Fisheye Magazine n°18

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N° 18 mai-juin 2016

le magazine lifestyle de la photographie

Société

LA

Musique

ROGER SARGENT ET LE ROCK ANGLAIS

L 19203 - 18 - F: 4,90 € - RD

Mode

HYÈRES, INCUBATEUR DE CRÉATION

Focus

UNE SAISON JAPONAISE

Sport

PLONGÉE DANS LA CULTURE SURF

Portrait

RAYMOND DEPARDON, LA SIGNATURE D’UN REGARD

SLOW DONNE LE TEMPO

N° 18 mai-juin 2016

BEL. : 5,20 €

www.fisheyemagazine.fr

LES PHOTOGRAPHES RÉINVENTENT CALAIS

MONDE WHERE LOVE IS ILLEGAL DE ROBIN HAMMOND

PHOTO

VIK MUNIZ

#fisheyelemag

DANS LES COULISSES DE SA NOUVELLE CRÉATION


P. 2 6

— DOSSIER

P. 15

instantanés

T E N DA N C E

Boby Squatter la nuit

P. 16 I M AG E S S O C I A L E S

Raymond Depardon La signature d’un regard

André Gunthert Le public, nouvel acteur de l’histoire visuelle

P. 10 P. 18

LES DESSOUS DE L A COUV

Jack Bool

VO I X O F F

P. 13 T E N DA N C E

Les icônes de Gus Van Sant

Jean-Christophe Béchet L’électronique, cette drogue douce… P. 2 0 MÉTIER

Bêtes de scène Valérie Chavanon

P. 2 2 P O RT R A I T

© Michaël Duperrin / hans lucas. © BoBy / hans lucas. © JérôMe Bonnet / MoDDs.

LA SLOW PHOTO DONNE LE TEMPO


agrandissement

P. 4 5 EXPOSITIONS

P. 5 4 P O RT F O L I O

Vu d’ailleurs

P. 9 2 PRISE EN MAIN

Robin Hammond Amours interdites

P. 9 6 S H O P P I N G AC C E S S O I R E S

Fujifilm X-Pro2 : le boss est de retour !

Back to the 90’s

P. 9 8

P. 49 P. 9 4

FOCUS

Une saison japonaise

A P PA R E I L S

P H OTO M O B I L E

Slow is good

TIPA Awards 2016 : les 40 vainqueurs sensibilité

P. 101 A RT V I D É O

Nina Freeman Le nouveau visage du jeu indé P. 10 4 ÉVÉNEMENT

Matières Voyage aux frontières de l’invisible

P. 12 2 MUSIQUE

« L’électricité a toujours eu tendance à m’exciter » Roger Sargent P. 124 E N A PA RT É

Un domaine particulier

mise au point

P. 126 TREMPLIN

P. 61 SOCIÉTÉ

La Gacilly fait émerger trois jeunes talents

P. 8 0 PRIX

Réinventer Calais

Fidal Photo Un vrai coup de pouce aux photographes

P. 12 8 PRIX

P. 8 2 É D U C AT I O N

P. 112 P O RT F O L I O D É C O U V E RT E

La leçon d’images

Jean-Michel André L’Autre Pays P. 8 4

P O RT F O L I O

L’appel de l’uniforme

La Fondation Gulbenkian s’affranchit des frontières

MODE

Hyères, incubateur de création

P. 74

P. 120

© yoshinori Mizutani. © Jean larive. © igor geneste. © Marie aBeille.

POLITIQUE

P. 76 ÉCONOMIE

Le labo Picto voit l’avenir en grand

Plongée dans la culture surf

« La sensibilité n’a pas de genre » Mathilde Daudet P. 8 7

Photothèque P. 132 AG E N DA

Expositions de saison P. 135 FLASH

Une photo, une expo P. 13 6 COMMUNIT Y

Tumblr

CAMÉR A TEST

P. 13 8

Cokney Tattoo test

P. 78 S P O RT

P O RT R A I T

labo

De l’art de communiquer sur Periscope

P. 13 0 LIVRES

P. 118

F O N DAT I O N

P. 67

SWPA, une crédibilité qui s’affirme

C H RO N I Q U E

P. 91 AT E L I E R P H OTO

Faire un tirage photo avec de l’épinard


Contributeurs

6

Sophie Cavaliero

Robin Hammond

Valérie Douniaux

Consultante en management des ressources humaines, Sophie Cavaliero a consacré une partie de sa vie à la découverte de l’art japonais, comme collectionneuse ou auteur. Son dernier ouvrage, Révélations, aux éditions Le Lézard noir (2013), a permis la découverte et la diffusion de nouveaux photographes nippons en France. Sur ce livre, elle a collaboré avec Valérie Douniaux, avec laquelle elle signe également le Focus sur la photographie japonaise.

Né en Nouvelle-Zélande, Robin Hammond poursuit des projets photographiques à long terme sur des problématiques liées aux droits de l’homme et au développement dans le monde, plus particulièrement en Afrique, où il a vécu. Lauréat de nombreux prix (Eugene W. Smith, World Press Photo…), il a notamment exposé à Visa pour l’Image et aux Rencontres d’Arles, et a publié plusieurs ouvrages. Depuis deux ans, il mène une campagne contre la discrimination LGBT dans le monde, Where Love is Illegal, qui fait l’objet du portfolio Agrandissement.

Spécialiste d’art japonais moderne et contemporain,Valérie Douniaux est curatrice, auteur et éditrice. Elle a écrit de nombreux articles et catalogues sur la photographie. Avec sa maison iKi Éditions, elle a lancé Le Pont rouge, une collection de livres photographiques de petit format, et a publié plusieurs autres ouvrages d’artistes européens et japonais. Elle signe, avec Sophie Cavaliero, le Focus sur la photographie japonaise.

