Programme 2011-2012 de La Passerelle

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LA MÉMOIRE DU GESTE Dès ses premières séries photographiques, son travail se focalise sur les gestes. Il y met en scène des acteurs en tenue de chantiers reproduisant les actions des ouvriers mais dépossédés de leurs outils. Cette série de six photographies, intitulée Gestes statiques, fixe des mouvements suspendus et décontextualisés. Interpellé par les attitudes des ouvriers de la voirie, il tente d’en décrypter les chorégraphies révélant les liens tacites entre le geste fonctionnel et l’esthétique de la danse. Cette recherche donne lieu à une performance filmée dans laquelle l’artiste invite une danseuse classique à interpréter les mouvements de l’ouvrier. Le corps devient donc lui-même outil et l’artiste met l’accent sur le caractère hybride du geste. ÈRE INDUSTRIELLE, ÈRE INDUSTRIEUSE Clin d’œil aux Temps modernes de Chaplin, les gestes du travail interfèrent avec le quotidien dans l’œuvre de David Jouin. Deux moniteurs vidéos placés côte à côte, présentent un coiffeur réalisant une coupe dans son salon de coiffure, puis reproduisant ces mêmes gestes sur un bouquet de fleur placé dans le salon de son appartement. Jouant sur le double sens du « salon » - lieu privé ou lieu de travail - l’artiste transpose le geste professionnel à l’espace intime. Le geste devient alors destructeur ; suivant le même rythme et avec la même application sérieuse, le coiffeur détourne son savoir-faire en une activité dérisoire.

VALORISATION DE L’OUTIL L’outil de travail est pour David Jouin, le prolongement de la main : pour cela l’artiste lui accorde un statut particulier. Parfois monumentalisé ou l’objet d’attentions déplacées tel le balai à frange tressé par un coiffeur - il peut également être thermoformé. L’artiste choisit donc d’appliquer une technique de production de masse à la création d’un objet unique détournant les codes de la société de consommation. David Jouin ne s’intéresse pas seulement aux outils d’entretien mais à la saleté elle-même triant le contenu d’un sac d’aspirateur dont il parque les moutons de poussières dans un enclos matérialisé au sol par un ruban adhésif (emprunt à la signalétique des chantiers). Comme dans l’Élevage de poussière de Man Ray, la saleté devient objet et acquiert un nouveau statut : existant pour elle-même et sortant de l’ombre. Élodie Laval, Historienne d’art Correspondante locale de presse Paris-Normandie édition de Rouen rubrique culture laval.elodie@live.fr David Jouin, Artiste plasticien Né en 1983 à Rennes, vit et travaille à Rouen http://www.davidjouin.com Ci-dessus : Coiffeur - 2006. Vidéo © Juliette Delpech – David Jouin


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