Bulletin de Noël 2010

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BULLETIN DE NOÊL 2010

MESSAGE DE JEAN RASPAIL AUX “ISoLATS” DU Secours de France

Vers la reconquête ?

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on dernier “appel de Noël” date de plusieurs dizaines d’années. Nos combattants d’Indochine, d’Algérie, et ceux du dernier carré, tous ces pans de l’histoire de France qui s’écroulaient et sortaient du champ de la conscience nationale, toutes ces familles abandonnées, ces dévouements trahis, ces milliers de milliers de Français de cœur et de sang précipités dans le désarroi … En ces temps qui nous semblent si lointains, c’est au nom de ce tragique héritage que le Secours de France luttait, œuvrait, combattait : une arrière-garde. Chacun sait qu’il faut beaucoup de courage, d’abnégation, et un solide sens du sacré pour se battre encore en arrière-garde quand tout, ou presque, paraît perdu. L’avenir étant indissociable du passé, dans notre vieux pays, voilà qu’aujourd’hui la situation se retourne, ou, plutôt, commence à se retourner. Les forces vives de la nation ne sont pas mortes, ou, plutôt, commencentelles à se rendre compte qu’elles ne le sont pas encore tout à fait, mortes ! Les relais ont fonctionné, un peu partout, en petit nombre, mais croissant. Des groupes de Français se dressent, résolus désormais à ne plus transiger et à mener leur existence, au sein de ce pays, selon la conscience profonde qu’ils ont de notre culture, de notre langue, de notre histoire, de nos façons de vivre, telles qu’elles nous ont été transmises de générations en générations. En termes ethno-sociologiques, cela s’appelle des isolats. Isolés ? Pour le moment, mais nullement décidés à le rester. Un repli sur soi ? Non pas. Une base de départ, de reconquête. Ils sont comme ces petits ruisseaux qui engendrent une grande rivière. Puis un fleuve ? Il y faut du temps … et des moyens.

Et l’on retrouve là le Secours de France, toujours sous le même drapeau, mais cette fois, en éclairante avant-garde, tandis que se profile peu à peu, à l’horizon 2040-2050, une France peuplée pour moitié de bernardl’hermite. Dans l’autre moitié, la confusion, l’incertitude, l’omniprésence du consensus dominant, celui que nous connaissons déjà, qui corrode l’âme de la nation et que nous avons parfaitement identifié … C’est alors que de tous ces isolats, qui se seront multipliés, naîtra ce qu’on pourrait appeler une sorte de “communauté de la pérennité française”. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, sa jeunesse, ses écoles, ses réseaux d’information, d’éducation, d’entraide et de solidarité, et pourquoi pas, sur sa foi chrétienne, et catholique, avec un peu de chance, si ce ciment-là a tenu. Le Secours de France n’est pas seul à l’œuvre, Dieu merci, mais il a pris beaucoup d’avance. Il y a longtemps qu’il a tout compris. C’est pourquoi nous l’aiderons. Et il ne s’agit pas de politique ! Nous en sommes loin, très loin, bien au-delà … Jean Raspail

Dans ce numéro de Noël : u Quel avenir pour les chrétiens d’Orient ?......... 2-3 u Malika Sorel : non négociable !........................................ 4 u Franck Tabaali : Rendez-nous notre dignité !..... 5 u Ombre et lumière sur nos écrans............................. 6-7 u In memoriam : Maurice Allais............................................ 7 u Notes de lecture............................................................................. 8


APRÈS LA “TOUSSAINT SANGLANTE” DE BAGDAD

Quel avenir pour les chrétiens d’Orient ? t

Après le meurtre de l’archevêque de Mossoul, deux ans auparavant, 46 chrétiens d’Irak ont été assassinés dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, lors d’une nouvelle “Toussaint sanglante”. Rapport de cause à effet ? Un mois auparavant, du 10 au 24 octobre 2010, se déroulait à Rome le Synode des Evêques du Moyen-Orient, décidé par Benoît XVI, après son voyage en Terre Sainte en mai 2009. Quinze mois plus tôt, le pape évoquait lors de son voyage apostolique à Chypre, les Eglises d’Orient, en des termes insupportables aux oreilles des fondamentalistes musulmans : “Le Moyen-Orient occupe une place particulière dans le cœur de tous les chrétiens, puisque c’est là que Dieu s’est fait connaître pour la première fois à nos frères dans la foi.” Rappelons, à cet égard, l’aide apportée par le Secours de France aux Sœurs de la Trinité de Bagdad dans leur dévouement aux blessés et aux malades, “Là où Dieu s’est fait connaître aux Carmes de Bagdad ainsi qu’à Monseigneur Harboli, pour la première fois…” (Benoît XVI) évêque de Zakho sur la frontière turque en zone kurde, pour son travail incessant en vue du relogement et de l’emploi des chrétiens pourchassés, afin d’éviter qu’ils n’émigrent à jamais.

