Culture et adolescents : une possible rencontre ?

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JournéE d’inFormation Et dE réFlExion

culturE 12 Et adolEscEnts

sam FEV.

unE possiblE rEncontrE ? 2011



culturE

Et adolEscEnts unE possiblE rEncontrE ? Enseignants, animateurs socio-culturels, éducateurs, parents, artistes, professeurs de théâtre, associations d’éducation populaire… une grande diversité de professionnels de la culture ou de l’adolescence est venue débattre et répondre à la question posée par Itinéraires Bis, Association de Développement Culturel et Artistique des Côtes d’Armor. La journée, organisée dans le cadre d’un temps fort autour du numérique à Lamballe, avait pour but de mieux comprendre les enjeux liés à l’adolescence et partager des expériences concrètes. La matinée a donné la parole à Michel Fize, sociologue, à Yann Leroux, psychologue clinicien et à Sylvie de Braekeleer, directrice du Théâtre Isocèle et metteur en scène du spectacle Chatroom.

L’après-midi, de nombreux acteurs culturels ou en lien avec la jeunesse ont présenté leurs projets menés auprès d’adolescents. Autant de témoignages attestant que la réalisation de projets culturels d’envergure avec les adolescents n’est pas impossible. L’adolescence, cet âge compliqué de passage, étape que chacun est voué à traverser, cet âge de méfiance envers ce qui émane des adultes, a suscité de nombreux questionnements, parfois des désaccords. La définition de l’adolescence est elle-même sujet à débat. La question d’une rencontre possible entre culture et adolescents a généré de nouvelles discussions sur la définition de la culture en général, sur la légitimité de la culture “officielle”, et sur celle propre aux adolescents.

“Ce colloque n’a pas vocation à apporter des réponses toutes faites. C’est la première étape d’une réflexion plus vaste, qui engendrera peut-être d’autres journées comme celle-ci. Notre objectif est que différents axes de travail soient exposés et que chacun puisse y puiser ce dont il a besoin. Mais il est important de repartir avec des interrogations”, a expliqué Philippe Sachet, directeur d’Itinéraires Bis, au début de la journée.

“La culture permet qu’une authentique personnalité se dégage de chaque individu et qu’il puisse participer à la vie citoyenne”. Christian Provost, vice-président du Conseil général, en charge de la culture et de la jeunesse et président d’Itinéraires Bis.

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sommairE p6 p12 p19 p22 dominiquE piErrE-yVEs michEl FizE Les adolescents : qui sont-ils ? que veulent-ils ?

p8 yann lEroux “Culture Geek”: une nouvelle forme de culture ?

p10 sylViE dE

braEkElEEr

L’exemple de Chatroom : quelles œuvres pour les adolescents d’aujourd’hui ?

bérody

Quelle place pour les adolescents dans le projet artistique d’une structure culturelle ?

p14 Guy

allouchEriE Quelle forme pour la rencontre entre artistes et adolescents dans le cadre scolaire ?

p16 patrick

lE doaré cathErinE maurisson Travailler sur le long terme : une condition de réussite ?

hEnry, nathaliE rialland, didiEr lamandé, Frank oGiEr Et mariE-linE nicolE

Comment mettre en place des résidences en milieu scolaire sur le territoire départemental ?

quEstions du public

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conclusion

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inFormations rElatiVEs aux intErVEnants

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rEssourcEs En liGnE


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lEs adolEscEnts : qui sont-ils ? quE VEulEnt-ils ? Michel Fize est sociologue au CNRS et spécialiste des questions de l’adolescence1. Un âge de la vie compliqué que la sociologie et les sciences humaines permettent de mieux comprendre. “L’adolescent”, un mot tronqué, auquel on préfère celui “d’ado”. Un terme “diffamatoire”, selon le sociologue, pour qui “l’adolescence est le seul âge de la vie que l’on se permet de raccourcir impunément”. Michel Fize regrette que le terme “adolescence” soit souvent mal utilisé : pas assez, là où il le devrait et trop, là où il ne le devrait plus. En effet, quinze ans marque un âge de rupture. L’Europe définit d’ailleurs la jeunesse comme la tranche des 15-25 ans, et n’utilise plus le mot adolescence. Alors, qui sont les adolescents aujourd’hui ?

dEs adolEscEnts plus JEunEs Le phénomène démarre avant la puberté. Les jeunes rentrent en adolescence à partir de 8-9 ans, quand ils commencent à avoir les comportements de leurs aînés, qu’ils soient positifs ou négatifs. Il n’y a pas de pré-adolescence : c’est un mot inventé et complètement inutile. Exemple : le drame du suicide de trois jeunes est relaté ainsi par la presse : “Une fillette de 9 ans et deux garçons de 10 et 11 ans se sont défenestrés”. C’est une erreur de langage. Dans leur cas, ils étaient déjà dans des démarches adolescentes.

dEs adolEscEnts moins ViEux L’idée commune de l’adolescence lui confère une existence interminable, qui commence à 10-12 ans et finit vers 25-30 ans. Michel Fize et d’autres chercheurs ont réalisé une étude à ce sujet, en partant du postulat que l’adolescence se terminait vers 18 ans : “Nous avons fait machine arrière”. A partir de 15 ans, les philosophies mentales des individus ne sont plus celles de l’adolescence, mais celles de futurs adultes. Exemple : la triche. Les plus tricheurs sont les plus adolescents. Il s’agit en majorité des collégiens”.


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la rEncontrE EntrE la culturE Et lEs adolEscEnts Pour qu’elle soit possible, Michel Fize évoque un préalable essentiel : une rencontre des adolescents et des adultes. Pour cela, débarrassons-nous des étiquettes et adoptons la notion de personne. “Ces ados et ces jeunes sont des gens à part entière, aussi normaux que tout être humain peut l’être. Ce sont des personnes imaginatives, créatives, heureuses de vivre (par définition), mais qui le seraient davantage si l’école, la société ou parfois la famille ne leur pourrissaient autant la vie. Le problème de l’adolescent, c’est l’adulte !". L’adolescent est en quête de confiance, de dialogue, d’autonomie, de sécurité, d’amour et d’espoir.

l’adolEscEncE Est unE culturE L’adolescence est en elle-même une culture. Il est important de ne pas confondre culture et pratiques culturelles. Par culture adolescente, on entend l’ensemble des langages écrits et oraux, des habitudes de vie, des usages, des représentations, des émotions et des compétences des adolescents. Cette culture est universelle et transcende toutes les frontières. Elle comprend trois dimensions : - un langage singulier, - une mise en scène de soi, - des goûts distinctifs des adultes.

Les adolescents s’inscrivent dans des courants culturels, mais en développent des nouveaux en permanence (ex : la tektonik). Ils fournissent des modèles à leurs jeunes pairs et des motifs de rejet pour les pères. Cette culture est également rayonnante : elle s’immisce sur le temps libre, le temps familial, l’école, etc… A priori, l’adolescent n’a aucun penchant particulier pour la culture adulte. Celle-ci est considérée comme de la haute culture, donc “snob et ennuyeuse”. Ils préfèrent la culture populaire : la leur. Les jeunes ont aboli la frontière entre le spectacle et l’action. Ils veulent être acteurs. Malgré tout, une expérience menée en Seine-Saint-Denis a montré que des jeunes que l’on amène vers la haute culture peuvent être attentifs et même émus. “La culture des adultes devrait être un droit pour les jeunes, qui doivent pouvoir s’ouvrir à d’autres cultures”. 1 Auteur, entre autres, de La Démocratie familiale : évolution des relations parents-adolescents, Le Peuple adolescent, Le Bonheur d’être adolescent, L’Adolescent est une personne (cf p.14)


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“culturE GEEk” unE nouVEllE FormE dE culturE ? Yann Leroux est psychologue clinicien et psychanalyste. Il s’intéresse à la dynamique des relations en ligne et aux mondes numériques, de plus en plus présents dans nos vies depuis le milieu du 20e siècle. Les réseaux sociaux, les mangas, les jeux vidéos, etc… constituent une partie des intérêts de ceux que l’on nomme les “geeks”, des adolescents bien souvent. Est-ce une nouvelle forme de culture ? Quelles sont les répercussions dans la construction identitaire des adolescents ? pEtitE histoirE du GEEk “Geek” vient du vieux mot anglais “geke” qui signifiait “sot” ou “fou”. En 1876, geek prend son orthographe actuelle, mais désigne un monstre de foire qui “égorge ou broie la tête de petits animaux avec les dents”. Plus tard, le mot désigne les étudiants plongés dans leurs livres ou leur passion, de façon obsessionnelle. Dans les années 1970, aux États-Unis, le mot prend son sens actuel, moins péjoratif. En 2008, David Peyron2 définit : “le terme geek désigne généralement tour à tour ou conjointement les passionnés d’informatique et de nouvelles technologies, de communication, ainsi que des mondes imaginaires et fantastiques de la science-fiction et de la fantasy”.

