Lettre hebdomadaire Exprimeo n°229

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N°229 - semaine du 24 août au 31 août 2010

La tempête de novembre 2010 ?

Barack Obama face à la défaite - Les sondages actuels - Les explications - Les conséquences


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Barack Obama peut-il encore inverser la tendance ? Tous les sondages placent les Républicains en tête. Des scrutins emblématiques pour les Démocrates s’annoncent pour le mieux serrés ou quasiingagnables. En Californie, Meg Whitman est en passe de réussir un exploit inconcevable il y a quelques mois quand la mode était alors de se moquer des pratiques de «Queen Meg». Dans le même Etat, Carly Fiorina se détache et acquiert désormais une marge de sécurité face à la Sénatrice Démocrate sortante, Barbara Boxer. Harry Reid, leader des Démocrates au Sénat, réélu sans difficulté depuis 1987 est au coude à coude avec Sharron Angle, candidate de la «Sarah team». Et la liste des défaites cinglantes pourrait être longue. La Maison Blanche reconnaît déjà que la Chambre

des Représentants perdue.

est

tournement ce ?

de

tendan-

Il pourrait en être de même du Sénat où pas moins de 13 sièges sont actuellement tantôt dans des duels au coude à coude tantôt placés dans des prévisions favorables aux candidats Républicains.

Certes, l’économie ne redémarre pas. Les déficits se creusent. Les Républicains déchaînent les campagnes négatives où ils excellent. Mais, le mal paraît plus profond comme si le «charme Obama» n’opérait plus.

Comment faire renaître la flamme de 2008 ?

En 2008, la mode était au changement. En 2010, la mode est à la punition. Le résumé de cette évolution pourrait accréditer l’idée selon laquelle l’opinion a muté. Elle est restée la même respectant les tendances profondes qui avaient fait la victoire de 2008.

Tous les indicateurs sont au rouge. Plus de 60 % des Américains désapprouvent la gestion présidentielle. Les rumeurs les plus fantaisistes, dont celle sur la religion du Président, ont maintenant prise. Sur le seul mois de juillet 2010, sur le plan fédéral, le Parti Républicain a levé 8, 5 millions de dollars quand pour le même mois, le Parti Démocrate levait … 6, 2 millions de dollars. A quoi est dû ce total re-

Tout d’abord, chacun vote pour soi et pas pour un candidat. La nouvelle génération est consommatrice. Elle vise d’abord l’amélioration de son sort individuel. Aucun signe ne lui permet de penser que la politique d’Obama va améliorer la situation in-


Barack Obama face à la tempête de novembre

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Tous les indicateurs sont au rouge : •

• •

Chambre des Représentants perdue en novembre, 13 scrutins au Sénat incertains donc doute sur la majorité au Sénat, 41 % d’opinions favorables, 62 % de désapprobation de la politique présidentielle,

...


Barack Obama face à la tempête de novembre

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dividuelle d’une large majorité des citoyens Américains ; bien au contraire. L’opinion vote pour une star mais à la condition qu’elle lui ressemble. En 2008, Obama était le candidat de proximité. C’est ce trait de tempérament qui a fait sa force au sein même du Parti Démocrate dans la lutte implacable contre Hillary Clinton alors perçue comme l’ex First Lady. Enfin, l’opinion vote pour un gagnant et pas pour un perdant. Dès que les sondages ont été annonciateurs d’une vague républicaine, ils ont amplifié cette contestation naissante, entrant dans cette dynamique autoentretenue qui modèle une partie de l’opinion qui accompagne le courant dominant. Les critères de 2008 sont restés les mêmes. Hier, ils ont fait la victoire d’Obama. Aujourd’hui, ils creusent sa défaite.