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u’est-ce qu’un synode ? Etymologiquement, c’est un chemin que l’on parcourt ensemble. En Orient, chaque Eglise est gouvernée en synode. En Occident, c’est au Pape que revient la décision finale. A Rome, la pratique du synode n’est pas inconnue. Elle a pour objet de rassembler les représentants des Eglises d’une région, d’un continent, pour aborder un certain nombre de questions importantes. La démarche synodale est très belle. C’est un dialogue à plusieurs voix, aujourd’hui entre le Saint-Siège et les sept Eglises catholiques d’Orient : les Eglises copte, syrienne, chaldéenne, maronite, grecque melkite, arménienne et latine de Jérusalem, soit 5,7 millions de fidèles auxquels il faut ajouter les

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10,7 millions de chrétiens orthodoxes. Au total donc, 16,5 millions de chrétiens, une petite minorité parmi les 360 millions d’habitants de la région. Chacune de ces Eglises orientales a travaillé cet hiver sur les questions qui faisaient suite aux trois chapitres des linéamenta, le canevas préparé à Rome par le Conseil pré-synodal. A partir des réponses collectives au lendemain des fêtes pascales, le Secrétariat a rédigé l’instrumentum laboris, l’instrument de travail autour duquel réfléchissent depuis le 10 octobre dernier les participants au synode.

Les Eglises orientales se vident vers l’Europe Ce document passe en revue les difficultés majeures auxquelles sont confrontées les Eglises du Moyen-Orient et d’abord l’émigration. C’est un fait : les Eglises orientales se vident vers l’Europe, les Amériques, l’Australie. Vers d’autres pays arabes, l’émigration est provisoire. Vers l’Occident, elle est sans retour. La moitié des Palestiniens en majorité chrétienne vit hors du Moyen-Orient.

La moitié des Chaldéens (400 000) ont fui l’Irak pendant la guerre. La présence chrétienne en Turquie est passée, en un siècle, de 25 % à 0,13 % de la population totale. Lorsqu’une communauté commence à se vider, rien ne peut arrêter l’hémorragie. Les causes de cette émigration sont politiques, rendant la vie difficile, mais aussi favorisée par l’accueil de diasporas facilitant l’installation et l’ascension sociale des nouveaux arrivants. Quelle tentation pour ceux qui, chez eux, ne sont que des citoyens de seconde zone ! Les chrétiens d’Orient pourront-ils longtemps résister à la montée du radicalisme et du prosélytisme islamiques ? Le problème se pose à des degrés variables dans tous les pays représentés au synode, (à l’exception peut-être du Liban qui n’est pas un pays musulman, mais un pays arabe où dominent deux religions), dans tous les pays où la charia est la source du droit. La charia, la loi islamique n’est pas égale pour tous. Selon que l’on est homme ou femme, musulman, juif, chrétien ou athée, on est traité différemment. Les Eglises orientales souffrent cruellement de ces discriminations, comme de l’absence de liberté et de démocratie. En terre d’Islam, la liberté de culte a toujours existé pour les chrétiens. La

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liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de changer de religion, en revanche, n’est pas reconnue. Même dans les pays comme la Turquie, qui se prétendent laïcs, si un musulman se convertit au christianisme, il commet un crime : le crime d’apostasie. Il lui faut donc cacher sa conversion ; sa survie en dépend. Seuls les musulmans sont libres de proclamer leur foi et de faire du prosélytisme. Comment, dans ce contexte, relever le défi posé par le synode, le défi du témoignage ?

Une image de la répression quotidienne des chrétiens coptes en Egypte.

