Le Coopérateur agricole septembre 2014

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Gestion à l’américaine

Deux reportages chez nos voisins du Sud

SEPTEMBRE 2014

Farm Bill ou Quebec Bill Lequel est le plus avantageux?

Qualité des grains

Répondre aux exigences des marchés

Fonds coopératif d’aide à la relève

Un succès extraordinaire!

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Les rendements TAKE YOUR YIELD

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MD

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ALWAYS FOLLOW IRM, GRAIN MARKETING AND ALL OTHER STEWARDSHIP AND PESTICIDE LABEL DIRECTIONS. Details of these requirements can be found in the Trait Stewardship Responsibilities Notice to Farmers printed in this publication. ©2014 Monsanto Canada Inc.

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Dossier En cou v ert ur e

36 Gérer à l’américaine 36 Bill Rowell, producteur de lait 39 Paul Kalmbach, producteur de porc

Relève 56

sommaire

Éditorial – Billets

SEPTEMBRE 2014

5 En t r e nous* Denis Richard

Reportages

8 Pause-pensée* Colette Lebel

10 Faits et gestes* Vincent Cloutier

14

29 Sur le plancher

14 Consolider pour la prospérité Entretien avec Gaétan Desroches, chef de la direction de La Coop fédérée

33 L’effet bœuf* Bruno Langlois

4 Quoi de neuf ?

Pleine d’énergie et de projets

Coopér at ion

des vaches* David Arseneau

Chroniques

Femme eng agée

12 Jeannine Chartrand

26

6 Mél i-mél o 66 Da ns nos coops

Dossier

16 Sommet international des

coopératives 2014

Cinq entretiens avec de grands décideurs du milieu coopératif d’ici et d’ailleurs. CU M A

* For English version, please visit our website at www.lacoop. coop/cooperateur

22 Cerveau collectif

Les CUMAS structurent leur succès.

34

Modèles pluriels pour une agriculture qui dure

34 Les coopératives de

financement Un outil majeur

Porc

42 Filière porcine coopérative Profi l du directeur des services vétérinaires

Vol a il l e

44 Ferme Colibri

Une forteresse sanitaire

Version Web : www.lacoop.coop/cooperateur Version virtuelle : www.lacoop.coop/ cooperateurvirtuel

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P roduct ions v égéta l es

50 Marché des grains Objectif qualité

Dév el oppemen t du r a bl e

53 Dépollution

Sauver les lacs à l’aide de quenouilles

Dossier

56 Relève

L’extraordinaire succès du Fonds coopératif d’aide à la relève agricole

Acér icu lt ur e

63 AGA 2014

Citadelle mise sur une croissance bien contrôlée

A ffa ir es économiques

24 Structures des exploitations

Bov in

44

Reportages

Articles techniques A ffa ir es économiques

26 Farm Bill ou Quebec Bill Un exercice de comparaison

L ait

30 Alimentation

Des choix énergétiques mieux éclairés

P roduct ions v égéta l es

48 Pommes de terre La gale commune, quoi de neuf?

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QUOI DE Q u o i d e n e u f  ?

Volume 43, no 7, septembre 2014

Coup sur coup en juillet, à une semaine d’intervalle, Agropur coopérative a annoncé trois importantes acquisitions. Ces transactions s’inscrivent dans la stratégie de croissance de l’entreprise sur le marché canadien et américain. D’abord, un partenariat stratégique avec Sobeys qui comprend l’achat de ses activités de transformation laitière et des ententes d’approvisionnement. D’une valeur de 356 millions $, la transaction inclut notamment : • L’achat de quatre usines de transformation : deux situées à Edmonton (lait et crème glacée), une à Winnipeg (lait) et une à Burnaby, en ColombieBritannique (lait). • L’obtention de la licence de la marque Lucerne pour la production et la distribution du lait et de la crème. Cette acquisition représente pour la coopé­ rative un chiffre d’affaires totalisant plus de 400 millions $. Les activités laitières de Sobeys comptent 281 employés et transforment plus de 160 millions de litres de lait par année. Dans un deuxième temps, Agropur a conclu une entente en vue de l’acquisition des actifs laitiers et de distri­bution alimentaire de Northum­­ berland Dairy Coope­rative. Cette entente comprend l’usine de Miramichi (Nouveau-Brunswick), qui traite 27 millions de litres de lait par année, ainsi que les centres de distribution et les marques de commerce. Le chiffre d’affaires des activités acquises s’établit à 67 millions $. Serge Riendeau, président de Enfin, Agropur a fait l’acquisition des actifs la coopérative Agropur de transformation laitière de Davisco Foods International, établie à Le Sueur, au Minnesota, spécialisée dans la fabrication de fromage et d’ingrédients laitiers. Cette transaction, qui viendra ajouter plus d’un milliard $ de chiffre d’affaires à Agropur – pour le porter à environ 5,8 milliards $ – est la plus importante dans l’histoire de la coopérative. Elle doublera les activités américaines de transformation de la coopérative et accroîtra de 50 % l’ensemble de son approvisionnement en lait. Davisco transforme chaque année 1,7 milliard de litres de lait et compte 900 employés. « La transaction avec Davisco devrait nous permettre d’atteindre 5,3 milliards de litres de lait transformé annuellement dans 41 usines situées en Amérique du Nord a fait savoir le président, Serge Riendeau. Agropur devrait ainsi se situer parmi les cinq plus importants transformateurs de fromage et d’ingrédients aux États-Unis. » « L’industrie laitière mondiale se consolide à un rythme accéléré et ces acquisitions viennent appuyer notre objectif d’accroissement de notre présence sur la scène internationale, a indiqué Robert Coallier, chef de la direction d’Agropur. L’un des principaux objectifs que nous poursuivons est de procéder à des acquisitions stratégiques pour diversifier nos marchés géographiques et nos portefeuilles de produits. » Agropur compte 3554 membres producteurs de lait et 6500 employés. Avant ces transactions, la coopérative transformait plus de 3,4 milliards de litres de lait par année dans ses 32 usines, réparties en Amérique du Nord.

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Le Coopérateur agricole est publié neuf fois l’an par La Coop fédérée. Il est l’outil d’information de la coopération agricole québécoise. Éditeur

Jean-François Harel

Directrice et Guylaine Gagnon rédactrice en chef 514 858-2146 (ligne directe) guylaine.gagnon@lacoop.coop Rédacteur et Patrick Dupuis, agronome adjoint à l’édition 514 858-2044 (ligne directe) patrick.dupuis@lacoop.coop Révision de texte :

Georges O’Shaughnessy enr.

Ont collaboré à ce numéro David Arseneau, David Bessenay, Jessy Blanchette, Vincent Cloutier, Hélène Cossette, Annick Delaquis, Étienne Gosselin, Jean-Sébastien Laflamme, Bruno Langlois, Élisabeth Lapointe, Colette Lebel, Nancy Malenfant, Stéphane Payette, Denis Richard

Conception graphique Service de la création, La Coop fédérée Graphistes : Alain Boyer, Pierre Cadoret, Suzanne Turcot Webmestre : Ricardo Silva Photographies et illustrations David Bessenay, Pierre Cadoret, Bernard Diamant, Étienne Gosselin, Jacques Lebleu, Nancy Malenfant, Stéphane Payette Photo de la page couverture : ingimage.com Impression : Interweb Inc. Les photos, illustrations et textes publiés dans Le Coopérateur agricole et sur le site Internet de La Coop fédérée ne peuvent être réutilisés sans autorisation.

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Pierre Grinsell, 450-661-8200 info@relationsmedia.ca Léopold Ste-Marie, 514-993-0616 leopold@relationsmedia.ca

abonnements Nadine Kadé : 514-384-6450 poste 3710 nadine.kade@lacoop.coop Coût d’abonnement (taxes incluses) Membres : 8,63 $/année (défrayé par la coopérative locale) Non-membres : 1 an : . . . . 25 $ 3 ans : . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 $ 2 ans : . . . . 40 $ À l’étranger – 1 an : . . . . . . 90 $

Correspondance Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada à : Le Coopérateur agricole C.P. 500 Station Youville, Montréal (Québec) H2P 2W2 Téléphone : 514 384-6450 Télécopieur : 514 858-2025 Courriel : coopagri@lacoop.coop Adresse Web : www.lacoop.coop/cooperateur www.lacoop.coop/cooperateurvirtuel Poste-publications, convention n° 40628621 Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec 108000-09-14

Photo : agropur

Trois importantes acquisitions pour Agropur

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Entre nous

La réunion semestrielle

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Photo : martine doyon

For English version, please visit our website at www.lacoop.coop/ cooperateur

a fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de la réunion de mi-parcours du réseau La Coop. Cette réunion semestrielle a été instaurée par mon prédécesseur, M. Paul Massicotte, au début des années 90. Avec la tournée du président, le forum des présidents et la planification stratégique réseau, c’est l’un des outils que nous nous sommes donnés, entre coopératives, pour mieux coordonner nos actions et nous assurer de leurs cohérences. Cette réunion, réunissant les présidents, vice-présidents et directeurs généraux de vos coopératives, s’est tenue cette année les 20 et 21 août au Mont-Sainte-Anne, près de Québec. Le menu des travaux était pour le moins chargé. Après une révision du contexte économique et des grands enjeux auxquels nous sommes confrontés avec notre économiste principal, M. Vincent Cloutier, notre nouveau chef de la direction, M. Gaétan Desroches, et les premiers gestionnaires de nos trois grands secteurs d’activité, Messieurs Réjean Nadeau, François Dupont et Sébastien Léveillé, nous ont fait part de l’évolution des résultats d’Olymel s.e.c. et des secteurs détail et agricole de La Coop fédérée. À ce chapitre, il semble que les résultats de fin d’année seront satisfaisants pour nos membres et rassurants pour nos bailleurs de fonds, et ce, malgré la récente décision de la Russie de bannir le porc canadien pour la prochaine année. La prudence dans la gestion de nos liquidités est cependant toujours de mise, compte tenu de nos engagements et des conséquences à moyen terme de la perte de cet important marché pour Olymel. L’assemblée semestrielle a également été l’occasion de passer en revue l’évolution de l’ensemble de nos grands chantiers pour la modernisation de notre réseau La Coop.

Fidelio (projet informatique commun), BMR, Chrysalide Sonic, IFFCO et une filière porcine mieux coordonnée, la réunion a été l’occasion de faire le point sur l’évolution de ces différents sujets d’importance pour le réseau La Coop. En 2008, nous avons jeté les bases d’une nouvelle façon de faire dans le réseau La Coop avec le projet Chrysalide en productions animales, et six ans plus tard, force est de constater que ce projet a globalement été bénéfique pour le réseau La Coop. Il est facile de parler d’intercoopération, mais plus difficile de la pratiquer, à moins de mettre en place des structures qui forcent cette intercoopération et qui brisent la tendance naturelle de repli sur soi de toute organisation, et c’est ce que nous avons fait. D’autres projets Chrysalide sont en cours dans le secteur de la distribution de produits pétroliers et des fertilisants et la réflexion se poursuit sur la mise en place de telles approches pour diminuer globalement nos frais administratifs. La présentation de notre directeur des servicesconseils aux coopératives a été à cet égard très éloquente sur cet enjeu et ses conséquences sur la compétitivité des coopératives du réseau. La réflexion des différents comités de planification stratégique réseau se poursuit, mais une chaîne n’est jamais plus forte que son plus faible maillon et l’enjeu des masses critiques des coopératives devra aussi faire partie des réflexions de vos coopératives au cours des prochains mois. Essentiellement, le réseau La Coop est un réseau de distribution et, à ce chapitre, il se doit de se doter d’un modèle d’affaires capable de concurrencer les meilleurs et d’adopter les technologies qui en découlent. Nous sommes les héritiers de centaines de milliers de gens qui ont cru au mouvement coopératif et qui nous ont légué ce précieux patrimoine. Nous nous devons d’être à la hauteur de leurs espoirs et de nous assurer de la continuité de cette belle et noble aventure humaine. Pour ma part, je demeure convaincu que c’est par la coopération et l’intercoopération, afin de se doter des avantages des grandes multinationales, que nous serons à même de demeurer des partenaires d’avenir pour nos membres. Bonne fin d’été!

Denis Richard Président, La Coop fédérée denis.richard@lacoop.coop

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Méli-mélo

« La liberté commence où l’ignorance finit. » – Victor Hugo

Reprogrammer son horloge biologique par manipulation… diététique ! L’alimentation pourrait aider à traiter les troubles liés à la désynchronisation de l’horloge biologique, notamment dans le cas du décalage horaire, laisse entendre une étude de l’Université de Yamaguchi (Japon). Les expériences du Dr Makoto Akashi sur des cultures cellulaires et sur la souris montrent que l’insuline participe au réglage du rythme quotidien de notre métabolisme en permettant la synchroni­ sation entre les repas et les fonctions des tissus et organes impliqués dans la digestion. Selon le chercheur, il serait donc possible d’enrichir le dîner avec des ingrédients favorisant la sécrétion d’insuline dans le but d’entraîner une avance de la phase de l’horloge biologique. (Santé Blog)

Produire plus fraicheurquebec.com Pour les chefs : un accès au grand jardin du Québec au bout des doigts ! L’industrie des fruits et légumes a lancé officiellement le site fraicheurquebec.com le 18 mai dernier, dans la cadre du 61e gala du président de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec. Cette vitrine Internet permet désormais aux chefs, aux restaurateurs et aux professionnels du service alimentaire du secteur des hôtels, restaurants et institutions de trouver rapidement et facilement un éventail des fruits et légumes qu’ils peuvent se procurer chez les producteurs du Québec. Déjà, plus de 150 producteurs agricoles ont choisi d’inscrire leur ferme et leurs produits sur le site ! Ce dernier permettra donc de maximiser les liens d’affaires entre les producteurs, les distributeurs et les restaurateurs ainsi que de mettre en valeur les produits d’ici, ce qui donnera aux consommateurs le goût d’en manger et, par conséquent, fera croître la part des produits du Québec dans l’assiette. (CNW)

D’ici 2050, la population mondiale devrait s’accroî­ tre de 35 %. Mais pour la nourrir, il faudra réussir à doubler la production de nos cultures. Pourquoi ? Avec l’augmentation de son niveau de prospé­ rité, la population des pays en développement consommera davantage de viande. La hausse de la demande quotidienne de protéines par personne d’ici 2050 devrait se chiffrer à 15 % dans les pays développés, à 100 % dans les pays en développe­ ment et à 70 % dans les pays les moins développés. (National Geographic)

52 milliards d’individus sur terre Selon l’Organisation des Nations unies pour l’ali­ mentation et l’agriculture (FAO), en 2009, la popu­ lation mondiale de poules dominait largement : 52 milliards de poules étaient recensées, contre 2,6 milliards de canards, 1,3 milliard de porcs et 1,1 milliard de lapins. Loin derrière se plaçaient les moutons (518 millions), les chèvres (398 millions) et les vaches (293 millions). (Futura – Sciences)

Caféine et ados : effets différents selon le sexe

Avec la popularité croissante des boissons gazeuses et des boissons énergétiques, la consommation de caféine a beaucoup augmenté chez les adolescents au cours des dernières décennies, sans qu’on se préoccupe des conséquences sur leur santé. Or s’il est déjà connu que la caféine augmente la pression artérielle et diminue le rythme cardiaque, une nouvelle étude révèle que ces effets varient en fonction du sexe et de l’âge des jeunes. Après la puberté, en effet, ces changements sont beaucoup plus marqués chez les garçons que chez les filles. De plus, ces dernières y réagissent différemment selon la phase de leur cycle menstruel : la baisse du rythme cardiaque est plus importante au milieu de la phase lutéale et l’augmentation de la pression artérielle est plus élevée au milieu de la phase folliculaire. D’autres études chercheront à déterminer dans quelle mesure ces différences entre les sexes dépendent d’habitudes de consommation distinctes ou de facteurs physiologiques, comme le niveau d’hormones stéroïdiennes. (Université de Buffalo)

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Optimiser le rendement, préserver l’environnement Blé noir, teint rose Très riche en magnésium, en protéines, en fibres et en composés antioxydants, le sarrasin n’en finit plus d’avoir des qualités. Un autre de ses atouts : il ne contient pas de gluten. Son index glycémique bas en fait un aliment de choix pour les personnes souffrant de diabète. C’est un allié des probiotiques. Il renforce leur action (ce qui favorise une flore intestinale saine) grâce à la précieuse fagomine qu’il contient. Des chercheurs espagnols se sont activement intéressés à cette molécule, car elle représente une arme efficace pour lutter contre l’obésité, en ralentissant l’absorption des glucides et en retardant la sensation de faim. Galettes, croquettes, céréales chaudes, pain ou recettes à la kacha (sarrasin grillé) : ensoleillez vos assiettes avec le « blé noir ». (L’Itinéraire) C

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La lombalgie est la plus importante cause mondiale d’invalidité

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Elle touche 10 % de la population de la planète, affirme une nouvelle étude. Sur les 291 problèmes de santé étudiés par cette enquête, la lombalgie (douleur au bas du dos) arrive en tête en ce qui concerne le nombre d’années perdues à l’invalidité, et en sixième place en ce qui a trait à l’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI). L’EVCI est un mode d’évaluation mesurant l’espérance de vie en bonne santé. Elle est calculée à partir des années perdues en raison d’une mort prématurée et des années vécues avec une invalidité. La lombalgie associée au travail représente le tiers de toutes les invalidités professionnelles dans le monde. Les travailleurs du secteur agricole et les personnes âgées de 35 à 65 ans semblent les plus vulnérables. Les emplois qui impliquent des mouvements forcés, des positions inconfortables et des vibrations, ou encore de soulever des charges, sont mis en cause. La prévalence et l’impact du problème augmentent avec l’âge. Les auteurs préviennent que le nombre de gens souffrant de lombalgie augmentera de manière importante au cours des prochaines décennies, en raison, notamment, du vieillissement de la population. Les conclusions de cette étude sont publiées en ligne par le journal médical Annals of the Rheumatic Diseases. (La Presse)

LE SAVIEZ-VOUS : TOUS LES ENGRAIS AZOTÉS N’ONT PAS LA MÊME EFFICACITÉ. Les ammonitrates, comme le CAN 27 YaraBela de Yara, sont plus fiables de par leur composition. Voici pourquoi : n Les ammonitrates contiennent une plus grande proportion d’azote sous forme de nitrate que les solutions azotées ou l’urée. n Le nitrate est plus facilement absorbé par les racines des cultures. n La disponibilité du nitrate pour les cultures est immédiate puisqu’il n’a pas à être préalablement transformé dans le sol. n L’absorption des ammonitrates dépend moins des conditions météorologiques que les autres apports d’azote. n Leur perte par volatilisation ammoniacale est beaucoup moindre qu’avec les solutions azotées ou l’urée. Voilà pourquoi le CAN 27 YaraBela de Yara figure parmi les sources d’azote les plus efficaces et les plus fiables tout en ayant un impact environnemental inférieur à celui d’autres produits azotés. Perte par volatisation en % de l’azote apporté n Terre labourable 27 % 25 %

n Prairie

22 %

20 %

14 %

15 % 10 % 5% 3% 0%

2%

Ammonitrate

Solution

Urée

Source: Étude du ministère de l'agriculture du Royaume-Uni (DEFRA-2003-2005)

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Pau s e - p e n s é e

Quand les capitalistes coopèrent

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Photo : martine doyon

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e trouvez-vous pas que les stratégies d’affaires de nombreuses entreprises à capital-actions commencent à ressembler à celles des coopératives ? L’une après l’autre, les idées de responsabilité sociale, de développement durable, d’éthique d’entreprise ont fait leur chemin dans le monde des affaires, promues par des entreprises dites « citoyennes ». Une image bien léchée, des dons aux bonnes œuvres, un marketing qui met l’humain au premier plan, rien ne semble retrousser. Nourrie par les médias de tous genres, la reconnaissance du public est manifeste. Évidemment, on ne connaît pas toujours les motivations profondes derrière les bonnes pratiques, mais pour le consommateur final comme pour l’environnement, le résultat est bel et bien là. J’imagine qu’on devrait s’en réjouir. En mai dernier, j’ai eu la chance d’assister à la conférence C2MTL, qui célèbre la créativité en entreprise. Deux mille participants de par le monde. Devinez ce qu’on y a mis à l’honneur ? L’entre­prise sociale. Eh oui. Pas la coopérative, mais l’entreprise sociale. On a présenté de beaux exemples d’entreprises qui s’engagent socia­lement par l’inter­médiaire de fondations ou d’organismes de bienfaisance. One Drop, fondée par Guy Laliberté et vouée à des projets d’accès à l’eau, y occupait une place de choix. Bravo. Mais je n’ai pu m’empêcher de me dire : coudonc, est-ce que le mouvement coopératif est vraiment invisible ou est-ce qu’on nous ignore délibérément ? Les coopératives sont engagées dans leurs collectivités depuis toujours, mais la reconnaissance publique ne semble jamais au rendez-vous... Voilà que je tombe ensuite sur le dernier numéro d’Alternatives économiques. Dans un article portant sur la gestion, on évoque une stratégie à exploiter lorsqu’on cherche à réduire ses coûts : la collaboration horizontale. Tiens, tiens. Pour en savoir davantage, je fais un peu de recherche sur la collaboration horizontale.

Présentée comme un élément clé d’une croissance durable, la collaboration horizontale consiste à conclure des alliances avec d’autres entreprises actives dans le même cœur de métier. Le groupe Ferrero et Hershey, par exemple, bien qu’en concurrence pour les mêmes dollars du consommateur, collaborent dans l’entreposage, le transport et la distribution de leurs produits chocolatés. Ils réalisent ainsi des économies substantielles, tout en diminuant leur empreinte écologique. Et comme la collaboration horizontale n’est pas toujours facile, de nouvelles boîtes de consultants se mettent sur pied pour guider les entreprises sur la bonne voie. L’une d’entre elles, Tri-Visor, prodigue ses judicieux conseils pour choisir le partenaire qu’il vous faut : alignement des visions d’entreprise, masse critique, volonté de partager les gains… Bravo encore, mais rien de très nouveau pour nous, du monde coopératif. Chez nous, l’inter­ coopé­ration se pratique depuis des lunes et se renouvelle constamment. N’est-ce pas l’idée à la base même de la création de nos nombreuses coopé­ratives agricoles, au siècle dernier ? N’est-ce pas aussi l’idée derrière nos multiples alliances et partenariats ? N’est-ce pas encore l’idée à la base de notre chantier Chrysalide, qui dotera le grand réseau La Coop d’une armature commerciale digne du 21e siècle ? C’est fascinant : on dirait que les entreprises à capital-actions découvrent peu à peu le potentiel de la coopération… mais en pièces détachées ! On a même inventé le terme « coopétition » pour exprimer la coopération entre des entreprises qui se font normalement compétition. Ne serait-il pas plus simple de prendre le modèle coopératif en exemple, puisqu’il intègre harmonieusement toutes ces bonnes pratiques ? Ça viendra peut-être. Sur le site de Tri-Visor, j’ai remarqué une diapo proclamant : « Si vous voulez vous améliorer de façon constante, compé­ titionnez ! Si vous voulez vous améliorer de façon exponentielle, coopérez ! » Voilà. Ne resterait qu’à dire qu’il existe des entreprises qui s’adonnent régu­lièrement à cet exercice et qui s’en portent fort bien. On les appelle les coopératives. Colette Lebel, agronome Directrice des affaires coopératives La Coop fédérée Courriel : colette.lebel@lacoop.coop Télécopieur : 514 850-2567

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Prowler® 700 HDXMD Limited

Le Prowler 700 HDX Limited d’Arctic Cat® est conçu pour abattre le travail le plus ardu. Avec son moteur de 695 cc à injection électronique de carburant, sa boîte de chargement arrière basculante d’une capacité de 454 kg (1 000 lb) et ses amortisseurs arrière réglables FOX FLOAT,® il est fin prêt pour le boulot. Il est même équipé d’une banquette à trois places et d’une servodirection électronique. Conduisez une machine d’une société vouée à la performance hors route. Arctic Cat. Bien bâtis. Bâtis ici. Pour en savoir davantage, visitez arcticcat.com.