Nadège Abadie

Jean-Michel André

Née en 1988, licenciée en philosophie et diplômée de l’École nationale supérieure Louis-Lumière, Nadège Abadie travaille pour la presse nationale. Elle fait également partie de la mission photographique La France vue d’ici, où elle suit de futurs militaires, de jeunes paysans et de futurs religieux. C’est justement une partie de son travail sur les aspirants militaires qui est à retrouver dans le portfolio Mise au point.

Né à Nantes en 1976, Jean-Michel André est diplômé de l’école des Gobelins. Il a passé une grande partie de sa vie hors de France et poursuit un travail de création au croisement des lectures plastique et documentaire. Il emprunte des chemins de traverse et invite à l’exploration d’une géographie intime, une géographie du manque. Sa dernière série, L’Autre Pays, présentée à Fotofever en novembre dernier, fait l’objet du portfolio Découverte.

RÉDACTION Directeur de la rédaction et de la publication Benoît Baume benoit@becontents.com Rédacteur en chef Éric Karsenty eric@becontents.com Directeur artistique Matthieu David matthieu@becontents.com Graphistes Alissa Genevois alissa@becontents.com Assistée de Maxime Ravisy graphiste@becontents.com Secrétaire générale de la rédaction Gaëlle Lennon gaelle@becontents.com Secrétaire de rédaction Anaëlle Bruyand anaelle@becontents.com

Rédactrices Marie Abeille marie@becontents.com Marie Moglia moglia@becontents.com Hélène Rocco helene@becontents.com Community manager Lucie Sordoillet lucie@becontents.com Ont collaboré à ce numéro Jean-Christophe Béchet, Anaïs Carvalho (Dans ta cuve !), Dorian Chotard, Carole Coen, Julien Damoiseau (Pix Populi), Maxime Delcourt, Marianne Dorell, Sofia Fisher, Gwénaëlle Fliti, André Gunthert, Cécile Lienhard, Sylvain Morvan, Mathieu Oui

PUBLICITÉ Directeur commercial, du développement et de la publicité Tom Benainous tom@becontents.com 06 86 61 87 76 Chef de publicité Joseph Bridge joseph@becontents.com 06 64 79 26 13 Directeur conseil et brand content Rémi Villard remi@becontents.com SERVICES GÉNÉRAUX Directeur administratif et financier Christine Jourdan christine@becontents.com Comptabilité Christine Dhouiri compta@becontents.com

Service diffusion, abonnements et opérations spéciales Joseph Bridge joseph@becontents.com Quitterie DuputelBonnemaison quitterie@becontents.com Fisheye Gallery Quitterie DuputelBonnemaison quitterie@becontents.com Marketing de ventes au numéro Otto Borscha de BO Conseil Analyse Média Étude oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34

Impression Léonce Deprez ZI « Le Moulin », 62620 Ruitz www.leonce-deprez.fr

Photo de couverture Brendan George Ko.

Dépôt légal : à parution. ISSN : 2267-8417. CPPAP : 0718 K 91912. Tarifs France métropolitaine : 1 numéro, 4,90 € ; 1 an (6 numéros), 25 € ; 2 ans (12 numéros), 45 € Tarifs Belgique : 5,20 € (1 numéro). Abonnement hors France métropolitaine : 40 € (6 numéros). Bulletin d’abonnement en p. 134.

Fisheye Magazine est composé en Centennial et en Gill Sans et est imprimé sur du Condat mat 115 g

Tous droits de reproduction réservés. La reproduction, même partielle, de tout article ou image publiés dans Fisheye Magazine est interdite.

Fisheye Magazine est édité par Be Contents SAS au capital de 10 000 €. Président : Benoît Baume.

Fisheye est membre de

Photogravure Fotimprim 33, rue du Faubourg-SaintAntoine, 75011 Paris

8-10, passage Beslay, 75011 Paris. Tél. : 01 77 15 26 40 www.becontents.com contact@becontents.com

Mention contractuelle : « Patrick Martin et Denis cuisy, associés fonDateurs »

Ours




I N S TA N TA N É S

LES

DESSOUS

DE

LA

CO U V

11

À 25 ans, ce photographe qui vit et travaille à Oakland, tout juste diplômé du California College of the Arts l’an dernier, bouscule les conventions photographiques par des associations détonantes. TexTe eT phoTos : Jack Bool

Jack Bool

www.jackbool.com

Ma pratique de la photographie se divise en deux parties intimement liées : je suis à la fois un collectionneur et un assembleur. En tant que photographe, je vois les images comme un lieu où naît le sens. Je me balade beaucoup, pour aller quelque part ou pour contempler, mais toujours avec mon appareil. Je suis attiré par l’ordinaire, les paysages banals, les lieux nauséabonds et réconfortants – des petites poches de laideur sublime. L’appareil photo a le pouvoir de magnifier ce qui est négligé : en immortalisant ces endroits, je leur donne de l’importance. Je veux aller à l’encontre du documentaire traditionnel, ne pas regarder le sacré mais plutôt le quelconque. Je ne suis pas présent sur mes images, j’interviens rarement. C’est important que mes photos aient l’air anonymes pour que je puisse m’approprier l’esthétique vernaculaire contemporaine. Je ne suis pas un conteur, ce n’est pas mon histoire que je raconte. Je suis un archiviste passif. Mon travail perturbe les conventions par des gestes subtils et troublants. Cette rupture arrive souvent au moment de l’editing et du séquençage. J’associe des images disparates et permets à un nouveau sens d’émerger.



I N S TA N TA N É S

TENDANCE

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La Cinémathèque française plonge ses visiteurs dans l’univers d’un artiste pluridisciplinaire connu pour ses films contemplatifs. texte : alissa GeneVOis et hélène ROccO

Michael Pitt dans LAST DAYS de Gus Van sant (2005). © hBO.

