Les prescripteurs du roman ado

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le lecteur adolescent est interpellé. Les éditeurs distinguent donc nettement l’œuvre littéraire qu’il leur semble légitime de publier, de la question de la violence.

La réception par les adolescents lecteurs

Face à cette polémique où chaque professionnel a donné son avis et prouvé sa légi-

timité, il était nécessaire de se pencher également sur les lecteurs, destinataires théoriques

de ces textes présumés violents. Ces livres qui ont fait débat, les ont-ils lu ? Les ont-ils trouvé violent ? Claude Poissenot apporte les premiers éléments de réponses dans son article « Faire

littérature : aux lecteurs absents1 ». Il a pour cela interrogé non pas les lecteurs eux même mais

les catalogues des bibliothèques. Claude Poissenot démontre que, si les bibliothécaires ont plu-

tôt largement acquis les titres qui ont fait polémique2, les lecteurs n’ont que peu répondu à l’appel. Au contraire, ce sont même les titres les plus acquis (ici L’affaire Jennifer Jones avec un

total de 277 acquisitions sur un ensemble de 105 bibliothèques et Je mourrai pas gibier avec 275 acquisitions) qui sont le moins empruntés. Est-ce les acquisitions qui sont plus élevées que

la moyenne du fait du débat que les titres ont suscité, débat qui aurait alerté les bibliothécaires désireux alors de se faire leur propre avis ? Où est-ce que les lecteurs qui ne se passionnent pas

pour les livres qui agitent pourtant le petit monde de la littérature jeunesse3 ? L’étude de Claude Poissenot de répond pas à ces questions mais sans doute trouverait-on du vrai des deux côtés. D’après Claude Poissenot « les prescripteurs sont tentés d’acheter ces textes qui ne seront pas souvent lus mais qui attesteront de leur mobilisation en faveur de la lecture des jeunes4 ».

3. S’adresser aux ados lecteurs ou aux parents acheteurs

Lorsqu’un roman a passé la barrière éventuelle de la prescription professionnelle, il

lui reste toujours à toucher son public final ou au moins l’acheteur. Il est intéressant de voir que, jusqu’à ce dernier maillon de la chaîne, l’idée de lecture plaisir contre celle de lecture légitime intervient dans le processus d’achat ou d’emprunt.

L’acheteur (ou emprunteur) final est en contact direct avec le prescripteur lorsqu’il

se rend en librairie, en bibliothèque ou lors d’un salon du livre. Dans ces trois situations, on 1 Claude Poissenot, « Faire littérature : aux lecteurs absents », Lecture Jeune, décembre 2008, n°128.. 2 Pour son dossier « Des romans violents » Lecture Jeune a établi un corpus de 6 titres sortis peu de temps avant l’élaboration du dossier et ayant fait débat. Il s’agit de Je mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud, Éditions du Rouergue, « doado » ; Je reviens de mourir d’Antoine Dole, Sarbacane, « eXprim’ » ; Quand les trains passent… de Malin Lindroth, Actes Sud Junior, « D’une seule voix » ; Rien de Janne Teller, Panama ; L’affaire Jennifer Jones d’Anne Cassidy, Milan « Macadam » et Adieu la chair de Julia Kino, Sarbacane, « eXprim’ ». 3 Je mourrai pas gibier a reçu le prix Sorcière 2007. 4 Op. Cit. Claude Poissenot.

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