La Gazette de la Lucarne n° 48 - 15 mai 2012

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La gazette de la

15 mai 2012 2 €

lucarne

n  48 o

La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris – tél. : 01 40 05 91 29 – http://lucarnedesecrivains.free.fr

L’écriture féminine

Éditorial

Paul Desalmand

Ça n’existe pas Christian Vellas

L’

écriture « féminine » n’existe pas. Celle de « sensibilité » féminine, que l’on peut reconnaître chez nombre d’auteurs masculins, est en revanche identifiable. Elle tient à une approche différente de la pensée et de la façon de l’exposer. Un exemple caricatural  : Proust est un écrivain de sensibilité féminine, Hemingway de sensibilité mas­ culine. L’un explore avec une ­ extrême précaution les méandres et les incertitudes de la langue, revenant sans cesse sur l’idée pour en extraire le suc jusqu’à la dernière goutte, l’autre va gaillardement à l’essentiel, traçant son chemin avec décision, voire brutalité. La sensibilité féminine porte à écrire en cercles concentriques, reprenant sans cesse son os pour développer phrases après phrases l’argument de départ. La sensibilité masculine, plus portée vers la synthèse, ne perd jamais de vue le but poursuivi et structure verticalement sa démonstration. Des femmes écrivent donc comme des hommes, et des hommes comme des femmes,

avec tous les degrés de nuances et d’échelle que permettent la répartition et le mélange de leurs hormones. ­ Rien n’est simple ! Il est vrai que les femmes, longtemps interdites de publication – elles devaient emprunter des noms d’hommes pour pouvoir être éditées – révèlent enfin des aptitudes différentes. Quand elles sont « libérées », et il est vrai qu’elles portaient naguère bien des chaînes, elles vont plus au fond des choses, sans tabous, sans complexes, sans pudeur. En matière de sexualité notamment, certains écrits de femmes dépassent les textes les plus osés jamais écrits par des hommes. Le dernier Daniel Pennac, Journal d’un corps, analyse au jour le jour les détails les plus crus de la vie d’un corps d’homme. On aimerait qu’une femme nous raconte avec ­autant de talent celle d’un corps féminin. On en apprendrait sans doute beaucoup plus.

Patrick le Divenah

Geneviève, grande lectrice, parlant de La Saisonnière de Françoise Blanchard, me fait remarquer qu’il y a, dans ce roman, quelque chose d’éminemment féminin. Sa remarque fait tilt et je me dis qu’il y a là un bon thème pour notre gazette : peut-on parler d’une écriture féminine ? Je n’y crois pas trop parce ce que les hommes et les femmes ne s’opposent pas comme le noir au blanc, comme une couleur à une autre. « Du rouge au vert tout l’orange se meurt. » Aussi, la grande Simone nous a fait comprendre que la notion d’éternel féminin ne résiste pas à l’analyse pour la raison simple que l’être humain est plus une histoire qu’une nature. Et pourtant, si j’avais été amené à lire, sans en connaître l’auteur, telle ou telle œuvre, par exemple celle de Claire Fourier, je crois que, sans même m’arrêter aux pronoms et aux participes passés, j’aurais perçu qu’une femme était au clavier. Ou tenait la plume, si on pense à Jane Austen. Que j’avais affaire à une « personne du sexe », comme on disait autrefois. Sans pousser plus avant la réflexion, j’en suis resté à l’idée que j’avais, avec cette question, la matière d’un numéro vendeur et, au vu des résultats, je crois que je ne me suis pas trompé.


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Nadine Lefébure : De l’hier

au demain Marc Albert-Levin

L

Michel Fauré, Histoire du surréalisme sous l’Occupation, La Table Ronde, 2003.

Anne Vernay et Richard Walter, La Main à plume… Anthologie du surréalisme sous l’Occupation, Sylepse, 2008.

a Lucarne des Écrivains a eu pour visiteuse d’un soir, le 5 mai 2012, Nadine Lefébure, une femme étonnante dont la vie tout entière a été traversée par l’amour de la poésie : celle qui s’écrit avec des mots sur une page blanche, mais aussi celle qu’elle a vécue à travers ses voyages, ses rencontres, son travail au théâtre et à la radio. C’est ce bel itinéraire qu’elle est venue évoquer dans la soirée, au 115 de la rue de l’Ourcq, en compagnie de sa sœur et de quelques amis fidèles. Sur le thème « Le Surréalisme sous l’Occupation », elle a fait lire, par Colette Klein1 et Armel Louis, quelques poèmes tirés de Les Réverbères (1938-39) et de La Main à plume… (1941-44). Au cœur de cette aventure, Noël Arnaud, Jean-François Chabrun et Jacques Bureau, qui joua également un rôle important dans la création de la revue Jazz Hot. Nadine Lefébure a insisté sur le caractère collectif de cette aventure périlleuse, en une période où une simple dénonciation était parfois l’équivalent d’une condamnation à mort. Hors des jeux surréalistes, les cadavres n’avaient alors rien d’exquis. Plusieurs de ces jeunes gens qui avaient vingt ans en ­ quarante

ne revinrent pas des camps de concentration. Nadine et ses camarades, dont certains suivaient à la Sorbonne les cours de philosophie de Gaston Bachelard, tout en voulant maintenir vivante la flamme de leur imagination, avaient bien conscience des maux de la ­société réelle. À tel point que ce sont des dissensions politiques, entre les trotskistes et les stalinistes à l’intérieur du mouvement, qui incitèrent Nadine Lefébure à s’en détacher. Parmi les noms évoqués, les plus connus encore de nos jours sont ceux qui jouèrent un rôle dans la promotion d’une nouvelle façon de peindre. Tout d’abord, le grand ami de Nadine Lefébure, Jean-François Chabrun qui, dès 1938, dénonçait dans Les Réverbères la fameuse exposition de « l’Art ­ dégénéré » (Entartete Kunst) qu’il avait découverte à Berlin. Bien des années plus tard, il écrivait des articles de critique d’art dans de nombreux journaux, notamment dans Paris Match et dans L’Express. Autre poète, le belge Christian Dotremont, ­catalyseur du mouvement pictural Cobra (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) ; et Michel Tapié, également musicien, auteur de Un Art autre, qui fut dans les 2

années cinquante et soixante le grand théoricien de l’art ­informel. Les Réverbères et La Main à plume sont le maillon m ­ anquant qui relie le surréalisme à l’abstraction lyrique, un mouvement dans lequel s’illustra d’ailleurs le compagnon de Nadine Lefébure, Jean Neuberth, disparu en 1996. Au nombre de ses rencontres fructueuses, celle du poète Jean Tardieu qui dirigeait le Club d’Essai, prémisses de France Culture et avec qui débuta pour Nadine Lefébure une riche carrière radiophonique – une cinquantaine de dramatiques et des émissions sur l’histoire des sciences, entre autres. De l’hier au demain est une élégante plaquette de poèmes d’une trentaine de pages p ­ ubliée par Les Presses d’Orphée, en février 2011, sur laquelle elle a inscrit une dédicace : « Cet arc-en-ciel poétique, avec ses couleurs de terre et de mer, en souvenir de la soirée à La Lucarne ouverte sur le nouveau millénaire ». Merci, Nadine, de nous avoir transmis une mémoire si v­ ivante ! 1. Colette Klein : poétesse et fondatrice, en 2008, de la revue Concerto pour marées et silence.


