitstellen können damit finanziert werden. Neben einem Büro soll es in einer ersten Phase vor allem ein Ort werden für Gruppen, die Treffen, Lesungen, Vorführungen und Ausstellungen organisieren wollen, und eine Beratungsstelle für Angehörige der Community sein, die nach Informationen und Ratschlägen suchen, erklärt Andy Maar, Vorstandsmitglied und Sprecher von Rosa Lëtzebuerg, im Gespräch mit dem Land.

Eine Konkurrenz zum von der breiten Öffentlichkeit abgeschirmten Centre des communautés lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexes, queer+ (Cigale) soll das Rainbow-Center nicht werden, betont Maar. Eher soll es dessen therapeutisches und sozialaktivistisches Angebot mit kulturellen und geselligen Veranstaltungen ergänzen. Bedarf dafür besteht allemal, gibt es in Luxemburg, im Gegensatz zu anderen Großstädten und Ländern, seit einigen Jahren kaum noch queer spaces oder queere Bars, wo die Community ungestört „unter sich“ sein kann. Seit das 2003 von Rosa Lëtzebuerg als Centre d’information gay et lesbien gegründete Cigale nach internen Meinungsverschiedenheiten und einem Richtungsstreit 2018 unabhängig geworden war und stärker in den Bereichen Sensibilisierung und Forschung aktiv wurde, verfügte Rosa Lëtzebuerg nicht mehr über eigene Räumlichkeiten und auch nicht mehr über eine staatliche Konvention. Das Cigale war erst vergangenes Jahr in ein neues Gebäude in der Oberstadt umgezogen und wird dieses Jahr mit 470 000 Euro vom Familienministerium unterstützt. Beide Einrichtungen werden künftig nur wenige hundert Meter voneinander entfernt angesiedelt sein. Image-Pflege Das Rainbow-Center ermöglicht es nun auch Rosa

Lëtzebuerg, wieder öffentlich präsent zu sein. Mit dem neuen Zentrum will die Vereinigung Image-Pflege betreiben. In den vergangenen Jahren haftete ihr innerhalb der Community der Ruf an, zu homonormativ ausgerichtet zu sein, sodass viele Menschen, die sich als trans-, genderqueer und/oder nicht-binär definieren, sich mit Rosa Lëtzebuerg nicht mehr identifizieren konnten. Die gleichen Vorwürfe wurden auch gegenüber der Luxembourg Pride (ehemaliges Gaymat) geäußert, deren Organisation zu den Hauptaufgaben von Rosa Lëtzebuerg zählt. Das Künstlerkollektiv Richtung 22 und andere Repräsentanten der Queer-Community haben wiederholt bemängelt, der Equality March sei zu einer Pinkwashing-Veranstaltung für politische Parteien und Unternehmen des Banken-

und Finanzplatzes geworden. Rosa Lëtzebuerg sehe sich selbst als Dachverband, werde von vielen queeren Menschen aber nicht als solchen anerkannt, heißt es aus LGBTQI+-Kreisen. Rosa Lëtzebuerg gibt sich deshalb nun Mühe, Queerness in den Mittelpunkt ihrer Kommunikation zu stellen und alle Interessen von LGBTQI+-Menschen angemessen und „inklusiv“ zu vertreten. Man lege den Fokus auf Selbstbestimmung, unterstreicht Andy Maar. Zur Imagepflege gehört auch, dass die Vereinigung mit der langjährigen Leiterin der Jugendsendung Graffiti bei Radio Ara und Linke-Lokalpolitikerin, Sandra Laborier, eine heterosexuelle Cis-Frau zur Direktionsbeauftragten ihres Kulturzentrums ernannt hat, die sich selbst als „queerfeministisch“ bezeichnet. Im Hinblick auf die Selbstbestimmung sei diese Entscheidung vielleicht nicht ganz kohärent, doch Sandra Laborier sei eine „starke Alliierte“, die wegen ihrer Erfahrung für die Leitung des kulturellen Zentrums genau die richtige Person sei, sagt Maar. Innerhalb der Community genießt sie hohe Anerkennung, nicht zuletzt durch ihr Engagemnent bei Radio Ara, wo sie den kürzlich von RTL mit einem Award ausgezeichneten Podcast „Méi wéi Sex“ mit ins Leben rief. 1979, zehn Jahre nach Stonewall, entstand in Luxemburg die erste homosexuelle Arbeitsgruppe innerhalb des Collectif Spackelter, das von einigen Jugendlichen nach der Schließung des Hesper Jugendhauses gegründet wurde. 1981 schlossen Jacques Drescher, Marc Grond und Fernand Wolter sich zum Initiativgrupp Homosexualitéit Lëtzebuerg (IGHL) zusammen. 1982 bildete sich innerhalb des sozialrevolutionären Mouvement de la libération de la Femme (MLF) die Initiative Info-Lesbiennes, die eine Anlaufstelle für lesbische Frauen schuf. Während Schwule und Lesben gleichermaßen unter dem Patriarchat und der strengen Sexualmoral der katholischen Kirche litten und Homosexualität im öffentlichen Raum tabu war, existierten für Männer zumindest einige Bars, in denen sie sich treffen konnten. Für Frauen gab es das nicht. Une aberration franche Schon im Mai 1981 hatte der damalige

Justizminister Robert Krieps (LSAP) einen Gesetzentwurf zur Streichung des 1971 im Jugendschutzgesetz eingeführten und im Strafrecht eingeschriebenen Artikels 372 bis hinterlegt. Dieser Artikel stellte unter dem Vorwand der Jugendgefährdung „homosexuelle Handlungen“ unter Strafe, indem er für heterosexuelle Beziehungen die straffreie Grenze bei 14 Jahren ansiedelte, für gleichgeschlechtliche Beziehungen jedoch bei 18 Jahren. Lange Zeit strebte sich die CSV gegen die Abschaffung von Artikel 372 bis und der Staatsrat berief sich in seinem Gutachten auf den Collège médical, der 1984 philosophierte: „les pratiques homosexuelles sont loin d’être une simple variante normale de la sexualité. Elles en constituent de toute évidence une aberration franche, anormale d’un point de vue physiologique aussi bien que du point de vue médical,“ Erst 1992 wurde das Gesetz vom Parlament verabschiedet und das gesetzliche Mindestalter für sexuelle Beziehungen auf 16 Jahre festgesetzt.

Damit war eine langjährige Forderung der Homosexuellengruppen umgesetzt, Auf dem steinigen Weg zur öffentlichen Akzeptanz war es aber nur ein erster Schritt. Im „Königreich des falschen Scheins“ würden Homosexuelle von der breiten Öffentlichkeit solange akzeptiert, wie sie sich nicht öffentlich zu ihrer sexuellen Identität bekennen, zitierte das Land 1996 den Geschäftsführer eines Szenelokals. Und ein gewisser Etienne Schneider ergänzte, in Luxemburg sähen sich die meisten Homosexuellen gezwungen, ein Doppelleben zu führen, sich „Burgen der Anonymität“ aufzubauen. Damals war der spätere LSAP-Wirtschafts- und Vizepremierminister Se-

Mit dem neuen Zentrum will die Vereinigung Image-Pflege betreiben. In den vergangenen Jahren haftete ihr der Ruf an, zu homonormativ ausgerichtet zu sein, sodass viele Menschen, die sich als trans-, genderqueer und/oder nicht-binär definieren, sich mit Rosa Lëtzebuerg nicht mehr identifizieren konnten

kretär von Rosa Lëtzebuerg, die sich vor 27 Jahren gegründet hat, um die zivilen Rechte von Homo- und Heterosexuellen gleichermaßen zu verteidigen. Nachdem frühere Initiativen wie IGHL an internen Querelen und dem „allgemeinen Desinteresse“ an gesellschaftspolitischem Engagement gescheitert waren, sollte Rosa Lëtzebuerg der Homosexuellenbewegung eine neue Dynamik verleihen. Tatsächlich hat sich in den vergangenen 20 Jahren in Luxemburg auf rechtlicher Ebene vieles verbessert: 2004 wurde unter CSV-Justizminister Luc Frieden die gleichgeschlechtliche Partnerschaft vom Parlament angenommen, 2006 die EU-Direktive zur Gleichbehandlung am Arbeitsplatz umgesetzt; DP, LSAP und Grüne führten 2015 die gleichgeschlechtliche Ehe ein, im Rahmen der Approbation der Istanbul-Konvention wurde Geschlechtsidentität als Diskriminierungsmerkmal im Strafrecht verankert und die Prozedur zur Änderung des Namens und des Geschlechts im Personenstandsregister vereinfacht. Hetero-Patriarchat In den vergangenen drei Jahren ist aber eine

Stagnation zu beobachten. Das spiegelt sich auch im Rainbow Index des Dachverbands der Lesben-, Schwulen-, Bisexuellen-, Transund Intersexorganisationen (ILGA) wider, zu dem Rosa Lëtzebuerg die Daten aus Luxemburg beiträgt. Im Europäischen Ranking war Luxemburg 2020 vom Mittelfeld auf Platz zwei vorgerückt, ist inzwischen aber wieder auf Platz fünf zurückgefallen. „Wou dierfe mir sou queer sinn, wéi mir wëllen?“, fragte Richtung 22 im Juli in einem Podcast und lieferte die ernüchternde Antwort gleich mit: Nie und nirgends, „weil wir dem HeteroPatriarchat nie entkommen können; weil es nicht nur draußen ist, sondern auch in uns; weil wir uns nicht trauen, weil es uns überall schon passiert ist, dass wir nicht durften“. Auch der Präsident der vor zehn Jahren gegründeten Vereinigung Intersex and Transgender Luxembourg (ITGL), Erik Schneider, stellt heute eine Verschlechterung der Situation von LGBTQI+-Menschen in Luxemburg fest. Seiner persönlichen Einschätzung nach nehme Homophobie in der Gesellschaft wieder zu, was sich insbesondere an den Schulen beobachten lasse, sagt Schneider dem Land. Aufklärung und Sensibilisierung seien zwar wichtig, doch Homophobie

Querelen ITGL etwa bezeichnet ihre eigene Ausrichtung explizit als transbinär und verweist darauf, dass Trans- und Intersex-Personen andere und tiefgreifendere Bedürfnisse haben als etwa Schwule und Lesben. ITGL -Präsident Erik Schneider zufolge würden sowohl Cigale als auch Rosa Lëtzebuerg im Bereich der Geschlechtsidentität nur an der Oberfläche kratzen, weil sie sich politisch nicht aktiv für die Bedürfnisse dieser Menschen einsetzten. Dabei müssten Transpersonen noch immer zum Psychiater, um eine adäquate medizinische Versorgung in Anspruch nehmen zu können, das CHL sei noch immer renitent bei der Verschreibung von Pubertätsblockern für Jugendliche, bedauert Erik Schneider. Aus dem Cigale kommt hingegen der Vorwurf, ITGL beanspruche einen exklusiven Anspruch auf die Verteidigung von Trans-Rechten.

Die internen Querelen innerhalb der LGBTIQ+-Community bestehen auch 27 Jahre nach der Gründung von Rosa Lëtzebuerg weiter fort. Jede der drei Hauptorganisationen verfolgt eigene Ansätze, Ziele und Interessen, und hat Angst, gegenüber der anderen an Bedeutung zu verlieren. Schließlich stehen sie auch bei der Verteilung von öffentlichen Geldern zueinander in Konkurrenz. Während Cigale und Rosa Lëtzebuerg nun beide unterstützt werden, lehnt ITGL eine Konvention mit dem Familienministerium bislang ab, weil sie an Bedingungen geknüpft sei, die man wegen fehlender Ressourcen nicht erfüllen könne, sagt Erik Schneider. Trotzdem will die Vereinigung Ende Mai ein „Zentrum“ eröffnen, allerdings nicht in eigenen Räumen, sondern in denen von alliierten Organisationen aus dem sozialen Bereich. Auch die Stadt Esch/Alzette will in ihrer neuen Maison de la diversité auf dem Brillplatz ab 2024 Räume für LGBTQI+-Vereinigungen zur Verfügung stellen. Die Vereinbarung mit Rosa Lëtzebuerg, die seit 2010 die Pride in Esch organisiert, stehe kurz vor dem Abschluss. Mit anderen Organisationen sei man noch am Verhandeln, bestätigt der für Chancengleichheit zuständige Schöffe Pim Knaff (DP). Reformstau Die neue Direktionsbeauftragte des Rainbow-Centers,

Sandra Laborier, hat sich zum Ziel gesetzt, die „kleine Community“ wieder näher zusammenzuführen, wie sie gegenüber dem Land erklärt. Einfach wird diese Aufgabe sicherlich nicht. Weitgehende Einigkeit innerhalb der Community herrscht aber in der Annahme, dass der Reformwille der blau-rot-grünen Koalition ins Stocken geraten ist. Andy Maar bemängelt, dass in den vergangenen drei Jahren keine Gesetze mehr verabschiedet wurden. Das Abstammungsgesetz, das die Leihmutterschaft regeln und den Kinderwunsch insbesondere von homosexuellen Männern vereinfachen soll, ist zwar seit zehn Jahren in der Abgeordnetenkammer hinterlegt, doch seine Umsetzung lässt auf sich warten. Einerseits habe der Staatsrat den Gesetzentwurf formell abgelehnt, andererseits stelle sich die Frage nach einer Bioethikregelung, an der noch interministeriell gearbeitet werde, ließ die grüne Justizministerin Sam Tanson auf Land-Nachrage mitteilen. Für das seit Jahren von ITGL geforderte Verbot von Genitalverstümmelungen bei IntersexKindern hat das Gesundheitsministerium noch nicht einmal einen Gesetzentwurf vorgelegt. Gleiches gilt für einen dritten Eintrag in das Personenstandsregister: Eine solche Einführung habe weitreichende Auswirkungen auf das nationale Recht und erfordere koordinierte Gesetzesänderungen, heißt es aus dem Justizministerium. Eine interministerielle Arbeitsgruppe nehme die verschiedenen Aspekte einer möglichen Änderung des binären Geschlechtermodells im Personenstand unter die Lupe, einen Gesetzvorentwurf will Sam Tanson bereits in den nächsten Monaten vorlegen. Gleichstellungs- und Innenministerin Taine Bofferding (LSAP) hat gegenüber dem Land in Aussicht gestellt, dass künftig die Kategorie „Sex“ vom Personalausweis gestrichen werden könnte, wie es in Deutschland der Fall ist. Für den Reisepass könne diese Regelung jedoch nicht gelten. Rosa Lëtzebuerg bemängelt auch, dass Familienministerin Corinne Cahen (DP) ihre Forderung nach einem Verbot von Konversionspraktiken nicht für berechtigt hält, da es sie in Luxemburg bislang nicht gäbe.

Es hat wohl „historische“ Gründe, dass das Familienministerium und nicht das (noch immer binär ausgerichtete) Gleichstellungsministerium für den Bereich LGBTQI+ in der Regierung zuständig ist. 2013 hat die LSAP sich offenbar dagegen gestrebt, ihn ins Chancengleichheitsministerium aufzunehmen, 2018 hat man diese Aufteilung beibehalten, weil Corinne Cahen den „Nationalen Aktionsplan zur Förderung der Rechte von LGBTI-Personen“ umsetzen wollte, den sie vor den letzten Wahlen vorgestellt hatte. Im Juni 2022 sagte Cahen im Interview mit der Woxx, sie führe mit der Uni Luxemburg eine erste Bestandsaufnahme durch, um zu erörtern, welche der 93 Forderungen aus dem Aktionsplan umgesetzt wurden und wo noch Handlungsbedarf bestehe. Gleichzeitig wolle sie neue Ziele und Prioritäten definieren. Die Ergebnisse der Bestandsaufnahme sollten im Frühjahr 2023 vorliegen. Die Frage, ob sie diesen Termin tatsächlich einhalten könne, konnte Corinne Cahen dem Land in dieser Woche nicht beantworten.

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Land 10.02.2023

F I N A N Z E N

Vent glacial sur la réassurance Georges Canto

Avec la guerre en Ukraine, l’inflation et les événements climatiques, 2022 est la pire année connue par le marché de la réassurance depuis 1999. Ils vont le faire payer aux assureurs qui répercuteront sur les assurés Ils se tiennent chaque année à Monte-Carlo depuis 1957. Mais les Rendez-Vous de Septembre (RVS) n’ont rien d’un festival culturel ou de cinéma. C’est l’occasion pour les professionnels de l’assurance venus du monde entier de rencontrer leurs homologues du secteur de la réassurance quelques mois avant les renouvellements de contrats qui ont lieu principalement en janvier (à hauteur des deux tiers). La dernière édition des RVS, qui s’est tenue du 10 au 14 septembre 2022, a réuni quelque 3 000 participants de 80 pays, heureux de se retrouver en présentiel après les annulations de 2020 et de 2021 pour cause de crise sanitaire. Pour autant, malgré le caractère convivial de la manifestation, jamais les négociations n’ont été aussi serrées que lors de ce premier (et plus important) round avant la conclusion des accords de réassurance, qui permettent aux assureurs de sortir de leur bilan une partie de leurs risques, moyennant une rétrocession de commissions, et de réduire d’autant leurs besoins en fonds propres, une exigence cruciale dans le cadre de la directive Solvabilité II.