Le phénomène geek est souvent lié à une nature “peu généreuse” de ses représentants. Ils sont “binoclards ou boutonneux...” et très souvent isolés. Pour eux, la rencontre avec les autres est impossible, encore moins avec les membres du sexe opposé.

la culturE GEEk, unE culturE à part EntièrE Elle naît en même temps que l’informatique dans les années 1960. Les ordinateurs sont détournés de leur fonction première de calcul pour devenir des machines de jeux et de communication. Elle se caractérise par : - l’excès : de temps passé sur un sujet, de connaissances, de consommation d’objets touchant à sa passion. Exemple : Le geek peut investir tout son argent ou celui des autres dans quelque chose qui nous semble futile, mais qui lui sera indispensable. Il s’inscrit très bien dans la société libérale de consommation de masse. - le floutage des frontières : le geek fait des mélanges, expérimente l’assemblage d’idées, de matériaux a priori peu faits pour être réunis. Exemple : Le mélange des genres a permis aux geeks de créer le réseau internet ou le web 2.0. 2 Lors du Colloque scientifique Ludovia 2008. Doctorant allocataire en sciences de l’information et de la communication à Lyon III, David Peyron travaille sur le stéréotype du geek.


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parallèlEs EntrE lEs culturEs GEEk Et adolEscEntE Avec l’adolescence vient l’âge de la puberté. Pour faire face à ce nouveau mystère qui se passe en eux et déclenche moult passions, les geeks et les adolescents peuvent partager des traits communs : l’intellectualisation se traduit par l’apprentissage de langues dont le locuteur est sûr qu’elles ne seront pas comprises par les parents. Elle permet de maintenir à distance les pensées trop pulsionnelles en leur trouvant des explications logiques et rationnelles. la régression infantile apparaît dans l’intérêt porté aux objets de l’enfance. Ceux-ci sont également identifiés à des enfants, sur lesquels l’adolescent a autorité. l’ascétisme et l’élitisme : les choses doivent être dures, difficiles, ingrates mêmes (“No pain, no glory”). Une ingratitude qui reflète celle ressentie par les adolescents de la part de leurs proches, et inversement (“les ados sont ingrats !”). L’ascétisme tente également de maintenir le corps sous un contrôle strict.

la culture du groupe : la culture geek valorise des intérêts étranges pour le reste de la société. Elle offre aux individus des lieux où retrouver leurs semblables. La passion peut être partagée et n’est plus vécue dans la solitude, la culpabilité ou la honte.

“Le 21e siècle n’a pas changé magiquement les adolescents. Ceux d’aujourd’hui sont soumis aux mêmes exigences de travail psychique que ceux des générations précédentes, mais leur environnement est radicalement différent”.

la rEncontrE EntrE la culturE Et lEs adolEscEnts/GEEks “Non seulement la rencontre entre la culture et les geeks est possible, mais elle a déjà eu lieu. Elle a commencé dans les années 1920 avec des magazines qu’affectionnaient les adolescents de l’époque. Des jeunes experts de 15 ans y discutaient avec sérieux et passion de la question du voyage dans le temps. Les passionnés de science-fiction, plutôt bons élèves, mais dont l’intelligence est toute entière dévouée aux objets techniques, ont trouvé dans l’ordinateur l’outil parfait à l’exercice de leur passion. Autour de cet ordinateur, une nouvelle culture est née, puis un nouvel espace social, neutre et donc plus généreux : l’internet”. Yann Leroux pose deux nouvelles questions : Sommes-nous prêts à la rencontre avec les cultures numériques ? Les professionnels de l’enfance sont-ils prêts à prendre en compte dans leurs pratiques les bouleversements apportés par les cultures numériques ?


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l’ExEmplE dE chatroom : quEllEs œuVrEs pour lEs adolEscEnts d’auJourd’hui ? Sylvie De Braekeleer est professeur à l’Institut des Arts de Diffusion en Belgique et directrice du Théâtre Isocèle, qui s’intéresse aux écritures contemporaines à destination du jeune public. Elle est metteur en scène du spectacle Chatroom, qui rencontre un grand succès auprès des adolescents. Quelles sont les raisons de cette réussite ? Faut-il écrire particulièrement pour les adolescents ? La poésie, le cinéma d’auteur ou la sortie au théâtre ont-ils leur place dans la vie d’un adolescent d’aujourd’hui ? chatroom, l’histoirE Chatroom est une pièce de Enda Walsh. Dans un cyberespace, six ados se retrouvent sur un site de chat dont l’objet est la discussion de “sujets coriaces”. Quête d’une “cause” ou simple envie de partager ? Détresse ou jeu de pouvoir ? Cette comédie aux dialogues courts et rythmés plonge le spectateur dans une spirale de manipulations alimentée par l’ennui et la frustration de ces six adolescents… Deux d’entre eux se liguent pour pousser celui qui, de prime abord, semble plus faible, à commettre un acte irréparable.

l’idéE… Sylvie de Braekeleer a mis en scène cette pièce sans la “prévoir” pour des adolescents. Malgré tout, l’histoire traite de l’adolescence. Cela a permis à l’artiste et toute son équipe d’aller à la rencontre des jeunes, de mettre en place de nombreux moments d’échanges. Elle constate que l’adolescence est un âge métaphysique, où l’on s’ennuie beaucoup, où l’on a du temps pour se poser des questions sur le sens des choses. C’est un moment particulier de la construction identitaire. Les ados ont besoin d’être anticonformistes. Ils se méfient de ce qu’on leur propose et de ce que l’on pense être bien pour eux. Alors, comment les amener à la “haute culture” ? “Chatroom met en scène six adolescents. Enda Walsh est partie d’une réflexion sur le phénomène des suicides chez les jeunes, qui peuvent être liés à la manipulation via les chats sur internet. Ces six jeunes utilisent ces nouveaux moyens de communication. Mais je ne voulais pas leur jeter la pierre. Nous avons tous un bourreau en nous et la cruauté a toujours existé. Ce qui m’a intéressé, c’est de placer une matière universelle dans un contexte actuel”.


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pourquoi chatroom FonctionnE aVEc lEs ados ? Les acteurs sont vraiment crédibles en tant qu’ados. Le plus jeune a 24 ans, le plus âgé 34. Car quand un ado vient voir un adulte le singer, il rejette immédiatement ce qu’on lui propose. “Je devais avoir un grand respect des jeunes. L’auteur ne donne aucune caractéristique sur les personnages. J’ai trouvé intéressant de brouiller les pistes. Dans la pièce, celle qui est la plus “adulte” est celle qui a l’air le plus en révolte. Les jeunes peuvent s’identifier aux personnages”. Le texte est associé à des moments très vivants, bougés, qui collent avec cet âge d’énergie, d’action. Il y a un investissement physique des acteurs.

l’ouVErturE dEs culturEs Selon Sylvie de Braekeleer, l’enjeu est de savoir comment emmener les jeunes vers la culture historique ou contemporaine ? Mais aussi, quelle culture veut-on pour notre société ? Quelle place veut-on lui donner ? L’école ne devrait pas à avoir à emmener les enfants au musée, au théâtre. La perspective scolaire engendre de la méfiance. Bien sûr, la structure de l’école facilite l’organisation de découvertes culturelles, mais il est important qu’il y ait d’autres intermédiaires. La metteur en scène observe encore que les adolescents ont besoin d’action. Au théâtre, ils sont assis, immobiles. Cependant, s’ils ont été sensibilisés, s’ils ont expérimenté le théâtre, la peinture, la musique auparavant par des ateliers ou des rencontres et si on leur donne la possibilité d’être acteurs eux-mêmes, ils montrent plus d’intérêt et de respect. “La culture est indispensable. Trouver le chemin pour amener les adolescents dans une culture qui n’est pas forcément la leur, faire le lien entre eux et nous, entre leur culture et la nôtre… tout cela est indispensable si on veut rester dans des sociétés démocratiques où l’on n’est pas que consommateur”.


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quEllE placE pour lEs adolEscEnts dans lE proJEt artistiquE d’unE structurE culturEllE ? Dominique Bérody est délégué général jeunesse et décentralisation au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre National Dramatique (CND). Il présente son projet de résidence artistique en collège, inventé dans le cadre d’Odyssées en Yvelines, biennale de création théâtrale. Avant de se lancer, le théâtre s’est posé de nombreuses questions sur les adolescents et les mots à trouver pour les toucher. Comment leur parler, les considérer et les reconnaître ? Sartrouville, 50 000 habitants, est une ville pionnière en matière de théâtre, puisqu’elle a vu naître l’un des premiers théâtres de banlieue en 1966. A l’époque, l’idée d’un théâtre présentant des œuvres à partager plutôt qu’à vénérer émerge. Il tente d’inventer des chemins de partage. Un lien fort existe entre le théâtre et la population.

l’idéE d’unE résidEncE En collèGE Avant d’arriver à l’idée d’une résidence artistique auprès d’adolescents, plusieurs questions se sont posées. La première : comment un adolescent a-t-il accès à la culture ? Soit par les voies traditionnelles de l’action culturelle qui valorise la culture référencée, patrimoniale, héritée, soit par la culture mainstream (les autres voies), culture de l’industrie culturelle (internet, facebook, etc...). Est-ce une culture dévalorisée, qui n’émanciperait pas les individus pour autant ? Autre questionnement : faut-il écrire un répertoire spécifique pour les adolescents ? Non. “Il s’agirait alors d’un théâtre qui présuppose, qui saurait davantage que l’enfant lui-même ce qu’il est en mesure de recevoir. La pédagogie de l’œuvre serait déjà dans l’œuvre. Il faut penser les chemins d’accès indépendamment de l’œuvre et créer le désir au travers de démarches”. Par la résidence artistique en collège, le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines et la biennale Odyssées ont trouvé une démarche idéale. Elle interroge : - les moyens de production de l’œuvre, - la relation de l’artiste avec le lieu de sa résidence : le lieu physique et le lieu vivant, les gens qui le fréquentent, - la durée. Le facteur temps est essentiel pour créer de la complicité et de la connivence.


