qui les touchent ? Évidemment, les sujets sensibles évoluent avec l’âge et les collections ado ne parleront plus tellement de divorce ou de mort mais plutôt de mal-être, de mutilation, de
pulsions violentes, de premiers pas dans la sexualité, etc. Ce ne sont plus des sujets auxquels l’ados est confronté mais des sujets qui le touchent très personnellement et très frontalement.
Peut-être alors les échanges parents-ados deviennent-ils plus difficiles, entre un adolescent qui ne voudra pas partager ses ressentis et un adulte qui ne saura pas comment les aborder. Une
certaine pudeur s’installe qui rompt en partie la discussion. Il faut en effet garder en tête que si un enfant de 8 ans pose ouvertement des questions sur le divorce de ses parents et exprime
le besoin de partager ses émotions, un adolescent de 14 ans garde au contraire pour lui toutes
ses inquiétudes. L’adolescence est un âge où le contact avec l’adulte est très difficile à établir. De
ce fait, on peut comprendre les réticences d’un adulte à placer entre les mains d’un jeune avec qui il a du mal à communiquer, un livre possiblement « dérangeant » sans savoir comment il va recevoir un tel texte et les émotions qui en découleront.
En parallèle, les parents lecteurs sont soucieux d’entraîner leurs adolescents vers de
la « bonne littérature » et ainsi dès que possible vers la littérature générale : « si l’ado a une quinzaine d’années, les parents veulent le faire passer à un texte « plus littéraire », on sent qu’ils
ont envie de les faire passer dans la littérature adulte et que le secteur ado est perçu comme mal écrit et un peu simple. Il y a l’idée qu’on vient à la librairie pour acheter des « vrais » livres et que le fantastique et toutes les séries en général, à la limite on les prendra à la bibliothèque1. » Que ce soit fondé ou infondé, le secteur de littérature ado manque de reconnaissance. Les adultes ne semblent pas vouloir croire qu’il y a de la qualité littéraire dans le roman ado, que les intrigues
y sont tout autant ciselées et que même un très bon lecteur puisse y prendre du plaisir. Pour
eux, cette littérature ne doit être qu’une « récréation » parmi les autres lectures : « quand [les ados] viennent avec leur parents, la plupart du temps ils ressortent avec deux livres, un qui fait
plaisir à l’ado et un qui fait un petit peu plus plaisir à l’adulte ! Parce qu’encore une fois, l’adulte croit savoir ce qu’il est bon de lire.2 »
Une discussion autour des goûts et attentes du lecteur Pour Noémie Lafaye à la librairie Chantelivre de Paris, si les adultes ne sont pas les
seuls acheteurs, la prescription en direction des adolescents est tout de même restreinte « les ados viennent avec leur billet parfois, ils savent déjà le livre qu’ils sont venus chercher, c’est souvent le nouveau tome d’une suite, donc ce n’est pas vraiment du conseil. » Effectivement, le rapport direct avec l’adolescent est moins fréquent, ils préfèrent rester discrets et sollicitent rarement les libraires. Mais lorsqu’ils le font, l’échange naissant est alors plus riche et plus profond 1 2
Annexe 1 : Entretien avec Noémie Lafaye. Id.
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