E73-EBOOK

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s o m m a i r e

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édito r ial

Images crues

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c r é at i o n

Que dalles s’éclatent !

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L’illustration pénètre dans la cour des grands et y jouera aussi longtemps qu’elle saura préserver sa personnalité des desiderata pervers de divers commanditaires.

Packagings, logos, pubs… A le u r avis

Le graphisme fait-il vendre ?

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pub

La musique dans la peau

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technews

L’actualité des technologies

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présence

Pierre-Éric Mounier Kuhn

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il était une fois l’informatique… i l lu s t r at i o n

Clic moi, je rêve

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pédagogie

Un prof à New York

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agence

A la manière de…

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environnement

Le graphisme intégré dans l’architecture

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affiches

20 ans : fête de la musique

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Dream On, agence de création, se démarque de ses consœurs en affirmant une non-spécialisation. Si cette structure loue la pluridisciplinarité pour ce qu’elle renferme de ressources, elle se garde néanmoins d’accepter le touche-à-tout.

images

La reine des abeilles

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regard

Objets trouvés

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l é g i s l at i o n

Souvenir de Lyon

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réaction

Un visible illisible

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livres

Les dernières nouveautés

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Philippe Apeloig, professeur de graphisme au Cooper Union, à New York, nous ouvre les portes de cette célèbre école supérieure d’architecture, d’ingénierie et d’art.

42

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La RATP a présumé d’une heureuse unification du graphisme et de l’architecture pour recomposer neuf de ses stations.

de l’édition graphique expos-concours

Expo-graphic

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index

Le carnet d’adresses

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E m ploi

Offres d’emploi

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rÉpe rtoi r e

La page des professionnels

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68

Une fois n’étant pas coutume, la Fête de la musique consacrera cette année, pour son 20e anniversaire, vingt œuvres d’affichistes.

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É d i t o r i a l

Rédaction en chef - Direction artistique Michel Chanaud mchanaud@pyramyd.fr Patrick Morin pmorin@pyramyd.fr Rédacteur en chef adjoint Brice d’Antras bdantras@pyramyd.fr Maquette Alice Andersen, Amélie Pignarre. Création graphique et maquette © PYRAMYD Création, A leur avis, Livres, Expos, Images… Guillaume Frauly gfrauly@pyramyd.fr Ont participé à ce numéro Ulf Andersen, Lewis Blackwell, Isabelle Durand, Marie-Pierre Guiard, Alain Le Quernec, Françoise Martin-Borret, Rob Mason, Vanina Pinter, Stéphanie Portal, Philippe Quinton. événements et relations extérieures Véronique Marrier (00 54) vmarrier@pyramyd.fr Publicité au journal Nadia Zanoun (03 51) nzanoun@pyramyd.fr Emploi, produits, services : Dulce Joao (02 77) djoao@pyramyd.fr Abonnements Tél 33 – 01 40 26 02 65 Fax 33 – 01 40 26 07 03 lrobic@pyramyd.fr Prix pour 10 numéros : 680 FF France 850 FF CEE, DOM TOM – 980 FF autres pays Flashé par Transparence Imprimé par Imprimerie Saint-Paul • Bar-le-Duc sur Hello Silk 135 g/m2 couverture sur Hello Gloss 250 g/m2

Images crues

Productions SAPPI Fine Paper Europe, distribuées par Libert. Directeur de la publication Michel Chanaud (mchanaud@pyramyd.fr) N° de commission paritaire : 75280 Dépôt légal à parution – ISSN 1254-7298 © ADAGP Paris 1999 pour les œuvres des membres. Cette publication peut être utilisée dans le cadre de la formation permanente. Ce numéro contient 3 encarts brochés : 2 pages Fedrigoni entre les pages 16/17, 2 pages Papetiers de France entre les pages 48/49, 2 pages Sappi entre les pages 72/73. étapes Graphiques est éditée par PYRAMYD NTCV Société Anonyme au capital de 500 000 F dont les principaux actionnaires sont M. Chanaud & P. Morin. 15, rue de Turbigo, 75002 Paris. Tél. : 01 40 26 00 99 R.C.S. Paris B 351 996 509 Pyramyd édite également Bloc Notes Publishing, le mensuel du savoir-faire en multimédia, Internet, création et prépresse, la lettre d’information et le site de la librairie Artdesign sélection et le catalogue de Pyramyd formation.

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Le coupon d’abonnement <- logo "outline" est en pages 71/72 proFessioNNelle

“Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages ou images publiées dans la présente publication, faite sans l’autorisation écrite de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon”. (Loi du 11 mars 1957, art. 40 et art.41 et Code pénal art 425) • Le magazine n’est pas responsable des textes, photos, illustrations qui lui sont adressés • L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication. Toutes les marques citées dans étapes graphiques sont des marques déposées ainsi que le logo “Étapes graphiques” et sa marque .

ulf andersen

Michel Chanaud Patrick Morin

15, rue de turbigo, 75002 paris Tél. : 33 – 01 40 26 00 99 Fax : 33 – 01 40 26 00 79

en couverture La couverture de ce numéro printanier est une réalisation de Philippe Apeloig, spécialement conçue pour Étapes Graphiques (lire p50 à p55).

Les fiançailles de la télévision avec Internet sont déjà conclues depuis quelque temps. Leur mariage sera accompli quand ils cohabiteront définitivement sous le même écran. Loft story, l’émission poubelle diffusée sur M6, allie les outils et les processus de consommation des réseaux numériques et hertziens. Maquettée par la Web cam, elle conjugue au pluriel des grandes masses les plaisirs interdits de l’exhibitionnisme et du voyeurisme. Comparée aux Web cams des amateurs qui diffusent de piteuses intimités, elle offre l’avantage du professionnalisme des castings rigoureux et des décors télégéniques. Hourra !, la perversion a rencontré son design. Elle n’est plus reléguée aux bricolages des particuliers ou aux sophistications d’artistes. Sade ou Bataille ont trouvé leur Spielberg des petits écrans et des grandes misères. Propre, brillante, consommable par des millions de téléspectateurs déculpabilisés, elle rejoint les infinis rayonnages des hypermarchés virtuels de l’information. Après un bénéfique mal de mer provoqué par les tangages de Thalassa, l’on pourra s’offrir un mal à la morale avec Loft story. La télévision ne serait pas dans le coup si elle n’était pas interactive. –“ Chers amis téléspectateurs, plongez votre opinion dans la merde informative. Ne craignez rien, plus vraie que nature, elle est aseptisée, son odeur a été spécialement conçue pour vous satisfaire et vous serez heureux de participer à sa grande fête. Un appel téléphonique et vous désignerez qui vous n’aimez pas, nous l’éliminerons pour vous.” Formatée au critère du plaisir, l’information s’engouffre dans l’immédiateté de la réaction. Adhésion et rejet ne s’encombrent plus de la distance de la réflexion. Le temps réel n’a plus le temps d’offrir le prêt-à-penser, il prescrit le prêtà-réagir. Face au bombardement quotidien d’informations, seules les images les plus sensationnelles peuvent prétendre s’imposer. Elles se consomment crues pour être crédibles. ■

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C R É A T I O N par GUILLAUME FRAULY

Que dalles s’éclatent ! Design graphique, design produit , design d’environnement et bien sûr design de communication. La synthèse des designs se substituerait-elle au credo du design industriel, la fameuse synthèse des arts? Avec la Collection privée II – Anticipations, le fabricant de revêtements de sol Tarkett Sommer flirte avec la création appliquée. Le designer Christian Ghion a, pour la troisième année consécutive, fait appel à douze designers, architectes d’intérieur et graphistes pour qu’ils composent chacun un motif pour des dalles de moquette Tecsom. Brillante opération de communication pour son commanditaire, cette collection rassemble chaque année des personnalités différentes au talent largement médiatisé. Andrée Putman, la grande prêtresse du design français y côtoie Mattia Bonetti et Elizabeth Garouste, le duo phare du renouveau de l’art décoratif des années quatre-vingt, ou l’exigeant architecte d’intérieur Éric Gizard sans oublier le duo de graphistes Antoine et Manuel. A cette occasion, Tarkett Sommer édite un catalogue mis en page par Denis Coueignoux et Simone Burth. Le talent de cette programmation, la qualité des propositions, suggèrent, avec une insistante persuasion, que, de plus en plus, la synthèse des designs s’épanouit dans la communication.


création

Identité

Jazz Les organisateurs de ce festival annuel souhaitaient revoir le sens privilégié du visuel conceptuel et confier cette création à des Orléanais. Une compétition (anonyme et rémunérée !) a réuni agences, studios et indépendants. Le choix des organisateurs s’est porté sur le projet de Jérôme Charbonnier, graphiste-affichiste. Sa création joue sur la complexité et l’harmonie de la discipline, recentrant la création sur la programmation.

? Polit !c

Les créations des lauréats de la 8e Triennale internationale de l’Affiche politique de Mons, dont le jury s’est réuni en novembre 2000, seront exposées au musée des BeauxArts de Mons, Belgique, jusqu’au 3 juin 2001.

Recette Non, il ne s’agit pas d’un livre de cuisine, mais du dossier de presse de Cuisine TV (voir p. 60). Si l’identité et l’habillage sont signés de Dream On, c’est à l’agence parisienne Five que l’on doit ce détournement des codes de recettes de cuisine, une maquette qui s’inspire largement des titres du secteur. Beau clin d’œil !

Détournement

Le 4e numéro de Pornawak vient de sortir. Ce trimestriel critique, édité par le collectif Mazout Design depuis un an, surfe sur la vague contestataire initiée par les “casseurs de pub” : des réclames et les nouvelles tendances de la consommation, le consommateur transgénique ou un sujet sur les sports de glisse… Acide et provocateur, ce périodique offre une possibilité de prendre du recul… sur fond d’humour.

Christian Vince, ex-vice-président et directeur de la création de DDB Paris ces six dernières années, crée l’agence V au sein du groupe DDB. Il s’est associé à Xavier Real Del Sarte, ex-vice-président, directeur général de Saatchi & Saatchi Paris. • Olivier Le Hénaff rejoint Groupe E où il devient directeur général • Emmanuel Chambon, 49 ans, vient d'être promu directeur général du groupe J.Walter Thompson France • Euro-RSCG BETC remporte Orange à l'issue d'une consultation qui réunissait également les agences Lowe Lintas & Partners (qui a signé la campagne d'introduction en Bourse), CLM-BBDO, et BDDP & Fils • Par ailleurs, c’est l’agence Brand Company qui a gagné la compétition de design packaging Orange devant Landor Associates et Astuce Pack. L’agence était déjà à l’origine de la gamme actuelle de conditionnements Mobicarte de France Pour être présent dans cette rubrique : etapesgraphiques@pyramyd.fr

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Des idées… Le concours annuel “Ideas that Matter”, organisé par le papetier Sappi, a retenu le projet des graphistes Rubimann (Blanche Rubini et Olaf Mühlmann) pour l’association France Alzheimer. La bourse accordée par Sappi a ainsi permis d’éditer un livret, une série de cartes postales et de financer la campagne de communication de l’association. Une minirévolution pour la structure qui ne bénéficiait jusqu’à aujourd’hui d’aucune véritable communication visuelle cohérente.

Sans voitures

Après l’exposition sur la marée noire, Stéphanie Couderc et Michel Bouvet, enseignants à l’Esag, ont été sollicités par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement pour travailler, avec leurs élèves, sur l’omniprésence de la voiture dans la ville. Ces réalisations ont été éditées dans un petit livret et feront l’objet d’une exposition “En ville, sans ma voiture !”. Pour asseoir une approche concrète de la création d’affiches (pas seulement un support à exposer), plusieurs de ces livrets ont été distribués lors de la dernière conférence européenne traitant du lancement européen de l’opération, dans le seul objectif de faire circuler ces images.

De l’année ? Support d’expression par excellence, le flyer n’est plus dans l’esprit de sa jeunesse. Les graphistes ont abandonné le détournement, le sado-masochisme, récupérés par les publicitaires. L’image succède au signe. Le style est épuré, l’idée simple et immédiate, célébrée. Stimule-t-il toujours les pulsions ? Le news urbain A nous Paris vient d’organiser le “Prix du Meilleur flyer de l’année 2000” (!?). Le lauréat est Axel Huynh, DA de Crazybaby. Pour La Shampouineuse (voir EG 7), membre du jury, le phénomène est marketing. La sélection était hasardeuse, pas représentative… il manquait les flyers de l’Alcazar (malgré près de 400 envois, essentiellement parisiens)… 2000 n’était pas forcément le meilleur cru ! Tout est dit. Peut-on encore parler d’une émulation ? Le rave est pourtant toujours à portée de main… Télécom • Le Studio (ex-le Studio Grolier) remporte la réalisation du site Internet de la prestigieuse marque de joaillerie Piaget avec un projet d’animations particulièrement pointues • Erratum : la présentation d’Alexandre Saltiel (le studio du mois EG 72) comportait quelques erreurs involontaires : il a effectivement fait une école de commerce, mais à Paris, partage aujourd’hui son temps entre Arles et Paris où se trouve Opposite Design. La compilation du CD d’Indochine est chez BMG et non chez Virgin. Opposite Design n’a pas signé la pochette de Björk mais un spot TV • Pour être présent dans cette rubrique : etapesgraphiques@pyramyd.fr

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c r é a t i o n

Identité

Conso-engagement? L’agence londonienne Springetts a combiné création et engagement pour la chaîne de supermarchés britanniques Sainsbury. Elle a conçu le conditionnement d’une marque de fromage blanc exclusive au distributeur, “Rainforest Fromage Frais” (2 pences sont reversés pour chaque pot vendu). Andy Black, responsable de la création, a choisi un jeu visuel qui renforce la présence en linéaire.

Télé libre

L’initiative rappelle le mouvement des radios libres des années quatre-vingt. Zalea TV, “télévision du Tiers secteur”, se dote d’une identité visuelle et sonore vraiment alternative. Benoît Musereau, Stéphane Robert et Vincent Tordjman, graphistes indépendants, ont utilisé une police conçue par Pierre Di Sciullo (la “Durmou”) pour concevoir un logo qui naît d’un composite cynétique éclaté. La “charte graphique” est en fait un “kit modulable” d’une vingtaine de fonds d’écrans visuels décalés, faciles à adapter, plutôt neutres, qui calment le rythme entre les programmes d’origine et de facture très diverses. Associative et “contre le diktat de la consommation”, Zaléa TV, bénévole et non-marchande, n’attend pas après les jingles pub. Le design sonore, assuré par Florence Smadja, contribue à part entière à l’identité.

Cash ! L’agence parisienne Didier Saco Design vient de concevoir la nouvelle carte de paiement pour son client, la Banque Directe. La principale difficulté tenait aux contraintes techniques pour loger la puce dans le plastique translucide, assurer la sécurité et la résistance de la carte.

Flashy !

Programme C’est au studio parisien Isch & Kar que le club londonien, le Momo, a fait appel pour concevoir ses flyers. Héléna Ichbiah, qui sait toujours réinterpréter un briefing, a choisi de travailler à une plus grande échelle une déclinaison graphique mensuelle qui assoit l’identité du lieu tout en faisant également office de programme. Trois calendriers mensuels ont vu le jour. Pour être présent dans cette rubrique : etapesgraphiques@pyramyd.fr

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Le cognac n’attire plus les jeunes ! Pour contrer le phénomène, les innovations se multiplient déjà depuis plusieurs années (EG 45) : la société Camus propose “4U”, un cocktail à base de cognac et de jus de fruits (17°). Le conditionnement, réalisé en interne, vise les 25-35 ans en leur proposant une approche moins traditionnelle qui joue sur la phonétique et le choc du visuel.