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Il ne l’a pas écrit

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SOMMAIRE page 1 Édito, P. Desalmand. et Ça n'existe pas, C. Vellas. page 2 Nadine Lefébure, M. Albert-Levin. ●

L

es meilleurs spécialistes le confirment. Flaubert n’a jamais écrit  : «  Madame Bovary, c’est moi ! » Et pourtant, c’est vrai, ou presque. Avec son romantisme de pacotille, Emma Bovary incarne ce que son père spirituel aurait pu être, ce qu’il a refusé d’être, ce qu’il a expulsé en écrivant un roman. Mais l’écrivain ne s’est pas glissé dans la peau d’une femme ; le monde de cette provinciale n’est pas vu de l’intérieur. Flaubert est un anthropologue qui se promène dans Yonville en écoutant aux portes. Monseigneur Dupanloup disait à Dumas fils de Madame Bovary : « C’est un chef-d’œuvre, monsieur !… Oui, un chef-d’œuvre pour ceux qui ont confessé en province ! * »

et ●

page 6 Gide et Colette, La trahison des éditeurs, et Pour une vrai parité, O. Ballotin. page 7 Les soirées de La Lucarne. ●

page 8 État de manque, C. Rimet.

Homme ou femme ? ●

Y. Stalloni.

page 3 Il ne l'a pas écrit, page 4 Une chambre à soi, et L’écriture fait minime, Z. Zéraphim. page 5 Non, non, ma fille, tu n'iras pas danser…, F. Blanchard. et Féminin, ou masculine, P. Le Divenah. ●

page 9

La chambre des dames,

* Cité dans le Journal des Goncourt, Robert Laffont, Bouquins, II, 2004, p. 664.

page 10-11

Ne lancez pas les Pierre à la femme adultère ! P. Chalmin, P. Merle, C. Rimet. ●

page 12

page 13

Fringales, S. Hérout. ●

Poèmes, M. Desbordes-Valmore. ●

page 14

page 15

Elle aime, R. Sand. ●

Poème, D. de Coustalou. ●

page 16

Poèmes, I. Buisson.

Appel à textes bijoux, ustensiles de cuisine, outils de jardin, instruments de musique ou de torture… Pour lesquels avez-vous craqué dans une vente aux enchères ? Qu’avez-vous (ou non) rapporté de voyage, reçu en héritage, gagné à la loterie ? Telle sera la matière des objets littéraires (2 000 signes maximum s’il vous plaît). Tous textes ou questions sont à adresser avant le 5 juin à : catherine.neykov@wanadoo.fr Catherine Neykov

our sortir en douceur du deuil du cher Claude et P tempérer le fracas des discours politiques, il est proposé, dans notre prochaine Gazette (juin), d’écrire sur les objets. Prendre, avec Ponge, le parti pris des choses, chercher nos équivalents personnels de la pipe de Brassens ou du couteau de Delerm. Narrer l’histoire de la statuette qu’offrit à une aïeule de petite vertu son mystérieux amant. Objets perdus, objets trouvés, obscurs objets de nos désirs… ou de nos cupidités. Porcelaines,

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Une chambre à soi

D Une Chambre à soi, Denoël, 10/18, 2011, p.  156 (A Room

of

Own, 1929).

One’s

ans Une Chambre à soi, Virginia Woolf (née Stephen – elle a rendu célèbre le nom de son mari !) se pose la question de savoir pourquoi il n’y a jamais eu de Shakespeare féminin. La réponse est dans le titre de son livre. Parce que jusqu’à une époque récente, la femme n’a jamais disposé d’« une chambre à soi », une chambre avec serrure où elle puisse se tenir à l’écart des contingences domestiques et des préjugés masculins. Si Shakespeare avait eu une sœur, aussi géniale potentiellement que lui, celleci serait morte prématurément ou aurait sombré dans la folie. Virginia Woolf met l’accent sur les conditions sociologiques et matérielles de la

­ roduction littéraire, mais sans verser dans un p féminisme à l’emporte-pièce. « La première chose que j’aimerais écrire ici […], c’est qu’il est néfaste pour celui qui veut écrire de penser à son sexe. Il est néfaste d’être purement un homme ou une femme ; il faut être femme-masculin ou hommeféminin. Il est néfaste pour une femme de mettre fût-ce le plus petit accent sur une injustice ; de plaider même avec raison une cause ; d’une manière ou d’une autre, de parler sciemment comme une femme. Et “néfaste” n’est pas une figure de rhétorique ; car tout écrit volontairement tendancieux est voué à la mort, cesse d’être fécond, dort. »

L’écriture fait minime «  Existerait-il une écriture féminine ?  » se demanda un jour le professeur Faustroll. Car bien malin ou bien maline, celui ou celle qui saurait distinguer un criminel décrit par Agatha Christie d’un criminel dépeint par Conan Doyle. Mais depuis que les collèges et les lycées de France étaient devenus mixtes, Faustroll devait bien admettre que les rédactions des petites filles qu’il avait à corriger étaient beaucoup plus imaginatives que celles des petits garçons. Faustroll fronça les sourcils et se lissa longuement la moustache. Brusquement, il en fut convaincu : oui, il y avait bien une écriture féminine. Et elle existait déjà avant même que l’on autorise les femmes à faire des études ! Car dans la grotte de Lascaux, par exemple, certaines empreintes de mains étaient bien trop fines pour être masculines. De toute évidence, certaines femmes des cavernes étaient parvenues à laisser leur trace. Il savait qu’il y avait eu, au xie siècle, au Japon, des femmes 4

Zéglobo Zéraphim

écrivains de grand talent : une dame d’honneur appelée Sei Shõnagon qui composa des pièces courtes intitulées Les Notes de chevet. D’ailleurs, le féminin dans l’orthographe de toutes les langues ne prouvait-il pas l’existence d’une écriture féminine ? Sinon, quel besoin aurait-on eu de mettre des œufs au bout des adjectifs et des ailes dans les conjugaisons aux troisièmes personnes du singulier et du pluriel ? En comptant sur ses doigts, il se remémora des auteures faisant autorité pour la hauteur de leur style : au xviie siècle, Mme de Sévigné ; au xviiie, Olympe de Gouges ; au xixe, Georges Sand ; au xxe siècle, Françoise Sagan et au xxie, Catherine Millet. — Et moi, Papa, dit Zoé, la fille de Faustroll allant sur ses douze ans, dans le xxie siècle, tu me comptes pas ? — Bien sûr que si ! Attends un peu et tu seras dans la liste des grandes auteures du xxie siècle ! s’est exclamé le professeur, ravi.


