Bulletin été 2012

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NUMÉRO DE L’ÉTÉ 2012

ÉDIToRIAL

Guerre d’Algérie : le sujet n’est pas clos… t

Au moment où j’écris ces lignes, nous ne savons pas ce que sera l’issue du scrutin pour l’élection du Président de la République. Mais une chose est certaine, parce qu’elle a été officiellement actée et que les manifestations, en présence des autorités officielles, l’ont confirmée : le cinquantenaire des désastreux accords d’Evian aura vu la reconnaissance du martyre des harkis. Comme l’a dit Jeannette Bougrab, “j’ai fait ce que j’avais à faire pour mon père, je peux quitter le gouvernement”.

M

ais le sujet n’est pas clos. Et il ne le sera pas après l’élection, quel que soit le président. Au cœur de la campagne, l’assassinat du caporal Abel Chenouf et de deux de ses camarades parachutistes, à Montauban et Toulouse, par un Français d’origine algérienne, a démontré, dans les faits, dans le sang, que la guerre d’Algérie continue, et qu’elle oppose des Français d’origine algérienne fidèles à la France et d’autres Français, eux aussi d’origine algérienne, devenus des terroristes fanatiques. L’abbé Christian Venard, aumônier du 17ème RGP, l’a dit, avec des mots si vrais, sur un ton si juste, qu’il n’y a rien à ajouter : “Le criminel terroriste qui a mené les actions dans lesquelles tu as perdu ta vie, Abel, a tenté d’ouvrir un gouffre. Le prix à payer pour le combler est, bien sûr, infiniment trop lourd ; mais mon ami Abel, tu es devenu un symbole de ce que notre pays, la France, possède de plus précieux.” “Et désormais, c’est ainsi que tu nous apparais : jeune caporal parachutiste, mort pour la France, dans un attentat terroriste qui voulait mettre à bas notre Patrie.” “Abel, je veux aller encore plus loin. C’est parce que tu portais l’uniforme français, parce que tu étais fier de ton béret rouge, que ce criminel t’a visé. Ce que ce meurtrier ne pouvait savoir, c’est aussi tout ce que tu représentes aujourd’hui pour notre Patrie. Issue d’une famille à la fois alsacienne (avec tout ce que cette région fait ressortir en notre pays des souffrances liées aux deux conflits mondiaux) et kabyle (et comment ne pas évoquer ici les douloureux événements d’Algérie), ta famille choisit la France

avec (et je reprends les mots mêmes de ton cher papa), toutes ses traditions, y compris les racines les plus profondes, qui sont chrétiennes. Comment ne pas voir, mon ami Abel, dans une telle accumulation de symboles, ce que nous avons de plus précieux, cette capacité que possède notre Patrie française de prendre en son sein tous ceux qui veulent devenir ses fils” Le père Venard a terminé cette homélie par l’invocation au Patron des parachutistes et de la France : “Abel, Français d’origine algérienne et kabyle, catholique par choix, parachutiste au service de la France, que notre grand saint patron, que l’Archange Saint-Michel t’accueille et te fasse entrer au sein du Père, avec le Fils et le Saint-Esprit. Suite page 2 u Amen.”

Dans ce numéro : u Une rupture historique....................................................... u Trois ans dans les bagnes d’Algérie................

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u “Ce fut l’honneur des officiers”.................................

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u Nos sélectionnées en quête d’avenir...................

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u Notes de lecture.................................................................

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u In memoriam................................................................................

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u 13 juin 2012 : Réception annuelle du Secours

de France et Remise du prix Clara Lanzi.......... 8


cinquantenaire de la fin des “événements d’Algérie”

Mais sur sa tombe, il avait aussi fait ce serment : “Abel, avec toute ta famille, tes amis, tes camarades parachutistes, je te fais le serment que nous soutiendrons Caroline et ton enfant, que nous resterons présents près des tiens”. Rester présent près de ceux dont le sang a coulé pour la patrie, c’est la vocation de Secours de France. Car nous savons que c’est de cette vraie charité que, sans cesse, renaît notre espérance. Jacques Trémolet de Villers

Une rupture historique

u Suite de la page 1

Une assurance-vie pour l’enfant du caporal assassiné

Le caporal Abel Chenouf du 17ème Régiment du Génie Parachutiste assassiné à Montauban par un islamiste était d’origine kabyle et de religion catholique. Sa jeune compagne Caroline attend leur enfant pour la mi-mai. Comme il l’avait fait en d’autres temps pour le fils d’une des victimes de l’attentat du Drakkar à Beyrouth, le Secours de France a décidé de parrainer cet enfant à naître en le dotant, pour l’avenir, via une assurance-vie susceptible d’être abondée régulièrement. Cette opération s’effectuera en liaison et avec le concours financier du “Club des Meilleurs” formé d’anciens officiers parachutistes d’active et de réserve qui se sont mobilisés avec nous pour cette cause. Jeannette Bougrad, Secrétaire d’Etat dans le gouvernement Fillon et fille de harki, est la marraine de cette opération.