Les icônes de Gus Van Sant

Gus Van Sant est avant tout connu pour son travail de réalisateur. L’exposition qui lui est consacrée à la Cinémathèque française jusqu’au 31 juillet, à Paris, prouve qu’il est aussi un artiste pluridisciplinaire. Dès la première salle, la photo est mise à l’honneur. Dans tous les domaines, le réel est son instrument : ses seize longs-métrages s’inspirent de faits divers, et les Polaroids présentés à l’entrée de l’exposition étaient, à l’origine, de simples outils. « Dans les années 1980, j’avais l’habitude de prendre des photos de tous les comédiens qui passaient des castings pour mes films afin de me souvenir d’eux », a-t-il confié à la presse lors du vernissage. Avec le temps, ces milliers d’instantanés sont devenus une œuvre à part entière. Autre point commun

entre ses photos et ses films : le collage. La série Cut-ups, réalisée à partir d’agrandissements de vieux Polas, recrée des personnages d’une manière mystérieuse défiant les codes du portrait. De la même manière, ses scénarios ne sont jamais linéaires : Gus Van Sant joue avec la temporalité et la déconstruit, notamment dans Elephant (2003). Dans les autres salles, on découvre des extraits de ses films, des schémas, des croquis, des aquarelles et de la musique… L’ensemble de la collection est à retrouver dans le catalogue Gus Van Sant / Icônes, publié aux éditions Actes Sud. Nous pensions visiter la rétrospective d’un réalisateur, le cinéma apparaît finalement comme un prétexte à la découverte du reste de ses œuvres.



I N S TA N TA N É S

Boby Squatter la nuit

TENDANCE

Les Nuit Debout organisées pour combattre la loi El Khomri sont vite devenues un symbole du mécontentement qui soulève la société. Une actualité qui a poussé le photographe Boby à s’immerger dans le mouvement pour « Libération ».

TexTe : Éric KarsenTy – PhoTos : BoBy / hans Lucas Il a une bouille toute ronde mangée par une barbe énorme et des cheveux qui lui tombent sur les épaules, il se marre tout le temps et répond au nom de Boby. Si vous avez traîné ces dernières semaines sur la place de la République lors des Nuit Debout, vous l’avez forcément croisé. Et si vous ouvrez Libération de temps à autre, vous avez forcément vu ses photos, ses portraits de quatrième de couv, d’hommes politiques ou de musiciens, ou ses photos de manif. Boris Allin, alias Boby, 25 ans, a appris à shooter sur le tas, « une bonne école techniquement, avec des lumières difficiles et des actions rapides », explique-t-il. C’est pour remplacer un copain photographe qu’il a assuré un premier portrait du rappeur Médine, pour Libération. Quand le mouvement Nuit Debout a pris ses quartiers place de la République, Boby a décidé d’y faire un tour au bout d’une semaine. Construction de cabanes, jardin potager, rave party et lacrymos… il règne une ambiance insurrectionnelle qui le séduit. Boby y retourne et Libération lui passe commande régulièrement, ce qui lui permet de varier ses points de vue selon les sujets, et de raconter cette expérience unique avec ses images. www.byboby.com À VOIR Retrouvez prochainement le portrait de Boby dans le deuxième volet de la série documentaire « Perception » sur notre site www.fisheyemagazine.fr

CI-CONTRE, DE HAUT EN BAS ET DE GAUCHE À DROITE : - DE NOMBREUX ACTIVISTES OCCUPENT LA PLACE DE LA RÉPUBLIQUE DANS L’ESPOIR DE FAIRE PLIER LE GOUVERNEMENT SUR LE PROJET DE LOI EL KHOMRI. LE 8 AVRIL 2016, DE NOUVELLES CABANES SONT CONSTRUITES PENDANT QUE LES MANIFESTANTS DANSENT AU SON DES SOUND SYSTEMS. - DANS LA NUIT DU 9 AU 10 AVRIL, EN MARGE DE LA MOBILISATION NUIT DEBOUT, DES MANIFESTANTS TENTENT DE SE RENDRE AU DOMICILE DE MANUEL VALLS. LE MOUVEMENT EST STOPPÉ PAR LA POLICE, ET LES MANIFESTANTS SE REPLIENT PLACE DE LA RÉPUBLIQUE OÙ UNE VOITURE EST BRÛLÉE VERS 3 HEURES DU MATIN, PROVOQUANT DES HEURTS AVEC LES FORCES DE L’ORDRE. - NOUVELLE SOIRÉE DE MOBILISATION POUR LE MOUVEMENT NUIT DEBOUT PLACE DE LA RÉPUBLIQUE, SAMEDI 16 AVRIL. - NOUVELLE JOURNÉE DE MOBILISATION PLACE DE LA RÉPUBLIQUE POUR NUIT DEBOUT, LUNDI 18 AVRIL.

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D O S S I E R

La slow photo donne le tempo TEXTES : SOFIA FISHER, GWÉNAËLLE FLITI, ÉRIC KARSENTY ET MATHIEU OUI

Après la slow food, le slow travel ou le slow journalism, la slow photo se décline, elle aussi, comme une tendance dans l’air du temps. Derrière ce mouvement aux contours flous, sont regroupées de multiples pratiques qui mettent en avant l’expérience photographique et la matérialité des supports, tout en posant la question du temps au cœur du sujet. Du temps qu’il fait au temps qui passe, les photographes s’attachent davantage à enregistrer des durées plutôt que des instants. Ils privilégient la photo argentique, de la chambre grand format au sténopé, en passant par le Polaroid, les procédés anciens comme l’ambrotype ou les tirages Fresson, et s’inscrivent à contre-courant d’une course à la nouveauté encouragée par les pratiques numériques. Le prochain Salon de la photo leur consacre un “pavillon argentique”, signe que ces militants décroissants impriment leur rythme.


© MICHAËL DUPERRIN / HANS LUCAS.