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Non, non, ma fille, tu n’iras pas danser… Françoise Blanchard

T

oi ma frangine, nana, gonzesse, meuf, salope, maman, pleureuse, ­pétasse, chieuse et conne, saistu que pour avoir le droit d’écrire et surtout de publier, il en aura fallu du temps… Bien sûr, quelques-unes avaient tracé le chemin, Louise Labé baise m’encor, George Sand qui en avait, Flora Tristan sur les barricades, Colette vous n’êtes pas du tout une femme convenable… Elles ont osé, se sont indignées même contre les chiens des camps comme Germaine Tillon pour écrire un opéra, autre chose que les miettes qu’on nous laisse à l’ordinaire : la douceur, les bons sentiments, la tendresse, les romans à l’eau de rose excisée.

Lagarde et Michard, xxe siècle, six cent cinquante-six pages, trois cent cinquante-sept a­ uteurs recensés, où sont les femmes ? Trois  ? Oui, trois  ! Anna de Noailles la grande pleureuse, le Castor en jeune fille rangée, Colette pour une histoire de presbytère ! Pourquoi le quota des auteures est-il plus faible que celui des Grantécrivains ? Perso, j’ai deux réponses : c’est à cause des éditeurs qui, pour la plupart sont des hommes avec des Davidoff… Laisse tomber, c’est encore une une biofiction de bonne femme et c’est à cause de ma mère : Non, non, ma fille, tu n’iras pas danser, comment feras-tu pour élever tes enfants ? Allez écrire après

des phrases comme ça ! Maman, ­maman, pourquoi pas moi ? Tenter de déceler entre les mots la part de testostérone des hommes et « l’hystérie » des femmes est vain parce que les femmes pleurent, les hommes pleurent, ils aiment, ils vivent un peu, beaucoup… Ils écrivent sans jamais savoir ni comment, ni pourquoi, ni quand la grâce va venir. Ce dont je suis certaine, c’est que celle qui écrit écrira toujours sur l’amour parce que l’amour pour une femme est un désastre nous a dit Lacan et parce que pour nous, frères ­humains, notre besoin de consolation est impossible à rassasier.

Féminin, ou masculine

P

réoccupé par cette question primordiale et obsédante de l’écriture ­féminine, je n’avais pas vu passer le temps. « Quelle heure estelle ? » me demandai-je en jetant en coup d’œil à l’horloge qui surveillait le marché du village. Je découvris alors la grisaille du ciel : « Elle va bientôt ­pleuvoir, songeai-je. Dépêchons-nous. » Que tous ces melons, ces

potirons, ces ­ oignons, ces concombres, ces radis, ces choux, ces fruits et ces salades étaient belles  ! En me hâtant pour un dernier achat, je bousculai involontairement une fille d’une quinzaine d’années. « Excusez-moi, Madame », lui dis-je. « Ce n’est rien » réponditelle, tandis qu’elle laissait passer poliment devant elle un garçon d’une dizaine d’années, un 5

Patrick le Divenah

Patrick Le Divenah

peu laideronne. Je me dépêchai de rentrer. Je tenais mon article, un article singulier. Singulier peut-être, mais masculin ou ­féminin  ?

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Gide et Colette

* Essais critiques, Gallimard, La Pléiade, 1999, p.  948. On pourra lire sur la question un article d’Alain Goulet, « Quand Gide rend hommage à Colette », Bulletin des amis d’André Gide, 2005, vol. 33, n° 146, p. 245-250.

G

ide admirait Colette et, parlant d’elle, il a plusieurs fois évoqué la question d’une écriture féminine. Dans son Journal (16 novembre 1875), il écrit à propos de Mes Apprentissages : « Lu le dernier de Colette avec un intérêt très vif. Il y a là bien plus que du don : une sorte de génie très particulièrement féminin et une grande intelligence. » Il revient sur cette question dans un « Hommage à Colette* » paru dans la revue Le Point, en 1951 : « J’admire en elle non seulement des dons indéniables, mais aussi, mais surtout, cette sorte d’exigence, qui la retient de se contenter de ces dons. Il ne lui arrive jamais de prendre pour de l’inspiration cette sorte d’épanchement facile et de p ­âmoison poétique dont se contentent à

l­ ’ordinaire la plupart des femmes auteur, et qui fait que l’on est sévère pour celles qui n’ont à l’égard de leur propre production, que complaisance et acquiescement. » Notons au passage que, sur une quarantaine d’hommages écrits au fil de sa carrière, celui-ci est le seul se rapportant à une femme. Gide aurait peut-être de la peine à expliciter ce qui caractérise une bonne écriture « féminine », mais il sait ce qu’est la mauvaise.

La trahison des éditeurs

L Discepolo Thierry, La Trahison des éditeurs, Agone, coll. Contre-feux, 2011, 15 €.

e titre de Thierry Discepolo, La Trahison des éditeurs est évidemment une allusion à La Trahison des clercs (1927) de Julien Benda, mais il s’agit d’une trahison d’un genre tout à fait différent. Julien Benda reprochait aux intellectuels de négliger les valeurs esthétiques au profit de valeurs politiques parfois ­ douteuses.

Discepolo, lui, regrette que la beauté et la vérité soient devenues accessoires pour les éditeurs, l’objectif étant, comme partout ailleurs, en bonne s­ ociété libérale (lire « capitaliste ») de faire le ­maximum de fric dans le minimum de temps. L’auteur brosse un tableau précis de l’activité des grands groupes et nuance l’image de groupes

Pour une vraie parité Je suis pour une parité intégrale entre les hommes et les femmes dans le domaine du travail. Or le personnel qui s’échine dans les égouts de Paris est constitué à 100 % d’hommes. Ce scandale doit cesser. Il importe d’accorder rapidement aux femmes 6

prétendument indépendants comme Actes Sud-Nyssen ou Le Seuil-Lamartinière-Chanel. Il s’interroge, en fin d’ouvrage, sur l’avenir des livres « exigeants », qu’il s’agisse des auteurs, des éditeurs ou des libraires. Une bonne mise au point qui devrait permettre d’entendre moins de ­sottises dans les débats sur ­l’édition.