Ça bouge dans les écoles !

Charte graphique IMS, (International Metal Service), groupe international de distribution technique de produits métallurgiques, a confié à l’agence Image à suivre la charge de faire évoluer son identité. C’est par la création d’un système identitaire, une charte graphique, que les créatifs de l’agence ont pu asseoir une cohérence visuelle entre les 20 filiales du groupe. Chacune d’entre elles adopte désormais le nom du groupe IMS Group et le nom du pays.

Huile d’Olive

C’est à Cécile Leroy, directrice artistique de l’agence Made in Mouse, que l’on doit le nouveau conditionnement des Huiles d’Olive du moulin Saint-Michel. Le prestige et l’authenticité de l’huile sont mis en avant par un gaufrage enluminé pour l’étiquette et une élégance très sobre, mais non moins originale, pour la bouteille.

Les élèves de l’école de design l’Ensci, Les Ateliers, occupent l’école depuis le 11 avril 2001 : ils réclament la non-reconduction du mandat de la directrice, madame F. Jollant-Kneebone, exigent la cessation immédiate de son pouvoir décisionnel. Les élèves lui reprochent “trois années de promesses non tenues”… “une absence de communication”… ! Les problèmes ne sont pas nouveaux. Jean-Pierre Vitrac, responsable de la phase diplôme, a déjà arrêté sa collaboration. Les autorités de tutelles, les ministères de la Culture et de l’Industrie, ainsi que Patrick le Quément, président du conseil d’administration, sont dans l’expectative du candidat idéal. Au moment du bouclage d’Étapes Graphiques, la situation n’a pas évolué, mais le départ de Françoise Jollant semble assuré pour le mois de juillet, à la fin de son mandat. Selon la lettre Design fax, les professionnels souhaitent une personne “ayant réglé ses problèmes d’ego” et non choisie dans le secret des cabinets ministériels De son côté, Patrik Félices, ancien responsable pédagogique de l’ECV Paris, et cofondateur de l’école il y a six ans,“remercié” il y a quelques semaines, ouvre sa propre école. Son nom : Intuit Lab. Au programme, de nouveaux cours (méthodologie, marketing, présentation de projets, conception-rédaction, argumentation, réflexion…), mais surtout une autre approche, des effectifs réduits, beaucoup d’intervenants, plus d’échanges prof-élèves sans exiger de “taux d’insertion”. Les élèves ont aujourd’hui besoin de prendre des risques, de se sentir confiants, de pouvoir prendre position face à un enseignement commente le directeur d’Intuit Lab. Par ailleurs, il semblerait que plusieurs anciens enseignants et élèves de l’EVC aient suivi Patrick Félices.

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c r é a t i o n

Studio

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Équilibriste du signe Graphiste, dessinateur de typographie, maquettiste, photographe, vidéaste… Sébastien Bouvier, jeune créatif de 28 ans, ne se définit pas. Diplômé de l’école de Communication visuelle de Paris après deux ans d’Arts appliqués de Grenoble, il fait ses premières armes en agence. Mais l’envie de se consacrer à des sujets plus conceptuels, à plus de recherche et d’expérimentation, le pousse à créer sa propre structure, investissant le garage de la maison familiale. W Garage est née. La passion de Sébastien vient de la lettre. La lettre engravée, enluminée, en mouvement, sur écran…. Son projet de fin d’étude portait d’ailleurs sur les polices des vieilles enseignes de magasins voués à la disparition. Le souci de la lisibilité, le travail de couches, le jeu de l’imperfection, l’erreur contrôlée, la complexité de la mise en page le font avancer. Ses clients sont très divers, plutôt issus de l’univers du sport ou celui de la musique : le groupe The Futurist, le fabricant de matériel de surf Emery, le site de mobilier contemporain Made in Design. Mais le jeune graphiste ne s’interdit pas non plus de collaborer avec HP, le Parlement européen, participant au lancement du titre Agraf avec Malte Martin ou le Mois du Graphisme d’Échirolles depuis son retour à Grenoble. Je recherche à aborder la création d’une manière différente, jouer sur l’approche aléatoire de la création. Je subis le style sans forcément le typer. Mais l’univers du disque offre aussi plus de marge, de liberté, moins de règles. Je recherche l’altération, la sensibilité, l’émotion. Pour être présent dans cette rubrique : etapesgraphiques@pyramyd.fr

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A leur avis par brice d’antras

Licencié es Arts plastiques de l’université de Paris VIII, à la fin des années soixante-dix, élève aux Beaux-Arts de Paris, Ludwik Berezowski a fondé, il y a onze ans, l’agence de communication Aart design. Diversifiée, sa clientèle englobe tant des institutions publiques que des entreprises commerciales (Citroën, Butagaz ou le Louvre des Antiquaires) et des chaînes de télévision (la Cinquième, Histoire ou Voyage).

Pascal Valty est un ancien élève de la section identité visuelle de l’ENSAD à Paris. Au sortir de ses études, il s’est orienté vers les techniques multimédias plus à même de créer une captivante dynamique de découverte de son époque. Après avoir travaillé dans l’agence Index Plus, il s’est installé à son compte. Il est professeur à l’ESAD d’Amiens.

Le graphisme Le design trouve progressivement sa place dans la création graphique. Il ébranle le piédestal de l’auteur et intègre sa prestation dans la mécanique de la communication de masse. Trop longtemps tabou, le mot “vente” abandonne progressivement le registre de l’obscénité. En marge de l’establishment culturel, trois représentants de la jeune génération des graphistes, et le responsable d’une agence de communication, s’essaient verbalement à l’évidence commerciale.

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Ma réponse est oui… évidemment oui, et cela pour les différents domaines du graphisme, que ce soit le corporate, l’habillage de chaîne, l’édition ou le packaging. Dès qu’une entreprise exprime ses valeurs, un bon graphisme aide à vendre. Il structure l’information dans une composition de signes symboliques ou figuratifs, combinés avec du texte. Les premiers critères sont la cohérence et la lisibilité du message. Ensuite, selon les produits, on module les niveaux de séduction. Il est nécessaire de distinguer la publicité qui fait connaître le produit du graphisme qui le fait vivre. On comprend ainsi qu’ils développent des problématiques et des durées différentes. Pérenne, le graphisme est rythmé par la publicité. Les produits et a fortiori les marques qui durent sont ceux qui ont des styles très peu expansifs. Le logo de Chanel ainsi que son packaging en sont un très bon exemple. Le graphisme de la marque est très retenu alors que les campagnes publicitaires sont résolument plus percutantes. L’expérience de Benetton est révélatrice des perturbations provoquées par les campagnes publicitaires chocs. Elles finissent par déstabiliser la marque, et au final c’est le graphisme qui reste la colonne vertébrale de la marque Benetton…

Je répondrai par une question ouverte : à quoi sert le graphisme ? Il faut tout d’abord considérer que sa matière première (un livre, un produit manufacturé, un film ou une entreprise) est fournie par le commanditaire. En tant que designer graphique, je me sens beaucoup plus lié à l’artisanat qu’à l’art. Au-delà de l’aspect purement fonctionnaliste de sa mission, le regard du designer identifie l’entreprise.  Il la rend emblématique. Pour cela, il est nécessaire que le producteur du contenu (le commanditaire) associe à son projet un graphiste congruent (indépendamment de son talent), capable de trouver le ton juste. En fait, le graphisme correspond plus à la “vitrine” qu’à la vente. En jouant avec différents codes culturels ou sociaux, il permet de s’afficher clairement dans un courant. Et là, je crois que plus le graphisme est radical, plus il est porteur d’un sens précis et plus il sera reconnu, plus il touchera sa cible. Le consensus est soporifique, il n’accroche personne. Seul ce qui exprime une plénitude dans sa conception, une justesse entre sa forme et son époque, est en mesure de perdurer dans le flot niveleur de l’accumulation d’informations. Cela dit, je dois reconnaître qu’une chaîne de télévision comme Arte ne rencontre qu’une faible part du marché. Mais même un échec commercial peut se traduire par un succès de communication (le redoutable succès d’estime). Finalement la vitrine fait-elle vendre ? Elle y contribue, mais n’oublions pas qu’elle a d’abord un rôle d’habillage et si la carcasse ne contient que du vide, elle sonnera toujours creux.


Pepito Lopez est installé à Paris depuis le début des années quatre-vingt-dix. Zappeur universitaire, il empoche un diplôme de communication visuelle à Valenciennes. Il travaille à la mise en page de magazines, la conception graphique d’expositions, l’édition et récemment, avec l’agence Caravansérail et Courrier international, les affiches sur l’écologie urbaine de la station de métro parisien Luxembourg.

Thierry Grey est, depuis trois ans designer multimédia. Jusqu’à aujourd’hui, il a choisi de travailler en interne. Il est passé chez Montparnasse Multimédia et Winnipeg. Il est actuellement directeur de production à Ici la Lune.

fait-il vendre ? Cette question n’est pas étrange, le graphiste est lié et tributaire d’une activité économique. Il est révélateur que le langage marketing pénètre notre secteur même si les mots comme cible, lisibilité ou classe d’âge se manipulent avec moins d’exigence stratégique que dans la publicité. Personne ne s’étonne qu’un organisateur d’exposition ou un éditeur ait envie que sa production soit vue par le plus grand nombre. Le graphisme d’aujourd’hui se différencie de celui des années soixante-dix en ce qu’il est ancré dans la communication. Je me leurre peut-être, mais j’ai l’impression que nos prédécesseurs dans le graphisme avaient beaucoup plus de liberté et d’engagement. Nous avons aujourd’hui une démarche de communication assujettie à un contexte quotidien marqué par la culture commerciale. Vendre nous impose de simplifier notre démarche créative, ce qui là aussi nous distingue des plasticiens. Le graphisme est utilitaire et je ne le déplore pas, même plastiquement. Immédiat, rapide, il donne de la vie aux murs de la ville, aux pages des magazines ou aux chaînes de télévision. En revanche, s’il fait vendre, ce n’est pas au graphiste de vendre. Pour cela, les entreprises sont épaulées par des commerciaux. Si j’avais à endosser la responsabilité commerciale, il faudrait que je sois spécialisé dans un secteur de la consommation et je finirais immanquablement par privilégier la technique à la création. Ce sont la curiosité et la diversification qui rendent mon métier passionnant.

Le graphisme consiste à exprimer, visuellement, les immatériels “traits de caractère” d’une entreprise ou d’un produit. Pourquoi développer la surface de ces entités par le graphisme si ce n’est pour les faire partager à des niches de personnes, pour les intégrer dans une démarche d’échange. La vente implique échange mais aussi adhésion. Celle-ci s’obtient selon des critères subjectifs. On aborde alors le domaine sensible de notre métier. Autant il faut être juste dans l’expression, autant il faut savoir susciter la compréhension et l’adhésion. Vendre c’est savoir plaire, introduire l’objet à communiquer dans l’univers mental des publics sélectionnés. Une mauvaise approche graphique dessert le produit. Si l’on se remémore facilement ce dernier, grâce à des mots forts ou des phrases chocs, c’est gagné. Vendre c’est non seulement être présent ou visible, mais c’est aussi être reconnu. Le multimédia a fait évoluer la communication en ajoutant à l’image une prestation qui identifie l’entreprise. Animations ou informations interactives, qu’elles soient ludiques, culturelles ou pratiques, sont entrées dans la ronde de la communication. Elles constituent la nouvelle zone d’intervention du graphiste, un nouvel espace d’expressions chargé d’un potentiel énorme, bien souvent exploité avec trop de frilosité. Sans tomber dans le piège de la figuration, le graphisme multimédia devrait permettre de percevoir l’entreprise au travers des valeurs et non au travers des faits objectifs.


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P U B L I C I T É par MARIE-PIERRE GUIARD

La musique dans la peau Si beaucoup d’étrangers voient la langue française comme un roc, un obstacle difficilement franchissable en raison de sa richesse linguistique, les moteurs de recherche peinaient également, jusqu’à présent, à en rendre compte. Ces événements singuliers que sont les mots ont des significations plurielles et un mot sorti de son contexte, donc de son texte, prête à confusion. De la simple recherche dans les pages jaunes via le Minitel à une interrogation pointue sur l’une des nombreuses banques de données qu’offre Internet, la quête pouvait vite tourner au cauchemar. Absence de réponses pour cause d’incompréhension ou à l’inverse, flot d’informations, aussi denses et fastidieuses qu’une page de l’annuaire, la recherche pose bel et bien un problème d’ordre sémiotique. Certains internautes frustrés (dont je suis) pouvaient légitimement se questionner : l’outil informatique, lorsqu’il s’agit d’aborder la langue française dans sa complexité, peut-il être performant ? Lycos s’engouffre aujourd’hui dans cette brèche et lance Hot Bot, un moteur de recherche multicritère, donc intelligent. Et pour le faire savoir, la campagne de pub qui l’accompagne donne naissance à un être hybride, image forte d’un signifiant mal signifié. Si le visuel dérange par son réalisme jusqu’aux mains parfaitement manucurées, il n’en est pas moins brillamment réalisé. Sur un plan fantasmatique, le photo montage de Vincent Dixon diffuse également un certain malaise parce qu’il emprunte un autre langage, celui des rêves et de l’inconscient. Une femme-enceinte est une femme-haut parleur, une forteresse, une caisse de résonance, un lieu sacré, intérieur et rond. Bref, autant d’images qui font toute la complexité du langage, mais aussi de l’esprit.

Agence Leagas Delaney Paris Centre ; DC : Pascal Grégoire ; DA : Sébastien Pierre ; CR : Julien Rotterman ; Photographe : Vincent Dixon.


P U B L I C I T É

Jean-François Julian 1

Happening Je construis mes films comme des installations vidéo. Caméra embarquée sur une planche de fly surf, personnages juchés sur une tournette électronique, la note d’intention de mes films n’excède pas trois lignes. Ce qui m’intéresse, c’est de réfléchir, non pas en terme de mise en scène, mais sur la base d’un procédé qui génère des images. Cela me permet d’explorer de nouvelles façons de filmer.

Parti pris Je ne me considère pas comme un metteur en scène, mais comme un cadreur et un directeur artistique. Je travaille davantage sur la forme que sur le fond. Le cadre est une vraie responsabilité que je tiens à conserver.

Rafraîchissant La réalisation de clip est un genre mineur mais qui, lorsqu’il est bien assumé, permet d’aller jusqu’au bout de ses idées. Un clip doit rester frais comme un bonbon à la menthe.

1 Photos tirées d’un reportage sur les crimes de

Duo

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guerre au Kosovo, nominé au World Press, 1992. 2 Double-page sur le sport de Citizen K.

Réaliser un film publicitaire consiste à apporter de la plus-value à un story board. Ce résultat d’un compromis entre des contraintes et une vision artistique peut être un réel plaisir lorsque le créatif est un créatif au vrai sens du terme.

Ego Je ne suis ni une diva ni un styliste de haute couture, je n’ai aucun orgueil par rapport à l’univers de la publicité. Parfum ou lessive, je me fiche du produit tant que le concept peut produire des images intéressantes.

Terrien Travailler sur le vivant est pour moi quelque chose d’essentiel. Même lorsque je concevais des habillages en faisant bouger des typos, j’ai toujours eu tendance à revenir à de la matière vivante.