Un œcuménisme populaire L’urgence pour l’instant est d’ordre œcuménique. Comment œuvrer “pour que tous soient un” quand les divisions entre catholiques, orthodoxes et, à un moindre degré, protestants, ne peuvent être ignorées ? Les tensions sont le fait des hiérarchies religieuses catholiques et orthodoxes. Les fidèles qui suivent volontiers la liturgie dans l’église la plus proche de leur domicile, qui se marient entre eux et passent sans états d’âme d’une confession à l’autre, ne se sentent pas concernés par ces querelles

intestines. Dans la plupart des pays, se pratique ainsi un véritable œcuménisme populaire, sauf peut-être en Egypte, en raison du nombre de coptes orthodoxes. Il faut aussi que les Eglises orientales s’engagent dans l’affirmation décomplexée de leur identité et de leur arabité qui ne renvoient pas à une race mais plutôt à une culture commune. Comment ne pas évoquer le conflit israélo-palestinien, conflit qui s’éternise et qui, plus encore que la guerre en Irak, plombe les relations des Etats arabes

avec l’Occident ? Là encore, les chrétiens présents en Palestine comme en Israël où ils constituent l’essentiel de la minorité arabe jouissant de la citoyenneté israélienne, sont les boucs émissaires de toutes les frustrations, en face d’une terreur d’inspiration islamique du côté palestinien et, même s’il n’est pas politiquement correct de l’évoquer, un terrorisme d’Etat du côté israélien. Il est de ce fait inadmissible de refaire de ce conflit une lecture religieuse. Alors, que faire ? Pour le respect du droit, de la justice et de la paix, les chrétiens sont les mieux armés. Par leur culture arabe et leur culture biblique, ils appartiennent en effet aux deux peuples qui se disputent la même terre. Ils savent que ce n’est pas Dieu qui dessine les frontières, attribue les terres et surtout, ils ont appris du Christ que rien ne vaut que le pardon. J.-N. C. Nous nous reportons, dans cet article, aux notes prises à la conférence prononcée, le 13 octobre dernier, à Saint François de Sales, par Mgr Chafik, Recteur de la Mission Copte Catholique de Paris, sur le Synode.

A SARCELLES

“Une atmosphère de profond recueillement et de lourde tristesse, rythmée par les chants en araméen”

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’ai assisté à la messe solennelle qui a eu lieu le dimanche 7 novembre à 11 heures, en l’Eglise Saint Thomas Apôtre de Sarcelles (Val d’Oise), exactement une semaine après le carnage de Bagdad, à la même heure. Elle a été célébrée par un évêque irakien, Mgr Rabbal, assisté d’une quarantaine de prêtres, diacres et desservants. Plus d’un millier de membres de toutes catégories sociales de la communauté assyro-chaldéenne y ont participé dans une atmosphère de profond recueillement et de lourde tristesse, rythmée par les chants en araméen et les textes psalmodiés. Mais aussi dans une dignité parfaite. Quarante-six ballons rouges, symboles des victimes des assassins, suivis de ballons blancs symboles de leur innocence, ont été bénis puis lâchés à la sortie de la messe . Deux gerbes ont été déposées à la plaque en mémoire des martyrs assyro-chaldéens. Et l’on s’est dispersé sous la pluie. L’Irak, Bagdad sont dans toutes les têtes, le retour est exclu tant que les risques actuels persisteront.

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Les politiques français et internationaux, l’ONU et autres grands “machins” ne donnent pas l’impression de se préoccuper de la volonté d’extermination que certains nourrissent à l’égard des chrétiens d’Irak. Et ceux-ci ne croient plus du tout aux promesses. M.C.

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AVENIR DES VALEURS

Malika Sorel : l’insertion n’est absolument pas négociable t

Membre du Haut Conseil à l’intégration, ancien ingénieur d’affaires, née en France de parents algériens, elle suit ces derniers, à l’âge de 10 ans, en Algérie, y poursuit ses études puis effectue un troisième cycle en France. Elle publie, en 2007, Le puzzle de l’intégration. Certains la qualifient “d’Eric Zemmour en jupon”. En octobre 2010 elle donne une interview au Spectacle du Monde dont nous reproduisons, ci-après, les points les plus marquants.