Cinquante milliards ont servi à indemniser les destructions dues aux inondations et tempêtes. En Europe par exemple, les tempêtes hivernales en février ont coûté quelque quatre milliards de dollars. Selon Swiss Re, le coût des catastrophes climatiques a augmenté de cinq à sept pour cent par an depuis dix ans et cela ne va pas s’arran-

Un accident hors normes Malgré son poids économique et social, la réassurance reste une activité peu connue. En France le grand public a découvert son existence le 18 mars 1976. À deux heures du matin, près de Bar-le-Duc dans la Meuse, à une centaine de kilomètres du Luxembourg, une voiture ancienne et mal entretenue s’immobilise sur un passage à niveau alors qu’arrive à 130 km/h un train de marchandises chargé de fûts de bière d’Alsace. Sous le choc le train déraille : la locomotive et les wagons arrachent un pont et plongent dans le canal de la Marne au Rhin qui longe la voie ferrée, dans le fracas qu’on imagine. Miraculeusement l’accident ne fait aucune victime, les passagers de la voiture en étant sortis et les conducteurs du train ayant été éjectés sans blessure importante. Vu l’heure et le lieu excentré, il n’y avait personne dans les parages. Mais les dégâts matériels sont énormes : le train et son chargement sont en grande partie détruits. Les infrastructures ferroviaires et le canal sont très abimés et hors d’usage pendant plusieurs semaines. Ils seront évalués à trois milliards de francs de l’époque, soit 2,3 milliards d’euros d’aujourd’hui sur la base du pouvoir d’achat ! Dès l’annonce de l’accident et voyant les dommages causés, les clients de la compagnie d’assurance, une mutuelle d’enseignants, pressentent sa faillite imminente ou du moins une augmentation exorbitante de ses tarifs. Mais le soir même son président, dans le cadre de ce que l’on appelait pas encore la « communication de crise », vient à la télévision apaiser leurs craintes en révélant que la compagnie, pour un sinistre de cette ampleur, est réassurée auprès de compagnies spécialisées. gc

Les dégâts de la tornade de Pétange en août 2019

ger, car le changement climatique est responsable de la fréquence croissante de phénomènes extrêmes qui touchent de plus en plus des zones urbanisées où se concentrent les richesses. Par ailleurs, il faut désormais tenir compte de l’inflation. Le montant indemnisé sur les onze premiers mois de 2002 au titre des catastrophes naturelles ne représente pourtant que 43 pour cent des dégâts effectifs. Il existe donc pour les assureurs une marge de progression et la demande de protection augmente d’autant plus que de nombreux autres risques qui prennent une ampleur insoupçonnée sont mal assurés. C’est le cas du risque géopolitique et de tout ce qui est lié à la cybersécurité. En 2022 une entreprise sur deux a été victime d’une cyberattaque ! Mais avant de satisfaire les demandes de leurs clients, les assureurs ont besoin de savoir s’ils pourront eux-mêmes « se refinancer » comme on dirait dans la banque, auprès des grandes compagnies de réassurance qui, en pratique, leur rachètent une partie de leurs contrats. C’est cela qui devient de plus en plus difficile, car les réassureurs sont eux-mêmes fragilisés. Si l’on considère les seuls risques liés au changement climatique, ils sont affectés de deux manières. Ils doivent indemniser des dommages physiques directs de plus en plus fréquents et coûteux (destruction de biens) mais aussi des dommages indirects - comme la perturbation de chaînes logistiques - plus difficiles à intégrer dans les outils de gestion des risques. Par ailleurs ils sont concernés en tant qu’investisseurs institutionnels s’ils détiennent des actifs financiers ou immobiliers dont la valeur peut être affectée par le changement climatique lui-même ou par le processus d’ajustement vers une économie décarbonée. Au total, en considérant les autres risques qu’il a fallu indemniser, notamment ceux liés à la guerre en Ukraine et à la crise sanitaire persistante, l’année 2022 aura été la pire qu’ait connu le marché de la réassurance depuis 1999. La société française SCOR, quatrième réassureur en Europe, a essuyé une perte historique de 509 millions d’euros sur les neuf premiers mois de 2022, contre un bénéfice de 456 millions l’année précédente. Dans ces conditions ils sont amenés à réduire leurs « rachats de contrats » et/ou à accroître fortement leurs tarifs, mais aussi à augmenter les franchises en raison de sinistres de plus en plus fréquents. Ainsi, SCOR a révélé le 7 février avoir diminué volontairement de douze pour cent le volume de contrats encaissés au 1er janvier, contre une hausse de dix pour cent en 2022, pour réduire son exposition aux grands risques, celui de catastrophes naturelles mais aussi de responsabilité civile et de dommages automobiles, dans ce

Sven Becker

En effet depuis plusieurs années, les réassureurs, supposés prendre en charge les risques les plus importants, ont durci leur position pour cause de conjoncture défavorable : la forte augmentation des risques liés aux tensions géopolitiques, à la technologie et au changement climatique. En 2022, les seules catastrophes climatiques ont coûté 115 milliards en indemnisations, de janvier à novembre, selon une estimation de Swiss Re. C’est la deuxième année consécutive où ce montant dépasse les cent milliards, alors que la moyenne sur la décennie précédente était de 81 milliards. La moitié des sommes concernent les seuls dégâts de l’ouragan Ian qui a ravagé les États-Unis et les Caraïbes en septembre, le plus coûteux depuis l’ouragan Katrina en 2005. Le problème est que ce genre de calamité est de plus en fréquent, puisqu’on en a recensé sept, d’intensité variable, en six ans.

De grandes entreprises ayant du mal à assurer leurs risques créent leur propre compagnie d’assurances au Luxembourg

dernier cas à cause du rebond de l’inflation qui renchérit les indemnisations. La hausse moyenne des tarifs est de neuf pour cent, mais très nettement supérieure dans le cas de la couverture des « cat nat » en Amérique du Nord et en Europe. Par un simple jeu de dominos, les assureurs seront contraints de répercuter ces mesures sur leur clientèle finale de particuliers et d’entreprises. Cette situation conduit à deux évolutions déjà bien marquées. La première est l’accélération des rapprochements organiques entre assureurs et réassureurs, en pratique la prise de contrôle de ces derniers par des compagnies d’assurance. Il s’agit en quelque sorte pour certains assureurs de devenir leurs propres réassureurs, un mouvement qui relève, selon l’Institut Choiseul, un think tank indépendant, de l’« évidence industrielle », face à l’émergence de nouveaux risques systémiques. Le phénomène est bien amorcé aux États-Unis depuis que, en janvier 2018, le géant AIG a annoncé l’acquisition du réassureur Validus pour 5,56 milliards de dollars. En Europe, il est moins visible car le Vieux Continent abrite les plus gros acteurs de la réassurance, notamment les deux premiers Münich Re et Swiss Re, environ 75,5 milliards d’euros de capitalisation cumulée, un morceau difficile à avaler. Mais des opérations significatives ont eu lieu récemment comme le rachat de PartnerRe, un réassureur bermudien, douzième mondial, par le groupe mutualiste français Covéa en juillet 2022 pour 7,9 milliards d’euros, soit un peu moins d’un an du chiffre d’affaires de la cible. Covea avait tenté sans succès en 2018 de mettre la main sur le leader français de la réassurance SCOR, deux fois plus gros que PartnerRe. Pour la direction de Covea, il s’agit de « renforcer sa position sur l’ensemble de la chaîne de valeur des métiers de gestion et de maîtrise des risques ». Depuis une dizaine d’années, elle était convaincue que la seule façon de faire grandir l’entreprise passait par la réassurance.

La seconde évolution est déjà entamée depuis plusieurs années et profite beaucoup au Luxembourg. De grandes entreprises ayant du mal à assurer leurs risques ou pour des montants trop élevés préfèrent créer leur propre compagnie d’assurances, qui va elle-même se réassurer. C’est pourquoi on parle principalement de « captive de réassurance ». L’administration de cette filiale est déléguée à un « captive manager », comme AON ou Marsh au Luxembourg, qui va mettre à disposition l’ensemble des outils nécessaires à son fonctionnement, qu’il s’agisse des aspects administratifs et comptables ou liés aux questions techniques d’assurance. Pour des raisons autant administratives que fiscales, le Luxembourg héberge près de 200 de ces captives (194 précisément sur le site du Commissariat aux assurances). Elles sont principalement françaises et allemandes et dépendent d’entreprises aussi variées que Casino, Danone, Engie, Kering, Vinci, EssilorLuxottica ou encore Mercedes, Henkel, Würth ou la Deutsche Post, sans oublier la belge Solvay, l’espagnole Iberdrola ou la suisse Swatch. En France, les autorités ont fini par réagir, avec l’espoir que les futures captives se créeront dans le pays et que celles qui sont domiciliées en Irlande ou au Luxembourg reviendront au bercail. L’organisme de tutelle avait attendu près de vingt ans pour délivrer un nouvel agrément après ceux obtenus par Veolia, Dassault Aviation, L’Oréal et Ariane Espace. Il a bénéficié début 2020 au groupe Worldline, leader européen des services de paiement. Bonduelle et SEB (en 2021) puis Publicis et Lactalis (en 2022) ont obtenu un agrément mais il fallait aller plus loin que cette dizaine de cas. Le 29 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a validé un nouveau dispositif fiscal visant à favoriser la création de captives de réassurance « à la française ». L’apparition prochaine d’une quarantaine de sociétés est attendue, créant un nouvel écosystème, car plusieurs millions d’euros de primes sont en jeu, surtout si les entreprises en profitent pour loger dans leurs captives, en plus de l’assurance-dommages, la prévoyance ou l’épargne-retraite de leurs salariés. Mais en raison des risques présentés par la création de captives, ces dernières ont surtout vocation à couvrir des risques d’entreprises simples inférieurs à dix millions d’euros. L’entreprise qui les crée doit réaliser au moins cent millions de chiffre d’affaires et être bénéficiaire. Il en faudrait davantage pour menacer le business des assureurs. Quant à celui des réassureurs, malgré les difficultés actuelles, il semble promis à un bel avenir, car lors des RVS de Monte-Carlo en septembre 2022, Swiss Re a révélé que les seules primes pour la réassurance des dommages devraient atteindre 4 300 milliards de dollars en 2040, contre 1 800 milliards aujourd’hui.

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Médaille en chocolat Selon une publication parue sur le compte Twitter du Premier ministre (photo), Xavier Bettel (DP) a remis vendredi dernier la médaille de commandeur de l’ordre de la Couronne de chêne à Giovanni Ferrero. Le chef du gouvernement s’est lui-même rendu au siège de la firme, à côté de l’aéroport, pour remettre la distinction au milliardaire de la noisette et du chocolat. Le géant mondial de la confiserie, présent au Grand-Duché depuis une cinquantaine d’années, y emploie aujourd’hui 1 400 personnes. Avec une fortune estimée par Forbes à 35,4 milliards de dollars, Giovanni Ferrero, 58 ans, serait l’Italien le plus riche. Selon le magazine américain, il serait résident en Belgique, avec son épouse (ancienne fonctionnaire de la

Commission) et leurs deux enfants. Le patron du Nutella et des Tic-Tac aurait néanmoins de l’immobilier au Luxembourg et y séjournerait régulièrement, selon différents témoignages de collaborateurs du groupe. En janvier, Giovanni Ferrero a été le sujet d’une série d’articles de presse quand son family office, Schenkenberg (société basée à Senningerberg) a encaissé un juteux dividende de 600 millions d’euros en provenance du groupe, pour l’exercice 2020-2021 (années de pandémie). Le siège a aussi fait l’objet d’une perquisition voilà quelques mois dans le cadre de l’enquête sur les cas de salmonellose détectés dans neuf pays d’Europe après consommation de friandises Ferrero produites à l’usine d’Arlon. pso

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Land

W I R T S C H A F T

Frieden Calling

Luc Frieden affiche une nouvelle humilité. Dans une interview parue ce lundi dans le Quotidien, le quasi-Spëtzekandidat annonce qu’il partira à la rencontre « des Luxembourgeois » : « Sans aucun doute, il y a encore un certain nombre de groupes que je connais moins et je dont je dois mieux comprendre les soucis ». Celui qui a polarisé, se pose aujourd’hui en « rassembleur ». « Les gens qui écrivent sur moi ne me connaissent pas », tel est l’élément de langage, distillé ces derniers jours sur Radio 100,7, dans Le Quotidien et Paperjam. Le prétendant promet que ses concitoyens « feront mieux connaissance avec moi au cours des prochains mois ».

10.02.2023

Il a pourtant préféré décliner l’invitation de RTL-Radio ce samedi : « Après avoir donné son accord, Luc Frieden a annulé ; il devrait encore s’accorder sur certains sujets avec le parti », a révélé le journaliste, François Aulner. Ses années à la Deutsche Bank, à la BIL et la Chambre de commerce l’auraient « fait changer », déclara-t-il face à Paperjam. Ce n’est pourtant pas l’impression qu’on gagne en lisant ses plus récentes déclarations. « La durabilité » serait une « évolution positive », dit-il ainsi au Quotidien ; pour ajouter aussitôt : « Elle ne doit pas, cependant, conduire à un frein du développement économique ». Le nouveau Frieden ressemble donc beaucoup à l’ancien. Interrogé sur ses « expériences avec les investisseurs qataris », il estime que « nous devons toujours rester ouverts aux investisseurs étrangers », même s’ils proviennent de pays qui ne sont pas « des démocraties parfaites » ; ou « n’ont pas de système multipartite », ajoute-t-il en référence au Vietnam et à la Chine. bt

London Calling

Ticker

Dans son édition de ce mardi, Le Monde tente de tirer un bilan de l’impact du Brexit sur la City de Londres. Le quotidien français cite une étude d’un cabinet de consultance qui, après avoir audité l’ensemble des annonces publiques, comptabilise 7 000 emplois délocalisés. « La réalité

est le double ou le triple, au moins », estime pour sa part le lobbyiste luxembourgeois Nicolas Mackel, interrogé par le journal parisien. Le Luxembourg évoque 2 000 à 2 500 emplois attirés de la City, tandis que Francfort et Paris en revendiquent 7 000 respectivement 6 000. bt

Beijing Calling « Claude Haagen a rencontré l’ambassadeur de la République populaire de Chine, S.E. Hua Ning », tel était l’intitulé d’un communiqué expédié ce samedi par le ministère de l’Agriculture à la presse luxembourgeoise. On y apprenait que le ministre socialiste avait eu un « entretien très cordial » avec l’émissaire de Beijing, et que les deux entendent « soigner les bonnes relations diplomatiques sinoluxembourgeoises, surtout au vu d’une actualité géopolitique changeante ». Interrogé par le Land sur les sujets soulevés lors de cette rencontre et sur le sens à y donner, le ministère de l’Agriculture répond en une phrase et demie : Il s’agirait d’une « simple visite de courtoisie » qui serait « usuelle » lorsqu’un ambassadeur prend un nouveau poste au Luxembourg. bt

Cologne Calling 2 heures 10 minutes pour rejoindre Köln Hauptbahnhof, soit une heure et demie de moins qu’actuellement, c’est l’espoir qu’a exprimé le ministre de la Mobilité, François Bausch (Déi Gréng), ce mardi pendant l’heure

de questions au Parlement. En septembre dernier, lors de son déplacement à Berlin, il a rencontré le ministre fédéral des Transports, Volker Wissing (FDP), et le directeur général de la Deutsche Bundesbahn, qui lui auraient signalé que le Luxembourg pourrait obtenir un accès à la future « Eifelstrecke ». De larges parties de celle-ci avaient été emportées par les inondations de l’été 2021 et sont en train d’être reconstruites et électrifiées. (Un chantier qui durera jusqu’en 2030.) Ce mardi, Bausch s’est dit « plutôt optimiste » de pouvoir « garder un pied dans la porte ». Une liaison (plus) rapide vers Cologne assurerait un accès à un des principaux nœuds du réseau ferroviaire allemand. Le ministre de la Mobilité a par contre fait une analyse désabusée de la politique ferroviaire de la Commission européenne, dont le « Pacte vert pour l’Europe » ne réserve que 2,7 milliards d’euros aux infrastructures dédiées aux trains, contre 66 milliards pour le « Build Back Better Plan » de Biden. Quant à la modernisation de la ligne LuxembourgBruxelles, censée réduire le temps

de trajet de 3h20 à 2h10, elle ne devrait être prête que d’ici sept ans, ce qui semble « terriblement long » à François Bausch. Établir une liaison ferroviaire avec Sarrebruck (avec un crochet par Metz) serait un autre « projet important », nota le ministre, puisqu’il permettra de relier le Grand-Duché à une future ligne de TGV/ICE Berlin-Paris. Environ 10 000 navetteurs sarrois se rendent chaque jour au Luxembourg. bt

Lebensqualität wurde eine zweite Umfrage zur Bewertung der Flächenversiegelung erläutert. Derzeit werden etwa 240 Fußballfelder jährlich bebaut – ein enormer Flächenverbrauch, der gedrosselt werden soll. sm

Zurich Calling

Ilres Calling In einer Ilres-Umfrage zur Lebensqualität geben 63 Prozent der Befragten an, auf dem Land leben zu wollen und ihnen die Nähe zu Wiesen und Wald sehr wichtig sei. Neben grünen Landschaften wollen sie zudem nah an Haltestellen des öffentlichen Transports, Gesundheitseinrichtungen und Geschäften wohnen. Müssten sie wählen zwischen einem Parkplatz vor ihrer Haustür und einem ruhigen Begegnungsplatz für Personen jeglichen Alters, bevorzugen die Teilnehmer/ innen der Umfrage zu 66 Prozent den Parkplatz. Doch diese Aussage steht im Widerspruch zu einer andern: Gleichzeitig behaupten nämlich 60 Prozent, autofreie Wohnquartiere attraktiv zu finden. Vorgestellt wurden diese Ergebnisse am Dienstag von Landesplanungsminister Claude Turmes (Déi Gréng) und Tommy Klein des Meinungsforschungsinstituts Ilres. Neben der Erhebung zur

Le Luxembourg sert d’exemple dissuasif aux Helvètes. « Die Schweiz droht zu einer Art Luxembourg zu werden, wo die heimische Bevölkerung den Wohlstand verwaltet und jene, die ihn erwirtschaften, aus dem Ausland stammen », est cité Mathias Binswanger, un économiste suisse, dans l’édition de la Neue Zürcher Zeitung de ce dimanche. Or, à lire l’article (qui commence par « Die Reizwörter der Stunde heissen ‘Neun-Millionen-Schweiz’ und ‘Wohnungsnot’ »), on est frappé par les similitudes discursives entre les deux pays. Même débat sur la stagnation de la productivité, même critique d’un « nicht nachhaltiges Wachstum », même plainte du « Fachkräftemangel ». Avec, pourtant, un néolibéralisme plus assumé côté suisse. bt


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Land 10.02.2023

M E I N U N G

Moda militaris

ZU GAST

One in Four

nico graf

De Krich an der Ukraine huet seng ganz speziell Suiten

In England und Irland kümmert sich eine Organisation namens „One in Four“ um Überlebende von sexuellem Missbrauch in der Kindheit. Die Zahl steht für die bittere Realität, dass ein Mensch von vier als Erwachsener angibt, in seiner Kindheit oder Jugend Opfer von sexuellem Missbrauch gewesen zu sein. Déi Lénk ist der Meinung, dass dieses Thema in Luxemburg bei weitem noch nicht ausreichend enttabuisiert ist und nicht genug Mittel in Präventionsarbeit investiert werden. Opfer finden nicht genug Anlaufstellen, wo ihnen geholfen werden kann, respektiv die Anlaufstellen sind nicht genügend unterstützt, um Trauma- und Überlebensarbeit mit den Betroffenen zu leisten. Auch Täterarbeit wird bei uns im Land bei weitem nicht genügend angeboten. Wegsperren allein hilft nicht, den Täter von sexuellen Übergriffen nach dem Strafvollzug von Rezidiven abzuhalten und viel neues Leid für neue Opfer zu ersparen. Täterarbeit ist zudem sehr wichtig für das Opfer, das den Kontext der Entstehung des Missbrauches verstehen muss, um ihn verarbeiten zu können.

Eng rezent Reklamm an der Süddeutschen

Net liicht dat zouzeginn: ech gleewen un Zoufäll. Also datt heiandsdo Saache mateneen geschéien, déi een onwahrscheinlech fënnt. An et bedäit näischt, et ass just esou. Punkt. Ech sinn do en ongleewegen Thommes a färdeg.