Les VR hors route peuvent être dangereux à conduire. Une utilisation inappropriée peut entraîner des blessures sérieuses, voire la mort. Tous les occupants du véhicule doivent porter une ceinture de sécurité, un casque homologué, des lunettes de sécurité et des vêtements de protection. Ils doivent utiliser les poignées/le volant et demeurer entièrement à l’intérieur du véhicule. Ils doivent pouvoir s’asseoir dans le véhicule, le dos bien appuyé contre le dossier, les deux pieds à plat sur le plancher et les mains sur les poignées/le volant. Ils doivent lire et comprendre le manuel de l’utilisateur avant de conduire. Suivez toutes les instructions et tenez compte des avertissements. Évitez les déplacements soudains, les accélérations brusques dans les virages, la conduite à flanc de pente et les surfaces pavées. Ralentissez avant de prendre un virage. Ne conduisez pas sur les voies publiques à moins qu’elles soient designées à titre de voie d’accès pour VR hors route; des collisions avec une automobile ou un camion peuvent se produire. Ne tentez jamais de faire des cascades. Ne consommez jamais d’alcool ou de drogue avant de conduire ou en conduisant. Ne faites jamais d’excès de vitesse et soyez particulièrement prudent en terrain accidenté. Tous les conducteurs de VR hors route doivent être titulaires d’un permis de conduire valide et être agés d’au moins 16 ans. Ne transportez jamais de passager dans la boîte de chargement; ne transportez jamais plus de passagers que le nombre de sièges du véhicule. Évitez de tirer à partir de votre VR hors route, ou d’y appuyer des armes à feu ou des arcs. Arctic Cat recommande à tous les conducteurs de suivre un cours de formation. Pour de l’information sur la sécurité et les cours, appelez le Conseil canadien de la sécurité au 1 613 739-1535 ou voyez votre concessionnaire. À l’instar des défenseurs de l’environnement, Arctic Cat vous recommande vivement de conduire lentement sur les terres privées ou publiques. Conduisez uniquement sur les sentiers ou dans les zones désignés à cet effet. Préservez vos futures occasions de conduite en démontrant votre respect pour l’environnement, les lois locales et les droits d’autrui. FOX FLOAT® est une marque déposée de FOX Racing Shox. Arctic Cat,® HDX,MD Partagez notre passion,MD Prowler® et Share Our PassionMD sont des marques de commerce ou des marques déposées d’Arctic Cat Inc. ©2013 Arctic Cat Sales Inc., Thief River Falls, MN 56701, É.-U. Les VTT et côte à côte (VR hors route) d’Arctic Cat sont des produits de classe mondiale d’Arctic Cat Inc.

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Par Vincent Cloutier, agronome, MBA

Économiste principal La Coop fédérée vincent.cloutier@lacoop.coop

Remettre le Farm Bill en perspective

Le nouveau Farm Bill, signé par le président Obama en début d’année, a fait couler beaucoup d’encre. À une extrémité du spectre, on a entendu ceux qui criaient au protectionnisme éhonté à cause du COOL (Country Of Origin Labeling), alors que d’autres percevaient l’éventualité d’une inondation déloyale des marchés d’exportation.

T Photo : Pierre cadoret

raditionnellement, aux États-Unis, les productions végétales ont été confortablement soutenues par l’État, alors que les productions animales ont été laissées à elles-mêmes ou presque. La mécanique des programmes a beau avoir changé, ce cadre demeure. Plutôt, ce sont les sommes apparemment astronomiques versées par l’intermédiaire du Farm Bill qui ont fait la manchette : 100 milliards $ US annuellement, ça frappe l’imaginaire. Mais ne perdons pas de vue que 80 de ces milliards sont affectés à des programmes d’aide alimentaire, dont seule une infime portion peut être attribuée à un soutien agricole. D’abord, ces 80 milliards sont dépensés par des consommateurs : ils sont ainsi distribués tout au long de la filière alimentaire. En estimant que 10 % du dollar du consommateur revient aux producteurs, on peut calculer que 8 milliards aboutissent à l’échelle de la production. Avant d’attribuer cette somme à un soutien agricole, il faut se demander dans quelle mesure elle augmente la demande de produits agricoles américains. Joseph Glauber, économiste en chef du dépar­tement de l’Agriculture des États-Unis (USDA), nous rappelait, lors de sa visite au Québec le printemps dernier, que la forte majorité des programmes d’aide alimentaire ne se limitent pas à l’achat de produits américains. De plus, M. Glauber rappelait qu’il est loin d’être acquis qu’ils augmentent la demande de produits alimentaires. Dans une large mesure, ils libèrent plutôt des sommes pour l’achat d’autres biens de consommation, moins essentiels que la nourriture. Pour finir d’enterrer le mythe du soutien agricole versé par l’intermédiaire de l’aide alimentaire

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Fa i t s e t g e s t e s

américaine, soulignons que son faible effet, s’il existe, est déjà incorporé dans le prix des produits agricoles. Les mythes sont, par définition, tenaces. Dans Internet, on trouve encore référence à une étude qui a calculé que les contribuables américains verseraient 31 ¢ de subvention pour chaque litre de lait produit aux États-Unis. Or, plus de la moitié de ce soi-disant soutien est constitué de l’aide alimentaire aux plus démunis. Le cadre de l’étude considère que chaque dollar de l’État versé à une personne pauvre pour s’acheter des produits laitiers aboutit dans la poche des producteurs de lait. C’est d’une pauvreté méthodologique navrante. En est-on vraiment réduits à un tel manque de rigueur pour défendre la gestion de l’offre ? Les auteurs de cette étude devraient aller la présenter devant des producteurs de lait des États-Unis, puis nous faire part de la réaction de ces derniers. Dans la réalité, les producteurs laitiers disposent maintenant d’un programme d’assurance en cas de marge faible. Prévoyant y consacrer 275 millions $ US annuellement pendant cinq ans (l’équivalent de 35 ¢ US par hectolitre), le nouveau Farm Bill ne freinera pas la forte tendance à la consolidation des fermes laitières aux États-Unis. Dans les productions végétales, l’abolition des paiements directs fait économiser 4,5 milliards $ par année au Trésor américain. En revanche, l’amélioration de programmes d’assurance (Price Loss Coverage ou Revenue Loss Coverage) fait qu’en cas de besoin, les producteurs de maïs, soya, riz ou coton, entre autres, pourront compter sur le Trésor américain. Beaucoup se demandent si les grandes cultures seraient mieux servies au Québec par les programmes du Farm Bill, ou si notre panier d’outils est plus avantageux. À ce sujet, l’article de Jean-Sébastien Laflamme (en page 26), qui s’appuie sur des travaux de Forest Lavoie Conseil, apporte un éclairage bienvenu en nous rappelant que nous sommes servis, au Québec, par des outils de politique agricole de premier ordre.

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Par Hélène Cossette

Pleine d’énergie et de projets Jeannine Chartrand est une agricultrice passionnée et résolument engagée dans son milieu. À preuve : couronnée agricultrice de l’année 2012 pour le Centre-du-Québec, cette éleveuse de porcs est aussi vice-présidente de La Coop Covilac, vice-présidente de la caisse Desjardins de Nicolet et commissaire à la commission scolaire de la Riveraine !

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l ne faut surtout pas me lancer un défi, confie cette femme à la curiosité insatiable. Quand je ne comprends pas une chose, je suis portée à m’embarquer pour pouvoir l’analyser sous tous ses angles. » Sa passion pour l’agriculture lui vient de ses parents, qui exploitaient une ferme laitière dans l’Outaouais. « Mon père a été administrateur de La Coop Agrodor pendant plusieurs années. Je ne sais pas si j’ai hérité du gène de la coopération, mais quand j’étais jeune, je pratiquais des sports d’équipe et j’aimais m’impliquer dans différentes organisations. » Après l’obtention de son diplôme en productions animales à l’ITA de Saint-Hyacinthe, en 1983, elle a travaillé pendant cinq ans au Programme d’analyse des troupeaux laitiers du Québec

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(aujourd’hui Valacta), tout en s’impliquant comme secrétaire du Club Holstein et du Syndicat de gestion de Papineau. Elle a ensuite été représentante technique en productions laitière et végétales, puis responsable des commandes et du service à la clientèle au Centre agricole de Lac-Saint-Pierre (aujourd’hui Covilac). Elle a quitté cet emploi en 1995, lorsque son conjoint et elle ont acquis la ferme porcine de son beau-père. « Certains disent : “Qui prend mari prend pays.” Moi, je n’ai pas changé de pays, mais j’ai changé de production ! » fait-elle remarquer. Comptant aujourd’hui une maternité de 630 truies et 46,8 ha de terres louées à des entreprises céréalières avoisinantes, la Ferme Porcibel se distingue entre autres par l’excellence de ses pratiques agroenvironnementales, qui lui ont valu un prix régional en 2007. À partir de 1998, la dynamique agricultrice s’est aussi engagée au sein du Mouvement Desjardins, où elle a notamment été vice-présidente puis présidente de la caisse des Deux-Rives, jusqu’à sa fusion avec la caisse de Nicolet, en 2010. Après l’arrivée de ses quatre enfants, nés entre 1994 et 2000, elle a temporairement délaissé les organisations agricoles pour se consacrer au milieu scolaire. Pendant 10 ans, elle a présidé un conseil d’établissement et siégé à de nombreux comités de parents, avant de devenir commissaire scolaire en 2011. Maintenant que ses enfants sont grands, Jeannine Chartrand est heureuse de renouer avec La Coop Covilac, cette fois à titre d’administratrice. Sa vaste expérience comme ex-employée, comme productrice et comme dirigeante dans d’autres organisations est un atout précieux au conseil. « Lorsque je suis entrée, en 2012, on envisageait de construire un nouveau centre d’engrais. Or pour y avoir travaillé et connu les problématiques sur le terrain avec les producteurs, j’étais en mesure d’analyser tous les impacts de cette importante décision », fait-elle valoir. Récemment nommée à la vice-présidence de Covilac, elle est consciente que ce poste constitue souvent un tremplin pour la présidence. Cette éventualité ne l’effraie pas, dans la mesure où « ce n’est pas très différent d’une présidence de caisse », dit-elle. Toujours aussi pleine d’énergie et de projets, elle n’a pas l’impression d’avoir vieilli entre 20 et 50 ans. « Je regarde mes anciens camarades d’école qui sont à leur préretraite et je me sens très loin d’être rendue là. Il y a encore bien trop de choses à changer et à améliorer pour que je me retire ! » estime-t-elle.

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PHOTO : PIERRE CADORET

Entretien

Consolider pour la prospérité Entrevue avec Gaétan Desroches, chef de la direction de La Coop fédérée Propos recueillis par Patrick Dupuis et Guylaine Gagnon

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Nommé au plus haut poste de gestion de l’organisation le 14 avril dernier, Gaétan Desroches voit d’un bon œil l’avenir de La Coop fédérée et de son réseau. L’organisation poursuit sa lancée des dernières années, avec sobriété et prudence. « Nous sommes à une étape de consolidation, dit-il, mais sans mettre en veilleuse notre croissance, les services aux membres et la pérennité de notre coopérative ainsi que de leurs exploitations. »

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Le Coopérateur À votre arrivée en poste, quelle mission vous êtes-vous fixée ? Gaétan Desroches Que La Coop fédérée soit reconnue comme un chef de file pour son Secteur agricole, qui regroupe les productions animales, les productions végétales et les grains au Canada, ainsi que pour son Secteur du détail dans l’est du Canada, le tout chapeauté par un modèle coopératif moderne, rentable et agile. Le Secteur du détail est-il nouveau dans la structure de l’entreprise ? Au cours des dernières années, nous avons rééquilibré nos portefeuilles et secteurs d’affaires. Nous en avons maintenant trois : Agricole, Détail et Olymel. Chacun a des ventes semblables au sein de l’organisation, soit environ 2 milliards $. Cette restructuration évite que les résultats financiers de La Coop fédérée dépendent de façon disproportionnée d’un secteur particulier. Le Secteur du détail est un virage important et rassemble Énergies Sonic, Quincailleries et machines agricoles (y compris le transfert des quincailleries vers BMR), ainsi qu’Innovation et croissance. Il y a des synergies commerciales importantes à exploiter entre les activités d’Énergies Sonic et celles de Quincailleries. Avec notre investissement stratégique dans Norcan et Propane Québec, Énergies Sonic est une activité rentable et en croissance où les occasions de consolidation du marché et du positionnement de l’offre seront porteuses à l’avenir.

Où en êtes-vous avec BMR ? Nous détenons une part du capital de BMR. C’est un partenariat commercial qui fonctionne déjà. Ses experts, ses marchands indépendants, son réseau de distribution de produits de quincaillerie, ses entrepôts et autres installations sont impressionnants. BMR est le deuxième acteur en importance dans le domaine de la rénovation au Québec. Par ailleurs, les magasins franchisés Unimat seront tous desservis par BMR dans un avenir rapproché.

Quelle est la situation financière de La Coop fédérée? Elle est saine et maîtrisée. Nous avons fait plusieurs acquisitions au cours des six dernières années. Elles étaient nécessaires pour assurer notre croissance et des retombées pour les membres. Nous avons optimisé des actifs sous-utilisés afin de réduire certains coûts, et mis en place des centres de services partagés ainsi que des systèmes transactionnels technologiques, tout cela avec l’aide de notre réseau. Sans tous ces efforts, nous aurions reculé.

Par où passera le prochain segment de développement de La Coop fédérée ? Mon mandat est clair : équilibrer notre portefeuille d’affaires et le mettre à l’abri de la volatilité des marchés. Notre développement se fera en synergie. La « feuille de route » est la suivante : préparer la relève de nos employés et dans nos métiers; réussir notre virage Détail; continuer la mise en place d’une Filière porcine coopérative robuste, tant dans l’Est que dans l’Ouest; optimiser nos réseaux, soit les coopératives, Olymel, l’entente avec BMR, IFFCO – notre projet d’usine d’urée à Bécancour –, nos coentreprises, telles que Biovalco dans la biomasse, et nos chaînes de valeur. Et enfin, repositionner notre offre réseau en agriculture.

Parlez-nous du développement dans le Secteur agricole et particulièrement hors du Québec. C’est surtout dans l’Ouest canadien que l’on verra, au cours des prochaines années, un développement important, particulièrement au Manitoba et en Alberta. Nous y avons des détaillants, des vendeurs et des coentreprises. Nous venons de construire un nouvel entrepôt d’engrais et nous comptons en bâtir deux autres. Cela se fait par l’entremise d’Agrico, une entreprise acquise en 2011. Nous préparons le marché. Nous voulons établir une synergie avec Olymel, qui produit en Saskatchewan un million de porcs par an grâce à sa filiale Olysky. Pour les nourrir, 350 000 tonnes de grain sont nécessaires. Et pour produire ce grain, il faut de l’engrais. C’est une des raisons pour lesquelles nous voulons construire, avec IFFCO, l’usine de production d’urée à Bécancour. Nous voulons boucler la boucle. Ces investissements auront des retombées très positives pour le Québec.

Comment IFFCO nous permettra-t-elle d’être plus concurrentiels sur les marchés ? IFFCO sera un maillon de plus à notre chaîne de valeur, qui s’étendra de la fabrication d’engrais jusqu’aux rayons des épiceries, où l’on retrouvera de la viande de porc produite par le réseau. L’objectif ultime est d’accroître la rentabilité du réseau La Coop et de partager la richesse créée parmi les producteurs membres et les usagers. Être engagé dans la production d’un produit de base, l’urée, nous procure des avantages concurrentiels et réduit notre dépendance aux fluctuations de ce marché. Si le cours de l’urée monte, nous en toucherons la plus-value; s’il baisse, nous disposons d’un outil de production qui sécurise nos marchés et continue de faire de nous un acteur compétitif.

Qu’en est-il du marché des États-Unis et quels défis représente-t-il ? Le nord-est des États-Unis est un marché moins attaché que celui de l’Ouest canadien, davantage « spot market », c’est-à-dire ponctuel en fonction de besoins précis. La proximité de ce marché est un avantage, mais il reste à développer, car nous n’y avons pas d’infrastructures ni d’employés, comme dans l’Ouest canadien. Notre vision première, c’est le Canada. Législation, monnaie, population, transport, tout est plus facile, naturel. On s’intéressera plus sérieusement aux États-Unis une fois notre expansion canadienne achevée.

Quel est le plus grand défi de La Coop fédérée ? Outre la consolidation et la planification stratégique, c’est la relève. Notre nouvelle structure organisationnelle a été conçue pour la préparer. Il nous faut des jeunes pour occuper les postes stratégiques. L’autre défi d’envergure – bien qu’il ne soit pas particulier à La Coop fédérée –, c’est réussir à intéresser la population à l’agriculture. Dans une optique de développement de certaines chaînes de valeur de la terre à la table, c’est essentiel. Bref, en mettant tous ces éléments en place, nous nous positionnerons encore davantage comme des leaders.

Photo : Pierre Cadoret

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Dossier Sommet international 2014

Fort du succès de la première édition, organisée en 2012 par le Mouvement Desjardins, le Sommet international des coopératives revient cette année, du 6 au 9 octobre, avec une programmation encore plus étoffée. Cinq thématiques ont été retenues : Développement de l’entreprise coopérative et mutuelle; Économie, financement et capitalisation; Emploi; Sécurité alimentaire; et, enfin, Soins de santé et services à la personne. Dans les entretiens que nous vous proposons, tous s’accordent pour dire que les défis à venir sont nombreux, mais qu’en revanche les occasions d’affaires sont multiples et permettront d’assurer la pérennité des entreprises coopératives. Propos recueillis par Guylaine Gagnon, Patrick Dupuis et Colette Lebel

Les coopératives pour servir et non pour se servir Denis Richard, président de La Coop fédérée Le Coopérateur agricole : Quels bénéfices le Sommet 2012 a-t-il apportés à La Coop fédérée? Denis Richard : Nous y avons annoncé l’entente avec la coopérative indienne IFFCO pour la construction d’une usine de fabrication d’urée à Bécancour. Cette annonce a fait connaître La Coop et le Sommet au Canada et partout dans le monde.

Photo : Martine Doyon

En affaires, pourquoi la coopération n’est-elle pas le modèle dominant? Les coopératives s’inscrivent dans deux tendances. Elles sont un stabilisateur de l’économie et une forme d’entreprise qui fait de l’éducation à la démocratie. Les coopératives prouvent que les populations peuvent se prendre en main et construire de grandes choses. Elles peuvent rivaliser avec les entreprises capitalistes et leur apport dans l’économie mondiale est important et en croissance constante depuis 150 ans, époque de leur création. Les autres formes d’entreprise – capitalistes, par exemple – ont plus d’ancienneté. La démocratie est également assez jeune dans l’histoire. Avant, il n’y avait qu’un modèle, la dictature. La première démocratie sociale a vu le jour en France, avec la Révolution et les notions de droits et libertés. La démocratie sociale et la démocratie économique qui suit derrière n’ont pas fini de « contaminer » la planète. C’est pourquoi le modèle coopératif devrait être beaucoup plus important à l’avenir. Bien personnellement, je ne crois pas que ça deviendra le seul modèle d’entreprise sur la planète.

Pourquoi? Dans certains secteurs, à haut risque et d’innovation par exemple, celui qui prend tous les risques doit être récompensé si son entreprise fonctionne, car il sera aussi puni s’il échoue. Les secteurs de haute technologie, bien que très utiles et contribuant à l’évolution de la société, ne représentent pas une nécessité absolue pour la vie. En revanche, dans une société démocratique, la population, par l’entremise de coopératives, devrait être maître de tous les outils qui entourent le bien-être des humains : santé, alimentation, institutions financières.

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Qu’attendez-vous du Sommet 2014? Qu’il revalorise la place des coopératives dans la vie des gens sur la planète. Qu’il montre les coopératives comme des outils permettant de mieux répartir la richesse et d’organiser la distribution des aliments de façon plus ordonnée. L’alimentation, à court terme, est le tout premier besoin des humains. Un des thèmes du Sommet est : « Nourrir neuf milliards de personnes en 2050 ». Quels gestes La Coop fédérée pose-t-elle pour contribuer à atteindre cet objectif? En appuyant les producteurs agricoles à accroître leur efficacité et leur productivité, les coopératives agricoles et La Coop fédérée aident leurs membres à nourrir un maximum de gens ici comme ailleurs. On fait partie de la solution pour nourrir neuf milliards d’humains. La Coop fédérée vise à être la meilleure entreprise canadienne de fournitures agricoles et de produits alimentaires. Est-elle sur la bonne voie pour atteindre cet objectif? Nous sommes une des plus grandes entreprises en agroalimentaire au Canada. Notre modèle coopératif et démocratique devrait favoriser l’atteinte de cet objectif d’ici les 10 ou 20 prochaines années. La Coop fédérée n’aurait pas pu grandir en ne pensant qu’à produire des résultats fi nanciers. Nous « La démocratie politique fait inexorablement servons les agriculteurs et de plus en plus de consommateurs. Nous les aidons à grandir, à faire vivre leur son chemin partout sur la planète, et la famille. La pensée de pérennité est toujours présente.

démocratie économique suit dans son sillage. même

Quel est le plus grand défi de la coopération? Ces deux éléments sont l’essence La gouvernance des coopératives passe par des gens de la coopération. » élus de façon démocratique. Dans l’opinion publique, un élu, un politicien, a mauvaise réputation. Cette pensée fi nira par déteindre sur les démocraties des coopératives, surtout les plus grandes, et éloignera des conseils les gens d’expérience, pouvant changer les choses. Il faut attirer dans les conseils ceux qui viennent non pour se servir, mais pour servir…

PHOTO : PIERRE CADORET

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L’intercoopération pour développer les affaires Gaétan Desroches, chef de la direction de La Coop fédérée Le Coopérateur agricole : Qu’attendez-vous du Sommet 2014? Gaétan Desroches : Je souhaite créer des alliances d’affaires avec d’autres coopératives pour concurrencer les multinationales. IFFCO en est un bon exemple. C’est le premier projet d’intercoopération à grande échelle réalisé par le réseau. IPCO (Interprovincial Cooperative), dans l’Ouest canadien, avec laquelle nous avons des liens, est aussi un bel exemple d’alliance. Ainsi que Momagri, en France. Il y a plusieurs occasions d’affaires à développer dans les secteurs des semences et des grains. Vous évoluez depuis 30 ans au sein du réseau La Coop. Les jeunes producteurs se reconnaissent-ils dans ce qu’il est devenu? Ils vont de plus en plus s’y reconnaître. Les fermes grossissent et leurs besoins changent. Nous sommes les mieux placés pour y répondre. Pensons à la vente d’engrais, à l’achat de leurs récoltes, aux positions boursières et à la gestion des risques. La Filière porcine coopérative, pour produire du porc spécifique, est encore un bel exemple de valeur ajoutée. u SEPTEMBRE 2014 | Le Coopérateur agricole

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Quels gestes La Coop fédérée pose-t-elle pour contribuer à nourrir neuf milliards de personnes en 2050? Toutes nos activités de R-D et nos investissements stratégiques récents répondent à cet objectif. En développant des marchés d’exportation de viande et de grain pour nos producteurs, nous contribuons à nourrir la planète. Avec vos investissements des dernières années, La Coop fédérée risque-t-elle d’être une coopérative dont la plus grande part du chiffre d’affaires proviendra de filiales ou de copropriétés? Le marché agricole, notre principal secteur d’affaires, est à maturité. Sans notre croissance des dernières années, nous aurions reculé. Ces investissements (Agronomy, Agrico, BMR) apportent des synergies à nos membres. Avec BMR, la stratégie est simple : atteindre des éco« Le développement pancanadien du réseau nomies d’échelle et favoriser l’expertise La Coop apportera une nouvelle prospérité des coopératives en quincaillerie pour accroître l’occupation du territoire et le aux producteurs agricoles et aux coopératives chiffre d’affaires. Avec Agrico et Agronomembres. Une prospérité qui passe par my, c’est exporter de plus gros volumes l’intercoopération. » de grains et optimiser notre logistique de transport dans les fertilisants, à meilleurs coûts, et s’assurer d’un approvisionnement à longueur d’année. Ces investissements ne dénaturent pas notre raison d’être. Ces entreprises appartiennent aux membres du réseau et possèdent les mêmes valeurs et politiques. En affaires, pourquoi la coopération n’est-elle pas le modèle dominant? C’est une question de perception. Certains voient les coopératives comme des organismes sans but lucratif. Ce n’est pas la vocation de toutes les coopératives, loin de là, bien qu’elles ne soient pas non plus purement capitalistes. Peu importe la façon dont elles sont gouvernées, il faut un modèle d’affaires viable et des valeurs distinctes pour se développer, offrir des services. Il n’est pas honteux de faire de l’argent, d’autant plus qu’on le redistribue!

PHOTO : GUYLAINE GAGNON

Des coopératives bien gérées profitent à tous Dr U.S. Awasthi, chef de la direction d’IFFCO Le Coopérateur agricole : Au Sommet, vous participerez à la table ronde « Comment nourrir neuf milliards de personnes en 2050 ». Cet enjeu est-il réalisable? Dr U.S. Awasthi : Pour y arriver, nous devrons produire 70 % plus de nourriture. Il faudra composer avec le réchauffement climatique, qui affecte la croissance des plantes; la demande d’aliments plus nutritifs de la part des habitants des pays en développement; et les problèmes de malnutrition, qui s’aggravent (12 % de la population mondiale est touchée). Il faudra aussi donner aux petits producteurs les technologies et plantes améliorées nécessaires pour accroître leur productivité. En revanche, de la terre à la table, les pertes par gaspillage sont de 40 %. En minimisant ce gaspillage, grâce à de meilleures infrastructures de conservation et d’entreposage, les 70 % de production supplémentaires ne sont plus nécessaires. Toute nourriture non gaspillée est de la nourriture produite. Aussi, en mangeant moins – un tiers de la population mondiale est obèse – , on pourrait mieux redistribuer la nourriture. Enfi n, il faut mieux prendre soin des sols et utiliser chaque goutte d’eau de la façon la plus efficace possible.