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Le sujet n’est pas clos

Le pire était à craindre du cinquantenaire de la fin des “événements d’Algérie”... de la présentation “des excuses officielles de la France au peuple algérien” que François Hollande juge “utile”, au défilé des troupes algériennes sur les ChampsElysées pour le 14 juillet, comme les dîners en ville parisiens le murmuraient, en passant par la reconnaissance officielle du 19 mars comme date de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie, réclamée avec constance et une virulence croissante par la FNACA. Paradoxalement, ces derniers mois ont au contraire été l’occasion d’actes et de décisions hautement symboliques qui sont autant de victoires contre le mensonge et l’oubli.

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ela a commencé le 28 France et à leurs descendants. novembre par l’éléOui il s’agit bien de victoires vation à la dignité de contre le mensonge et l’oubli Grand Croix de la Légion et elles ont comme un parfum d’Honneur d’Hélie de Saint de récompense pour l’action Marc, le fer de lance de la réobstinée que depuis cinquante volte militaire d’avril 1961, par ans mène le Secours de le chef de l’Etat lui-même, dans France. Cinquante ans d’efforts la cour des Invalides. Cela s’est continus pour rassembler poursuivi avec le vote d’une loi sanctionnant les auteurs de dif- Rivesaltes, 14 avril 2012 énergies, dévouements, talents et dons privés ; cinquante ans famation et d’injures à l’égard des harkis. Puis est venue la décision du Gou- d’actions publiques ou souterraines ; cinvernement d’écarter la date du 19 mars pour quante ans de combats sur le front médiacommémorer la fin des combats en Algérie en tique, de publications, d’éditions, jusqu’à expliquant officiellement – et c’est une pre- ces films documentaires rappelant l’ouvrage mière – que les “accords d’Evian” n’avaient de l’Armée française en Algérie, les S.A.S., pas apporté la paix mais avaient été, après l’engagement des harkis et ce qu’il en est l’ordre donné à l’Armée française de rester advenu ; cinquante ans consacrés à l’aide dans ses casernes, le signal de dizaines de aux “oubliés de l’histoire”, vieux soldats de milliers d’enlèvements, d’exactions et d’as- France et de l’Union Française, au premier rang desquels les harkis, leurs familles et sassinats perpétrés par le FLN. Cela s’est achevé le 14 avril par la visite du depuis quatre ans les plus méritants de leurs Président de la République au camp de Rive- petits-enfants. (Voir page 6.) Que tous ceux qui nous ont accompagnés saltes où furent “accueillis” en 1962 les harkis, protégés et transférés a-t-il dit, par “leurs tout au long de cette route – donateurs fiofficiers courageux... dont Maurice Allais dèles, bénévoles d’une si grande générosité, dira qu’ils méritaient d’être appelés des personnalités qui ont mis au service de notre hommes d’honneur”. A cette occasion, en cause leur talent et leur renommée – soient remettant les insignes de Grand Officier de vivement remerciés. Mais leur plus belle récompense, le la Légion d’Honneur à notre ami le Général François Meyer, dont il a salué la désobéis- meilleur “retour sur investissement” des efsance “au nom de l’honneur”, il a reconnu forts et des sacrifices qu’ils ont consentis, sans détour la responsabilité du Gouverne- c’est ce constat qu’ils peuvent faire de la ment de l’époque dans l’abandon des harkis rupture historique que constituent ces évéet la trahison cynique dont ils furent l’objet. nements récents avec la “vérité officielle” En saluant Jeannette Bougrab, fille de harkis, jusque là proclamée. Avec de pareils encouragements, nous ne “qui siège au Conseil des Ministres tous les mercredi”, il a rendu hommage à ceux qui, pouvons que continuer ! les armes à la main, avaient fait le choix de la Jean-Marie Schmitz