Michaël Duperrin. “Odysseus, un passager ordinaire”. Voyage sur les traces d’Ulysse dans les lieux supposés du mythe de “L’Odyssée”, sur la base des travaux de Jean Bérard et Jean Cuisenier en Méditerranée. Sorrente, près de Capri et des îles Galli, situation possible de l’île des Sirènes, Italie. Cyanotype.


partagées sur Flickr, Snapchat, Instagram et Facebook tous les jours, les slow photographers se posent la question : « Quel est l’intérêt de prendre des images ? Qu’est-ce qui se perd dans ce flux incessant ? »

Didier Ben Loulou, “Palerme, Sicile”, 2002. Tirage Fresson.

LA VITESSE PREND LE DESSUS

Tim Wu, photographe amateur et professeur de communication, a été le premier à vulgariser le terme de slow photography dans un article publié par Slate en 2011. Dans cette tribune, il s’interrogeait sur la photographie en tant que réflexe inconscient de notre quotidien : « Je me demande combien notre relation à la photo est devenue comme celle que nous avons avec la nourriture et beaucoup d’autres choses : la vitesse prend le dessus sur tout le reste. » Si ce qu’il appelle la « fast photography » n’est pas l’ennemie de bons résultats – « parmi les plusieurs gigas d’images, il y en aura forcément quelques-unes réussies » –, elle n’est pas non plus l’ennemie de l’expérience. « La vraie victime de la photographie aujourd’hui n’est pas la qualité des images elles-mêmes. Les victimes, c’est nous. On perd quelque chose : le côté expérimental, la joie de la photo en tant qu’activité. Et lutter contre cette perte, en recommençant à voir la photographie comme une expérience – et non pas comme un moyen pour arriver à une fin – est la définition même de la slow photography. » Plus précisément, les slow photographers tentent d’inverser le rapport entre processus et résultat. « Généralement, quand on utilise un appareil, c’est pour avoir un résultat : les photos. Dans la slow photography, l’idée de base est que les images en elles-mêmes – le résultat – sont secondaires. Le but de l’expérience est d’étudier un objet et de faire des choix créatifs. »

© DiDier Ben LouLou.

L

a légende veut que la première déclinaison du slow movement ait commencé dans le Piémont italien, en 1986, par une tentative désespérée de sauver les traditions locales et le vin du coin face à l’avènement du fast-food. Un mauvais repas servi lors d’une réunion d’une association de travailleurs (« Les pâtes étaient froides, et la salade, sale », raconte Geoff Andrews dans The Slow Food Story) a fait enrager les écogastronomes naissants autour de la table. Très vite, l’idée que le virus de la rapidité était en train de s’attaquer à la qualité de vie a pris de l’ampleur, et la slow food est devenu un mouvement militant. Mais le concept n’a pas tardé à dépasser ses frontières culinaires : les défenseurs du slow journalism se sont multipliés, prônant un retour au journalisme de terrain, prenant son temps, à l’encontre d’une information obnubilée par la vitesse et la concurrence. Les « mooks » (contraction de « magazine » et « book ») ont émergé, semblant être la solution pour résoudre la crise de la presse. L’idée était qu’il fallait des médias à contretemps, qui favorisent l’approfondissement et le plaisir de lecture, et qui soient moins esclaves de l’actualité éphémère. Ont suivi le slow travel, qui prône la rencontre avec les populations locales et le voyage au long cours, la slow money en réaction à la crise financière, etc. Inspirée elle aussi par la résistance à l’accélération du monde en général (et au flux d’images en particulier), la slow photography milite pour la reprise en main du processus photographique et un refus d’une fuite en avant. À l’ère de l’instantané numérique tout puissant, alors que plus de deux milliards de photos sont téléchargées et


29 L a p h o t o g r a p h i e c o m m e e x p é r i e n c e

P

re ndre son temps pour faire de la pho-

tographie peut se traduire de différentes façons. L’une des plus communes est le projet personnel au long cours. Pour Odysseus, relecture du voyage d’Ulysse, dont la première partie vient d’être présentée au festival Photo de mer de Vannes, Michaël Duperrin projette de s’investir sur une décennie. Didier Ben Loulou a, lui, entrepris un travail sur la Méditerranée où la méditation s’ajuste à la contemplation, qu’il matérialise par de délicats tirages Fresson. Pour lui, « cette aventure se réalise dans l’ombre, comme un fruit qui mûrit lentement. Un fruit plein d’espérance, gorgé de cette lumière encore chaude des fins d’été, quand les couleurs s’estompent ». TEMPS ET RECUL

Certains n’hésitent pas à fabriquer eux-mêmes leur appareil. On trouve sur Internet de multiples ressources, tutoriels et vidéos pour construire un sténopé avec une boîte de conserve ou d’allumettes. Mais on peut aller plus loin. Dans le cadre de son diplôme, Léo Marius, jeune designer formé à l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne, a fabriqué un reflex en utilisant une imprimante 3D. Le projet, accessible en open source, peut être réalisé en moins de vingt-quatre heures. Ce rapport au temps de fabrication peut encore s’exprimer autrement. Le photographe Michael Wesely s’est fait connaître par ses temps d’exposition très longs. Cet artiste allemand s’est spécialisé dans des enregistrements photographiques de chantiers importants, comme celui de la Potsdamer Platz, à Berlin, ou la reconstruction du MoMA de New York qu’il a documentée à l’invitation du musée. Pour réaliser le livre Open Shutter, Wesely, qui reste très discret sur sa technique, a travaillé durant trois ans, entre 2001 et 2004. Ces dates se retrouvent d’ailleurs reproduites dans ses légendes – « 09.08.2001 - 02.05.2003 » –, suggérant un temps de pose exceptionnel de vingt et un mois. Ses images donnent à voir de façon assez fantomatique les traces du passage du temps. Ces longues expositions permettent de symboliser l’écoulement de la Seine ou la course de la Lune dans le ciel, comme dans le cas des clichés en noir et blanc de Michael Kenna, spécialiste de photos de paysages. Ce Britannique installé à Seattle, qui parcourt le monde à la recherche d’espaces naturels sans présence humaine, peut exposer certaines photos durant toute une nuit. « La plupart de mes longues expositions ne sont