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un ExEmplE : la résidEncE dE paulinE salEs L’installation dans le collège est précédée d’une rencontre avec l’équipe pédagogique et le principal. Une commande d’écriture est passée à Pauline Sales, auteur contemporain et directrice du Préau, Centre Dramatique Régional de Vire, pour la biennale 2011. Pourquoi elle ? “Nous voulions inventer une manière de s’adresser aux ados. Nous avons cherché des auteurs qui ont envie de leur parler, mais sans changer leur propre langage”. Toute l’œuvre de Pauline Sales est traversée par les sujets du mensonge et de la vérité, de la façon dont on peut “inventer sa vie pour sortir de celle qu’on nous impose”. On retrouve la notion de passage propre à l’adolescence. L’œuvre ne doit pas durer plus de 55 minutes. Elle doit être jouée par un seul acteur, dans l’intimité de la classe, de façon à créer une émotion forte. Une première résidence de quatre semaines s’est déroulée dans un collège en mars 2010. Des classes à PAC3 se sont créées. Le metteur en scène et l’acteur se sont installés dans une salle de classe ordinaire. Chacun pouvait pousser la porte à tout moment. Des répétitions publiques ont été organisées. “Cela familiarise les élèves à la fabrication d’un spectacle. Nous avons commencé avec les 4èmes, passés en 3ème l’année suivante. Le temps de maturation est très important pour modifier le rapport des ados avec le théâtre”. La pièce se crée en prenant en compte les réactions des jeunes.

D’autre part, la biennale 2011 interroge les écritures du monde et les métissages culturels. Un travail commun entre Pauline Sales et un metteur en scène algérien, Kheireddine Lardjam, a été réalisé lors d’une résidence en trois temps : au collège des Yvelines, au Préau à Vire et à Oran en Algérie, pour “confronter les imaginaires adolescents”. Un blog, créé après une semaine passée à Oran, et Facebook, ont permis aux jeunes des deux pays de garder contact. “Il s’agit d’outils que nous utilisons pour ce qu’ils sont : des moyens au service d’un projet. Ce sont des modes complémentaires”. De la salive comme oxygène est née de ce travail de deux ans. Un acteur déboule dans une classe à la recherche de sa sœur. On ne sait pas s’il l’a rêvée, si elle existe vraiment. Il interpelle les élèves. “Comment tu t’appelles ?”. “Je peux te prendre ton portable ?”.

lE bilan L’expérience a très bien fonctionné. “La poétique de Pauline Sales a rencontré et révélé la poétique des adolescents”. La pièce allie émotion et action. De plus, la résidence a créé un climat de complicité. La parole des ados a été considérée comme juste et pertinente. Ils ont été associés au processus de création. Dans le même temps, des actions culturelles ont été menées et des rencontres organisées. A tous les niveaux, c’est un projet fédérateur. 3

Classes à Projet Artistique et Culturel


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quEllE FormE pour la rEncontrE EntrE artistEs Et adolEscEnts dans lE cadrE scolairE ? Guy Alloucherie est directeur artistique de la Cie Hendrick Van Der Zee (HVDZ), associée à la Base 11/19, ancien site minier et Scène Nationale de Loos-enGohelle. Il présente Les Instantanés, un projet de “portraits subjectifs” de lycées du Nord-Pasde-Calais. Une proposition fortement liée à l’histoire collective du lieu et au cheminement personnel de Guy Alloucherie. l’oriGinE Guy Alloucherie est installé à Loos-en-Gohelle depuis 10 ans sur cet ancien site minier : la base 11-19. Le lieu est resté en état après que les élus du Nord aient voulu garder une trace de la mémoire ouvrière. Il est porteur d’une histoire forte. On y sent la présence et le labeur des ouvriers. Le pari était d’y amener les gens des quartiers alentours. Dès 1998, année de création du lieu, les anciens ouvriers, ainsi que les habitants des cités ouvrières ont été associés à la re-création du site. Une historienne a été recrutée afin de collecter cette mémoire. Puis Chantal Lamarre, directrice de la Scène Nationale du bassin minier du Pas-de-Calais, a sollicité HVDZ, en tant que compagnie associée, pour investir et mettre en spectacle les témoignages collectés.

“Nous avons d’abord rencontré les anciens mineurs, leurs femmes, etc… La rencontre en elle-même était déjà artistique. (L’œuvre est-elle déjà dans la démarche ?). Nous avons échangé, écrit leurs témoignages. De tout ça, nous avons réussi à écrire une pièce. La confiance avait été acquise et les mineurs ont accepté de s’initier au théâtre”, raconte Guy Alloucherie, lui-même fils de mineur de fond. “Nous avons préparé quelque chose pour la fête de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs. Tous les gens des corons, les élus, plusieurs centaines de gens sont venus voir la pièce, finalement jouée trois fois”. Interrogés par l’intérêt porté pour cette culture non conventionnelle, presque “illégitime”, Guy Alloucherie, et l’un de ses collègues, Kader Baraka, lui aussi fils de mineur algérien, décident d’écrire une pièce de leur histoire, “pour essayer”. Elle sera jouée 200 à 250 fois. Alors poussé par l’envie d’aller plus loin dans l’ouverture, le directeur d’HVDZ s’intéresse à des formes artistiques autres que le théâtre : le cirque, la danse ou encore la vidéo. “Au fond, peu importe la forme. Tout peut servir un propos". Le propos, justement, le voilà : Chantal Lamarre sollicite à nouveau la compagnie pour mettre en place des veillées, dans l’idée d’approfondir la relation avec la population et les anciens mineurs. “Acteurs, acrobates du cirque, danseurs, vidéastes..., nous sommes sortis du 11/19 et sommes allés à la rencontre des habitants.


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Nous avons fait du porte-à-porte et demandé aux gens ce qu’était la culture pour eux. Au bout de quelques semaines, le soir de la veillée, tout était révélé dans un film”.

lEs instantanés, portraits dE lycéEs La Drac, Direction Régionale des Affaires Culturelles, entend parler des veillées. Elle demande à la compagnie de les transporter dans les lycées de la région. Le principe : intervenir dans le maximum de classes, poser des questions aux jeunes sur leur lycée, sur le monde, sur leur vie… L’idée est de faire des “portraits de lycées”. L’équipe va à la rencontre de tous, sans exception si possible. Des danseurs, des acrobates et d’autres artistes interviennent, n’importe où dans le lycée. Après une semaine, naît un film-spectacle de 30 à 40 minutes, chaque fois différent, diffusé 5 à 6 fois. Une occasion pour tous de regarder leur lycée autrement. “Pour nous, l’objectif est de mettre en valeur les gens !”.

lEs instantanés, ExEmplE dE Film-spEctaclE L’équipe d’HVDZ va à la rencontre des lycéens, en travaillant beaucoup sur la litanie et le portrait chinois : il paraît qu’Antigone est arrivée au lycée et qu’elle est un peu rebelle. L’avez-vous croisé ? Les réactions mêlent humour et sagesse.

“C’est qui Antigone ? Une fille… Ah non, un mec… Je crois qu’il a composé des musiques…Henri Salvador s’est beaucoup inspiré d’Antigone… C’est une tragédie… Antigone est le personnage même de la rébellion… Elle tue ses frères… Pour moi, elle est la subversion…”. Après quelques extraits du texte joués par les jeunes, plusieurs questions leur sont posées : que représente pour vous être du bassin minier ? Que changerais-tu dans ton lycée ? Que changerais-tu dans le monde ? Spontanéité et honnêteté caractérisent les réponses. Puis, les adolescents donnent la réplique à un acteur. Le burlesque du dialogue n’empêche pas l’investissement des jeunes acteurs.