Eng Confidence: ech sinn Auerefetischist. Oh, kee richtegen, hunn net genuch Ahnung vun Aueren, technesch net bewandert, a se musse net rar sinn oder deier oder schwéier oder 170 digital Fonctiounen hunn. Nee, et geet duer, datt eng Auer arabesch Zifferen huet an datt den Datum optesch d’Zifferblat net zerstéiert. A se soll eenegermoosse präzis weisen, wéi spéit et ass. Analog, opgezunn, also ouni Batterie an ouni Internet. Meng Auer ass schwarz, wäiss Zuelen, den Datum gëtt mat engem roude Pfeil gewisen. A se heescht „Airspeed“. Et ass eng sougenannte Pilotenauer. Hunn ech geléiert. Auere vun där mechanescher Zort sinn e bëssi rar ginn an ech hu mer blöderwäis ugewinnt, an de Fënstere vu second-hand-Horlogerien oder an den Vitrinen vun Bijouterien no esou Aueren ze kucken. Für alle Fälle. Wéi Fetischisten dat esou maan. An dowéinst kucken ech alt och emol Auere-Puben, soe mer hannen um Magazin vun der groußer süddäitscher Zeidung. A sinn zimlech erféiert. Well do ass Reklam gemat ginn fir eng „Grand Flieger Airport“. Déi ass déck a flappeg, dräi grouss Knäppercher baussen an all méiglech Featuren. Meeschtens kucke ech bei esou Aueren guer net dohinner, net menges quoi. Aus iergendengem

Grond hun ech awer ugefaang den Text ënnert der Foto ze liesen. Déi Auer wier, housch et, e Chronograph, wannechgelifft, Edelstahlgehäuse – okay, Stol also, tiptop, Papp a Groußpapp waren op der Arbed – a se hätt eng „Keramiklünette“. An déi Lunette wier gréng, net nëmme gréng mä Military Green. An duerno koum vill Pubjargon, deen een och militäresch taktesch liese kann: Zuverlässigkeit, Präzision, optimale Ablesbarkeit, Perfektion, Weltrang. An de Sprëchelchen: Für die gemacht, die machen.

Elo flitt Bläi dorëmmer an et kann e mat Militärchic probéiere Geschäfter ze maan

Military Green – net nëmmen de Bord, d’Lünette, vun där Auer ass zaldotegréng mä op der Foto och de Bracelet, iergend e gewiefte Kunst-Stoff, esou gréng, datt dat Wuert „Nato-farweg“ engem direkt an de Kapp kënnt. Esou wäit si mer also elo komm mat deem Krich an Europa, duecht ech, datt ee Reklam maache kann mat eppes, wat viru engem décke Joer nach wéi Bläi am Tirang geleeën hätt. Mee elo flitt Bläi dorëmmer an et kann e mat Militärchic probéiere Geschäfter ze maan. Ça alors, de Konsumissen hänkt sech un de Krich, d’Militär ass erëm do. Wien deemols géngt de Nato-Doppelbeschluss mam Saarbrécker Oskar protestéiert huet, deen ass elo dee leschte Vullemetti, dee net verstan huet, datt – fräi nom Bob – the times, they have changed; hit by flying lead, giffen Deep Purple weidersangen. Grand Flieger Military Green – da wärten elo erem geschwënn Uniformen Salonpflicht sinn an Epauletten a Kepiën a Medaillen, a net nëmmen d’Faschoen wärten a schwéiere Stiwwelen dorëmmer stolzéieren. Duecht ech esou. An hu mech zur Ordnung geruff, iwwerdreif net, esou weit si mer nach net. Ech hunn de Magazin op d’Säit geluecht. An op d’Une vun de Kolleege gekuckt, also op déi éischt Säit vun der Süddeutschen, 27. Januar 2023. Do stung mat grouße Buchstawen: „Die Ukraine bittet um Kampfflugzeuge“. Oh Merde, duecht ech, kann dat nach Zoufall sinn: vir op der Zeidung den Artikel iwwer gefuerdert westliche Jets „der vierten Generation“ an hannen um Magazin d’Grand-Flieger-Pub. Felicitatiounen also fir d’Aueremécher aus Glashütte: si hunn den Zäitgeescht voll bekäppt. Esou verständlech et ass, datt d’Ukrainer géint de Putin a seng Gängster nach méi a méi efficace Hellef wëllen, esou friem bleift mir trotzdeem déi Welt, déi hei elo entsteet. Wou Military Green um Grand Flieger attraktiv soll sinn, Militaria erem moudesch a gefrot solle ginn.

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An der Bijouterie vun Ärem Choix kascht, by the way, esou e militärgréngen Zaldote-PilotenChronograph iwwer 3 000 Euro. Sweet child in time, der Preis ist heiß.

Schockiert waren wir bei Déi Lénk über die Aussage des Oberhauptes der katholischen Kirche, Jean-Claude Hollerich, als er in einem RTL-Interview anlässlich des Begräbnisses des verstorbenen Papstes Benedikt die Vertuschung des sexuellen Missbrauchs seitens kirchlicher Amtsträger an Kindern und Jugendlichen banalisiert und verharmlost hat: Man müsste den Fakt, dass Benedikt als Bischof von München sexuellen Missbrauch verschleiert hatte in seine Zeit rücken, wo alle Bischöfe der ganzen Welt das gleiche gemacht hätten. Es scheint, wie wenn noch immer nicht verstanden wird, wie schlimm die Folgen sexuellen Missbrauchs für Menschen

sind, die als Kind von einem Erwachsenen, oft einer Vertrauensperson, missbraucht wurden. Die Folgen sind schwere psychische Traumata, die therapeutisch nicht einfach aufzuarbeiten sind. Viele Überlebende von sexuellem Missbrauch schweigen und behandeln ihre Leiden mit Hilfe von Alkohol, Medikamenten und/oder Drogen. Sie leiden an psychischen Erkrankungen. Suizidgedanken bis hin zu der Wahl vom Freitod sind nicht selten.

Nathalie Reuland ist Mitglied der nationalen Koordination von Déi Lénk

Sexueller Missbrauch begangen von kirchlichen Amtsträgern, aber auch in öffentlichen Institutionen, Sport- und Freizeitvereinen wurde bislang nicht verantwortungsvoll aufgearbeitet. Dies müsste schleunigst von einem öffentlichen Gremium nachgeholt werden. Auch bei sexuellem Missbrauch innerhalb der Familie oder dem Bekanntenkreis sollte präventiv, erkennend und aktiv gearbeitet werden. Jegliche Verjährung von sexuellem Missbrauch sollte aufgehoben werden, da Opfer oft erst viele Jahre nach der Tat darüber sprechen können. Last but not least geht es darum, die Sexualität in unserer Gesellschaft offen zu thematisieren und die affektive und sexuelle Gesundheit ab dem Kindes- und Jugendalter zu fördern; das wäre die beste Präventionsarbeit, aber braucht politische Entscheidungskraft und Mittel für die Anlaufstellen in Form von Konzepten und gut ausgebildeten Fachkräften. Nathalie Reuland

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D’GEDICHT VUN DER WOCH Olivier Halmes

An ech hunn et irjendwéi wuel mat Flughäfen. Ugefaang mam Findel. No bäi, meeschtens näischt lass, heiandsdo eng Pilotestëmm oder déi vum Tower am Kicheradio, an heiandsdo si mer Fligere kucke gaang. An et sinn deemols amerikanesch Düsenjäger an der Loft gewierscht, wéi d’Buerg um Bockfiels hier 1 000 Joer gefeiert huet, an de Papp an d’Bouwen stungen um Kiischtebierg (avis au lecteur: net siche goen, deen ass fort, läit elo ënnert dem Tarmac) an hunn dem Kaméidi an de Kondenssträifen mat oppenem Mond nogekuckt. An de Papp an d’Noperen hu vun den Amië geschwärmt an vun hierer Air-Force. An 22 Joer méi spéit ass do eng Bomm explodéiert an dowéinst e NatoManöver gestéiert ginn; do gouf et eng Brigade, déi war ganz mobile. An elo wunnen ech erëm an der Noperschaft vun engem Airport. Deen ass benannt no engem fréieren Oberstleutnant aus der Wehrmacht. Hat dee net och den Image vun engem Macher? Op sengem Airport ware winni zwee Tornadoe gelant an dat goung duer, fir doriwwer grouß Artikelen an der Lokalpress liesen ze kënnen.

In letzter Zeit wird die Notwendigkeit, sich um die mentale Gesundheit der Menschen zu kümmern, in Luxemburg immer öfter thematisiert. Zum Glück, denn vielen Menschen geht es nicht gut. Was aber immer noch tabuisiert, respektive banalisiert wird, ist der sexuelle Missbrauch an Kindern mit seinen schwerwiegenden Folgen.

Gléckskichelcher Jacques Drescher Beim Patt „#zesumme glécklech“, Well d’Gléck dat geet nom Soff. Si wëllen d’Wal gewannen, Wann net, da gëtt et Zoff.

All Dëppe brauch en Deckel; Den Index, dee bräicht keen – Sou housch et dunn op Twitter, An d’Paulette stoung am Reen.

D’blann Sau fënnt mol eng Eechel A frësst sech séier sat. Mee déi hat sech beim Index E bësse fréi verschwat.

Wéi d’Mamm, sou ass och d’Duechter; Wéi d’Paulette ass d’Partei. A wa se net gewannen, Wier dat eng Sauerei.


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Land

M E I N U N G

10.02.2023

giés. Blum avança trois noms : Antoine Krier, l’abbé Majerus et Paul Gauthier. Les idées de Blum avaient-elles la moindre chance d’être réalisées ? Le gouvernement luxembourgeois avait-il les moyens nécessaires ? Il recevait de la Belgique une aide sous forme d’avances sur l’or déposé avant-guerre à la Banque Nationale de Belgique et tombé entre les mains des Allemands à Dakar. Hésitant entre neutralité et belligérance, le gouvernement avait décidé en septembre 1940 de s’installer à Montréal (Canada), loin du théâtre de la guerre et séparé de tous les autres gouvernements en exil. Les ministres étaient en rotation permanente entre Montréal, New York, Washington, Londres et Lisbonne, ce qui gonflait les frais de voyage, empêchait toute véritable concertation et donnait un pouvoir exorbitant aux ambassadeurs, qui constituaient le pôle fixe avec leurs règles de fonctionnement et leurs réseaux d’influence hérités d’une autre époque.9 Pour mettre en œuvre les mesures proposées par Blum, Pierre Dupong s’adressa à Antoine Funck, le représentant diplomatique du Luxembourg à Vichy. Pour le visa de Blum il fit appel au représentant luxembourgeois à Washington, Hugues Le Gallais. Washington, 6 mars 1942, Le Gallais à Dupong : « Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, d’après ce que m’a dit M. Waller, le dossier de M. Blum au State Department ne doit pas être favorable à ce dernier. M. Waller a en effet exposé en détail au State Department les motifs de la démission de M. Blum comme Ministre de la Justice et sa ligne de conduite en général. Dans ces conditions, le moins qu’on parlera de M. Blum au State Department, le mieux cela vaudra. »10

Les Luxembourgeois de New York (entourant Pierre Krier) présentent une copie de la Gëlle Fra, lors d’une parade en solidarité avec le Grand-Duché occupé

L’exil dans l’exil

Nussbaum. Können Sie sich einen größeren und freudigeren Empfang vorstellen, als plötzlich, mitten im Trubel des Hafens bei der Einschiffung auf einen solch lieben Empfang zu fallen. »3

Henri Wehenkel

Hamilton (Bermudes), 10 février 1942, René Blum :

Les oubliés de l’Histoire : René Blum (5). Amérique du Nord, 1942-44

« Notre voyage apparaît comme un voyage féerique, bonne compagnie de la famille Albert (Nussbaum), estomac bien rempli après la famine de deux ans. Notre séjour dans le dortoir de la troisième classe nous apparaît très amusant et nous voudrions que ce voyage merveilleux ne prenne jamais fin. »4

Le 26 janvier 1942, à 9 heures du soir, Blum fut avertie par Mme Aron du Comité d’assistance aux réfugiés de Montpellier que son arrestation était imminente et que deux places étaient réservées pour son épouse et lui sur le « Nyassa », un bateau à vapeur portugais affrété par l’organisation de secours juive HICEM.1 Les époux Blum quittèrent Montpellier le lendemain matin par le premier train pour Marseille. Ils prirent le bateau pour Alger le 28 et traversèrent l’Afrique du Nord française par car et arrivèrent à Casablanca le 30 janvier. Albert Nussbaum les attendait devant le « Nyassa ». Blum et Nussbaum se connaissaient bien depuis l’époque, où Blum était ministre de la Justice et Nussbaum responsable de l’association d’entraide juive « Esra ». À partir d’août 1940, Nussbaum fit la navette entre Luxembourg et Lisbonne pour accompagner les convois de juifs expulsés vers la France non-occupée, l’Espagne et le Portugal. À Lisbonne, il fut l’homme de confiance de la HICEM et le gouvernement luxembourgeois lui accorda le titre de commissaire aux réfugiés tout en lui refusant le statut officiel qui lui aurait permis d’agir. Le 20 décembre 1941, Nussbaum fut arrêté par la police portugaise pour infraction aux lois sur l’immigration, avant d’être expulsé après cinq semaines de prison.2 Le bateau mit douze jours pour traverser l’Atlantique et fit escale aux Bermudes. Blum y posta ses premières lettres. Hamilton (Bermudes), 12 février 1942, René Blum : « ‚Hei, den Här Blum !‘ – und siehe wer war an Bord um uns zu empfangen und zu umarmen: die Familie

Dans le dortoir, un cercle de débat international se forma autour de Blum et de Nusssbaum, avec le philosophe autrichien Alfred Stern, exilé à Luxembourg de 1935 à 1937, le juriste espagnol Francisco Serrano Pacheco, candidat du Frente Popular aux élections de 1936, l’avocat Jean Fribourg de Paris et le Dr. Schmeier de Strasbourg.5

« Bodson a formulé contre moi des accusations monstrueuses, attentatoires, non seulement à mon honneur, mais encore, vu les circonstances, à ma sécurité, à mon avenir et à mon existence même » René Blum à Pierre Krier, 17 mai 1942

Aux Bermudes, Blum dut se soumettre à un interrogatoire de huit heures, qui lui laissa un souvenir douloureux. Les passagers à destination des ÉtatsUnis quittèrent le navire à Norfolk (USA) et furent conduits par train spécial à New York. Le « Nyassa » continua sa route vers St. Domingue, Cuba et le Mexique avec à son bord Nussbaum, Stern, Pacheco. Les Blum furent accueillis à New York par le rabbin Serebrenik qui leur offrit un gîte provisoire et le ministre socialiste Pierre Krier qui les emmena immédiatement à l’agape traditionnelle de la colonie luxembourgeoise, où Blum fit un discours. Blum n’avait pas d’argent, pas de travail, pas d’autorisation de séjour. Il fit appel à Pierre Dupong, le chef du gouvernement en exil, qui lui envoya Léon Schaus, son collaborateur le plus direct. New York, 2 mars 1942, Léon Schaus à René Blum: « Je t’ai exposé toute notre situation financière. Je t’ai précisé que pour le moment nos dépenses mensuelles dépassent les montants que nous touchons en vertu des arrangements avec le Gouvernement belge. Je t’ai en outre expliqué que nous avons malheureusement dû refuser de prendre en considéra-

tion certaines demandes en payement d’un traitement ou d’une pension. Je t’ai encore dit, ce que tu sais d’ailleurs mieux que nous, que la situation de nos réfugiés pose des problèmes d’ordre financier. Je t’ai encore donné d’autres explications pour te dire ensuite que le Gouvernement est décidé à ne pas t’abandonner. »6 Malgré le tutoiement le ton de la lettre était rude. Huit jours plus tard, Dupong envoya une longue lettre qui n’était guère plus encourageante. Montréal, 10 mars 1942, Pierre Dupong à René Blum : « Cher ami, (…) Je te conseille donc, une fois que tu seras reposé et que la question du séjour sera réglée, de t’efforcer d’obtenir une occupation qui te rende indépendante de nous. En attendant, on te fera parvenir un subside mensuel, sur lequel nous nous mettrons d’accord. »7 Blum était l’envoyé des réfugiés de la zone dite libre. Il présenta au gouvernement un rapport sur la situation des réfugiés luxembourgeois en France non-occupée (février 1942).8 Le rapport estimait le nombre des réfugiés à environ à 800, les deux tiers de confession israélite, en plus de 200 jeunes arrivés clandestinement depuis mai 41 et une vingtaine d’étudiants inscrits aux universités. Leur situation matérielle était dramatique. Réserves en vêtements, chaussures et linge épuisées. Travaux pénibles, embrigadement, sous-alimentation, manque d’hygiène. L’aide fournie par la Croix Rouge Luxembourgeoise en France insuffisante, intermittente et distribuée de façon arbitraire. La solution serait, selon Blum, l’émigration collective. Elle exigerait une collaboration avec l’organisation juive HICEM et une intervention financière du gouvernement luxembourgeois. Si cette solution s’avérait impossible, il faudrait créer un système d’allocations mensuelles pour les réfugiés restés sur place ainsi que l’affermage d’une grande propriété rurale qui fournirait du travail et des subsistances. Le rapport suggérait l’affiliation à des organisations clandestines pour effectuer le passage à travers l’Espagne et demandait la création d’un comité représentatif de tous les réfu-

Platt Waller était le chargé d’affaires américain à Luxembourg. C’était un catholique conservateur originaire de l’Alabama, nostalgique de la monarchie austro-hongroise et amoureux du Luxembourg. Il avait rédigé en avril 1940 un rapport sur la démission de Blum qui reproduisait un entretien avec Joseph Bech.11 La danseuse de music-hall autrichienne qui avait été la cause de ses déboires n’était pas une espionne allemande, son arrestation par la Gestapo le prouva. Ni Bech ni Waller ne l’avaient d’ailleurs dit, mais l’affaire qui avait conduit à la démission de Blum refaisait surface dans un nouveau contexte. Dupong était conscient des risques que cela comportait pour Blum, ceux d’un internement comme élément suspect pour le restant de la guerre. Il réagit immédiatement. Montréal, mars 1942, Dupong à Le Gallais : « Monsieur Blum est un ancien ministre de la Justice dont les sentiments antinazis ne font aucun doute. Il est au surplus un homme reconvalescent. Opéré en France, il y fut malade pendant cinq mois. Nous pouvons assumer la garantie qu’il est loyal vis-à-vis des États-Unis. » Le Gallais ne s’inclina pas. Il argumenta qu’une pépinière d’agitateurs socialistes luxembourgeois risquait de se créer à New York, obligeant Dupong à lui rappeler que l’activité d’un diplomate consiste à exécuter les directives de son gouvernement dans le cadre des principes du droit public luxembourgeois, et que les socialistes constituaient tout de même un tiers de l’électorat luxembourgeois. Le Gallais donna finalement rendez-vous à Blum dans le hall de l’Hôtel Waldorf Astoria et lui fit promettre de ne pas s’occuper de politique. Le 21 mars 1942, les époux Blum quittèrent les États-Unis pour le Canada, leur visa de transit ayant expiré. À Montréal se trouvait le siège du gouvernement, la Cour grand-ducale, le Premier ministre et ses deux conseillers ainsi que les épouses et les enfants de tous les ministres. Il y régnait une atmosphère de pension de famille. Blum jugea que Montréal était la ville la plus triste et la plus ennuyeuse du monde. Il était loin de tout, un exil dans l’exil. Blum ne savait pas que Dupong avait reçu début janvier 1942 une note de Victor Bodson, successeur de Blum au gouvernement et membre de son parti. Blum se trouvait à ce moment-là encore en France. New York, 31 janvier 1942, Krier à Dupong : « J’ai reçu, par special delivery, la note que vous tenez de votre collègue Bodson sur les allégations d’un certain Rudow à propos de notre ancien collègue Blum. Inutile de vous dire que j’en ai été profondément affligé, non pas en ce qui concerne les soupçons exprimés sur René Blum, mais en ce qui concerne la manière de laquelle on agit maintenant contre lui. Il me faut à moi d’autres preuves que les questions d’anonymes et mystérieux agents de la police secrète anglaise et les déclarations d’un inconnu pour soupçonner un ami. »12 E. Rudow13 était un commerçant juif de Luxembourg qui avait été arrêté lors de son arrivée en Angleterre fin mai 1940 et longuement questionné par Scotland Yard. On avait trouvé sur lui une lettre de recommandation de Blum. Rudow fit le récit de son arrestation en septembre 1944 à la demande de Bodson :