Onésime Ballotin

la part qui leur revient, c’est-à-dire 50 %. Je parle du travail effectif dans les égouts et non de celui effectué dans les bureaux du service concerné où la part des femmes est prépondérante.


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Soirées de la Lucarne 

Samedi 19 mai à 19 h 30

Soirée « la littérature en revue » Avec Luc Vidal «  Poétéditeur  » autour

de trois revues. Les Cahiers Cadou et de l’École de Rochefort, les Chahiers d’étude Léo Ferré et Incognita (éditions du Petit Véhicule, Nantes). La maison d’édition privilégie la poésie, les romans, les autobiographies d’auteurs locaux, régionaux et étrangers. 

Jeudi 21 mai à partir de 18 h 00

Vernissage des peintures

de Waldemar Szauer, peintre polonais. Exposition du lundi 21 mai au vendredi 1er juin. 

Mardi 22 mai à 19 h 30

Soirée A verse

Une revue semestrielle de création poétique, qui souhaite contribuer à la découverte et à la reconnaissance de jeunes talents, poètes et illustrateurs en herbe, déjà publiés ou non. 

Mercredi 23 mai à 19 h 30

Les femmes artistes

Vendredi 25 mai à 19 h 30

De l’engagement

Miguel Benasayag et Angélique Del Rey décrivent De l’engagement dans

Mercredi 30 mai à 19 h 30

La mémoire, outil et objet de connaissance Autour du livre La mémoire, outil et objet de connaissance de Véronique Bontemps, Aurélie Thiria et Simon Bréan (Aux Forges de Vulgain). En présence de l’éditeur David Meulemans. Quinze articles de jeunes chercheurs qui s’intéressent à l’usage du concept de mémoire dans leur discipline respective, montrant ainsi les différentes dimensions de la mémoire. 

Jeudi 31 mai à 19 h 30

Soirée Amérique révolutionnaire En présence des éditions Aux Forges de vulcain avec Antoine Bargel, traducteur de Pour les femmes de Thomas Rain Crowe et Alice Béja, traductrice de Notre rège arrivera de Grace Lumpkin ; en présence de l’éditeur David Meulemans. 

Du samedi 2 juin au dimanche 3 juin

Salon du « livre d’artistes » De 11 h à 19 h. 

Avec les éditions jardin d’essai pour leur collection « Femmes artistes ». En présence de Denise Gellini qui présentera Lili Boulanger compositrice du xxe siècle, Louise Abbéma, peintre dans la Belle-Époque »et Visages du Sud-Ouest dans l’œuvre de Jean Balde et Simone Balazard qui présentera SAND, la patronne. 

une époque obscure : cette époque individualiste et économiste qui voudrait nous faire croire que chacun de nous est un petit entrepreneur de soi. Mais, ni le militant ni l’individu de bonne volonté, ne sont en mesure d’assumer les défis de l’époque.

Samedi 2 juin à 19 h 30

Artistes et des éditeurs Avec les éditions Transignum ; Eva Vincze, graphiste-illustratrice ; les éditions le temps qui passe, Pascale Evrard et Benoît Debecker. 

Mercredi 6 juin à 19 h 30

Spectacle musical

Flûte « Encres fraîches » de Françoise Ducos et Jacques-Marie Legendre. 

Jeudi 7 juin à 19 h 30

Maitrisez votre destinée Un livre de Bruno Mairet qui fourmille de réponses pratiques pour tous les âges de la vie. 

Vendredi 8 juin à 19 h 30

Soirée littéraire

En présence de Hubert Fréalle pour Prends ma Parole ; de Patrice Bouret pour Jonas et Chemin des ombres et de Nadine Grandeau pour À pas feutrés. 

Samedi 9 juin à 19 h

24 h d’écriture en direct ! Lectures Plus qu’un simple concours d’écriture de nouvelles, « les 24 heures d’écriture » est une performance unique dont l’objectif principal est de faire se réunir et d’accompagner des auteurs en devenir, souvent isolés… 

Dimanche 10 juin de 11 h à 19 h 30

Ouverture de la librairie La Lucarne des Écrivains. 

Mardi 12 juin et mercredi 13 juin à 19 h 30

Pessoa

Trilogie théâtrale sur l’œuvre du poète, 1er volet : Le Gardeur de troupeau ; 2e volet : première partie du Livre de l’intranquillité. 

Jeudi 14 juin à 19 h 30

Spectacle théâtral « No Missié » Paroles de femmes esclaves avec Magguy Faraux et Martine, deux conteuses, Mangeon et Ivan Zec, un musicien.

Mardi 5 juin à partir de 18 h 00

Vernissage de l’exposition de Jean-Louis Cerisier

Images symboliques et représentations idéales. http://owen-art.com/ jeanlouisaccueil.html Exposition du samedi 2 juin au 16 juin de 11 h à 19 h 30.

Samedi 16 juin à 19 h 30

Lectures poétiques

des textes de Tel un sceau sur ton cœur, cantique à l’être aimé de Sarah Mostrel.

Plus de détails sur : http://lucarnedesecrivains.free.fr La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris - Tél. : 01 40 05 91 51.

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Emmanuelle Sellal

État de manque

J’

ai contracté cette étrange maladie à l’adolescence, un besoin subit et irrépressible d’envoyer et de recevoir du courrier. Tout a commencé par une correspondance ininterrompue avec une amie d’enfance, heureusement contaminée elle aussi. La délicieuse sensation qui s’emparait alors de moi après avoir guetté le facteur pendant des heures et aperçu l’enveloppe bleu pâle tant ­attendue excédait de loin le plaisir de la lecture. Cet échange épistolaire a duré des années, mais s’est arrêté à l’âge adulte, quand, happée par mes activités professionnelles, je me suis contentée d’envoyer des cartes postales écrites à la hâte dans les bars d’aéroports de plus en plus lointains en ­attendant le vol du retour.

l i v r e

(Parlons de la manière dont tu me trouves fabuleuse)