u En matière d’immigration les Français sont bâillonnés. Quand ils s’osent s’exprimer, on leur fait un procès en racisme et en xénophobie. La véritable victime de l’immigration est le peuple français. u Cinquante ans après des drames partagés, le discours dominant continue de se laisser enfermer dans la dialectique “culpabilisation-victimisation.” u A partir du moment où les Français “de souche” sont transformés en bourreaux, on injecte le poison de la haine dans le cœur des enfants issus de l’immigration et on leur envoie le signal que tout leur est dû. u Dès lors que l’on ne fait aucun effort pour que les cultures allogènes se rapprochent des normes françaises, les immigrés et leurs descendants deviennent convaincus que celles-ci vont changer pour s’adapter à eux. u La discrimination positive est une escroquerie et une pratique injurieuse pour les immigrés eux-mêmes : y escroquerie parce que l’intégration n’est pas un “ascenseur automatique” mais un parcours long, difficile, semé d’obstacles ; y injurieuse, dans la mesure où elle tend à faire croire que les gens issus de l’immigration sont incapables de s’en sortir seuls. Si le principe d’égalité dans le processus de sélection n’est pas respecté, la légitimité de la fonction disparaît. u La Halde joue un rôle de crispation et d’exaspération entre les groupes. Le fait d’accepter des immigrés ce qu’on n’accepterait jamais des autres ne fait qu’enfermer les premiers dans

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leurs codes culturels. Il faut qu’elle disparaisse : le système judiciaire français est là pour traiter des vraies affaires de discrimination. u Dans les cultures maghrébines et africaines, le groupe prend possession de l’individu. Plus la société est destructurée, plus le groupe devient puissant et plus il est tenté de défier les normes en usage dans le modèle républicain. Le racisme anti blanc (céfranc) est une réalité. Etre sérieux en cours c’est vouloir devenir français donc une traîtrise et une honte. u Le “droit du sol” ne permet pas de s’inscrire dans un processus qui conduit l’individu et ses descendants à devenir français. L’immigré ne se sent pas français ; il a juste “des papiers”. (A rapprocher de la sortie de Cohn-Bendit : “l’identité nationale, c’est une carte…”) u L’intégration est le fait d’assumer l’héritage du peuple français, de porter soi-même les valeurs et les principes des Français. Cette étape est difficile et elle demande des efforts et du temps. L’insertion, elle, consiste à respecter les règles et les lois de la société. Celle-ci n’est absolument pas négociable. u La langue est un passeport culturel pour naviguer dans la société française. L’école de la République n’a cessé de revoir ses exigences, dans ce domaine, à la baisse. Pis, elle s’est mise à verser dans le relativisme

culturel et même à enseigner des éléments du référentiel propre à ces cultures, alors que c’est bien la seule chose que les familles transmettent en interne. L’absence de maîtrise de la langue est un frein à l’expression et donc favorise une propension à la violence. u Il faut mettre en place la déchéance de la nationalité. Ceux qui risquent cette sanction aujourd’hui n’auraient jamais dû l’obtenir (la nationalité). Les politiques doivent avoir le courage de s’occuper de ces questions dans toutes leurs dimensions. Il y va de la cohésion nationale.

Profanation à Riaumont

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e grand drapeau français du mémorial national des scouts morts pour la France, planté sur la Tour Saint-Jean-Baptiste de Riaumont, a été incendié à la veille de la Toussaint. Rappelons que ce mémorial national a été construit en 1994 pour rendre hommage à tous les scouts qui – fidèles à leur promesse – ont sacrifié leur vie pour la patrie, quel que soit leur mouvement ou leur origine. Un mémorial sous forme de tour : en écho au phare de Notre-Dame de Lorette qui lui fait face et qui éclaire les grands cimetières de la “grande guerre”. Une tour avec son drapeau français et son autel pour y célébrer la sainte messe. Pour ceux qui sont partis avant nous, marqués du signe de la croix scoute, pour leur demander aussi des grâces spéciales, dont celle de la relève.

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DEVOIR DE MÉMOIRE

“Rendez-nous notre dignité !” t

Franck Tabaali est fils de harki. Il est vice-président de “A.J.I.R. pour les harkis” (Action, Justice, Information, Réparation), association fondée par Mohand Hamoumou. Il exprime ici avec passion ses sentiments quant au sort de sa communauté en cette fin 2010. Venant d’une personnalité de la deuxième génération complètement intégrée, la force de son propos nous rappelle la profondeur et la gravité du traumatisme subi.