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« Ils m’ont demandé si je connaissais Mr Blum, ce que j’ai confirmé. Ensuite, ils m’ont demandé si je connaissais une certaine dame de l’Orchestre de l’Hôtel International à Luxembourg ce que j’ai dénié, n’ayant jamais vu ni connu. Là-dessus l’un des inspecteurs m’a dit que cette femme était une espionne allemande qui savait obtenir des passeports luxembourgeois pour des agents nazis. »14 L’accusation était grave et s’ajoutait au rapport rédigé par Platt Waller. Bodson avait reçu l’information de Georges Schommer, commissaire à l’information chargé des contacts avec les services secrets alliés. Blum devenait non seulement un mari infidèle, mais un espion allemand. On comprend pourquoi Blum fut soumis à un interrogatoire humiliant lors de son arrivée en février 1942 aux Bahamas et pourquoi Pierre Dupong fut si ému quand Le Gallais le mit en garde contre Blum. Début avril, Dupong reçut de Bodson une autre « lettre très confidentielle ». Londres, 8 avril 1942, Victor Bodson à Dupong : « Mon cher Premier, Veuillez trouver ci-joint quelques copies de documents qui ne manqueront pas de vous intéresser. Ces documents se joignent à d’autres que j’ai dans mes dossiers à Montréal et qui viennent de la même source. N’y aurait-il pas lieu, en présence de la facilité avec laquelle M. René Blum délivre des certificats, de le rendre attentif à la responsabilité qu’il encourt et aux difficultés qu’il crée aux autorités luxembourgeoises compétentes en certifiant des faits qui échappent à son contrôle et qui pour le moins peuvent créer des malentendus avec les autorités étrangères avec lesquelles nous sommes en rapport. »15 Ces accusations se rapportaient à l’affaire SchneiderSternberg de septembre 1940 et à l’activité de Blum en France non-occupée. Blum avait utilisé le titre d’ancien ministre de la Justice, qui n’avait aucune valeur légale, pour permettre de confirmer l’identité de personnes d’origine juive et possédant un passeport luxembourgeois à titre de résidents étrangers. Blum démontra qu’il n’avait pas fait de fausses déclarations ou attribué la nationalité luxembourgeoise à des personnes qui n’y avaient pas droit.16 Montréal, 17 mai 1942, Blum à Krier : « Bodson a formulé contre moi des accusations monstrueuses, attentatoires, non seulement à mon honneur, mais encore, vu les circonstances, à ma sécurité, à mon avenir et à mon existence même. Cela à un moment fatal de ma vie, où il me savait dans une situation de détresse matérielle et morale extrême. Tu sais combien, déjà chez nous, après une vie d’intégrité et de dévouement à notre idéal, j’ai souffert de la calomnie, et tu peux aisément imaginer l’effet foudroyant, en exil, de la dénonciation de la part de celui dont j’ai cru pouvoir me flatter en toute sincérité d’être le camarade, l’ami, le fondateur de sa carrière politique, estimant servir notre cause commune. »17 Le ton de la lettre était celui d’un testament politique. Blum confiait à son ami le soin de rétablir son honneur auprès de ses anciens collègues et amis, auprès des camarades de l’Internationale socialiste à Londres et, en cas de retour à Luxembourg, auprès des instances du Parti Ouvrier Luxembourgeois. Pierre Krier répondit avec tout autant de gravité. New York, 22 mai 1942, Krier à Blum: « Tu me connais, mon cher René, et tu sais que je n’ai jamais abandonné un ami. Donc tu peux compter sur moi, et sois certain qu’à Londres je n’y faillirai pas plus

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« M. Bech ne prend rien au sérieux, donc certainement pas au tragique. Il m’a surtout entretenu des réceptions brillantes et des dîners épatants à Washington, des relations importantes de M. Le Gallais, relations qui consistent à avoir aux dîners qu’il organise des personnalités plus ou moins en vue à Washington. » Pierre Krier à René Blum 17 juin 1942

qu’ici. D’ailleurs il ne s’agit non seulement de ta personne, mais du Président du Parti, et même si toi tu voulais oublier tout cela, moi je ne le ferais pas, je ne le peux pas et je n’ose pas le faire, car je constate de plus en plus les manœuvres montées de toute part contre les représentants du mouvement ouvrier. Il y a un certain système dans tout cela, et je dirais un système international de la réaction. »18 Le vieux syndicaliste se mit tout de suite à l’œuvre, fit intervenir ses relations et profita d’une visite à Washington pour interpeller le ministre des Affaires Étrangères, Joseph Bech. New York, 17 juin 1942, Krier à Blum: « En rappelant ta situation à Monsieur Bech, celui-ci a répondu de façon très évasive en disant qu’il s’agissait maintenant de gagner la guerre et qu’on verrait après. (…) M. Bech ne prend rien au sérieux, donc certainement pas au tragique. Il m’a surtout entretenu des réceptions brillantes et des dîners épatants à Washington, des relations importantes de M. Le Gallais, relations qui consistent à avoir aux dîners qu’il organise des personnalités plus ou moins en vue à Washington. » Krier ajouta dans la même lettre : « Quoi que certaines gens disent, cette guerre est notre guerre, René, celle du peuple, et la paix sera notre paix, celle du peuple, the peace of the commun man. C’est pour elle que tous les hommes libres du monde versent leur sang, donnent leur vie, leur bien, leur travail. C’est pour elle que les nôtres, les Luxembourgeois tâchent de se maintenir, qu’ils se défendent et qu’en se défendant défendent les droits sacrés que nous avons à garantir. On voudrait minimiser les faits de 1936 et 1937, on n’aime pas les voir rappelés. »19 Krier sonnait la fin de l’unanimité patriotique, la fin de l’amnésie politique, le retour de la mémoire refoulée des années trente, de la lutte antifasciste et de la loi-muselière. Krier et Blum n’avaient pas été toujours d’accord sur tout, mais un long passé commun les unissait. Le parti ouvrier c’était eux avec son aile syndicale et son aile intellectuelle, unies dans la diversité. Il leur manquait le tumulte des réunions, le bruit des discussions, les coups de poing sur table,

la fraternité et l’espoir. Krier était un ministre sans Travail et un syndicaliste sans militants. Blum ne sentait plus la chaleur et la souffrance des émigrés de Montpellier. En Amérique ils n’étaient plus que des individus réduits à eux-mêmes, marqués par l’isolement, fatigués par l’inaction. Il y avait un troisième homme qui ne se sentait pas à l’aise dans l’atmosphère délétère de l’exil américain. C’était Robert Serebrenik, le Grand Rabbin de Luxembourg, un homme de Dieu attaché aux traditions. Sa mission était de veiller au salut matériel et spirituel de la communauté juive du Luxembourg, quelle que soit la nationalité ou l’origine de ses membres. En arrivant à New York il avait fondé le « Luxembourg Jewish Information Office » qui s’occupa à rassembler des recommandations (affidavits) et demander des visas d’immigration. Un conflit ouvert l’opposait à Le Gallais qui l’accusait de mener une diplomatie parallèle et d’avoir demandé une audience auprès de la Grand-Duchesse sans passer par lui. Louis Sternberg, qui avait fondé les Magasins Sternberg en 1906 et avait accompagné Serebrenik dans sa démarche auprès d’Eichmann, avait été exclu de la liste des bénéficiaires d’un visa, pour la seule raison qu’il n’était pas né au Luxembourg. Blum et Serebrenik étaient devenus des alliés. Le différent qui avait opposé Blum à Funck en 19401941 concernait les juifs ne possédant pas la nationalité luxembourgeoise et ayant résidé légalement au Luxembourg. Le différent qui opposa Serebrenik à Le Gallais rétrécit encore davantage la définition de la nationalité luxembourgeoise en en excluant ceux qui n’étaient pas nés au Luxembourg et ceux qui avaient acquis la nationalité par naturalisation ou option. Funck et Legallais invoquèrent l’un les lois anti-juives de Vichy et l’autre les quotas américains pour l’attribution des visas. Tous les deux exécutèrent la ligne du gouvernement dictée par les ministres des Affaires Étrangères et de la Justice. New York, 23 juin 1942, Dr. Robert Serebrenik, Grand Rabbin, à René Blum, Montréal : « Dear Mr. Blum, please find enclosed communication to me from the State Department advising that advisory approval has been given the appropriate American Officer at Montréal for the issuance of your visa of immigration. I am extremely glad that your ‘exile in exile’ will soon be terminated and am looking forward to seeing Mrs. Blum and you before very long in this wonderful country. »20 Blum put enfin regagner les États-Unis. Le ménage s’installa d’abord à Pittsburgh, ville ouvrière encore plus sale qu’Esch-sur-Alzette, où vivait Emile Schinhofen, le frère de Mme Blum. Le 28 juillet, Blum fut convoqué à New York, tous frais payés par le gouvernement, pour avoir un entretien avec Pierre Dupong. Blum eut droit à une indemnité mensuelle de 200 dollars en contrepartie de rapports qu’il aurait à fournir. Dupong lui avait annoncé également qu’un premier succès avait été obtenu pour les jeunes gens bloqués en France non-occupée. Montréal, 11 juillet 1942, Dupong à Blum, Pittsburgh: « Mon cher ami, Je viens d’être informé que le Gouvernement américain est d’accord pour nous accorder des visas, en dehors du quota et sans affidavits, pour nos jeunes gens en France qui veulent rejoindre une armée alliée. D’autre part l’armée belge est prête à payer les frais de voyage de France (…). Il s’agirait donc pour commencer d’établir une liste des noms et qualités de 10 jeunes gens qui sont prêts à se joindre à l’armée belge. Ensuite voir si la HICEM est d’accord à comprendre ces jeunes gens dans leurs transports. »

Tout semblait tout à coup s’arranger. Un an plus tard, Blum fit le bilan. New York, 20 août 1943, Blum à Krier, Londres : « Monsieur Dupong m’a accordé une indemnité mensuelle de 200 dollars. Après règlement de notre train de vie modeste – je ne vois presque personne ici pour éviter les dépenses inutiles – je paye les frais de mes études d’université que je fréquente tous les soirs de 8 à 11 heures, achète des livres et journaux et nous essayons, avec la parcimonie d’Anna, d’économiser peu à peu un petit capital pour payer notre retour. Je suis loin de me plaindre ; au contraire, j’apprécie le geste de Mr. Dupong qui m’a tiré de la plus sombre des misères, arrivé ici dans le dénuement et n’étant plus rien, moins que rien. Il serait présomptueux de demander davantage, d’autant plus que je ne voudrais pas être traîné dans la boue une fois retourné au pays. » Blum se mit au travail avec l’ardeur qu’on lui connaissait et produisit des avis et des rapports sur les sujets les plus divers, le retour à la légalité, la définition des pouvoirs spéciaux, les actes de dépossession, la privation de la nationalité, la mise sous séquestre, les services d’utilité publique. L’homme d’action, le tribun et l’organisateur infatigable passait ses journées à courir dans les bibliothèques publiques et à compléter sa culture générale à l’Université Libre des Hautes Études reconstituée. Il suivit les cours du professeur Mirkine-Guetzevitch, participa aux travaux de la Commission belge pour l’Étude des Problèmes d’après-guerre, étudia le code militaire belge, se procura le texte de la Constitution, la collection du Mémorial, l’Annuaire Officiel de 1940, le Recueil des statistiques, le Code Civil, le Dalloz et le Sirey. Blum pensait déjà au retour et à la nécessité de constituer une réserve pour payer le voyage par ses propres moyens. On lui avait demandé s’il voulait parler à la TSF. Il eut droit à une émission sur la radio de Boston et sur la section française de la Voice of America. La radio de Londres lui resta fermée. Il proposa ses compétences pour organiser des filières à travers les Pyrénées, mais les volontaires arrivèrent à Londres, à leurs risques et périls. Les nouvelles de là-bas se firent de plus en plus rares.

Blum n’était donc pas un espion nazi, un falsificateur de documents officiels, un agitateur suspect. Bodson parla d’un malentendu et ne sortit pas les autres dossiers qu’il avait encore dans son armoire. Il parla de son sens du devoir et affirma qu’il n’avait voulu que le bien de son ami et qu’il avait fait tout son possible pour sauver Blum, quand il dut partir de France. En même temps, il reprocha à Dupong d’avoir révélé à Blum le contenu de sa lettre très confidentielle et affirma que celle-ci avait été rédigée en accord avec Bech. Quant à Le Gallais, qui avait toujours gardé dans ses échanges avec Blum le langage poli du diplomate, il s’adressait maintenant à « Monsieur le Ministre » en le faisant bénéficier de la qualification d’« Excellence ». Beaucoup de choses avaient changé entretemps. Le 25 janvier 1942, le Luxembourg déclara la guerre à l’Allemagne, l’Italie et le Japon. Il y eut le débarquement en Afrique du Nord, la chute du régime fasciste, la bataille de Stalingrad, la grève générale, les désertions de masse, les maquis. Le 31 mars 1944, Blum prit le bateau pour l’Angleterre via le Canada et l’Écosse. Sans éprouver de regrets. Le séjour en Amérique du Nord n’avait été pour lui qu’un long détour.

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Articles précédents : d’Land, 4 mars 2022, 3 juin 2022, 26 août 2022, 11 novembre 2022. 1

2 Henri Koch-Kent, Vu et entendu, les années d’exil, 1940-1946, vol. II, p.169 et 188. ACJK, Dossier Frantz Mayer, Albert Nussbaum à Frantz Mayer, Ciudad Trujillo, 4.4.1942

ACJK (Archives Centre Jean Kill), Blum 2, lettre de René Blum à l’ami Jos, 12.02.1942. 3

ACJK, Blum 2, Blum à Jean Schneider (Lisbonne), 10.02.1942 4

ACJK, Blum 2, Blum, 7.3.42, Pacheco 21.4.42, 10.6.42, 24.10.42, 9.6.43, Fribourg 2.4.42, Stern 10.7.42. 5

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ACJK, Blum 1, Schaus à Blum, 2.3.42.

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Blum 1, Dupong à Blum, 10.3.42

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Blum 1, Rapport, février 1942

New York, 17 juin 1943, Blum à Krier (Londres): « Voici maintenant une nouvelle situation qui se présente. Mr. Dupong vient en effet de m’écrire : ‘Dans sa dernière correspondance mon collègue Bodson réclame ta présence à Londres pour que tu y travailles ‘sous ses ordres’. Je fais pour le moment abstraction des termes impératifs et absolutistes de ce jeune citoyen vis-à vis de son aîné, chef de son parti. Je voudrais connaître ton opinion au sujet de cette proposition étonnante’. » Après un an et demi de brouille, Bodson renouait avec Blum. Pour prendre celui-ci « sous ses ordres ». Bodson faisait comprendre à son prédécesseur que, désormais, c’était lui le chef et Blum l’exécutant. Bodson avait été ministre pendant trente jours avant de partir en exil. Il avait besoin de Blum qui connaissait tous les rouages de la machine gouvernementale, les arcanes juridiques et les dossiers techniques. Il proposa à Blum de faire partie de la Commission des Nations Unies pour la Poursuite des Crimes de Guerre, une sorte de Parquet International pour la recherche des criminels nazis. Il délégua Blum également dans la commission alliée des « Civil Affairs » pour préparer l’après-guerre dans les domaines des transports, de l’énergie, de la santé, de l’éducation.

Selon Paul Dostert, le gouvernement disposait de 1 026 000 dollars pour l’ensemble des quatre années d’exil, 266 000 pour les légations et consulats, 240 000 pour les traitements des ministres et conseillers du gouvernement, 140 000 pour la Cour grand-ducale et 120 000 de frais de voyage et de représentation. Voir Paul Dostert, « Les finances du gouvernement luxembourgeois en exil (1940-1945) », [in :] Du Luxembourg à l’Europe, Hommage à Gilbert Trausch, 2011. 9

Georges Heisbourg, Le Gouvernement Luxembourgeois en Exil, tome II, p.20-26. 10

11 Nous en avons parlé dans notre deuxipme épisode, d’Land du 03 juin 2022. Source rectifiée voir note 15 de cet article.

Henri-Koch-Kent: Vu et entendu, vol. 2, Années d’exil, p. 284-286. 12

Mémorial Shoah Luxembourg : « Biographie Elie Khonon dit Hans Rudow » par Denis Scuto et Eni Ramcilovic. 13

14

ANLux, Fonds Bodson-Emile Krier.

ANLux, Gouv. Exil, p. 139. Cité d’après les photocopies rassemblées dans le dossier Blum 1 des ACJK. 15

16 Nous avons relaté la controverse dans l’épisode 2 de cette série, paru le 3 juin 2022. On y trouvera les sources.

17

ACJK, Blum 1, Krier, 17.5.42

18

Id., Krier à Blum, 22.5.42

19

Id., Krier à Blum, 17.6.42

20

Blum 1, Serebrenik June 23, 1942.