BULLETIN


Témoignage de harki :

Trois ans dans les bagnes d’Algérie, pour trois ans dans l’armée française t

M. Abdel Hamid Bensedira vit aujourd’hui avec son épouse à Montbéliard. Au moment où débutent les événements d’Algérie, ses parents, grands-parents, et 12 enfants vivent à Colbert (aujourd’hui Aïn Oulma), près de Sétif, dans le Constantinois. On y pratique l’élevage et l’agriculture sur le vaste domaine familial. En 1959, il a 22 ans quand les hommes de l’ALN font irruption dans leur propriété et occupent le terrain. Les exactions commencent. La famille descend en ville. Abdel Hamid décide de résister. Il s’engage dans la harka, composée d’une cinquantaine d’hommes au sein du 64ème Régiment d’Artillerie qui avait pris ses quartiers à Colbert…

Secours de France – Pourquoi cet enga-

gement ? A B – Les fellaghas venaient mettre la main sur nos biens, rançonner, imposer, recruter par force. Il fallait s’organiser, mettre à l’abri nos parents et mes dix sœurs, lutter pour survivre.

S de F– Combien de temps avez-vous servi ? A B – Je m’étais engagé pour 4 ans, en février 59. Durant 3 années pleines, j’ai fait mon boulot d’ouverture de pistes, d’éclaireur, de ratissage, d’embuscade de jour et de nuit. Bref, j’ai crapahuté. Je précise que je n’ai pas pratiqué “d’interrogatoire poussé”. C’était le travail de ceux du 2ème Bureau… Puis il y a eu le cessez-le-feu. Je souhaitais rester dans l’armée française.

S de F– Que se passe-t-il à ce moment ? A B – Au début, pas grand-chose. Je suis même parti, pour 8 jours, fin juin 62, en permission et en tenue militaire… Quand je reviens, le 4 juillet, le 64ème RA était parti. Toutes les unités françaises avaient été regroupées à Lafayette (Bougaâ). Je suis immédiatement interpellé, frappé et enfermé avec une cinquantaine d’autres types dont, d’ailleurs, des soldats français, dans un camp près de Colbert. Tous les jours, on nous tabassait, à coups de matraque ou de

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crosse. On nous stimulait à la pointe de la baïonnette ! Quand nous sortions pour aller déminer autour de la ville ou collecter les stocks de blé ou d’orge laissés par les fermiers européens, les civils, dans la rue, s’amusaient à nous frapper. Chacun y allait de sa chicote, de jour comme de nuit : “Où il est, le harki ?” J’ai même été tabassé par d’anciens amis : conviction ou dédouanement ? Je ne le saurai jamais. En tout cas, je garde à vie, sur le crâne et sur tout le corps, des cicatrices et les séquelles de ces violences. S de F– Des exécutions ? A B – Je ne les ai pas vues directement de mes yeux. Mais plusieurs prisonniers ont disparu et je sais que certains harkis qui s’étaient engagés dans la “Force locale”, imaginée après les accords d’Evian, ont été liquidés. D’autres avaient déserté avec leurs armes, pour rejoindre le FLN. Ils nous avaient tiré dessus pour se faire bien voir. Ils se sont retrouvés, avec nous, dans le même camp ! Certains encore, avaient payé des chefs du FLN local pour avoir la vie sauve. On les a exécutés, le jour même, pour que cela ne se sache pas… S de F– Combien de mois a duré cette géhenne? A B – Du 4 juillet à novembre 1962. Seule la Croix-Rouge suisse est venue nous visiter et intervenir pour améliorer nos conditions de détention. Je n’ai jamais vu la CroixRouge française. Ensuite j’ai été transféré au camp de Lambèse près de Batna S de F– Lambèse, sinistre réputation… A B – Oui. Mais c’était mieux qu’à Colbert. Il faut dire que le directeur et plusieurs gardiens étaient déjà là au temps des Français