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Les coopératives, dont IFFCO, sont-elles positionnées pour contribuer à relever ce défi de façon durable? En Amérique du Nord, la nourriture est abondante et accessible. En Inde, il faut travailler fort pour nourrir 1,2 milliard d’habitants. Dans mon pays, et à IFFCO, nous mettons en œuvre un programme appelé « Sauvons nos sols ». Nous expliquons aux producteurs comment prendre soin de leur terre pour en accroître la productivité et en conserver la fertilité. Nous leur apprenons comment utiliser l’irrigation de façon optimale et la machinerie pour enfouir les résidus. Nous soutenons les universités et instituts agricoles, qui aident producteurs et productrices à se familiariser avec les nouvelles pratiques et le développement durable. Nous contribuons également à la mise sur pied de coopératives dont l’effectif est entièrement féminin. Qu’est-ce que le Sommet apporte aux coopératives indiennes? Ce qu’on fait n’est jamais parfait. Nous y apprenons de nouvelles façons de faire et de penser, utiles à nos producteurs. IFFCO s’installe au Québec pour construire une usine de fabrication d’urée. Pourquoi vouloir des installations de production d’engrais ailleurs dans le monde? Pour développer les affaires. Nous avons des usines au Sénégal, à Oman, en Jordanie. Nous cherchions à nous implanter en Amérique du Nord. Nous avons choisi le Québec, car votre province ne possède pas d’usine d’engrais et parce qu’il y a La Coop fédérée, avec laquelle s’associer. Votre gouvernement nous apporte aussi beaucoup d’appui.

Fondée il y a 47 ans, la coopérative indienne IFFCO (Indian Farmers Fertiliser Cooperative) compte 50 millions de membres producteurs agricoles répartis dans 40 000 coopératives affiliées. Son siège social est situé à New Delhi. La carrière du Dr Awasthi dans le secteur des fertilisants s’échelonne sur près d’un demisiècle, dont 31 ans à IFFCO et 21 à titre de chef de la direction. En trois décennies, le chiffre d’affaires de cette coopérative a bondi de 200 millions à 6 milliards $. Une croissance phénoménale, à l’image de celle qu’a connue la population de l’Inde au cours de la même période : de 1981 à 2011, elle est passée de 683 millions à 1,2 milliard d’habitants. Nous avons rencontré le Dr Awasthi dans les bureaux d’IFFCO à Montréal.

PHOTO : AGROPUR

Quels sont les plus grands défis de votre coopérative? Nous pensons constamment aux producteurs agricoles. Particulièrement aux producteurs pauvres, car ils représentent la majorité de nos membres. Nous gérons la coopérative avec cœur et esprit, c’est-à-dire pour les consommateurs et pour les affaires. Dans le passé, les coopératives indiennes n’étaient pas gérées par des professionnels. L’un de nos principaux défis a été de mettre « Nourrir le monde : on y arrivera en produisant en place cette façon de faire. Il a aussi fallu leur plus et mieux, et en gaspillant moins. » faire comprendre l’importance d’être efficaces. Résultat : au cours des 13 dernières années, nous avons versé un maximum de ristournes. Les surplus ont été réinvestis dans la coopérative. Nos actifs se montent aujourd’hui à 10 milliards $. Des coopératives bien gérées profitent à tous.

Garder les actifs entre les mains des producteurs Serge Riendeau, président d’Agropur Le Coopérateur agricole : Quels bénéfices le Sommet 2012 a-t-il apportés à Agropur? Serge Riendeau : Deux éléments m’ont interpellé. D’abord, la force du mouvement coopératif. En combinant le chiffre d’affaires des 300 plus grandes coopératives du monde, le total équivaut au PIB de la neuvième économie mondiale. Ensuite, le taux de résilience très élevé de notre modèle d’entreprise. Qu’attendez-vous du Sommet 2014? Que l’on sensibilise politiciens et universitaires au bien-fondé de notre modèle d’affaires afi n qu’ils comprennent le rôle important des coopératives dans la société, tant par leur vision à long terme que par les services offerts. Notre modèle équitable de redistribution de la richesse SEPTEMBRE 2014 | Le Coopérateur agricole

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Sommet international 2014

est aussi à faire connaître. Chez Agropur, les ristournes rémunèrent le travail – le volume de lait produit par chacune des fermes – et le capital investi dans l’entreprise au nom du membre, soit la part sociale. C’est le principe « un membre, un vote ». Si seul le capital était rémunéré, le conseil prendrait sans doute des décisions à plus court terme. Lors du Sommet, Agropur présente le forum Les coopératives et la consolidation de l’industrie laitière mondiale. Ce sujet est-il une grande préoccupation pour les coopératives laitières? Il l’est pour tous les acteurs de l’industrie laitière. La consolidation, c’est de moins en moins d’entreprises, de plus en plus grosses. Bien des coopératives font partie de ce groupe. Il faut y prendre notre place. Au Sommet 2012, nous avions organisé une rencontre avec des coopératives laitières canadiennes. Des intervenants d’autres régions du monde étaient invités « Avec 75 ans d’histoire, Agropur reste plus pour discuter de l’industrie laitière mondiale. que jamais branchée sur l’innovation, la Constat : malgré notre système de gestion de l’offre, les plus grands acteurs mondiaux sont satisfaction des consommateurs et la pérennité présents sur notre marché. Cette année, nous des entreprises agricoles et coopératives. » invitons les coopératives laitières de partout dans le monde. Le but : mieux se connaître, faire partager notre vision de l’industrie laitière mondiale et prendre la place qui nous revient. Il faut donc unir nos forces. C’est ce que nous avons fait en fusionnant avec Farmers Dairy, une coopérative de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, en 2013, et avec Dairytown, une coopérative du Nouveau-Brunswick, cette année. L’objectif est de conserver les actifs entre les mains des producteurs pour contrôler notre destinée. La consolidation est-elle une occasion d’affaires ou une menace? Il faut se positionner pour qu’elle soit une occasion d’affaires. Au Canada et partout ailleurs sur la planète, il importe, encore une fois, de garder les actifs des coopératives entre les mains des producteurs. C’est une sécurité pour la pérennité de leur ferme, de leur organisation et de leur collectivité. Quel sera le plus grand défi d’Agropur? Ils sont multiples. Être d’une taille suffisamment importante pour concurrencer les plus grands acteurs, être efficace, contrôler nos coûts et faire les bons investissements. Le bilan d’Agropur est éloquent. Nos acquisitions récentes et notre positionnement nord-américain nous permettront d’assurer, au profit des membres, la continuité de l’entreprise.

Après le succès du Sommet international des coopératives de 2012, Monique Leroux récidive avec une édition 2014.

PHOTO : A PRECISER

PHOTO : DESJARDINS

Agir en entrepreneurs collectifs Monique Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins Le Coopérateur agricole : Dans quelle mesure, après le Sommet de 2012, a-t-on changé la perception des gens à l’égard de la formule coopérative comme modèle de développement économique d’avenir? Monique Leroux : Nous avons réussi à changer positivement la perception des leaders politiques et économiques et à leur faire voir que le modèle d’affaires coopératif recèle beaucoup de potentiel, tant pour l’économie mondiale que pour des enjeux socioéconomiques majeurs. C’est le cas pour la sécurité alimentaire. L’éventail impressionnant de conférenciers internationaux au Sommet de 2014 en est la preuve. Par ailleurs, plusieurs pays ont modifié positivement leur législation à l’égard des coopératives.

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é

Qu’attendez-vous du Sommet 2014? Le Sommet est une formidable occasion pour discuter d’affaires. Rappelez-vous l’annonce de l’Indian Farmers Fertiliser Cooperative (IFFCO) et de La Coop fédérée au Sommet de 2012. Je souhaite que l’édition 2014 soit le théâtre d’un nombre encore plus important de rencontres bilatérales favorisant les partenariats. Le Sommet peut mettre aussi en valeur certaines qualités du modèle coopératif. Les coopératives sont rarement associées à l’innovation. Pourtant, elles ont prouvé leur capacité à innover. Cette caractéristique contribue à faire du modèle coopératif une réponse aux défis internationaux. La résilience des coopératives leur a Programme du Sommet : permis de survivre mieux que les autres entreprises aux cycles et aux crises économiques. www.sommetinter.coop/ Comment le Sommet peut-il avoir pour résultat que la formule coopérative soit plus attrayante auprès des jeunes? Il y a un besoin d’éduquer les personnes au modèle coopératif et de faire connaître ses succès. Au Québec, où le modèle coopératif emploie 92 000 personnes et génère un chiffre d’affaires de 25,6 milliards $, il n’y a pourtant que très peu de cours dans les facultés d’administration portant sur le modèle coopératif. C’est pourquoi le Sommet a une section consacrée aux jeunes leaders. L’objectif est qu’ils aient voix au chapitre et connaissent les avantages de la formule.

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Étant donné leurs multiples avantages par rapport au système à capital-actions – résilience, pérennité, fort enracinement local, partage des profits –, pourquoi les coopératives ne sont-elles pas devenues le modèle économique dominant? Le modèle coopératif fait l’objet de peu d’enseignement et de promotion. Pourtant, le plus gros employeur privé du Québec est un groupe coopératif : le Mouvement Desjardins! Il y a tout un travail de rattrapage à faire à cet égard. Le mouvement coopératif doit expliquer les solutions qu’il peut apporter aux défis actuels. Les coopératives doivent innover, croître et saisir les occasions de partenariats permettant de poursuivre leur développement.

Pour demeurer à la fine pointe des connaissances! Novembre sur les bovins laitiers 5 Symposium Choix d'aujourd'hui pour les défis de demain Centre BMO, Saint-Hyacinthe

Gestion 6 Colloque Saisir les opportunités ! Best Western Plus Hôtel Universel Drummondville

sur la pomme de terre 14 Colloque Concilier performance, environnement et marchés Centre de congrès et d’expositions de Lévis

er Calendri Octobre Bœuf 10 Congrès Produisez-vous le

Automne

2014

d’information scientifique Innovagrains-CRAAQ 20 Journée Hôtel Mortagne, Boucherville Fertilisation, agriculture de précision et 25 Colloque agrométéorologie Outils intégrés pour l’agriculture d’aujourd’hui et de demain Hôtel Le Victorin, Victoriaville

veau recherché? Cégep de Victoriaville

Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec www.craaq.qc.ca

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Photo : ingimage

CUMA

Les CUMA

structurent leur succès Par Nancy Malenfant Conseillère aux affaires coopératives La Coop fédérée nancy.malenfant@lacoop.coop

Un immense cerveau collectif a planché en mode solution lors du plus récent séminaire organisé à l’intention des membres de coopératives d’utilisation de matériel agricole et ayant pour thème « Structurer le succès ».

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L

e 3 juillet dernier, c’est sous le signe du plaisir que plus de 40 participants provenant de 17 coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) ont partagé leurs bons coups et bâti des plans pour le futur. Grâce à un remue-méninge coopératif, ils en sont parvenus à un grand constat : c’est en travaillant ensemble que les CUMA pourront maximiser leur succès ! Jusqu’à ce jour, le réseau des CUMA revêt un statut plutôt informel au Québec. Le tiers d’entre elles sont affiliées à La Coop fédérée (voir l’encadré « Les CUMA au Québec »), tandis que les autres demeurent indépendantes. Ce manque de structure a jusqu’à maintenant défavorisé la mise en place de projets et d’outils collectifs d’envergure. Pourtant, les besoins à combler et les idées à concrétiser ne manquent pas.

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À titre d’exemple, parmi les priorités ciblées par les participants du séminaire figurent : la mise sur pied d’un forum de discussion en ligne, la conception d’un site Web et d’un logiciel financier adapté ainsi que la standardisation des pratiques.

Photo : ingimage

Un endroit virtuel pour échanger Les occasions d’échanges avec les pairs sont souvent limitées en agriculture, alors qu’on sait que les professionnels d’un même métier ont tout à gagner à s’entraider. En effet, qui de mieux placé pour aider à résoudre un problème qu’une autre personne vivant la même réalité ? C’est ce type de réseautage coopératif qu’ont expérimenté les participants lors du séminaire des CUMA. Après une fructueuse journée d’échanges, pendant laquelle ils ont travaillé à relever des défis communs en ateliers coopératifs, tous répétaient le même commentaire : « Il faut se rencontrer plus souvent ! » Or, entre la distance séparant les CUMA et les tâches quotidiennes à la ferme, les occasions de tenir de telles retrouvailles se font rares. Appelant les nouvelles technologies à la rescousse, plusieurs producteurs agricoles ont évoqué la mise en place d’un forum de discussion virtuel. À la suite de cette suggestion, un groupe Facebook « Réseau des CUMA du Canada » a été formé afin de faciliter les échanges et d’informer les membres de CUMA de l’avancement des projets en cours et des nouvelles du réseau. Cette plateforme permet aussi aux membres de continuer à se donner des trucs et à s’entraider à distance.

Une vitrine Web et un logiciel de gestion Voilà déjà quelques mois qu’un comité réunissant des représentants de cinq CUMA travaille à un projet de création d’un site Web pour les CUMA. Cet outil aura pour objectifs d’informer les membres, d’augmenter la visibilité auprès des non-membres, de favoriser la croissance en permettant le réseautage, et d’éduquer les producteurs ainsi que le grand public à cette formule de partage de machinerie. Des fonctions de gestion seront intégrées au futur site Web afin d’alléger la tâche du secrétaire-trésorier de la CUMA (p. ex. la signature électronique des contrats d’engagement, la compilation des unités d’utilisation de l’équipement, la réservation de machinerie, etc.). D’autre part, le logiciel de gestion conçu spécialement pour les CUMA dans les années 1990 commence à présenter certaines limites. D’ailleurs, parmi les CUMA qui l’utilisent encore,

certaines ont signifié qu’elles songent à l’abandonner. Différentes solutions de rechange sont ainsi évaluées présentement, dont celle d’un partenariat avec la compagnie SIGA, qui se spécialise dans la conception de logiciels de gestion agricole. Étant donné que plusieurs secrétaires-trésoriers de CUMA utilisent déjà le logiciel SIGA-finance pour effectuer leur comptabilité et leur facturation, SIGA songerait à l’adapter à la réalité comptable des CUMA.

Harmoniser les pratiques Depuis que la première CUMA québécoise a vu le jour dans le Bas-Saint-Laurent, en 1991, plus d’une soixantaine d’autres groupes d’agriculteurs ont adopté ce modèle de partage de machinerie. Avec les années, les façons de faire se sont diversifiées dans la province et chaque coopérative a peu à peu monté un modèle de gestion et d’administration adapté à sa propre réalité. Car il est indéniable que les réalités diffèrent selon les régions : type de machines partagées, culture locale, caractère formel ou informel des pratiques, concurrence des entrepreneurs à forfait, taille des fermes, etc. Néanmoins, les membres de CUMA présents au séminaire ont insisté sur la nécessité d’harmoniser à nouveau les pratiques, que ce soit pour se comparer ou seulement s’entraider entre CUMA. Un travail de compilation des tâches du secrétaire-trésorier de CUMA, suivi d’une vaste campagne de consultation auprès de celles et ceux qui occupent ce poste, devrait permettre, espérons-le, d’atteindre un consensus sur la standardisation des façons de faire. Tous ces projets donnent aux CUMA un nouvel élan qui les porte à coopérer hors des limites de leur organisation, afin d’aller chercher des avantages que seul un réseau uni et solidaire peut prétendre conquérir. Car seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin !

Les CUMA au Québec • La province compte 65 CUMA et une autre se situe en Ontario, tout près de la frontière du Québec. • Près du tiers de ces CUMA (21) sont affiliées à La Coop fédérée à titre de membres auxiliaires, ce qui leur donne accès à certains services et accroît leurs occasions de réseautage. • Le MAPAQ estime que 6 % des producteurs québécois font partie d’une CUMA. • La moitié des CUMA du Québec se situent dans les régions administratives du Bas-Saint-Laurent et de Chaudière-Appalaches.

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NOTE : Dans le prochain numéro du Coopérateur agricole, ne manquez pas un autre article traitant du séminaire et qui fera état de solutions concrètes à différents défis que doivent surmonter les CUMA.

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Modèles pluriels pour une agriculture qui dure

Photo : Pierre Cadoret

A f fa i re s é c o n o m i qu e s

Par Étienne Gosselin, agr., M. Sc.

Avec l’étude du Groupe AGÉCO sur l’évolution des structures des exploitations agricoles du Québec, on ne pourra plus parler du modèle agricole québécois, mais bien des modèles. En 40 ans, les fermes familiales ont changé. Les organisations agricoles devront s’adapter.

Photo : Groupe AGÉCO

A Catherine Brodeur, du Groupe AGÉCO

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vec comme toile de fond l’Année interna­ tionale de l’agriculture familiale, La Coop fédérée et l’AQINAC ont mandaté AGÉCO pour brosser un portrait de l’évolution et de la diver­ sité des structures des fermes québécoises, en les comparant au passage avec des modèles d’ailleurs. Premier constat : les entreprises agricoles québécoises sont encore à peu près toutes fami­ liales. La famille possède le capital, prend les décisions stratégiques et est impliquée dans les activités quotidiennes. Toutefois, l’étude révèle que l’actionnariat et le salariat non apparentés gagnent du terrain. Le recours à des employés est particulièrement flagrant en productions porcine, avicole et maraîchère, où plus des deux tiers du total des salaires sont versés à des nonapparentés. C’est dans le secteur des grandes cultures que le salariat est le plus faible (41 %). « Le secteur agricole est devenu aujourd’hui créateur d’emplois. C’est une conséquence directe de l’augmentation de la taille des entreprises,

explique Catherine Brodeur, directrice du déve­ loppement aux études économiques chez AGÉCO et responsable de l’étude. Le lait est un secteur où le nombre de fermes a diminué fortement depuis 40 ans, mais où les fermes ont grossi moins rapide­ ment qu’ailleurs. Le secteur des grandes cultures, pour sa part, est le seul ayant vu le nombre d’ex­ ploitations spécialisées augmenter. Il reste que la majorité des entreprises qui commercialisent des grains sont encore spécialisées dans d’autres productions. » Au nombre des mutations, on doit souligner la complexification des organigrammes avec la montée de la sous-traitance, des actifs en location, des entreprises-satellites, etc. « Je pense qu’on peut se réjouir qu’il y ait une diversité de modèles d’entre­ prises au Québec, juge Catherine Brodeur. Nos sec­ teurs sont ainsi plus résilients en cas de secousses. Il existe aussi des modèles qui répondent aux mul­ tiples aspirations des entrepreneurs, par exemple le goût de l’exportation ou de la production locale. »

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Autre résultat : l’âge moyen des exploitants de petites fermes est considérablement plus élevé que celui des exploitants de grandes fermes. Une bonne part des démarrages se font d’ailleurs dans des entreprises de petite taille – si petite que la moitié d’entre elles nécessitent un revenu d’appoint hors ferme. Inversement, un faible nombre d’entreprises accapare un volume grandissant de la production, ce qui amène une polarisation.

« Il y a 30 000 fermes au Québec – moitié moins qu’il y a 40 ans – et elles ne sont pas toutes pareilles. Est-ce que l’approche du one size fits all peut encore fonctionner au plan des poli­­­ tiques agricoles et des services-conseils ? s’interroge Catherine Brodeur. Les besoins de ces entreprises se rapprochent de plus en plus des besoins des entreprises non agricoles. »

Après la réflexion, l’action ! Le Coopérateur agricole Pourquoi avoir commandité l’étude d’AGÉCO ? Photo : Pierre Cadoret

Photo : Pierre Cadoret

Avec Vincent Cloutier, agronome, économiste principal à La Coop fédérée Vincent Cloutier Il fallait éviter que les célébrations de l’Année internationale de l’agriculture familiale se limitent à un débat idéologique stérile sur ce qu’est la ferme familiale. Plutôt, il nous apparaissait important de procéder à une réflexion d’affaires. Il est de mise de mettre de l’avant davantage l’agriculture numérique et technologique, plutôt que le strict argument familial. Si noble soit-il, ce dernier est susceptible de confiner le public à une vision passéiste de l’agriculture. Qu’est-ce qui vous a surpris dans les conclusions de cette radiographie des fermes d’ici ? Instinctivement, on s’attendait aux constats de consolidation et à l’utilisation plus massive du capital et des techno­logies. On observe au Québec une tendance moins rapide vers la consolidation des exploitations, ce qui s’explique par nos outils de politiques agricoles plus généreux et plus performants. C’est le reflet des valeurs de notre société, qui souhaite une agriculture dispersée géographiquement, avec des unités de taille plus modeste. J’ai particulièrement apprécié la partie qualitative de l’étude, où l’on s’intéresse aux entreprises dont les stratégies s’écartent du modèle dominant. N’empêche, quand 8 % des entreprises génèrent la moitié des revenus agricoles, il faut se demander de quels services ces entreprises auront besoin. La Coop compte-t-elle se fonder sur les conclusions de l’étude pour amender son offre de services ? C’est un processus en continu. Les entreprises maîtrisent de mieux en mieux le savoir agronomique. Elles doivent aujourd’hui faire face à un environnement d’affaires très compétitif qui rend nécessaires plus de services technico-économiques. Alors devons-nous bonifier nos services et offrir des accompagnements, par exemple, en gestion des ressources humaines et en planification stratégique ? Quoi qu’il en soit, notre façon d’accompagner notre clientèle devra évoluer – on l’a fait au tournant des années 2000 en agroenvironnement et plus récemment avec des tableaux de bord technico-économiques personnalisés pour chaque ferme. Nos membres et clients s’attendent à beaucoup de nous. Ils pensent en signe de piastre, pas juste à la productivité. Ils veulent aussi entendre parler d’une foule de sujets spécialisés, comme le marché des terres ou les programmes de sécurité du revenu. Le nombre de fermes diminue, elles grossissent, l’intégration gagne du terrain : est-ce préoccupant ? Non. Ce sont des mouvements naturels, qui sont loin d’être propres au Québec. Il n’y a rien de statique ! Notre offre a évolué depuis 90 ans – on a vu une accélération de la spécialisation des services-conseils depuis le projet Chrysalide – et elle continuera de s’adapter aux besoins.

Quel est votre profil ?

Qu’est-ce qui fait changer votre ferme ? Ici et ailleurs

Les analystes du Groupe AGÉCO ont rencontré une dizaine d’entrepreneurs ayant adopté des stratégies de développement non traditionnelles. Trois profils d’entrepreneurs se dégagent de cette analyse quali­tative : 1) Les super-innovateurs : aiment la R et D, recherchent l’optimisation des opérations, multiplient les partenariats pour l’avancement technolo­ gique de l’entreprise. 2) Les groupes familiaux : se définissent par le grand nombre d’actionnaires familiaux, priorisent la rémunération du travail et du capital, valorisent le transfert de l’exploitation. 3) Les chercheurs d’opportunités : sont actifs en dehors de la ferme, réseautent, sont à l’affût des occasions d’affaires.

• Le progrès technologique (révolution verte, mécanisation, robotisation, amélioration génétique) : il modifie la productivité, la taille de l’entreprise et la nature du travail. • Les demandes des acheteurs, des consommateurs et des citoyens : les exigences de ces groupes (bas prix, hygiène et salubrité, bien-être animal, uniformité ou différenciation des produits) sont déterminantes. Résultat : contractualisation, intégration, mise en marché collective et coopération. • Les politiques économiques et commerciales : gestion de l’offre, programmes de soutien des revenus, libéralisation du commerce agricole. • La modification des structures : de moins en moins de distributeurs, qui sont de plus en plus gros.

Rendez-vous sur le site de La Coop fédérée (onglet Actualités) pour consulter le rapport synthèse d’AGÉCO, qui trace des parallèles éclairants entre les productions agricoles d’ici et d’ailleurs pour ce qui concerne le lait (Alberta, Wisconsin et France), le porc (Manitoba, Iowa et Danemark), la volaille (Caroline du Nord, France et Brésil), les grandes cultures (Ontario, Iowa et Argentine) et les légumes (Ontario, Californie et Mexique).

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A f fa i re s é c o n o m i qu e s

Jean-Sébastien Laflamme, agronome, M. Sc.

Conseiller aux affaires économiques La Coop fédérée jean-sebastien.laflamme@ lacoop.coop

Farm Bill ou Quebec Bill ? Un exercice de comparaison En apparence, le Farm Bill semble très généreux, avec un budget qui défie l’imagination. Mais un regard attentif permet de constater que les programmes de sécurité du revenu du Québec se comparent avantageusement tant au précédent Farm Bill qu’à l’actuel.

A PHOTO : ISTOCK

près deux longues années de négociations, les représentants du gouvernement américain ont fi nalement réussi à s’entendre sur une nouvelle mouture du Farm Bill au début 2014. Ce n’est pas sans raison que les négociations ont été ardues. Les enjeux associés au Farm Bill sont complexes et son budget ne passe pas inaperçu. Il s’élève à près de 100 milliards $ par année et s’échelonne sur cinq ans. En comparaison, les centaines de millions de dollars injectés annuellement par La Financière agricole du Québec ressemblent à une goutte d’eau dans l’océan. Mais il faut relativiser ces chiffres. Alors que l’agriculture québécoise génère des recettes de 8 milliards $, celle des États-Unis en génère près de 400 milliards. De plus, la très grande majorité du budget du Farm Bill n’est pas destinée aux producteurs agricoles : 80 % des sommes sont réservées à des programmes d’aide alimentaire pour les plus démunis. Au Canada et au Québec, ce sont des ministères autres que celui de l’Agriculture qui gèrent les programmes sociaux.