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Caroline Rimet

Quelques années plus tard, la diffusion massive des nouvelles technologies et l’irruption d’Internet dans les foyers a entraîné une sorte de rechute : j’ai été subjuguée à nouveau par le désir impérieux d’écrire des courriels et d’en recevoir. Certes, cette nouvelle manière de correspondre avait l’avantage de l’immédiateté, mais j’ai vite compris qu’elle engendrait parallèlement une angoisse extrême, notamment dans ma ­ vie sentimentale. Quand je tombais amoureuse, une partie de mon temps libre était consacré à taper frénétiquement sur le clavier de mon ordinateur. Chaque message envoyé me procurait un sentiment d’intense soulagement remplacé aussitôt par la crainte diffuse d’en avoir trop dit ou pas assez. Puis venait la phase à la fois délicieuse et insupportable de l’attente. Au début, tout se passait bien, car mon correspondant répondait presque tout de suite, et sans se formaliser de mes caprices de gamine. Au bout d’un certain temps cependant, une sorte de lassi­ tude s’installait et les réponses de faisaient de plus en plus rares. Je m’étonnais immanquablement de cette situation qui finissait

toujours par me plonger dans un profond désarroi. J’essayais de me rassurer en invoquant des problèmes techniques sans y croire vraiment, je me sentais trahie et infiniment malheureuse. Un jour de désespoir, j’ai failli balancer mon ordinateur par la fenêtre, mais je me suis ravisée. L’évidence me sautait aux yeux : il ne m’aimait pas, ou pas assez ou plus ou, en tout cas, beaucoup moins que je ne l’aimais… La vérité m’est apparue un soir alors que je demandais à mon amant les raisons de son manque d’empressement à répondre aux nombreux courriels que je lui avais envoyés. Il se concentra un instant et, d’un air détaché, me gratifia de cette réponse : « Tu sais mon chou, les hommes n’ont pas le même rapport à l’écriture. Pour eux, la fréquence et la longueur des messages n’a aucune importance et l’essentiel est ailleurs. » Je décidai de me contenter de cette explication quasi physiologique pour ne pas plomber l’ambiance et me dis que : soit il me prenait pour une idiote, soit je n’avais décidément rien compris au fonctionnement des hommes…

Sculpter au féminin Peut-on parler d’une sculpture féminine ? Des éléments de réponse dans le beau livre d’Anne Delbée, intitulé Une femme, qui évoque le d ­ estin tragique de Camille Claudel. Presses de la Renaissance, 1982, Le Livre de poche, s.d. 8


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La chambre des dames

T

el un cas particulier de « l’écriture féminine » existerait, si l’on en croit l’universitaire Michel Mercier qui lui consacre un ­essai (PUF, 1976), Le Roman féminin. L’appellation, qui ­recouvre tout bêtement un ­ roman écrit par une femme, recevrait sa pertinence de certaines caractéristiques : la dimension autobiographique, la préférence pour les débats sentimentaux, le goût du romanesque, l’éveil aux choses du sexe, la remise en cause de la domination masculine. De Marguerite de Navarre à Virginia Woolf, de Mme de La Fayette à Marguerite Duras, en passant par George Sand, Colette, Violette Leduc ou Françoise Mallet-Joris, nous aurions une famille identifiable.

L’affirmation se discute : toutes les romancières ne se limitent pas à cette ­matière stéréotypée qui a bien pu, en revanche, être exploitée par des écrivains mâles. Sur ce thème, on peut préférer la distinction établie à la fin des années trente par Albert Thibaudet pour qui l’ascendance du roman serait double : « Deux publics ont donné les deux ordres du roman, son ordre mâle et son ordre féminin, son dorique et son ionique. » Et le grand critique expliquait que la part masculine prendrait sa source dans les chansons de geste et les e­ xploits virils qui s’y rencontrent, alors que la féminine dériverait de la littérature

Patrick le Divenah

Yves Stalloni

courtoise et des romans bretons. D’un côté l’hôtellerie des pèlerins pour les aventures héroïques, de l’autre La ­ Chambre des dames pour la littérature romanesque. Opposition proche de celle établie par les Anglo-Saxons entre novel et romance. Sauf que le sexe des auteurs n’entre pas dans un tel partage. À l’heure des quotas et de la r­evendication (légitime) de la parité, il convient de rester prudent sur la catégorie supposée du «­  ­roman féminin ».

à VOUS DE TROUVER

Homme ou femme ? Qui parle ainsi du « pénis », un homo ou une femme ? «  Certains s’incurvent de façon charmante  ; d’autres ont l’inclination réservée […]. Il en est de roses, de rouge, de jaunes, de bruns, de noirs. Il en est de veinés comme des cartes lunaires ; d’autres sont lisses comme de petits cochons de frangipane rose ; certains pleurent avant d’exploser ; certains autres refusent toute explosion.

[…] Pourtant, en dépit d’une telle diversité, une constante demeure : on ne peut aimer l’instrument si l’on n’a pas un penchant pour son propriétaire. […] Isadora découvrait finalement qu’elle était incapable d’aimer un pénis dépourvu de sens de l’humour et qui n’avait pas lu Shakespeare […]. » Réponse page 12.

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Ne lancez pas les Pierre à la femme adultère !

C

elui qui coordonne un numéro de La Gazette de la Lucarne se trouve un peu dans la situation d’un éditeur. Il doit dire oui ou non au risque de se faire des ennemis. Et au risque de se tromper. C’est pourquoi, dans les cas où j’étais flottant ou branlant du manche, j’ai consulté des lecteurs ou des lectrices. Pour l’un des textes ­proposés,

rre Chalmin

Première réponse de Pie

l à textes, et j’ai aussi J’avais bien lu ton appe r noclaste à souhait – su ma petite opinion – ico i. mo à e nd s une seco la question ; hélas pa e qu’il manque aux « C Corneille a tout dit : très grands vers… » femmes pour écrire de tu m’adresses, magniQuant à la prose que e féminine : mièvrerie fique spécimen d’écritur ofondeur, bovarysme, sans syntaxe, fausse pr , etc. préciosité de concierge dif férence aujourd’hui On ne fait plus guère la « l’écriture féminine », entre la littérature et n qu’on a connu de pour l’excellente raiso ient des lesbiennes, grands écrivains qui éta mmes qu’on célèbre et que tous les ho me sont hermaphro­aujourd’hui pour leur plu s genres et des styles dites. Bref, confusion de its… supposés attachés auxd de mauvaise humeur, Mais je suis confus, pressé, assommé. […]

Premier message de Pierre Merle

15 mai 2012

Pierre Chalmin, Pierre Merle et Caroline Rimet

les lectrices ont été très expéditives à l’égard de leur consœur, mais deux lecteurs, Pierre Chalmin et Pierre Merle ont été plus diserts. Sans leur avoir demandé leur avis, et contraint d’expurger quelque peu, je me permets d’utiliser leurs réponses car elles me permettent de fournir un bon exemple du fonctionnement des mâles. Paul Desalmand.