La nouvelle révolution conservatrice Ce qui est plus inquiétant pour le Président en exercice, c’est qu’une nouvelle révolution conservatrice est en marche. Cette révolution annonce des jours sombres avec quand même heureusement quelques embellies éven-

tuelles. Les jours sombrent naissent de circonstances politiques très compliquées pour la seconde moitié de son premier mandat. Il lui va falloir partager le pouvoir avec l’impact psychologique d’une nouvelle majorité plus fraîche car sortie des urnes lors de la toute dernière élection. Cette nouvelle majorité aura souvent gagné sa légitimité sur des bases radicales, avec des formulations populistes qui ne supportent pas les nuances. Donc les bras de fer devraient être violents. Mais surtout, puisque fragile, le Président en exer-

cice apparaît battable en 2012. Par conséquent, les meilleurs des Républicains vont passer à l’assaut de la prochaine échéance présidentielle. C’est d’ailleurs là, le véritable enjeu politique des élections dites du mid term. Si l’exécutif les gagne, il calme les ardeurs des meilleurs concurrents. S’il les perd, il s’expose aux candidatures des plus redoutables concurrents. De cette fragilité peut paradoxalement naître une embellie pour Obama. Les Républicains vont devoir vivre une compétition interne redoutable. Non seulement, parce que les candidats sont nombreux.


Barack Obama face à la tempête de novembre Mais surtout, parce qu’ils demeurent séparés sur des questions de fond entre des radicaux qui surfent sur les valeurs du Mouvement Tea Party et les modérés toujours persuadés que la présidentielle se gagne au centre avec la capacité à se rallier les couches moyennes. Les radicaux ont des thèses qui peuvent inquiéter les couches moyennes. Bien davantage, les radicaux ont une figure emblématique, Sarah Palin, qui n’a pas la présidentialité requise. Quel équilibre sera obtenu dans le temps sur 2011 ? Toujours plus mobilisés, les radicaux devraient encore hausser le ton dans la foulée de la probable victoire de novembre 2010. Hausseront-ils le ton au point de susciter une candidature indépendante sortie des rangs Républicains classiques mais qui changerait totalement la donne en captant une part même modeste des voix républicaines ? En novembre 2010, Obama va perdre la main. Il devra ensuite jouer en contre pour profiter des faiblesses du camp adverse. Ces faiblesses existent. Elles sont même nombreuses et profondes.

Sarah Palin : à l’offensive ! Sarah Palin est sur tous les fronts : réunions de soutien à des candidats républicains, colloques locaux du mouvement Tea Party et émissions à la TV. Sa course pré-présidentielle répond aux conclusions d’études très précises. Les Républicains attendent un leader fort. Leur principal critère est l’examen de la force morale de son tempérament. Pour les Démocrates, c’est la capacité de jugement qui compte. La sécurité nationale est la première priorité pour les Républicains tandis qu’elle est largement devancée par l’économie pour les Démocrates. Pour ces derniers, les questions sociales arrivent même devant la sécurité nationale. Mais surtout, il résulte que l’électeur Américain ne vote pas pour un candidat quand il ne le connaît pas. Ces données portaient en elles les scores des primaires 2008. Sarah Palin est actuellement la présidentiable qui effectue le «tour de chauffe» le plus intense et méthodique. Il est même question de la «team Sarah» qui truste les investitures locales. Des investitures ou des responsabilités qui pèseront très lourd en 2011 lors des primaires internes au Parti Républicain pour le choix de son représentant en 2012.

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Un impératif : restaurer son leadership culturel

Le danger ultime pour Obama c’est l’évolution éventuelle de son image vers une carterisation. Jimmy Carter est l’exemple à ne pas suivre. Cette morale du «cœur en bandoulière» est considérée comme le socialisme rampant sur le plan intérieur par la multiplication des programmes fédéraux. C’est la faiblesse à l’international par la multiplication de précautions inutiles. Ces deux logiques heurtent les classes moyennes. Sur le plan intérieur, les programmes fédéraux annoncent des hausses d’impôts et de bureaucratie. Sur le plan international, les précautions sont ressenties comme des handicaps à l’efficacité, donc une dévalorisation de la force américaine et une fragilisation des intérêts américains. Cette carterisation est la stratégie mise en place par le Parti Républicain qui n’hésite plus à mettre en doute les qualités de Commandant en Chef pour évoquer celles du «Comédien en Chef». C’est le sillon de Sarah Palin quand elle dénonce le fait que selon elle «le Président Obama n’aurait