26

Québec ou États-Unis : comment se compare le soutien ? Du côté des productions animales, il est clair que les programmes québécois de sécurité du revenu sont plus avantageux pour les secteurs couverts par l’ASRA ou sous gestion de l’offre. En effet, les programmes agricoles du Farm Bill ne versent presque rien aux producteurs de porcs, de poulets ou de bœufs. Des aides très modestes sont offertes au secteur laitier. Mais qu’en est-il des grandes cultures, qui représentent le cœur du soutien agricole du Farm Bill ? L’exercice de comparaison n’est pas simple. Tant au Québec qu’aux États-Unis, les producteurs ont accès à différents programmes qui visent à soutenir leur revenu en cas de baisse des prix des cultures ou des rendements. De plus, le nouveau Farm Bill modifie de façon importante les modalités de soutien. Afin de comparer le soutien québécois et l’américain, une simulation a été appliquée à une ferme céréalière (maïs-grain) de Saint-Hyacinthe, avec les rendements et les prix observés dans cette région depuis une dizaine d’années. Les calculs ont été

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Figure 1

Simulation d’intervention du Farm Bill dans une ferme de maïs-grain à Saint-Hyacinthe 450

■ Paiements directs ■ Paiements contracycliques ■ Assurance revenu

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Sources : FarmDoc, FPCCQ, FADQ; compilation et calculs Forest Lavoie Conseil

Au cours de la période 2000-2013, l’essentiel du soutien du Farm Bill qu’aurait reçu une ferme de maïs-grain de Saint-Hyacinthe serait provenu des paiements directs.

Figure 2

Simulation d’intervention des programmes de gestion des risques offerts au Québec dans une ferme de maïs-grain à Saint-Hyacinthe 450

■ ASRA nette ■ ASREC nette ■ Agri-investissement ■ Agri-Québec

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200

Par le passé, la grande majorité des producteurs de maïs américains recevaient un soutien de l’État sous deux formes principalement : les paiements directs et une assurance récolte. Le paiement direct était une aide versée chaque année en fonction de l’historique des superficies en cultures, peu importe le prix ou le rendement. Les producteurs avaient aussi accès à une assurance récolte et revenu, qui se déclenchait lors d’une baisse des rendements, des prix des cultures entre le semis et la récolte, ou d’une combinaison des deux. Au Québec, on le sait, l’ASRA constitue le principal fi let de sécurité du revenu pour les producteurs de grandes cultures. Mais ces dernières années, les programmes Agri-investissement et Agri-Québec, calculés selon les ventes nettes admissibles, ont pris plus d’importance dans le soutien de l’État. La figure 1 illustre les interventions qu’un producteur type de Saint-Hyacinthe aurait reçues avec le Farm Bill de 2008. Au cours de la période, l’essentiel du soutien serait provenu des paiements directs. Le programme d’assurance revenu se serait seulement déclenché deux fois, en 2000 et en 2013. Ce sont les seules années où les pertes de rendement (en 2000) ou de prix (en 2013) ont été suffisantes pour atteindre le seuil d’intervention de ce programme. Les autres années, les producteurs ont plutôt versé de l’argent dans ce programme par le paiement de la prime. En 2004, le prix du maïs était si faible qu’un autre programme a été déclenché : le paiement contracyclique qui intervient lors de bas prix. Le soutien moyen s’est élevé à un peu moins de 100 $/ha pour cette période. La figure 2 montre les interventions des programmes de gestion de risques offerts au Québec. Comme on peut le voir, c’est l’ASRA qui représentait le plus grand soutien au début des années 2000, lorsque les prix du maïs étaient bas. À l’inverse, ces dernières années, les programmes Agri-Québec et Agri-investissement ont pris le relais. L’ASRA ne se déclenche plus. Enfi n, le programme d’assurance récolte n’aurait été déclenché qu’une fois, en 2000. Il faut noter que, aux fi ns de l’exercice, il s’agit de rendement de zone et non pas individuel. Le soutien moyen s’élève à plus de 150 $/ha pour cette période.

$ / hectare

L’ancien Farm Bill

Comme on peut le constater à la figure 3 (page 28), les programmes de gestion du Québec interviennent plus généreusement que les anciens Farm Bills lors des périodes de bas prix. Ainsi, pour la période précédant le Farm Bill de 2008 (2000 à 2007), l’écart moyen atteint plus de 100 $/ha, à l’avantage du Québec. Les écarts les plus importants ont été observés lors des creux de prix du maïs de 2004 et 2005. Toutefois, depuis le Farm Bill de 2008, période caractérisée par des prix à la hausse, les interventions ont été similaires en moyenne au Québec et aux États-Unis.

$ / hectare

réalisés par la société Forest Lavoie Conseil et ont porté sur le Farm Bill de 2008 ainsi que celui de 2014.

Sources : FarmDoc, FPCCQ, FADQ; compilation et calculs Forest Lavoie Conseil

L’ASRA représentait le plus grand soutien au début des années 2000, lorsque les prix du maïs étaient bas. À l’inverse, ces dernières années, les programmes Agri-Québec et Agri-investissement ont pris le relais. L’ASRA ne se déclenche plus.

Le Farm Bill de 2014 Le nouveau Farm Bill change considérablement le type de soutien, car les paiements directs sont abolis. Les producteurs de grandes cultures devront faire un choix irréversible pour cinq ans. Ils devront choisir entre une couverture de perte de prix ou de revenus. Dans le cas d’une perte de prix (price loss coverage), le programme intervient si le prix du marché de l’année est inférieur à un SEPTEMBRE 2014 | Le Coopérateur agricole

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Figure 3

Écart des simulations d’interventions entre les programmes du Québec et le Farm Bill dans une ferme de maïs-grain de Saint-Hyacinthe Écart des interventions (Québec-Farm Bill)

350

Moyenne des écarts – période 2000-2007

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Moyenne des écarts – période du Farm Bill 2008

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2003

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2005 2006

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2012 2013

(150) Sources : FarmDoc, FPCCQ, FADQ; compilation et calculs Forest Lavoie Conseil

Les programmes de gestion du Québec interviennent plus généreusement que les anciens Farm Bills lors des périodes de bas prix (2000 à 2007). Toutefois, depuis 2008, une période caractérisée par des prix à la hausse, les interventions sont similaires en moyenne entre le Québec et les États-Unis. Figure 4

300

12

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10

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50 -

Prix du maïs-grain

Rendement (tm/ha)

Prix du maïs-grain ($CAN / tonne)

Hypothèses de prix et de rendement pour comparer les interventions de programmes

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Rendement (zone Saint-Hyacinthe)

7 5 3 8 1 6 4 2 0 8 4 9 2 7 0 5 3 1 6 200 200 200 200 200 200 200 200 200 200 201 201 201 201 201 201 201 201 201

0

Sources: FPCCQ, FADQ, USDA; compilation Forest Lavoie Conseil

Pour les fins de l’exercice, les rendements suivent la tendance des 10 dernières années et les prix du maïs-grain sont établis selon les prévisions à long terme du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), avec dollar à parité et en incluant un écart historique de la base entre Saint-Hyacinthe et le prix payé aux producteurs américains.

Figure 5

Simulation d’intervention du Farm Bill 2014 et des programmes du Québec dans une ferme de maïs-grain de Saint-Hyacinthe ■ Option ARC régionale + ASREC ■ Intervention Québec ■ Intervention Québec sans arrimage

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Sources : FPCCQ, FADQ, USDA; compilation et calculs Forest Lavoie Conseil

Les producteurs ayant choisi le price loss coverage (non illustré sur la figure) ne recevraient presque rien, car le prix plancher n’est jamais atteint. Mais pour ceux ayant choisi l’agricultural risk coverage (ARC), les baisses de marges sont suffisantes pour déclencher. Au Québec, l’arrimage entre le programme ASRA et les programmes Agri limite l’intervention de l’ASRA lors des premières années avec des baisses de prix.

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prix plancher, établi à environ 145 $ US/tonne pour le maïs et 308 $ US/tonne pour le soya. Les producteurs choisissant le price loss coverage ont aussi accès un à programme complémentaire d’assurance récolte et revenu (supplemental coverage option). Dans le cas d’une perte de revenus (agriculture risk coverage), le programme prend en compte à la fois le prix et le rendement. Il intervient si les revenus sont en dessous de 85 % de la moyenne olympique des cinq dernières années, jusqu’à concurrence de 10 % des pertes de revenus. Le soutien de ces programmes dépendra donc largement des fluctuations de prix et de rendements. Afin d’évaluer leur intervention, des projections de rendements et de prix futurs sont nécessaires. Aux fins de l’exercice, les hypothèses suivantes ont été retenues : des rendements qui suivent la tendance des 10 dernières années, et les prix du maïs-grain selon les prévisions à long terme du département de l’Agriculture des ÉtatsUnis (USDA), avec dollar à parité, en incluant un écart historique de 20 $/tonne entre la base de Saint-Hyacinthe et le prix payé aux producteurs américains (voir la figure 4). La figure 5 illustre les interventions des programmes si les prévisions du USDA se concrétisent. Pour ce qui est des producteurs ayant choisi le price loss coverage (non illustré sur la figure), ils ne recevraient presque rien, car le prix plancher n’est jamais atteint. Il faut noter que les producteurs d’ici bénéficient d’une base positive d’environ 20 $ la tonne comparativement à leurs homologues américains, où le programme aurait été déclenché. Pour ceux qui choisissent l’option agriculture risk coverage, les baisses de marges seront suffisantes pour le déclenchement. Cela s’explique notamment par les revenus élevés des dernières années, qui ont eu pour effet de hausser la moyenne olympique servant de référence. Quant au soutien du Québec, il serait inférieur au programme agriculture risk coverage lors des premières années. Pourquoi ? À cause de l’effet accumulé de l’arrimage entre le programme ASRA et les programmes Agri-investissement et AgriQuébec. Le versement des Agri sur une période prolongée a pour effet d’abaisser le coût de production calculé dans le programme ASRA. Par ricochet, l’intervention de l’ASRA est grandement limitée lors des premières années où surviennent des baisses de prix importantes.

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A 2 S s d d d p d le C n s p


Sur le plancher d e s va c h e s

Par David Arseneau, agronome

Directeur technique Secteur ruminants La Coop fédérée david.arseneau@lacoop.coop

Businessman, ou performant ?

La façon de faire des affaires a beaucoup évolué au cours des dernières années. Autrefois, une entreprise qui avait réussi à se bâtir une bonne réputation pouvait en jouir pendant un certain temps, à condition de ne pas décevoir sa clientèle. Par exemple, Sony ou Oakley ont toujours été reconnues pour fabriquer des produits de qualité. On se fiait à ce que l’entreprise avait à nous offrir et on était certain (ou presque) de ne pas être déçu.

PHOTO : MARTINE DOYON

For English version, please visit our website at www.lacoop.coop/ cooperateur

Après avoir travaillé pendant 25 ans à La Coop fédérée, Sylvain Boyer poursuivra sa carrière au Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ) à titre de directeur des services aux producteurs. Il nous livrait donc son dernier billet dans le précédent numéro du Coopérateur.

A

ujourd’hui, c’est bien différent. Une société, peu importe sa notoriété, ne peut plus se contenter de fabriquer des produits de qualité : elle doit avant tout s’assurer de combler un besoin. Pour ce faire, elle doit être à l’écoute des consommateurs. Il peut y avoir deux façons de faire face à cette réalité. On mise sur une offre de produits et services en particulier et on cible uniquement une partie des consommateurs, ou bien on élabore des offres bien précises basées sur différents types de consommateurs. En production laitière, parmi les différents types de producteurs, on en distingue souvent deux : le « businessman » et le « performant ». Le premier, généralement plus sensible au prix d’achat, est à l’affût des bonnes affaires. Il aime avoir de bons contacts et de l’information privilégiée. Pour le « performant », le prix est toujours important, mais il est davantage orienté vers le résultat, la performance. Il aime se démarquer de la moyenne en matière de productivité. Récemment, j’analysais les résultats des producteurs faisant partie du club Select Synchro 750, c’est-à-dire ceux qui ont une MCR combinée de 750 et plus. Nous sommes très fiers de dire que plus de 50 % de ces producteurs font affaire avec le réseau La Coop ! Ils font confiance à l’expertise et à la gamme de produits La Coop pour atteindre leurs objectifs.

Bien entendu, ces producteurs font partie de ceux que l’on appelle les « performants », qui sont aussi généralement des producteurs progressistes. Ce groupe, qui cherche habituellement à améliorer sa productivité, met souvent l’accent sur les stratégies lui permettant d’optimiser l’utilisation de ses droits de produire et des jours supplémentaires d’été et d’automne. Au moment où j’écris ces lignes (juillet 2014), le prix de la protéine se chiffre à 9,9906 $/kg et celui du gras à 9,9119 $/kg. Ce qui représente une augmentation de 8 $/hl en deux ans (en juillet 2012, la protéine était à 8,5318 $/kg et le gras à 9,4563 $/kg). Annuellement, cela peut représenter 36 500 $ pour une ferme de 50 kg/jour. Si on ajoute les 11 jours additionnels de production permis de juillet à octobre, on aura, pour cette même ferme, un revenu supplémentaire de plus de 11 000 $ ! Selon moi, une ferme « performante » est aussi, par la force des choses, celle d’un « businessman » ! Et le vrai « businessman » se doit aussi d’être « performant » ! Les besoins de ces deux types d’entreprises peuvent être différents, et c’est à nous de les combler. Néanmoins, l’objectif des deux doit être la rentabilité. Comme il est important pour le réseau La Coop de répondre aux besoins des différents types de producteurs, lorsque vous défi nirez vos objectifs avec votre expert-conseil cet automne, posez-lui la question : « Selon toi, suis-je un businessman ou un performant ? »

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Lait

Annick Delaquis, agronome, Ph. D.

Nutritionniste en production laitière La Coop fédérée annick.delaquis@lacoop.coop

Longtemps les rations laitières ont été calculées de façon à combler les besoins des vaches en protéine brute et en mégacalories (énergie). Des recherches permettent aujourd’hui plus de précision dans la formulation de rations.

D

PHOTO : LA COOP FÉDÉRÉE

u côté protéique, on parle de protéine dégradable au rumen, d’optimiser la synthèse de protéines microbiennes et de compléter les rations avec de la protéine non dégradable afi n de combler les besoins des vaches en acides aminés. Du côté énergétique, on précise les sources de mégacalories pouvant être utilisées en alimentation laitière. Une ration ne sera pas transformée de la même façon si la vache est en transition, au pic ou en fi n de lactation, ou selon qu’elle a une cote de chair de 2 ou de 4.

Graphique 1

Composition de la pulpe de betterave et de l’ensilage de maïs 45 40

Amidon

35

Sucres

30

Fibre soluble

25

NDF

% MS

HCNF

20 15

Sources : banque de données du Laboratoire Dairy One, mai 2000 à avril 2013; fibre soluble : CRF

10 5 0 Pulpe de betterave

30

Ensilage de maïs

PHOTO : THINKSTOCK

Des choix énergétiques mieux éclairés

Le statut physiologique de la vache modulera l’utilisation qu’elle fera de ses sources d’énergie et, en retour, ces sources d’énergie auront un impact sur sa consommation d’aliments.

Comprendre vos rapports d’analyse Dans les rapports d’analyse des grains et fourrages, on constate que l’énergie est essentiellement contenue dans les hydrates de carbone. Ceux-ci comprennent deux fractions : d’un côté, les hydrates de carbone non fibreux (HCNF) – soit les sucres, les fibres solubles et l’amidon – et, de l’autre, la fibre digestible (NDFd). Pourquoi s’en préoccuper ? Parce que les acides gras volatils (AGV) produits dans le rumen lors de la fermentation de chacune de ces fractions seront différents en quantité et en proportion. Une fermentation différente signifie aussi un pH ruminal différent. En comparant l’analyse d’un ensilage de maïs à celle de la pulpe de betterave, on constate que ces ingrédients ont des teneurs semblables en NDF et en HCNF (graphique 1). Par contre, on sait qu’ils n’auront pas le même impact dans le rumen. La fraction HCNF de l’ensilage de maïs est composée d’amidon, alors que celle de la pulpe de betterave contient de la fibre soluble. La NDF digestible et la fibre soluble favoriseront la production d’acide acétique, important précurseur du gras du lait. La fermentation des sucres favorisera la production d’acides butyrique et propionique. Ce dernier est le principal précurseur de la production du glucose chez la vache (essentiel à la synthèse du lactose et régulateur du volume de lait produit). La fermentation de l’amidon favorisera aussi la production d’acide propionique et le volume de lait produit.

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Graphique 2

La période de transition Comment appliquer ce concept dans les rations à la ferme ? En période de transition, il faut que la vache développe les papilles de son rumen pour préparer la lactation. On ajoute donc un peu de concentrés à nos rations pour satisfaire ces besoins et éviter que les vaches maigrissent. Par contre, toujours dans cette période de transition, il ne faut pas ajouter trop d’ingrédients favorisant la synthèse d’acide propionique (amidon), car on réduira de façon draconienne la CVMS

55,0 50,0 45,0 40,0 35,0 30,0 25,0 20,0

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30.0

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Teneur en amidon de la ration (%)

40.0

45.0

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Adapté de : Ferraretto et al 2013

des vaches, ce qui risquerait de compromettre le bon fonctionnement du foie. Comment s’assurer que nos vaches ont assez d’énergie en transition sans risquer d’avoir un excès d’amidon ? En privilégiant durant cette période la fibre digestible et la fibre soluble comme sources d’énergie. Ces deux types de fibres devraient être tirés de fourrages de qualité ou de produits commerciaux spécialement formulés pour cette phase, comme les produits de la gamme Transilac. De plus, il faut porter une attention particulière aux vaches trop grasses au vêlage. Une condition de chair excessive en transition accentue la résistance des tissus adipeux à l’insuline qui survient naturellement en fi n de gestation. Cela fait en sorte qu’elles mobilisent leurs graisses de façon excessive, contribuant positivement au bilan énergétique du foie, tout comme le fait l’acide propionique dérivé des grains. Le frein sur la CVMS exercé par l’acide propionique, dérivé de la fermentation des grains, se manifestera donc plus rapidement lorsque les vaches sont grasses. Après le vêlage, le besoin en glucose des vaches explose (graphique 3) et la résistance des Graphique 3

Estimation de la demande en glucose pour une vache produisant 42 kg de lait Besoins en glucose estimés (g/jour)

On dit que pour faire du gras, on a besoin de fibre et d’acide acétique, alors que pour faire du lait et de la protéine, on a besoin d’acide propionique, donc de grain et d’amidon. C’est pourquoi lorsqu’on augmente la teneur en grain et en amidon d’une ration de lactation, on obtient souvent plus de protéine, mais on réduit du même coup la production de gras. Afi n d’optimiser la rentabilité de l’entreprise et le maintien de la santé des vaches, il faut donc trouver le point d’équilibre entre la production de gras et de protéine. L’amidon fermenté au rumen réduit le pH et peut, si servi en excès, réduire la digestibilité de la fibre (graphique 2). Les fourrages comme les grains coûtent de plus en plus cher; évitons donc de compromettre leur digestibilité. On l’a dit plus tôt : l’acide propionique dans le rumen est le principal précurseur de la production de glucose pour la vache. Des études de l’Université du Michigan démontrent que cet acide a un effet limitant sur la consommation volontaire de matière sèche (CVMS) des vaches. Pourquoi ? Parce que l’acide propionique produit dans le rumen est absorbé et transporté au foie où il est transformé en glucose selon les besoins de l’animal. Une fois les besoins en glucose comblés, l’excès d’acide propionique est oxydé pour produire des réserves d’énergie. Lorsque le bilan énergétique du foie augmente suffi samment, un signal est envoyé au cerveau pour indiquer à la vache d’arrêter de consommer. Lorsque le bilan énergétique du foie diminue, l’inverse se produit : la vache a faim ! Tout tourne autour de la demande en glucose de la vache. Or, en période de transition, la demande en glucose augmente en raison de la croissance rapide du veau. Cette augmentation est toutefois lente et peu importante comparativement à celle qui se produira après le vêlage (graphique 3).

Digestibilité ruminale de la NDF (%)

Relation entre la teneur en amidon de la ration et la digestibilité ruminale de la NDF

Jours avant et après le vêlage (jour 0) Tiré de De Koster et Opsomer (2013); adapté de Overton (1998)

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Graphique 5

Impact de l’augmentation de la teneur en amidon (de 23 à 33%) sur la consommation

Impact de l’augmentation de la teneur en amidon (de 23 à 33%) sur la production de lait corrigé 10

4,5

Différence de lait corrigé obtenue en augmentant l’amidon (kg/j)

Source (graphiques 4 et 5) : Voelker et coll. (2002)

Différence de consommation obtenue en augmentant l’amidon de la ration (kg/j)

Graphique 4

4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5

8 7 6 5 4 3 2 1 0 -1

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Production de lait au début de l’expérience (kg/j)

tissus adipeux à l’insuline diminue graduellement. Les vaches nécessitent alors du glucose en grandes quantités pour fabriquer le lactose du lait et combler leurs besoins en énergie. Alors, l’acide propionique produit par la fermentation de l’amidon ne sera plus oxydé par le foie, mais transformé en glucose, levant ainsi le frein sur la CVMS. Dans les semaines suivant le vêlage, on peut augmenter la teneur en amidon des rations, mais graduellement, en respectant l’adaptation du rumen.

La lactation Chez nos vaches en pleine production, le premier facteur qui limite la CVMS ne sera plus l’influx d’acide propionique au foie, mais bien le volume (encombrement) qu’occupera la ration dans le rumen. En lactation, l’augmentation des concentrés entraîne très souvent une augmentation de la CVMS, puisqu’en augmentant l’amidon, on réduit la fibre et l’encombrement. Le graphique 4 compare la consommation des vaches en lactation avant et après l’ajout d’amidon dans la ration. Peu importe le niveau de production au départ, la consommation augmente quand on ajoute de l’amidon. Toutefois, il y a une limite à cette substitution. Comme on l’a mentionné plus tôt, l’amidon favorise la production d’acide, et plus on acidifie le rumen, plus on risque de compromettre la digestibilité de la fibre et la teneur en gras du lait. C’est une question d’équilibre.

Optimiser la consommation des vaches Pour réduire l’encombrement du rumen sans le surcharger en amidon, il faut offrir des fourrages ayant de la fibre NDF digestible. Les coefficients de digestibilité de la NDF peuvent varier grandement d’un fourrage à l’autre. Quel est l’impact de cela sur nos rations ? Des études ont estimé qu’une augmentation de 1 % de la digestibilité de la NDF des fourrages (exprimée en pourcentage de la NDF totale) peut amener une augmentation de la CVMS de 0,17 kg par jour

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Production de lait au début de l’expérience (kg/j)

et une augmentation de production de 0,24 kg de lait par jour. Pour optimiser la consommation des vaches en pleine production, il faut de l’amidon en quantité contrôlée et de la fibre digestible. Après le pic de lactation, les vaches reviennent tranquillement à un bilan énergétique positif et l’encombrement au rumen comme facteur limitant la CVMS perd de l’importance. Doit-on alors garder les mêmes niveaux d’amidon dans ces rations ? Cela dépend de la production de lait des vaches et de leur condition de chair. Le graphique 5 illustre bien qu’une augmentation de l’amidon dans la ration des vaches produisant moins de lait n’augmente pas nécessairement leur production. L’énergie supplémentaire qu’elles consomment servira à refaire leurs réserves corporelles. Une fois la condition de chair rétablie, on devrait modérer les teneurs en grain et en amidon des rations de façon à maintenir la production de lait sans trop faire engraisser les vaches. Une fraction de l’amidon pourra, à ce stade, être remplacée par de la fibre digestible ou de la fibre soluble. En fin de lactation, le niveau d’amidon à viser dans les rations dépendra de la condition de chair des vaches. La répartition des mégacalories consommées par les vaches sera différente selon le stade de lactation, le niveau de production, la condition de chair et le degré de résistance à l’insuline. En transition, on vise des rations riches en fibre soluble ou digestible et contenant suffisamment d’hydrates de carbone fermentescibles pour développer les papilles du rumen et maintenir un bilan énergétique neutre. Dès les premiers jours de lactation, on optimisera la consommation et on augmentera prudemment les teneurs en amidon et en fibre digestible de façon à réduire l’encombrement dans le rumen et à maximiser la production de lait au pic. Ensuite, une fois de retour à un bilan énergétique équilibré, on ajustera l’apport en énergie en fonction du lait à produire et de la condition de chair à reprendre.