Deuxième réponse de Pierre Chalmi

n

Je ne saurais te dire où je lus ­jadis ce propos prêté à Cor neille. Un alexandrin, on dirait pourtant… « Iconoclaste » : il est de bon ton d’admirer l’image de l’écrivaine, la penseuse, la philosophe , ­autant de néologismes pour les singeries féminines d’activit és essentiellement viriles. Viriles parce qu’il y faut la ver tu, cell e des Romains, qui n’a rien à voir avec les éminentes qualités que je suis tout disposé à reconnaître aux femmes, supériorité s même si ça peut leur faire plaisir !

J’avais oublié un détail, très ­typiq ue pourtant, dans ton texte que je n’ai pas relu : ce narcissism e quasi physiologique qui est écœurant. Toujours les fem mes se croient tenues de nous entretenir de leur corps don t elles paraissent obsédées. N’est-ce que projection du désir masculin ? J’en doute. Bloy déjà écrivait à sa fiancée (Jeanne Molbech) : « La femme est ­persuadée que son vagin est le par adis terrestre, et elle a raison. » (Lettres à sa fiancée). Pou r ma par t : 1 - Je ne suis pas persuadé que le paradis terrestr e se situe exactement là ; 2 - Ce n’est en tout cas pas une rais on pour prétendre écrire avec son vagin.

(Si tu crois pouvoir tirer quelque cho se de ces méchancetés, tu as car te blanche. Désolé, je n’ai pas le temps !) […]

« Et il déchargea vingt fois ! » oire Non, je plaisante à la hussarde, là (c’est l’hist veux). du pape qui va au bordel. Je te l’écrirai si tu : ce Sérieusement, puisque tu me demandes un avis  tasse ma , style côté n’est pas, mais alors pas du tout, oui, de thé. Et pour être de l’écriture féminine, ça, Mais c’est de l’écriture féminine ! Pas de doute !... Moi, . hein bon, pas c’est que attention : je dis pas moi. juste c’est et moi j’aime pas bien, mais moi, c’est […]

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Deuxième message de Pierre Merle Le chrétien que je suis n’a pas vou lu être aussi sévère que Chalmin. Mais je vois qu’i l est ­d’accord avec ce que je dis  : c’est écrit avec une plume trempée dans le foutre branlatoire ! [… ] Je croyais que le syndrome « poétesse » de salon clittéraire avait pris du plomb dans l’aile. Eh ben non  !


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15 mai 2012

Les femmes se rebiffent…

J’

ai envoyé l’exemple d’« écriture féminine » évoqué ci-dessus à l’une de nos lectrices, et collaboratrice à l’occasion, en lui disant qu’il s’agissait d’un texte prodigieux bien au-dessus de

ce qu’elle m’avait proposé (alors que j’étais plutôt dans la ligne des deux Pierre). Elle a marché. Je lui ai dit alors mon sentiment. Ci-après quelques éléments de sa réponse. Paul Desalmand.

Le texte concerné figure dans ce numéro, duquel s’agit-il selon vous ?

met

Réaction de Caroline Ri

manipulée comme Alors vraiment, j’ai été e que vous exagérez une gamine ? Je trouv ma corde sensible) et (non pas de jouer sur texte est très beau. je persiste et signe : ce monde n’arriveront Et tous les Chalmin du r d’avis. C’est quand pas à me faire change littérature érotique même étrange que la les hommes alors féminine fasse ricaner ­ mologues les font se que celle de leurs ho vagin ne pense pas, pâmer ! Messieurs, le chagrins envieront certes, mais les esprits ines femmes quand la liber té de ton de certa sexualité sur un autre elles osent aborder la s une bande de peine­registre. Vous êtes tou ettre (et d’ailleurs je à-jouir si je puis me perm me le permets). e... Je suis très très en colèr

Complément re

çu le lendemai

n

Bonjour, J’ai relu le fam eux texte ce matin avec la et l’objectivité tête froide d’un début de journée et je qu’il n’est pas reconnais si beau que ça (tout le mond tromper !). Il e peut se est peut-être un peu « pois quand bien m seux ». Mais ême il serait n ullissime com dites, la lectu me vous le re des comm en taires de MM et Merle me fa . Chalmin it toujours auta nt bondir. Leu sur les textes rs propos que vous leur avez soumis et leurs (allez j’o surtout sur se) « auteures  » sont inutilem et méprisants ent cr uels . Mais pour q u i se prennent-ils vains de génie ces écri ? « Des précio sités de concier là, j’hallucine g ge » alors rave comme d isent mes étud cela est bas et iants ! Tout haïssable... Caroline Rimet

Bulletin d’abonnement à retourner à : Jean-Baptiste Féline : (La Lucarne des Écrivains), 27 rue des Bluets, 75011 Paris. jbfeline2000@yahoo.fr (pour toute question relative aux abonnements). Nom : ............................................................................................. Prénom : ...............................................................................................................

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ISSN 2101-5201 La Gazette de La Lucarne mensuel de La Lucarne des Écrivains Rédaction et administration : 115 rue de L’Ourcq, 75019 Paris lalucarnedesecrivains@gmail.com Directeur de la publication : Armel Louis. Coordination du numéro : Paul Desalmand. Maquettiste : Emmanuelle Sellal.


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Fringales Sylvie Hérout

I

dire des histoires envisagées d’un œil de femme, articulées autour de ses pensées, de ses émotions ? Mais les hommes en écrivent aussi ! Certains mieux que d’autres, il est vrai… Et puis, bien des femmes écrivent des histoires vues à hauteur d’homme, qui, pourtant, comblent ma faim. Ainsi, par exemple, Et mon cœur transparent de Véronique Ovaldé ; une histoire dont le héros est un homme. Certes, un homme, mais un homme à sensibilité féminine. Je vois d’ici nos féministes se lever, poing brandi contre ces propos d’un autre siècle. Et si j’ajoute que l’épouse de cet homme mène une vie d’homme, c’est sûr, j’aggrave mon cas. N’empêche, je crois toucher au cœur de l’affaire. Sensibilité, c’est ce mot-là qui compte, qui signe pour moi l’écriture féminine, celle d’où exsude quelque chose qui me ressemble, quelque chose en quoi je me ­retrouve, un je ne sais quoi difficile à définir

mieux : une sensibilité féminine. Cependant, je sais d’expérience que le genre du prénom sur la couverture n’y suffit pas. Ainsi, une Marguerite ne vaut pas l’autre, selon qu’elle est Yourcenar ou Duras. Ces jourslà, seule la seconde peut assouvir ma faim. Alors quoi, la sensibilité féminine ne serait pas le propre de chaque femme  ? Et pourrait l’être de certains hommes ? Les livres de femme seraient donc un mirage ? Peut-être un simple préjugé, finalement. Pourtant, au fond de moi, je sais que lorsque les feuilles à nouveau tomberont, lorsque les nuits précoces tueront à nouveau nos après-midis, renaîtra, au creux de mon estomac, cette fringale sans nom, sans justification, qui me conduira à fureter sur les rayons à la recherche d’une écriture de femme qui, même sans exister, seule pourra l’adoucir.