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traVaillEr sur lE lonG tErmE : unE condition dE la réussitE ? Patrick Le Doaré est chorégraphe, installé à Quimper depuis 1987. Christine Maurisson est principale du collège PierreStéphan de Briec-de-l’Odet. Ensemble, ils ont mis en place un jumelage de trois ans entre la compagnie de l’artiste et l’établissement. Un travail sur le long terme qui a permis d’ouvrir des portes depuis longtemps fermées. L’expérience, toujours en cours, est au milieu de la troisième année. Tout commence par la volonté de l’Inspection académique et du Conseil général du Finistère de faciliter un “jumelage” entre un collège et une compagnie artistique. Les conditions sont : une durée de 3 ans, un projet qui doit concerner TOUS les élèves et sa validation, tous les ans, par une commission composée de représentants des deux institutions. Patrick Le Doaré articule son travail autour de l’écriture en mouvement. “C’est en fait un autre nom pour la danse contemporaine. Mais la notion d’écriture est très importante, car nous demandons aux gens de travailler sur le sens et l’intention de geste dans le corps. Nous voulons changer le regard des enfants et des adultes sur le mot Danse”.

lEs témoiGnaGEs Un film donne la parole aux élèves, professeurs et parents d’élèves du collège. Tous racontent ce qu’ils ont vécu au cours de la seconde année du jumelage. Cela concerne deux projets menés avec les 6e et les 4e. Les collégiens : “Nous avons découvert des personnalités, des personnes qu’on n’imaginait pas faire tout ça. Cette expérience nous a fait travailler ensemble. On a pris en maturité d’une certaine manière”. Les parents d’élèves : “Il y avait beaucoup d’émotion à voir nos enfants évoluer sur scène”. Une maman confirme : “J’étais très fière de ma fille car elle est plutôt réservée en général”. Une autre : “Ça été le point positif dans une année difficile. Ça a fait du bien à mon fils et à la famille”. Les enseignants (français et sport) : “Ça a été une année complètement différente des autres. Elle a changé notre relation aux élèves. Eux aussi, puisqu’ils se sont beaucoup plus intéressés au contenu des cours”. Pour le professeur de sport, “dans mon travail, le corps est toujours en mouvement. Mais cette année a apporté une nouvelle approche du corps. Ce qui m’a le plus marqué est l’engagement des gamins au moment où ils passent sur scène. C’est surprenant, surtout quand on sait d’où ils viennent. Il y a eu un grand chemin parcouru et ça, c’est émouvant”.


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Aux questions “qu’est-ce que les enfants ont apprécié ?” et “qu’est-il ressorti de cette année ?”, les professeurs répondent : “Ils ont aimé travailler ensemble. Et puis, ça leur apporte collectivement un rapport au corps différent et nouveau. Leur rapport à l’enseignant change également. Comme si, en se regardant eux-mêmes, ils se voyaient différemment. Ils s’acceptent mieux. Pour eux, c’est encore difficile à verbaliser. Ça viendra plus tard. Et, bien sûr, ils en retirent une sensibilité artistique”.

lE JumElaGE “Le point de départ a été de s’accorder sur ce que nous voulions faire et comment” explique Catherine Maurisson. “Je souhaitais faire entrer du beau dans le collège, mais j’avais peur d’un jumelage avec une structure qui présenterait uniquement des spectacles. Je voulais que les enfants soient acteurs". Puis, il a fallu mobiliser tous les enseignants, ainsi que les parents. Enfin, il fallait que tous les enfants bénéficient de ce jumelage. “C’est une co-construction”, explique Patrick Le Doaré. “Il faut comprendre à quoi notre présence nous sert, nous, artistes : comment les enseignants s’y retrouvent, ce que les enfants en retirent. Nous avons aussi été attentifs aux liens du collège avec l’ensemble du territoire”.

La première année, des interventions ont eu lieu dans toutes les classes, dans le temps du cours (50 mn), afin de sensibiliser les élèves au mouvement. L’ensemble du collège s’est ainsi senti concerné, les élèves comme les enseignants. Une amorce très importante puisque les professeurs ont demandé à avoir leur propre atelier. Celui-ci a rencontré un vif succès. En parallèle, des œuvres de la compagnie ont été présentées à l’intérieur et à l’extérieur du collège. Les élèves ont rencontré de nombreux artistes. La deuxième année, s’ajoute la création de deux spectacles. Une classe de 4e, menée par son professeur de français, travaille sur le thème du portrait de famille. En classe, ils écrivent des textes à partir de photos personnelles. Patrick Le Doaré reprend l’idée pour les faire danser. Les photos sont projetées lors du spectacle. Avec la classe de 6e, la compagnie s’appuie sur le thème annuel des contes merveilleux, autour de Princesse Mononoké4. Les professeurs, notamment d’arts plastiques, ont été mis à contribution. 4

Princesse Mononoké est un film d’animation japonais de Hayao Miyazaki, sorti en 1997.


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La troisième année, le collège et la compagnie ont voulu ancrer le projet dans le territoire. L’idée est de faire monter sur scène élèves et parents d’élèves, avec pour objectif de les amener à l’écriture. Le travail avec les élèves a commencé en octobre 2010 autour du thème de “la chaise”, également abordé en arts plastiques et en français. En janvier 2011, l’atelier adultes est organisé. Vingt-deux personnes de tous horizons y participent, en soirée, hors du collège et sans leurs enfants. “Nous n’aurions pas pu faire ça la première année. Les gens ont eu confiance. Ils ont vu que le collège était ancré dans le territoire. Tout ça va aboutir à quelque chose de commun”.

un prEmiEr bilan Patrick Le Doaré a l’habitude de travailler avec des établissements scolaires. Pour lui, “l’organisation d’un collège est tellement carrée qu’il est difficile de faire bouger les choses. Il faut une grande confiance. Nous y sommes arrivés tout doucement. Cela nous a permis de nous adapter rapidement, d’avoir des marges de manœuvre, de faire intervenir d’autres artistes, parfois au pied levé”. D’autre part, “entrer dans un collège, c’est entrer en relation directe avec le quidam, l’habitant, les gens… C’est une VRAIE relation, fondamentale, qui nourrit les artistes et leur recherche”. Pour Catherine Maurisson, le bilan de fin d’année est un temps très important, car “nous n’avions pas tout prévu. Comme le regard des artistes sur les adolescents, qui nous a beaucoup nourri et permis de nous repositionner. De plus, nous avions sous-estimé le lien que la présence des artistes créerait dans l’établissement, le sentiment d’appartenance autour de quelque chose de différent et fort. Ce qu’on fait cette année fonctionne uniquement parce que c’est la continuité des deux années précédentes”.


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commEnt mEttrE En placE dEs résidEncEs En miliEu scolairE sur lE tErritoirE départEmEntal ? résidEncE dE la compaGniE attEntion FraGilE Pierre-Yves Henry est responsable du centre culturel du Quai des rêves à Lamballe. Nathalie Rialland est documentaliste au lycée Henri-Avril. Celui-ci accueille, à partir du mois de mars 2011, Gilles Cailleau de la Compagnie Attention Fragile. Une résidence un peu exceptionnelle puisqu’elle est effective 24h/24. Un projet mûri de longue date, dans le prolongement des liens déjà tissés entre les divers acteurs, le Quai des Rêves, le lycée Henri Avril et Itinéraires Bis. Les attentes de chacun sont différentes, mais convergent vers une même envie : la rencontre. Du point du vue du Quai des Rêves, cette résidence repose sur trois aspects : La structure a huit ans et l’envie de se tourner vers l’extérieur, de toucher d’autres partenaires. La proximité du lycée, en face de la salle de spectacle, a déjà permis la mise en place de rencontres et d’ateliers. Depuis plusieurs années, le Quai des Rêves accueille, une fois par an, les premières L du lycée en résidence, pour la création d’une pièce avec une compagnie professionnelle.

La Compagnie Attention Fragile a été accueillie plusieurs fois à Lamballe, notamment avec son spectacle Le Tour complet du cœur.

Pour le lycée, la résidence est très intéressante. C’est l’occasion de confirmer les liens tissés avec le Quai des rêves depuis plusieurs années. La section littéraire a notamment été revalorisée grâce au théâtre. Une des missions de l’école est l’ouverture aux arts et à la culture (Projet académique 2011-2015) : ouverture au sens large ; ouverture en côtoyant l’environnement immédiat de l’établissement ; abandon des cloisonnements que met en place l’univers scolaire ; séparation entre les disciplines scolaires ; champs de la culture intégrés dans les pratiques quotidiennes. Le lycée de Lamballe y a ajouté l’ouverture sur la vie locale. Désireux de permettre la rencontre entre les jeunes du lycée et les artistes, Itinéraires Bis soutient la compagnie en création dans le cadre de cette résidence et s’attache à rendre possible un important travail de médiation. La résidence Le projet de spectacle de la Compagnie Attention Fragile, Gilles et Bérénice, tourne autour de Bérénice, la pièce de Racine, que Gilles Cailleau a transposée dans un langage plus moderne. “L’histoire reste celle de trois ados confrontés à un monde bien trop dur pour eux : celui des empereurs et du pouvoir. Ils se heurtent à de nombreux choix et aux premières désillusions”, explique Pierre-Yves Henry.