et se sont comportés en êtres humains. Je me souviens qu’une fois où nous avions été molestés violemment par la population, le directeur s’en était plaint au plus haut niveau, expliquant à ses supérieurs que si l’on blessait ses prisonniers, ils ne seraient plus capables de travailler. J’y suis resté jusqu’en mai 1965. S de F– Et que devenait votre famille, pendant ce temps ? A B – Un calvaire. Mon épouse devait se cacher en permanence chez des amis pour se soustraire à la haine, aux insultes des gens. Des pestiférés qui devaient se nourrir, comme ils le pouvaient, d’un quignon de pain ou d’un peu de semoule. Jamais de viande et, bien sûr, pas d’école pour mes deux filles. S de F– Alors, en mai 1965 ? A B – Je suis libéré. Pas de procès ; pas de Tribunal. C’est le Directeur qui vient nous dire : “Vous êtes libres” et nous recevons un ordre de libération. De retour à Colbert, ma famille et moi-même faisons l’objet de menaces. Je finis par obtenir du Consulat de France à Sétif l’autorisation de rapatriement en France. Nous avons fait le voyage en fond de cale sur le Kairouan, jusqu’à Marseille que nous atteignons le 21 octobre 1965. S de F– Et après ? A B – Après, c’est Saint-Maurice-l’Ardoise où nous nous retrouvons, groupés à 600 familles, six familles par maison. Puis, ce sera Saint-Laurent-des-Arbres dans le Gard ; pas loin de Nîmes où d’ailleurs les associations d’anciens harkis sont venues protester, il

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Trois ans dans les bagnes d’Algérie… u Suite de la page 3

y a quelques jours, contre un colloque à la gloire du FLN, organisé sous la présidence du Conseil Général du Gard. S de F– Quel souvenir gardez-vous de cette existence de camp d’un autre type? A B – Il y avait encore une ambiance un peu militaire avec rassemblements au drapeau et Marseillaise. C’était les militaires qui faisaient la classe à nos enfants, mais tous n’avaient pas bon esprit. Et puis, on ne comprenait pas pourquoi nous n’avions pas la même vie que les autres Français…musulmans ou non… Ensuite, à partir de 1966 ce sera les chantiers forestiers. S de F– Comment étiez-vous payés ? A B – Nous percevions 300 F par mois, dont 150 nous étaient retirés pour le logement et la nourriture. Là encore, quatre ans après la fin de la guerre, on vivait encore en “clandestins”. On nous cachait. On nous transportait en GMC, la nuit. Nous habitions à 7 ou 8 km de toute ville. Tout cela pour notre “sécurité”. Pour nous, la honte. S de F– Comment arrivez-vous à Montbéliard ? A B – Par des membres de la famille installés ici. J’ai trouvé un travail d’éboueur auprès de la Mairie de Montbéliard puis j’ai pu travailler 40 ans chez Peugeot.

S de F– Quel est aujourd’hui votre statut au plan civil ? A B – J’ai fait une demande de déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Elle a été, une première fois, refusée. Dans l’état signalétique des services j’étais classé comme déserteur ! Finalement après que l’on ait retrouvé ma feuille de permission et après avoir écrit au Général De Gaulle, j’ai obtenu ma carte d’identité…. Mais pas de rappel de solde. Je survis avec ma retraite de 900 €/mois et les 600 €/an de pension d’ancien combattant… Le problème c’est les soins, et, en particulier, les soins dentaires. Mes dents ont pas mal souffert des passages à tabac, à Colbert. S de F– Quel regard jetez-vous sur votre vie, vos choix et leurs conséquences ? A B – Je ne regrette pas mes choix. Pour moi, il n’y en avait pas d’autres. “Elli fet mat”, le passé est le passé… Par contre, je ressens une certaine amertume. D’abord vis-à-vis de l’Etat français qui m’a, qui nous a oubliés et je suis content qu’un texte de loi interdise désormais qu’on stigmatise les harkis… Ensuite, à l’égard de l’Etat algérien. Je ne peux toujours pas retourner voir les miens, ma mère et mes sœurs, en Algérie. Mes enfants et mes petits-enfants n le peuvent. Pas moi. Pourquoi ?