Quotidien Le photo journalisme est une véritable école de la vie. Dès que j’ai l’œil dans le viseur, je m’ouvre un peu plus aux autres et je relativise la vie que je mène. C’est un exercice salutaire qui me remet les pieds sur terre.

18   5.2001

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P U B L I C I T É

Photographe plusieurs fois primé pour ses reportages de presse, graphiste diplômé de l’école Parson’s de New York, habilleur TV, Jean-François Julian continue aujourd’hui de jongler avec ses activités en réalisant chez Wanda des clips et des pubs savamment orchestrés.

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5

6

Racines Je conserve une approche très classique dans mes photos, c’est une façon de cultiver les bases pour pouvoir ensuite, dans la réalisation, véritablement déraper et sortir des sentiers battus.

Boulimie 7

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3 Clip du groupe Ski Oakenfull tourné avec cinq caméras dont une steadycam sur fond en 3D. 4 Projet de pub pour les télécommunications.

9

5 Habillage TV pour Cinécinéma. 6 Publicité pour Saucony, États-Unis. 78 Habillage TV pour la chaîne brésilienne Globo. 9 Clip du groupe Ski Oakenfull, ou vision subjective d’une planche de flysurf. 0az Clip du groupe Paris Combo.

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a

z

La réalisation ressemble pour moi à un apprentissage des goûts et des saveurs. J’essaie de développer à chaque projet quelque chose de nouveau susceptible de m’apprendre mon métier. Picorer entre le trash, le glamour, le film d’action pour développer non pas un style mais une écriture.

Artisanat Je suis totalement dépendant des techniciens avec lesquels je travaille au montage et en postproduction. J’ai un respect immense pour leur travail, je considère certains de mes films comme une coréalisation avec le graphiste qui est intervenu dessus.

Étalonnage J’aime bien l’idée du trompe-l’œil, j’essaie d’avoir une postproductioninvisible.Onnefaitpasunfilmàlapostproduction mais à l’écriture, je ne veux pas tomber dans les travers des super postproductions.

Direction Même si je n’ai pour l’instant réalisé que des films de transition où le jeu d’acteurs est encore peu présent, la mise en scène commence à rentrer dans le concept des films sur lesquels je travaille. Je m’achemine timidement vers un domaine qui n’était pas le mien jusqu’à présent, la comédie.

Courant La mode aujourd’hui devient presque un prétexte pour réaliser des photos originales. J’ai envie de photographier des reportages de mode en me servant des dispositifs du documentaire, même optique, mêmes types d’éclairages.

7e art J’aime trop le travail des grands metteurs en scène pour m’octroyer la responsabilité de faire un film de fiction. Il s’agit d’un tout autre métier que celui de la réalisation publicitaire. Je n’ai pas de mission à remplir ou de message à faire passer, je désire simplement continuer à découvrir de nouvelles possibilités de traiter l’image. Et si ça ne marche pas, je repartirai avec mes appareils de photos.

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P U B L I C I T É

Agence TBWA ; DC : Jean-Pierre Barbou ; CR : Alain Picard ; Réalisation : Christian Lingbye ; Production : La Pac.

7e ciel Il y a des gens qui comprennent cette annonce presse Manix au quart de tour et d’autres pas. Renseignement pris auprès du DA, le visuel qui joue à fond les codes du parfum, image soignée, couché de soleil, s’apparente à la limite du vulgaire “au jeu des sept erreurs”. La fille sur le pont est assise sur… une bite d’amarrage. Il y en a qui ont le pied marin et d’autres visiblement qui le prennent. Agence BDDP & Fils ; DC : Olivier Altmann ; DA : Damien Bellon ; CR : Bruno Delhomme ; Photographe : Damien Bellon.

Rock and roll

Une belle scène de ménage filmée comme un polar où l’on ne découvre les protagonistes qu’à la fin, un papy dépité et une mamie échevelée. Le film Axa plante en quelques secondes la problématique des seniors : une santé d’enfer et des besoins nouveaux. D’où cette offre d’assurance baptisée Autonomie censée répondre à leur vie tumultueuse. Le couple fait d’ailleurs étrangement penser à celui du film Sharan qui se remémorait leurs frasques en chantonnant de la techno.

Comédie

Aucune parole dans ces deux films Midas qui jouent avant tout sur les gags visuels et sonores. Du coup, en l’absence de voix off, même sur la signature, les deux spots se transforment en sketchs plutôt très réjouissants. C’est drôle et bien interprété. Agence CLMBBDO ; DC : Anne de Maupeou ; DA : Jean-Pierre Dassieu, Frédéric Guyot, Thibaud Leboucher ; CR : Valérie Londo Matthew Brawning ; Réalisateur : Lawrence Hamburger ; Production : Stink.

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P U B L I C I T É

Onirique

Alfred Dunhill n’est plus, vive Dunhill, la marque de vêtements et d’accessoires pour homme opère pour l’occasion un virage dans la quatrième dimension. Articulée autour de visuels pour le moins inattendus dignes du cinéma de David Lynch, la campagne frise le surréalisme. Une façon de rompre avec les codes du luxe masculin, un univers qui, si l’on en croit la coprésidente de l’agence WORKS, Nathalie Varagnat, donne bizarrement une représentation de l’homme convenu, proche du catalogue produit… Pas de risque en tout cas avec cette campagne castée avec des comédiens et shootée aux environs de Los Angeles. Quant à la signature, clin d’œil aux films X, “Suggested for mature audience”, destinée à un public averti, c’est le client lui-même qui l’a trouvée. Agence EURO RSCG WORKS ; DC : Frédéric Temin, Guillaume de la Croix ; DA : Volker Gehr ; Photographe : Pierre Winther.

Trinité

Tranche de vie Démonstration produit inédite pour un pain de mie, la tranche de pain Harry’s se transforme dans ce nouveau film, en air bag. L’autodérision du board est servie par une direction artistique très seventies, un décor de désert américain et, surtout, par une réalisation d’Éric Coignoux (voir EG 68) étonnante. L’aspect comique de l’accident filmé au ralenti, où les objets volent comme en apesanteur dans l’habitacle de la voiture, est renforcé par une bande sonore malicieuse.

Trois parfums, trois couleurs, donc trois visuels pour un même packaging, la campagne Lacoste met les bouchées doubles pour rattraper un certain retard et dépoussiérer sa communication. Du coup, c’est le photographe Jean-Baptiste Mondino qui s’y colle, mettant en scène le triptyque de la modernité : la nudité, le tatouage et des attitudes équivoques. Des hommes photographiés façon Vénus de Milo, efféminés mais pas trop, qui suggèrent, même si l’agence s’en défend, une certaine scène de La Trinité. A noter, les visuels parviennent à évoquer le fameux polo sans le montrer… Agence Les Ouvriers

Agence Publicis Conseil ;

du Paradis ;

DC : Olivier Georgeon ;

DC-CR : Hervé Chadenat ;

DA : Frédéric Clavière ;

DA : Isabelle Dubois ;

CR : Frédéric Lutgé ;

Photographe :

Réalisateur : Éric Coignoux ;

Jean-Baptiste Mondino.

Production : Irène.

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t e c h n e w s

Actu

Avant-premières

FICG se fait connaître L

Le salon TPG 2001 sera l’occasion pour le fabricant QubyX Europe de présenter en avant-première plusieurs nouveautés. Parmi celles-ci, Kléobasic est un nouveau colorimètre USB capable de calibrer les couleurs sur n’importe quel écran quels que soient sa marque et son environnement. Composé d’un colorimètre à 4 canaux et d’un logiciel de pilotage, Kléobasic est accessible à tous, grâce à son petit prix : environ 1 300 F HT. Compatible MacOs, KléoRIP est quant à lui un RIP logiciel PostScript 3 conçu pour simuler les impressions obtenues sur des machines offset et des systèmes d’épreuvages analogiques ou numériques, sur la plupart des machines jet d’encre, de bureau ou grand format, et sur de nombreuses imprimantes laser couleur. Enfin, dernier-né de la gamme de scanners professionnels QubyX, le nouveau scanner à plat haut de gamme verra ses caractéristiques techniques dévoilées lors du salon TPG 2001, qui se tiendra du 14 au 19 mai 2001, au Parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte.

Fédération de l’impri-merie et de la communication graphique (FICG) vient d’éditer une nouvelle p l a q u e t t e fédérale intitulée La profession pour vocation. L’occasion pour elle de présenter en bref ses principales activités aux professionnels des industries graphiques.

Profil ICC A l’attention des professionnels des arts graphiques, Theta Scan vient de mettre un profil ICC cromalin en téléchargement gratuit sur son site Web (http:// thetascan.fr/imagerie/formatio.htm). Ce profil ICC peut notamment être utilisé en tant que référence des couleurs à simuler par les systèmes d’épreuve numérique ou par les presses d’imprimerie en simulation du cromalin.

Rouge Petit aperçu de l’immense collection de photographies Corbis (qui compte plus de 65 millions d’images, dont 2,1 millions numérisées et disponibles en ligne), le catalogue Rouge présente un échantillon varié d’images allant de l’illustration commerciale contemporaine aux images d’archives historiques, d’actualités, d’art, de stars ou de sport. Une imagerie destinée à illustrer tous les types de projets créatifs, qu’ils relèvent de l’édition, de la publicité ou de la communication média et Internet. Seule ombre au tableau : Corbis semble avoir fait le choix d’un retour à l’image classique léchée des années quatre-vingt-dix. Pour en savoir plus, acheter ou télécharger les images, il suffit de se connecter sur le site www.corbisimages.com.

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En 3D

Cartes en ligne Proposée par la société française Graphi-Ogre, la collection de cartes géographiques Géoatlas est désormais en vente sur Internet. Réunissant les 191 États recensés par l’ONU, ces cartes vectorielles présentent l’avantage de pouvoir être modifiées et personnalisées à 100 % à l’aide d’un logiciel de dessin. Chaque pack pays se compose de 3 fichiers (carte physique, carte administrative-routière et carte simplifiée) pour la somme toute ronde de 100 euros. A découvrir sur www.geoatlas.com.

Décidés à vulgariser la 3D pour le Web, Macromedia et Intel annoncent de nouvelles possibilités de création de contenu 3D développées dans Macromedia Director 8.5 Schockwave Studio. Attendu pour le mois de mai, celui-ci permettra la création et la lecture de riches contenus multimédias et 3D interactifs pour le Web et la création de cédérom. Il comprendra de plus une nouvelle version du serveur Schockware multi-utilisateur et supportera le contenu Macromedia Flash 5 ainsi que l’ActionScript et le contenu RealMedia en streaming. Ce studio sera vendu aux alentours de 11 000 F HT et les mises à jour entre 1 500 F et 3 000 F selon la version Director.


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t e c h n e w s

Produit

Précis Agfa lance la version 4.0 de son logiciel de gestion des couleurs ColorTune Pro. Capable de compenser automatiquement les différences entre les gammes chromatiques des différents périphériques (moniteurs, imprimantes, systèmes d’épreuves et presses), cette nouvelle version permet une gestion des couleurs de bout en bout et une production de sorties papier et d’épreuves écran d’une très grande précision.

Prêt pour Acrobat Grâce au nouveau plug-in Certify PDF, la société Enfocus Software offre désormais à ses clients la possibilité de certifier, corriger, éditer et effectuer le preflight de documents PDF crées ou modifiés avec le nouvel Acrobat 5.0. Ce plugin peut être utilisé aussi bien seul qu’en combinaison avec PitStop Professional et PowerUp. Il est à signaler que le Certify PDF a reçu à l’occasion des Seybold Seminars Boston 2001, l’un des 23 “Hot Pick” décernés chaque année par l’éditeur aux “produits et technologies les plus innovants qui permettent une édition de qualité dans le domaine d’Internet, de l’impression et du multimédia”.

Temps réel sur Mac Les professionnels du montage numérique travaillant sur plate-forme Macintosh vont enfin avoir accès aux fonctions en temps réel jusque-là uniquement accessibles sur PC. Adobe SI annonce en effet que son logiciel Première 6 accepte désormais les effets de vidéo numérique en temps réel sur Mac, ceci grâce à la mise au point de nouvelles cartes matérielles temps réel créées spécialement pour les Macintosh et qui seront disponibles dès le printemps. Les utilisateurs pourront ainsi visualiser instantanément les effets et transitions, et optimiser considérablement leur production vidéo.

Pro

Sélect

Impression numérique

Dans la lignée de ses scanners à plat professionnels haut de gamme, CreoScitex propose l’EverSmart Select : un scanner dont le flux parallèle permet de traiter plus de 45 numérisations à l’heure et jusqu’à 70 transparents en 35 mm (s’ils sont placés ensemble dans la zone d’analyse). Doté d’un système électro-optique basé sur la technologie XY Sitch, ce nouveau scanner est capable d’atteindre la résolution optique de numérisation de 5 600 dpi, d’acquérir un maximum d’informations et d’obtenir une résolution et une netteté élevées sur la totalité de la zone de numérisation, quel que soit le format de l’original. Tout cela pour environ 190 000 F.

Toute nouvelle dans la série VersaMark, la presse quadrichrome à alimentation à bobine signée Scitex sera distribuée par Xerox, qui renforce ainsi sa présence sur le marché de l’impression ultrarapide. Alliant des performances de production à haute vitesse et à faible coût, cette presse permet l’impression de données variables en quadrichromie à la vitesse de 2 000 pages par minute (ppm). Une presse qui s’adresse avant tout aux imprimeurs exigeants, qu’ils souhaitent faire évoluer leur système à alimentation continue ou qu’ils soient attachés à une solution plus traditionnelle consistant à surimprimer des gabarits offset couleur avec des données numériques variables.

22   5.2001

Modulux annonce la mise sur le marché de

la MS Graphic Pro P4, une station graphique professionnelle qui, comme son nom l’indique, incorpore le dernier processeur Intel Pentium IV, ceci grâce à l’intégration d’une carte mère Supermicro intel i850. Malgré sa mémoire vive faible (à peine 128 ko), cette station propose un lecteur de DVD-Rom 16x, un graveur ACER intégrant un soft de gravure ainsi qu’une carte vidéo Matrox G450. Son prix (sans moniteur) : environ 20 000 F TTC.


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p r é s e n c e par marie-pierre guiard

Pierre-Eric Mounier Kuhn il était une fois l’informatique… Lorsque Pierre-Éric Mounier Kuhn parle de l’histoire de l’informatique, le chercheur s’exprime avec une verve toute littéraire. Issu d’une famille d’écrivains et de musiciens, son grand-père fréquentait Gide, sa grand-mère a écrit une biographie de Colette, Pierre-Éric Mounier Kuhn choisit l’histoire. Après une thèse sur la Bourgogne au xixe siècle, le chercheur rentre au CNRS comme secrétaire de la commission d’évaluation, ce département qui décide des nouveaux thèmes de recherches. Dérouler le fil de l’histoire du CNRS le mène rapidement à celle de l’informatique en France, un terrain vierge qu’il défriche seul depuis maintenant treize ans. Une thèse brillamment soutenue en 1999, suivie par des séminaires sur l’histoire de l’informatique à la Sorbonne, un livre à sortir cet été, un colloque sur l’informatique et les réseaux prévu l’année prochaine… Pour Pierre-Éric Mounier Kuhn, l’histoire ne fait que commencer.