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L’ e f f e t b œ u f

Bruno Langlois, agronome

Conseiller spécialisé Production bovine La Coop fédérée bruno.langlois@lacoop.coop

La force de la filière bovine

Depuis plus de 10 ans, mon travail me donne la chance de rencontrer quotidiennement des producteurs vaches-veaux et des propriétaires de parcs d’engraissement. Pour ces deux groupes, les réalités sont souvent différentes, voire tout à fait opposées à certaines occasions. L’année 2014 l’illustre particulièrement bien. Ainsi, quoique les revenus provenant des bouvillons d’abattage et des veaux soient à des sommets historiques et laissent croire à une grande rentabilité des entreprises, ce n’est pas le cas pour toutes.

Photo : Martine Doyon

L

a production bovine est organisée en une chaîne où chaque maillon doit ajouter de la valeur au précédent. À une extrémité, on trouve les éleveurs d’animaux de race pure; à l’autre, les chaînes d’alimentation. Entre les deux, les éleveurs commerciaux, les parcs d’engraissement, les abattoirs et les distributeurs. Alors que l’espérance de profit des éleveurs vaches-veaux est fortement liée au prix de la viande et varie selon l’offre et la demande, celle des parcs et des abattoirs est plutôt liée à une marge brute ($/bouvillon) qui est en moyenne assez constante, quoiqu’il faille souvent gérer des oscillations parfois vertigineuses. Autrement dit, présentement, si l’on conjugue le fait que le cheptel nord-américain de bovins est à son plus faible niveau depuis 50 ans avec les problèmes rencontrés en production porcine dans les 12 derniers mois, l’offre de viande bovine ne suffit pas à combler la demande et les prix sont depuis janvier fortement aspirés vers le haut. Pour un producteur vaches-veaux, la marge brute par veau vendu n’a donc jamais été aussi élevée. Pendant ce temps, celle pour le bouvillon est demeurée constante. En apparence, la situation semble sinon excellente, du moins très bonne, sauf que… Pour réaliser la même marge par animal, le parc d’engraissement doit financer des animaux dont le coût d’acquisition a augmenté de plus de 25 % depuis décembre 2013. Les prêteurs sont

donc devenus très frileux. Si l’on considère qu’un taux de 1 % de mortalité aujourd’hui correspond à 2 % il y a deux ans et que le coût du financement par animal a explosé, on n’a plus droit à l’erreur dans l’exploitation d’un parc. C’est là que la filière tout entière peut se mobiliser pour aider ce maillon si important. Comment?

Une valse à quatre temps… À court terme, les parcs doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour ajouter un maximum de poids à chacun des bouvillons achetés. Pour leur part, dès cet automne, les éleveurs commerciaux doivent absolument livrer aux parcs des veaux bien adaptés : vaccinés selon les règles, habitués à consommer des concentrés et ayant réalisé du gain maigre au cours des deux mois précédents la vente. En fait, chaque producteur vaches-veaux devrait pouvoir présenter cette année les meilleurs veaux qu’il ait jamais produits! Je rappelle ici que le préconditionnement est l’une des meilleures façons d’augmenter la rentabilité de chaque maillon de la filière. À moyen terme, l’accent doit porter sur l’amélioration du bilan reproductif et sur la génétique : intervalle entre vêlages plus court, taux de gestation élevé, diminution du nombre total de taureaux nécessaires par troupeau, mais amélioration des critères génétiques recherchés et désirables. Bien sûr, une abondance de veaux sur le marché n’aurait pas permis d’atteindre les prix actuels. Mais entre vous et moi, je préfère toujours l’abondance à la pénurie! C’est habituellement plus facile à gérer. Finalement, à long terme, la filière québécoise devra travailler sur la relève, non pas du cheptel, mais bien de ses propres éleveurs. Curieusement, dans tout ça, il se trouve un dénominateur commun : l’expertise du réseau La Coop. Elle ne remplacera jamais votre travail et votre détermination, mais pourra drôlement les compléter. Bonne route!

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PHOTO : BERNARD DIAMANT

B ov i n

Les coopératives de financement, un outil majeur Par Stéphane Payette, T.P.

Les coopératives de financement constituent un outil important dans le domaine financier pour les producteurs de bœufs du Québec.

PHOTO : FPBQ

C Pour Gaëtan Bélanger, de la Fédération des producteurs de bovins du Québec, il ne fait aucun doute que les coopératives de financement pour l’achat d’animaux de boucherie ont leur place dans le coffre à outils des agriculteurs québécois.

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es coopératives ont été créées en 1996, et jusqu’à 12 regroupements ont commercialisé quelque 10 000 vaches de boucherie et un peu plus de 15 000 bouvillons. L’objectif, encore aujourd’hui, est aussi de financer les producteurs, tout en conservant comme garantie la propriété des animaux. Toutes les régions du Québec ont misé sur cet important partenaire. Aujourd’hui, seulement trois coopératives sont toujours en activité : celles de la Mauricie, de l’Abitibi et du Bas-Saint-Laurent. Le but premier est simple : permettre aux producteurs de bœufs d’accéder à du financement pour acquérir des animaux. Cela leur permettait de profiter des bonnes occasions tout en évitant les délais imposés par les enquêtes de crédit. Tout était déjà fait par les coopératives lors de l’ouverture des dossiers. Elles créaient un pont entre le prêteur traditionnel et le membre. Cela offrait plus de souplesse à l’emprunteur et permettait de réduire le loyer de l’argent.

Les premières années ont été productives. Mais en 2005, certaines règles ont changé. En effet, des coopératives se sont retrouvées à la croisée des chemins, notamment en raison de modifications apportées au soutien qu’elles obtenaient de l’État. « Les modifications apportées au programme ASRA [assurance stabilisation des revenus agricoles] ont entraîné des risques financiers pour les coopératives de financement », indique Gaëtan Bélanger, conseiller à la direction générale de la Fédération des producteurs de bovins du Québec.

Nouvelle approche Selon Gaëtan Bélanger, les coopératives de fi nancement ont leur place dans le domaine des fi nances. Ailleurs au Canada, elles sont gage de succès. Elles sont encadrées par l’État et, en plus, sont reconnues comme producteurs. Relevant de la common law, les coopératives des autres provinces canadiennes sont assurées de pouvoir récupérer les sommes disponibles sur les animaux en cas de faillite – un des enjeux actuels, qui pourrait ouvrir la voie à une nouvelle structure assurant leur avenir au Québec. « Au Québec, nous avons des dispositions du Code civil qui posent problème, souligne M. Bélanger. Les prêteurs traditionnels peuvent

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t, r

Fédération des producteurs de bovins du Québec ainsi que les productrices et producteurs de bovins pourrait assurer l’avenir d’un important secteur de l’agriculture québécoise.

PHOTO : COOPÉRATIVE DES PRODUCTEURS DE BŒUF DE LA MAURICIE

prendre le premier rang sur toutes les composantes de la ferme. Si les coopératives pouvaient automatiquement obtenir ce premier rang sur les animaux qu’elles fi nancent, ce serait un gain important. Le deuxième enjeu majeur est la reconnaissance des coopératives comme producteurs. Ainsi, elles pourraient recevoir directement les sommes de l’ASRA et diminuer encore plus leurs risques. Le nerf de la guerre en fi nance, ce sont les risques et les garanties. » Avec un nouveau cadre fi nancier qui apporterait des solutions aux problématiques actuelles, ces coopératives auraient un bel avenir au Québec, selon Gaëtan Bélanger.

Pour Nicole Pouliot, de la Coopérative des producteurs de bœuf de la Mauricie, la clé du succès est le suivi des membres et leur respect des modalités de l’organisme.

Un exemple de succès Il y a plus de 17 ans, les producteurs de bœufs de la Mauricie se dotaient d’une coopérative pour les aider dans le secteur fi nancier. Supervisé par la Financière agricole du Québec, cet organisme permet aux producteurs d’avoir accès à un fi nancement avantageux. La coopérative créée en Mauricie compte actuellement une trentaine de membres, qui négocient annuellement pour un peu plus de 5 000 000 $ d’animaux. Forte de son succès, la coopérative mauricienne offre ses services depuis 2002 aux producteurs de Lanaudière et même à quelques fermes de la région de Portneuf. La réussite n’a pas été égale partout avec ce type de coopérative. L’ingrédient secret est le suivi, selon Nicole Pouliot, secrétaire de la Coopérative des producteurs de bœuf de la Mauricie. « Les projets sont soigneusement sélectionnés par le conseil d’administration, et notre superviseur fait de l’excellent travail avec les producteurs, dit-elle. On les visite régulièrement afin de s’assurer que tout va bien et que les animaux sont en bonne santé. Si des situations sont plus difficiles ou que des entreprises ont des pépins, nous tenterons de les aider. Autre élément clé : le profond respect des modalités de notre coopérative par nos membres. » La Coopérative des producteurs de bœuf de la Mauricie est un bel exemple montrant qu’il est possible de composer avec les aléas de la finance. Elle a même prêté main-forte aux producteurs des autres régions, mais elle ne peut tenir le coup à elle seule. Cela demanderait trop de temps et de coûts. Comme le prix des bouvillons a littéralement explosé sur le marché, les coopératives sont plus que jamais un outil de premier plan. Un bon plan d’affaires empreint d’ouverture d’esprit et engageant le MAPAQ, la Financière agricole, la SEPTEMBRE 2014 | Le Coopérateur agricole

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Lait

Bill Rowell a choisi d’exploiter – avec brio – une ferme laitière au Vermont, avec son frère Brian.

Produire du lait

et de l’argent

Les fermes laitières du Québec sont les plus petites au Canada, mais la tendance est au grossissement. On peut cependant faire plus d’argent en gérant bien une petite exploitation qu’en en gérant mal une grosse. Mais pourquoi ne pas essayer de faire les deux : bien administrer une grande ferme ? Texte et photos d’Étienne Gosselin, agronome, M. Sc.

A

vec sa moustache finement taillée, sa chemise d’été et ses mocassins en cuir, Bill Rowell a tous les airs d’un professeur en congé, d’un administrateur en vacances. Même avec des études en histoire, en sciences politiques, en urbanisme et en environnement, le sympathique homme est revenu au lait avec son frère Brian, qui rêvait d’exploiter une ferme laitière. Le tandem administre aujourd’hui une vaste entreprise de 950 vaches en lactation et de 607 hectares de maïs et de fourrages, la ferme Green Mountain Dairy, à Sheldon, dans le comté le plus laitier du Vermont, Franklin.

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Big is beautiful

La discussion démarre dans le bureau pendant que, de l’autre côté du mur, l’une des trois traites quotidiennes bat son plein. Il faut dire qu’on trait 22 heures sur 24, ce qui permet de produire 11,4 millions de kg de lait annuellement. Le lait est collecté par la coopérative laitière de St. Albans, qui s’occupe de le mettre en marché. Dehors, les employés vaquent à leurs occupations. Avec 18 salariés sur la liste de paye, la ferme s’offre le luxe d’embaucher des employés spécialisés, comme une secrétaire, un menuisier et un mécanicien. N’empêche, la polyvalence est valorisée pour permettre les remplacements lors des congés.

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– me t, n.

Même si le lait coule à flots, tout n’est toutefois pas rose dans les montagnes Vertes : l’absence de régulation des prix et des quantités de lait produit aux États-Unis fait grandement fluctuer le marché. Ces jours-ci, le prix atteint des niveaux inégalés depuis 1977, selon l’Agence de l’agriculture du Vermont. Une situation qui découlerait de la hausse de la demande mondiale et de la sécheresse dans l’Ouest et le Midwest l’an dernier, qui fouette les prix des aliments pour bovins. En conséquence, Bill Rowell obtient 0,59 $/kg1 de lait. « En 2009, durant la récession, le prix a plongé à 0,24 $/kg, alors que j’estime mon seuil de rentabilité à 0,43 $/kg », calcule le gestionnaire, pour qui les variations font partie du jeu. Des subsides laitiers et un programme d’assurance contre la volatilité des marchés sont mis en place par le gouvernement fédéral, mais ils étaient insuffisants pour juguler les pertes financières. Pour l’année en cours, la ferme se dirige vers un chiffre d’affaires d’un peu plus de 6 millions $ US. Dans cet environnement fluctuant et compétitif, les frères Rowell sont donc habitués à jongler avec les chiffres (prix des intrants, coûts de production, marges par composant du lait, taux de change, taux d’intérêt, etc.). Fier membre de sa collectivité, Bill Rowell produit à 20 petites minutes de voiture de la frontière. Mais pour ce financier, la frontière est pratiquement une vue de l’esprit : il achète annuellement au Québec pour environ 2 millions $ US de grains, de fourrages et autres intrants. « Il se trouve que ma zone d’échange comprend une frontière, mais celle-ci ne m’arrête en rien », déclare l’homme, qui est capable de pousser ici et là quelques mots – et surtout quelques chiffres ! – dans un excellent français.

Puis viennent les fameux mots « économies d’échelle ». « Plus tu produis, plus tu rentabilises tes installations et tes équipements, énonce le Vermontois. Par exemple, nous avons une fourragère automotrice pour faire rapidement des fourrages de grande qualité. C’est un équipement toujours du dernier modèle, car plus tu achètes d’un fournisseur, que ce soit des grains ou des tracteurs, plus ton pouvoir de négociation est grand et plus tu obtiens un bon service-conseil. Quand tu retournes à la maison, tu en as plus pour ton argent. »

Au nord du 45e parallèle Que dire des grandes fermes laitières québécoises ? Depuis quatre ans, les Groupesconseils agricoles du Québec publient une étude sur les performances financières et technicoéconomiques des fermes laitières de 100 vaches et plus. Le dernier portrait (2012) se base sur les données fournies par 114 fermes (moyenne de 158 vaches, 139 kg MG/j et 1,4 million de kg de lait produit). Sachant que ces fermes comptaient en moyenne 4,6 UTP (unité de travail-personne), on peut dire que les exploitations québécoises avaient une efficacité du travail de 309 000 kg/UTP, alors que la ferme des frères Rowell est deux fois plus efficace, à 633 000 kg/UTP ! u

Green Mountain Dairy se distingue par la gestion serrée qu’exercent ses propriétaires, mais également par… les toitures vertes de ses étables. Presque un péché au pays des bâtiments couleur sang de bœuf des campagnes vermontoises!

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Des fourrages de qualité, bien conservés dans des silos fosses : pour alimenter les différents groupes d’animaux, on brasse 16 rations à Green Mountain Dairy.

La digestion anaérobie du fumier et sa transformation successive en méthane et en énergie électrique permettent de nombreux avantages et, surtout, un revenu qui s’ajoute à ceux des activités laitières de la ferme.

1

Prix en $ CA, au taux de change de 1,07 $ CA/$ US; prix moyen incluant les composants et les primes.

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Vermontois et Québécois, comparons nos productions ! Vermont

Québec

Nombre d’habitants

626 000

8 180 000

Nombre de vaches laitières

134 000

355 000

Ratio habitants/vache

4,7

23,0

Nombre de fermes laitières

993

6 828

1 184 millions

3 031 millions

1 192 000

443 900

Nombre de kilos produits Ratio kilos lait/ferme

Comment cela est-il possible ? En homme humble, Bill Rowell n’évoque pas ses qualités de gestionnaire, mais plutôt de multiples raisons. Hormis les trois traites par jour et la présence d’employés efficaces, motivés et compétents, tous les animaux sont logés en stabulation libre, pour un confort accru. Ensuite, le bétail est alimenté mécaniquement et rapidement par des mélangeurs de grande capacité. Les 16 rations fabriquées à la ferme sont calquées sur les besoins physiologiques de chaque groupe d’animaux, de manière à éviter les gaspillages. De plus, les frères Rowell gèrent leur entreprise globalement, en s’intéressant à tous les postes budgétaires, pris un à un. Même la gestion des effluents et la litière sont dignes de mention. L’entreprise s’est dotée en 2007 d’un système de méthanisation du fumier qui permet, dans un bioréacteur rempli de bactéries anaérobies, de digérer le fumier et de le transformer en un biocombustible (le méthane) en 21 jours. La combustion de ce biogaz dans deux génératrices produit deux millions de kilowattheures d’électricité (la consommation moyenne de 80 maisons au Québec), qui est vendue sur le marché domestique à un taux préférentiel (18,1 ¢ US/kWh), permis par un programme d’énergie renouvelable astucieusement appelé « Cow Power ». La ferme achète pour sa part l’électricité à 12 ¢/kWh. Coût du système : 2,75 millions $ US. La partie solide de l’effluent digéré, une fois séchée, sert de litière pour les animaux, « ce qui représente 100 000 $ qui ne quittent pas la ferme ! » se réjouit Bill Rowell. On vend même les surplus à des pépinières, qui les utilisent comme

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Avec un peu moins du quart de ses habitants qui se disent d’ascendance franco-américaine, le Vermont est le plus québécois des États des États-Unis, à commencer par son nom d’origine française, qui rappelle le nom donné par Champlain (les Verts Monts) aux montagnes Vertes des Appalaches. Très laitier, le Vermont a comme emblèmes floraux le trèfle rouge et l’érable à sucre. Étant le seul État sans accès à la mer des six États de la Nouvelle-Angleterre, est-ce la raison pour laquelle il multiplie les échanges avec le Québec, son plus grand partenaire économique? C’est enfin le deuxième des États les moins peuplés des États-Unis. Libéraux et progressistes, les deux tiers des Vermontois ont voté pour Obama en 2008 et 2012 : c’est le deuxième des plus hauts scores pour le président noir, surpassé seulement par celui de l’État de naissance d’Obama, Hawaï.

amendement. Grâce au traitement de digestion, les pathogènes dans la litière de même que les mouches et les graines de mauvaises herbes sont réduits. Et la qualité du lait provenant de vaches élevées sur cette litière fibreuse ? Le compte de cellules somatiques a diminué depuis que la ferme s’en sert. La partie liquide digérée (92 % du volume) est quant à elle épandue au champ grâce à un système d’irrigation tracté avec rampe (dragline), qui diminue la compaction des sols et nécessite moins de carburant et de main-d’œuvre que l’épandage classique (citernes). Le liquide est désodorisé et les éléments fertilisants sont plus facilement assimilables par les cultures.

Plus de lait ou plus d’argent ? Bref, si la taille du troupeau n’est pas un gage d’efficacité, tel que l’indique l’étude des groupesconseils agricoles, la grande taille de la ferme des frères Rowell semble expliquer une partie de son succès, comme si l’envergure de l’exploitation dégageait soudain de nouveaux horizons, de nouveaux possibles. Et mentionnons que Bill Rowell n’est pas plus endetté que la majorité des producteurs québécois propriétaires de grandes fermes. Ses bâtiments ont même tous moins d’une quinzaine d’années. Ainsi, l’avoir propre de Bill Rowell (avoir net sur actifs totaux) dépasse l’avoir net moyen (55 %; 4,2 millions $) des grands propriétaires d’ici. « Peu importe la taille de leur entreprise, les producteurs doivent se poser la question centrale suivante, conclut, philosophe, Bill Rowell : veulent-ils faire plus de lait ou plus d’argent ? »

L’œuf ou la poule : Bill Rowell a-t-il du succès en affaires parce que sa ferme est grosse ou sa ferme est-elle grosse parce qu’il a du succès en affaires? « Les deux! » répond le Vermontois.

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Photo : Normand Blouin

Porc

Gérer à la

Paul Kalmbach Comment gère-t-on avec succès une très grande entreprise porcine? Paul Kalmbach, à la tête de Kalmbach Swine Management, le plus important troupeau de l’Ohio, en trace les grandes lignes.

Photo : ingimage

Par Patrick Dupuis, agronome

F

es?

ondée en 1985, l’entreprise de Upper Sandusky a commencé ses activités avec une maternité engraissement de 600 truies. Trois décennies plus tard, elle assure la gestion de 22 000 truies réparties dans neuf coopératives locales d’approvisionnement, qui rassemblent, au total, une cinquantaine de membres producteurs de porcs. Ensemble, ils exploitent plus d’une centaine de pouponnières et engraissements. Ajoutons à ce topo plusieurs meuneries (Kalmbach Feeds) – mises sur pied par les parents de Paul en 1963 –, fabriquant annuellement 500 000 tonnes de moulées destinées à une grande variété d’animaux d’élevage et de compagnie. Ces aliments sont livrés dans tout l’Ohio et dans les États limitrophes (Michigan, Indiana). Un important marché s’est également développé à l’est du Mississippi, de New York jusqu’en Floride. Le tout est acheminé à l’aide d’un parc d’une trentaine de camions, bientôt tous convertis au gaz naturel comprimé made in USA.

Pour faire fonctionner cette vaste entreprise – Kalmbach Family of Companies –, Paul s’appuie sur 360 « coéquipiers ». Il refuse d’utiliser le mot « employé ». L’entrevue avec Le Coopérateur sera sans cesse ponctuée de « team members » ici, « team members » là. Il croit dur comme fer qu’un coéquipier se sent davantage comme un contributeur indispensable à l’atteinte d’un objectif, d’un but commun, d’une réussite. L’entreprise, malgré son ampleur, demeure familiale. La troisième génération – les enfants de Paul – est déjà en place pour prendre la relève. Outre son équipe – la première force de toute entreprise, croit le gestionnaire –, quels sont les principaux atouts de la Kalmbach Family of Companies ? « Nous avons une excellente clientèle et nous faisons tout pour la satisfaire, dit-il. De plus, nous sommes financièrement très, très stables. » Pour mener pareil navire à bon port, il faut du leadership et de la poigne. Paul Kalmbach est un leader plutôt introverti, analytique. Une force tranquille. « Mon travail consiste à aider chacun de mes coéquipiers à donner le meilleur de lui-même, dit-il. Ce qui peut se traduire, au

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Kalmbach Feeds, fondée en 1963 par les parents de Paul, Milton et Ruth Kalmbach, offre une gamme complète d’aliments pour animaux d’élevage et de compagnie.

Photos : Gracieuseté Kalmbach Feeds

jour le jour, de multiples façons. Dans l’ensemble, nous mettons tout en œuvre pour que nos clients performent le plus possible et atteignent leurs objectifs. » Les membres du conseil de l’entreprise Kalmbach Swine Management votent les principales décisions d’affaires : entente de mise en marché des porcs, génétique utilisée, conduite des élevages, investissements dans les infrastructures. Pour bien encadrer ses façons de faire, l’entreprise s’est donné une mission, des valeurs et une vision (voir l’encadré). « Dans chacune des unités de production, gérant et coéquipiers sont payés en fonction du nombre de porcs vendus, explique Paul. Tous mettent l’accent sur les résultats. Je leur laisse beaucoup de latitude dans leur mode de gestion et leurs méthodes de travail, pourvu que les performances soient au rendez-vous. Enfin, un gérant supervise l’ensemble des unités de production. Il aide tout un chacun à atteindre une haute productivité. » Chaque porc doit être produit au moindre coût. Pour cela, on mesure une vingtaine de paramètres de performance (coût des aliments, conversion alimentaire, gain quotidien, coût de la main-d’œuvre, etc.). Chaque sou est compté. En début d’année, l’entreprise élabore un budget pour tous ses postes de dépenses et des projections pour le prix de vente du porc. Tous les trois mois, elle fait part de ses résultats financiers aux coopératives.

Répondre aux besoins du marché « Outre les coopératives, notre principal client, c’est l’abattoir, indique Paul. L’abattoir fixe le prix du porc. S’il nous demande de produire un type de porc particulier, nous le ferons

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sans hésiter. L’abattoir est un client, mais aussi un partenaire, tout comme les coopératives avec lesquelles nous réalisons, selon leurs besoins, des projets d’expansion ou de modernisation d’infrastructures. Nous formons, tous ensemble, une véritable chaîne de valeur. » Kalmbach Swine Management est membre du réseau Cooperative Research Farms (CRF) depuis 10 ans. CRF est le plus important centre de recherche privé au monde (La Coop fédérée en est aussi membre depuis 1968 . En tant que partenaire de CRF, Kalmbach Swine Management participe à des projets de recherche en nutrition des porcs. L’entreprise contribue ainsi à mettre au point des produits d’alimentation innovateurs au profit de tous les membres du réseau (voir le site crfarms.org).

Solidité biosécuritaire La diarrhée épidémique porcine fait des ravages au sud de la frontière. L’Ohio n’est pas épargné. Kalmbach Swine Management non plus. « Nous avons toujours appliqué un niveau élevé de biosécurité dans toutes nos fermes, fait savoir Paul. Notre propre vétérinaire fait un travail exemplaire pour nous maintenir à la fine pointe en la matière. » « Nous avons changé la façon dont nous désinfectons toutes nos infrastructures et mis en place un contrôle serré de la circulation des véhicules dans les fermes. Tout véhicule qui pénètre dans une ferme est ensuite lavé puis séché, pendant une demi-heure, à l’aide d’un bioséchoir, à 165 °F [75 °C]. » « Même si nous n’avions pas été touchés par cette maladie, nous aurions quand même effectué ces améliorations au fur et à mesure que nous en apprenions sur la façon dont elle se manifeste et se propage. »

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Créer de la valeur grâce au travail d’équipe… Toujours ! Notre mission Notre mission, en tant que coéquipiers, est de fournir à nos clients et partenaires les meilleurs produits d’alimentation animale, un service de qualité supérieure et l’avantage concurrentiel le plus élevé qui soit. Nous mettons tout en œuvre pour accompagner les fabricants et distributeurs d’aliments, les producteurs agricoles, nos partenaires et les propriétaires d’animaux de compagnie à atteindre leurs buts.