pas si intéressantes », relativise l’artiste. Le risque que, durant cette douzaine d’heures, la condensation ou des sources de lumière imprévues ruinent la composition nocturne est réel. Mais c’est précisément, selon lui, ce qui rend l’expérience excitante. « Dans cette époque d’instantanéité digitale où les appareils semblent tout faire à notre place, j’aime cette idée de ne pas contrôler totalement le médium », souligne le photographe. Une fois la prise de vue réalisée, la « bonne » image ne se livre pas forcément tout de suite. Comme le remarque Didier Brousse, directeur de la galerie Camera Obscura à Paris, « la relecture des planchescontacts est aussi un sport assez pratiqué chez les photographes ». D’autres, comme Garry Winogrand en son temps, peuvent attendre plusieurs mois avant de développer leurs films afin de mieux se détacher de la prise de vue. De l’oubli au manque de temps, les raisons de ne pas tirer une image peuvent être variées. « Il me semble très difficile d’être objectif à propos des photos que je viens juste de faire, remarque Michael Kenna qui tire souvent ses images plusieurs Didier Ben Loulou, années après la prise de vue. Il y a alors trop “Castagniccia, Corse”, 2001. d’associations subjectives qui brouillent mon Tirage Fresson. jugement et ma capacité à faire un choix. Le temps et le recul permettent d’avoir une plus grande objectivité. » Jean-François Joly, qui présente une série de portraits sur les Roms commencée en 1998 et terminée en 2013 (Terres d’exil à la MEP jusqu’au 5 juin 2016), est confronté à la même question. « Pour l’editing, je laisse souvent les images en latence pour me décoller de l’histoire. Le temps, ça permet de se dégager de l’affect. Après, je reviens dessus pour garder ce qui me paraît le plus juste par rapport à cette rencontre. » C H A M BR E NOI R E E T T I R AG E S L I M I T É S

Pour bon nombre de photographes, prise de vue argentique rime avec travail en chambre noire. Ils réalisent alors euxmêmes leurs tirages, tels des artisans d’art. À l’instar du musicien avec sa partition, le photographe interprète son négatif. Denis Brihat, exposé au musée de Gajac jusqu’au 26 juin, est l’un de ces orfèvres de la chambre noire. Cette personnalité à part, qui a pris ses distances avec le milieu parisien depuis 1958 pour s’installer dans le Lubéron, se distingue aussi dans son approche photographique. Tel un Pierre Rabhi de l’image, il produit lui-même ses légumes dans son jardin de Bonnieux avant de les photographier, n’hésitant


AG RAN DISSEMENT

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FOCUS

Très présente en France, la photographie japonaise est riche d’une histoire prolifique qui s’exprime à travers plusieurs expositions dans de nombreux festivals et une multitude de publications. De jeunes photographes ont déjà pris la relève de cette frénésie. Passage en revue partiel et partial. TexTe : Sophie Cavaliero eT valérie Douniaux

Une saison japonaise

© Ryota Kikuchi.

On a souvent dit que la photographie japonaise était partie à la conquête de l’Hexagone, faute d’un marché dans son pays, ce qui n’est pas tout à fait faux. On a en effet pu voir un grand nombre de photographes nippons à Paris Photo ou aux Rencontres d’Arles récemment. Le Japon était aussi l’invité d’honneur de Phot’Aix Regards Croisés l’an dernier et RYOTA KIKUCHI, 60 °, 2013. sera celui du festival de La Gacilly cet été.

L’une des expositions, extraite du fonds du musée Guimet, est d’ailleurs le fruit d’un partenariat avec Kyotographie, fondé par Lucille Reyboz et Yusuke Nakanishi à Kyoto, il y a trois ans. Et Daido Moriyama, chef de file de la street photography, s’expose en couleur à la Fondation Cartier jusqu’au 5 juin, à Paris. À l’instar de ce maître du noir et blanc, aux contrastes puissants transmettant l’énergie brute des bas quartiers d’Osaka ou de Shinjuku, bien des jeunes photographes du pays

du Soleil-Levant se sont faits flâneurs, portant un regard poétique, voire nostalgique, sur le Tokyo paisible et turbulent immortalisé par leurs aînés. CHAOS LABYRINTHIQUE

Certains nous donnent à voir la nature reprenant ses droits dans le cœur des villes. La série Ueki de Yasuyuki Takagi est dédiée aux plantes et pots de fleurs qui égaient les


50

AG RANDIS S EMENT

FOCUS

TOKYO RUMANDO, ORPHEE.

NARRATION ET BEAUTÉ VISUELLE

Les photographes semblent ressentir le besoin de conserver les images fugaces d’une société à la fois conservatrice et en plein bouleversement. Les jeunes générations ont vu se fissurer un système qui doit désormais faire face à des problèmes importants. Ces sujets déHIDEKA TONOMURA, MAMA LOVE, 2008. licats sont parfois abordés

BIEN DES JEUNES PHOTOGRAPHES DU PAYS DU SOLEILLEVANT SE SONT FAITS FLÂNEURS, PORTANT UN REGARD POÉTIQUE, VOIRE NOSTALGIQUE, SUR LE TOKYO PAISIBLE ET TURBULENT IMMORTALISÉ PAR LEURS AÎNÉS.

frontalement, par le biais du documentaire, ou par de véritables exercices de style. Dans la lignée des maîtres de la street photography évoqués plus haut, Masahito Agake opte pour le noir et blanc afin de nous emmener dans un univers urbain empreint de nostalgie. Tentant de restituer ce que son œil a perçu, sans retouches abusives, l’artiste se contente de jouer des contrastes pour évoquer l’instant où un monde pétri de magie et de folklore fait soudain irruption dans la rue. Kazuyoshi Usui réinvente la société japonaise avec ses séries Shôwa 88 et Shôwa 92, dans une veine très cinématographique, qui rappelle aussi le kabuki, théâtre traditionnel. La mise en scène, d’une manière contemporaine, évoque une