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La compagnie plante son chapiteau au lycée. Elle sera présente 24h/24. Nomade, elle pourra se déplacer dans l’établissement. Le travail de Gilles Cailleau dans cette résidence s’articule autour de la question du partage, plutôt que de la transmission. Des temps de rencontre sont prévus, mais les enseignants jouent également le jeu de se faire déranger lors de moments improvisés. Il y aura donc des temps formels et informels. Les moments de rencontre ne seront pas enfermés dans un cadre systématique. Des petits déjeuners communs avec la compagnie et les internes du lycée sont programmés. L’établissement ouvrira également ses portes sur l’extérieur en accueillant des conférences et ateliers en son sein. Gilles Cailleau prévoit un déjeuner sur l’herbe dans le chapiteau, ouvert à tous. Enfin, le spectacle sera présenté au lycée en avril. Les attentes “Le théâtre vient à l’école, et pas l’inverse. C’est l’occasion de toucher un public différent. Les élèves suivent un enseignement de machinisme agricole. En général, l’évocation du théâtre provoque plus un rejet qu’une ouverture. Nous souhaitons que l’observation des artistes et le fait de les voir faire et construire les amène à casser ces préjugés. Ce sont les mêmes élèves que l’on retrouve en internat, pour les petits déjeuners. L’enjeu est celui d’une rencontre artistique et culturelle, mais avant tout d’une rencontre humaine. Gilles Cailleau partage cette envie d’échanges et de rencontres. Son

projet est en réelle adéquation avec le nôtre. Impliquer les enseignants dans des choses improvisées est également un vrai pari. L’autre enjeu est celui de l’interpénétration des disciplines et des publics grâce au spectacle présenté au lycée”.

résidEncE dE laurEnt duthion Au sein d’Itinéraires Bis, Didier Lamandé est responsable et programmateur de la Galerie départementale du Dourven à TrédrezLocquémeau. Au lycée Félix-Le-Dantec à Lannion, Franck Ogier est proviseur et Marie-Line Nicole, professeur d’arts plastiques et conseillère-relais de la galerie. S’ils ont l’habitude de travailler ensemble, ils organisent pour la première fois la résidence d’un artiste plasticien, Laurent Duthion, au sein du lycée. Félix-le-Dantec est un lycée de 1900 élèves, avec beaucoup de moyens. Il est très bien placé dans une ville avec une offre culturelle importante. Pour Franck Ogier, “faire entrer des artistes dans un établissement, c’est faire toucher la création aux élèves. Peut-être cela peut leur donner l’envie d’oser, d’être pleinement eux-mêmes”. L’occasion également de faire du lien entre les enseignants et fédérer les énergies.


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La résidence Laurent Duthion est un artiste plasticien contemporain de Rennes. Sollicité par Didier Lamandé, il est en résidence au lycée à Lannion pendant un mois. Il y crée une œuvre. Pour lui, “l’intérêt était d’entrer dans un lycée qui enseigne l’optique et la robotique. Il peut avoir accès à un robot qui lui est utile dans la création de son œuvre”. Celle-ci sera présentée à la fin de l’année sous forme d’une performance. Les élèves ont accès au travail de l’artiste, observent sa démarche et sa recherche. Ses intérêts Pour Marie-Line Nicole, les professeurs d’arts plastiques ont, dans leur enseignement, une contrainte énorme : l’absence physique des œuvres. “Au mieux, nous étudions des œuvres projetées sur des diapositives en couleur. Nous devons trouver comment créer les conditions de notre enseignement. Partout où j’ai travaillé, j’ai cherché l’endroit où j’allais pouvoir rencontrer l’œuvre. A Lannion, les élèves voient toutes les expositions de la galerie du Dourven et rencontrent souvent les artistes. Avec cette résidence, l’artiste vient directement dans mes cours. Il me forme moi, car je l’observe dans sa démarche. Mais mes élèves le voient au même moment. Les élèves et moi-même pensons ensemble la construction du cours. Nous sommes dans l’œuvre et c’est essentiel”.

Les premiers résultats Dans ces conditions, très vite, les élèves sont “mordus” d’arts plastiques : “les élèves sont étonnamment investis. Nous travaillons en atelier avec des matériaux surprenants pour eux. Et puis, nous voyons des élèves en grandes difficultés scolaires construire des démarches plastiques réputées difficiles”.

la GalEriE départEmEntalE du dourVEn La galerie du Dourven, 300 m2, est une ancienne maison d’habitation, aménagée en 1992 en lieu d’exposition. Elle dispose d’une véranda qui entoure la moitié du bâtiment, s’ouvre sur un espace naturel départemental de 7 hectares et une vue imprenable sur la mer. La galerie, gérée par Itinéraires Bis, avec le soutien du Conseil général des Côtes d’Armor, du Conseil régional de Bretagne et de la DRAC Bretagne, présente l’actualité de l’art contemporain et est un lieu d’aide à la création. Elle met ses locaux à disposition des artistes et les invite à s’inspirer du lieu. “L’objectif de la galerie est de questionner la galerie d’exposition comme medium. Certains de nos visiteurs n’ont jamais mis les pieds dans une galerie”, explique Didier Lamandé


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lEs quEstions du public


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Chez moi, l’élu ne vient pas aux spectacles. Ça ne l’intéresse pas. Comment y remédier ? Dominique Bérody L’élu doit comprendre que l’image de sa ville est plus valorisante si elle passe par le dynamisme de son théâtre que par des querelles politiques, des émeutes, etc. J’ai vécu une expérience dans la ville de Saint-Denis, au moment des émeutes de 1995. Nous avions mis beaucoup de dispositifs en place. Puis, le directeur a changé et tout s’est arrêté. La continuité nous a manqué crument. On s’est senti laissés pour compte. Dominique Bérody Effectivement, les actions culturelles menées dépendent beaucoup des personnes. C’est souvent plus facile de rester dans la continuité quand la population est derrière. Son poids est important dans une politique culturelle. Le jour où il n’y a plus de public dans un festival, le festival meurt. C’est aussi de l’argent public. Il faut qu’il retourne au public qui l’a “financé". En ce qui nous concerne, 60% de la diffusion de la biennale se fait dans les villages de moins de 10 000 habitants, là où il n’y a pas de théâtre. Mon petit-fils de 15 ans passe beaucoup de temps sur Internet. J’ai peur qu’il puisse être influencé, entraîné à dériver. Comment éviter cela ? Yann Leroux C’est toujours intéressant pour un adolescent d’avoir un parent qui pense à lui. Sur internet, comme en dehors, on peut être influencé d’une façon ou d’une autre. Le danger entraîné par ses navigations sur le net dépend de l’espace de parole qui lui est laissé dans la famille. Plus l’espace de parole est ouvert, plus il a l’impression qu’il peut parler de ce qui se passe sur internet sans susciter des haussements d’épaules ou de réprobation, alors moindres seront les effets négatifs.

Les films comme Orange mécanique ou Soleil vert, dans lesquels les musiques de Beethoven étaient prépondérantes, ont emmené beaucoup d’adolescents vers la musique classique. Peut-on faciliter l’interpénétration, l’accès à des choses qui semblent interdites aux ados par des intermédiaires auxquels on n’aurait pas forcément pensé ? Yann Leroux Il n’y a pas de bonne ou mauvaise culture. Les adolescents sont des êtres humains, des êtres de culture. Même quand ils regardent une débilité à la télé, il en sort de la culture. On ne peut pas prévoir ce qui va en sortir. Nous pourrions apprendre des ados plutôt qu’essayer de tout leur apprendre. Sylvie de Braekeleer La culture des adolescents est très horizontale, transversale. Je pense que pour sa construction individuelle, chaque citoyen doit aussi avoir une culture verticale (celle qui est héritée de nos parents, nos racines...). La culture est ce qui relie les gens dans une société. On y arrivera avec les ados, mais pas en leur apprenant, plutôt en échangeant. Il faut les inviter à découvrir d’autres choses, sans dire “on va te montrer la belle culture” ou “il faut aimer ça”. De plus, les sensibilités de chacun sont différentes. Il ne faudrait pas que tout le monde aime la même chose.


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On parle de l’adolescence de manière très générale. Or il existe des différences de classes sociales. Tout le monde n’a pas la même approche de la culture. Certaines personnes communiquent difficilement entre elles. Il n’y a pas une seule et unique adolescence. Les choses sont vécues différemment en fonction des moyens et du système.

Professeur d’éducation socioculturelle dans un établissement d’enseignement agricole, je cherche mon positionnement. Pour les ados, je suis adulte, donc à craindre. Comment m’intéresser à eux et à leur culture sans exagérer, tout en gardant ma propre culture et sans perdre ma crédibilité auprès de mes collègues?

Michel Fize Il y a une dynamique adolescente, qui se décline évidemment différemment d’un milieu à un autre, sans qu’il y ait forcément une différence de nature. Les situations et les milieux sociaux sont particuliers, mais n’entraînent pas de handicap par rapport à l’émotion. C’est même presque l’inverse. Ceux que l’on peut convaincre le plus d’aller vers d’autres cultures sont ceux des milieux populaires. L’émotion, c’est important. Elle est souvent plus facile à créer avec des jeunes de milieux défavorisés.

Michel Fize Vous avez une double opportunité positive, parce que vous n’êtes ni prof de maths ni de français et que votre seul questionnement est celui d’aller vers eux. Il ne faut pas confondre connaissance et adhésion. Il faut connaître leur culture pour ne pas tomber des nues. On peut aussi tomber amoureux de la culture adolescente.

Yann Leroux Dans le processus de subjectivation, il existe trois grandes cartes : ce que l’on est, le milieu social dans lequel on vit et enfin la façon dont chacun peut jouer ces cartes. Certaines personnes ont un jeu très pauvre et les jouent parfaitement. Ces jeux sont inconscients. Aujourd’hui, nous parlons bien de réalisation personnelle et pas de réussite financière ou sociale.