Refdoc Vous cherchez un article paru dans une revue il y a quelques années. Cliquez sur < refdoc > avec un moteur de recherche. Vous tombez sur un site relié au CNRS qui vous donnera satisfaction contre une modeste rétribution. L’article peut vous être envoyé par fichier électronique ou par pli postal. Précieux. Réponse à la question page 9 : Érica Jong, dans Les Parachutes d’Icare, Acropole, 1984, p. 134. (réédition J’ai lu, 1986).

u t i l e

l y a des jours où mes gourmandises de lecture me portent vers les livres de femme. Que je les cherche sur les rayons de ma bibliothèque ou sur le comptoir d’un libraire, je balaye les titres – et surtout les noms d’auteur – avec avidité, jusqu’à ce qu’un prénom féminin accroche mon regard. Voilà peut-être de quoi me mettre sous la dent ! Tout de même, avant, j’ouvre le livre au hasard pour goûter, vérifier que sa ­ saveur répond bien à mon appétit. Souvent je me suis demandé d’où montait cette fringale sélective qui, en général, me creuse l’estomac un après-midi d’automne ou d’hiver en même temps qu’un désir de thé et de pain grillé comme pour effacer le froid du dehors, les jours raccourcis. Un livre de femme ? Une écriture féminine ? Qu’est-ce au juste que je convoite, quelle faim prétendre apaiser qu’un livre d’homme ne saurait rassasier ? Serait-ce simplement l’envie de croquer des histoires de femme  ? Je veux

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Poèmes

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Marceline Desbordes-Valmore « Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ; j’écris pourtant… » Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859).

L’impossible

Dans la rue par un jour funèbre de Lyon (1834) La femme Nous n’avons plus d’argent pour enterrer nos morts. Le prêtre est là marquant le prix des funérailles ; Et les corps étendus, troués par les mitrailles, Attendent un linceul, une croix, un remords. Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe. Où va-t-il ? Au Trésor, toucher le prix du sang. Il en a bien versé… mais sa main n’est pas lasse ; Elle a, sans le combattre, égorgé le passant. Dieu l’a vu. Dieu cueillait comme des fleurs froissées Les femmes, les enfants qui s’envolaient aux cieux. Les hommes… les voilà dans le sang jusqu’aux yeux. L’air n’a pu balayer tant d’âmes courroucées.

Qui me rendra ces jours où la vie a des ailes Et vole, vole ainsi que l’alouette aux cieux, Lorsque tant de clarté passe devant ses yeux, Qu’elle tombe éblouie au fond des fleurs, de celles Qui parfument son nid, son âme, son sommeil, Et lustrent son plumage ardé par le soleil ! Ciel ! un de ces fils d’or pour ourdir ma journée, Un débris de ce prisme aux brillantes couleurs ! Au fond de ces beaux jours et de ces belles fleurs, Un rêve ! où je sois libre, enfant, à peine née, Quand l’amour de ma mère était mon avenir, Quand on ne mourait pas encore dans ma famille, Quand tout vivait pour moi, vaine petite fille ! Quand vivre était le ciel, ou s’en ressouvenir, Quand j’aimais sans savoir ce que j’aimais, quand l’âme Me palpitait heureuse, et de quoi ? Je ne sais ; Quand toute la nature était parfum et flamme, Quand mes deux bras s’ouvraient devant ces jours… passés.

Elles ne veulent pas quitter leurs membres morts. Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ; Et les corps étendus, troués par les mitrailles, Attendent un linceul, une croix, un remords. Les vivants n’osent pas se hasarder à vivre. Sentinelle soldée, au milieu du chemin, La mort est un soldat qui vise et qui délivre Le témoin révolté qui parlerait demain… Des femmes Prenons nos rubans noirs, pleurons toutes nos larmes ; On nous a défendu d’emporter nos meurtris. Ils n’ont fait qu’un monceau de leurs pâles débris : Dieu ! bénissez-les tous ; ils étaient tous sans armes !

Les roses de Saadi J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j’en avais trop pris dans mes ceintures closes Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir. Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées Dans le vent, dans la mer s’en sont toutes allées. Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir. La vague en a paru rouge et comme enflammée. Ce soir, ma robe encore en est toute embaumée… Respires-en sur moi l’odorant souvenir.

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Elle aime

P

laisir des corps et des âmes, plaisir dans ses phénomènes ­changeants, interpellant à contre-courant. Dans les baisers, ces baisers qui ne s’arrêtent pas, deux bouches chaudes sont demandeuses de poursuivre… L’homme envoie son message d’amour. Dépolarisation du désir, naturel du plaisir, rien ne presse, la femme est patiente, elle sait, elle comprend, les mains le disent, le cœur se mêle à l’âme, le cœur se mêle aux larmes et plus rien n’est important. La chaleur des corps envahit les amants. La femme ­entend. Elle n’espère pas de chose prédéfinie, elle est ouverte à la circulation, elle veut qu’il se libère, qu’il oublie la performance, qu’il s’adonne tout naturellement, il n’a rien à prouver ni à se prouver… Pas de référence, pas de norme, elle le ­regarde complice, s’offre à lui, lascive. Sa sensualité le trouble, les intellec­tualisations s’effacent, il la regarde, il la découvre, elle lui plaît, sa peau est lisse, sa chair est tendre, elle se laisse porter, elle veut l’accueillir en son temps, elle est douce, ­aimante, elle aspire à des choses simples. Sereine, bienveillante, elle est