21

Blum 1, Dupong à Blum, 11.6.42

22

Blum 1, Krier, 20.8.43

23 Emission du 4.4.1943. Texte, voir ACJK, Blum 1.

Blum 1, Blum à Krier, 17.6.43. Voir aussi Dupong à Blum, 29.5.43. 24

Victor Bodson, Joseph Bech et Georges Schommer à Londres

ACJK, Blum1, ANLux, p. 0122, Bodson à Dupong, Londres, 20.5.1942. 25


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M E I N U N G

10.02.2023

« May occasionally generate incorrect information » Jean-Marie Schaeffer

ChatGTP3 cause diablement bien, mais il n’a pas la moindre idée de ce dont il cause

Le surgissement sur Internet, fin 2022, de plusieurs API basées sur des algorithmes d’intelligence artificielle (IA), permettant, les unes, de générer des images (simulant des tableaux, des dessins ou des photographies), les autres, des textes, a donné lieu à un torrent d’analyses et de commentaires, soit enthousiastes soit apocalyptiques, concernant ce qui était considéré par beaucoup comme l’annonce d’une césure radicale dans l’histoire de l’humanité. L’intelligence artificielle et ses enjeux

À première vue, cette soudaine flambée de fièvre peut paraître incongrue. En effet, le projet d’IA remonte aux travaux du mathématicien anglais Turing, donc aux années quarante du vingtième siècle. Et depuis une bonne vingtaine d’années, des logiciels fondés sur des algorithmes d’IA jouent des rôles importants dans d’innombrables domaines de la vie humaine, qui vont des sciences mathématiques jusqu’aux voitures autonomes, en passant par les chatbots, la médecine, les finances, la traduction automatique, la gestion des flux de déplacement des automobiles, les prédictions météo, les appareils photos sur nos smartphones, et ainsi de suite presqu’à l’infini. Et elle est bien entendu omniprésente dans les architectures internet, en particulier les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, l’automatisation de la création de contenu, les programmes de détection de spam, l’analyse d’image, la modération de contenu, ou encore dans ce que l’on appelle, par euphémisme, « la personnalisation de l’expérience des utilisateurs ». Même les générateurs d’images et de textes n’ont pas été créés ex nihilo en 2022, mais sont utilisés au moins depuis 2019. Simplement, avant la fin 2022, ils n’étaient pas liés à des API, c’est-à-dire à des programmes en ligne connectés directement aux programmes d’IA générant les images ou les textes, et localisés, sur les serveurs des sociétés concernées (OpenAI, Microsoft, Google et d’autres), et ils n’étaient donc pas accessibles librement sur le net. L’IA avait par ailleurs annoncé dès ses origines son ambition d’égaler, voire de dépasser et de remplacer l’intelligence humaine. Et ce projet a toujours été générateur de débats. Ainsi la dénonciation des risques de l’IA se trouve déjà dès la fin des années quarante dans la science-fiction d’Isaac Asimov, et plus tard celle de Philip K. Dick ou d’Arthur C. Clarke (il suffit de rappeler l’inquiétant ordinateur HAL dans 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, dont le scénario avait été co-écrit par Arthur C. Clarke). Les scientifiques et philosophes n’ont pas été en reste, y compris un des inventeurs du WWW, Tim Berners Lee, qui a appelé à une régulation des développements de l’IA (mais aussi des réseaux sociaux, qui en dépendent très fortement). Mais jusqu’à récemment, ces débats étaient surtout une affaire de spécialistes ou de geeks et ne touchaient guère l’opinion publique générale. Cela a certes commencé à changer autour de 2015 avec le développement des premiers robots humanoïdes, mais l’effervescence actuelle est totalement inédite. ChatGTP3 : promesses et limites

Dall-E

Pourtant l’effervescence est compréhensible. Il y a une grande différence entre lire des descriptions de ce que peut l’IA et le fait d’en faire l’expérience soi-même, ce que permettent précisément les API mises en ligne ces derniers mois. Il faut ajouter que dans le cas des deux API les plus emblématiques (parce que les plus généralistes) et les plus discutées, à savoir DALL-E2 et ChatGTP3, la mise en ligne coïncida avec une montée en puissance importante de leurs capacités ainsi que de l’étendue des bases de données qu’elles exploitaient. Ainsi DALL-E2 et de nombreux autres générateurs d’images produisent aujourd’hui des simulations de photographies capables d’induire en erreur autour de cinquante pour cent des personnes testées, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour Internet, notamment au niveau de la contamination des bases de données photographiques.

Images générés par le Dall·E, un programme d’AI, suite à la requête: « ChatGPT cyborg absorbing knowledge »

Mais ce sont, il me semble, les générateurs de textes et plus généralement de structures discursives – dont ChatGTP3 est actuellement le dispositif phare – qui constituent le défi le plus important, car ils interviennent directement sur l’interface centrale de la communication interhumaine et même de la relation à soi-même : le langage. Quiconque a utilisé ne serait-ce qu’une seule fois ChatGTP3 peut difficilement ne pas être impressionné par

Nous sommes tellement éblouis par l’output que nous ne nous interrogeons pas sur l’input

ses performances : il apporte en un temps record des réponses crédibles à toutes les questions qu’on lui pose et ce dans quelque domaine que ce soit ; lorsqu’on l’utilise en mode requête, il produit des textes d’une complexité et d’une diversité qui semblent égaler les textes humains ; il est capable d’avoir des interactions d’une étonnante richesse avec celui qui formule la requête. Tout cela donne l’impression à l’interlocuteur humain qu’il dialogue avec une intelligence supérieure, qui sait tout sur tout, ne cesse de produire des connaissances nouvelles et dispose de ressources créatrices qui dépassent celles des humains. D’ailleurs ses multiples utilisations dans la communication interne et externe des entreprises, dans la rédaction d’articles scientifiques, dans les posts sur les réseaux sociaux, dans les demandes d’embauche, dans la construction des pages web et ainsi de suite, ne prouventelles pas que tel est bien le cas ? Pourtant l’impression de sa puissance créatrice est une illusion, née du fait que nous sommes tellement éblouis par l’output que nous ne nous interrogeons pas sur l’input. Dès qu’on s’intéresse au mode de génération des textes, on constate que la situation est fort différente. En effet, tous les éléments générés par ChatGTP3 sont puisés dans les immenses banques de données, issues d’Internet, sur lesquelles l’algorithme a été entraîné (cette phase d’entraînement agit comme un catalyseur qui lui permet ensuite de passer en mode d’apprentissage automatique non guidé et de s’améliorer tout seul au fil de ses opérations). Mises ensemble, ces banques de données atteignent le nombre faramineux de 500 milliards d’unités qui peuvent être combinées. L’impression de créativité est en partie produite par la différence abyssale entre la taille et donc la puissance de la mémoire textuelle que l’IA peut exploiter, comparée aux limitations de la mémoire sémantique humaine ou des bibliothèques matérielles. Elle est aussi créée par le fait que le générateur ne copie pas des textes mais re-combine des unités élémentaires trouvées dans les bases de données. Mais cette recombinaison est-elle créatrice ? Il faut partir du fait que tous les éléments de base que le générateur de textes utilise pour produire ses textes proviennent de ces bases de données et donc ne sont pas créés par lui. D’ailleurs, comme il n’a lui-même aucun accès au monde il ne saurait produire de nouvelles connaissances, puisqu’une connaissance naît toujours d’une rencontre avec la réalité. Bien sûr, comme une partie des textes de ses bases de données sont des protocoles de connaissances acquises par des rencontres cognitives avec la réalité, on trouve dans les textes générés aussi des connaissances réelles que tel ou tel interlocuteur humain qui interroge le logiciel ignore encore (c’est pour cela qu’il interroge le logiciel). Mais ces connaissances n’ont pas été créées par le logiciel : elles l’ont été par d’autres humains et consignées dans des textes que l’IA se borne à exploiter. En deuxième lieu ChatGTP3 n’a aucune possibilité de faire le tri parmi les textes qu’il exploite, et par conséquent parmi les textes qu’il crée, entre ceux qui sont vrais et ceux qui sont faux, entre ceux qui sont sincères et ceux qui sont des mensonges (ou des manipulations). Cela est d’ailleurs indiqué (de manière ô combien pudique !) sur le site de l’API : « May occasionally generate incorrect information ». Ce risque n’est pas accidentel, car, certes, ChatGTP3 cause diablement bien, mais il n’a pas la moindre idée de ce dont il cause. En effet, son unique critère de sélection des unités qu’il va enchaîner est de nature probabiliste. Concrètement, dès lors qu’une unité (disons pour simplifier, un mot) a été générée, la décision quant à l’unité qui va être générée à sa suite est basée sur la probabilité

statistique avec laquelle dans la base de données exploitée telle ou telle unité suit l’occurrence de l’unité qui vient d’être générée (c’est en fait un peu plus compliqué que cela, mais cela ne change rien sur le fond de l’affaire). Donc, aucune considération sémantique (c’est-à-dire de vérité, de sens et de signification) n’intervient dans ses décisions. Qu’est que cela implique ? Jean-Gabriel Ganascia, éminent spécialiste du numérique et en particulier de l’intelligence artificielle a écrit dans Le Point que ChatGPT3 « est un perroquet qui répond de manière aléatoire ». L’image n’est pas totalement adéquate. D’une part, elle sous-estime l’intelligence des perroquets, d’autre part, et plus sérieusement, ChatGTP3 ne répond pas de façon aléatoire. La thèse pourrait se soutenir si dans la base de données qu’il exploite les unités se suivaient de manière aléatoire, autrement dit si dans les bases de données la probabilité d’occurrence de tel mot après tel autre était aléatoire. Or ceci n’est évidemment pas le cas, parce que les bases de données consistent en des textes, donc en des constructions cohérentes de discours dont l’organisation n’est pas aléatoire : elle est la mise en œuvre d’un vouloir dire, d’une intention sémantique (généralement) cohérente à défaut d’être toujours juste ou vraie. Dans les bases de données, un contexte rapproché qui contient le mot « atome » a ainsi infiniment plus de chances d’être suivi sinon directement, du moins un peu plus loin, du nom « électron » ou « positron » ou « noyau » etc., que du nom « maillot de bain » ou « amour » ou « dollar » etc. La probabilité calculée par l’algorithme IA étant sous la dépendance des enchaînements probabilistes non aléatoires qui se trouvent dans les bases de données, elle non plus n’est donc pas aléatoire. C’est précisément pour cela que les textes générés sont pratiquement toujours bien formés et cohérents du point de vue d’une lecture sémantique, qui est celle d’un lecteur humain, bien que ce ne soit pas cette dimension sémantique qui a guidé les décisions de l’algorithme. Le pouvoir mythogène de ChatGTP3

Le mode de sélection selon lequel ChatGTP3 génère ses textes a une autre conséquence encore, et qui me paraît bien plus importante. Les énormes bases de données que l’algorithme interroge pour calculer les probabilités qui contraignent la génération de ses textes sont des bases Internet. Or qu’est Internet, lorsqu’on le considère globalement, sinon le dépôt (voire le dépositoire !) des représentations, jugements, évaluations, opinions, humeurs, vraies et fausses croyances, savoirs et faux savoirs de l’ensemble de ses utilisateurs à un moment t ? Créer un texte grâce à un calcul d’ordre probabiliste appliqué à ce corpus va donc se traduire fatalement par un biais en faveur des représentations, croyances, valeurs etc., les plus répandues dans ses bases, donc les plus partagées, les plus consensuelles, les plus dominantes, les plus standardisées, voire stéréotypées etc. Ce qui est consensuel ou dominant est parfois vrai, parfois faux, parfois sincère, parfois mensonger ou manipulateur (voire auto-manipulateur), mais c’est toujours vraisemblable, donc crédible. Ce qui est partagé et consensuel tend en effet à devenir plus crédible (éventuellement jusqu’à fonctionner comme une évidence), de même qu’en retour ce qui est (devenu) crédible a tendance à devenir davantage partagé et consensuel. Or, cette interdépendance du partage, du consensus, de l’accord et du vraisemblable/crédible correspond exactement à la dynamique qui est à la base des mythologies selon la conception de Roland Barthes : des représentations socialement partagées, consensuelles et fonctionnant sur le mode du vraisemblable ou de l’évidence, donc immunisées contre toute épreuve du réel. Si l’utilisation de logiciels du type ChatGTP3, devenait dominante dans la production de textes, ce qui n’est nullement à exclure, cela accroîtrait donc de manière très conséquente le fonctionnement et la fonction mythogènes, d’Internet. En effet, les générateurs IA futurs ne vont plus exploiter des bases de données stables (comme le fait encore ChatGTP3) mais des bases dynamiques, donc sans cesse nourries par de nouveaux éléments. Or, parmi ces nouveaux éléments il y aura bien entendu le corpus de plus en plus vaste des textes créés par des générateurs de textes IA eux-mêmes. Ceci créera une boucle d’auto-renforcement en faveur de ce qui est consensuel etc., les générateurs de textes biaisant ainsi leurs propres bases de données et livrant à leurs lecteurs des produits de plus en plus standardisés. Jusqu’où ? Qui vivra, verra.

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A RC H ÄO LO G I E

Musen-Mosaik Der Fund wurde zunächst verheimlicht: Im Sommer 1994 fanden in Vichten Bauarbeiten an einem Kuhstall statt, bei dem ein Bagger etwa zwei Quadratmeter eines römischen Fußbodenmosaiks freilegte. Die Bauernfamilie fotografierte den Fund, meldete ihn aber nicht den Behörden. Mehr noch: Sie deckten das Mosaik mit Sand ab. Dennoch blieb die Entdeckung nicht geheim; beim Museumsarchäologen Jean Krier geht im Dezember ein anonymer Hinweis ein. In dem E-Book Mosaik – Marmor – Musen, das das MNHA frei zur Verfügung stellt, wird die Geschichte rund um die archäologische Entdeckung aufgerollt (Foto: Eric Chenal). Der Leser erfährt dort, dass die Villa vermutlich die Sommerresidenz einer vermögenden Treverer Adelsfamilie war und verkehrsgünstig am römischen Straßennetz lag, das Arlon und Trier sowie Reims und Köln verband. Laut den Motiven war der Bauherr an Kunst und Literatur interessiert:

Abgebildet sind neun Musen, Schutzgöttinnen der Künste, und der dichter Homer. Ob die Familie die Villa je bewohnte, ist unklar, zu viele Aspekte deuten darauf hin, dass die Residenz nie fertiggestellt wurde. Neben diesen Erläuterungen befinden sich im Buch zusätzlich fachliche Details zu Marmorsorten und Charakteristiken zu ZweifeldMosaiken. In einem Gespräch diese Woche mit dem WortJournalisten Marc Thill, erinnert sich der Archäologe Rainier Fischer an den Fund: „Wir waren damals wie beseelt.“ Der Archäologe verfasste das Buch während der Pandemie. sm

C I N É M A

Renaissance Le Luxembourg City Film Festival sort grandi de trois années de frustrations liées aux restrictions sanitaires. La treizième édition (du 2 au 12 mars) est sans doute la plus prestigieuse proposée à ce jour, notamment en termes d’invités. À commencer par le président du jury, le réalisateur iranien Asghar Farhadi. C’est bien la première fois qu’un détenteur de deux Oscars (du meilleur film étranger pour Une séparation en 2012 et Le client en 2017) participe au festival luxembourgeois. Il sera entouré de l’actrice luxembourgeoise Marie Jung, du réalisateur israélien Nadav Lapid, de l’acteur fétiche de Xavier Dolan, Niels Schneider, et de la productrice

Sylvie Pialat. Le festival démarrera sur la comédie d’époque de François Ozon, Mon crime, et se clôturera sur A Good Person de Zach Braff où une jeune femme tente de se reconstruire après avoir causé un accident. Côté invités, les organisateurs annoncent la venue de Margarethe von Trotta, dont le film Ingeborg Bachmann, Reise in die Wüste aura sa première internationale à l’occasion de la cérémonie de remise de prix. Les réalisateurs et réalisatrices des films en compétition officielle ont largement confirmé leur présence, preuve que le LuxFilmFest est désormais dans les agendas. Neuf titres seront en lice, dont trois sont des (co)productions grandducales, là aussi, du jamais vu : 1976 de Manuela Martelli, un thriller politique tourné au Chili ; Saules Aveugles, Femme Endormie de Pierre Földes (Doghouse films), un film d’animation basé sur les romans de Haruki Murakami ; Autobiography de Makbul Mubarak, un drame sur la corruption et le mensonge ; The Kings of the World de Laura Mora Ortega (Iris Production), sur la vie actuelle en Colombie ; Leonor will never die de Martika Ramirez Escobar, un hommage aux films

d’action philippins des années 70 et 80 ; Maret de Laura Schroeder (photo : Red Lion), un drame sur la perte de mémoire ; The quiet Girl de Colm Bairéad, une histoire de secret de famille ; l’étrangeté de la relation entre un père et sa fille est à l’œuvre dans I have electic Dreams de Valentina Maurel et World War III de Houman Seyedi un drame aux accents parfois comiques sur les jeux de pouvoir en Iran. Des avant-premières de films luxembourgeois (Kommunioun de Jacques Molitor, L’invitation de Fabrizio Maltese et pas moins de 19 court-métrages), la compétition documentaire, la sélection hors compétition, les conférences et master classes, la VR et des tas de collaborations avec des institutions culturelles complètent le programme à retrouver dans son intégralité sur luxfilmfest.lu. fc

P O L I T I Q U E

Le pour cent Depuis 1999, l’État luxembourgeois s’est imposé d’investir dans la création artistique en y consacrant un pour cent du coût total des grands projets de construction ou de rénovations complètes de bâtiments publics, suivant le modèle du « un pour cent culturel » en France et du Kunst am Bau en Allemagne (lire d’Land 19.11.2021). Une nouvelle loi a été votée cette semaine à

la Chambre des députés pour donner un cadre légal autonome à ces commandes publiques. Le but de cette nouvelle loi est de donner plus de visibilité à l’« intégration d’œuvres artistiques dans les édifices publics ». Ce nouveau texte doit aussi offrir plus de flexibilité aux maîtres d’ouvrage et simplifier les démarches logistiques et administratives. Si l’État joue assez bien le jeu, notamment dans les lycées (ce qui devra être confirmé par un inventaire en cours), les acteurs para-étatiques et communaux sont jusqu’ici relativement absents. La loi prévoit dès lors que les constructions bénéficiant d’un financement ou d’une subvention à hauteur de 25 pour cent du coût global de la part de l’État et recevant du public devront intégrer des œuvres d’art dans ou autour du bâtiment. Le montant est plafonné à 500 000 euros. Pour que chacun y voie clair, artistes et autorités en charge de la réalisation d’un immeuble public, un guide explicatif est en cours de réalisation. fc

L I T T É R AT U R E

Écouter l’herbe pousser Une nouvelle maison d’édition vient de voir le jour au Luxembourg. Michikusa Publishing veut promouvoir une niche littéraire dans la niche éditoriale en s’intéressant à la poésie, déjà peu représentée et plus particulièrement à la poésie autour de la nature ou écopoésie.