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a communauté harkie qui représente environ à ce jour 400 000 personnes, continue, 48 ans après la fin de la guerre d’Algérie, à se sentir abandonnée, oubliée, blessée. Nos aînés restent sur leur ressenti, d’autant plus muets que leur désarroi est toujours aussi fortement ancré, et ce au point d’entraîner chez eux, parfois, de très importantes séquelles psychologiques. Le groupe véhicule encore et toujours de la souffrance ainsi que de la colère et ne parvient pas à cicatriser ses plaies toujours ouvertes. Cette communauté qui s’est toujours sentie trahie par les politiques attend désormais avant tout la reconnaissance, par l’Etat français, de sa responsabilité dans l’abandon et le massacre des harkis. Que ce dernier accepte au moins d’admettre avec franchise et une fois pour toutes – il n’en sera que plus digne – sa mauvaise conduite en Algérie. L’abandon a aussi eu lieu en France, la plupart du temps sous la forme d’une véritable incarcération dans les camps, et cela dans des conditions exécrables. Ces camps ont, dans les faits, surtout constitué de réels freins aux chances d’évoluer socialement de ceux qui y ont croupi. Certains ont certes “réussi”, mais ce type d’évolution reste malheureusement bien trop rare. Oui, c’est dès le départ que la communauté a été contrainte de vivre différemment, ce qui a en quelque sorte réduit à néant ses chances de rêver et de progresser. Que dire de nos parents, leur honneur a été foulé aux pieds, leurs noms salis, ils vivent chaque jour avec ce traumatisme qui les inhibe et les empêche de se confier à leurs proches. Notre identité est bafouée : “traîtres” en Algérie, “moins que rien” en France. Mais qui sommes-nous ? Nous sommes blessés. Toutes les générations ont besoin de connaître leur histoire pour se construire et transmettre. Comment pouvons-nous accepter d’être comparés à des sous-hommes ou à des collabos ? Beaucoup de Français pensent certainement la compa-

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raison fondée mais connaissent-ils réellement notre histoire, notre misère, notre malheur ? Comment les harkis peuvent-ils se sentir chez eux puisque tout a été fait pour qu’ ils se sentent au contraire étrangers ? L’attitude du gouvernement français de l’époque ainsi que de ses successeurs a contribué d’une manière forte à ce déni de la population harkie. Cette dernière a été abandonnée, trahie, bafouée par la France, “notre patrie”, “notre mère”. Que penser de la deuxième génération qui se sent “orpheline” ? Qui sommes-nous ? Comment parler de notre histoire à nos enfants, comment leur dire que la République française n’a pas jugé bon de protéger ses soldats ? La non-reconnaissance de sa responsabilité entraîne d’une manière certaine le non-respect des valeurs humaines. Les anciens Harkis étaient tous des militaires français, ils ont contribué indéniablement à la victoire sur le terrain, ils ont sauvé des vies et ont été abandonnés tels des chiens, livrés au mépris général. Cette souffrance, cette crise identitaire ne peuvent plus durer ; l’Etat français se doit de reconnaître ses erreurs, il est impératif qu’il

admette la réalité de ses actes. Que la communauté harkie puisse réapprendre à dormir, à rêver, et peut-être à espérer un jour une réconciliation entre les deux rives. Que les Harkis puissent revenir sur leur terre, se recueillir, vivre les quelques années qui leur restent apaisés, et que leurs enfants puissent tout simplement connaître leurs racines et découvrir leurs familles restées là-bas. Je garde vraiment espoir, notre communauté a, dans ses rangs, maintenant, des enfants qui ont été scolarisés, sont instruits, pensent et n’ont pas peur de s’exprimer. Ces deuxième et troisième générations, j’en suis persuadé, sauront très prochainement se mobiliser afin que tout son honneur soit rendu au mot harki. Pour résumer et conclure, je pense qu’aujourd’hui, bientôt en 2011, les anciens Harkis ont toujours des plaies béantes ouvertes tout comme au début de leur calvaire, le drame étant que cette douleur se transmet de manière mécanique de génération en génération, ce qui occasionne de nombreux dégâts. France, reconnaissez vos responsabilités et rendez-nous notre dignité. Franck Tabaali

FNACA : La dernière provocation

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ans une lettre ouverte du 15 octobre au Président de la République, Wladyslas Marek, président de la FNACA, se livre à une nouvelle provocation. Prenant en exemple la solennité particulière des cérémonies de l’armistice du 11 novembre en 2009, et l’invitation à la chancelière Angela Merkel, de participer à celles de l’Arc de Triomphe, il suggère une démarche similaire dans le cadre du conflit algérien avec les dirigeants de ce pays. C’est évidemment le 19 mars qui devrait être retenu comme date officielle de cette réconciliation, et inscrite officiellement au calendrier des commémorations de la République. Présenté comme un acte important et historique susceptible de laisser une trace dans l’Histoire, M. Marek termine cette lettre ouverte en assurant travailler « pour la Paix entre les peuples », un air très connu de la vieille propagande marxiste. Une provocation de trop, qui implique une réaction solidaire de tous et une démarche collective allant jusqu’au destinataire de la « lettre ouverte » …