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Harkis : histoire d’un abandon DVD à commander à l’ECPAD • Pôle commercial, département ventes : 2 à 8, route du Fort, 94205 Ivry-sur-Seine Cedex. Chèque de 14,90 € port compris pour la France métropolitaine à l’ordre de : l’agent comptable de l’ECPAD. Vous pouvez aussi commander et payer en ligne sur

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Note de lecture

Décolonisation. Crimes sans châtiment par Jean Jolly

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ean Jolly était, le lundi 12 mars dernier, avec Daniel Lefeuvre (auteur, parmi bien d’autres ouvrages, de Pour en finir avec la repentance coloniale) l’invité de Roger Saboureau, sur Radio Courtoisie. Au menu, la désinformation et la repentance française sur la colonisation, Algérie incluse. Le livre de Jean Jolly éclaire les zones d’ombre de la décolonisation et explique sans concession les raisons des échecs en Afrique et en Algérie, le rôle des hommes politiques, des dirigeants et des leaders d’opinion qui, par intérêt, par engagement idéologique ou simplement mau-

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vaise conscience, ont fait de ce rêve de liberté, de dignité et de prospérité, un cauchemar : dictatures, famines, massacres, détournements de fonds publics… A l’est, en Asie, au contraire, c’est l’avènement des pays émergents, avec des effets positifs au plan des niveaux de vie, mais au prix d’un pillage généralisé des ressources, du travail forcé et du laminage des libertés, s’accompagnant d’une fragilisation politique, économique et commerciale des anciennes puissances européennes… Ce constat sur les coûts économiques, stratégiques, commerciaux et humains de

la décolonisation débouche, néanmoins, 50 années après les indépendances, sur un plaidoyer pour la paix des mémoires et une invitation à la construction de nouveaux rapports dépassant un contentieux, prétexte à tous les aveux d’échecs d’un côté et à toutes les contritions, de l’autre. Journaliste, grand reporter, Jean Jolly est l’auteur, notamment, d’une Histoire du Continent Africain en trois tomes (Grand Prix Algerianiste), d’une Algérie de Bouteflika, d’un Atlas historique, L’Afrique et son environnement européen et asiatique (prix René Caillé de la Société de Géographie humaine de Paris), Les n Chinois à la conquête de l’Afrique. EJS Editions Jean Saintonge 11, boulevard du Temple, 75003 Paris (Hélène Verdier 01 42 71 19 19) 224 pages, 20 €

BULLETIN


JEANNETTE BOUGRAB à l’école militaire :

“Ce fut l’honneur des officiers…” t

“Membre du gouvernement, c’est en tant que fille du caporal– chef Lakhdar Bougrab, ancien moghazni, ancien commando de chasse”, que s’exprimait Jeannette Bougrab, lors de la seconde présentation à l’Ecole Militaire, le 5 mars dernier, de Harkis, histoire d’un abandon, film-documentaire produit par le Secours de France, avec le concours de l’ECPAD et réalisé par Marcela Feraru.

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e moins que l’on puisse dire, c’est que Madame Bougrab ne pratique pas la langue de bois… “Au-delà de mon histoire personnelle, je voudrais, au nom de mon père, dire que ce fut l’honneur des officiers qui, désobéissant aux ordres reçus des autorités les plus élevées de l’Etat, sauvèrent nos pères. “Aujourd’hui, 50 ans après, j’ai le privilège de m’adresser à vous, qui avez refusé d’abandonner vos hommes que vous saviez condamnés, et de vous exprimer toute ma gratitude.” A cet hommage étaient associés de grands soldats (tel Hélie de Saint Marc), des réalisateurs (Pierre Schoendoerffer, qui préfaça, à la veille de sa disparition, Harkis, soldats abandonnés et Marcela Ferraru), une chaîne de télévision (la Chaîne Histoire), des journalistes (notamment Jean-Claude Narcy). Elle devait aussi provoquer l’émotion dans un amphi comble, en évoquant non pas la “tragédie”, mais “l’épopée” des harkis, épopée qui, certes, fut tragique mais s’inscrit, avec ses hauts faits militaires, dans l’Histoire de France, une Histoire que l’on doit assumer “avec ses pages glorieuses, mais aussi sa part d’ombre”. Et si certains, comme Claude Lanzmann, qui traitait les harkis de chiens, en 1961, “font, aujourd’hui, leur mea culpa, ils ne peuvent se dégager d’une

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certaine commisération, d’une pitié, d’une condescendance à notre égard.” “Mon père était un soldat, conclut Jeannette Bougrab. Il demeure un soldat de France. Aujourd’hui nous honorons la mémoire de ceux d’entre eux qui ont été

sacrifiés par et pour la France parce qu’ils croyaient en un idéal : en l’idéal des Lumières, en l’idéal républicain.” Et pour couper court à toute interrogation sur ce point : “Aujourd’hui, nous, harkis, fils et filles de harkis, notre communauté, c’est la France. Notre identité, la Rén publique.”