© Tokyo rumanDo. © hiDeka Tonomura. © yoShinori mizuTani. © ken kiTano.

rues de Tokyo, ces jardins miniatures banals et extraordinaires, si chers aux Japonais. À travers Perroquets de Tokyo, Yoshinori Mizutani (présenté à La Gacilly) évoque ces volatiles libérés dans les années 1960 par des propriétaires amateurs d’oiseaux exotiques de compagnie, qui se sont reproduits et vivent aujourd’hui en groupes dans les rues de la capitale nippone. Inquiétants et magnifiques, les perroquets donnent aux images de faux airs hitchcockiens. Les enchevêtrements de fils électriques, l’une des spécificités du paysage japonais et éternelle source d’inspiration visuelle, deviennent ici perchoirs, lignes de démarcation sur des ciels éclatants. L’utilisation de flashs puissants confère une texture irréelle à ce qui pourrait n’être qu’un simple reportage animalier, transformant ainsi la ville en un terrain de jeu à l’étrange beauté, en des tableaux à la palette éblouissante. D’autres photographes vagabonds font plutôt la part belle au béton et à l’urbanisation folle des années de la bulle économique (19861990). Parfois, la surprise naît d’un « simple » changement de perspective, comme lorsque le jeune Ryota Kikuchi adopte le point de vue périlleux d’un grimpeur, n’hésitant pas à escalader le mobilier urbain pour faire corps avec la ville, à l’instar des graffeurs intrépides qui prennent les toits d’assaut. D’autres fois, les photographes s’attachent à garder la trace de lieux en cours de disparition dans un pays où le renouvellement est une règle de vie. Noritaka Minami, avec sa série 1972, immortalise ainsi, avant son démantèlement, la célèbre Nakagin Capsule Tower, symbole du mouvement architectural métaboliste.


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O U V E R T U R E J U I N

LA FISHEYE GALLERY OUVRIRA SES PORTES EN JUIN 2016 AU 47, RUE DE L’HÔPITALSAINT-LOUIS, DANS LE 10E À PARIS. POUR TOUT RENSEIGNEMENT, ÉCRIVEZNOUS À CONTACT@BECONTENTS.COM

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PORTFOLIO

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Ils s’appellent Marvin, Ayoub, Aurore ou Yann. Certains n’ont pas encore 18 ans. La photographe Nadège Abadie a rencontré ces jeunes qui signent pour une vie à l’armée, documentant leur quotidien et témoignant de leur parcours. TexTe : Sofia fiSher – PhoToS : Nadège abadie / SigNaTureS / La fraNce vue d’ici

L’appel de l’uniforme Ils ont à peine 20 ans, disent qu’ils veulent se battre pour des valeurs et défendre la patrie. Mais surtout « se sentir utiles ». En 2014, une centaine de jeunes par jour prenaient contact avec l’armée pour devenir soldats. Après les attentats de janvier 2015, ils sont passés à 500. Et juste après le 13 novembre dernier, ils étaient 1 500 par jour. Parallèlement, les campagnes de communication vantant les mérites des troupes face aux menaces extérieures ont été développées de façon exceptionnelle : cinq vagues au lieu

de trois au cours de l’année 2015. Si la ruée Depuis trois ans, Nadège Abadie sillonne les vers les uniformes s’est quelque peu tassée Centres d’information et de recrutement des depuis le début de l’année, l’afflux colossal forces armées (Cirfa) dans toute la France pour après les attentats est plutôt bien tombé pour photographier ces jeunes qui décident de s’engager. l’armée française. En effet, dès les événements Un travail au long cours qui s’inscrit dans un de janvier, la réduction prévue récit photographique collaboratif, de 33 000 postes a été annulée La France vue d’ici. Ce projet, SÉBASTIEN, 19 ANS, VIENT DE SIGNER SON CONTRAT par François Hollande. Au final, lancé par Mediapart et le festival D’ENGAGEMENT 15 000 jeunes ont été embauchés de la photographie documentaire POUR CINQ ANS DANS L’ARMÉE DE TERRE. en 2015, et ils seront 16 000 en ImageSingulières, affiche un objectif 2016. Avec ou sans baccalauréat. ambitieux : dresser le portrait de


rĂŠalise les tirages des plus grands photographes et des institutions culturelles

Tirage en impression dos bleu - format 5mx2,5m / Tirage Fujiflex Superbrillant 90x125

Muriel Bordier Prix Eurazeo 2016 Ce nt ral D U P O N I m a g e s - 74 r u e J os e p h d e M aist re - 75018 Pa ris - w w w. c e n t r a l d u p o n . c o m


LABO

Temps de réalisation : • 10 minutes pour la préparation de la surface photosensible • 8 heures environ pour l’insolation Niveau de difficulté : Facile

MATÉRIEL • Une photo de votre choix • Un ordinateur avec un logiciel de traitement d’image • Une imprimante noir et blanc • Une feuille transparente • Une dizaine de feuilles d’épinard • Un mortier et un pilon • Un filtre à café • Un verre • Un pinceau • Une feuille de papier aquarelle • Un cadre sous-verre plus grand que votre papier aquarelle • Du soleil

Dans ta cuve ! est né de la rencontre de passionnés de photographie argentique. Tels les trois mousquetaires de l’émulsion photosensible, Anaïs, Lise et Rémy constituent la base de l’association. Leur but : promouvoir la photographie argentique en réunissant professionnels et simples curieux de pellicules, sténopés et procédés anciens. Ils partagent leur passion autour de rencontres mensuelles à Paris (les fameux #TAAG), d’ateliers de découverte autour de différentes techniques et d’un site Internet collaboratif regroupant une multitude de tests, de conseils ou d’interviews. www.danstacuve.org

AT E L I E R

PHOTO

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Si je vous dis qu’il est possible de faire des tirages de photographies sans le moindre produit chimique… Intrigués ? Je vous explique comment faire avec la technique de l’anthotype ! TexTe eT phoTo : AnAïs CArvAlho

Faire un tirage photo avec de l’épinard

Étape 1 Numérisez votre photo en noir et blanc grâce à un logiciel de traitement d’image. Étape 2 Augmentez le contraste.