Nos valeurs Traiter nos clients, partenaires, coéquipiers et fournisseurs avec la dignité et le respect que nous souhaitons tous recevoir.

Notre vision L’excellence !

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Solidité financière Bien des entreprises porcines des États-Unis ont mis la clé sous la porte entre 2009 et 2011. Kalmbach Swine Management a résisté à cette sinistre vague grâce à trois principaux éléments : 1) L’entreprise n’a aucune dette. 2) Une entente de commercialisation avec l’abattoir l’assure de toucher un juste prix pour les porcs qu’elle produit. Et enfin, 3) elle met en pratique les concepts de l’étalonnage (benchmarking) pour comparer ses résultats financiers et techniques avec ceux d’autres entreprises. Cette démarche révèle des résultats nettement au-dessus de la moyenne du groupe. L’étalonnage a permis d’apporter des améliorations substantielles en matière de nombre de porcelets nés et sevrés par truie par année.

L’entreprise possède sa propre station de ravitaillement en carburants, Kalmbach Clean Fuels.

Les neuf coopératives d’approvisionnement qui se partagent l’élevage du cheptel de 22 000 truies ressemblent en plusieurs points aux coopératives que l’on retrouve au Québec dans le réseau La Coop. Elles ont leur propre conseil d’administration et offrent une gamme étendue de produits et services aux producteurs agricoles.

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F i l i è r e p o r c i n e c o o p é r at i v e

Par Jessy Blanchette, M. Adm. Conseillère en communications, La Coop fédérée jessy.blanchette@lacoop.coop

Profil du directeur des services vétérinaires Comme nous pouvons nous en douter, la mise en place d’une nouvelle règlementation auprès de particuliers et d’entreprises n’est pas simple. Or, puisque chaque personne possède sa propre perception des choses, la disparité entre la définition et l’interprétation d’un règlement peut s’avérer tout aussi complexe, sinon plus! Voilà pourquoi le Dr El Oualid Benabid, directeur des services vétérinaires chez Olymel, joue un rôle clé en ce qui a trait aux exportations, au bien-être animal ainsi qu’à de multiples interventions dans l’intérêt des abattoirs d’Olymel et de l’industrie.

PHOTO : JESSY BLANCHETTE

Le Dr El Oualid Benabid, directeur des services vétérinaires chez Olymel

Médecin vétérinaire spécialisé en ruminants et en volaille, El Oualid a quitté l’Algérie, son pays natal, en 2001, afi n d’explorer de nouveaux horizons. Le caractère chaleureux des Québécois ainsi que sa connaissance de la langue française l’ont amené à s’établir chez nous, où il a découvert une toute nouvelle réalité. Avant de se joindre à l’équipe d’Olymel, El Oualid a travaillé dans un laboratoire préclinique de tests des médicaments. Un milieu qui lui a apporté beaucoup de rigueur professionnelle. Mais afin qu’il soit reconnu à titre de vétérinaire au Québec, l’examen de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec représentait un passage obligé. Il est donc retourné sur les bancs d’école de 2002 à 2005, à la Faculté de médecine vétérinaire de SaintHyacinthe, pour s’adapter à nos façons de faire. C’est en 2006 qu’El Oualid Benabid est devenu directeur de l’assurance qualité de la volaille et du bien-être animal d’Olymel, avant de devenir directeur des services vétérinaires.

Discernement et conformité Le travail d’El Oualid consiste à soutenir les usines d’Olymel quant à certaines problématiques, interventions ou résolutions de problèmes, autant dans le porc que dans la volaille. Il travaille en concertation avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments, veille à la cohérence des condamnations pour les pathologies, évalue les risques liés aux résidus médicamenteux, siège à des comités consultatifs ou décisionnels, et ce, en ayant pour préoccupation l’intérêt des producteurs et de l’abattoir. Son rôle concerne également les dossiers d’exportation et le bien-être animal, dont les

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exigences sont de plus en plus pointues et nécessitent une rigueur ainsi qu’une documentation impeccables. Quant aux enjeux d’ordre sanitaire qui guettent la production de porcs, telle la diarrhée épidémique porcine, ils font aussi partie des tâches qui lui demandent beaucoup de rigueur en ce qui concerne l’établissement de protocoles et le suivi étroit des résultats.

Une vue globale sur toute la filière Les services vétérinaires d’Olymel possèdent également une vue de choix sur la fi lière porcine. Au quotidien, le Dr Benabid est au cœur de ce qui se passe dans les abattoirs; il est au courant des priorités à venir en ce qui a trait à la règlementation de l’industrie, aux exigences d’exportations, aux enjeux commerciaux et aux positions que prennent les grandes entreprises locales et internationales. « Cette vue globale me permet d’être proactif du point de vue de la règlementation, par exemple pour le bien-être animal ou l’antibiorésistance, et d’exercer un rôle d’influence sur les positions règlementaires adoptées par l’industrie et celles de notre clientèle », indique-t-il. C’est de cette façon que l’on peut éviter, selon lui, qu’un règlement soit mis en place sans qu’on tienne compte de la réalité des producteurs, des transporteurs et de l’ensemble des maillons de la chaîne, ce qui pourrait causer des répercussions négatives sur la production porcine. Si les décisions et l’influence d’El Oualid Benabid ne sont pas toujours visibles aux yeux des producteurs, il ne fait aucun doute que son rôle a un impact majeur pour l’efficacité de la Filière porcine coopérative!

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Vo l a i l l e

Pour Benoit Lanthier, vétérinaire à La Coop fédérée, le suivi sanitaire des oiseaux commence par un temps d’observation.

Ferme Colibri : une forteresse sanitaire Texte et photos de David Bessenay

À Wickham, dans le Centre-du-Québec, La Coop fédérée élève depuis trois ans des poules rouges de reproduction de race Sasso dont la descendance est destinée aux marchés d’exportation. Les 30 000 oiseaux font l’objet de toutes les attentions sanitaires pour diminuer le risque de prolifération des virus et bactéries. La ferme Colibri se veut un modèle en matière de biosécurité.

O

n doit montrer patte blanche pour entrer dans les poulaillers de la ferme Colibri. Depuis l’an passé, l’exploitation s’est dotée d’un bloc-douche (avec une entrée séparée pour les femmes et les hommes), qui est devenu un incontournable pour tous les entrants, qu’ils soient employés de la ferme ou visiteurs. Chacun doit se doucher, cheveux compris, et enfiler une tenue interne et des bottes. « Même les chirurgiens ne prennent pas autant de précautions avant une opération », plaisante Jean-Michel Charbonneau, surintendant des fermes de reproduction avicoles à La Coop fédérée. « Si par le passé l’aviculture accusait du retard en matière de biosécurité, par rapport à la filière porcine notamment, ce n’est plus le cas. »

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Les nouveaux investissements ont atteint près de 140 000 $ et témoignent de la volonté de La Coop fédérée d’assurer une sécurité sanitaire optimale. Cette politique demande également une implication totale des salariés du site, au nombre de huit, sans compter les étudiants qui prennent le relais la fin de semaine. Ils doivent par exemple transférer leur dîner dans une boîterepas prévue à cet effet. Leur cellulaire, désinfecté au Lysol, finit dans un sac Ziploc. Ces contraintes, devenues un vrai rituel, ont finalement été bien acceptées. « Cela a demandé de la pédagogie, explique Pascal Ménard, superviseur de la ferme Colibri. C’est pourquoi il est important d’avoir une certaine stabilité dans nos effectifs. »

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rée, ux

Fumigation et code de couleurs Les mesures de biosécurité ne s’arrêtent pas au bloc-douche. Une fois les visiteurs arrivés dans l’un des cinq poulaillers, une ligne tracée au sol les arrête. Il faut changer de bottes, enfiler une combinaison et mettre une calotte sur ses cheveux ainsi qu’un casque. Chaque bâtiment possède sa propre couleur. Les bottes jaunes ne quittent pas le bâtiment jaune pour éviter les contaminations d’un poulailler à l’autre et circonscrire d’éventuelles bactéries. À terme, le moindre objet du bâtiment sera marqué de sa couleur de référence. Tous les véhicules de La Coop fédérée qui entrent sur le site, pour retirer les œufs ou apporter l’alimentation par exemple, sont fumigés au complet à l’intérieur. Des tests d’écouvillonnage sont pratiqués sur les camions pour s’assurer de l’absence de salmonelles et autres agents pathogènes. Toutes ces mesures doivent être conformes aux exigences du Programme canadien de qualité des œufs d’incubation (PCQOI), dont le suivi est assuré par le Syndicat des producteurs d’œufs d’incubation du Québec. Il repose sur les principes HACCP (analyse des risques et maîtrise des points critiques) et couvre des domaines tels que la biosécurité, la santé de la volaille, la manutention et l’entreposage des œufs, la lutte contre les ravageurs, le nettoyage et la désinfection. La ferme Colibri fait chaque année l’objet de vérifications lui permettant de conserver sa certification. Les exigences de La Coop vont plus loin. « Nous avons monté notre propre cahier des charges, complémentaire au PCQOI », explique Jean-Michel Charbonneau. Il se concentre sur la gestion de l’élevage, de la reproduction, de la préponte et de la ponte, et entraîne la tenue de

Chaque oiseau est bagué. En cas de problème, il peut être retracé facilement.

nombreux tableaux de bord. La ferme s’impose ses propres tests de salubrité sur les planchers ainsi que dans les systèmes d’eau et de ventilation. « Ils nous permettent de réagir très vite en cas de problème », poursuit le surintendant. Pour compléter cette liste de normes, la ferme doit répondre aux demandes des pays importateurs, principalement les États-Unis et le Guatemala. L’an passé, l’organisme américain responsable du contrôle du bien-être animal est venu inspecter le site de Wickham.

Observation, prises de sang et autopsies Avec cinq bâtiments abritant chacun 6000 volatiles, la ferme compte 30 000 oiseaux à élever. « Nos salariés sont au contact des animaux huit heures par jour. Ils sont en première ligne, et nous sommes très attentifs à leurs remarques », note Pascal Ménard. Mais le rôle du vétérinaire reste primordial. Benoit Lanthier a pris la succession de Francine Dufour, partie à la retraite. Le jeune vétérinaire de La Coop fédérée s’est spécialisé dans les soins aux volailles. Chaque mois, ou plus fréquemment en cas d’impératif, il inspecte les poulaillers et certifie que les oiseaux et leurs œufs sont bons pour l’exportation. Sa première approche est

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Avec l’installation du blocdouche à l’entrée du site, la ferme Colibri a franchi un seuil dans son niveau de biosécurité. Comme chaque visiteur, Pascal Ménard, superviseur de la ferme Colibri, et Jean-Michel Charbonneau, surintendant des fermes dereproduction avicoles à La Coop fédérée, doivent respecter des règles strictes à leur entrée sur le site.

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Des Landes à la Pennsylvanie Dès leur arrivée sur le sol québécois en provenance de France, les oiseaux font l’objet de toutes les précautions, avec une mise en quarantaine (de 30 jours) exigée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. L’influenza aviaire fait l’objet d’une vigilance particulière.

l’observation. « Je regarde la crête, les yeux et le comportement général. Si les crêtes sont pâles, si les yeux sont mi-clos, l’oiseau n’est pas en forme. » En cas de taux de mortalité élevé, le vétérinaire procède à l’autopsie des cadavres. « Nous pouvons prendre des mesures préventives ou curatives, le cas échéant. » Avec l’ouverture des exportations vers le Guatemala, la ferme doit réaliser des analyses de sang régulières. « Nous effectuons des prises de sang sur un échantillon de 900 animaux. Chaque animal est ensuite bagué. Ainsi, en cas de problème, on peut le retrouver. » Benoit Lanthier recherche essentiellement la présence d’anticorps de salmonelles et mycoplasmes. « Il se peut qu’il y ait de faux positifs. Nous effectuons un second test en cas de doute. S’il est négatif, les oiseaux peuvent partir à l’exportation. »

Depuis quelques mois, La Coop fédérée commercialise des « parents » Sasso au Guatemala et en Colombie-Britannique.

Sortis mécaniquement du poulailler, tous les œufs sont ensuite triés à la main avec la plus grande attention. En moyenne, entre 80 et 90 % des œufs partent à l’incubation.

Une lutte sans antibiotique préventif Depuis le 15 mai dernier, cette lutte sanitaire se fait sans l’usage d’antibiotiques à titre préventif de catégorie 1, désormais interdits chez les oiseaux de chair, les poules pondeuses et les oiseaux reproducteurs. Cette décision n’a pas été imposée par la loi, mais prise par l’industrie canadienne de la volaille pour rassurer les consommateurs. La crainte était de voir certaines bactéries acquérir des résistances et devenir potentiellement dangereuses pour l’humain. « Auparavant, nous travaillions avec deux antibiotiques, Excenel et LS100, en alternance, justement pour éviter la formation de résistance. Désormais, ce n’est plus possible. La solution passe par encore plus d’exigences et de rigueur en matière sanitaire », commente le vétérinaire. La Coop fédérée a mis en place plusieurs procédures pour assurer la qualité et la propreté des œufs, notamment dans les heures suivant la ponte, le moment où ils sont le plus susceptibles de s’infecter.

Photo : a preciser

« En avant de la parade »

Race Sasso : du goût et du succès Originaire du sud-ouest de la France, la Sasso a rapidement conquis les amateurs de bonne volaille. Sa croissance est assez lente : environ 60 jours pour atteindre un poids de 2,2 kg, contre 35 jours pour d’autres volatiles à croissance rapide. Elle est plus chère à l’achat pour les consommateurs, mais plus goûteuse. La Sasso connaît un énorme succès dans les villes du nord-est des États-Unis. Elle est commercialisée notamment par l’intermédiaire des green markets et farmers’ markets, où les consommateurs choisissent l’animal sur pied.

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Si le risque zéro n’existe pas, la ferme Colibri fait tout pour assurer la meilleure salubrité possible. « Nous sommes les leaders, les pionniers en matière de biosécurité dans le monde avicole au Québec. Nous voulons être en avant de la parade », résume Jean-Michel Charbonneau. Des mesures supplémentaires sont prévues dans les mois à venir. L’entrée de la ferme de Wickham sera équipée de barrières électriques, avec bornes et cartes électromagnétiques pour contrôler l’accès. On mettra en place une procédure particulière de désinfection pour tous les objets extérieurs apportés sur le site, par exemple des pièces mécaniques. « La biosécurité, ce n’est jamais terminé. Il y toujours des choses à améliorer », conclut le surintendant.

Les grands-parents, qui débarquent une fois l’an, s’installent à Saint-Aimé (Montérégie) pour 20 semaines. Ils partent ensuite chez un producteur de Sainte-Élizabethde-Warwick (Centre-du-Québec) pour pondre et ainsi renouveler le cheptel de parents. Ceux-ci arrivent à un jour dans les poulaillers de la ferme Colibri. Chaque bâtiment renferme 5800 poules, accompagnées par 10 % de coqs. « S’il n’y a pas assez de coqs, la fertilité n’est pas suffisante. S’il y en a trop, l’ambiance n’est pas bonne », analyse Jean-Michel Charbonneau. Les poules commencent à pondre à partir de la 24e semaine, avec un taux de 80 % d’œufs bons pour l’incubation. « Pour de la poule rouge, c’est une bonne moyenne », se félicite le surintendant. Les poules sont conservées jusqu’à 60 semaines, « à partir de là, elles sont moins fertiles et les œufs plus fragiles », poursuit Jean-Michel Charbonneau. Les pondeuses retraitées sont abattues et commercialisées par la filiale Olymel sur le marché intérieur. Deux fois par semaine, les camions de La Coop fédérée récupèrent les œufs pour les amener au couvoir. L’éclosion se produit après 21 jours d’incubation. Les oiseaux partent ensuite à un jour de vie pour l’exportation, principalement aux États-Unis, où ils sont élevés dans une ferme de Pennsylvanie. Avec des ventes en pleine croissance chaque année, l’idée de commercialiser ces oiseaux sur le marché des grandes villes canadiennes fait son chemin. « Avec l’appui de notre réseau et des producteurs, ce serait très intéressant d’élever et de vendre au Québec, lance Jean-Michel Charbonneau. Les portes sont ouvertes, mais il faut bien avoir en tête que la Sasso est et restera un marché de créneau. »

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P r o d u c t i o n s v é g é ta l e s

Stéphane Perreault, agronome

Conseiller spécialisé, pommes de terre et petits fruits La Coop fédérée stephane.perreault@lacoop.coop

La gale commune, quoi de neuf? Rapportée pour la première fois en 1825, la gale commune continue à causer des maux de tête à l’industrie de la pomme de terre. Bien qu’elle n’occasionne pas de pertes de rendement considérables, elle peut grandement nuire à la qualité et réduire la valeur de la récolte. Plusieurs recherches effectuées dans la dernière décennie ont accru sensiblement notre connaissance de cette maladie.

L PHOTOS : LA COOP FÉDÉRÉE

a gale commune est causée par des bactéries du genre Streptomyces. Ce groupe contient des centaines de bactéries, mais seulement quelques-unes d’entre elles causent des dommages aux tubercules. La plus connue est Streptomyces scabies. Ce microorganisme se retrouve dans la majorité des sols où l’on cultive la pomme de terre. D’autres bactéries du même groupe et présentes au Canada causent aussi des lésions. C’est le cas de S. turgidiscabies et S. acidiscabies. Cette dernière, moins fréquente, se multiplie en sols acides.

Comment la reconnaître Les symptômes de la gale commune sont bien connus. Ce ne sont pas tous les tissus de la plante qui en présentent les symptômes une fois le plant atteint : les tubercules et les stolons en montrent, mais pas les racines. La bactérie n’a pas besoin de porte d’entrée pour endommager un tubercule. Il est généralement établi que les jeunes tubercules de moins de six semaines sont le plus sensibles. Par la suite, l’épaisseur de la peau augmente et les lésions arrêtent leur développement lorsque le tubercule est mature. La maladie ne progresse pas lors de l’entreposage.

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Pour endiguer la maladie, il faut comprendre ce qui se passe entre la bactérie et le tubercule. On sait comment apparaissent les lésions sur la peau. Une toxine, la thaxtomine, sécrétée par la bactérie, endommage les tissus de la pomme de terre. Supposons que nous puissions empêcher la production de cette toxine : ce serait une victoire sur la gale commune. C’est une des voies que les chercheurs explorent. Ils ont trouvé que toutes les espèces de Streptomyces pouvant attaquer la pomme de terre ont en commun certains gènes qui permettent de générer cette toxine. Ils savent aussi qu’un acide aminé, le tryptophane, peut en limiter la production par la bactérie. La bataille n’est toutefois pas facile. La multitude de facteurs qui agissent au champ complique la mise au point de méthodes de contrôle. D’un champ à l’autre, la réponse n’est pas toujours la même aux méthodes essayées. Traditionnellement, le maintien d’un pH bas dans le sol a été préconisé. On sait toutefois que S. acidiscabies peut s’y développer quand même. Rappelons aussi que la pomme de terre n’est pas, comme un plant de bleuet, adaptée à un sol acide.

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Un pH plus neutre permettrait une meilleure disponibilité des nutriments dans le sol et favoriserait de meilleurs rendements. Des essais réalisés dans les Maritimes l’ont démontré. À l’autre extrême, on sait que la bactérie ne prolifère pas dans un sol dont le pH est supérieur à 8,5. Aussi en lien avec le pH, les apports de souffre dans les fertilisants ont été largement étudiés. Sans pouvoir généraliser à cause de la variabilité de la chimie des sols, des réductions d’incidence de la gale commune ont été observées à la suite de l’application de sulfate d’ammonium. Une autre méthode couramment utilisée pour en réduire l’incidence est d’irriguer lors de la période d’initiation des tubercules. Bien que bénéfique, cette approche donne des résultats variables qui rappellent qu’une multitude de facteurs influencent l’apparition de lésions. Lorsqu’on parle de pathogènes présents dans le sol, la fumigation des sols est souvent considérée. Une étude réalisée en 2011 par l’Université du Wisconsin rappelle toutefois que les résultats de cette approche peuvent aussi être variables contre la gale commune. En plus de leur coût élevé, les fumigants ne sont pas sélectifs : ils détruisent tout ce qu’ils touchent, ce qui n’est pas souhaitable quand on veut conserver les organismes bénéfiques présents dans le sol. Ne l’oublions pas, le sol est un écosystème vivant. En détruisant une partie de celui-ci, on change l’équilibre des microorganismes du sol. Or, c’est justement cet équilibre qui régule plusieurs pathogènes. Tuer les bonnes bactéries et les bons champignons laisse plus de place aux organismes nuisibles comme les Streptomyces. En laboratoire, des chercheurs des Maritimes ont réussi à réduire de façon importante la gale commune en utilisant des bactéries Pseudomonas et Bacillus, qui concurrencent les Streptomyces par leur présence. C’est un pas important dans la recherche.

Que dire des cultures en rotation? La rotation des cultures a aussi retenu l’attention ces dernières années dans le dossier de la gale commune. Bien que la bactérie puisse survivre longtemps dans le sol sur la matière organique,

certaines rotations semblent intéressantes. Les plantes de la famille des brassicacées (crucifères), telles que le canola, combinées à des cultures d’automne comme le seigle ont réduit de 20 à 40 % l’incidence de la maladie. L’impact des rotations s’avère plus important lorsque la pression de maladie est plus forte. Les brassicacées s’avèrent intéressantes, car elles contiennent des glucosinolates. Lorsque enfouies, ces molécules se transforment dans le sol et agissent comme « biofumigant ». Au Québec, l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement a effectué des essais en ce sens et produit, en 2013, une fiche technique visant à optimiser l’effet de la moutarde comme biofumigant. Enfin, une des approches les plus prometteuses demeure la sélection de variétés de pommes de terre tolérantes à la gale commune. Il n’existe aucune variété totalement résistante à cette maladie et le degré de tolérance varie d’une variété à l’autre. Par exemple, la variété Goldrush est plus tolérante que la Yukon Gold. Malheureusement, les mécanismes et la génétique de cette tolérance ne sont pas encore maîtrisés. L’explication vient peut-être du processus de développement de la peau ou de sa sensibilité à la thaxtomine. L’Université de Sherbrooke a présenté ses résultats de recherche sur ce sujet au congrès de la PAA (Association américaine de la pomme de terre), à Québec, en 2013. Ils ont mis sur pied en laboratoire une stratégie permettant d’augmenter la résistance de cellules de pomme de terre à la thaxtomine. Cela pourrait mener à la mise au point de variétés plus tolérantes. Nos connaissances évoluent constamment pour contrer la gale commune. Toutefois, les nombreuses interactions entre les conditions au champ, la bactérie et le plant de pomme de terre rendent le travail complexe pour les chercheurs. Une solution pratique et fiable n’est pas encore accessible. Les recherches se poursuivent tant en laboratoire qu’au champ. Des avenues prometteuses sont étudiées. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’on arrive à une réelle maîtrise de cette maladie. SEPTEMBRE 2014 | Le Coopérateur agricole

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Marché des grains : objectif qualité Texte de Stéphane Payette, T. P.

Le Québec commercialise annuellement tout près de 6 000 000 de tonnes de grains. Les acheteurs habitent partout sur la planète, et leurs exigences en matière de qualité diffèrent autant que le marché. Que faire pour y répondre dans les prochaines années? Les experts du Secteur de la commercialisation des grains ont démystifié le tout pour les lecteurs du Coopérateur agricole.

PHOTO : LA COOP FÉDÉRÉE

P Richard Villeneuve, directeur de Grains Elite à La Coop fédérée, croit qu’une meilleure connaissance des exigences des transformateurs aiderait le secteur des ventes de grains.