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OMBRE ET LUMIÈRE SUR NOS ÉCRANS

L’ état de grâce

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ui a enlevé, assassiné, décapité en 1996 ces sept moines cisterciens vénérés dans les montagnes du Sud d’Alger par tout leur entourage musulman ? Les terroristes islamiques du GIA, qui l’ont revendiqué ? Les services secrets du gouvernement totalitaire de M. Bouteflika, qui les manipulaient ? Personne ne peut trancher aujourd’hui, et Beauvois a raison de ne pas s’y aventurer. La seule responsabilité morale assurée – au plan historique – est celle du gouvernement français qui abandonne

ce beau pays aux égorgeurs du FLN, et le livre d’un coup à ces fanatiques, sans transition, garantie ni contrepartie aucune, avec des dizaines de milliers de nos compatriotes, et des centaines de milliers de musulmans harkis, pieds et poings liés, le 19 mars 1962… Trente-quatre ans plus tard, les moines de Ti-

bhirine ont répondu de leur manière à ce mystère d’iniquité. Ils se savaient menacés de mort. On leur a demandé de partir – “la valise ou le cercueil” – comme aux Français d’Algérie. Ils ont voulu rester. Témoigner d’une présence. Maintenir le flambeau de la charité chrétienne dans le déchaînement

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Un formidable état de grâce a plané sur les trois millions de spectateurs qui ont déjà assisté à la projection du film consacré au martyre des moines de Tibhirine : Des hommes et des dieux… Quelles que soient leurs convictions et leurs pratiques religieuses, car l’Esprit souffle où il veut, et il n’est question ici que de liberté intérieure face aux violences du terrorisme et du totalitarisme d’Etat.

“Hors-la-loi”, hors l’histoire… t

Se présentant tantôt comme une simple fiction romanesque, tantôt comme une contribution au débat historique, le film de Rachid Bouchareb est en réalité une apologie de la guerre civile.

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out d’abord, il y a la colonisation : son sort est vite réglé, en quelques minutes, qui sont les premières du film de Rachid Bouchareb, film algérien (il représentera ce pays aux Oscars) tourné sur financement à 60 % français, auquel n’ont pas manqué les fonds publics.

Juste une spoliation ! Ce tableau de la colonisation se résume à une expropriation, celle de la famille des trois “héros” du film, dont le père est chassé de ses terres, sur présentation d’un simple papier des autorités, au profit d’un colon français. La colonisation, c’est tout ce qu’on en verra dans le film : pas de dispensaires, pas d’écoles, pas d’hôpitaux, pas de routes, pas de missionnaires : juste une spoliation. Puis, il y a les massacres de Sétif, qui occupent les dix minutes suivantes. Là non plus, l’histoire n’a pas été le souci de Bouchareb, puisque

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les massacres de civils européens qui ont été la cause de la répression sont totalement occultés. (…)

Un parallèle scandaleux Ces deux scènes n’occupent guère que 15 minutes du film, mais elles sont essentielles. Parce que les mensonges qu’elles présentent comme des évidences lumineuses éclairent et justifient tout le reste : la participation des trois héros, à Paris, au “juste combat” du FLN, et surtout, les méthodes employées pour ce faire : meurtres, chantages, exécutions sommaires au nom d’une légalité fantoche, terrorisme, racket, proxénétisme même, tout est justifié à l’avance puisqu’il s’agit de répondre à la barbarie française, une barbarie qui n’a rien à envier à celle des nazis – le parallèle entre résistants français durant la Seconde guerre mondiale et combattants du FLN étant avancé explicitement à plusieurs reprises.

Laborieux et embarrassant Le reste du film n’est que la démonstration laborieuse de ce postulat. Laborieuse, parce que Bouchareb joue au cinéaste d’action sans en avoir les moyens ; parce que sa reconstitution d’époque sent la naphtaline ; parce que les acteurs, gênés d’avoir à faire semblant de mal parler un français qu’ils maîtrisent en réalité parfaitement, ânonnent leur texte péniblement (…) ; parce que justement, quoi qu’en dise le cinéaste, ce n’est pas le romanesque qui compte ici mais la démonstration, qui rend le film embarrassant comme tous les films à thèse. D’autant plus embarrassant que la thèse n’est pas ici seulement historique, mais va contribuer à jeter du sel sur des plaies encore ouvertes. Car il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre la leçon que bien des jeunes spectateurs, de nationalité française mais qui ne perdent pas une occasion de brandir un drapeau algérien qui est pour eux, aujourd’hui encore, l’étendard d’une certaine révolte, vont tirer de ce film : contre une France qui traite si mal ceux qu’elle prétend être ses enfants, tous les coups sont permis.