Vous avez besoin d’un positif : ne passez pas votre image en négatif. Étape 3 Imprimez votre photo sur une feuille transparente.

Étape 4 À l’aide du mortier et du pilon, broyez les feuilles d’épinard.

Étape 5 À l’aide du filtre à café, filtrez le broyat et récupérez le jus d’épinard dans un verre.

Étape 6 À l’aide du pinceau, appliquez de façon uniforme ce jus d’épinard sur la feuille aquarelle. Étape 7 Laissez sécher à l’abri de la lumière du soleil.

Étape 8 S’il vous reste du jus d’épinard, vous pouvez faire une nouvelle application sur le papier aquarelle. Laissez de nouveau sécher à l’abri de la lumière du soleil.

Étape 9 Dans le sous-verre, disposez le papier aquarelle, puis l’image transparente, et enfin refermez à l’aide de la vitre.

Étape 10 Exposez au soleil pendant environ 8 heures. Étape 11 Ouvrez le sous-verre et découvrez le résultat !

Vous pouvez bien sûr utiliser d’autres plantes que les épinards, mais il vous faudra ajuster le temps d’exposition.

LE RÉSULTAT

Vous pouvez partager avec nous vos essais en les envoyant à contact@danstacuve.org


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LABO

SHOPPING

BACK TO THE 90’S Sélection : Marie abeille

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Fujifilm Boîte de 10 films instantanés Instax Mini Rainbow 12,99 € boutique.fujifilm.fr

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JEAN-MICHEL ANDRÉ


L’ A U T R E PAY S


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S EN S IB I LIT É

AGENDA

Expositions de saison TexTe eT sélecTion : BenoîT Baume eT éric KarsenTy

ON BEING AN ANGEL FRANCESCA WOODMAN

NOUS VOULONS VOYAGER… FRANCIS JOLLY

« Ces ruines sont les traces d’un passé avec lequel il faut composer pour aller de l’avant. Ne pas les montrer serait une forme d’occultation de la mémoire. Ce serait vouloir nier les mélanges et les métissages », explique le photographe Anton F. qui expose sa nouvelle série à la galerie de l’Europe. Mon quartier lointain propose un portrait intimiste et amoureux d’Ablogamé, le quartier populaire de Lomé où il réside, et d’Aného, l’ancienne capitale du Togo. Partageant sa vie entre la France et le Togo depuis sept ans, l’artiste s’efforce de tracer une géographie éclatée et poétique des espaces urbains, entre terre et mer. Une approche sensible d’un auteur qui se pose beaucoup de questions et nous apporte ses réponses qui nous ramènent à nos propres questionnements.

Francesca Woodman fut une météorite dans l’histoire de la photographie. Cette jeune Américaine née en 1958 dans une famille d’artistes du Colorado fit de la photo sa seconde peau. Elle réalisa en une poignée d’années une œuvre importante fondée sur l’exploration perpétuelle de son corps et du médium. Élève du photographe Aaron Siskind et influencée par la culture italienne, Francesca se mettait en scène dans des situations aux accents surréalistes pour un résultat d’une beauté fulgurante. Elle disparut à 22 ans, mais son travail fut vite remarqué par les institutions photographiques. La Fondation Cartier et les Rencontres d’Arles lui ont consacré une rétrospective en 1998. Cette exposition d’une centaine de tirages a été présentée à Stockholm et Amsterdam, et sera de retour en Suède, à Malmö, après son étape parisienne. Un ouvrage des éditions Xavier Barral, Francesca Woodman – Devenir un ange, accompagne cette exposition.

« Juxtaposition de “vrais faux souvenirs”, collages indécis et flottants de lieux imaginaires et réels, ou lieux de mémoire », l’exposition que Francis Jolly nous présente est le fruit d’un assemblage d’images hétéroclites prises en voyage ces cinq dernières années. Des photos numériques issues de téléphones ou de boîtiers de toutes sortes, des fragments assemblés qui recomposent des « strates de mémoire » nous invitant au voyage. Accompagnées de textes d’écrivains, ces images sont également disponibles sur un e-book téléchargeable gratuitement (www.tribew.com/ebook/jolly). Une manière pour Francis Jolly de partager et de transmettre sa passion pour la photographie, un des fils rouges d’un parcours aussi discret que singulier.

Du 9 juin au 9 juillet 2016, à la galerie de l’Europe, à Paris (75). www.galerie-europe.com

Jusqu’au 31 mai 2016, à la Little Big Galerie, à Paris (75). www.littlebiggalerie.com

Du 11 mai au 31 juillet 2016, à la fondation Henri CartierBresson, à Paris (75). www.henricartierbresson.org

ANTON F., FIN DE JOURNÉE.

FRANCESCA WOODMAN, FROM EEL SERIES, VENISE, ITALIE, 1978.