s’ouvre, intensément. L’homme sent un sentiment aigu emplir tout son corps. Il oublie l’exploit, il rêve, ­ il s’enflamme. La femme soupire, de plus en plus présente, elle demande à goûter à la saveur de l’homme. Les caresses l’emportent, dans la douceur et la ­légèreté, dans la chaleur et l’exaltation, là où il l’embrasse, elle aime ce corps viril, fort et ­ solide, elle tremble à son contact. Il la parcourt en tout sens, la câline de ses mains enveloppantes, elle s’emporte dans le plaisir, l’homme râle de délice, accentue son désir. Pleine de joie, la femme généreuse veut abriter le membre, elle l’enrobe, elle l’aspire. Dans le ravissement de l’instant, elle ferme les yeux, dans la délicatesse, elle aime la vie, elle ne projette plus rien, elle se laisse mener par les flots qui la mènent, soif apaisante, ardeur brûlante qui l’envahit. Jouissance des sens, l’ardeur monte, elle étend son corps au devant de l’homme, elle lui parle d’amour, fou ou i­ncontrôlable,

patrick le divenah

Rosée Sand

elle est dans ­l’envie, happée par ce qui l’entoure. Il l’entoure, ses mains frémissantes la font vibrer, ce toucher est si en ­ accord avec elle, elle épouse l’élan, s’accorde au rythme, elle est dans l’allégresse. Le réel bien présent, le feu l’embrase, elle se prête à la félicité du moment, elle se tend dans l’étreinte, dressée tout entière, dans les spasmes, les soubresauts, les sursauts, les baisers qui ne cessent de s’entremêler. La tension à son comble, les draps se déchirent, la semence fuse. La porte étroite enfouit le jaillissement. La femme baigne dans cet océan, elle en aime l’odeur, la fadeur, elle s’en e­ nduit, elle sent encore le frôlement des corps qui frissonnent... Dans les bras de son homme, elle est heureuse, elle aime l’amour et chaque jour nouveau, elle remercie le ciel.

Déjà il y a mille ans Le Dit du Genji (xie siècle), qui dépeint la vie d’une cour et traite du donjuanisme, est considéré comme le premier roman psychologique au monde. Son auteur, Murasaki Shikibu est une femme, une dame de la cour, qui s’inspire de ce quelle voit. Elle a aussi laissé un journal et un recueil de poèmes. 14


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Poème Delphine de Coustalou

Hymne à la masturbation féminine Suffit d’une bougie Pour éclairer le monde. Jules Supervielle.

Les hommes sont fiers de leur braquemart, De leur bistouquette, de leur bilboquet à moustache, Je veux bien, moi, mais je trouve que ça tache, Et puis parfois c’est long, pour qu’ ça démarre, Alors qu’un godmichet Toujours prêt. Les mâles se rengorgent de leur polisson viril, De leur verge, de leur chybre, de leur colosse, De leur dard, de leur monstre, de leur lance-missiles, Mais il arrive que leur flageollet ne soit pas un os. Une chandelle, point ne flageole Et peut rendre une femme folle. Messieurs si heureux d’exhiber votre bite, Votre engin, votre manche, votre biroute, Votre queue pour tout dire, votre vit, Votre andouillette de Vire trop souvent en déroute,

l

i

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Une banane bien main C’est plus sûr que votre gamin.

Poète de la matraque et du gourdin, Du bigoudi chauffeur, du polichinelle en folie, Du zob, du pénis, du mandrin, Ton soldat bien des fois ramollit. Une courgette pas trop mûre, Rien de plus sûr. La trique, le priape, l’arbalète, popaul le hardi, Le pieu, le chibroque, le jacquot, l’ardillon, Le jésus, la coquette, le pilon ou l’outil, Le vilebrequin, le nœud, le panais : de beaux noms, Mais je préfère le bonheur, D’un bon vibro, ma sœur. La gaule, le pinceau, l’engin, le javelot chinois, Le sémaphore, la sentinelle, le tringlard, Le sabre à roustons, le tromblon, plus j’en vois Plus je me dis, que sur le tard, On est content d’avoir des doigts Pour faire ce qu’il se doit. Oui, beaux messieurs fiers de vos avantages, L’autosuffisance a ses plaisirs, Surtout quand vous prenez de l’âge. Je suis pour l’autarcie du désir.

Interdit aux femmes et aux chiens François Bott, qui a longtemps dirigé Le Monde des livres, a publié en 2010, à La Table ronde, un livre disponible dans La Petite Vermillon, éd. La Table Ronde : Écrivains en robe de chambre. Histoires littéraires. Il s’agit d’un recueil d’études de chacune quelques pages sur des écrivains, des écrivains français à quelques exception près. Le livre s’arrête sur quarante-deux auteurs. Pas une seule femme. Ce n’est pas une critique. Seulement un constat. 15

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Poèmes Isabelle Buisson

Endormeur de murène La murène est du genre à vivre terrée dans un abysse le jour et à se balader onduleuse la nuit dans les eaux mauves des profondeurs. Elle est solitaire et hermaphrodite. Tachetée à la manière des panthères au seuil de sa vie, elle est mâle en ses prémices puis elle mue devenant verdâtre et femelle. Il la rencontre toutes les nuits. Difficile d’approcher cette sauvage aux dents effilées de l’amour qui ne mord que quand on l’attaque. Il a débusqué sa cachette et s’en va la retrouver. Il lui chante des mélodies qui la bercent. Il la fascine en la regardant dans les yeux et en caressant sa tête. Quand elle dort, elle se transforme une ultime fois. Elle devient reine par la mue.

Capture d’agapê et autres vides

Bourgeonnée du cerveau

Le banquet est dressé. Je désire te servir et contempler ta goinfrerie. Pour ce premier repas, tu engouffres l’affection que je te tends. Elle est douce et sucrée avec un retour en bouche. Quelques ingrédients inattendus te surprennent. En homme chevaleresque, tu coupes une part de ta propre affection que tu me tends aussi. Tu me l’offres et je croque à l’envie, les joues et le menton poissés de dégoulinades de toi. Le partage s’accomplit. Et pour donner sans attente de retour, je te bande les yeux d’un foulard soyeux et fourre dans ta poche un amour audelà de moi, qui nous lie bien après notre volonté. Tu le découvriras un jour, si jamais tes doigts glissent au fin fond de cette poche sans fond.

J’avais beau faire rien n’y faisait. Je taillais. J’arrachais. Je cueillais. J’avais même fait couler un floricide. Mais les fleurs étaient sans conteste les plus fortes. Elles poussaient. Je voyais des bourgeons de rien du tout dans un premier temps. L’éclosion était spectaculaire, tentaculaire. Des rhizomes, des racines, des branchages, des bouquets, des fractales de fleurs. Le printemps revenait toujours, à souhait, même en plein hiver. Les pétales s’entrouvraient jusqu’au déploiement magnifique, soyeux. Les parfums exhalaient. J’avais beau y faire, j’avais le cerveau fleuri. Des roses bleues le plus souvent. Un truc transgénique à coup sûr.

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