26   5.2001

N’est-ce pas un peu paradoxal d’être à la fois historien et de se pencher sur un cas pratique aussi contemporain que l’informatique ? Tout historien est obligé de s’intéresser au futur dans la mesure où il essaie de comprendre des gens du passé qui se préparaient à l’avenir. L’idée est d’étudier les ouvertures, les champs possibles qui s’offraient il y a cinquante ans comme il y a cinq cents ans à des gens tout aussi intelligents et motivés que nous, mais qui avaient de leur passé, de leur présent et de leur futur, des représentations assez variées. Ce qui est intéressant est d’analyser comment les gens, il y a cinquante ans, visualisaient les possibilités existantes et aussi ce qu’ils ne voyaient pas. Quelles étaient leur perspectives et les points aveugles de ces perspectives. Un phénomène d’autant plus passionnant qu’il se pose en permanence, c’est sans doute la meilleure leçon que l’on peut tirer de l’histoire : par quels mécanismes mentaux perçoit-on certaines choses dans l’avenir en étant fermé à d’autres possibilités.

Au-delà de ces résistances à l’innovation, que révèle l’histoire de l’informatique sur notre société ? Elle révèle tout d’abord une tendance lourde depuis trois ou quatre siècles dans notre civilisation occidentale qui est la recherche du rendement, ce que l’on appelle aujourd’hui la productivité. C’est un problème fondamental du siècle des Lumières où l’on a cherché à améliorer le rendement dans les transports, dans l’aménagement des routes, mais aussi dans la production et la conception. Le milieu architectural a été l’un des premiers à créer des éco-

les comme l’école du Génie à Mézières dans les Ardennes. Une école d’où est sorti Gaspard Monge qui a inventé la géométrie descriptive. Une méthode scientifique qui a permis de rendre la conception et la taille de la pierre beaucoup plus rapides et efficaces. Le descendant de la géométrie descriptive s’appelle aujourd’hui la CAO. L’ordinateur et les nouvelles technologies sont un moyen relativement nouveau de réaliser des projets très anciens. L’informatique crée des projets qui sont au cœur de la philosophie des Lumières, rationaliser la société, mettre à la disposition du plus grand nombre des informations pour changer la société, donc le monde.

L’informatique a tout de même connu une accélération sans précédent dans les progrès réalisés depuis une trentaine d’années, notamment dans l’automatisation des tâches… Le phénomène d’accélération est, par un effet mécanique, inhérent à toutes les techniques et sciences. Il y a de plus en plus de gens formés à ces techniques et de plus en plus de communication entre ces innovateurs. C’est ce qui constitue cette mécanique de l’accélération du progrès. Qu’il y ait des hommes qui soient à la fois des ingénieurs, des savants et des artistes n’est pas nouveau. Léonard de Vinci dans l’Italie de la Renaissance travaillait déjà à mécaniser les arts graphiques. Les progrès constatés depuis cinquante ans avec la digitalisation s’enracinent bien dans cette recherche du rendement par la mécanisation. A la fin du xixe siècle, Raymond Roussel a publié un livre génial, Locus solus, qui décrit la construction automati-


que d'une immense œuvre d'art sans intervention humaine, par une sorte d'énorme araignée mécanique fonctionnant à l'énergie solaire. Les idées visionnaires pré- cèdent de loin les réalisations techniques…

L’informatique et notamment le numérique ne constituent donc pas pour vous une révolution en tant que telle… Il y a effectivement plusieurs points de vue là-dessus. Les économistes et les techniciens ont tendance à voir une révolution alors que les historiens y cernent plutôt une continuité en tentant de comprendre comment de nouvelles techniques constituent de vieux projets ou plus exactement comment elles réussissent à s’imposer en tant qu’innovation parce qu’elles bénéficient d’un terreau économique ou d’un environnement humain qui les rend possibles. Les chemins de fer n’ont pu se développer que parce qu’il existait depuis longtemps des rails, des machines à vapeur et des voitures à roue… De même, l’ordinateur n’a pu se développer que dans des organismes ou des institutions où le traitement mécanique de l’information existait déjà depuis longtemps. Jamais dans l’histoire des sciences, une innovation totalement radicale ne s’est imposée. Une innovation n’est adoptée que dans la mesure où elle correspond déjà en partie à des techniques existantes. La plupart des informaticiens que j’ai rencontrés sont des gens qui se sont intéressés à l’informatique dans les années cinquante et qui avaient déjà acquis une expérience dans les systèmes antérieurs. Le digital est effectivement une réponse à des problèmes d’utilisation, mais c’est aussi un pro-

blème en soi car l’ordinateur est une machine qui n’est jamais finie. Si vous observez nos pratiques quotidiennes, nous passons encore beaucoup trop de temps à apprendre un nouveau système. C’est un peu comme si chaque fois que vous changiez de voiture, vous deviez réapprendre à conduire et régler les carburateurs… L’ordinateur est encore très en retard sur ses promesses.

Où en sommes-nous dans cette histoire de l’informatique ?

nancy

L’informatique n’est pas encore devenue une technologie mûre faite pour les consommateurs. Nous sommes aujourd’hui avec nos ordinateurs dans la situation où se trouvaient les conducteurs de voiture avant la guerre de 14. Il faut tout le temps faire des réglages, rebrancher des choses, redémarrer la machine. Soit l’informatique réussira à rendre la technique invisible au profit des utilisations et elle touchera encore plus de monde, soit elle continuera à marcher sur deux pattes et demies et son marché restera limité à ce qu’il est aujourd’hui, ce qui est déjà énorme.

Par rapport aux pays anglo-saxons, la France est-elle, comme on l’entend souvent, en retard sur son développement informatique ? La notion de retard est une notion qui n’exprime pas grand-chose hormis une certaine propagande commerciale des industriels qui veulent vendre des machines. L’important est de voir quels sont les besoins et si ils sont satisfaits ou pas. Le moins que l’on puisse dire en ce moment, c’est que le marché est saturé. Aux fabricants d’adapter leur production… ■

5.2001

27


i l l u s t r a t i o n

jeff fisher

Paul McNeil anthony burrill

m

eike könig

alan baker

TIMMy kucinda

marco fiedler shonagh rae

L’illustration émerge du marasme des années quatrevingt-dix, s’immisce partout. Quel magazine n’a pas récemment usé et abusé d’une couverture, d’un dossier sur l’illustration, suivant l’effet de mode jusqu’à le banaliser ? Pratique, consensuelle et peu coûteuse, l’illustration assure aujourd’hui plus que jamais ce trait d’union entre la mode, la musique et le design. La reconnaissance, à tous les niveaux, se dessine. Qu’en est-il de la création, des tendances ou du style ? Un ouvrage britannique, intitulé Pen & Mouse*, vient de paraître et dresse un panorama de l’illustration actuelle. Nous avons demandé à Rob Mason, responsable du département illustration de la Norwich School of Art & Design**, de revenir sur les origines de cet engouement, principalement venu de Grande-Bretagne, sans tomber dans les préjugés. Son regard est critique, constructif et polémique. Il revient sur le rôle des DA, targués d’ineptie, s’interroge sur l’impact de l’informatique, met en garde le pastiche et alerte la profession d’une ivresse incontrôlée, d’une servilité sinon d’un diktat visuel.

ian wright

par rob mason et guillaume frauly

ralf hiemisch

* Pen & Mouse (Le crayon et la souris) ** Enseignant, responsable du département de l’école située au nord de Londres et auteur de plusieurs ouvrages sur l’illustration.

kam tang 30   5.2001

ceri amphlett


tommy penton chris kasch

michael gillette

g

steff plaetz

kinsey

Ian bilbey

miles donovan

Clic moi nick higgins

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alex williamson

rené habermacher

jasper goodall

faiyaz jafri

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spencer wilson

joe magee

marion deuchars

je rêve

KIM HIORTHøY

graham routhwaite

kate gibb 5.2001

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S

i l’on se rappelle son statut de la fin des an-

Alex Williamson : 1 “Watching You”. 2 “Broken Man”.

Eikes Grafischer Hort : 3 “Puppenmann”. 4 Pochette de disque de Heaven.

2

nées quatre-vingt-dix, l’Illustration a connu un renversement de tendance qui mérite réflexion. A supposer que le marasme, dans lequel l’activité a plongé cette dernière décennie, fût, en partie, dû à une surabondance d’œuvres dérivées et décoratives, n’assistons-nous pas aujourd’hui à un cycle similaire ? Alors que les outils et les méthodes ont évolué, une succession de clichés numériques ne sont-ils pas en voie de remplacer les clichés faits main, taxés d’ennuyeux et destructeurs voilà dix ans ? Si tel est le cas, comment les illustrateurs – dont l’espèce ne montre heureusement pas de signe d’extinction – échappent-ils à un cycle de jeûne et de disette ? Quels que soient les problèmes d’excès rencontrés par l’Illustration dans les années quatre-vingtdix, son succès commercial et parfois artistique provient, entre autres, de quelques travaux très personnels et exceptionnels produits par des artistes comme Sue Coe, Russell Mills, Chloe Cheese et Ian Pollock pendant les années quatre-vingt. Ces illustrateurs et leurs pairs ont eu un impact phénoménal des deux côtés de l’Atlantique, et d’une façon moins significative en Europe continentale. Leurs premières œuvres sont le reflet d’un large éventail d’influences assez inhabituelles pour le domaine de l’Illustration, de Heartfield à Hockney, de Fra Angelico à Rauschenberg. Radical Illustrators, par exemple, publication imparfaite mais utile du magazine de l’Association des Illustrateurs (automne 1981), cite un panel de références allant – littéralement – du sublime au ridicule, couvrant plusieurs siècles.

L’illustration sur commande En revanche, un regard ironique sur l’illustration sur commande d’aujourd'hui révèle un manque évident d’influences et de conscience. La volonté d’avoir l’air cool, plus que tout le reste, semble dicter ce phénomène nouveau – cultures manga, hiphop, et skate, les pastiches des années cinquante et soixante, graphismes d’information, et définition étroite de la mode – et dominer la vision de beaucoup d’illustrateurs et de directeurs artistiques actuels. La combinaison de la myopie culturelle et de la récente ivresse-paranoïa à propos des possibilitésmenaces des méthodes numériques avec les problèmes liés à l’industrie de l’illustration libre de droits est potentiellement destructrice. John Maeda a dit : L’informatique s’internationalise à l’image des sociétés américaines qui n’aspirent en aucune manière à la qualité (Eye, n° 37, vol.10). De grands illustrateurs tels que Jeff Fisher, Paul Slater, Sara Fanelli, Jonathon Rosen, Amy Guip, Mark Ryden, Brian Whadcock forment le sommet d’un énorme iceberg de qualité et d’originalité. Il est facile de se rendre compte que l’association de l’esprit et la technique comme celle de Slater pro-


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Kinsey : 5 “Harmony”.

René Habermacher : 6 “Oriana Fallaci’s Nieces”. 7 “Burn Baby Berne”.

Chris Kasch : 8 Carte postale promotionnelle pour Mineral Clothing.

Ian Wright : 9 “Freud”.

Shonagh Rae : 0 Caviar House commandé par The Independent. a “Aerial” commandé par HSAG Design.

Tommy Penton : z “Soho Square”. e Sans titre.

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tège de la banalité que produisent la plupart des illustrations en série, et que l’aisance numérique des animations “Powergen” de Whadcock s’étaie d’une amalgamation de coup de crayon et d’imagination qui a longtemps caractérisé le meilleur de l’Illustration. Ce genre d’œuvres commandées vaut toute œuvre accomplie ce dernier siècle, et impose ses créateurs comme des références en matière de processus de création. Par contraste, la presse hebdomadaire nationale, une librairie ou même un site Web révèlent une multitude de “nouvelles” Illustrations, totalement soumises aux derniers logiciels et à la faiblesse de beaucoup de directions artistiques contemporaines. Dernièrement, lors d’un récent congrès d’illustrateurs (Association of Illustrators) à Londres, le directeur artistique du magazine de mode le plus en vogue affirmait que 95 % des illustrations qu’il commandait devaient être retouchés avant leur publication. Cette déclaration reflétait, selon lui, une certaine fragilité de l’illustrateur ; personnellement, ces statistiques démontreraient plutôt l’ineptie de la direction artistique, et l’acceptation d’une étroitesse visuelle du magazine. Même les bons directeurs artistiques, parce que tributaires de délais, des clients, et de leur autonomie individuelle, se soumettent trop facilement aux exigences des méthodes numériques, au lieu d’en explorer les possibilités. Les contraintes de format, d’esthétique, et de facilité de livraison circonstancient trop souvent les méthodes numériques quand elles s’appliquent aux illustrateurs. Aujourd’hui, les couleurs mates et l’esthétique linéaire si simpliste d’Illustrator dominent et font de ce logiciel le plus prisé au Royaume-Uni , même si Photoshop n’a pas disparu. Malheureusement, nombre d’illustrations qui en découlent prouvent à quel point une esthétique minimaliste ne pardonne pas : les faiblesses du dessin, surtout, sont flagrantes quand elles ne sont pas camouflées par les couches et les couleurs saturées de Photoshop. Alors que Klee, dans ses dessins, “emmenait la ligne se promener”, la plus grande partie de cette Illustration se contente de la traîner à travers la pièce pour un regard furtif par la fenêtre…

Le “Nouvel Anonymat” Dans l’industrie du design, une telle conception peut rapidement annihiler l’individualité qui rend l’Illustration si particulière, aboutissant à ce que Rick Poynor appelle “le Nouvel Anonymat”. Pourquoi tant de jeunes illustrateurs se vouentils à être si ordinaires, si interchangeables ? Quand exceptionnellement, les illustrateurs parviennent à personnaliser cette esthétique potentiellement flagorneuse, la raison se profile clairement lorsque l’on se penche sur leurs origines. Paul Wearing est artiste textile, Mick Marston vient de l’imprimerie, Ian Whadcock a consacré dix ans à créer des illustrations à la main : toutes ces activités fournissent un angle d’attaque. Et un groupement d’artistes prônant une esthétique similaire - George Hardie, Tadanoori Yokoo, Lynda Gray, 34   5.2001


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Paul Davis : r Invitation de vernissage pour Dazed & Confused.

Miles Donovan : t “New York Street Scene 1”.

Marion Deuchars : y “Baseball, Cuba”. u “Summer Cards” commandé par Unlead Design. i “Les Cazuelas”.

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Brian Cronin et même Patrick Caulfield (dont la rétrospective à la Hayward Gallery en 1999 peut être citée comme ayant involontairement influencé cette tendance) ont assis des identités crédibles à travers le raffinement de leurs idées et des approches plus subtiles du dessin et de la couleur. Les directeurs artistiques et les enseignants jouent un rôle essentiel dans la remise en question de la mensongerie latente de ce genre, qui contraste remarquablement avec l’étendue et la vigueur de la musique contemporaine. Là, le neo-punk, le hiphop, le hardcore, les dérivés du jazz, de la folk, la musique électronique et l’ambient, et encore d’autres formes créant leurs propres identités, coexistent en un mélange fascinant de nouveauté et de familiarité. Des artistes aussi divers que Kid Koala, The Olivia Tremor Control, The Necks, et Tortoise suscitent une diversité de formes rendant la définition actuelle de “l’originalité” en matière d’Illustration plutôt défaillante. Curieusement, ils y procèdent souvent en intégrant des styles plus anciens – en samplant ou en utilisant des instruments de rock standards – dans les formes électroniques et numériques. Ce respect du passé, mélangé au présent, peut même offrir une technique virtuose, ce qui – sauf le respect du dessin – est loin d’être le cas pour la majorité de l’Illustration actuelle. Les illustrateurs les plus jeunes sont peut-être trop dévoués aux nouvelles méthodes, attitude prodigue encouragée par certains directeurs artistiques manquant d’imagination, dont les critères n’ont plus rien de cette qualité mentionnée plus haut, l’Opportunisme dictant le processus de création. Ce point de vue est tout sauf technophobe : les nouvelles technologies ont échoué à exploiter leur formidable potentiel de façon convaincante.