14 juin 1962 : Weygand écrit au ministre des Armées… Ce texte du général Weygand, peu connu, est adressé personnellement à Pierre Messmer, ministre des Armées. Il intervient alors que le grand public ignore tout des massacres en cours des Harkis et de leurs familles.

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epuis la proclamation officielle du cessez-le-feu en Algérie, des milliers de Français d’origine musulmane ont péri de la façon la plus horrible, pour avoir voulu demeurer, jusqu’au bout, fidèles à la France. Enfermés dans leurs villages ou détenus dans des prisons ou des camps de concentration, des milliers d’autres sont voués à la torture ou à l’égorgement. “A la tribune de l’Assemblée Nationale, le Bachaga Boualam s’est écrié : ‘Il ne s’agit pas seulement de sauver des hommes, il s’agit, dans ce désastre, de sauver l’honneur de notre Patrie.’ “L’honneur de notre Patrie, voila bien la question. Si nous abandonnons sans dire mot à leur sort les musulmans d’Algérie qui ont fait foi à la parole donnée au nom de la France, l’honneur de notre pays sera perdu. “Ce mot, mon titre d’ancien Gouverneur et Commandant en chef en Algérie me fait un devoir de le prononcer à la face du monde, en rompant un silence que j’ai voulu observer jusqu’ici…” Général Maxime Weygand

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programme “l’Excellence par l’étude”

Nos sélectionnés en quête d’avenir… t

Ils portent des prénoms latins, arabes, kabyles, elles et ils sont jeunes, viscéralement Français, travailleurs, tenaces… et talentueux. Ce sont les “boursiers” du Secours de France, les sélectionnés du programme “l’Excellence par l’étude” que votre Association a pu lancer, voici trois ans, grâce à votre générosité.

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ls sont les descendants des “harkis” qui servaient dans les rangs de notre armée lorsqu’ est intervenu le prétendu “cessez-le-feu” ; les descendants de ceux qui payèrent chèrement leur fidélité : supplices et massacres pour 80.000 d’entre eux, incarcérations et violences, pour d’autres et, pour les rescapés, rapatriement en Métropole et camps de regroupement. Certains boursiers ont partagé avec leurs parents l’épreuve de cette difficile intégration. La majorité, celle de la “troisième génération”, a connu les problèmes des familles pauvres, souvent mal aimées, s’entendant reprocher par leurs camarades d’école, la “trahison” de leurs “collabos” d’aïeuls à l’égard de leur pays. Bon nombre de ces familles ont, cependant, compris que ces enfants avaient la capacité de remonter la pente et de devenir parties prenantes d’une élite française. Dès le plus jeune âge, elles ont inculqué à leur progéniture le goût de l’effort et du travail bien fait, à commencer par la maîtrise de la langue de Molière, orale et écrite. Nos sélectionnés, enfants ou petits-enfants de harkis, poursuivent des formations et des objectifs ambitieux. Quelques exemples : n Mohammed a servi dans les rangs de

l’Armée Française de 1957 à 1962 au 4ème Bataillon d’Infanterie puis au Commando de chasse du 59ème RI. Sa fille, Sonia, Bac + 7, achève son Doctorat en Sciences de Gestion, parle quatre langues étrangères et bénéficie d’une solide formation dans le Marketing et la Communication, mise en pratique durant plusieurs stages de longue durée. n Nawel est malentendante et s’est orientée

vers la Communication Visuelle et la Publicité. Elle est en 3ème année de Communication visuelle et Multimédia à Créapole

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de finesse, est exprimé dans un Français parfait. n Mostefa a servi comme Ser-

ESDI, un cursus de 5 ans où elle a déjà été remarquée pour son sérieux et ses talents (concours Hermès). Son grand-père, décédé, avait servi au 4ème Régiment de Dragons, puis au 8ème et 6ème Spahis. Sa mère Houria est seule et fait preuve d’un courage extraordinaire pour épauler sa fille dans la poursuite d’objectifs élevés. n Rabah, le père de Joëlle a servi dans les

rangs du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins. Il s’y est illustré à deux reprises obtenant une citation à l’ordre du Bataillon, puis une seconde à l’ordre de la Division. Juriste de formation, Joëlle a accompli une carrière de 16 ans comme adjointe administrative qualité au sein d’une grande municipalité. Elle se remet en question à la suite de la suppression de son poste et engage des études de juriste d’entreprise pour créer ensuite sa propre structure d’assistance et de conseil. n Le grand-père maternel d’Assia se pré-