Barack Obama face à la tempête de novembre Janvier 2010 : le message de Boston ... En janvier 2010, le Républicain, Scott Brown, a défait la candidate démocrate, Martha Coakley, avec 53% des suffrages contre 47% à sa principale adversaire lors d'une élection partielle. La circonscription sénatoriale de Ted Kennedy échappait aux Démocrates. Le Président Obama était descendu dans l'arène le dimanche précédant en effectuant un voyage éclair à Boston pour apporter son soutien à Martha Coakley. Il a rappelé à la foule des partisans démocrates que les grandes initiatives de sa présidence --la couverture médicale, la lutte contre les gaz à effet de serre et la réforme financière-- étaient en jeu. Brown a parlé simple sur peu de sujets.

C'est la logique de la campagne qui transforme le scrutin en referendum : emploi et fiscalité. Après d’autres défaites significatives lors de partielles, les Démocrates ont interprété «ce message de Boston» comme un vote local entre un candidat républicain très charismatique et une candidate démocrate très … effacée. Les démocrates ont regretté que, Vicki, la veuve de Ted Kennedy, n’ait pas été leur candidate et ont alors considéré que le score aurait été inversé. Ce vote avait probablement une portée considérablement plus large. L’opinion passait ses premiers messages même dans un «sanctuaire démocrate». La vague républicaine avait pris naissance et allait gagner en volume.

pas les couilles» pour conduire la politique de lutte contre l’immigration.

Construire une nouvelle équipe

C’est presque du copier / coller avec les campagnes publicitaires de Reagan le présentant en 1980 comme «un homme».

2008 a été la victoire d’une nouvelle génération. Depuis cette date, elle est au pouvoir. Dans ce cadre, les actes n’ont pas toujours été à la hauteur des espoirs d’alors.

Ce nouveau leadership culturel doit remplir deux missions essentielles. D’une part, réconcilier Obama avec les couches moyennes qui feront la décision en 2012. D’autre part, mobiliser des segments électoraux de couches sociales défavorisées qui avaient beaucoup voté en 2008 et qui se sont réfugiées de nouveau dans l’abstention.

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Le thème du changement des mœurs de Washington n’a pas donné lieu à des faits marquants. Des réformes dont celle de la santé ont renvoyé les Démocrates aux vieux démons des images d’antan : bureaucratie et impôts fédéraux croissants. Si les promesses n’ont pas toujours donné les

résultats escomptés, des modifications jugées trop mineures ont parfois démobilisé à l’exemple de la continuité en matière de défense. La mode est désormais aux «nouveaux Républicains» : Thune, Cantor, Brown, Angle, Fiorina, Haley ... Les ex nouveaux Démocrates ont tardé à imprimer leur valeur ajoutée. Les uns subissent le procès de «centrisme» à l’exemple de Mark Warner tandis que d’autres sont qualifiés de «socialistes». Dans les deux cas, ce sont des qualificatifs qui pénalisent dans la vie pu-


Barack Obama face à la tempête de novembre blique Américaine. •

Le focus de l’opinion n’est plus dirigé à destination des «nouveaux Démocrates» mais à destination des «nouveaux Républicains». Ces derniers sont supposés incarner l’opinion profonde de l’Amérique durable. Pour «reprendre la main», les ex-nouveaux Démocrates doivent régler trois enjeux majeurs : • la reprise économique, • la stabilisation des prélèvements obliga-

toires, la réconciliation avec les classes moyennes probablement par le biais de la moralisation de l’industrie financière.

Le lendemain des élections de novembre s’annonce comme une restructuration en profondeur de l’équipe d’Obama. L’actuel Secrétaire Général de la Maison Blanche pourrait quitter son poste ouvrant une réorganisation en profondeur non seulement des collaborateurs personnels directs du Président mais aussi des membres du Cabinet.