Laisser respirer la création Comment les illustrateurs peuvent-ils garantir un avenir plus ouvert, plus mûr ? Si certaines limites évidentes dans le “boom” actuel sont le résultat de pratiques de commandes aveugles, les illustrateurs doivent saisir l’importance d’une forme de travail plus personnelle, laisser respirer leur création. J’incite actuellement mes propres étudiants à envisager ces formes plus que jamais comme faisant au moins partie de leurs carrières futures. Les illustrateurs ont besoin des industries de design et d’édition, mais leurs attentes d’une sonnerie de téléphone ne doivent pas les rendre serviles. Cette dernière décennie a montré que quelques-unes des illustrations les plus originales et marquantes ont été accomplies hors du domaine des commandes. Même les secteurs traditionnellement conservateurs, comme l’illustration de livres pour enfants, ont vu naître des œuvres très personnelles. Sara Fanelli et Dave McKean en Angleterre, Lane Smith et Henrick Drescher aux États-Unis, et Lisbeth Zwerger et les collaborateurs des Éditions du Rouergue en Europe continentale fournissent tous des exemples divers et excellents. D’autres encore offrent une profondeur similaire : des artistes de bande dessinée comme Chris Ware, Daniel Clowes, 36   5.2001


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Peter Blegvad, Julie Doucet, Patrick Welch et Lynda Barry créent une imagerie qui découle et influence d’autres formes, comme dans l’affiche de Clowe pour “Happiness” de Todd Solonz, l’écriture fictionnelle de Barry, et les essais visuels de Welch pour “New City” à Chicago, créés avec l’écrivain Carrie Golus. L’essai visuel en lui-même, longtemps le pré carré des illustrateurs, mais depuis peu perçu comme une forme presque exclusivement photographique, génère des travaux chez des artistes aussi variés que Sue Coe, Charles Burns et Marion Deuchars. L’Internet favorise maintenant la possibilité d’autoédition que les illustrateurs commencent à exploiter. Leurs sites personnels font découvrir des bandes dessinées en ligne, des animations et de l’art non commandés et influencent les activités dominantes – quand les directeurs artistiques prennent le temps de regarder, et de réévaluer leur rôle en convainquant les clients d’oser un travail plus audacieux.

L’illustration comme une commodité

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Un aspect non moins négligeable de ce travail en ligne, facile à mettre à jour, serait d’amenuiser le monopole des annuaires d’illustrateurs comme étant un moyen d’accéder à un “nouveau” travail (c’est rarement le cas…). Alors que European Illustration, Images, Contact, etc. furent très bénéfiques aux illustrateurs, ils deviennent de plus en plus monolithiques et prévisibles ces derniers temps. Même American Illustration – le meilleur du lot depuis la fin de European Illustration –, commence à paraître un peu éculé. Ces magazines présentent l’Illustration comme une commodité plutôt que comme une activité en évolution. De plus, ils sont souvent conçus de manière assez plate, et dans certains cas manquent de tout sens de “contrôle de qualité” ou de critique – quiconque payant l’annonce peut se qualifier d’illustrateur. Démocratique, sûrement, mais mauvais pour la profession. Les œuvres excellentes qui parviennent à passer sont systématiquement submergées de reproductions d’épagneuls plus vraies que nature, et de chef-d’œuvre à l’aérographe décrivant la Fraise parfaite… Auquel cas, peut-être est-il pardonnable que tant de commandes pauvres surnagent quand les illustrateurs choisissent de se promouvoir de cette manière. Tout en reconnaissant la qualité de la meilleure illustration actuelle, il est fondamental que les protagonistes, illustrateurs et designers, aient un regard critique sur ce qui se passe réellement. Les pratiques contemporaines doivent changer et changent avec les développements technologiques. Mais en vertu de la recherche de qualité, les illustrateurs doivent comprendre que chaque plus apporté par ce changement suppose un moins. Il ne s’agit pas de ressasser des. techniques durement gagnées, l’intelligence visuelle, l’individualité et les idées fortes, mais de savoir que ces qualités garantiront l’avenir de l’Illustration. “Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre” le proverbe de Santayana pourrait nous garder d’une nouvelle crise de l’Illustration. ■


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Alan Baker : o “Camera Shy Lady”.

Kate Gibb : p Pochette de disque pour Mono.

John Maeda : q “Sony Christmas” commandé par SonyDrive.


Kristian Russell :

s

s “Lizard Girl” commandé par Nylon magazine.

Anthony Burrill : d “Line Man 1”.

Lucy Vigrass : f “Train”. g “Plane”.

QuickHoney : h “Small World”.

Jasper Goodall : j “Supermarket”. k “Levi’s All Duty Nationwide Point of Sale”.

Kjeks : l “Outdoors”. m “Picture”.

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Faiyaz Jafri :

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ù “Napster” commandé par SPIN magazine. w “Domestic” commandé par Man magazine. x “Star” commandé par Heineken. b “Pamela” commandé par Bikini magazine.

Eikes Grafischer Hort : v “Niedlich”.

Akio Moroshima : , “Salarymen” commandé par Pentagram.

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Akio Moroshima : : “IMAC Sumo” commandé par Pentagram.

Eikes Grafischer Hort : = “Run”.

Jasper Goodall : A “Airfix Stripper 2”.

Timmy Kucinda : ZE Commandé par Universal Design. R Commandé par Metropolis magazine, direction artistique : Criswelll Lappin.

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Eikes Grafischer Hort :

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T Pochette de disque pour KeyCee.

Nick Higgins : Y “Gas Trees”. I Deutsche Bank commandé par Frost Design pour Nokia in-house magazine. O “Blossom”.

Shiv : P “Cowboy”.

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D

Paul McNeil :

Kim Hiorthør :

Q “Birriga Road”.

F Extrait de

S “Surf”.

Motorpsycho publié

D “Monaro”.

par Dien Gestaltung

F

Verlag.


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H

jane goodall primatologist

Yves Saint Laurent Fashion Designer

Mike Mille :

Joe Magee :

GH Commande

J Catcheur.

de Colette, Paris.

J

Titre : Pen & Mouse Éditeur : Laurence King Publishing Auteur : Angus Hyland Format : 28 cm x 24 cm 144 pages Anglais Illustrations en couleurs Le livre est attendu depuis quelques mois déjà. L’auteur, Angus Hyland, qui est par ailleurs l’un des associés de Pentagram, connaît son sujet. La résurgence de l’intérêt pour l’illustration s’est affirmée ces derniers temps. Ce livre retrace les évolutions, dresse un portrait exhaustif des illustrateurs en vogue, en s’appuyant sur plus de 300 illustrations en couleurs. Autre point fort du livre : l’auteur publie quelques commentaires des illustrateurs, leurs motivations, leurs outils ou encore les conséquences de la technologie sur leur travail. L’ouvrage sera disponible à la fin du mois.

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p é d a g o g i e par brice d’antras

prof new-york

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La pédagogie française s’exporte outre-Atlantique. Philippe Apeloig, après avoir enseigné le graphisme à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris, est aujourd’hui professeur permanent de graphisme au Cooper Union, à New York. Fidèle à Paris, il présente son travail à la galerie Anatome.

L

e Cooper Union pour le développement de la science et de l’art. Le Cooper Union est une école supérieure d’architecture, d’ingénierie et d’art située à New York. Elle a été fondée en 1859, par Peter Cooper, un riche industriel, dans le but philanthropique de développer librement et universellement le savoir. Cent quarante ans plus tard, situation exceptionnelle dans l’enseignement supérieur aux États-Unis, les quatre années de scolarité sont toujours gratuites. Très convoitées par des étudiants du monde entier, les neuf cents places sont réparties selon une draconienne sélection mondiale par le talent. Environ quatre-vingts personnes rejoignent chaque année la section art où l’étude du graphisme est dispensée. La première année est consacrée à un enseignement généraliste. Les approfondissements de la peinture, la sculpture ou le graphisme n’interviennent que progressivement, au cours des années suivantes. L’interdisciplinarité est indissociable de ces spécialisations. Le Cooper Union diffuse le savoir au-delà du cercle de ses étudiants. Le

1

Great Hall, situé au cœur de l’école, dans le bas de Manhattan, accueille, depuis 1848, des orateurs. Leurs interventions ont non seulement un auditoire mais aussi une portée extra-universitaire. Abraham Lincoln y a tenu un de ses plus importants discours, Right Makes Might. D’autres personnalités, comme le chef Sioux Red Cloud, Mark Twain, Barnum, Theodore Roosvelt et, plus récemment, Bill Clinton, Rudolph Giulani (maire de New York), Carlos Fuentes ou Salman Rushdie font de cet auditorium un point nodal de la culture new-yorkaise et américaine. Toujours au sein de l’école, le Herb Lubalin Study Center of Design and Typography, fondé en 1985, gère, en plus des archives Lubalin, un extraordinaire fonds de documentation sur le graphisme. Il organise d’importantes expositions. Après Willian Sandbergh, Otl Aicher ou le graphisme suisse, une rétrospective sur le graphisme chinois de Hong Kong, Taiwan et de la Chine populaire sera présentée en septembre 2001, puis en 2002, une exposition sur Massin. Philippe Apeloig assure la direction du Lubalin Center. ■

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vec M argaret M orton , Philippe Apeloig est l’un des deux professeurs permanents de design graphique au Cooper Union. Dans cet interview, il nous parle de son travail pédagogique au sein de cette brillante école new-yorkaise. L’enseignement est une dynamique de groupe, une manière d’équilibrer des compétences diverses. Il est donc juste de nommer les autres intervenants du secteur graphique : Alexander Gelman, Julia Hasting, Nico Schweitzer, Emily Oberman, Janet Odgis, Lloyd Miller Jim Craig et Mindy Lang.

2

Comment amener les étudiants à une pratique contemporaine du graphisme ? Une attitude moderne consiste à être capable d’avoir une création hors du temps, à ne pas suivre la mode mais à la créer. Les étudiants doivent connaître ce qui se fait actuellement, mais aussi ce qui s’est produit dans le passé, afin de ne pas répéter par ignorance. Il leur faut aussi briser les conditionnements visuels imposés par l’environnement. La présentation d’objets culturels est en cela décapante. Aux États-Unis, l’accès à la culture n’est pas aussi facile ni aussi bon marché qu’il l’est en Europe. Régulièrement, je propose aux étudiants des livres, leur présente des films de l’époque du cinéma muet ou les incite à visiter les musées et les nombreuses galeries de New York. Cela dit, se concentrer sur son travail nécessite de ne plus regarder, faire le silence visuel autour de soi.

Quelles sont les sources d’inspiration des étudiants ?

1 Affiche pour la conférence de

au Cooper Union, New York.

Wolfgang Weingart organisée par le Cooper

2 Affiche pour la conférence de

Union et AIGA, New York, 2000.

Wang Xu, 2001.

La télévision, Internet, la rue, les supermarchés, les mégastores… les immergent dans une intense consommation de produits de haute technologie et d’informations. Rafraîchissante, cette inspiration comporte le risque d’être aliénante. Les étudiants revitalisent les images de leur environnement immédiat de deux manières : en s’y opposant ou en se les accaparant positivement. Les États-Unis sont peu marqués par le culte de la forme, contrairement à la France qui est attachée au rayonnement de ses arts décoratifs. La beauté y est volontiers brutale, rarement précieuse. Elle est intellectuellement peu valorisée au profit du concept, du développement du projet. Ce n’est pas un hasard si la carrière de Marcel Duchamp s’est épanouie à New York. Les étudiants sont attirés par l’éphémère, ce qu’ils voient naître est appelé à disparaître. 52   5.2001

2  à  7 Travaux d’élèves.

Jon Harris.

Graphicooper - Design Lecture Series.

3 Affiche pour la conférence de

Affiches pour des conférences

Ruedi Baur, 2000. Marlous Borm.

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Quels sont les rapports entre le graphisme imprimé et celui sur écran ? Le motion graphic remporte un énorme succès auprès des jeunes. Le Cooper Union possède un très important parc d’ordinateurs, des techniciens de haut niveau et les enseignants sont formés à l’utilisation des nouveaux logiciels. Les génériques de films réalisés dès les années cinquante et soixante – en particulier le travail de Saul Bass (cf. EG 39), pionnier en la matière – montrent comment les États-Unis étaient mûrs pour cette forme de communication. Le Cooper Union comprend trois sections  : art, architecture et ingénierie. Les artistes se rapprochent des ingénieurs et réciproquement. Les projets de multimédia sont conçus en harmonie avec les différentes écoles. Nous associons nos compétences. Mais nous préservons l’importance de l’image imprimée. L’école a gardé un atelier de composition au plomb, équipé également de caractères en bois. Les étudiants s’emparent de ces outils anciens et les manipulent d’une manière inventive, résolument contemporaine.

Comment préparez-vous les étudiants à la vie professionnelle ?

4 Affiche pour la conférence de

6 Affiche pour la conférence de Niklaus

Nancy Skolos, 2000.

Troxler, 2001.

Peter Camburn.

Ashley Brown.

5 Affiche pour la conférence de

7 Affiche pour la conférence

Nikolaus Troxler, 2001.

d’Alexander Gelman, 2000.

Maggie Sipple.

Marcos Kothlar.

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Avant tout, nous nous devons de les préparer à suivre une démarche créative, techniquement solide qui inspire le respect. Les élèves apprennent à donner à la pensée une forme visuelle riche de sens. C’est cela le professionnalisme : être exigeant vis-à-vis de soi-même mais aussi des commanditaires, ce qui n’exclut pas une souplesse de réaction et une juste modestie.

En tant que professeur, avez-vous à jouer ce rôle de commanditaire ? En aucune manière. Les étudiants sont des jeunes artistes, pas des clients. Je suis auprès d’eux pour motiver leur création, la guider, lui donner du sens. Enseigner, c’est déblayer, clarifier les idées.

Vous inquiétez-vous pour leur avenir professionnel ? L’école, avec tous ses moyens techniques et matériels, offre un contexte très protégé. Nos élèves sont très appréciés et recherchés car leur formation est atypique. Cela dit, je me demande parfois comment, au pays du star-system, ils pourront garder leur fraîcheur créative. Je leur souhaite de ne pas se prendre au sérieux tout en prenant leur création graphique au sérieux. ■

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8 Octobre fait danser la saison. Affiche pour le Festival de danse et de musique Octobre en Normandie. 1995 Gold Award au Type Director Club de Tokyo, 1996. 9 Au cœur du mot. Couverture du livre sur le travail de Philippe Apeloig, publié par Lars Müller, Suisse, 2001. 0 Graphicooper Design Lecture Series. Affiche pour la conférence de Keith Godard à la Cooper Union, New York, 2000. Travail de l’élève Natalie Hoo. a Lire la Caraïbe, Cuba Haïti. Affiche pour la Fête du livre d’Aixen-Provence, 1998. z Carte de voeux. Studio Apeloig Design, Paris, 1998.