Le mot Michikusa est un terme japonais signifiant « l’herbe sur le côté » et est utilisé dans une expression signifiant « perdre du temps en chemin ». Un nom qui est déjà un programme. « Nous pensons que lire et publier de la poésie dans notre monde au rythme effréné est une belle façon de perdre du temps », écrivent les fondateurs de la maison, Robert Weis, Marianne Kayser et Zsuzsanna Gaal. Le premier, géologue au Musée national d’histoire naturelle, signe la publication inaugurale, au format poche, imprimée sur un papier gris et doux. Rêves d’un mangeur de kakis et autres poèmes rassemble des textes courts, parfois des haïkus, inspirés par les voyages, les rêveries intérieures et l’observation de la nature. fc

danse sonne-t-elle ? Les deux arts sont intimement liés dans ce concert dansé (à moins que ce soit une chorégraphie musicale (photo: Bohumil Kostorhyz). À l’occasion du centième anniversaire de la mort de Ligeti, le spectacle partira en tournée en Allemagne et en Autriche tout au long de l’année, dans une version adaptée, notamment avec un enregistrement audio de la pianiste Cathy Krier dont le piano ne peut être accueilli sur la scène avignonnaise. fc

DA N S E

Export Le Festival Off d’Avignon n’accueille pas seulement du théâtre, mais également de la danse. Elisabeth Schilling a été invitée à participer au programme « On (y) danse aussi l’été ! » avec sa pièce HEAR EYES MOVE. Dances with Ligeti. Il s’agit d’une interprétation chorégraphique des 18 Études pour Piano du célèbre compositeur hongrois György Ligeti (Lire d’Land 25.06.2021). Les cinq danseurs explorent la relation étroite entre musique et danse dans une perspective d’échange : comment la musique se déplace-t-elle ? Comment la

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E X P O S I T I O N

Bizarre autant qu’étrange En parallèle au LuxFilmFest, le Cercle Cité organise chaque année une exposition en lien avec le cinéma. On a vu passer l’univers de Wes Anderson, les décors de films tournés au Luxembourg ou les souvenirs liés à Hitchcock. Avec la série de photographies Small Stories, on entre dans l’univers très particulier de David Lynch (jusqu’au 16 avril). On se souviendra d’ailleurs que le cinéaste fut d’abord plasticien, travaillant avec un large éventail de médias comme le dessin, la peinture, la sculpture, la lithographie ou encore la musique et le design. L’exposition rassemble 54 des 55 images que Lynch avait réalisées en 2014 pour une exposition personnelle à la Maison européenne de la photographie à Paris. S’il considère que l’ensemble doit être vu comme une seule et même série, la commissaire de l’exposition, Anastasia Chaguidouline, parle de séries « petites histoires », de « rêves éveillés » et de « paysages oniriques ». Elle a aménagé le Ratskeller en écho à l’univers du réalisateur : musique dès l’entrée (The Big Dream), rideaux rouges, lumières vacillantes. La première salle est plus surprenante avec des « portraits sans visages » où se lisent les obsessions du photographe comme son habileté technique à superposer diverses couches d’images. Une cicatrice, un appareil dentaire, un immeuble,

un orage ou l’ombre d’une main semblent entrer dans les têtes de manière métaphorique. Dans la salle principale (photo : Olivier Halmes), des scènes d’intérieur succèdent aux scènes d’extérieur, des vitrines répondent à des natures mortes. Dans les images, on retrouve les motifs récurrents de l’univers artistique et cinématographique de David Lynch : des pièces hantées, des personnages aux proportions étranges, des insectes envahissants, des villes effrayantes, des nus grotesques. Face à ces photographies, les frontières entre le beau et le laid, le magique et le bizarre, l’angoissant et le curieux s’estompent. Les œuvres sont accompagnées de projections hebdomadaires des premiers courts-métrages de David Lynch. Son tout premier film tourné en 1967, intitulé Six Men Getting Sick, décrit le passage de la peinture et de la sculpture à l’image animée. Celui qui a commencé à réaliser des films pour « peindre le mouvement » voit ici se concrétiser son « désir ardent que se produise quelque chose qui sorte de l’ordinaire ». fc

Tablo


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THE ATER

Ein Dreieck hat drei Ecken Claude Reiles

Am TNL gastiert Goethes Stella als knallige Ausleuchtung grenzwertiger Liebesentwürfe. Doch es knirscht in der Stilistik TNL

bere Trennungen in Aussicht, schlägt es einen verzichtend in die Flucht? Oder bildet ein Dreieck drei Ecken, die untrennbar sind? Bevor Stella (Nora Koenig) überhaupt erst einmal die Bühne betritt, liefern sich der Gastwirt (Germain Wagner), Fernando (Thomas Braus) und Rebekka Biener als Lucie einen Schlagabtausch an Lebenseinstellungen, die sich um die Möglichkeit der Liebe und ihrer Freiheit ranken. Insbesondere die junge Lucie zelebriert ihr Frausein als Ausdruck betonter Unabhängigkeit: „Denn wenn ich mich einmal nach jemandem richten soll, so muß Herz und Wille dabei sein; sonst geht’s nicht (…) Ihr Herren dünkt euch unentbehrlich; und ich weiß nicht, ich bin doch groß geworden ohne Männer.“

Nora Koenig als Stella

„Wer sich selbst und andre kennt/ Wird auch hier erkennen:/ Orient und Occident/ Sind nicht mehr zu trennen“: In seiner 1819 erschienenen und 1827 erweiterten Gedichtsammlung Westöstlicher Divan veröffentlichte Johann Wolfgang von Goethe eine breite Palette an kürzeren, lyrischen Gedichten, seiner klassischen Ästhetik entsprechend in eine strenge, aber zumeist fließend-unbemühte metrische Form gefasst. Teils im lockeren Paarreim spricht das lyrische Ich sich für die Vereinigung, ja das gleichberechtigte Nebeneinander unterschiedlichster Kulturen, so auch des Islams, aus. Im offenen Geist und den gelegentlich auf Sentenzen heruntergebrochenen Lebensweisheiten dieser

Sammlung tun sich Parallelen zum ethisch revolutionären Entwurf eines menschlichen Liebeslebens in Goethes Frühwerk Stella. Ein Schauspiel für Liebende auf, das in seiner Urfassung von 1776 nicht auf die Bühne durfte. Der jugendliche Stürmer und Dränger erwies sich in seiner Andeutung einer Ménage-à-trois als Nachwuchsautor, dessen Ideen zu früh, zu freigeistig und ethisch entfesselt waren. Das bürgerliche Publikum zog die rote Karte für dieses szenische Too much! Regisseur Stefan Maurer hat sich Goethes dramatischer Vorlage am Schauspiel Wuppertal in einer Koproduktion mit dem TNL angenommen und den Schluss der ersten mit jenem der zweiten Fassung

vermischt: Ein Publikum, das gegen eine offene Dreiecksbeziehung Sturm lief, verdaute den Selbstmord als Flucht aus dem Dilemma offensichtlich leichter. Make war, not love. Zur Handlung: Cäcilie und Tochter Lucie erscheinen in einem Gasthaus im Bestreben, in die Dienste von Stella zu treten, die vor drei Jahren von ihrem Mann Fernando verlassen wurde und noch dazu dem Tod ihres Kindes nachtrauert. Cäcilie, die auch seit Jahren unter einer Trennung leidet, muss erkennen, dass ihr Geliebter kein geringerer als eben dieser Fernando ist. Ein unentwirrbares Gefühlschaos bricht aus und niemand weiß wohin. Die drei treffen an Ort und Stelle aufeinander. Stehen sau-

Die Erwägung einer Flucht aus der in Stein gemeißelten Monogamie wird von der Regie und von Bühnen- wie Kostümbildner Luis Graninger auf mehreren Ebenen unterstrichen. Seitentreppen führen nach hinten ins dunkle Irgendwo von Stellas Gemächern. Dazwischen hängt ein blaues Tuch von der Oberbühne herab, das sich mit orangenen und hellgrünen Blumenmotiven über dem Bühnenboden ausbreitet. Das Farbmuster weckt Erinnerungen an die Siebziger und ihre losgelöste Sexualmoral. Unterstützt werden diese Töne durch das fingierte Anzünden eines Joints und wilde Tänze auf dröhnende Beats. Zum Auftritt der seit drei Jahren zurückgezogen lebenden Stella sinkt der erste Vorhang und ein zweites Tuch mit blasseren Blüten tritt zum Vorschein: ihre Einsamkeit. Die erneut eruptierende Lust auf den Rückkehrer Fernando findet ihren Ausdruck im Liebesspiel unter diesem Stoff. Wird sie sich mit ihm noch einmal in die Flowerpower unbekümmerter Jugendjahre wagen? Doch das Umherirren zwischen Dürfen und Wollen, die Frage nach dem Wer mit Wem, finden ihren Ausdruck in einer wiederholten, zuckenden, spastischen Choreografie auf Club-Musik. Hier empfindet ein jeder seine Sehnsucht, eine jede ihre

Lust, doch Feigheit, Misstrauen und das eigens auferlegte Korsett bieten noch keine Peilung. So ist es der Gastwirt, dem die Regie wiederholt Goethes Verse aus dem Westöstlichen Divan in den Mund legt, um mit erhobenem Zeigefinger zu mahnen, Mut zu- und Verfehlungen anzusprechen, Denkregister zu sprengen. Allerdings steckt die Krux in diesem Kunstgriff: Die mit verschmitzter Mimik übermäßig heiter eingeworfenen Weisheiten des Gastwirts lassen Fernandos liebestrunkene Schwüre und Verzweiflungsverse stellenweise zu Kitsch verkommen. Was in Goethes Original ernst, ja tragisch klingt, büßt im Kontrast der Quellen und Stile an Ernsthaftigkeit ein. Fernandos Verzweiflung verkommt in diesen Momenten zum rührseligen Pathos. Goethes Frühwerk ist damit kein Dienst erwiesen. Die Inszenierung schließt am Schluss originell: Während Fernando sich am Ende abwechselnd erschießt, erschossen wird und wieder hochkommt, und alle in gemeinsamer Lust vor die erste Publikumsreihe treten, schmeißt der Kellner den Faust in den Ring und beschwört den reinen Genuss im Moment: „Werd ich zum Augenblicke sagen: Verweile doch! du bist so schön!“. Im Rückblick inszeniert Stefan Maurer Goethes Stella als Liebesspiel voller Zerrissenheit und Befreiung. Die satirischen Elemente zeigen ihre Wirkung, gliedern sich thematisch ein, dämpfen den tragischen Kern von Goethes Sprache jedoch zu sehr.

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Stella von Johann Wolfgang Goethe; eine Produktion des Schauspiel Wuppertal in Zusammenarbeit mit dem TNL; Regie von Stefan Maurer; Bühne und Kostüme von Luis Graninger; Dramaturgie von Barbara Roth; mit Nora Koenig, Julia Wolff, Thomas Braus, Rebekka Biener und Germain Wagner

DANSE

Corps sons et sons corps Godefroy Gordet

En février 2020, nous commentions un 3 du Trois titré « danse et identités », et pendant lequel s’installaient les travaux de Valerie Reding et Jill Crovisier, deux artistes incontournables. La seconde était à retrouver sur scène, exactemùent trois ans plus tard. Pour cette édition, le Trois-CL signe « l’urgence poétique » et associe, le travail en cours de la chorégraphe et interprète irlandaise Magdalena Hylak, qui montrait avec le musicien Lionel Kasparian leur expérimental A Dance, au quasi fini Léon de Laura Arend, jeune artiste du sillon lorrain, accompagnée pour cette création à deux semaines de sa première, des interprètes Jeremy Alberge, Jill Crovisier, Océane Robin, Esteban Appessesèche, Mathilde Plateau. Par-dessus, en guise d’introduction, l’omniprésent des scènes luxembourgeoises Bohumil Kostohryz et la journaliste Marie-Laure Rolland présentaient leur court-métrage Anne-Mareike Hess : Le corps en état d’urgence, portrait sensible d’une artiste en création, au-prise aux aléas de la pandémie, comme un vif symbole de l’étrange période qu’aura été la saison 2020-2021 et sa suite…

Léon de Laura Arend

nants avec l’artiste, nous permet une forme d’immersion, et une compréhension de l’état dans lequel se trouve un artiste qui créé, qui, tel le parent préoccupé, « enfante », finalement. Bondé, le foyer de la Bannanefabrik est occupé d’un brouhaha qu’on n’avait pas entendu depuis « l’avant ». C’est beau de voir que le public est revenu. Il aura fallu du temps, mais nous y sommes

DR

Dès le début, le silence est presque parfait devant le film. Face aux images mettant en scène en douceur et sincérité la magnifique artiste qu’est Anne-Mareike Hess, chacun se souvient et se tait. S’il n’est pas parfait ce film, il est plein de qualités. Ça se voit dès les premiers plans, ce court documentaire vient d’une nécessité, d’un besoin de témoigner, d’abord du processus créatif d’une artiste, puis, de cette situation dramatique qui aura paralysé le monde, et au-dedans, aura fait muter tant de visions artistiques. En fait, ce film, forcé contraint de s’éloigner de son propos originel, prend au cœur un tournant très intéressant. En suivant Anne-Mareike Hess dans cet « avant », puis cet « après », ce qu’on voit c’est la transformation d’une artiste, et ce, d’une façon très intime. Rarement, il est possible de s’incruster aussi près des joies et bonheurs, mais aussi des doutes et fragilités qu’emplissent la périlleuse aventure qu’est la création d’un spectacle, surtout dans ce cadre si particulier. Ici, la proximité des interve-

ceux qui possèderaient des appareils auditifs sont priés de les éteindre, c’est dire… Cette forme labo en respecte les codes, montrant une tentative, une recherche symbiotique entre deux artistes de champs artistiques spécifiques, et visiblement très complémentaires. L’avenir leur tend les bras à ces deux-là, qui prospectent à une forme alternative, sans histoire, ni chichis, brute et instructive, telle une expérience partagée entre scène et salle.

enfin, dans ce fameux « après ». Du bruit, Magdalena Hylak, et Lionel Kasparian ont décidé d’en faire une musique à leur A Dance, duo entre son et mouvement, où le corps supporte l’un et où le son devient corps… Là, la danseuse irlandaise joue de répétitions insensées qui font tournoyer son corps devenu un outil à la musique, quand le sonoriste badigeonne l’espace de sonorités proches de l’expérience scientifique. On nous a averti en amont,

Pour finir, dans Léon, à nouveau, le corps chante, sonne, rythme. Chez Laura Arend tout commence par des pas, faisant résonner le sol d’une rythmique symphonique et puis, les corps habités, la pièce peut vêtir des habits plus traditionnels. Démarré, Léon, emprunte aux folklores du conte, des danses traditionnelles, et contemporaines, dans une énergie folle. Six en scène, dont la chorégraphe – toujours le pari risqué de la double position –, chacun guette le bonheur, parti pris chorégraphique. Au détour de l’ingurgitation d’une pomme rose bonbon de sucre, Laura Arend engage sa réflexion sur l’épicurisme : la recherche du plaisir sans ambages. Et autant qu’eux, nous en prenons devant ce qu’on nous donne comme la dernière partie d’un spectacle plus grand qui se jouera en première à Boulogne-sur-mer au Théâtre Monsigny le 17 février. Pourtant, si l’objet est plein de joyeuseté on sent encore un besoin fort de travail. Ils ont pour l’instant bénéficié de seulement quelques jours ensemble pour associer morceaux narratifs, geste chorégraphiques et énergies communes, pour sûr une grande étape les attend dans la finalisation de cette pièce qui pourtant, pétille déjà. Alors, fort d’interprètes au talent indéniable, si le passage choisi convainc, reste à savoir comment Arend va emmener son public vers ce dernier acte. Toute la question est là. Mais qu’on se rassure, la chorégraphe en charge a du plomb dans l’aile, son parcours en témoigne. Quoi qu’il en soit, en attendant de voir l’entièreté au Luxembourg – avis aux programmateurs –, ils vécurent heureux et…

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Sortir de l’ombre

GROSSREGION

ProtoInstagram

Entretien : Loïc Millot

Cinéaste, anthropologue, peintre ou photographe ? Pedro Costa est un peu tout cela. Il était invité à la cinémathèque et au cinéma Klub

In Arlon geht eine Ausstellung über Postkarten Dörferhistorien nach. Dabei erfährt der Besucher auch, welche Funktionen Postkarten ursprünglich hatten

d’Land : Votre père était journaliste et il a été l’une des « voix » de la Révolution des Œillets... Pedro Costa : Pendant deux mois, mon père a retransmis les communiqués de la Révolution des Œillets. J’avais presque treize ans quand celle-ci a eu lieu. Je me souviens encore des manifestations dans les rues. Ce changement m’a accompagné jusqu’à l’université, où l’histoire que j’ai étudiée était très différente de celle de la génération de mon père.

Eigentlich sollten diese Woche die 30 vergrößerten Postkarten im Gaspar Museum in Arlon von den Wänden entfernt werden:. Das Ausstellungsende war für Ende Januar vorgesehen. Aber die Geschichtsrekonstruktion von Dorfhistorien anhand von Postkarten hatte einen Nerv bei den Besuchern getroffen. Und deshalb entschied die Museumdirektorin, Valérie Peuckert, die Exponate von Environs d’Arlon, vues de nos villages weitere sechs Monate auszustellen. Die Postkarten veranschaulichen das Umland der Stadt gegen Ende des 19. Jahrhunderts bis in die Zwischenkriegszeit hinein. Also die Zeit, nachdem Arlon 1839 zum chef-lieu der Provinz Luxemburg ernannt wurde und eine erste damit zusammenhängende Urbanisierungsphase durchlaufen hatte (wie beispielsweise der Bau einer Hochschule und einer Militärkaserne).

Vous avez une formation d’historien avant de vous orienter vers des études cinématographiques. Le choix du cinéma, était-il une autre façon d’écrire l’histoire, en l’occurrence une histoire populaire, officieuse, du Portugal et de ses marges ? Non, au début, je n’avais pas ce projet en tête. Ce qui est en revanche certain, c’est que l’histoire a beaucoup à voir avec le cinéma. J’étais déjà très cinéphile, je voyais tout ce qui passait en salles, mais l’idée de devenir réalisateur est venue plus tard. J’ai intégré l’école de cinéma en 1981. Je devais y rester trois ans et demi, mais je suis parti au bout de deux ans car on m’a proposé un travail d’assistant à la production. Je pensais pouvoir concilier les deux, l’école et le métier, mais ce n’était pas possible. J’ai donc quitté l’école. António Reis (1927-1991) était un de vos professeurs. Comment se déroulaient ses enseignements et quelle influence a-t-il eu sur votre travail ?

On connaît votre goût pour la peinture flamande en particulier. Or dans Trás-os-Montes, on est en pleine peinture hollandaise Tous les grands films ressemblent un peu à cela, dès lors qu’ils ont un côté documentaire. J’aime ce moment où la peinture devient « documentaire ». C’est la peinture hollandaise qui, la première, commence à regarder les gens, les métiers, la campagne, les villes, les intérieurs, les fêtes... Tout ce que va faire le cinéma ensuite. J’ai l’impression que la construction constitue chez vous un modèle cinématographique. Non seulement le montage est un enchevêtrement de briques, mais vos films sont remplis de manœuvres, de maçons, d’histoires de chantiers, de maisons en construction ou en démolition.

Vous êtes attaché à une certaine tradition de travail avec des acteurs non professionnels. Considérez-vous que le cinéma puisse être un instrument d’émancipation, une maison où chacun aurait sa place ? Je dois avouer que j’ai fait deux films qui mélangeaient un peu les deux, acteurs et non-acteurs : O Sangue et Casa de lava (1995), avec des gens du village où l’on tournait. Dans mon troisième film aussi, Ossos (1997), il y avait quelques acteurs aussi. À partir de La chambre de Vanda, j’ai décidé de changer de façon de faire et de produire seul, avec moins d’argent et de moyens, d’adopter une façon plus « documentaire » et une durée plus longue, il a fallu faire avec des gens qui n’étaient pas professionnels. C’est une autre façon d’envisager le cinéma. Mon rêve de cinéma, c’est autre chose que d’écrire un scénario et de répondre aux impératifs d’un casting. Le casting, c’est selon moi le premier pas vers une espèce de « fascisme » : tu dois regarder qui est plus beau que l’autre, examiner ses cheveux, sa voix… Réaliser des films avec de tels principes ne m’intéresse pas. Cela exclut beaucoup de monde.

Que devient aujourd’hui Vanda, la protagoniste d’Ossos, de La Chambre de Vanda et d’En avant jeunesse ! (2006). Avez-vous des nouvelles d’elle ? Est-elle sortie de la dépendance à la drogue ?

Portugal. Il semble n’y avoir ni révolte, ni lutte en eux, aucune possibilité de changement ne semble possible de leur côté, comme s’ils étaient définitivement vaincus...

Elle est partie en Allemagne travailler avec son mari en 2007 ou 2008. Elle a coupé les liens avec tout le monde, avec sa famille. Sa fille, que l’on voit dans La chambre de Vanda, est morte, à seize ans, au Portugal. Dans En avant jeunesse, je me souviens qu’elle essayait de décrocher, elle était alors sous méthadone.