nomme Lakhdar. Sergent harki auprès du 89ème RI dans le secteur de Saïda, il est titulaire de la Médaille Militaire et Chevalier de la Légion d’Honneur. Assia a été élève durant neuf ans des Maisons d’Education de la Légion d’Honneur de Saint-Denis et de Saint-Germain en Laye. Actuellement en deuxième année de droit à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, elle souhaite devenir juriste international et envisage une carrière dans la diplomatie. Son autoportrait, plein

gent de 1939 à 1945, puis s’est rengagé comme harki de 1957 à 1960. Il a été rapatrié, dans un dénuement total, au camp de Rivesaltes en avril 1963, nanti de ses quatre enfants et d’un neveu à charge. Son petit-fils, AbdelElah est titulaire d’une Maîtrise en Sciences de Gestion et souhaite devenir responsable de projet social dans une collectivité territoriale. D’autres exemples de sélectionnés seront donnés dans les futurs bulletins. Souhaitons que ces jeunes gens trouvent des emplois à la mesure de la réussite universitaire que Secours de France les aura aidés à connaître. Souhaitons, aussi, que les garçons soient aussi nombreux que les filles à n se porter candidats…

NOTES DE LECTURE En cette période “commémorative”, les livres, enquêtes, conférences, colloques, émissions, films, consacrés à la guerre d’Algérie, et surtout à l’issue fatale des Accords d’Evian ne se comptent plus. Deux ouvrages illustrés méritent, non seulement de figurer dans nos bibliothèques, mais aussi dans nos mémoires, par leur qualité de style, la véracité et l’honnêteté des propos tenus, l’authenticité et la diversité de l’iconographie. Tous deux traitent des derniers mois de l’Algérie française.

L

e premier a été écrit par un ancien reporter du “Bled”, Jean Baptiste Ferracci, qui raconte, dans L’Adieu, l’effroyable succession d’évènements qui ont conduit à la fuite de près d’un million de pieds-noirs, la duplicité ou la lâcheté des hommes politiques au pouvoir, du haut en bas de la hiérarchie, la cécité des bonnes consciences de ce côté-ci de la Méditerranée, la programmation parfaitement voulue et organisée de cette éviction

BULLETIN


IN MEMORIAM

L’Adieu au Roi…

Le Père Heinrich en 1954, au retour de captivité.

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Yvan Heinrich l’aumônier de Dien Bien Phu

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l avait 91 ans. Cinquante-huit ans plus tôt, au jour près, le 13 mars 1954, un déluge d’obus s’abattait sur Dien Bien Phu, faisant les premiers morts et les premiers blessés de “Gabrielle” et “d’Isabelle”. Un légionnaire, portant une croix d’argent sur la poitrine, viendra soutenir les mourants, et bénir les morts, “ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas”. Il sera le premier des quatre aumôniers militaires dépêchés sur place. Chaque jour, ils célébreront la messe sous les obus et porteront la communion aux quatre coins du camp. Il accomplira sa mission jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’aux camps viets. Quelques mois plus tôt, il était encore vicaire à CharlevilleMézières. Une “offre” de l’épiscopat proposant des postes d’aumôniers en Indochine pour relever ceux qui s’y trouvaient déjà, le conduisait à signer un contrat d’engagement. Affecté au 5ème REI, puis au 3ème, il prendra un Dakota qui convoyait du matériel à Dien Bien Phu et, malgré une sévère amibiase, rejoindra son unité dans le camp retranché, en février 1954… Engagé initialement pour deux ans, il restera 25 ans dans l’Armée et crapahutera sur bien des pistes d’Algérie, d’Afrique et d’ailleurs avant de s’arrêter à Nice et de continuer de s’occuper dans le droit fil de son sacerdoce. C’est ainsi que le Secours de France a pu s’honorer de son appui moral et littéraire… Le Père Heinrich était Commandeur de la Légion d’Honneur.

L’adieu.1962 : le tragique exode des Français d’Algérie, de Jean-Baptiste Ferracci, aux Editions de Paris Max Chaleil (22 €)

de toute une population présente sur cette terre, française avant que Nice et la Savoie ne le deviennent, et l’horreur de la répression des nouveaux dirigeants contre les musulmans, amis de la France et engagés dans cette cause. Bien entendu, ces faits sont connus. Le sont-ils vraiment chez la génération née dans les années soixante, dont les pères se sont pour beaucoup réfugiés dans le silence et une volonté d’oubli ? Que cette génération et ses propres enfants commencent à feuilleter ce livre. Ils ne le lâcheront plus.