FRATRES TINA MERANDON

Les recherches sur le corps et les rapports de pouvoir, au niveau politique, social ou intime, sont au cœur des travaux de Tina Merandon. La nouvelle série exposée à Carcassonne résulte d’une résidence d’un an proposée par le GRAPh, association membre du réseau Diagonal. Le territoire minéral des alentours de la ville s’invite dans ces images entre matière et spiritualité. Les corps semblent s’être apaisés dans ces photos grand format. Les relations conflictuelles des travaux précédents de la photographe laissent place à une vision plus nuancée du contact entre humains. La relation à l’autre, entre bienveillance et douceur, donne tout son sens au titre de l’exposition, Fratres (« frères » en latin). Proposant tour à tour des visions d’élévation ou de chaos, les images de Tina Merandon restent offertes à l’interprétation, dans toute leur ambiguïté. Et c’est bien ce qui nous fascine dans ce travail. Du 26 mai au 2 juillet 2016, à la chapelle des Jésuites, à Carcassonne (11). www.graph-cmi.org

FRANCIS JOLLY, SANS TITRE.

TINA MERANDON, SANS TITRE.

© anTon F. © GeorGe and BeTTy Woodman. © Francis Jolly. © Tina merandon / siGnaTures.

MON QUARTIER LOINTAIN ANTON F.


Jusqu’au 22 mai 2016, ImageSingulières www.imagesingulieres.com

Du 10 juin au 4 septembre 2016, Portrait(s) www.ville-vichy.fr/agenda/ festival-portraits-2016

MAÏ LUCAS, RED HAIR TEEN, SÉRIE WE AMERICAN FLAVOR, 2012-2014. FESTIVAL PORTRAIT(S).

Du 17 juin au 15 juillet 2016, Festival du regard www.festivalduregard.fr

STÉPHANE LAGOUTTE, SÉRIE BEYROUTH 75-15. FESTIVAL DU REGARD.

GUILLAUME HERBAUT, KOTOVSK, PARC DES CHEMINOTS, 19 DÉCEMBRE 2013, 14 H 39. FESTIVAL IMAGESINGULIÈRES.

Festivals en fête TexTe : éric KarsenTy

© MAÏ LUCAS, COURTESY GALERIE HELENBECK, PARIS. © STÉPHANE LAGOUTTE / MYOP. © GUILLAUME HERBAUT.

Le printemps est décidément la bonne saison pour voir éclore les nouveaux talents dans les festivals photo qui fleurissent un peu partout en France. On ne peut évidemment pas tous les citer, mais allez donc faire un tour à Sète pour la 8e édition d’ImageSingulières, où le festival de l’image documentaire propose une programmation qui met le Chili à l’honneur, sans oublier Christian Lutz nous montrant un Las Vegas en mode blues, ou Sébastien Van Malleghem nous entraînant dans les geôles belges. Passez aussi par Vichy qui accueille le festival Portrait(s), où les images de Nicola Lo Calzo explorant les mémoires postcoloniales de Cuba vous surprendront, tout comme, dans un autre registre, les photos de Nicolas Comment qui dressent depuis six ans un « blason photographique » du corps de Milo, son amante et muse. Et faites un saut en banlieue parisienne, du côté de Saint-Germain-en-Laye, pour la seconde édition du Festival du regard dont la direction artistique a été confiée à Sylvie Hugues, qui a souhaité « mettre en avant la matérialité de la photographie » avec des travaux aussi éclectiques que ceux de Coco Fronsac, Stéphane Lagoutte, Sarah Moon ou Georges Rousse.

ANNE LOCQUEN, JARDINS INTÉRIEURS.


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S EN S IB I LITÉ

COMMUNITY

Cont nous inuez à e vos phnvoyer otos, Fish faire eye adore de décou nouvelles ver te s: m becon oglia@ tents .com

Tumblr des lecteurs

STEPHANEPITTI.TUMBLR.COM

Instantané, sensible, humain. C’est ainsi que Stéphane dépeint son univers. Ces trois mots très justes sont à la hauteur de son travail. Car le jeune homme est un pur portraitiste. « Je suis aussi mannequin, alors quand j’ai démarré, je me suis tourné vers mes amis et les modèles qui font partie des agences dans lesquelles je suis. Et puis, par curiosité mais aussi par besoin d’authenticité, j’ai commencé à photographier tout ce qu’il y avait entre. Les moments, puis l’inconnu. La vie à l’état brut. »

ROBINVOISIN. TUMBLR.COM « J’ai besoin d’établir un pacte avec la personne que je photographie, c’est pourquoi je travaille majoritairement avec mes proches. » Robin est un jeune photographe amateur passionné d’argentique. Il prend de magnifiques portraits des gens qui l’entourent et parvient à retranscrire avec force les sentiments qu’ils lui inspirent.

FLAVIEGONIN.TUMBLR.COM

Flavie est graphiste. La photographie est pour elle le moyen de pratiquer l’image autrement. C’est un partage. Elle nous explique qu’elle cherche à offrir au regard des autres « l’opportunité d’une vision différente », à mettre en lumière « ce qui nous entoure et ce à quoi on prête à peine attention ».


S ENSIBILITÉ

COMMUNITY

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LAURIANNECENEDA. TUMBLR.COM Il manque encore un équilibre, une certaine rigueur dans son approche du sujet. Malgré tout, il ressort des images de Laurianne un signe prometteur : une belle lecture des lumières et des couleurs. Ses photos sont riches d’aspirations – entre autres, celle d’exprimer avec précision ce qui la touche.

YASSINEHAMROUNI.TUMBLR.COM

Après des études de design à Tunis, Yassine quitte son pays natal pour s’installer à Paris où il effectue un stage à l’agence Magnum Photos. Une expérience qui l’a beaucoup inspiré et influencé. Équipé d’un Leica et d’un Ricoh GR, il parcourt les rues « à la recherche des choses simples de la vie ». « Je veux capturer les banalités et les anecdotes du quotidien, dans l’attente d’un moment intime, drôle ou rare. »

NEEBULEUSE.TUMBLR.COM

Euphémie Verrier est une photographe qui, dans ses images, fait preuve d’une grande sincérité. Il y a dans sa démarche une intention authentique et vraie. Si la technique n’est pas encore tout à fait maîtrisée, le geste y est. Ses photos sont de beaux témoignages de son quotidien. Voilà un Tumblr très touchant.


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