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our réaliser une vente, il est primordial de connaître son acheteur et ses besoins. Le Groupe de concertation du secteur des grains du Québec (GCSGQ) rassemble, autour d’une même table, tous les intervenants du milieu, des producteurs aux consommateurs, en passant par les semenciers, les négociants et les instances gouvernementales. Dans son plan stratégique déposé en 2012, le GCSGQ défi nissait le contrôle de la qualité des grains comme enjeu prioritaire pour le secteur. La Coop fédérée est engagée directement dans ce processus par l’entremise du directeur de Grains Elite, Richard Villeneuve. Selon lui, il n’y a pas de grand secret pour satisfaire les exigences des acheteurs. Leurs requêtes varient selon leurs besoins. « Vous aurez des demandes en fonction de l’utilisation que votre client fera de son grain. S’il souhaite produire de l’éthanol ou de la moulée, les critères d’achat vont varier. » En discutant avec les principaux acteurs du secteur des grains, l’industrie a fait le constat que

le principal point à améliorer est la connaissance des besoins des marchés en matière de qualité. Il a donc été décidé de mettre l’accent sur cet aspect, principale pierre d’achoppement des transactions. « Très souvent, nous pouvons facilement répondre à la demande pour ce qui est de la quantité. Nous encaissons un refus quand la qualité n’est pas au rendez-vous », fait savoir Richard Villeneuve. Des propos qui ont trouvé écho à La Coop Profid’Or, à Joliette, un partenaire important de Grains Elite. En 2013, l’équipe de Jean-Pierre Aumont négocie 230 000 tonnes de grains. Le maïs occupe une grande part des transactions avec un volume de 160 000 tonnes, suivi du soya (47 000 tonnes) et du blé (10 000 tonnes). Les quelque 13 000 tonnes restantes sont constituées d’avoine, d’orge et d’autres céréales. L’acheteur principal, René Brisson, indique que le client aura des demandes liées à l’utilisation qu’il fera de son grain. « Pour le maïs, notre principale demande est le no 3 ou mieux, et pour le soya, c’est le no 2 ou mieux, explique René Brisson. En

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Mettre la main à la pâte L’ensemble des intervenants a été sollicité pour permettre au secteur des grains québécois de produire une qualité supérieure – que ce soient les fournisseurs d’intrants, les conseillers de clubs ou les vendeurs de machinerie agricole. Un pas crucial franchi avec la table de concertation, selon le président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales, Christian Overbeek. « Nous avons pris un virage important. C’est certain que nous devons changer nos façons de faire pour répondre à la demande des transformateurs. Pour y arriver, la Fédération a décidé de passer par des colloques et des journées d’information. L’objectif est de

Photo : Stéphane Payette

mieux connaître les besoins des transformateurs pour mieux répondre à leurs attentes. Si les producteurs comprennent bien les exigences et les besoins des clients, ils seront plus motivés à y répondre. » Le marché des grains a grandement évolué au fil des ans. De plus en plus de contrats sont signés entre les transformateurs et les producteurs. Chez Profid’Or, par exemple, une grande partie du volume de soya est déjà négociée, soit plus de 15 000 tonnes. Par contre, du côté du maïs, c’est le contraire. « Ça ne bouge pas présentement, précise René Brisson. Les acheteurs sont tranquilles. » Ce dernier indique que ses fournisseurs sont de plus en plus conscients de l’importance de la qualité. « Nous devons changer notre mentalité, ajoute Christian Overbeek. Lancer notre plan de culture avec du blé de consommation humaine en nous disant que s’il ne se classe pas, nous l’enverrons dans le secteur animal, ça ne marche plus. La production animale aussi a besoin de grain de qualité. » Robert Beauchemin, président des Moulins de Soulanges, ne cache pas que les demandes de la minoterie de Saint-Polycarpe ont un but précis. L’indice de chute (minimum de 250 secondes), le taux de vomitoxine (maximum à 2 ppm) et un taux de protéine avoisinant 11,5 % répondent à des critères techniques cruciaux. « Un indice de chute est une mesure de l’activité enzymatique. Cette activité transforme l’amidon en sucre. Nous

René Brisson, acheteur principal de grains à La Coop Profid’Or, dans Lanaudière, connaît bien les demandes de sa clientèle.

Pour le président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales, Christian Overbeek, une révision des mentalités en grandes cultures serait un gage de succès pour les producteurs de grains.

photo : FPCCQ

règle générale, nous n’avons pas de problème à répondre à cette demande. Si c’est l’usine de La Coop fédérée qui achète, à ce moment-là nous avons des tests de toxines à faire. Le maïs avicole, lui, demande un poids spécifique élevé. C’est un incontournable. » Parfois, pour répondre à une demande de maïs no 3, un producteur mélange un no 2 avec un no 4. Une tactique qui fonctionne, mais qui demeure très risquée, selon Richard Villeneuve. « Ce n’est pas l’idéal, car l’uniformité du maïs n’est pas garantie. De plus en plus, les producteurs devront chercher à ségréguer leur grain en lots uniformes. Les acheteurs sont de plus en plus sévères sur cette demande. »

Avis aux producteurs sur l’utilisation responsable des caractères technologiques Monsanto Company est membre du groupe Excellence Through StewardshipMD (ETS). Les produits de Monsanto sont commercialisés conformément aux normes de mise en marché responsable de l’ETS et à la politique de Monsanto pour la commercialisation des produits végétaux issus de la biotechnologie dans les cultures de base. L’importation de produits commercialisés a été approuvée dans les principaux marchés d’exportation dotés de systèmes de réglementation compétents. Toute récolte ou matière obtenue à partir de ce produit ne peut être exportée, utilisée, transformée ou vendue que dans les pays où toutes les approbations réglementaires nécessaires ont été accordées. Il est illégal, en vertu des lois nationales et internationales, d’exporter des produits contenant des caractères issus de la biotechnologie dans un pays où l’importation de telles marchandises n’est pas permise. Les producteurs devraient communiquer avec leur négociant en grains ou acheteur de produit pour confirmer la politique de ces derniers relativement à l’achat de ce produit. Excellence Through StewardshipMD est une marque déposée de Excellence Through Stewardship. VEUILLEZ TOUJOURS LIRE ET SUIVRE LES DIRECTIVES DES ÉTIQUETTES DES PESTICIDES. Les cultures Roundup ReadyMD possèdent des gènes qui leur confèrent une tolérance au glyphosate, l’ingrédient actif des herbicides RoundupMD pour usage agricole. Les herbicides RoundupMD pour usage agricole détruiront les cultures qui ne tolèrent pas le glyphosate. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le soya (fongicides seulement) est une combinaison de trois produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives fluxapyroxad, pyraclostrobine et métalaxyl. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le soya (fongicides et insecticide) est une combinaison de quatre produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives fluxapyroxad, pyraclostrobine, métalaxyl et imidaclopride. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs (fongicides seulement) est une combinaison de trois produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine et ipconazole. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs (fongicides et insecticide) est une combinaison de quatre produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine, ipconazole et clothianidine. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs avec PonchoMD/VoTivoMC (fongicides, insecticide et nématicide) est une combinaison de cinq produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine, ipconazole, clothianidine et la souche Bacillus firmus I-5821. AcceleronMD, Acceleron et le logoMD, DEKALB et le logoMD, DEKALBMD, Genuity et le logoMD, GenuityMD, Refuge Intégral et le logoMD, Refuge IntégralMD, Roundup Ready 2 Technologie et le logoMC, Roundup Ready 2 RendementMD, Roundup ReadyMD, Roundup WeatherMAXMD, RoundupMD, SmartStax et le logoMD, SmartStaxMD, VT Double PROMD et VT Triple PROMD sont des marques de commerce de Monsanto Technology LLC. Utilisation sous licence. LibertyLinkMD et le logo de la goutte d’eau sont des marques de commerce de Bayer. Utilisation sous licence. HerculexMD est une marque déposée de Dow AgroSciences LLC. Utilisation sous licence. PonchoMD et VotivoMC sont des marques de commerce de Bayer. Utilisation sous licence. Toutes les autres marques de commerce appartiennent à leur titulaire respectif.

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photo : Collège d’Alma

Revoir la façon d’entreposer

« La conservation des grains en silo exige un engagement annuel pour en assurer la qualité », souligne Nicolas St-Pierre, du collège d’Alma.

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Une fois que les récoltes ont été faites, bon nombre de personnes entreposent le précieux matériel dans des silos. Une opération toute simple, mais qui peut avoir un impact considérable sur la somme que vous obtiendrez pour votre travail. Une erreur importante commise par certains, selon Nicolas St-Pierre, agronome et enseignant au collège d’Alma, est de penser qu’une fois le grain entreposé, il n’y a plus rien à faire. « Un grain, ce n’est pas statique, c’est vivant, ça respire, ça produit du CO2, de l’humidité et de la chaleur. Ces éléments étant des facteurs favorisant la dégradation des grains, nous devons y apporter une attention toute particulière. » La mise en silo des grains est une étape cruciale pour la ventilation. L’objectif est de placer notre récolte en sécurité pour les mois d’hiver, en attendant que notre acheteur vienne en prendre possession ou que le prix soit plus intéressant. Que ce soit du maïs ou du blé, asséché dans un séchoir ou ventilé directement dans le silo, certaines bases s’appliquent. Plus un grain est gros, plus l’air circule facilement. Plus il est petit, plus la friction avec l’air est intense. Ce qui est important, c’est que le débit du ventilateur fournisse une quantité d’air suffisante pour atteindre les conditions idéales pour l’entreposage, soit le bon taux d’humidité (qui diffère selon la culture) et la bonne température (entre 0 et 5 °C). « La formule est complexe, mais le principe est simple, précise Nicolas St-Pierre. La ventilation doit se faire par étapes pour atteindre les conditions de conservation. » C’est un processus qui exige du temps, poursuit-il. Une zone de refroidissement se forme dans le silo et progresse vers le haut (en situation de ventilation poussée). Ce principe est appelé cycle

de ventilation. Ventiler un peu ne veut pas dire que toute la masse de grain a été refroidie, cela signifie seulement que la zone de refroidissement a monté légèrement. Le reste du grain demeure toujours exposé aux conditions de dégradation. Il est possible d’évaluer le temps nécessaire pour qu’un cycle soit achevé. Par exemple, afin d’abaisser la température d’une masse de grain avec un débit d’air de 6 L/sec-m3 (ou 0,5 pi3/minboisseau), il sera nécessaire de ventiler pendant une période de 30 heures pour achever un cycle. Par contre, si le ventilateur libère un débit d’air de seulement 1 L/sec-m3 (ou 0,1 pi3/min-boisseau), il faudra compter 150 heures. Il sera nécessaire d’effectuer plusieurs cycles afin d’obtenir les conditions idéales pour une conservation adéquate. On pousse, en quelque sorte, le grain vers une forme d’hibernation… Une fois que la récolte est dans le silo, une ronde de surveillance s’annonce. « En automne, le phénomène de respiration est très présent, souligne Nicolas St-Pierre. Nous devons nous assurer de ventiler selon les besoins. Par la suite, on ventile toutes les deux semaines pour maintenir le grain dans les conditions idéales. Au printemps, nous devons réchauffer la masse de grain afin d’éviter qu’il y ait un écart de température trop grand entre l’intérieur et l’extérieur du silo, afin de limiter le phénomène de convection. Le soleil réchauffe l’air dans le silo, ce qui active la respiration. La ventilation sera alors à adapter. » Grâce à cette prise de conscience des producteurs et des fournisseurs concernant les exigences des transformateurs, combinée aux progrès techniques des intervenants de cette industrie, les acteurs québécois du secteur des grains sont prêts à prendre d’assaut le marché mondial.

Photo : ingimage.com

Photo : Stéphane Payette

Robert Beauchemin, des Moulins de Soulanges, explique que les demandes de sa minoterie sont basées sur des besoins particuliers en matière de boulangerie.

voulons qu’elle se déroule en boulangerie, d’où l’exigence de 250 secondes. Sinon, il y aura trop de sucre disponible, le pain aura moins de volume, et lors de la cuisson, la croûte va caraméliser. L’action des toxines, elle – mis à part le fait qu’audessus de 2 ppm nous sommes hors normes –, sera de s’attaquer aux structures des protéines, et le gluten va être détruit au bout du compte. Pour la protéine, nous visons maintenant plus une protéine de qualité. Habituellement, il y a un lien entre la quantité et la qualité de la protéine. Par contre, en fonction de la régie et de la saison, certains blés avec un taux de protéine moindre auront une très bonne force boulangère. »

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Photo : ingimage.com

Développement durable

Par Élisabeth Lapointe, Conseillère en communications La Coop fédérée elisabeth.lapointe@lacoop.coop Twitter : @elisalapointe

Sauver les lacs

à l’aide de quenouilles La Coop fédérée est impliquée dans un projet à Winnipeg visant la récolte et la valorisation des quenouilles comme stratégie de réduction des rejets de phosphore dans le lac Winnipeg. Ce projet innovateur permettrait également la création de bioénergie et offrirait aux producteurs agricoles des occasions de récolte et de vente.

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ui aurait cru qu’un jour la quenouille allait contribuer à sauver un des plus grands lacs au monde? En effet, le lac Winnipeg, 10e lac d’eau douce de la planète, est aux prises avec un très sérieux problème d’eutrophisation, c’est-à-dire de dégradation de son milieu en raison d’un apport excessif de substances polluantes. La pollution entraîne un déclin des populations de poissons, des problèmes d’approvisionnement en eau potable et la propagation d’algues bleues. La rivière Rouge, qui prend sa source dans les vastes plaines agricoles des États-Unis, charrie d’énormes quantités de nutriments (dont le phosphore) avant de se jeter dans le lac Winnipeg. Le phosphore qui s’y déverse se trouve au cœur du problème (voir la carte, page 54). L’International Institute for Sustainable Development (IISD), dont la mission est de créer des solutions innovatrices pour le développement

durable, a proposé le Lake Winnipeg Bioeconomy Project au gouvernement manitobain et à l’organisme Yes! Winnipeg, qui s’affaire au développement économique de la ville. Ce projet visait à assainir le lac de même qu’à mettre en œuvre un écosystème de bioraffinage basé sur la valorisation de la quenouille. « Nous avons reconnu l’ampleur du problème et nous y avons vu une occasion d’innover pour trouver une solution durable qui ne générerait pas des dépenses, mais des profits », explique Hank Venema, vice-président au développement des affaires de l’IISD. Le gouvernement du Manitoba et le gouvernement du Canada ont tous deux placé au sommet de leurs priorités le retour à la santé de ce majestueux lac. Brian Edwards, de DuPont, estime qu’environ 150 emplois directs pourraient être créés pour l’industrie de la biomasse et de la bioraffinerie et

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carte : Environnement Canada

Le bassin hydrographique du lac Winnipeg, qui s’étend sur près d’un million de km2. Le bassin versant couvre une partie de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Ontario, ainsi que du Montana, du Dakota du Nord, du Dakota du Sud et du Minnesota.

qu’au moins deux fois plus d’emplois indirects découleraient de la construction et de la mise en place du projet. « L’assainissement du lac Winnipeg demande un effort coordonné de la part de nombreux acteurs et une volonté d’adopter des solutions nouvelles et innovantes, déclare Gord Mackintosh, ministre manitobain de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques. Le travail de pionnier de l’IIDD avec les quenouilles a offert un tout nouvel ensemble d’outils pour nous permettre de sauver le lac Winnipeg. Le Manitoba est fier de travailler avec les ONG de l’industrie et de l’environnement pour mettre en marche ce plan d’action. » « Le projet visant à récolter la quenouille pour la transformer en bioénergie et bioproduits montre à quel point les problèmes environnementaux peuvent parfois devenir de belles occasions d’affaires et créer de l’emploi! Nous avons tout de suite pensé à attirer des entreprises comme DuPont, Biovalco et La Coop fédérée pour développer cette expertise au Manitoba », s’exclame

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Bill Morrissey, leader de l’organisme Yes! Winnipeg, une initiative de Economic Development Winnipeg. La Coop fédérée s’est ainsi jointe à l’équipe, qui se compose de représentants de Yes! Winnipeg, du gouvernement du Manitoba, de l’International Institute for Sustainable Development et de DuPont. Ensemble, tous travaillent à l’élaboration d’un plan d’action pour assainir le lac en mettant en place un écosystème de bioraffinage basé sur la valorisation de la quenouille. « La quenouille a longtemps été considérée comme de la mauvaise herbe. Mais lorsque les chercheurs ont découvert qu’elle absorbait des quantités importantes de phosphore se trouvant dans l’eau et qu’elle avait donc le pouvoir de nettoyer le lac, ils y ont vu une solution, pourvu que l’on puisse récolter cette quenouille. En effet, si elle n’est pas récoltée, en mourant la quenouille retourne dans le lac et y dépose à nouveau le phosphore qu’elle avait absorbé », explique Patrick Girouard, coordonnateur des énergies renouvelables et bioproduits à La Coop fédérée.

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Quand la biomasse devient la solution à un des plus importants problèmes mondiaux… « Pour éviter que, lorsque les quenouilles meurent, le phosphore qu’elles contiennent retourne dans l’eau du lac, elles peuvent être récoltées et servir de source de biomasse », indique Patrick Girouard. La Coop fédérée et l’équipe du projet ont donc évalué la possibilité de créer au Manitoba un écosystème de bioraffinage qui traiterait les quenouilles et des résidus agricoles (comme la paille de blé), pour produire un certain nombre de bioproduits, tels que de l’éthanol cellulosique, du CO2, de la biomasse pour le chauffage et peutêtre même du phosphore pour l’engrais. En plus de remettre en bonne santé une des plus importantes sources d’eau potable au monde, ce projet créateur d’emplois aurait de grandes retombées économiques.

Un projet à double volet environnemental La solution proposée permettra non seulement l’assainissement du lac Winnipeg, mais également la création de différents types de bioénergie. Qui plus est, les quenouilles pourront être utilisées pour constituer des bandes riveraines, ce qui permettra aux producteurs agricoles de les récolter et de les vendre. De plus, cette solution d’assainissement est beaucoup moins coûteuse que certains projets d’infrastructures plus traditionnels, comme la mise à niveau d’usines de traitement des eaux usées. L’écosystème de bioraffinage proposé pourrait aussi compter sur le potentiel de rendement en biomasse très élevé de la quenouille. « La quenouille produirait de 13 à 17 tonnes par hectare en 90 jours. Rappelons que pour chaque tonne de biomasse créée, une tonne de C02 n’est pas relâchée dans l’atmosphère », explique Cyrille Néron, directeur principal du secteur Innovation et croissance à La Coop fédérée. Le ministère fédéral de l’Environnement appuie les efforts de dépollution du lac Winnipeg. Selon son ministre, l’objectif d’Environnement Canada est de « déceler les aires de fortes

concentrations de nutriments à l’intérieur du bassin de la rivière Rouge et de celui de la rivière Winnipeg, et formuler des recommandations sur les pratiques de gestion à adopter pour favoriser la prévention et la réduction de la pénétration de nutriments dans ces affluents du lac Winnipeg ».

Des occasions à saisir pour La Coop fédérée Pour La Coop fédérée, il s’agit d’un projet de positionnement stratégique dans le développement d’un leadership canadien en matière de biomasse agricole. « C’est, pour nous et notre partenaire manitobain, Biovalco, une excellente occasion de développer de nouveaux marchés pour nos solutions de chauffage à la biomasse à l’aide de la chaudière Blue Flame, ainsi que de consolider notre expertise dans le secteur du bioraffinage, et ce, tout en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre », dit Cyrille Néron. Le plan d’action en cours d’élaboration allie solutions environnementales et biomasse, en combinant l’amélioration de la qualité de l’eau et la récolte de biomasse.

Un projet inspirant pour le Québec Sauver un des plus grands lacs au monde d’une façon novatrice, économique et ayant de multiples bienfaits sur l’environnement, voilà un projet inspirant! Il s’agit d’une solution audacieuse, appuyée par l’International Institute for Sustainable Development. Comme le disait un ancien directeur général de la Manitoba Environmental Industries Association : « Ne nous leurrons pas, le lac Winnipeg éprouve un problème de premier ordre. Aussi devrions-nous peut-être envisager une solution de premier ordre. » Selon Environnement Canada, « le Québec abrite grosso modo 3 % des réserves d’eau douce renouvelable de la planète »1. La protection de nos ressources hydriques est une nécessité de plus en plus comprise par nos décideurs et par les producteurs agricoles. Espérons que des projets semblables à celui du lac Winnipeg verront le jour au Québec dans les prochaines années! 1

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Relève

L’extraordinaire succès du Fonds coopératif d’aide à la relève Textes de Hélène Cossette

Lancé en 2008, le Fonds coopératif d’aide à la relève agricole (FCARA) avait pour but de promouvoir la coopération et d’apporter un soutien financier aux jeunes de la relève, tout en leur permettant de développer leurs compétences. Six ans et 429 participants plus tard, force est d’admettre que l’objectif a été atteint, à tous les niveaux!

PHOTO : ISTOCK

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a réponse a été très bonne, tant du côté des jeunes que des coopératives », se réjouit Jean-François Harel, secrétaire général de La Coop fédérée et principal instigateur du programme. « Mais la grande surprise, qu’on n’avait pas vue venir, c’est qu’une trentaine de ces jeunes-là siègent maintenant au conseil d’administration de leur coopérative! Bien que le programme n’ait pas été mis en place pour cela, on constate aujourd’hui qu’il ouvre la porte à l’engagement », remarque-t-il avec fierté. « C’est un très bel outil d’éducation coopérative », renchérit Jean-Nil Laganière, président de

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La Coop Univert, qui a appuyé 17 jeunes membres depuis 2010 dans le cadre de ce programme. Impressionnée par leur dynamisme lors des formations et des activités associatives, la coopérative a même créé un poste « relève » à son conseil d’administration, en complémentarité avec le fonds. Même s’il n’a pas droit de vote, l’administrateur-relève participe activement aux discussions, souligne le président de cette coopérative qui a fait de la relève une de ses priorités. « C’est très enrichissant pour le conseil et c’est une excellente façon pour le jeune de voir la coopération de l’intérieur », commente-t-il.

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Pour le directeur général de La Coop Univert, Dany Côté, un autre point fort du programme est la pertinence de son volet formation. « À notre dernière assemblée annuelle, raconte-t-il, un membre nous a félicités pour la qualité des formations offertes à son fi ls, qui s’étaient avérées extrêmement utiles pour le développement de leur entreprise agricole. » Si ce volet est parfois perçu comme une contrainte au départ, « rares sont les participants qui ne sortent pas grandis de ces formations », souligne le jeune directeur général. « Nous sommes dans une société du savoir, dans le monde agricole comme ailleurs, remarque Jean-François Harel. Le FCARA s’inscrit parfaitement dans ce courant, car il produit des citoyens mieux formés et qui comprennent la coopération. » C’est La Coop fédérée qui assume la totalité des coûts de formation des bénéficiaires du FCARA, rappelle le secrétaire général. À ce jour, elle a investi au-delà de 463 579 $ dans ce volet, sans compter un fonds initial d’un peu plus de 100 000 $ créé grâce aux recettes générées par deux matchs-bénéfice entre les anciens Canadiens et des employés de La Coop fédérée.

Aide financière Assumé à parts égales par La Coop fédérée et les coopératives participantes, le volet aide fi nancière représente de son côté la rondelette somme de 2,8 millions $ depuis six ans. Rappelons que cette aide fi nancière est dans les faits un escompte de 10 % sur les achats d’intrants admissibles, calculé selon le pourcentage de propriété du jeune dans son entreprise. Versé chaque année pendant trois ans, il peut atteindre au total jusqu’à 15 000 $ par ferme. À La Coop Univert, le budget annuel consacré à cette aide fi nancière atteint 25 000 $, sans compter la part équivalente assumée par La Coop fédérée. Pour son directeur général, il s’agit là d’une belle façon de redistribuer la richesse. « C’est aussi un élément de notoriété très important, car ce n’est pas juste de la poudre aux yeux. C’est beaucoup d’argent et les jeunes n’y sont pas indifférents », ajoute-t-il.

Un investissement rentable Pour Valérie Ouellet, coordonnatrice aux communications à La Coop Univert, c’est aussi

PHOTO : PATRICK DUPUIS

de l’argent bien investi. « Peu de publicités ou de commandites peuvent rapporter autant en visibilité, en notoriété et en retombées fi nancières », estime la responsable de la gestion du FCARA pour la coopérative. Sur le plan du rendement de l’investissement, le FCARA suscite l’adhésion à la coopération, favorise la fidélité chez les membres et crée même des gains de parts de marché, affi rme Dany Côté. « Commercialement, c’est bon. C’est un élément de plus qui pèse dans la balance quand vient le temps de privilégier un fournisseur », croit-il. À La Coop Univert, la notoriété du programme est telle qu’il est maintenant devenu un incontournable. Pour l’année qui vient, en effet, une dizaine de jeunes ont déjà manifesté leur intérêt. « C’est un beau problème. Nous pourrions facilement accepter jusqu’à six nouveaux candidats cette année, mais le budget global alloué à ce programme nous permet seulement d’en prendre trois », déplore Jean-Nil Laganière. Dans la mesure où La Coop Univert dessert un vaste territoire bien pourvu en relève, ses dirigeants ne voient pas non plus le jour où elle manquera de candidats. Avec le FCARA, le réseau La Coop est « en avant de la parade », estime Dany Côté. « Il n’existe rien d’aussi accessible et généreux sur le marché, soutient-il. Et c’est curieux à dire, mais c’est un programme extrêmement rentable. C’est rentable pour le jeune. C’est rentable pour l’agriculture. C’est rentable pour la notoriété de l’entreprise et pour les gains commerciaux. Collectivement, on ne se trompe pas! » Avec le lancement du volet environnement, cette année, le réseau La Coop fait un pas de plus « en avant de la parade ». Cette fois, en matière d’agriculture durable. « Le conseil d’administration a adopté une politique d’évènements écoresponsables en vertu de laquelle les compensations pour les émissions de GES générés lors de nos grands évènements sont versées au FCARA, explique Jean-François Harel. Avec l’argent accumulé, nous avons pu lancer cette année le concours ÉcoRelève La Coop. » Ouvert à tous les bénéficiaires du FCARA, ce concours vise à promouvoir les initiatives pour réduire l’impact environnemental de leurs activités agricoles. Une bourse pouvant atteindre 20 000 $ sera attribuée à la réalisation du projet gagnant. La date limite pour soumettre un projet cette année est le 1er novembre 2014. u

Jean-François Harel, secrétaire général de La Coop fédérée, a constaté que le programme coopératif d’aide à la relève ouvre la porte à l’engagement des jeunes auprès de leur coopérative.