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Galerie Anatome 11 mai - 28 juillet Philippe Apeloig, au cœur du mot 38, rue Sedaine Paris 11e Tél. : 01 48 06 98 81 du mercredi au samedi 14 h - 19 h et sur RV : l.albernhe@ anatome.fr

r e La ville en fête, la ville blessée, la ville sonore. Affiche pour le Festival de danse et de musique Octobre en Normandie, 1997. r Vivre, écrire. Affiche pour la Fête du livre d’Aix-en-Provence, 2000 (esquisse). t Naissance et Renaissance. Affiche pour le Festival de danse et de musique Octobre en Normandie, 1998.

Avec son allure fragile, un sourire interrogatif d’adolescent aux lèvres en quête de certitude, Philippe Apeloig arpente avec mesure et assurance les réseaux du graphisme. À 38 ans, de Paris à New York, il a déjà apposé son empreinte dans la création et l’enseignement du graphisme. Son mode d’ancrage professionnel est la lettre, dans son dessin et son utilisation. Il a été pendant sept ans professeur de typographie à l’École nationale supérieure des arts décoratif (ENSAD). Rien d’étonnant à ce qu’il fasse de la précision et de la rigueur technique un efficace outil de sa production. Ni artiste plasticien ni technicien, il se situe dans cette famille, aux parentés imprécises, d’artisans de la communication. Ce positionnement professionnel n’a rien de nostalgique. Il évolue dans un système de commande et de production contemporaines qui privilégie le geste de l’auteur dans le cadre d’une diffusion limitée. Il concerne surtout le secteur culturel. Philippe Apeloig a ainsi beaucoup travaillé pour les musées, Le Louvre, Orsay ou le Carré d’Arts à Nîmes, des festivals comme celui d’Octobre à Rouen ou la Fête du livre à Aix-en-Provence ou des institutions culturelles comme la Bibliothèque nationale. Appelé par Alice Morgaine, l’inventive rédactrice en chef du regretté magazine Jardin des Modes (cf. EG 25), il en a assuré pendant quelques années la direction artistique. Son installation à New York, depuis 1999, donne de nouvelles sources d’inspiration à sa création. Comparant le magnétisme de cette cité à celui de Paris du début du siècle, il s’en irradie, pour, en quelque sorte, enrichir sa French touch. Intégré à la scène locale du design graphique, il est professeur de graphisme au Cooper Union et s’y occupe des rencontres et expositions du Herb Lubalin Center. Basé aux États-Unis, il se rend souvent à Paris où il continue de travailler pour ses clients de l’Hexagone. ■

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A G E N C E PAR GUILLAUME FRAULY

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A la manière de ... Fallait y penser ! Client : Be Happy Générique La route du rock Client : Ass. rock tympans affiche, annonce, flyer

endredi soir, Paris dans le 16e arrondissement. L’ambiance est celle de fin de semaine, mais pas encore celle d’un week-end. Dans le bureau de Fabrice Guéneau, les va-et-vient sont incessants. La bibliothèque est dans mon bureau… commente le responsable et fondateur de Dream On. Le métrage des rayonnages de livres et leur ouverture graphique, à l’aune de la moyenne de la profession, est impressionnant : Paul Rand, Brody, Sagmeister, Kesselskramer côtoient des ouvrages collectors chinés aux puces, un recueil de photos sur le thème du cirque ou le dernier ou-

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vrage de Tibor Kalman. Ces livres donnent envie de faire ce métier! Le ton est donné. L’ambiance est détendue, malgré les cernes et les canettes de soda énergisantes qui témoignent des récentes charrettes. Fondée il y a cinq ans, d’abord hébergée dans les locaux de Réservoir Prod, Dream On a aujourd’hui pignon sur rue et compte 19 personnes. En 1996, lors d’une première rencontre, Fabrice Guéneau insistait sur la particularité de Dream on : notre spécialité… c’est de ne pas en avoir. Cette approche qui avait de quoi surprendre à l’époque venant d’une “agence” semble aujourd’hui ré-

pondre à un besoin des commanditaires. Mais attention: pas question pour l’agence d’être touche-à-tout. L’opportunité ne donne pas de crédibilité. Pour répondre aux besoins de ses clients, le cœur de l’agence est composé de spécialistes, de créatifs multicasquette. Ils sont supervisés par deux associés. Dans l’équipe, l’on dénombre huit graphistes, un directeur de production, deux directeurs associés et les personnes en charge de l’administration. L’équipe ne s’interdit pas pour autant de faire appel à d’autres créatifs externes pour des budgets très spécifiques. Et de rajouter: Une bonne création passe par la trans-


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Ski (Oakenfull) Client : Sony - Columbia 123 Singles & stickers 4 Album & single

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Petit jeu entre amis Client : Réservoir Prod Générique & habillage

Joint DPG Client : Renault design identité visuelle

TNTV Client : TNTV Habillage

versalité des supports et des milieux. Si Dream On signe l’habillage d’une chaîne, pourquoi ne pourraitelle pas signer son identité visuelle, s’occuper de sa campagne de communication ou de la maquette de leur magazine interne. On peut ainsi assurer une cohérence stratégique et visuelle. L’approche est plutôt celle d’un collectif. Pourtant, avec ses compétences et sa pluridisciplinarité, Dream On se retrouve face à des agences plus importantes, en notoriété et en taille: des agences de design comme des agences de publicité, en France, comme à l’échelle internationale. Si un client se reconnaît dans notre approche, et ré58

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ciproquement, l’affinité surmonte les préjugés. On s’occupe aujourd’hui de campagnes mondiales (Daewoo) mais aussi de la jaquette d’un disque indépendant ajoute Fabrice, qui se refuse de se cantonner à un secteur particulier. Ce positionnement est nouveau, du moins en France. A la manière des labels d’indépendants, ou de certains studios, cette agence véhicule une approche de la création “ouverte”, peu commune aux agences. Si ces dernières se morcellent, se rachètent pour se restructurer ou développer un secteur, réduisent les intermédiaires, très peu d’entre elles choisissent cette pluridisciplinarité et surtout

ce mode de fonctionnement. Il est plus commun de voir des teams que des créatifs multicasquette au sein des agences. Mais pour Dream On, c’est cette diversification des secteurs et de clients qui “nourrit” les créatifs, permet aux structures de les intéresser, voire de les garder… Pour échapper à ce nombrilisme ou cloisonnement qui guette les structures, Fabrice Guéneau souhaite mettre en place un système qui va encore plus loin : inviter, chaque semaine, une personne extérieure à l’agence, qui puisse apporter un regard critique, décrypter des codes ou commenter une tendance. Il pourrait s’agir d’un directeur de création d’une agence de


TNTV Client : TNTV Habillage

publicité, d’un illustrateur d’une collection de livres, d’un musicien ou d’un dessinateur de caractères par exemple. Les cloisons qui existent entre “la pub” et “le graphisme” sont en train de tomber. Le vocabulaire, la méthode ou le profil ne sont pas forcément les mêmes, mais la mécanique intellectuelle et visuelle est similaire. Quelle différence existe-t-il entre un conducteur d’émission et le chemin de fer d’un magazine? L’approche se généralise. Mais à la différence d’un discours de plus en plus répandu qui consiste à ne pas vouloir dépasser un chiffre fatidique de salariés, Fabrice a un autre point de vue: Je ne suis pas

contre le réseau, et ne cautionne pas le discours : je ne veux pas trop grossir. On peut être important, nombreux, et rester de bons créatifs ! Encore faut-il avoir une vraie ligne de conduite, savoir comment travailler et ne pas vouloir tout faire. L’écriture doit être personnelle, mais cautionnée par des spécialistes. C’est ce qui assoit une création décalée. En terme de prises de risques, si la marge de manœuvre semble de plus en plus grande avec des chefs d’entreprises non formatés à l’école familiale et autodidacte, Dream On aimerait tenir un discours visuel plus radical. Mais en France, l’innovation semble “malvenue” d’une structure

moins connue, contrairement aux pays anglo-saxons qui sont moins regardants sur la notoriété des créatifs. Je cherche des annonceurs qui ont cette culture-là, celle de la diversité. Et ces annonceurs existent : TPS, France 2, Carson (une maison de production), InfoSport, les chaînes Festival, et récemment Cuisine TV, Réservoir Prod, (à l’époque les génériques de “Déjà Dimanche”, “Ça se discute”…), l’agence Sony, Universal, BDDP & Fils, Le Printemps, EMI, Virgin, TF1, Série Club… la liste est longue. L’équipe est jeune, 28 ans en moyenne, polyvalente, très réactive et prête à refaire le monde. La période est propice aux changements. n 5.2001

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Cuisine.TV Client : cuisine.TV Génériques

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Cassolette typographique nappée d’aplats sauce couleur. Cuisine.TV Client : Cuisine.TV jingles pub

Dominique Farruggia se lance dans une aventure… culinaire. Cuisine.TV est visible sur satellite et sur le câble : diversité des programmes, reportages, série, talk show s’adressent plutôt aux amateurs de bonnes bouffes qu’aux gastronomes. Il ne s’agit pas de culpabiliser les néophytes de la saucière, mais de désacraliser le cliché du Français cuistot professionnel, présenter des petits plats d’étudiants, des recettes entre amis… commente Edouard Hoorman, créatif du projet avec Anthony Sebaoun. L’habillage ne comporte donc pas une seule image d’ingrédient, de zoom sur plats fumants. Et ce pour deux raisons : ne pas être redondant avec les programmes et surtout donner envie de cuisiner, en préférant susciter plutôt que de montrer. Le duo a travaillé sur une dizaine de jingles pub mettant en scène les caractères typographiques, une ouverture de chaîne, des idents horaire, thématiques (pour certains idents, Dream On a fourni des kits permettant à la chaîne de les produire en interne). La chaîne devrait être accompagnée d’un site (création de Cléo Chrauet, Dream On) et d’un magazine, qui pourrait également faire office de programme TV. Bon appétit ! ■


Abonnez-vous Ă

www.etapes.com


e n v i r o n n e m n t par brice d’antras

Le graphisme intégré dans

Quai de la station de métro VillejuifLéo Lagrange à Paris .

Devenue l’élément moteur de nos économies, la communication façonne de plus en plus notre environnement. Le graphisme, une de ses mises en forme privilégiées, supplante les nombreuses variations autour de l’objet qui avaient triomphé dans les années quatre-vingt et quatrevingt-dix. 5.2001

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photo : © RATP/Jean de Calan

l’architecture


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a décoration ou l’ornementation

ne sont plus les parents honnis de la production, rejetés par les grands prêtres du fonctionnalisme. Elles structurent la communication. Dans le cadre des manifestations de son centenaire, la RATP a reconfiguré neuf stations de métro. Yo Kaminagai, le responsable de l’unité design de la RATP, favorise depuis des années le graphisme dans l’entreprise. Depuis deux ou trois ans, plusieurs stations emblématiques (Assemblée nationale, Luxembourg, Europe, Villejuif…) l’ont intégré, au-delà de la signalétique, dans leurs réaménagements architecturaux. Pour la recomposition de la station Villejuif -Léo Lagrange, la RATP a fait appel à une équipe

Ci-dessus : Fresque sur la course à pied des graphistes Julien Boitias et Philippe Forestier.

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multidisciplinaire, coiffée par l’agence d’architecture MCA (Mario Cucinella Architectes). Elle est constituée d’un conseiller scientifique, Philippe Fages, d’un scénographe, l’agence Bicks, d’un éclairagiste Jean-Yves Morvan, de l’agence Passerelles et de deux graphistes associés, Julien Boitias et Philippe Forestier.

La mise en page du sport La composition graphique de la station est axée sur la visualisation de l’évolution des records sportifs. Images, signes graphiques et textes ponctuent l’espace de cette station et de ses zones d’accès selon des niveaux de lectures variés, immédiats ou différés.

De part et d’autre de la voie, deux fresques, qui allient image, texte et chiffre, occupent plus du tiers du mur latéral du quai. Elles sont consacrées aux cent mètres course à pied et natation. L’espace entre les photographies d’athlètes est proportionnel aux secondes qui scandent la progression des performances. De l’autre côté des escaliers d’accès aux quais, une autre fresque présente, dans le même registre formel, une comparaison entre la vitesse de l’homme et celle de différents sprinters du monde animal. En bout de quai, les sauts en hauteur et à la perche sont figurés par l’affichage des records dans un assemblage abstrait de chiffres surdimensionnés dans des corps différents. Des échelles graduées constituent le signe fédérateur de cette architec-


ture graphique. Sur les quais, au bas des fresques et sur le mur du fond, elles symbolisent l’imbrication de l’espace et du temps, le terrain sur lequel s’établit le record. Des textes, écrits par Philippe Fages, commentent et illustrent la vie sportive. L’intégration dans le volume de cette communication graphique est rythmée par la signalétique et des luminaires évocateurs des éclairages de stades. Diversifiée dans ses niveaux de lecture, cette scénographie offre plusieurs degrés de lecture. Dans une première vision surgissent de grandes photographies d’athlètes. Floutées, des images de foule constituent le fond de la fresque. Une attention plus soutenue permet de comprendre le système d’étalonnage des performances. Enfin,

une partie rédactionnelle explique et commente la vie du sport. Au-delà du sport, la station Villejuif-Léo Lagrange évoque le temps en filigrane, d’une manière récurrente : celui sans cesse comprimé par des records, celui nécessaire aux diverses lectures de la fresque et des autres inscriptions graphiques du lieu et enfin celui des déplacements urbains.

La construction graphique Les fresques sont fixées sur un calepinage de panneaux métalliques de deux mètres de large sur cinquante centimètres de haut chacun, accrochés sur une grille. Chaque plaque peut être changée en cas de dégradation, sans avoir à

réimprimer l’ensemble du lais correspondant de la fresque. L’impression se fait par jet d’encre. Elle est transférée par contact sur un film plastique. Contrecollé sur un autre support, la parfaite adhésion sur le panneau s’obtient par un système de polymérisation d’un enduit appliqué sur la plaque métallique. L’image est recouverte d’un vernis qui permet de nettoyer les graffitis sans en altérer les couleurs. Les graphistes, Julien Boitias et Philippe Forestier, ont travaillé au 1/36e car le logiciel Photoshop ne peut pas fonctionner dans des dimensions supérieures à un mètre. Sachant que dans ces conditions, une différence d’un millimètre équivaut à 3,6 centimètres, les calages ont nécessité une extrême rigueur. ■

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Ci-contre : Détails de fresque. Elle met en valeur les rapports de l’image et des signes graphiques ainsi que les différents niveaux de lecture.

Julien Boitias et Philippe Forestier sont deux graphistes indépendants, installés depuis quatre ans. Ils sont arrivés à cette profession par des chemins de traverse. Tous deux historiens de l’art, Philippe Forestier s’est enrichi dans des études philosophiques, tandis que Julien Boitias a fréquenté l’École nationale de la photographie d’Arles. Ils travaillent depuis plusieurs années avec le cabinet d’architecture MCA (Mario Cucinela Architectes) qui les a intégrés à la réhabilitation de la station de métro Villejuif-Léo Lagrange. A part ce long travail qui les a occupés pendant une année, ils travaillent sur des livres d’art et de photographie et composent les publications du ser vice culturel de la ville de Beauvais.

perception des fresques qui correspondent aux durées plus ou moins longues passées par l’usager dans la station. La fresque, telle qu’elle est composée, favorise un mouvement progressif vers une lecture de plus en plus affinée. D’abord s’imposent les photographies des athlètes, puis l’on découvre l’échelonnement dans le temps des performances sportives, enfin l’on peut lire dans des cartels différentes informations sur le sport, sa pratique et même ses à-côtés plus sensibles comme l’argent ou le dopage. Dans ce travail, nous avons privilégié un graphisme qui informe. Nous évitons la communication par le slogan, qu’il soit publicitaire ou sportif. A la différence du graphisme d’édition, ce cadre urbain, partagé par un large public, nous impose une plus grande responsabilité humaine.