DE L’ÉTÉ 2012

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rois ministres, quatre chefs d’état-major, des académiciens en uniforme, des artistes, dont les acteurs du Crabe-tambour, deux sections de Cyrards, et une foule considérable se pressaient à Saint Louis des Invalides, ce 19 mars 2012, pour les obsèques de Pierre Schoendoerffer. François Fillon, Premier Ministre, devait exprimer le sentiment de tous en évoquant “l’honneur et l’émotion d’accompagner, une dernière fois, le compagnon de gloire et d’infortune de ceux pour qui le drapeau justifie tous les sacrifices.” “Drapeau vainqueur, drapeau vaincu, il nous revient d’accompagner, une dernière fois l’homme qui aimait les hommes engagés, ces chevaliers des ultimes combats…” “L’homme qui discernait, dans l’âme des soldats, la part de lumière et la part d’ombre ou s’entremêle la vérité de la vie et de la mort ; l’homme de culture au regard inspiré sur les déchirures du siècle passé.” Nous ne reviendrons pas sur le parcours d’exception ni sur l’œuvre cinématographique et littéraire de ce témoin authentique de ces temps, à la fois exaltants et terribles pour les consciences. “Honneur, courage et sincérité, voila les couleurs de cette œuvre universelle qui se mêle aux couleurs de la France.” Son œuvre lui survivra, car, souligne le Premier Ministre, “les grandeurs et les tourments qu’elle évoque sont intemporels, mais l’homme nous manquera…” “Sa noblesse manquera à tous ceux qui eurent la chance de le connaître… Elle manquera au monde de l’art et de la culture, elle manquera au monde combattant, elle manquera à la France.” Elle manquera aussi au Secours de France dont il fut l’un des grands parrains à sa naissance et qu’il honora d’éditoriaux sans complaisance dans les moments difficiles ou exaltants.

e second ouvrage, Harkis, soldats abandonnés, préfacé par le regretté Pierre Schoendoerffer et dont le Général Maurice Faivre a rédigé l’introduction historique, est un éventail de témoignages sur les harkis et l’abandon de ces derniers en 1962. Il est édité par XO Editions, en collaboration avec le cercle des Amis des Harkis et le Fonds pour la Mémoire des Harkis (Association AJIR). Notre ami Daniel Grenon et toute l’équipe du Fonds, ont réalisé cet ensemble de récits vécus par des officiers et des soldats européens et musulmans, militaires de carrière, appelés ou harkis, hommes et femmes… avant, pendant et après le 19 mars 1962. Témoignages vivants, factuels, où l’émotion affleure, sans se répandre. Une pudeur et une réserve qui font l’unité de ces récits personnels, authentiques dans leur simplicité, où il n’y pas de place pour la digression, la leçon de morale ou le jugement de valeur… Superbement illustré, notamment avec des documents photographiques privés, cet ouvrage

historique est aussi une œuvre d’art ; le texte et l’image se répondent tout au long de ces 230 pages. Il constitue, pour Jeannette Bougrab, Secrétaire d’Etat à la Jeunesse lors de sa parution et fille de Harkis, un document de référence dont il convient de remercier les auteurs. Un document que l’on ne peut refermer sans amertume, voire, pour les plus anciens, une forme de nostalgie assaisonnée de colère…une n fois de plus.

Harkis, soldats abandonnés. Témoignages, XO Editions (230 pages, 29,90 €)

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Monsieur Jean-Marie SCHMITZ, Président du SECOURS de FRANCE, et le Conseil d’Administration seront heureux de vous accueillir Maison Saint François-Xavier – 7, rue de Poitiers 75007 PARIS (Métro Solferino)

le mercredi 13 juin 2012 à partir de 18 h 30 à la réception annuelle du SECOURS de FRANCE. A cette occasion, en présence de Jeannette BOUGRAB, le prix Clara Lanzi sera remis au Général François MEYER, qui vient d’être fait Grand Officier de la Légion d’honneur à Rivesaltes, pour avoir sauvé ses Harkis et à Monsieur Hocine BOUARES, Président d’une importante association d’anciens Harkis.

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BULLETIN DE L’été 2012


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