Dany Côté et Jean-Nil Laganière, respectivement directeur général et président de La Coop Univert. Pour eux, la notoriété du Fonds coopératif d’aide à la relève est telle qu’il est maintenant devenu un incontournable. PHOTO : JACQUES LEBLEU

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Formation pertinente

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PHOTO : JACQUES LEBLEU

En six ans, 429 jeunes de toutes les régions du Québec ont bénéficié du Fonds coopératif d’aide à la relève agricole. Le Coopérateur agricole en a rencontré trois : Julien Gauthier, Karine Lamy et Frédéric Marcoux. Au-delà de l’aide financière non négligeable qu’ils ont reçue, ces trois jeunes agriculteurs particulièrement allumés et passionnés par leur métier ont surtout apprécié la formation offerte dans le cadre du programme.

Âge : 25 ans Statut : célibataire Diplôme : DEC en gestion agricole du cégep de LévisLauzon Productions : laitière, céréalière, acéricole et forestière Région : Saint-Basile (MRC de Portneuf) Administrateur-relève de La Coop Univert en 2013 et bénéficiaire du FCARA de 2013 à 2015

Julien Gauthier : coopérateur et ouvert sur le monde

C’

est par l’intermédiaire d’un expert-conseil de sa coopérative que Julien Gauthier a entendu parler du FCARA. En 2013, il a soumis sa candidature à La Coop Univert, « autant pour l’aspect financier que pour l’aspect formation », dit-il. « Quand on t’approche, tu ne sais pas si les formations seront bénéfiques pour toi. Mais dès le début, les cours donnés par Vincent Cloutier [économiste principal à La Coop fédérée] sur l’agriculture et l’économie de marché se sont avérés excellents. » Lecteur assidu de La Terre de chez nous, du Coopérateur agricole et du Producteur de lait québécois, le jeune homme est très intéressé par ce qui se passe ailleurs dans le domaine agricole. « L’agriculture, c’est mondial, remarque-t-il. À la ferme, on se sent généralement compétent, mais quand on tombe dans des aspects plus globaux, comme les barrières tarifaires, on manque souvent de connaissances. » Ayant par le passé bénéficié d’une subvention à l’établissement pour laquelle il fallait justifier chaque sou dépensé, Julien apprécie qu’aucune règle d’utilisation ne soit attachée à l’aide

fi nancière du FCARA. Selon lui, c’est une belle marque de confiance de la part de sa coopérative. Il n’en fera pas pour autant un usage frivole : il envisage plutôt s’en servir pour acquérir une terre ou une vache de génétique supérieure! Compte tenu de la diminution des achats d’intrants pour cause d’incendie et de son pourcentage de propriété de 21 % dans la ferme familiale, Julien a obtenu la somme de 3600 $ en 2013. Avec la reconstruction de l’étable cette année et le retour à la production laitière, il pense toutefois aller chercher le maximum pour ses deux dernières années dans le programme. Il faut savoir que, l’hiver dernier, un terrible incendie a ravagé l’étable de la Ferme Laurier et causé la mort de 179 bêtes sur les 180 qu’elle abritait. « Quand on passe au feu, on remet tout en question. On a beaucoup réfléchi. Mais chose certaine, je n’avais pas envie de rebâtir sur le même modèle », raconte Julien, qui prendra un jour la relève de l’entreprise. Entrevoyant les futures exigences en matière de bien-être animal, Julien et ses parents ont choisi d’investir dans un nouveau bâtiment à SEPTEMBRE 2014 | Le Coopérateur agricole

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stabulation libre d’une capacité de 100 vaches en lactation, équipé de deux robots de traite. En réalisant ce projet en autoconstruction, Julien, son père et leurs trois employés espèrent terminer l’étable pour le début décembre 2014. Ils se donnent ensuite un an pour atteindre le maximum de leur quota laitier. En plus de la production laitière, qui constitue sa principale activité, la Ferme Laurier fait de la grande culture et exploite des terres à bois ainsi que des érablières totalisant 20 000 entailles. « Coop mur à mur », souligne Julien, l’entreprise est membre de Desjardins, de Promutuel, d’Agropur et de Citadelle, dont son père, Laurier Gauthier, est administrateur depuis 2008. En marge des activités directement liées au FCARA, Julien a été le premier jeune à occuper le poste d’administrateur-relève nouvellement créé par La Coop Univert. Pendant un an, il a assisté à toutes les réunions du conseil et à celles de plusieurs comités. Ce faisant, il a notamment eu la chance de participer aux discussions concernant la planification stratégique et à celles qui ont mené au versement d’une toute première ristourne aux membres. « C’était vraiment intéressant. J’ai tout aimé de l’expérience! » confie-t-il. De son côté, La Coop Univert se félicite de l’avoir recruté. « Comme premier candidat, on ne pouvait pas trouver mieux, estime le président, Jean-Nil Laganière. Julien a vraiment contribué de façon constructive. Il s’est intégré très rapidement. Il participait aux échanges et apportait son point de vue de façon toujours respectueuse. Bref, c’est une très belle relève potentielle pour le CA! » « C’est sûr que ça m’intéresserait éventuellement, admet ce jeune homme rompu aux valeurs coopératives. Mais à 25 ans, j’ai encore bien le temps! » Pour l’instant, il en a suffisamment sur les bras avec ses responsabilités croissantes à la ferme, sans compter la reconstruction de l’étable.

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PHOTO : JACQUES LEBLEU

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Karine Lamy : écolo et visionnaire

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iplômée » du FCARA en 2013, Karine Lamy a elle aussi soumis sa candidature au programme pour la formation, souligne-t-elle. « J’aime apprendre. Je suis toujours plusieurs cours en hiver et je savais que le programme offrirait des cours de qualité. » Pour elle, l’aide fi nancière constituait un bonus. Propriétaire à 75 % de son entreprise agricole, elle a obtenu un peu moins que le maximum, soit près de 15 000 $ en ristournes. « C’est sûr que ça sert. Il y a toujours de l’entretien à faire dans une ferme », remarque-t-elle. La Ferme Karine et François, qu’elle exploite depuis 2004 avec son conjoint, François Leblanc, est active dans la production céréalière, l’élevage porcin et les petits fruits. Écolo et visionnaire, l’agricultrice ne craint pas d’explorer de nouvelles pistes pour exploiter de manière durable les terres qu’elle loue à ses parents. Depuis la création de leur entreprise, Karine et François ont déjà converti près de la moitié des 300 ha de champs à la culture biologique et implanté des méthodes plus durables pour les cultures « conventionnelles » de céréales. Leur soya

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ds coopératif d’aide à la relève

Âge : 37 ans Statut : en couple, mère de Thomas (12 ans) et de Léa (10 ans) Diplôme : GEEA du cégep de Victoriaville Productions : grandes cultures céréalières biologiques et conventionnelles, engraissement porcin à forfait et petits fruits Région : Yamachiche (MRC de Maskinongé)

naire

Administratrice de La Coop Agrivert et bénéficiaire du FCARA de 2011 à 2013

biologique est vendu jusqu’au Japon, où Karine s’est d’ailleurs rendue récemment pour rencontrer les acheteurs et s’informer de leurs exigences. Dans les porcheries, également louées à ses parents, le couple engraisse 1900 porcs à forfait, qui fournissent le lisier pour les champs. Les deux producteurs expérimentent aussi avec divers engrais verts et participent volontiers aux essais à la ferme d’organismes comme Envir-Eau-Sol et le MAPAQ. Ils se sont aussi lancés dans la culture de variétés de petits fruits encore peu connus au Québec, mais fort prometteurs en raison de leur potentiel commercial dans les domaines gastronomique, cosmétique et pharmaceutique : les baies d’argousier et de sureau. Depuis 2011, ils ont planté pas moins de 2000 argousiers et 2500 sureaux. Lorsque les arbustes auront atteint leur pleine productivité, l’agricultrice et son conjoint espèrent pouvoir en tirer près du tiers de leurs revenus. En collaboration avec le MAPAQ, ils testeront notamment à l’automne une machine importée de Finlande qui pourrait, espèrent-ils, permettre de commercialiser les baies d’argousier fraîches. Si elle fonctionne, cette machine

pourrait être acquise par une CUMA, souhaite Karine, qui s’affaire par ailleurs à mettre en place une coopérative de commercialisation des baies d’argousier avec d’autres producteurs. Dans le cadre de sa formation, Karine a particulièrement aimé le cours sur la coopération et celui sur l’agriculture et l’économie de marché, qui lui ont été donnés par des professeurs de très grande qualité, selon elle. « Il n’y avait pas de répétition par rapport à ce que j’avais déjà suivi au cégep, souligne-t-elle. En plus, tous ces cours m’ont beaucoup servi et m’ont donné de la confiance quand je suis devenue administratrice. » Depuis un an, la jeune femme siège en effet au conseil d’administration de La Coop Agrivert. On lui a proposé de se présenter, entre autres parce qu’elle était reconnue comme une femme engagée dans son milieu, notamment auprès du syndicat de l’UPA et de la Chambre de commerce de Maskinongé, ainsi qu’auprès des producteurs de porcs. Même si elle avait décidé de restreindre ses engagements pour se consacrer à sa nouvelle culture de petits fruits – elle en menait jusqu’à cinq de front à une époque! –, elle a accepté ce poste en partie parce qu’elle avait participé au FCARA. En plus de la formation et de l’aide financière, Karine a beaucoup apprécié les invitations personnelles envoyées aux bénéficiaires du Fonds pour les inciter à participer à la vie associative de la coopérative. « Nous étions bien encadrés et les gens étaient accueillants partout où nous étions invités. » Au conseil d’administration, Karine apporte non seulement sa vision de jeune femme, mais aussi ses convictions écologiques et son approche d’agriculture durable. « Je ne suis pas là pour convertir mes pairs, tient-elle toutefois à préciser. Plus jeune, je voulais changer le monde, mais aujourd’hui, je fournis ma part pour l’environnement, tout en espérant que les autres en feront autant! » u

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Âge : 31 ans Statut : en couple papa de jumelles d’un an

PHOTO : JACQUES LEBLEU

Diplôme : DEC en gestion agricole, Lévis

Frédéric Marcoux : politisé et branché

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ongtemps impliqué auprès de la Fédération de la relève agricole du Québec, entre autres comme président de 2009 à 2012, Frédéric Marcoux connaissait bien le FCARA lorsqu’il s’y est inscrit en 2013 par l’intermédiaire de La Coop Unicoop. S’il l’a fait, c’est surtout pour la formation, tient-il à préciser. Après un an dans le programme, c’est effectivement la formation que ce jeune producteur laitier a le plus aimée. Au terme des 21 crédits requis, il souhaiterait même la poursuivre en suivant quelques cours de l’Académie La Coop. C’est d’ailleurs en apprenant qu’il lui en coûterait entre 300 et 400 $ par cours supplémentaire qu’il a pu apprécier toute la valeur du FCARA, qui excède largement la somme de 5000 $ qu’il a déjà reçue cette année. Il est particulièrement reconnaissant envers La Coop fédérée de lui avoir donné accès pendant une journée complète à deux excellents professeurs de l’Université Laval, Jean-Philippe Perrier et Raymond Levallois, dans le cadre du cours Gestion stratégique de l’entreprise agricole. « C’était une chance exceptionnelle de pouvoir discuter de ma situation et de mes projets d’avenir avec de tels experts! » Il y a cinq ans, son père lui a cédé 50 % des parts de la ferme laitière où il a grandi, à SainteMarguerite de Beauce. Avec sa conjointe, Marianne Fréchette, agronome et experte-conseil à La Coop Alliance, il a aussi racheté la maison familiale, où ils vivent maintenant avec leurs jumelles. L’entreprise compte 45 vaches Ayrshire en lactation, 65 ha de terres cultivées en maïs et fourrage ainsi qu’une petite érablière, dont son père continue de s’occuper, bien qu’il réside dorénavant au village. L’entreprise jouit d’une bonne situation fi nancière. Son père l’a toujours gérée prudemment, souligne Frédéric avec fierté, en s’efforçant de diminuer la dette dès l’âge de 45 ans.

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Productions : laitière et acéricole Région : Sainte-Marguerite (MRC de la Nouvelle-Beauce) Membre de La Coop Unicoop et bénéficiaire du FCARA de 2013 à 2015

Mais pour le jeune producteur, stagner n’est pas une option. Estimant toutefois que le risque est actuellement trop grand pour investir une grosse somme dans l’achat de quota, il en acquiert plutôt graduellement, à raison de 0,1 ou 0,2 kg par mois. « Je cherche une croissance juste en haut de l’inflation pour battre mon coût fi xe », explique-t-il. Dans 10 ans, il aimerait pouvoir passer à la traite robotisée avec une soixantaine de vaches en stabulation libre. « C’est un beau modèle pour faire vivre une petite famille et se donner un peu plus de liberté », estime ce jeune homme politisé et branché aux multiples intérêts. Très actif sur Twitter et Facebook — il a fait entrer le Wi-Fi dans l’étable! —, il contribue aussi à un blogue baptisé La bande riveraine. Engagé au sein du syndicat local de l’UPA, il participe également à l’élaboration d’un plan de développement de la zone agricole de sa MRC. Ayant siégé au conseil de la Fédération de la relève agricole du Québec, il n’écarte pas la possibilité de s’impliquer un jour comme administrateur d’Unicoop. « J’aimerais ça pour l’expérience, dit-il, mais je n’irais pas me présenter contre mon représentant local, qui fait d’ailleurs un excellent travail! » Selon lui, le FCARA a eu un réel impact pour promouvoir la coopération auprès des jeunes de sa région. « J’ai été vraiment frappé de voir le nombre de jeunes qui assistent maintenant à l’AGA d’Unicoop. Les trois quarts des personnes qui sont intervenues à la dernière assemblée avaient moins de 35 ans! » Il faut dire que La Coop Unicoop reconnaît l’importance d’appuyer la relève. Cette année, elle a remis un total de 70 500 $ en subventions, y compris la part de La Coop fédérée, à 16 jeunes membres. .

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A c é r i c u lt u r e

Citadelle mise Photos : Studios Drakkar

sur une croissance bien contrôlée

À la dernière assemblée générale, tenue à Québec le 18 juin, Citadelle avait amplement de bonnes nouvelles à transmettre à ses membres, dont une augmentation de 7 % du chiffre d’affaires. Ce résultat fait grimper la hausse à 43 % en cinq ans. Mais l’année écoulée a aussi offert son lot de défis, dont celui d’affronter la concurrence américaine, qui se développe très rapidement.

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Le président de Citadelle, Michel Labbé, avait de bonnes nouvelles à communiquer aux membres au terme de sa première année à la tête de la coopérative.

Par Céline Normandin

e chiffre d’affaires au cours de l’exercice 2013-2014 a atteint un nouveau sommet de 93,2 millions $ grâce au sirop d’érable, qui demeure le fer de lance de la coopérative. L’augmentation des divers frais commerciaux, administratifs et financiers a toutefois grignoté l’excédent brut, ce qui s’est reflété sur l’excédent net. Ce dernier est passé de 2,7 à 2,1 millions $. Les ristournes ont quant à elles fléchi à 1,71 million $, contre 2,08 en 2012-2013. Bien que l’excédent ait diminué, le directeur général, Martin Plante, se dit satisfait de ces résultats. « Nous avons réussi à augmenter nos volumes ainsi que notre rentabilité, malgré que nous soyons dans un marché très compétitif et mature. Pour y arriver, nous avons dû investir, ce qui s’est reflété sur l’excédent. » En plus de ces contraintes, la hausse des coûts de production n’a pu être transférée dans les prix.

L’année 2013 a été une année où le volume et la qualité du sirop ont répondu aux besoins des marchés. Le miel a souffert, de son côté, d’une production limitée. Après une année record en 2012 avec 340 000 lb, les apiculteurs en ont récolté 90 284 lb l’an dernier. Pour ce qui est de la canneberge, qui accueillait ses 12 premiers membres, la transformation a été limitée en raison des capacités de l’usine, mais les nouvelles installations devraient pouvoir transformer 25 millions de livres de canneberges par an.

Investissements majeurs Citadelle place beaucoup d’espoir dans sa nouvelle usine de transformation de canneberges. Elle s’ajoute aux quatre usines que compte déjà la coopérative. Les installations ont nécessité un investissement de l’ordre de 13 millions $, et l’usine sera opérationnelle à la fin de l’été. On y

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Un créneau à développer Citadelle a multiplié les démarches au cours des dernières années pour se distinguer dans un marché où la concurrence est féroce, aux dires même du directeur général, Martin Plante. Annoncée l’année dernière, la nouvelle image de la coopérative a été mise au point. En toile de fond sont présentés les valeurs de l’entreprise, le sirop, le miel et la canneberge, ainsi que le cœur que ses membres mettent à l’ouvrage. Pour suivre les tendances des marchés et à la demande de sa clientèle, Citadelle a obtenu la certification de commerce équitable Fair for Life (Fair Trade Certified). « Les clients et acheteurs veulent aller plus loin dans la proximité avec leur fournisseur. Afin de vendre ce que nous faisons, il faut mettre en avant ce que nous sommes », avance M. Plante. Les dirigeants confirment que la coopérative a l’intention de s’immiscer davantage dans le créneau des produits 100 % purs avec des certifications sur la qualité, la salubrité, l’authenticité et la

Un trio complémentaire Les chiffres du dernier exercice démontrent également l’intégration harmonieuse des canneberges aux activités de la coopérative, au point que le directeur général parle d’une interdépendance garante de l’avenir. « Il nous est arrivé, lors de foires commerciales, de voir un client commander également une cargaison de canneberges en voyant que nous offrions ce produit », a raconté Martin Plante en assemblée. Les trois secteurs connaissent par contre leur lot de défis. Les États américains producteurs de sirop d’érable menacent de grignoter le marché dominé par les producteurs québécois. Le secteur apicole, déjà fragilisé par la mortalité chez les abeilles, a vu apparaître sur le marché un miel de synthèse. Citadelle a également perdu dans l’année le contrat qui la liait avec son plus important client, car elle refusait de plier sur la question du « 100 % pur ». Mais la coopérative dit ne pas baisser les bras. Elle a l’intention de miser sur le miel de cuisson en intégrant davantage le miel dans ses recettes. Du côté des canneberges, le secteur a décidé de prendre les devants en s’autorégulant et en réduisant sa propre production de 15 % pour la prochaine récolte grâce à une entente conclue avec les producteurs de l’Amérique du Nord. La coopérative participe aussi à de nombreux groupes pour chercher les meilleures voies d’expansion. Elle fait partie du Comité pour le développement de la canneberge du Québec, avec tous les acteurs de l’industrie de la canneberge, afin de veiller à l’avancement de cette filière. Le Conseil de l’industrie de l’érable et la Fédération des producteurs acéricoles du Québec ont convenu de mener une étude sur le contexte du devenir de l’acériculture en Amérique du Nord, avec pour objectif de donner des recommandations qui permettront à l’industrie québécoise de faire face à la concurrence étrangère. Citadelle compte aussi travailler plus étroitement avec les producteurs américains pour améliorer l’image du sirop sur les marchés internationaux, en l’absence d’une dénomination claire du produit. « Nous avons intérêt à travailler ensemble afin de mieux faire connaitre le produit », indiquent MM. Labbé et Plante.

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Photos : Studios Drakkar

Jean-Guy Isabel a reçu un cadeau des mains du président de Citadelle en remerciement pour ses 15 années de service comme administrateur de Beauce-Frontenac, siège qu’il a laissé cette année pour une retraite bien méritée.

produira des canneberges séchées sucrées et du jus. D’autres produits pourraient y voir le jour pour répondre aux besoins du marché. « On parle ici de procédés uniques en leur genre. On est vraiment parti de zéro en matière de technologie », explique le directeur général. Un autre chantier important a été achevé cette année : la construction d’un entrepôt de 3700 m 2 (40 000 pi 2) à Plessisville. Cet entrepôt sert d’aire de réception et d’entreposage supplémentaire de barils pour la récolte 2014. Le remplacement du parc de barils suit son cours. Depuis 2010, 20 000 barils ont été remplacés, pour un coût d’un million $ annuellement. Les bistros-boutiques Les Délices de l’érable ont quant à eux enregistré des pertes, engendrées par le déménagement du bistro-boutique de l’aéroport Montréal-Trudeau. Pour les dirigeants de la coopérative, les bistros-boutiques comportent plus d’avantages que d’inconvénients. « Ils offrent une vitrine pour nos produits et valent une campagne de marketing, qu’on n’aurait pas les moyens de s’offrir », a indiqué M. Plante. Ils offrent aussi une belle occasion de tester les nouveaux produits de Citadelle auprès d’un large public venant de partout dans le monde, en raison de leur présence au Vieux-Port de Montréal et surtout à l’aéroport.

traçabilité. « Il s’agit d’un élément très important à long terme, confirme Michel Labbé, président de Citadelle. C’est notre capacité de faire un suivi parfait du produit depuis la source qui fait que les clients reviennent. »

Le Coopérateur agricole | SEPTEMBRE 2014

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Colette Lebel reconnue en éducation coopérative

Colette Lebel, directrice des Affaires coopératives à La Coop fédérée, a reçu le prix Reginald J. Cressman 2014 – qui reconnaît l’engagement remarquable en matière d’éducation coopérative auprès des ressources humaines – lors du banquet de remise des prix de l’Association des éducateurs coopératifs (ACE) tenu le 14 juillet à Austin, au Texas. « Elle est tout simplement un chef-d’œuvre en matière d’éducation coopérative », déclare André Martin, professeur à l’Institut de recherche pour les coopératives et les mutuelles de l’Université de Sherbrooke (IRECUS). Dans le cadre de ses activités professionnelles, Colette Lebel, directrice Colette promeut la coopération au sein du réseau des affaires coopératives à La Coop fédérée, reçoit le prix La Coop, notamment par l’entremise de cours et de Reginald J. Cressman 2014, séances d’information ainsi que par son billet Pausedécerné par l’Association pensée, diffusé sans interruption depuis septembre des éducateurs coopératifs 1999 dans chacun des neuf numéros du Coopérateur (ACE). Elle est en compagnie agricole publiés annuellement. Sa toute première d’André Martin, professeur chronique s’intitulait « La vraie liberté »… associé, à l’IRECUS. Colette est fréquemment conférencière à l’IRECUS et vulgarisatrice pour l’organisme de développement international SOCODEVI (Société de coopération pour le développement international) en Europe, en Afrique et en Amérique du Sud. Elle aide les agricultrices à s’épanouir pleinement et à faire valoir leur potentiel au sein des conseils d’administration des coopératives agricoles. Elle est une membre active de la Table des formateurs et éducateurs coopératifs au Québec. Cette année, au congrès d’ACE, Colette a animé une séance avec les éducateurs coopératifs afin de les inciter à utiliser les valeurs éthiques de la coopération pour susciter un plus grand engagement des employés au sein des entreprises coopératives. Toujours avide de nouvelles façons de faire, elle a notamment parfait ses compétences en Italie, où elle a suivi des cours d’été aux universités de Bologne et de Trente.

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❏ Reçu disponible sur demande TPS : R101143279 • TVQ : 1000044306TP9145MA

Le Coopérateur agricole

C.P. 500 Station Youville Montréal (Québec) H2P 2W2 Tél. : 514 384-6450 - Téléc. : 514 858-2025 Courriel : coopagri@lacoop.coop Êtes-vous relié au domaine agricole?

❏ Oui

❏ Non

Nom Compagnie Adresse Ville

Province

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Courriel Veuillez émettre votre chèque à l’ordre de La Coop fédérée.

La Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) a profité de la 29e édition de ses assises annuelles, le 13 juin, pour souligner l’obtention de 14 nouveaux mandats dans neuf pays au cours de la dernière année. Les nouveaux contrats décrochés auprès de différents bailleurs de fonds ont une valeur totale de 80 millions $, un record pour l’organisation. « La puissance de notre réseau coopératif et Richard Lacasse, directeur mutualiste est un atout qui nous distingue, indique général de SOCODEVI le directeur général, Richard Lacasse. La croissance que nous connaissons trouve sa source dans notre approche, qui est unique et qui donne des résultats concrets sur le terrain, avec des expertises adaptées. » M. Lacasse a aussi profité de l’occasion pour souligner l’excellence du travail réalisé par l’équipe de SOCODEVI au Canada et à l’étranger, de même que l’engagement des organisations membres, dont La Coop fédérée. SOCODEVI, qui célèbrera son 30e anniversaire en 2015, a mené 500 projets dans 41 pays depuis 1985, projets ayant profité à plus de 12 millions de personnes. Pour en savoir plus, visitez le www.socodevi.org ou joignez-vous à la page Facebook de SOCODEVI au www.facebook.com/socodevi.

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