Comment traiter une image pérenne dans un lieu marqué par l’image publicitaire ? On a voulu constituer un espace calme qui évite la violence et les illusions du langage publicitaire. Nous avons beaucoup travaillé sur les rapports d’échelle et les proportions, pour contourner la monumentalité des photographies des champions sportifs. Nous avons créé différents niveaux de

Le sport est-il traité comme un reportage sur la compétition sportive ? Pour nous, il est important que l’utilisateur de cette station de métro prenne conscience qu’il est devant une image et pas devant un plagiat lissé de la réalité. C’est pourquoi la construction graphique est toujours visible. En premier lieu par la segmentation de la fresque en panneaux, mais surtout par

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sa construction graphique. La foule derrière les champions n’est pas rangée sur les gradins d’un stade. Elle est là pour souligner la dimension collective du sport. Le collage des photographies des athlètes sur celle de la foule, et non la vue d’ensemble d’un stade, contribue à casser l’identification du succès dans la compétition à celui de l’entreprise commanditaire. Le record est plutôt assimilé à une incitation, à une pratique collective.

A Moscou, dans les années vingt et trente, Rodtchenko a beaucoup travaillé sur le sport. Ce travail vous a-t-il inspirés ? Nous y avons bien sûr pensé, mais nous avons voulu éviter la redite des formes d’expression de ce mouvement. Politiquement, la glorification du corps du héros ne correspond pas à nos aspirations. En revanche, nous avons voulu en transposer la dynamique et l’énergie. Notre démarche ne s’adresse pas au groupe dans sa globalité. Nous préférons faire bouger les choses de l’intérieur, en touchant l’individu pour transformer le groupe. ■


photo : © RATP/Jean-François Mauboussin

photo : © RATP/GÉRARD DUMAX

photo : © RATP/Jean-François Mauboussin

Le graphisme dans la requalification des espaces publics du métro

A gauche (haut et bas) : Couloir de la station de métro Montparnasse (Paris). Graphisme de Bernard Baissait sur le thème “Ils sont nés un 19 juillet”. A droite : Station de métro Luxembourg (Paris). Graphisme de Pepito Lopez sur le thème de l’écologie urbaine.

Le centenaire a été pour la RATP l’occasion d’accélérer et d’intensifier les opérations de requalification des espaces du transport. Ce travail s’achèvera en 2003. Les stations Villejuif, Luxembourg, Tuileries et Montparnasse ont été réaménagées avec la participation déterminante de graphistes, respectivement, Julien Boitias et Philippe Forestier, Pepito Lopez avec le journal Courrier international, l’atelier Fabrizi et enfin la compagnie Bernard Baissait. Po u r re p re n d re l e s t e r m e s d e Yo Kaminagai, le responsable de l’unité design de la RATP, le métro parisien s’est lancé dans une politique graduée de “bonnes surprises”. Les neuf stations du centenaire font partie des grosses surprises ; les poèmes affichés dans les wagons, les commentaires d’œuvres d’art, les cartels explicatifs de l’architecture du réseau sont des petites surprises. Sans prétendre transformer les déplacements collectifs urbains en opérations touristiques, la RATP vise à équilibrer les aléas du transport par des attraits ponctuels. Elle est passée d’une ambition d’efficacité fonctionnelle à celle de qualité de la prestation de service. ■

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a f f i c h e s par ALAIN LE quernec

La fête de la

musique a 20ans 1

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1 Annette Lenz. 2001. 2 Vincent Perrotet. 2001. 3 Cyan. 2001.

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aites de la musique, la fête de la Musique a vingt ans. Cette initiative, l’une des premières de Jack Lang à son arrivée au ministère de la Culture en 1981, s’est affirmée d’emblée comme une manifestation populaire au succès contagieux car elle est devenue depuis la fête européenne de la Musique. C’est un des très rares événements nationaux à avoir fait l’objet d’une commande régulière d’affiche. Pour fêter cet anniversaire en 2001, et honorer cette tradition, ce n’est pas une, mais vingt créations différentes qui voient le jour. Cette initiative peu habituelle est le résultat de la rencontre entre la volonté du responsable de la fête et celle de la délégation aux Arts

plastiques (DAP) au ministère de la Culture, puisqu’il s’agit d’une commande publique… Le choix des vingt artistes retenus s’est fait après une large recherche concertée. Jean-François Millier, son initiateur, fait appel en priorité aux graphistes, avec une volonté évidente de variété qui n’oublie pas les nouvelles tendances et qui inclut quatre créateurs européens… Mettre en regard de cet ensemble celui des affiches des années précédentes nous éclaire sur les motivations d’une commande et du choix de l’artiste… La première image fut demandée bizarrement à Sempé, sans doute du fait de la sensibilité du responsable de l’époque à ses dessins sur les musiciens; drôle d’idée, cependant, que

d’obliger Sempé l’intimiste à s’improviser affichiste. Lorsque Tomi Ungerer lui succéda, une tout autre ambiance révéla la première image marquante qui resta longtemps affichée dans les couloirs… Les illustrations de Tomi Ungerer ont toujours rendu ses affiches puissantes et, succès aidant, il en créera cinq… Passer commande à des noms tels que Sempé, Ungerer, Wolinski, Bretecher ne pouvait suffire à cautionner une expérience probante du traitement de l’affiche. Solliciter Folon n’aurait guère dénoté, à l’époque, ou même Savignac à moins que ce dernier ne figurât déjà parmi les rebus du passé... C’était l’époque où le prix national du graphisme était régulièrement attribué à un illustrateur ou un dessinateur de 5.2001

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4. 2001. 5 Ronald Curchod. 2001. 6 Laurent Fétis. 2001.

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8 7 Nous Travaillons Ensemble. 2001. 8 Niklaus Troxler. 2001. 9 Peret. 2001. 0 Gérard Paris-Clavel. 2001. a Atelier de création graphique. 2001.

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BD… , c’était l’époque où personne ne se disait plus affichiste et où le terme de graphiste ne s’était pas encore imposé… En 1987, Michel Bouvet est le premier graphiste mandaté pour la conception de l’affiche. Pour cette occasion, il dessinera un titre qui sera repris dans les éditions suivantes, devenant de facto et sans l’autorisation du créateur le logo de la manifestation. Il sera institutionnalisé en 1995 et Michel Bouvet le modèlera alors dans sept langues, fête européenne de la Musique oblige. Vingt ans d’affiches sont aussi l’histoire des logos. Si les premières affiches sont sobrement signées ministère de la Culture, la logomania des sponsors s’appropriera bien vite les suivantes… Le créateur de l’image n’y est pour rien, il a fourni une image, le reste ne le regarde pas… Plus tard, des graphistes estimant cet empiète-

ment par trop aberrant essaieront de négocier la mise en place et la taille de ces taches, mais sans pouvoir les supprimer… Cette année, le bon sens prévaut, les textes ont supplanté les logos des sponsors, y compris celui de la culture. Il a été néanmoins demandé aux créateurs d’intégrer celui de la fête, ils l’ont fait avec une amusante et révélatrice variété de dimension et de lisibilité. En 1994, Jean-François Millier est chargé de cette manifestation et porte une attention particulière à son image. Il contacte tout d’abord des affichistes. Michel Quarez, en premier, produit une image surprenante, sobre, poétique et tout à fait pertinente. L’affiche de 1995 est conçue pour la première fois avec l’aide de la DAP, une commande publique qui sera reconduite les années suivantes (excepté celle de 2000). En 1996, changement d’orientation. Les

peintres de la nouvelle figuration (Combas, Di Rosa, Boisrond…) réalisent successivement l’image de la fête, décision sans grand risque quand on connaît l’exubérance de leur production. L’an 2000 malheureusement impose le logo institutionnel du millénaire comme motif principal, une non-création à oublier… Cette année donc, vingt créateurs reconnus imagineront des images pour célébrer cette fête de la Musique, lesquelles recueilleront, à tort, l’appellation d’affiches. Mais au moins existeront-elles, imprimées en 350 000 exemplaires, omniprésentes, elles s’érigeront dans chaque lieu public de toutes les villes... Bref, des affiches, des vraies, de celles que l’on n’oubliera pas. L’évènement pour être rare mérite bien un article. ■

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z SempĂŠ. 1984. e Claire Bretecher. 1991. r Michel Quarez. 1994. t Tomi Ungerer. 1985. y Combas. 1996.


i m a ges par brice d’antras

La reine des abeilles Jacqueline Hassink est une artiste photographe néerlandaise qui vit à New York. Elle traque les tables, pas celles de la loi, mais les surfaces planes et horizontales, montées sur pieds, à la convivialité bien régulée, autour desquelles se satisfont les soifs et appétits du pouvoir dans la finance, le commerce et l’industrie. Sa palette photographique n’exhibe pas le vice. Elle est aux antipodes des saillies moralisatrices du peintre anglais du xviiie siècle William Hogarth ou de l’écrivain Pierre Choderlos de Laclos. Glacials dans leur immédiateté descriptive,

ses constats de tables s’affichent comme des rapports anthropométriques. Elle a d’abord saisi celles des salles de réunions des quarante plus importantes multinationales, puis celles des vingt banques leaders européennes. Elle montre, dans l’exposition Queen bees - les centres de pouvoir féminin - au Museum für Gestaltung de Zurich (voir agenda), des dyptiques qui juxtaposent les tables de salles à manger et de salles de conférences de douze dirigeantes de grandes entreprises mondiales. Féminité et pouvoir s’y conjuguent.


r eg a r d par LEWIS BLACKWELL

Objets trouvés Lewis Blackwell a publié de nombreux ouvrages, distribués dans le monde entier, traitant du graphisme et d’autres thèmes connexes. Il est enseignant, critique et conférencier. Il est également vice-président de la direction des marques et de la création chez Getty Images. Il était rédacteur en chef et éditeur de la revue britannique Creative Review.

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i m a ges Les graphistes, à l’inverse des créateurs de publicités, ne passent pas leur temps à se demander ce qui fait vibrer les gens. Par nature et de par leurs activités, ils sont davantage enclins à se concentrer sur les propriétés de la construction du message (et sur ce qui les fait vibrer eux…) dont le contenu et le ton sont donnés par le client. Souvent, les graphistes sont plutôt introvertis. En effet, les extravertis quittent rapidement le graphisme en tant que tel pour s'occuper des comptes des clients ou pour rallier d'autres départements. Généralité bien sûr, mais qui synthétise assez bien plusieurs années d'observation. Même dans le monde de la consultation des marques, où le ton, l'esprit, les valeurs prévalent et coûtent horriblement cher, le designer n’est pas en quête d’ émotions à tout prix, mais cherche plutôt, de manière rationnelle et intuitive, à faire passer l'émotion qui lui est demandée de véhiculer. Cette différence m'est apparue encore plus clairement lorsque l'on m'a invité à participer à une réunion avec un studio de design et une agence de publicité pour une campagne médiatique multisupport. L'un d'entre eux avait produit une splendeur, mais relativement stérile, sans réel mordant alors que l'autre qui n'avait apparemment rien compris à la valeur intrinsèque du produit, par sa création, touchait le spectateur au travers d’un message accrocheur, drôle et poignant. Inutile de vous dire qui avait créé quoi. Nous n'avons pas encore arrêté notre choix. Nous voulons le meilleur de ce que toutes deux ont à offrir, mais leurs esprits et leurs approches sont difficilement conciliables. Cette expérience s'est renouvelée lorsque j'ai dû sélectionner les images destinées à illustrer un de

mes articles, dont quelques-unes figurent sur ces pages. Mon choix d'images crues est un parti pris car elles sont plus émouvantes que ne peut l'être la “qualité” de la création d'images. C'est un avis personnel, bien sûr. Se fier à l'image pour bien vous faire comprendre combien elles sont touchantes ne suffit pas. Même créées avec cette finesse qui privilégie une atmosphère confinée aux effets de lumière, à la coloration ou encore à la configuration des éléments, ces photos n'en seraient pas moins insaisissables et stylées, illustrées et conceptuelles, bien qu'ayant une signification indéfinie. En d'autres termes, elles sont à la limite du vide tant qu'elles ne sont pas accompagnées d'une légende. Maintenant, ajoutez-y ce concept : la perte. Ces photos représentent toutes des objets trouvés au bord de la route, perdus ou laissés tombés par leurs propriétaires. C'est fou ce que l’on trouve le long des routes. L’on perçoit l'émotion liée au gant ou au jouet égaré par un enfant, le mystère d'objets hétéroclites devenant tout à fait inutiles une fois jetés hors de leur contexte. L’on a l'impression de s'immiscer dans l’intimité d'autrui ou qu'une partie de leur vie s’est introduite dans la vôtre. C'est en quelque sorte le tissu de l'expérience qui se déchire. D'une certaine manière, les objets peuvent adopter les propriétés d'un momento mori représentant à la fois la constance et le changement (la personne s'en va, l'objet reste). Contextualiser ou “défamiliariser” une image en y annexant un ou plusieurs mots aptes à la décrire ou à nous plonger dans son essence même est tellement simple et important à la fois dans la grande communication et la grande création graphique, mais si rarement prévu au programme des écoles de

création. La structure de l'éducation à la création commet là une omission tragique car elle permet aux agences de publicité de prendre le plus souvent le pas sur les créateurs dans le domaine de la communication avec les clients. Aujourd'hui, l’on exige des créateurs, en plus de leurs connaissances techniques, qu'ils résolvent les problèmes et qu'ils aient des idées. Ils doivent s'intéresser davantage au pouvoir des mots et à leur responsabilité à s’en servir dans un contexte précis. Le seul moyen d'obtenir un lien émotionnel consiste à combiner l'image et le langage ou à utiliser le langage seul. Même l'image la plus forte n'est, sans légende, qu'un bout de papier alors qu'un roman se passe d'images (vous remarquerez que les œuvres qui procurent une émotion comportent rarement l’inscription “Sans titre”). Toute objection est la bienvenue pour peu qu’elle soit étayée de preuves ou de commentaires probants. J’aurais aimé vous montrer une de mes images préférées, une de celles qui fige un “objet trouvé”. Elle représentait une béquille couchée sur les rochers en contrebas, à Snoqualmie Falls, près de Seattle (un endroit célèbre à cause de la série TV culte, Twin Peaks). Elle devait être là depuis un bon bout de temps. Depuis le balcon d’où je la voyais, j’ai alors imaginé la scène de sa chute : son propriétaire s’en aura servi pour montrer quelque chose et l’aura laissée tomber. Mais je l'ai… perdue, ainsi que toutes les autres sur cette planche. Elle est entre d’autres mains maintenant, et revêt sans doute une signification différente, puisque l'absence de langage, de mots laisse libre cours à toute interprétation. ■

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i m a g e s

Photo Depuis quatre ans, l’ENSAD, l’École nationale supérieure des arts décoratifs, en partenariat avec la société Leica Camera France, organise un concours photographique réservé à ses élèves autour d’un thème imposé. Le choix du jury de cette année, composé de personnalités telles que Michel Quétin, Dominique Gaesser ou Guy Le Querrec, s’est porté sur Jean-Michel Pancin, élève de 4e année photo, lequel a reçu un Leica M6 pour une série intitulée “Paris la nuit”. Cette manifestation est suivie d’une exposition au sein même de l’école, qui se tiendra jusqu’au 18 mai 2001. Une occasion de revoir la superbe série sur le métro et les forçats de la nuit de Christophe Herbaut, lauréat 1999 ou celle de Julie Ansiau, lauréate 1998.