Laurent Dandrieu

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L’héroïsme du quotidien Les martyrs et les saints ne sortent pas des nuages. Ils sont de chair et d’os, comme nous, et ce n’est pas dans les livres, les discours ou les rêves qu’ils se sont montrés plus courageux que nous face aux ennemis de la foi, qui sont aussi les ennemis de toute authentique liberté. C’est dans leur quotidien. A Tibhirine, c’était dans la Règle du grand saint Benoît, le lever de nuit, le silence, le travail, la prière, toute cette gymnastique à la chapelle des moines, que la tête impose aux membres pour sa propre libération. “L’héroïsme, lorsqu’il est exigé de nous, ne consiste pas à faire des actes extraordinaires mais à continuer de faire les choses ordinaires, même lorsque les circonstances ont changé radicalement et comportent la possibilité de conséquences tragiques.” Cette déclaration du Père Armand Veilleux, Procureur général de l’Ordre des Cisterciens en visite à Tibhirine quelques mois avant l’assassinat des frères, donne une clé du succès du film très au-delà du cercle des catholiques pratiquants. Tout homme fidèle à son idéal, sa générosité, sa parole, ses règles de vie, face aux pressions sournoises et parfois aux terrifiantes menaces du monde, qu’il le sache ou non, fait retour à sa Divinité. Il entre de plainpied dans la communion des saints. Le premier pas pour les rejoindre consiste à les admirer. Merci à Xavier Beauvois de nous avoir ouvert de façon si simple et si humaine cette porte lumineuse sur l’Eternité. Hugues Kéraly

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IN MEMORIAM

Professeur Maurice Allais (1911-2010) t

des haines et des violences fratricides. Continuer simplement d’être euxmêmes, sans provocation, à travers le service des pauvres et le chant des offices du jour et de la nuit, le chant de l’amour chrétien. Pour l’amour de Dieu, des vertus supérieures de leur Ordre, et de leurs frères musulmans d’Algérie. Les moines de Tibhirine n’ont pas trahi leur vocation, dissimulé leur uniforme ni renoncé à leurs vœux pour se porter au bout du seul œcuménisme qui compte, et y laisser leur vie : celui du témoignage chrétien. Si Cannes a retenu son souffle, en les voyant revivre à l’écran, comme des millions de spectateurs le font aujourd’hui dans nos salles de cinéma, c’est qu’aucune âme n’est jamais morte au seul message du Christ, et que sa grâce encore peut pénétrer partout.

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Maurice Allais vient de s’éteindre. Il était le seul Français honoré par le Nobel d’économie. Le gouvernement lui a rendu hommage avant la cérémonie qui s’est tenue aux Invalides, le 11 octobre dernier. Les médias n’ont pu faire moins que d’évoquer la mémoire d’un homme dont ils avaient mis, depuis longtemps, les études et les prises de position sous le boisseau.

ar pour le petit monde élito-médiatique, Maurice Allais sentait quelque peu le souffre. D’abord, il n’appartenait pas aux filières sociales, aujourd’hui reconnues comme constituant les passages obligés de la réussite. Le professeur Maurice Allais, né en 1911, fils de petits commerçants, orphelin d’un père mort en captivité durant la Première Guerre Mondiale, fut élevé dans des conditions difficiles. Il devra à ses professeurs du Lycée Lakanal, impressionnés par son travail, son intelligence et ses capacités intellectuelles, de présenter Polytechnique et d’en sortir major, en 1933, avant d’intégrer l’Ecole des Mines à laquelle il restera fidèle comme professeur et chercheur, toute sa vie. L’ascenseur social était, alors, une réalité. Ensuite, dans sa propre discipline, ce grand économiste pensait mal, aux yeux des tenants de la religion dominante. Partisan de “l’économie sociale de marché”, il s’était néanmoins élevé avec force contre les excès de la mondialisation, s’opposant au “tout libéral” à sens unique des anglo-saxons, prônant une dose de “protectionnisme raisonné” pour éviter les concurrences inéquitables entre des régions de niveau de vie et de développement différents, et appliquant ce raisonnement à une Europe, politiquement fragile et dont le souci premier devait être d’assurer sa sécurité économique. Ajoutons que Maurice Allais n’appartenait à aucun des comités “Théodule” qui servent de