En Europe, parmi les immigrants, on ne trouve pas vraiment de révolte, mais plutôt un désir d’intégration. On veut avoir un travail et vivre discrètement. Chez moi, au Portugal, c’est la même chose, mais en plus pauvre. Peut-être les Cap-Verdiens sont-ils plus résignés, plus dociles, je ne sais pas... Je crois que cela démontre surtout la puissance du capitalisme dans chaque lieu, et de ses formes sans cesse renouvelées pour résoudre ses problèmes.

Quel regard portait-elle sur votre film, la Chambre de Vanda, et donc sur elle-même ? Est-ce que votre film a eu un effet positif sur elle ? Elle le voyait comme une espèce de comédie, voire de film burlesque, sur elle-même et le quartier Fontainhas, à Lisbonne. Je trouvais ce monde pathétique, très cruel. Un film n’est malheureusement pas assez puissant pour réaliser un changement. En revanche, l’argent le peut. Si on avait beaucoup d’argent avec des acteurs très bien payés, là ça changerait tout… Il y a de nombreux cas dans l’histoire du cinéma où des acteurs non professionnels se sont soudainement enrichis. Mais en général, ça finit très mal… Il y aurait un malentendu au sujet de votre supposé caravagisme. Les clairs-obscurs résultent plutôt d’une contrainte technique liée aux lieux exigus, pleins d’ombres, que d’une intention esthétique de votre part, c’est bien cela ? Comme on a très peu de lumière artificielle, il faut se placer près des rares sources de lumière naturelle dont on dispose. Pour moi, ça a commencé avec La chambre de Vanda ; il se trouve que la lumière qui entre par des fenêtres prend une forme directionnelle. Normalement, on a une source de lumière autour de laquelle on fait des éclairages. Dans ce film, j’ai laissé le noir autour de la seule lumière qui était présente dans la chambre de Vanda ou la maison des garçons. Je travaillais avec des caméras bon marché, pour amateurs, qui ne sont pas suffisamment sensibles. J’ai donc exposé les visages et laissé tout le reste noir. Quelqu’un, après avoir vu le film, a évoqué Caravage. Moi, d’un point de vue plastique, je trouve cela dommage pour Caravage, car dans ses noirs, il y a tout de même des détails, des contours… Beaucoup de choses qui n’ont rien à voir avec un travail en vidéo. Le malentendu vient plutôt du fait que je n’apprécie pas tellement la peinture de Caravage. Je lui préfère la peinture flamande, les paysans, la nature, le sens du collectif, une certaine atmosphère, tout ce qui n’est pas dans mes films finalement ! Mais mon ambition, ce serait un jour de parvenir à sortir de la chambre, du noir. Les Cap-Verdiens présents dans vos films paraissent exploités, abattus, dégradés par les conditions d’accueil inhumaines au

D’où viennent les photographies en noir et blanc mises au début de Cavaleiro Dinheiro (2014) ? C’est un photographe danois émigré aux États-Unis au début du vingtième siècle, Jacob Riis (1849-1914), un homme plutôt militant qui écrivait sur ce qu’il voyait. Il a beaucoup photographié les immigrants de New York, dans les tènements. J’ai souhaité que mon film débute avec ses photographies pour confondre les temporalités et pour acter d’une réalité immuable ; la photo a en outre un caractère funeste, c’est fixé.

Weit mehr als soziologische Details zum Dorfleben wählte die Kuratorin und Museumsdirektorin Peuckert politische und geographische Angaben. Über Heckbous beispielsweise erfährt der Besucher: „Der dort herrschende katholische Graf sträubte sich unter die protestantische Herrschaft der Orangier-Nassau zu fallen. Und deshalb wurde die vom großherzoglichen Territorium umzingelte Siedlung Heckbous aus religiösen Gründen nicht ins heutige Luxemburg eingegliedert.“ Über Clairefontaine wird berichtet, hier stünde das einzige Zisterzienser Frauenkloster, dessen Grundrisse im Original erhalten sind. Aber auch zeitgenössische Details werden über die Dörfer vermittelt. So ist über Weyler zu lesen, die Ortschaft erfahre eine „explosion démographique en raison de la proximité du Grand-Duché de Luxemburg“. Dass die Grenzen im Arelerland zwischen Belgien und Luxemburg porös sind, wird darüber hinaus an linguistischen Eigenheiten deutlich: Der Ortsname Udange stammt vom germanischen Udingen. Der Ort war zudem der Grafschaft Koerich zugeordnet.

Il y a aussi un beau tableau, le portrait d’un homme noir que l’on rencontre au début du film... Au cinéma, quand on filme un Noir, le plus souvent, il n’apparaît pas. Même Ken Loach, cinéaste de gauche, filme les Noirs avec ses pieds ; il s’en fiche totalement. Même la plupart des films africains oublient cela et se préoccupent plus de contenu que de forme. Mais chez Rubens, chez Géricault, Delacroix, il y a de belles esquisses de têtes de Noirs, en lien avec une peinture de l’esclavage et des serviteurs. Ce sont des gens engagés dans un travail soigné : c’était des « professionnels ». Ils m’ont montré comment traiter des peaux foncées, celles qui reflètent le plus la lumière. Commence alors un travail sérieux, comme cette huile de Géricault placée au début de Cavaleiro Dinheiro. Géricault n’avait pas nos problèmes d’éclairage électrique, mais il savait rendre toutes les nuances et les beautés de cette couleur. Certains croient que mes films veulent montrer la beauté de la misère, mais ce n’est pas ça : nous menons un travail décent, à la fois de physionomie et de reproduction de leurs vies et de leurs rêves en fiction avec leurs propres mots en créole. Que fait votre acteur fétiche, Ventura, quand il n’est pas l’interprète de vos films ?

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Il vit avec sa femme et ses enfants et mène une vie de retraité à Lisbonne.

Musée Gaspar

Oui, peut-être. Dans mon premier film, O Sangue (1989), il y avait quelque chose de cela, la peur de perdre sa maison. Je crois que la peur de perdre un père, une mère, des amis, a quelque chose à avoir avec la maison… On dit d’ailleurs souvent qu’un film, c’est une maison. Cela vient sans doute du fait que j’ai commencé à travailler avec des gens qui étaient maçons. Cela dit, beaucoup de films américains classiques ont auparavant filmé la vie de maçons dans les villes. Il y a par exemple ce film qui est pour moi l’un des plus grands films des années cinquante, Give Us This Day (1949), d’Edward Dmytryk, l’un des « Dix d’Hollywood » (cinéastes blacklistés sous le maccarthysme, ndlr).

Pedro Costa lors de son passage au cinéma Klub de Metz

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Il est le professeur qui m’a fait passer le concours d’admission, basé sur des entretiens. J’ai ai très vite compris qu’il était la force majeure de cette école. Il y avait bien sûr d’autres cinéastes, mais lui était vraiment à part : il était poète, ethnologue. Dans sa jeunesse, il avait mené plusieurs travaux au Nord du Portugal. Au moment où j’intègre l’école, il vient tout juste de réaliser un film important (Trás-Os-Montes, 1976), qui a été très apprécié, suivi d’un deuxième et d’un troisième film. Puis il est mort. António Reis montrait des films, puis on en parlait ensemble ; il nous incitait aussi à écrire sur les films. Je me souviens qu’à cette époque l’école avait une petite filmothèque, une vingtaine de films classiques en pellicule 35 mm – on y trouvait Tabou (1931) de Murnau, Voyage en Italie (1954) de Rossellini, La Ligne générale (1929) d’Eisenstein. Pendant la majeure partie des cours, il parlait, mais pas de cinéma. À partir d’un film ou d’un plan, il convoquait la peinture, la sculpture, les arts primitifs très souvent, ou encore des poteries et des tapisseries, ce qui l’intéressait plus encore que le cinéma. Il s’éloignait du cinéma, en nous parlant d’églises, de cathédrales, et je crois qu’il a bien fait.

Abgebildet auf den Postkarten ist das Dorfleben – Frauen in Schürze, Gendarmen oder Kinder stehen neben Karren oder Milchkühen auf ungeteerten Straßen. Vor allem der Dorfkern und seine Häuser wurden abgelichtet. Manche Vorderseiten sind beschriftet, wie bis 1904 üblich, erst danach beschrifteten die Absender die Rückseite. Man verwendete die Ansichtskarten, um Termine unter Verwandten oder Geschäftsleuten zu vereinbaren oder Kurznachrichten während einer Reise zu verschicken. Der Versandpreis wurde dabei anhand der Schriftzeichen berechnet. Manche Postkarten enthalten nur den Namen des Absenders und keine weitere Botschaft. Somit erinnern sie an eine Art Proto-Instagram: „the picture is the message“. Überhaupt hing ihre Popularität mit der Erfindung des Fotomechanisierungsverfahren in den 1890-er-Jahren zusammen. Jedoch nicht ausschließlich; sie waren vor allem eine günstige Alternative zu Telefonen und gewöhnlichen Briefen. Außerdem kamen Postkarten vergleichsweise zeitnah an - zuweilen noch am Tag der Versendung.

Postkarte aus der Ortschaft Weyler

Arlon, eine der ältesten Städte Belgiens, geht auf die römische Siedlung Orolaunum um 52 v. Chr. zurück. Damals existierten bereits um die Stadt Dörfer und Weiler; die offiziellen Gründungsdaten der umliegenden Dörfer liegen jedoch zwischen dem 13. und 15. Jahrhundert. Zusätzlich zu den 30 vergrößerten Postkarten werden 490 Illustrationen an eine Wand projiziert. Die Sammlung wurde von Jean Dujardin (1916-1999) ans Archäologische Museum der Provinz Luxemburg vererbt. Wer sich für das lange 19. Jahrhundert interessiert, wird im Musée Gaspar auch über die Ausstellung Environs d’Arlon hinaus fündig. Stéphanie Majerus

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MUSIQUE CLASSIQUE

Casting de rêve José Voss

Sébastien Grébille

rude épreuve les instrumentistes, notamment les vents et les cuivres, tandis que du chef elle exige qu’il trouve le juste équilibre entre les pupitres – tâche ô combien difficile (en ce que l’effervescence et les accents dynamiques ne doivent pas verser dans le débraillé), mais dont Sir Pappano s’acquitte avec brio.

Toute l’ardeur de Víkingur Olafsson

Le 4 février, Sir Antonio Pappano, à la tête de l’Orchestre de l’Académie nationale de Sainte Cécile, et avec le concours d’une valeur sûre du piano, a relevé un défi qui n’est pas à la portée du premier venu : réussir à faire le grand écart entre inspirations venues de l’Est, du Sud et du Nord. La soirée démarre sur les chapeaux de roue, avec la Symphonie classique de Serge Prokofiev. De cet habile pastiche néo-classique, pétri du plus pur esprit haydnien (preuve que l’on peut être à la pointe du modernisme et rendre hommage à la rigueur et au sens de la forme des classiques), le maestro Pappano, italien de culture, anglo-saxon de formation, nous offre, à la barre d’une des plus anciennes institutions musicales (plus de quatre siècles d’histoire), une lecture électrisante, d’un foisonnement expressif typiquement méridional par son exubérance même. En cette époque d’homogénéisation tous azimuts et de perfection souvent froide, la phalange romaine affiche une personnalité du son précieuse, qui se caractérise par la richesse et la chaleur des couleurs ainsi que par le panache du jeu individuel. Or, cette fibre plutôt latine se conjugue avec une recherche de la rigueur et une exigence du travail d’équipe qui ne sont pas vraiment des vertus transalpines.

Ministère de la Mobilité et des Travaux publics Administration des Bâtiments publics

Avis de marché Procédure : européenne ouverte Type de marché : Travaux Modalités d’ouverture des offres : Date : 17.03.2023 Heure : 10.00 heures Section II : Objet du marché Intitulé attribué au marché : Travaux de faux-plafonds à exécuter dans l’intérêt du Lycée technique pour professions de santé et hall des sports Logopédie à Strassen - phase 2 : Lycée Description succincte du marché : Travaux de faux-plafonds acoustiques à lames en feutre : – Faux-plafonds modulaires à lames en feutre, ± 2 300 m² ; – Habillages muraux modulaires à lames en feutre, ± 120 m². Les travaux sont adjugés à prix unitaires. La durée des travaux est de 123 jours ouvrables, les travaux sont prévus pour début du 2e semestre 2023

Passée la « tornade Víking », qui s’est prolongée, en guise de bis, par une pièce toute en finesse signée Bartok, c’est dans un tout autre monde que nous transporte la Symphonie n° 5 de Jean Sibelius, la figure emblématique de la musique nordique. Dans ce chef-d’œuvre que d’aucuns ont qualifié de « tempête sous un crâne », le barde finlandais brosse une fresque impressionnante, balayée par un aquilon âpre mais tonifiant, à la faveur d’un itinéraire extraordinaire où, nonobstant tous les détours et chemins de traverse, la musique se fraie un passage avec une énergie

Un pianiste islandais en vedette d’une trilogie éclectique puissante, dont le développement à la manière d’un work in progress prend des proportions proprement cosmiques. Dès le premier mouvement, tout se passe effectivement comme si la musique s’inventait ellemême à mesure qu’elle progresse. Soutenu par les cordes pizzicato, le thème de l’Andante est la grâce même. Après cette idylle champêtre, le Finale, mené à coup de tempi décapants, de rythmes

redondants jusqu’à l’entêtement et de formidables montées en puissance, clame, avec une solennité peu commune, le célèbre thème du « vol de cygnes », mélodie hymnique, enflant d’une seule coulée, telle une crue ou grande poussée organique, à laquelle le compositeur décide de mettre brutalement fin, en martelant six accords finaux, entrecoupés, in fine, de silences abrupts - procédé inouï, sans précédent ni postérité. Sachant en rendre l’ambiguïté de l’inspiration en même temps que le paradoxal mais souverain équilibre, Pappano ose des tempi inhabituellement larges, histoire de souligner la veine héroïque de cette symphonie à la fois rude et chantante. Restituée à ce niveau d’intensité, la symphonie préférée du maître tranche sur le toutvenant. Et si l’exécution n’est pas toujours parfaite dans le détail, elle est suffisamment loyale pour coller à la vérité musicale de l’œuvre.

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Architecture classique, clarté tonale, cohérence globale, tout concourt à faire revivre l’esprit du classicisme viennois. Cela dit, la vitalité ébouriffante de l’Allegro, l’effervescence coruscante du Finale de même que certaines audaces harmoniques portent la signature d’un compositeur du vingtième siècle, en l’occurrence, Prokofiev. La suite du programme appartient au redoutable Concerto en sol, œuvre solaire, légère, écrite dans le style et l’esprit des concertos de Mozart, mais dont la gaîté de façade cache par moments, comme chez le Wunderkind, une réelle mélancolie. Avec une ardeur que l’on a quelque mal à imaginer chez un artiste du grand Nord, Víkingur Olafsson se jette dans le feu ravélien. Dès l’entame du combat épique qu’est l’Allegramento initial, la magie agit, et ce, jusqu’à la péroraison fortissimo de tout l’orchestre. Chez l’Islandais, que la presse anglo-saxonne qualifie de « nouvelle superstar des pianistes classiques », tout, en effet, n’est que vitesse, éclat, virtuosité débridée, rafale de notes, joie pure du rythme, spontanéité, mais sans outrance. Le trentenaire s’y montre tour à tour souple, percussif, félin, fougueux, rêveur et fantaisiste. Quant à la virtuosité de l’orchestre, taillé à la mesure d’un effectif réduit, elle met à

d’Lëtzebuerger Land, régie publicitaire

… Et votre annonce fait

Section IV : Procédure Conditions d’obtention du cahier des charges : Les documents de soumission peuvent être retirés via le portail des marchés publics (www.pmp.lu). Section VI : Renseignements complémentaires Autres informations : Conditions de participation : Toutes les conditions de participation sont indiquées dans les documents de soumissions Réception des offres : Les offres sont obligatoirement et exclusivement à remettre via le portail des marchés publics avant la date et l’heure fixées pour l’ouverture. Date d’envoi de l’avis au Journal officiel de l’U.E. : 06.02.2023 La version intégrale de l’avis n° 2300223 peut être consultée sur www.marches-publics.lu

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Fondé en 1954 par Carlo Hemmer, édité par Leo Kinsch de 1958 à 1983. Hebdomadaire politique, économique et culturel indépendant paraissant le vendredi. Publié par les Éditions d’Letzeburger Land s.à r.l., R.C. B 19029,N° TVA LU 12 12 40 22. La reproduction des articles et illustrations est interdite sans l’accord écrit de l’éditeur. Gérant Stephan Kinsch (48 57 57-1; land@land.lu), Rédacteur en chef Peter Feist (48 57 57-24; pfeist@land.lu), Rédaction France Clarinval (48 57 57-26; fclarinval@land.lu), Luc Laboulle (48 57 57-28; llaboulle@land.lu), Stéphanie Majerus (48 57 57 35; smajerus@land.lu), Sarah Pepin (48 57 57 36; spepin@land.lu), Pierre Sorlut (48 57 57-20; psorlut@ land.lu), Bernard Thomas (48 57 57-30; bthomas@land.lu), Mise-en-page Pierre Greiveldinger (48 57 57-34; pgreiveldinger@land.lu), Photos Sven Becker (48 57 57-36; sbecker@land.lu), Administration et publicité Zoubida Belgacem (48 57 57-32; zbelgacem@ land.lu) Édition et rédaction 59, rue Glesener L-1631 Luxembourg Courrier Boîte postale 2083, L-1020 Luxembourg Téléphone 48 57 57-1 Fax 49 63 09 E-mail land@land.lu Internet www.land.lu Twitter @Letzland Facebook d’Lëtzebuerger Land Instagram letzebuerger_land Impression offset Mediahuis Luxembourg S.A. Prix par numéro 5,00 € Abonnement annuel 180,00 € Abonnement étudiant/e 95,00 € Comptes en banque CCPLLULL : IBAN LU59 1111 0000 5656 0000, www.land.lu BILLLULL : IBAN LU29 0027 1003 6990 0000, BGLLLULL : IBAN LU32 0030 0431 7039 0000, BCEELULL : IBAN LU30 0019 1000 2939 1000, CELLLULL : IBAN LU71 0141 7162 5000 0000, BLUXLULL : IBAN LU59 0080 0484 9600 1003


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AU CENTRE POMPIDOU-METZ

Bis repetita placent, voire plus Lucien Kayser

Puisant dans les fonds de la maison-mère, Éric de Chassey explore les voies de la répétition dans la modernité Ce ne serait guère mensonger que de commencer par dire que la nouvelle exposition du Centre Pompidou-Metz (jusqu’au 27 janvier 2025) s’en prend au mythe de l’invention et de l’originalité, du moins quand elles ont la prétention du monopole. Et son titre en dit déjà long à ce sujet : La Répétition, sans que nous sachions au départ d’où il vient. Au seuil de l’exposition, nous l’apprenons : en 1936, Marie Laurencin, elle aussi méconnue, peint un tableau appelé de la sorte, une scène de répétition musicale à première vue, cinq jeunes femmes, dans son style léger, quasi volatile. C’est Éric de Chassey, le commissaire, directeur de l’Institut national d’histoire de l’art, qui insiste, Marie Laurencin a répété Les Demoiselles d’Avignon, de Picasso : même nombre de figurantes, bien sûr de tout autre allure, puisque le nom d’Avignon renvoie à une rue de Barcelone et ses bordels, même forme pyramidale toutefois de leur agencement. La répétition comme thème ou motif intéressait moins Éric de Chassey, plus comme méthode, ou

processus de création. Comme mode opératoire, et il faut y inclure celui-là même de l’exposition. Il y figure un moyen-métrage de Germaine Dulac, qui date de 1928, à partir d’un scénario d’Antonin Artaud : La Coquille et le Clergyman. Passons sur l’intrigue, s’il y en a une, la censure britannique, en tout cas, n’y avait pas trouvé le moindre sens, ajoutant que si sens il y a, il ne saurait être qu’inconvenant. Des couloirs, une clef entre les mains du clergyman qui en gesticule, la balance, des portes… C’est de la sorte qu’on imagine Éric de Chassey face aux collections du Musée national d’art moderne. Il les connaît bien et y déniche des surprises quand même, et tout au long des œuvres qui interpellent, d’autres qui touchent ou ravissent. Avec au bout un parcours pour lequel le commissaire a trouvé autant de synonymes au verbe de répéter, pour les treize stations, et chose quasi programmatique, dès l’entrée, vous prenez à droite ou à gauche, ça revient à essayer ou à recommencer, et toujours à approfondir, dans les juxtapositions, dans les confrontations.