Certains élèves n’ont aucune orthographe et les recherches sur internet sont extrêmement compliquées. Avant d’atteindre l’intertextualité, il y a la question de la maîtrise du texte. Yann Leroux C’est l’occasion de travailler avec eux sur le fait qu’écrire d’une certaine façon ne permet pas d’être compris, même par google. On peut s’appuyer sur le fait qu’internet est une zone libre de toute culpabilité. Certains adolescents ont été maltraités avec la langue française. Les adultes sont sans cesse sur leur dos, “pour leur bien”. Si un jeune passe 15 heures à lire Proust, il sera considéré comme un génie, alors qu’il est déjà peut-être entré dans un processus pathologique. Nos sociétés sont vieillissantes et l’on est en train de considérer les jeunes comme gênants. Il nous faut accepter de vieillir et d’être au contact de jeunes au début de leur vie.


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Nous sommes actuellement dans un monde pensé par le marketing. Vous parlez d’une culture ado. N’est-ce pas plutôt une culture adulte pensée pour les ados ? A quel moment fait-on le tri entre ce qu’ils ont choisi, ce qui émane d’eux et ce qui a été décidé pour eux ? Yann Leroux Il y a un mélange entre ce qu’ils décident et ce qu’on décide pour eux. Les grandes marques américaines vont s’inspirer dans les cités de ce qui est “in”. Il faut compter sur la réactivité des ados pour tout détourner. L’avantage du réseau est que le combat se fait à armes égales. C’est pourquoi je préfère un réseau ouvert dans lequel on peut essayer des choses, parce que ça nous met hors de portée des majors. Une résidence peut-elle s’installer ailleurs que dans le cadre de l’école ? Martine Cécillon, Conseillère à l’éducation artistique et culturelle à la Drac Bretagne La région soutient les résidences des communes et des associations. Il existe plusieurs sortes de résidences : les résidences de création pure (artiste payé pour créer), les résidences de diffusion (créer et diffuser), les résidences territoriales. En ce qui concerne les résidences scolaires, elles peuvent se dérouler dans n’importe quel espace scolaire. Elles existent depuis longtemps mais sont désormais cadrées par une circulaire, sortie en juin 2010, conjointe aux deux ministères culture et éducation nationale. Il est fondamental qu’il y ait un médiateur (une structure culturelle) entre les artistes et l’équipe pédagogique. Ce sont deux milieux différents avec des langages spécifiques.

Comment se passe l’évaluation des financeurs ? Philippe Sachet L’évaluation est difficile car elle est très subjective. On peut certes quantifier et analyser les actions développées, et il faut le faire, mais on ne peut pas prévoir quoi, quand et comment ce que l’on met en place à destination d’un jeune déclenchera quelque chose chez lui. Le déclic s’il a lieu ne se produit pas toujours à l’instant T. Franck Ogier Pas de souci à ce niveau, tant que l’on respecte les programmes et les heures. Didier Lamandé L’évaluation est contractualisée sous forme de bilan.


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concl Cette journée a permis d’apporter des fragments de réponses quant à l’essence et la nature adolescentes. De l’avis de la majorité, les grands problèmes de cet âge sensible sont dus au manque de lien, de reconnaissance d’identité et de valeurs. Alors comment faire comprendre aux adolescents que l’on considère la culture qui est en eux, qui leur est propre, et que l’on est également là pour leur transmettre une culture qui les a précédés ? Les nombreuses expériences présentées lors du colloque se sont révélées être en lien avec le milieu scolaire. Pour Sylvie de Braekeleer, “imposer la culture à l’école parce qu’on y voit un gage de réussite scolaire est une grave erreur. L’important est de susciter l’émotion artistique. En tant qu’être humain, j’ai envie de partager de l’émotion sans dire que ma culture est la meilleure”. De nombreuses questions ont été posées. Certaines ont trouvé des réponses, d’autres pas encore : Qu’est-ce que la culture légitime ? L’est-elle vraiment ? Est-ce que je reste crédible si je m’en éloigne ? La culture mainstream est-elle une culture dévalorisée ? Emancipe-t-elle les individus ? Sommes-nous prêts à la rencontre avec les cultures numériques ? Les professionnels de l’enfance sont-ils prêts à prendre en compte dans leurs pratiques les bouleversements apportés par les cultures numériques ?

Comment les adolescents ont-ils accès à la culture ? Comment les emmener vers la culture historique ou contemporaine ? Faut-il écrire un répertoire spécifique pour les adolescents ? La démarche ne fait-elle pas déjà l’œuvre ?

L’évaluation est-elle nécessaire ?

réFlExions / désaccords Pour Michel Fize, l’adolescence n’est pas conditionnée par la puberté. Elle commence avant. Pour Yann Leroux, la puberté et la sexualité sont des conditions sine qua non de la définition de l’adolescence, puisque le comportement des ados/geek envers les autres est dicté, entre autres, par un malaise engendré par les changements physiques. Attention à ne pas oublier qu’au collège ou au lycée, la culture est déjà présente. Elle passe aussi par les enseignants qui la font entrer tous les jours dans l’établissement. Le fait qu’il n’y ait pas de bonne ou mauvaise culture fait l’unanimité. Michel Fize nuance : “malgré tout, il existe une culture patrimoniale importante”. Pour Yann Leroux, la tendance est un peu trop à dire que “le rap, c’est bien, mais tout de même Beethoven, ça, c’est de la vraie musique !”. Les passerelles culturelles et les manières d’atteindre les adolescents ne passent pas seulement par l’école. Les jeunes sont aussi ailleurs.


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lusion Témoignage Beaucoup d’associations travaillent avec les jeunes, en coopération avec des artistes (MJC, Fol...). Il est important de favoriser et d’approfondir les rencontres entre artistes et jeunes en dehors de l’école car il s’agit parfois de structures en danger. On ne fait pas primer la démarche en tant que telle. Le produit fini n’est pas essentiel. Pour nous, le plus important est la rencontre avec l’artiste et les choses qui se passent entre les jeunes. La question de l’ouverture d’un débat autour du même thème mais en lien avec le temps extra scolaire a été soulevée, voire souhaitée. Seul temps obligatoire pour les jeunes jusqu’à 16 ans, l’école est un temps repéré qui favorise la démocratisation de l’accès à la culture. Le collège ou le lycée sont des partenaires solides qui facilitent la mise à disposition de fonds nationaux. Cependant, il est important de développer des temps de spectacles, de rencontres artistiques hors cadre scolaire. Une partie des participants au colloque travaille en dehors de l’école et aimerait un temps de réflexion sur les enjeux de leurs métiers. L’évaluation des expériences mises en place auprès d’adolescents est difficile, au regard de nombreuses choses qui échappent à l’observateur et qui ne sont pas quantifiables. Mais la discipline artistique ne la rend pas impossible. Il est nécessaire de pouvoir mettre en évidence une plus-value,

pour avoir une crédibilité, une continuité et des financements. Il faut savoir déterminer, évaluer et défendre des projets qui tiennent la route plus que d’autres. Une expérience artistique ou de résidence peut changer le regard des jeunes sur l’apprentissage. Ils découvrent la rigueur de l’artiste dans son travail. Ce contact avec un processus d’apprentissage peut être utile à une meilleure insertion professionnelle. Témoignage La formation d’animateur apprend à fixer des objectifs de départs, qui se penchent sur le bien être des jeunes. L’évaluation des objectifs a lieu au début, au milieu et à la fin du projet. On réalise des évaluations avec les participants sur ce qu’ils ont vécu. Ils sont acteurs. Eux aussi savent qu’ils ont un objectif. “Accéder à la culture est aussi important que d’apprendre à lire et à écrire”. Dominique Bérody


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inFormations

rElatiVEs

aux intErVEnants

michEl FizE yann lEroux sylViE dE braEkElEEr dominiquE bérody Guy allouchEriE patrick lE doaré


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michEl FizE Le Deuxième Homme Les Presses de la Renaissance, Paris, 2002 Ne m’appelez plus jamais crise ! parler de l’adolescence autrement, Éditions ERES, 2003 Les Pièges de la mixité scolaire Les Presses de la Renaissance, Paris, 2003

Chercheur au CNRS (Centre d’ethnologie française), il est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes des questions concernant l’adolescence, la famille et la jeunesse, sujets sur lesquels il est régulièrement consulté par les instances politiques. Il a été l’un des animateurs de la Consultation nationale des jeunes, lancée par Édouard Balladur en 1994, et membre du cabinet de Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports de 1997 à 1998. Il est régulièrement sollicité par les médias et est l’auteur de nombreux ouvrages. Bibliographie La Démocratie familiale : évolution des relations parents-adolescents Les Presses de la Renaissance, Paris, 1990 Les Bandes, l’entre soi adolescent Desclée de Brouwer, 1993 Le Peuple adolescent Julliard, 1994 Génération courage, les lettres des jeunes Français au Premier Ministre Julliard, 1995 Adolescence en crise ? Vers le droit à la reconnaissance sociale Hachette Éducation, 1998 À mort la famille ! Plaidoyer pour l’enfant Éditions ERES, 2000

Les Interdits fondements de la liberté Les Presses de la Renaissance, Paris, 2004 Le Bonheur d’être adolescent (avec Marie Cipriani-Crauste), Éditions ERES, 2005 L’Adolescent est une personne Le Seuil, Paris, 2006 Mais qu’est-ce qui passe par la tête des méchants ? Les Éditions de l’Homme, Montréal, 2006 Le Livre noir de la Jeunesse Les Presses de la Renaissance, Paris, 2007 Les Menteurs Les Editions de l’Homme, Montréal, 2007 Père et fils Les Editions de l’Homme, Montréal, 2009 Faîtes l’humour, pas la gueule, Les Editions de l’Homme, Montréal, 2009 Manuel illustré à l’usage des adolescents qui ont des parents difficiles, Editions du Temps, 2009 Antimanuel d’adolescence Editions de l’Homme, Montréal, 2009 L’individualisme démocratique : les défis de la démocratie participative Ed. L’œuvre, Paris, 2010 L’adolescence pour les NULS Ed. First, Paris, 2010 Les Nouvelles adolescentes, Armand Colin, Paris, 2010


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yann lEroux Son axe de travail principal est la groupalité sur Internet : comment se forme-t-elle ? Quels en sont les dynamiques ? Sont-elles similaires à celles des groupes hors-ligne ?