porte-voix à leurs membres. Avec courage et lucidité, il s’exprimait seul et sans recourir aux ficelles de la promotion médiatique en usage dans notre société. On comprend, dès lors, que ses propos aient pu être plus volontiers passés sous silence que discutés, argument contre argument. Autre tare impardonnable, il avait osé, au lendemain des accords d’Evian, le 19 mars 1962, dénoncer, dans Combat, le crime d’Etat, “le véritable génocide, commis au nom de la France à l’égard de la minorité française et musulmane pro-française d’Algérie” et dans son ouvrage, L’Algérie d’Evian, “l’abandon des Harkis, l’une des plus grandes ignominies… de l’Histoire de France”. A cette époque troublée, s’exprimer ainsi… c’était risquer de compromettre sa carrière, voire sa liberté ! Enfin, suprême défaut, il partageait les convictions de son ami, Jérôme Lejeune, généticien, découvreur de l’origine génétique de la “Trisomie 21” et, lui aussi, promis au Nobel s’il n’avait eu l’incongruité de devenir l’âme de la résistance aux dispositions permettant de tuer des bébés dans le sein de leur mère. P.B. Le Pr Maurice Allais était membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, Grand Croix de la Légion d’Honneur et Grand Croix de l’Ordre National du Mérite.

L’histoire des relations entre la France et l’Algérie n’a pas fini de réveiller sur nos écrans les passions généreuses ou partisanes, comme le montrent les deux articles que nous publions dans ce numéro. Secours de France s’efforce depuis cinquante ans d’y faire entendre la voix de la vérité historique et d’une solidarité en actes vis-à-vis de “toutes les victimes de leur foi en la Patrie” (Clara Lanzi). On ne bâtira rien sur le mensonge et sur la haine, des deux côtés de la Méditerranée. Si cette conviction est aussi la vôtre, lisez et diffusez ce bulletin, apportez votre pierre (voir page 8), battez-vous avec nous !

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NOTES DE LECTURE

Le sel des Andalouses Maurice Calmein

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e premier roman de Maurice Calmein, un auteur qui nous avait jusqu’à présent habitués à des ouvrages documentaires ou historiques. Voici qu’il a trempé sa plume dans les rivages de la Méditerranée pour nous offrir ce livre sur l’Algérie, celle d’aujourd’hui et celle d’hier. Préfacé par l’écrivain algérien Boualem Sansal, ce roman met en scène le parcours initiatique d’un homme ordinaire que le destin va extraire de sa morne existence parisienne de journaliste politiquement correct pour le conduire de

l’autre côté de la mer, à la rencontre de ses origines. Plongé au cœur d’événements qui secouent la Kabylie, Marc, fils de Pied-Noir, tombe amoureux de Myriam la Kabyle et leurs destins s’en trouveront bouleversés. Un livre sur l’Algérie enfin libéré des tentations idéologiques, qui offre une approche originale, non conventionnelle, et devrait faire réfléchir des deux côtés de la Méditerranée. Editions Atlantis – 20 €

En avant, route ! Alix de Saint-André

A

lix de Saint-André a pris trois fois la route de Compostelle. La première fois, elle est partie de Saint-Jean-Piedde-Port, avec un sac plein d’idées préconçues, qui se sont effondrées une à une au fil de la route. La deuxième fois, elle a parcouru “el Camino”, partant de La Corogne avec la foule des pèlerins qui convergent sur le dernier tronçon. L’ul-

time voyage fut le vrai voyage, celui que l’on doit faire en partant de chez soi. ... Des bords de Loire à Saint-Jacquesde-Compostelle, passant par des chemins creux ou traversant des banlieues sinistres, elle a côtoyé le peuple inattendu des pèlerins : gens de tous pays et de toutes confessions – sans compter un nombre non négligeable de bouffeurs de curés – réunis par la marche, par les ampoules aux pieds, par la faim et la soif. Tous se retrouvent sur le chemin pour se défaire des hiérarchies et des rôles sociaux, vivre à quatre kilomètres/heure une aventure humaine pleine de gaieté et de surprises. Sur ce petit monde en marche, Alix de Saint-André porte, comme à son habitude, un regard à la fois affectueux et espiègle. Gallimard – 19,50 €

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BULLETIN DE NOËL 2010


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