John Thune : le Républicain modéré John Thune incarne la nouvelle génération du Parti Républicain. Il est Sénateur du Dakota du Sud. Il fait partie des orateurs vedettes pour les candidats aux élections de novembre 2010. Toute son histoire personnelle le relie au Dakota du Sud où il est né le 7 janvier 1961. Il a grandi dans la ville de Muro (Dakota du Sud). Il a effectué son parcours universitaire dans cet Etat. En 1984, il épouse Kimberley Weems, elle-même originaire de cet Etat. Son parcours professionnel est toujours lié à la politique. Il débute comme Assistant de Jim Abdnor, Sénateur. Puis il occupe des postes administratifs dans des structures gérées par des responsables républicains. Sa première candidature date de 1996 quand il est élu à la Chambre des Représentants. Il connaît deux réélections à cette fonction dont l’une particulièrement brillante puisqu’il capitalisera la plus grande marge

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Le sort de son équipe économique sera observé à la loupe et plus particulièrement le sort de deux ou trois conseillers emblématiques jugés trop proches de Wall Street. C’est le cas de Tim Geithner, actuel Secrétaire d’Etat au Trésor, qui incarne le poids excessif des financiers. La reconduction du ticket Geithner - Summers susciterait des passes d’armes redoutables au Congrès. Ce qui est plus inquiétant à ce sujet c’est une double rupture. D’une part, l’approche bipartisane est passée de mode compte

dans l’histoire du Dakota du Sud lors d’une élection. En 2002, il se présente au Sénat mais il est battu. Il se présente alors dans une autre circonscription sénatoriale en 2004. A cette époque, peu d’observateurs parient sur ses chances de victoire car il est candidat contre le Démocrate Tom Daschle qui n’est autre que le leader des Démocrates au Sénat. Pourtant, le 2 novembre 2004, il bat Tom Daschle et devient l’un des symboles de la jeune génération républicaine. Il est libéral en économie, conservateur sur les valeurs. Il a construit avec méthode l’image du Sénateur travailleur, bon père de famille, passionné de sports (basket et jogging), à l’écart des mœurs de Washington, préférant la chasse au faisan dans les prairies aux longues réunions dans la Capitale fédérale. Mais John Thune considère que la présidentielle se gagne toujours au centre. Par conséquent, il garde ses distances avec les thèses les plus populistes du Mouvement Tea Party.


Barack Obama face à la tempête de novembre tenu de la radicalisation des positions républicaines. Mais surtout, la mode au sein des Démocrates est à la distanciation avec les positions d’Obama à l’exemple caricatural des dernières prises de positions sur l’installation de la Mosquée à Ground Zero. Un sujet qui résume à lui seul la réactivité de l’opinion comme l’ampleur du fossé d’incompréhension qui s’est creusée. Si le noyau dur de l’équipe de 2007-2008 est voué à demeurer (Plouffe, Axelrod, Favrau …), il faudra trouver des nouvelles

personnalités dans des conditions très difficiles qui risquent de neutraliser bon nombre des meilleurs atouts potentiels. Une information récente a établi la gravité de la situation actuelle. News Corp, groupe de Rupert Murdoch, vient de verser un million de dollars au Parti Républicain. Un signe de plus de l'actuelle fragilité politique de Barack Obama.La tradition du groupe Murdoch est simple : accompagner la victoire. Si la victoire est indécise, il répartit ses versements dans des conditions

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relativement égales. Si la victoire est acquise, il fait le pas de façon ostentatoire y compris parfois co n t r e des ancrages conservateurs comme lors de la première campagne de T o n y B l a i r . L e communiqué du Groupe pour expliquer les versements fait "référence à des valeurs en période critique pour l'économie". C'est le probable marqueur le plus manifeste de la victoire assurée pour les Républicains et d'une défaite d'ampleur pour les Démocrates. En 2008, le schéma était clair même en dehors du vote sanction contre GW Bush. Il y avait d'un côté le candidat du quotidien (Obama) et de l'autre celui qui ne connaissait ni le nombre de ses propriétés ni celui de ses véhicules (McCain) ... La partie était trop inégale. Obama traverse actuellement une véritable crise d’identité. Il doit reconquérir sa valeur ajoutée initiale. Est-ce possible en étant le Président en exercice ? Editeur : Newday Directeur De publication : Denis BONZY


Lettre 230 : Premier Ministre, une fonction en péril ?

Au sommaire de notre prochain numéro : •

L’évolution de la fonction de Premier Ministre

Les perspectives possibles

Matignon et la présidentielle 2012

Parution le 31 août 2010

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