On ne présente plus vraiment Yann Leroux sur internet, parce qu’il est l’un des rares psychanalystes à twitter et à avoir un blog. Psychologue clinicien, psychanalyste, membre de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, joueur invétéré, Yann Leroux s’intéresse au virtuel et à la culture geek depuis qu’il est tombé dedans.

Son travail porte également sur la matière-première web : l’histoire de l’Internet : qu’est ce que l’Internet apporte de nouveau à la culture ? L’ère numérique nous mène-t-elle à une nouvelle phase de l’humanité ? la matière web et ses dispositifs : jusqu’à présent le monde a été pensé en s’appuyant sur deux matières : le tissu et le papier. Quelles sont les similitudes et les différences entre ces matières et le web ? les interactions en ligne, l’identité dans le cyberespace

A cela s’ajoute un intérêt pour les jeux vidéos et son utilisation thérapeutique. Les jeux vidéos concourent-ils à un abrasement de l’imaginaire ? Sont-ils une aide aux processus de pensée ? Offrent-ils des voies de dégagement ou des impasses ? http://www.psyetgeek.com/me


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sylViE dE braEkElEEr Elle affine sa recherche et met au point une méthodologie personnelle basée sur le mouvement. Elle commence dès lors à animer de nombreux stages de formation.

Directrice du Théâtre Isocèle, professeur à l’Institut des Arts de Diffusion en Belgique et metteur en scène du spectacle Chatroom, qui porte une attention particulière aux écritures contemporaines à destination du jeune public et des adolescents. Sylvie de Braekeleer est née en 1959 à Léopoldville (Congo). Études de théâtre à l’Institut des Arts de la Diffusion (I.A.D) en Belgique de 1980 à 1984. Elle passe une première saison à l’Atelier Théâtral de Louvainla-Neuve (sous la direction d’Armand Delcampe) en tant que comédienne, assistante à la mise en scène et régisseuse de plateau. Elle entreprend très vite une recherche personnelle autour du jeu de l’acteur et une réflexion sur le théâtre contemporain. Après un parcours comme comédienne dans diverses compagnies tant en Belgique qu’en France, elle décide de passer à la mise en scène (Mado spectacle coécrit avec Marie-Paule Kumps, primé par la Commission communautaire française - COCOF).

En 1988, elle crée sa propre compagnie avec Michel Bernard “La Manufacture-Théâtre”. Elle y crée des spectacles très physiques (Boulevard of Broken Dreams, Delenda) ainsi qu’une série de spectacles à partir de textes non dramatiques : Lorsque la mer se retire, tryptique sur l’écriture et la folie (textes de Malcolm Lowry, Eric Fierenz et Louis Althusser), Noises, l’illusion de la fin (d’après Tchekhov et Jean Baudrillard). Dès 1989, elle rejoint le Théâtre Isocèle, une importante compagnie jeune public où elle écrit et met en scène de très nombreux spectacles souvent primés. Citons entre autres Monsieur Pavel, Sous le chapeau d’Henri, La dernière fée, L’anniversaire d’Eva. Depuis 1997, elle dirige cette compagnie qui est sous contrat d’agrément quadriannuel. Dans cecadre, elle a été plusieurs années membre actif du Conseil d’Administration de la Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse. Sylvie de Braekeleer est également professeur d’interprétation dramatique et de mise en scène à l’I.A.D. depuis 1996 où elle porte une attention toute particulière aux textes contemporains. Depuis 2006, elle a notamment mis en scène Black Milk de Vassili Sigarev, Quelques-unes de Neil LaBute et Chatroom d’Enda Walsh.


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dominiquE bérody Auteur Théâtres et enfance : l’émergence d’un répertoire, Théâtre aujourd’hui n°9 SCEREN (CNDP). 2003 Le répertoire jeune public en question, Publication de l’association ANETH Jeune public en France, Chroniques de l’AFAA, La Documentation française. 1998 Dominique Bérody est Délégué Général Jeunesse et Décentralisation en Yvelines au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines Centre Dramatique National. Il est également codirecteur de la collection de pièces de théâtre contemporain jeune public Heyoka-jeunesse (coédition Actes Sud Papiers/ CDN de Sartrouville). Dés 1987, il fonde et dirige les éditions “Très Tôt Théâtre” afin de promouvoir les textes de théâtre contemporain jeune public. En 2004, il crée Scènes d’enfance et d’ailleurs, association nationale des professionnels des arts de la scène en direction des jeunes publics qu’il préside jusqu’en 2009. En parallèle de ces fonctions, Dominique Bérody est aussi membre de la commission littéraire jeunesse du Centre National du Livre et membre du comité d’experts de la DRAC Ile-de-France. Il a également publié de nombreux articles sur le théâtre jeune public et dirigé plusieurs parutions sur ce sujet.

Rédacteur en chef du numéro spécial sur l’écriture théâtrale pour l’enfance et la jeunesse. Griffon revue de littérature jeunesse (novembre décembre 1998). Editeur Créateur des éditions Très Tôt Théâtre. 1987 / 1997. Publie Bruno Castan, Claude Morand, Karin Serres, Dominique Paquet, Françoise Pillet, Françoise du Chaxel, Borje Lindstrom, Reine Bartève, Jean-Louis Bauer, Frédéric Révérend… Chargé de mission DRAC Ile-de-France : Etat des lieux de l’éducation artistique en Ile-de-France. Action culturelle de Trappes (ACT), Colloque sur l’éducation artistique Festival Banlieues’Art Heyoka - Centre dramatique national pour l’enfance et la jeunesse de Sartrouville : projet de développement de la biennale Odyssées en Yvelines. http://www.theatre-sartrouville.com/


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Guy allouchEriE La vidéo ? Les Veillées ? Base 11/19 ? Janick Merlin ? Le festival du 1er mai à Béthune ? La création du spectacle J’m’excuse à Loos en Gohelle? Le 11/19 et Culture Commune ? Au commencement étaient le 11/19 et Culture Commune. Ça pourrait démarrer comme ça…”

Guy Alloucherie est auteur et metteur en scène. Il débute au théâtre dans les années 80. Alors étudiant à Lille, il suit les ateliers théâtre du Prato où il rencontre Eric Lacascade. Ensemble, ils créent une compagnie, le Ballatum théâtre, qu’ils codirigeront pendant 15 ans. Avec le Ballatum, il met en scène (en duo ou en solo) des spectacles originaux de théâtre contemporain avant de revisiter les classiques tels que Sophocle, Racine, Tchekhov ou Marivaux. En 1997, il accède à la direction du Centre Dramatique National de Caen avec Eric Lacascade avant d’orienter différemment son parcours et de monter sa propre compagnie. “Ecrire en six cents signes sa propre histoire. Par quoi commencer. Auchel ? Ferfay ? Le Prato ? Jacques Henri Michot ? Le Ballatum ? HVDZ ? Daniel Héroguelle ? Lucien SueL ? Le Ballatum à la Rose des Vents ? A Liévin, à Arc en Ciel ? Les études d’allemand à l’université de Lille ? Les quelques semaines au CDN de Caen ? Boubers sur Canche ? Le lycée d’Auchel ? La piscine de Lillers ? La côte d’Hurionville ? Les cours de guitare ou plutôt le cours de guitare au C.E.T d’Auchel ? Un cours de théâtre à Göttingen en Allemagne ? Fresnicourt le Dolmen ? Le cinéma Le Palace rue Jean Jaurès à Auchel ? Le soir où mon père a eu sa retraite après trente sept ans de fond ? Le cirque ? La danse ?