Jonathan Lasker, Bernard Piffaretti, redoublement, duplication

L’exposition comporte une soixantaine d’artistes, des œuvres de tout genre, de toute espèce, trop nombreuses pour toutes les passer en revue. Pas de thèse à laquelle on aboutirait, mais une attention constante à laquelle le visiteur est appelé. Rien de spectaculaire non plus, à nous de faire les premiers pas, tant l’exposition se caractérise par une grande sérénité, on ne peut pas faire plus pur et plus calme. Seule exception peut-être, la station qui réunit un tableau de Barnett Newman, un panneau et les personnages de Djamel Tatah, deux gisants à la Holbein de Marlène Dumas et les images d’une chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker. Et encore, les œuvres en font un lieu de méditation, de face à face avec la vie (sociale) et la mort. Attention, si la répétition est chose sérieuse, dans son engagement même, elle ne manque pas d’humour, voire d’ironie. Voilà François Morellet, reprenant une cinquantaine d’années après, un tableau fait de lignes, de formes géométriques, de

format réduit, 70x23 cm, l’agrandit outre mesure, à peu près trois mètres de hauteur, et l’artiste de commenter : c’est plus beau quand c’est plus grand. Dans l’exposition, les formats ne décident de rien. À chacun, les moments qui le retiennent le plus, découvertes ou retrouvailles, et le lecteur ne tiendra pas rigueur de nos arrêts subjectifs. Par exemple devant le petit écran qui ramène dans les années 1980, avec Arena Quad 1+2, de Samuel Beckett, les entrées et sorties de quatre marcheurs enveloppés aux coins d’un carré, leurs trajets très calculés ; c’était un temps où la télévision avait de l’ambition, non réduite à celle de l’audience, en l’occurrence elle était allemande. Pour en rester aux vidéos et petit écran, il y a Abramovic et Ulay, il y a Nauman bien sûr, Richard Serra, Paul McCarthy, tous avec la part prédominante du corps. Pêle-mêle, maintenant, quelques indications qui tiennent particulièrement à cœur : l’avant-garde

hongroise des années 1960, avec Miklós Erdély, artiste conceptuel, et antérieurement déjà Dóra Maurer, et l’on élargira à la Polonaise Alina Szapocznikow et ses photosculptures ; la halte faite par Éric de Chassey pour Simon Hantaï, hommage de forme réduite mais non moins chaleureux et signifiant, notamment avec Écriture rose, et ses textes religieux et philosophiques, surmontés de telles signes, transcris de façon obsessionnelle à la plume et à l’encre de Chine, quasiment illisibles, comme le sont à la fin les chiffres de Roman Opalka, comptant jusqu’à l’infini, en blanc sur une toile s’éclaircissant au fur et à mesure ; autre apparition à peine saisissable, Les Cielographes, du film de Marijke van Warmerdam, des traînées blanches laissées par des aéroplanes sur un fond de ciel bleu ; enfin, retour à la peinture, Jonathan Lasker et Bernard Piffaretti, pour leur redoublement, leur duplication. On se rappelle les mots de Beckett, sur le fait d’essayer encore, de rater encore, de rater mieux. Pour des ratages, il est de belles réussites. Où l’exposition s’avère un coup de maître.

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BANDE DESSINÉE

L’art moderne sur le banc des accusés Pablo Chimienti

Pour sa première BD, Arnaud Nebbache n’a peut-être pas fait un grand travail de recherche au niveau du titre – Brancusi contre États-Unis –, il surprend, cependant, aussi bien au niveau narratif que graphique, avec ce récit sur l’étonnant procès entre le célèbre sculpteur et les États-Unis d’Amérique. Un procès dont le verdict continue à faire jurisprudence sur une définition de l’art.

graphie dessinée, mais bel et bien une histoire de procès. Un procès réel qui s’est tenu à New York en 1927. Depuis qu’il a quitté l’atelier de Rodin vingt ans plus tôt, Brancusi s’est fait un nom dans le milieu de l’art. À Paris, bien sûr, où son

Constantin Brancusi est né en 1876 à Pestisani, dans l’alors Principauté de Roumanie. Il suit des études à l’école des arts et des métiers de Craiova puis à l’université nationale d’art de Bucarest. Il travaille un temps à Vienne, en Autriche, puis à Munich, en Allemagne, il finira par s’installer définitivement à Paris. C’est là, dans l’atelier d’Auguste Rodin, que le lecteur d’Arnaud Nebbache fait sa rencontre.

Amateur d’objets industriels, Brancusi ne s’offusque nullement sur le fait que son travail puisse être considéré comme celui d’un artisan, mais la note est trop salée. Il va donc attaquer les États-Unis en justice ; et le procès fera finalement encore plus date que l’exposition elle-même. Pendant des mois, le juge, les avocats et de nombreux experts, parmi lesquelles Steichen, mais aussi les sculpteurs Jacob Epstein, Robert Ingersoll Aitken, Thomas H. Jones vont, bon gré mal gré, devoir (re)définir l’art – et surtout l’art moderne –, trouver sa définition, discuter de ses limites, de ses implications…

Le jeune Roumain, dont une des sculptures trône déjà dans l’espace public à Bucarest, doit se contenter se faire « ses maudits moulages ». Des bras, des mains, des pieds, des jambes que de nombreux assistants comme lui réalisent à l’ombre du grand maître. Celui que d’aucuns considèrent comme un des pères de la sculpture moderne influencera néanmoins son disciple pour toujours. C’est, en effet, « le vieux chêne de Rodin » qui lui apprendra à « transmettre le mouvement », « à sentir l’air qui nous entoure », à « le déplacer » grâce à ses sculptures, « à lever le nez », « à regarder le ciel ». Pour Rodin, « on ne peut pas faire de la sculpture en regardant la terre. Il faut regarder plus loin ».

Le récit de Brancusi contre États-Unis fait plusieurs allers-retours entre New York et Paris, entre la salle d’audience et le quotidien de Brancusi, entre ceux qui discutent sur l’art et celui qui le crée. Une dualité très visible tout au long de l’album avec des choix graphiques contrastés. Si Arnaud Nebbache vient du monde de l’illustration, de la littérature jeunesse et de la presse, il n’est pas avare en planches, cases et autres phylactères tellement typiques du neu-

Éditions d’Lëtzebuerger Land

Impossible de ne pas voir un reste de cet enseignement dans les fameux Oiseaux dans l’espace de Brancusi. Et c’est justement cette série de sculptures qui est au centre de ce magnifique album de plus de 120 pages. Car ce Brancusi contre États-Unis, n’est pas une bio-

vième art. Mais quand il traite des auditions des différents témoins du procès, toutes ces conventions disparaissent, en même temps que les décors, pour laisser les personnages, pleins d’incertitudes, au milieu du néant. Les scènes de procès sont pleines de dialogues tandis que de nombreuses autres planches sont dénuées du moindre texte. Celles qui montrent Brancusi au travail sont particulièrement savoureuses, non seulement car on y retrouve plusieurs œuvres célèbres du sculpteur, mais également parce qu’on redécouvre l’artiste, pourtant déjà quinquagénaire, tel un enfant turbulent pris par l’inarrêtable inspiration créatrice. Le récit de l’album est prenant, magnifiquement raconté, avec une infinité de grandes et petites anecdotes. Les amateurs d’art retrouveront avec plaisir dans ces pages de ces grands noms de l’histoire de l’art tels que Rodin, Duchamp, Steichen, mais également Peggy Guggenheim, Man Ray, Alexander Calder, Erik Satie ou encore Fernand Léger. Et puis, les questionnements et les réflexions sur l’art et l’artiste que soulève le procès semblent, malgré les plus de 90 ans qui nous en séparent, toujours d’une étonnante actualité. Enfin, le graphisme sans contours, aux aplats de couleurs à la gamme chromatique variée de cet album est un véritable plaisir pour l’œil. Sorti le 6 janvier, ce Brancusi contre États-Unis est, sans aucun doute, la première grande BD de cette année 2023. Pour un premier album, plus qu’un coup d’essai, c’est un coup de maître.

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Brancusi contre États-Unis d’Arnaud Nebbache. Dargaud

Les Éditions d’Lëtzebuerger Land ont le plaisir d’annoncer la parution du livre

Déck Frënn

Déck Frënn La comédie Inhumaine Skif & Dresch

travail a été présenté de nombreuses fois à l’exposition officielle de la société nationale des beaux-arts, mais également au RoyaumeUni, en Allemagne, en Belgique et aux États-Unis. Quand en novembre 1926 la Brummer Gallery de New York fait venir 42 sculptures, 27 dessins et une peinture de Brancusi, Marcel Duchamp – à qui on doit déjà Fontaine ou L.H.O.O.Q – en est persuadé, l’exposition « fera date ». Mais à son arrivée au port de la grande pomme, la douane américaine ne reconnait pas à l’Oiseau le statut d’œuvre d’art, pourtant déjà acheté par le plus Luxembourgeois des NordAméricains, Edward Steichen. Selon les douaniers, il s’agit d’un objet industriel et à ce titre, ils réclament 4 000 dollars de droits de douane. Résultat, l’oiseau qui devait prendre son envol ne peut sortir de la cage en bois dans laquelle il a traversé l’Atlantique.

La Comédie Inhumaine

par Skif & Dresch

L’album préfacé par le scénariste contient les premières séries (2019-2020) de la bande dessinée du même nom parues dans le Lëtzebuerger Land. Cet ouvrage commente l’actualité luxembourgeoise de manière satirique et se lit comme une chronique des évènements de la politique luxembourgeoise.

Éditions d’Lëtzebuerger Land

En librairie et sur www.land.lu (rubrique «Livres»)

LIEST ALL FREIDEG

WIEN DE BELLO MARKÉIERT


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La foi du stand-upper

battre, mais il a fallu convaincre », résume celui qui n’allait pas tarder à glisser sa drôlerie dans son avatar favori, Joss den Hellen. Du Luxembourgeois il a accent, du Portugais la moustache et de Daniel le sens du bon mot : une sainte trinité.

Patrick Jacquemot

Depuis, bavardages, avis, formules et autres commentaires signés du Joss ont fait mouche dans bien des salles de spectacle du pays. Les réseaux sociaux – TikTok et Facebook en tête – se régalent aussi de ses traits d’esprit postés en mode

Olivier Halmes

Dernièrement, Daniel Moutinho est « monté à Paris ». Comme d’autres font un pèlerinage, lui voulait se frotter à la Mecque du stand-up français. Une scène l’attendait et pour l’humoriste luso-luxembourgeois, ce ne fut ni une galère, ni une crucifixion. Plutôt une divine expérience. « Il fallait juste oser… » Oser monter sur les planches, micro en main et blagues en bouche, il l’a tenté pour la première fois en 2018. « À Pétange devant 120 personnes, là où je pensais qu’elles ne seraient que vingt… » Le public ne l’a pas occis, aussi le miracle pouvait se poursuivre. Et tant pis si rares étaient ceux qui avaient foi en lui à ce moment-là. Car les « Quoi, tu veux faire du stand-up ? Mais tu t’es vu ? », il en a entendus. Pas black, pas beur, pas d’accent marseillais (ou parigot), pas l’air racaille non plus : mais quel stand-upper pouvait-il être ? « Clairement, je n’allais pas faire comme si j’étais né en banlieue et que les policiers étaient méchants avec moi alors que j’ai grandi tranquillement à Beaufort, Bonnevoie et Bettembourg… », s’amuse-t-il du haut ses 34 ans. Et puis, depuis quand le Grand-Duché enfantet-il des comiques ? Des champions cyclistes, oui. Des têtes couronnées, d’accord. Un Prix Nobel, ça passe. Mais un stand-upper ? « Je n’ai pas dû me

2.0. Daniel sait qu’il tient là un personnage à creuser ; il va y travailler. Oui, travailler. Car faire le comique, c’est du sérieux. Un labeur que le moniteur d’auto-école entreprend sitôt son dernier apprenti descendu de voiture. « Quand j’ai une idée, c’est une note que je tape sur mon GSM, une bonne phrase que je m’envoie en message vocal… Puis des heures d’écriture et de répétition à voix haute chez moi. » Tout ne tombe pas du ciel. Bien sûr que le garçon a aussi le sens de l’improvisation. Un sens utile face aux spectateurs chahuteurs qui parfois lui font face. « Mais pour assurer un bon show, fluide, plein de rythmes et de gags, il faut se préparer. Tout le talent étant ensuite de faire passer ça pour de la spontanéité. » Et de cela, sa compagne Céline sera la première à en juger. « Elle est objective et c’est ce qu’il te faut quand tu joues. Toi, par rapport à ton propre travail, tu seras soit trop cool, soit trop dur. Elle, j’ai confiance… » Après, « la scène c’est le plus facile finalement ». Une fois sur les planches, qu’importe le trac, les spots qui aveuglent, le murmure de ce public pas encore converti, la mémoire qui peut jouer des tours : le septième ciel est au bout du show. « Je ne suis pas une vedette, je me cherche encore mais je connais le Graal que je vise : un spectacle rien qu’à moi. Quelque chose qui me fasse sortir du lot tout en gardant mon authenticité », confesse l’humoriste. Alors un jour, qui sait, il partira à la conquête d’autres publics plus lointains. Casino 2000, Aalt Stadhaus c’est bien ; les petits comedy clubs de Montréal, ce serait le paradis. En attendant, chaque plateau partagé avec d’autres stand-uppers est une occasion d’engranger de l’expérience, des références. Mais, pour les siècles des siècles, au firmament du Luxembourgeois les étoiles les plus brillantes ont pour nom Romain Frayssinet, Fary, Redouane Bougheraba ou Jamel Debbouze. Une confrérie dont il se verrait bien apôtre.

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Daniel et Joss ne font qu’un

Stil L’ E N D RO I T

Shinzo Dans la famille Sarra, on cultive l’hospitalité (au sens francophone comme anglophone). Sébastien est depuis longtemps à la tête de la Brasserie Guillaume, après avoir accompagné Charles Munchen, le fondateur de l’établissement, durant de longues années. Son père, Gabriele, concocte des pâtes

farcies aux recettes maison à la Casa qui porte son nom. Baptiste, le fils aîné, a ouvert le Pas Sage, un bar à vin axé sur les bons crus (surtout français) et les tapas gastronomiques. Voilà que cette semaine, son frère Max ouvre à quelques mètres un bar à cocktail dans l’ancienne pharmacie dite « des maures ». Le décor est cossu, pour ne pas dire clinquant, avec beaucoup de doré, de velours et de miroirs. Le nom, Shinzo, n’a pas été choisi en hommage au Premier ministre assassiné du Japon, Shinzo Abe, mais parce que cela veut dire cœur. L’influence japonaise se remarque surtout dans la carte de la cuisine où on peut lire sashimi, Shiitake, enoki, shiso, sansho, matcha, daï daï ou moshi… quitte à ce que des explications soient nécessaires pour la plupart des clients. On aura compris que la

fusion est à l’honneur avec un œuf parfait à l’ail noir, un poulpe sauce mirin et matcha ou une poire pochée au saké. Côté bar, l’équipe a misé sur des cocktails originaux qui font la part belle aux vins luxembourgeois, les mêlant à des spiritueux, des jus, des infusions et des hydrolats (eaux aromatiques obtenues après distillation de fleurs ou d’herbes). Le pinot gris mâtiné de mescal, de téquila, d’hydrolat de fleur d’immortelle et de sel amer est une revisite du negroni assez convaincante (photo : fc). fc

L’ E N D RO I T

Chambelland De la boulangerie de qualité sans gluten, c’est possible. C’est le pari de la maison Chambelland dont

une succursale vient d’ouvrir au Rousegäertchen (photo : fc). Les fondateurs, un biologiste reconverti dans la boulangerie et un entrepreneur globe-trotteur ont cherché des farines naturellement sans gluten. Ils développent ainsi une farine de riz (cultivé en Italie, transformé dans le sud de la France) et des recettes naturelles et gourmandes. Ils ouvrent une première boulangerie-pâtisserie à Paris en 2014 qui sera suivie

par d’autres. De son côté, Arnaud Rasquinet a, pendant onze ans, développé la franchise Le Pain quotidien en France. Autant dire qu’il s’y connaît en farines et en levains. Depuis cinq ans, il exporte Chambelland en Belgique (Bruxelles, Gand, Waterloo) et désormais au Luxembourg. « On ne fait pas des pains pour des malades, mais des pains qui ont du goût et donnent du plaisir. Il se fait qu’ils sont aussi sans gluten », explique-t-il en nous tendant une chouquette légère et moelleuse. Dans cette ancienne onglerie, on trouve la gamme de pains (dont le « cinq grains » : avec des graines de sésame, de tournesol, de pavot et de lins brun et doré sur la croûte), des foccacias, des cookies, des pains au sucre. Les quelques tables permettent d’y prendre un petit déjeuner et même quelques plats le midi (sandwich, quiche, croque, soupe). fc

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O B J E TS

Alchemilla Marina Fonseca ne se contente pas d’écrire pour les enfants (Waking the Mountain est paru aux éditions Zoom, un autre est en cours d’écriture). Elle fait du crochet, s’amuse à personnaliser différents objets par ses découpes laser et tient une boutique. Elle y propose une gamme d’articles découverts chez des créateurs et des artisans du monde entier et y ajoute ses créations pleines d’humour. Le nom de sa marque, Alchemilla, est celui d’une plante médicinale, notamment utilisée pour réduire les douleurs menstruelles. On comprend que l’angle féminin

si pas féministe est de rigueur. Ses bonnets colorés sont brodés avec la phrase « Ziel mer net däi Liewen », ses sous-verres en bois (photo : alchemilla.lu) invitent à faire la fête et le t-shirt « Boobs » affiche une série de drôles de paires de seins. Jusqu’ici installée au sein du 1535° de Differdange, la boutique fermera ses portes le 23 février avec une petite fête pour baisser le rideau. Avant le déménagement à une nouvelle adresse physique, il est toujours possible d’acheter en ligne. fc


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