En créant la Compagnie Hendrick Van der Zee, (très vite connue comme HVDZ), le metteur en scène choisit de revenir travailler dans sa région d’origine, le Nord-Pasde-Calais. Fils de mineur, il a grandi près d’Auchel. “Je me suis souvent demandé à quoi je pouvais servir, pourquoi je faisais ce métier, pour quelle utilité. J’ai longtemps cru que ce n’était qu’une question existentielle et je me suis rendu compte en arrivant au 11/19 que c’était aussi une question sociale, politique pour ainsi dire.” L’histoire de la compagnie est marquée par les collaborations et compagnonnages. Fréquemment, des artistes venus du monde du théâtre, de la danse, du cirque, de la musique ou de la vidéo rejoignent HVDZ pour des temps de recherches. Les collaborations avec de jeunes artistes sur le mode de l’échange, de la transmission se développent depuis quelques années, avec Moglice Von Verx, Onstap, [Ta Zoa], Porte 27, La Spoutnik Theater Compagnie… Plusieurs créations d’HVDZ émanent de la collaboration avec d’autres compagnies et la direction artistique partagée comme avec les compagnies Anomalie, Komplex Kapharnaum ou Hors série… http://www.hvdz.org/


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patrick lE doaré

D’abord photographe professionnel, il se forme auprès des danseurs et chorégraphes Christine Gérard, Jacques Pattarozzi, Susan Buirge. Il crée la Compagnie du Garvan en 1981 (une dizaine de créations) puis la Compagnie Patrick le Doaré en 1988. Les thèmes abordés dans ses spectacles ont évolué autour du thème de “la relation à l’autre” dans un premier temps. Il retrouve ensuite l’univers de la photo avec La chambre de veille et Au bord de l’image. Il imagine ensuite un système de notation chorégraphique “l’écriture en mouvement”. Le chorégraphe crée alors des pièces chorégraphiques sur ce principe notamment Volvox. Pour Champ d’action, Patrick Le Doaré a également exploité la relation voix / mouvement. Concernant Les déchiffreurs de l’identique, ce quatuor masculin a eu pour thème la relation masculin / féminin en traitant justement l’absence de la femme.

Implantée à Quimper depuis 1988, la Compagnie Patrick le Doaré est portée par deux chorégraphes : Patrick Le Doaré et Maribé Demaille. La compagnie mène de front : une démarche artistique exigeante et singulière ainsi qu’une approche sensible auprès des publics et des habitants. En affirmant leur “responsabilité culturelle et éducative d’artistes”, ces deux chorégraphes ont choisi de développer des projets artistiques en prise directe avec un territoire, ses habitants, leur identité et leur histoire, dans une volonté de transmission contributive du développement local. “Il ne s’agit plus ici de produire une œuvre puis de convoquer un public à en faire l’expérience esthétique, il s’agit de produire une œuvre à travers différentes étapes, de la négociation du projet à l’aboutissement de l’œuvre et sa mise en circulation. La réussite d’une telle démarche dépend de l’existence artistique d’une écriture qui prend sa source dans l’identité même de l’entité territoriale concernée. L’épaisseur des rapports humains se tissent dans le respect de l’identité de chacun. Se forge alors une rencontre exemplaire car décalée d’un quotidien chronophage et formaté. L’artiste sait dérouter et accompagner les plus éloignés de l’expression artistique où l’intime, par le corps, est mis en jeu collectivement et individuellement.” http://www.cie-ledoare.com/


35 Cette revue de presse web n’est pas exhaustive mais contribuera à alimenter votre réflexion et vos connaissances sur le sujet

lEs rEssourcEs En liGnE Généralités

résidEncEs En miliEu scolairE

Site du Ministère de l’éducation nationale

La Charte nationale “La dimension éducative et pédagogique des résidences d’artistes”

http://www.education.gouv.fr/cid20725/ l-education-artistique-et-culturelle.html http://www.eduscol.education.fr/cid46779/ education-artistique-culturelle.html L’éducation artistique et culturelle (les objectifs, les dispositifs, les textes de référence...)

Site de la DAAC (Délégation académique à l’éducation artistique et culturelle) http://espaceeducatif.acrennes.fr/jahia/Jahia/lang/fr/pid/13466 Les missions, les domaines d’intervention, les contacts, les textes de références, les événements en cours et à venir, les publications d’actions menées dans les classes…

Portail interministériel de l’éducation culturelle et artistique http://www.education.arts.culture.fr/ Ce portail destiné principalement aux enseignants guide vers un ensemble d’informations et de ressources : programmes d’enseignement, actions culturelles, enseignements artistiques, offre des plans académiques et départementaux de formation continue.

Site “Histoire des arts” mis en place par le Ministère de la Culture et de la Communication http://www.histoiredesarts.culture.fr/ Actualités en matière d’histoire des arts, repères, ressources, dossiers pédagogiques par thèmes et niveaux…

Site EducArt http://www.educart.culture.gouv.fr Le site EducArt met à disposition toutes les informations nécessaires aux personnes souhaitant s’impliquer dans des actions d’éducation artistique et culturelle : artistes et professionnels de la culture, enseignants et professionnels de l’éducation, élus et représentants de collectivités territoriales. Informations pratiques portant sur les modalités de mise en œuvre de projets, l’intervention artistique en milieu scolaire, la formation des artistes intervenants, les principaux textes réglementaires en vigueur, des adresses utiles et des sites de référence.

http://www.education.gouv.fr/cid50781/ mene1003709c.html

Expériences artistiques dans le cadre du Programme “Résidences d’artistes en maternelle” mené dans le Rhône http://www.passeursdeculture.fr/IMG/pdf/CR_ seminaire_IA-EAL_18_11_2009.pdf

In Situ, dispositif de résidence d’artistes en collèges en Seine Saint-Denis http://www.seine-saint-denis.fr/In-Situ-artistesen-residence-dans,729.html

Résidences d’artistes en milieu scolaire dans le département de l’Yonne http://crdp.ac-dijon.fr/cddp89/-Residencesd-artistes-en-milieu-.html http://cddp89.ac-dijon.fr/IMG/pdf/Actes_ des_rencontres.pdf

Les Iconoclasses, dispositif de résidence d’artistes en milieu scolaire de la Galerie Duchamp à Yvetot (76) http://www.galerie-duchamp.com/index.php?id=222&idr=8

Résidences d’artistes plasticiens en collèges et lycées mis en place par le Laboratoire Artistique International du Tarn (LAIT) http://www.centredartlelait.com/spip.php?article224

Résidence d’artiste de Julie Faure-Brac, plasticienne, au Collège de Carignan (08) http://chassocerf.over-blog.com/

Site “Passeurs de culture” mis en place par l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) http://www.passeursdeculture.fr/-Educationartistique-.html La plateforme de ressources des acteurs de l’accompagnement des pratiques artistiques et culturelles. Ouvrages, études et rapports, articles, actes et publications…

Résidence cirque de la Cie Inhérence au Collège de Mareuil-le-Port (51) http://www.culture.gouv.fr/champagne-ardenne/ 3documentation/nav2_educ_art5.html

Article de François Deschamps sur les résidences d’artistes en collège dans l’Hérault http://www.lettreducadre.fr/PAR_TPL_IDENTIFIANT/36090/TPL_CODE/TPL_ACTURES_FICHE/ PAG_TITLE/R%E9sidences+d%27artistes+en+coll% E8ge+:+l%27exemple+de+l%27H%E9rault/ 2105-fiche-article-de-newsletter.htm


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proGrammations Et actions culturEllEs En dirEction dEs adolEscEnts Festival ado du Préau, Centre Dramatique Régional de Basse-Normandie de Vire http://www.lepreaucdr.fr/festival-ado.php? id_section=6&id_categorie=31

Odyssées en Yvelines, Biennale de création théâtrale portée par le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre Dramatique National

actEs, colloquEs, rapports “L’éducation artistique, de quoi parle-t-on ?” Colloque du samedi 7 juin 2008 lors des 3e rencontres Culture de Cergy-Pontoise

http://www.theatre95.fr/IMG/pdf/educationartistique-th95.pdf

“20 propositions et 8 recommandations pour renouveler et renforcer le partenariat Education-Culture-Collectivités Locales en faveur de l’éducation artistique et culturelle” Rapport d’Éric Gross du 14 décembre 2007

www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapeduc.pdf

http://www.theatre-sartrouville.com/cdn/

Programmation adolescente du “Grand Bleu” à Lille, Etablissement National de Production et de Diffusion Artistique tourné principalement vers les publics jeunes http://www.legrandbleu.com/_front/Pages/page.php? cat=1&item=1&page=1

Rapport sur la situation de l’éducation artistique dans l’Union européenne http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/ documents/thematic_reports/113EN.pdf

“Les Arts du Cirque dans l’Éducation Artistique” Actes du colloque du 28 mars 2007 organisé par Hors Les murs

http://www.horslesmurs.fr/plugins/fckeditor/userfiles/ file/Actu_Hlm/colloquePNR.pdf

“La Résidence d’artistes plasticiens en milieu scolaire” Actes du colloque des 14 et 15 novembre 2007 à Auxerre

http://crdp.ac-dijon.fr/cddp89/IMG/pdf/Actes_ des_rencontres.pdf

“Action culturelle en milieu scolaire et musiques actuelles” Étude réalisée par LE RIF, Confédération des réseaux départementaux de lieux de musiques actuelles amplifiées en Ile-de-France en septembre 2007

http://www.lerif.org/docs_Blog/rubrique_dossiersRIF/ Etude_RIF_rapport_MA_et_scolaires.pdf

Actions pilotes en matière d’éducation artistique et culturelle dans les établissements nationaux du ministère de la Culture et de la Communication http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/ politique/educationartistique/educart/actions pilotes2009.pdf


visuel Š mathieu desailly graphisme stÊphanie triballier www.lejardingraphique.com


cEttE JournéE orGaniséE par itinérairEs bis s’Est dérouléE lE samEdi 12 FéVriEr 2011 à lamballE dans lE cadrE d’attitudE 2.0, tEmps Fort consacré au numériquE. synthèsE réaliséE par mari courtas


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