Dérisoire Thierry Cattant définit son univers comme “mystérieux, rigolo et méchant en même temps”. Fan de Tim Burton, de Scoobidou ou de Jules Verne, ce jeune illustrateur marseillais de 26 ans dessine des personnages inspirés des vieux cartoons d’Hanna-Barbera. Il les travaille directement sur Illustrator puis les place dans des décors de faux papiers péchés et retravaillés sur Photoshop afin de leur enlever leur caractère numérique : pour plus d’authenticité et un côté un peu vieillot, usé, pas trop propre. Décidé avant tout à ne pas se prendre au sérieux, Thierry Cattant dit cultiver le dérisoire en créant une imagerie faite de bizarreries et de “bouts de ficelle”, qu’il parsème de clins d’œil aux années soixante-dix. Outre l’illustration pour la publicité ou la presse, il nourrit en secret le projet de livres d’enfants où il pourrait développer à son aise son univers peuplé de fantômes, de sorcières et d’ogres qu’il situe modestement entre science-fiction et Moyen-Âge.

Pour être présent dans cette rubrique: etapesgraphiques@pyramyd.fr

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Femmes et sida Karine Daisay a été choisie par le ministère délégué à la Santé pour illustrer un mini­livre informant les femmes sur le sida. Cette illustratrice parisienne âgée de 29 ans découpe des visages provenant de tableaux, les projette dans notre modernité en les affublant de cheveux, d’accessoires et de vêtements faits de papiers colorés et récupérés. Ses collages animent parfaitement cette campagne de prévention. En figurant des scènes du quotidien avec des personnages de tous âges, de toutes conditions, de toutes couleurs, Karine Daisay montre que ce virus peut toucher chacun d’entre nous. Ces illustrations de couleurs vives ou en noir et blanc sont vivifiantes, elles mettent l’accent sur l’échange, la communication et l’action. Par ailleurs, Karine Daisay travaille avec Lire, Le Nouvel Observateur, DS. Pour être présent dans cette rubrique: etapesgraphiques@pyramyd.fr

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Et de trois Cinq jeunes illustrateurs, David B, Bed-Deum, Stéphane Blanquet, Blex Bolex, Thierry Guitard et Aleksandar Zograf exposeront leurs derniers travaux à l’occasion de la Troisième Rencontre illustrations et bandes dessinées. Une journée de discussions et de dédicaces aura lieu le dimanche 13 mai 2001. Des maisons d’édition indépendantes, L’Association, La Cafetière, La Comédie illustrée, Le Lézard, Les Oiseaux de passage et la fanzinothèque de Poitiers présenteront leurs albums, sérigraphies et cartes postales. Une initiation à la lithographie sera proposée les 12 et 13 mai par le Petit Jaunais. Cette manifestation se tiendra du 9 au 27 mai au Château de la forêt à Livry-Gargan.


l é g i s l a t i o n par Isabelle durand Avocat au barreau de Paris

Souvenir La tendance à la “souplesse” dans l’application du droit de reproduction des immeubles et des paysages se confirme et s’accentue. Peut-on, librement et sans s’acquitter de droits, photographier la tour Eiffel éclairée ? La réponse est non, excepté, bien entendu, la photographie prise pour un usage personnel “dans le cercle de famille”. La réponse est la même pour ce qui concerne la Grande Bibliothèque (de jour comme de nuit), la Pyramide du Louvre ou la Grande Arche de la Défense.

Par une décision du tribunal de grande instance de Lyon du 4 avril, le mouvement de restitution de l’espace à la liberté de reproduction des photographes se confirme et s’amplifie, car il concerne, cette fois, la libre reproduction d’une œuvre d’art. Ajoutée à la décision du 31 mars 2000 de la cour d’appel de Paris ayant jugé que “le droit de propriété n’investit pas le propriétaire d’un château d’un droit absolu d’autoriser ou d’interdire la reproduction de l’image de ce château”, cette décision affirme la volonté de revenir sur la tendance restrictive de la notion de libre reproduction, qui dominait la jurisprudence jusqu’à une période récente. L’affaire de Lyon met directement en jeu les droits d’auteur de Daniel Buren et Christian Drevet qui ont réalisé l’aménagement de la place de l’Hôtel-de-Ville de Lyon. Cette place a été photographiée et reproduite sous la forme de cartes postales. Les deux artistes ont assigné les éditeurs des cartes postales au motif que ces éditions avaient été faites sans leur accord et sans que leurs noms soient mentionnés au verso des cartes postales. Le second grief est indiscutable, le droit au nom étant l’un des attributs du droit moral de l’artiste est, en tant que tel, imprescriptible, inaliénable et incessible. Les éditeurs ont

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bien commis une faute en ne créditant pas les œuvres reproduites du nom des deux artistes. Mais le premier grief, qui, il y a quelques mois encore, aurait entraîné de façon quasi imparable la condamnation des éditeurs, n’a pas été considéré comme une faute par le TGI de Lyon. Se fondant sur une analyse proche d’une décision refusant de sanctionner une vue générale de Marseille dans laquelle était visible une fresque originale et affirmant le principe de “libre reproduction des paysages”, le TGI de Lyon refuse d’interdire la libre reproduction de la place prise dans son ensemble. Le tribunal prend soin de rappeler que les œuvres sont bien protégées par le droit d’auteur, mais qu’aucune carte postale ne les reproduit isolément en tant que telles. C’est pour cela que le tribunal peut en déduire que “l’intrication entre patrimoine historique et aménagement moderne est telle qu’elle interdit en pratique de distinguer les deux éléments”. Ainsi, puisque les cartes postales ne reproduisent pas isolément les œuvres “modernes”, on ne peut en interdire la libre reproduction sans interdire la reproduction d’œuvres du domaine public dans lesquelles elles sont “imbriquées”. Contrairement à l’analyse faite dans le Monde (9 avril 2001) par

de Lyon

Un visible

illisible

Au Japon, comme dans d’autres pays d’ExtrêmeOrient, on peut se trouver incapable de lire ce que l’on voit, ce qui invite à apprécier une perception purement visuelle, libérée des obligations verbales.


l’avocat de l’Union professionnelle de la carte postale, il ne s’agit pas à notre avis d’un droit de courte citation qui n’existe pas pour les images, car reproduire une courte citation d’une image reviendrait à la morceler et donc à dénaturer l’œuvre. Ce qui, à notre humble avis, est ici le fondement de cette décision est plus vraisemblablement la volonté d’empêcher un artiste de s’approprier l’espace “public” dans son ensemble et d’en interdire la libre reproduction au motif que son œuvre apparaîtrait dans cet ensemble. La question déterminante est donc de savoir si l’on peut reproduire cette place historique et les bâtiments qui l’entourent, sans reproduire les œuvres de Buren et Drevet. Leurs œuvres se trouvant au centre de la place, on ne peut que répondre par la négative et il s’ensuit que la reproduction de la place implique celle des œuvres. La réponse pourrait à notre sens être identique pour ce qui concerne la cour du Louvre au centre de laquelle a été édifiée la Pyramide, si toutefois un contrat n’a pas spécifiquement prévu les conditions de reproduction de

cette œuvre au profit de l’architecte, ce qui est certainement le cas. Cette décision est importante car elle crée un équilibre entre les droits légitimes des auteurs qui sont maintenus lorsque la reproduction est centrée sur leur œuvre et la limitation de leurs droits, lorsque leur œuvre se fond dans un ensemble dont elle fait étroitement partie. Cet équilibre est essentiel et justifié, notamment par le fait que l’intervention d’un artiste sur un espace ouvert et public est une opportunité rare, qui lui permet de laisser une marque durable de son talent dans la cohérence d’un lieu préexistant et il serait anormal qu’il puisse ainsi s’approprier ce lieu, dans sa globalité, au-delà de son apport personnel. Toutes ces décisions sont cohérentes et démontrent qu’une intervention législative n’est pas toujours indispensable, pour que le droit s’adapte au monde qui l’entoure. Assistera-t-on à la même évolution pour la reproduction de l’image des personnes ? Affaire à suivre… ■

r é a c t i o n

Intuit lab

par philippe quinton Graphiste-enseignant Chercheur en communication

Il y a des endroits sur la planète où l’on se trouve devant des textes que l’on ne peut lire, en présence de produits très difficiles à identifier, car les marques graphiques qui le permettent sont indéchiffrables pour ceux qui ne maîtrisent pas les écritures locales. C’est le cas en Extrême-Orient, au Japon notamment, là où les idéogrammes investissent fortement les espaces publics, au voisinage des marques commerciales qui abusent manifestement de l’universalité de leurs codes alphabétiques. L’Extrême-Orient étonne, fascine et déroute le voyageur, et à l’instar de Roland Barthes, chaque visite au pays des idéogrammes est l’occasion de se raconter une histoire de signes, d’expérimenter une autre manière de dire et de faire, de questionner d’autres logiques d’écriture et de communication. Rappelons que l’idéogramme (bien souvent mal compris et donc mal défini, même chez les designers…) n’est pas du tout une “idée qui s’exprime graphiquement” et

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encore moins une “image-concept”, mais seulement, et c’est déjà beaucoup, une marque graphique qui fond un système d’écriture (voir EG 65). Il a donc avant tout une valeur idéophonogrammatique qui construit un projet verbal (1).

Rien que pour les yeux L’occidental lambda n’a pas accès au lisible qui s’exprime dans les langues d’Extrême-Orient s’il ne les parle pas ou ne les écrit pas ; la relation purement visuelle avec les messages fait de lui un illettré face à un système non alphabétique. Il ne lui reste donc que les repérages offerts par la seule dimension graphique des objets et des messages pour comprendre autrement cette masse d’informations en tous genres qui l’entoure et le sollicite par sa formidable plasticité urbaine. La familiarité des enseignes lumineuses des marques internationales ne suffit pas pour compenser l’étrangeté et la prolifération de signes idiomatiques, souvent indispensables pour mener une vie quotidienne normale en ces contrées. Il faut alors trouver des repères dans une impressionnante opulence visuelle, faire preuve d’une certaine intuition devant des signalétiques ou des appareillages “illisibles”. C’est donc l’occasion d’estimer à quel point la dimension visuelle est riche d’informations et de plaisirs spécifiques, de redécouvrir un autre rapport sensible avec un environnement momentanément affranchi d’un verbe dominant qui d’ordinaire régente nos vies et nous oblige à tout lire ou à exiger quelque chose à lire, à tout comprendre d’abord ou le plus vite possible par le texte. Pour une fois, le verbal ne saute pas à la figure, c’est plutôt plaisant.

L’écrit est une image (1) A ce propos, on peut se replonger avec bénéfice dans les travaux d’Anne-Marie Christin qui en a bien distingué les différentes fonctions possibles à travers l’histoire et surtout montré comment nos écritures sont nées dans l’image. [L’image écrite ou la déraison graphique Éd. Flammarion].

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Sans accès linguistique au texte, il nous reste alors la forme du texte, son image, ce qui ne peut que ravir les gens d’image et les designers mais ne suffit pas encore, pour beaucoup, à l’établissement d’une communication “efficace”. L’écriture idéographique est réduite dans ce cas à une pure forme graphique inscrite dans un espace donné seulement à voir. Voilà qui prive le chaland de l’évidence du lisible et l’oblige à puiser dans toutes les ressources du visible pour s’y retrouver. Cela permet de mieux comprendre l’importance de la dimension visuelle des objets et messages de notre environnement, de redécouvrir les sensations visuelles, de revaloriser notre capacité à voir avant de lire. Alors que le potentiel de

lecture se dérobe devant la complexité de l’écriture idéographique, il reste encore beaucoup de possibilités de compréhension dans les formes plastiques et graphiques elles-mêmes, les agencements des objets et des messages dans l’espace. Les couleurs et la disposition d’un plan de métro peuvent pourvoir au repérage. Dans les magasins, on a envie d’acheter certains produits non pas pour leur contenu mais juste pour le contenant, pour la qualité de leur présentation graphique. Quelques idéogrammes soigneusement calligraphiés, un papier subtil et des couleurs raffinées, un cordon sommaire, etc., font apprécier le contenant pour lui-même indépendamment de ce qui y est dit ou d’un contenu parfois difficile à identifier pour l’illettré occidental. Bien que l’Européen soit évidemment dans ces cas complice d’un certain exotisme graphique et tombe sous le charme asiatique, la maîtrise des signes et de leurs supports ne peut que séduire. Certes, il y a là un “effet idéogramme”, mais il va bien au-delà du tourisme graphique, il procède d’une différence fondamentale dans les systèmes d’écriture et les cultures qui les inspirent. C’est un autre mode de pensée et de communication, très éloigné de nos habitudes occidentales qui invite à en tirer des leçons communicationnelles, à l’écart de toute généralité, tant cela concerne chaque perception singulière.

Écrire et dessiner Finalement, dans une culture qui dessine pour écrire, la forme graphique est capitale pour l’expression écrite (la trousse de calligraphie des enfants japonais qui apprennent les bases de l’écriture kanji ressemble fort à une boîte de peinture…). L’image et la dimension visuelle sont reconnues comme des données essentielles pour la communication, mais les sociétés occidentales privilégient tout de même le texte sur l’image, quoi qu’il en soit des incantations diverses sur “la société de l’image”. Pour repenser l'écrit avec l'image, nous devrions sans doute réapprendre à dessiner pour écrire, à voir avant de lire, à extraire l’information de la forme du texte avant le texte lui-même. Si nous le faisons un peu au quotidien, est-ce en tirant le meilleur de ces ressources visuelles ? La confrontation à d’autres logiques de communication, l’immersion temporaire dans d’autres systèmes d’écriture ne peuvent que nous aider à valoriser la puissance du visuel et à développer l’acuité de notre regard. ■


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l i v r e s par guillaume Frauly

Le livre du mois

Titre : Minus Equals Plus : Istvan Banyai Éditeur : Harry N. Abrams Inc. Auteur : Kurt Andersen Format : 22,5 cm x 23 cm Dos carré, collé 180 pages 250 illustrations dont 150 en couleurs Prix TTC : 239 F “Moins égale Plus” : un titre comme celui-là intrigue. Forcément. D’autant que cet ouvrage est un hommage à un illustrateur, Istvan Banyai. Plus qu’un livre, c’est le fruit d’une longue complicité professionnelle, transcription d’une histoire parallèle entre un éditeur et un illustrateur. L’auteur de cet ouvrage, Kurt Andersen, éditeur de presse, est un passionné d’illustration. Il découvre Istvan Banyai (et son titre “Zoom”) qui s’adresse plus aux adultes et tombe littéralement sous le charme du trait. Quand il devient éditeur du magazine New York, Kurt Andersen fera régulièrement appel à l’illustrateur. C’est cette évolution, le croisement des parcours professionnels de chacun, toujours en parallèle, que retrace ce livre. Véritable portrait de l’illustrateur, l’ouvrage revient sur la diversité des styles, des influences multiples qui oscillent entre les “ C o m i c s ” d u d é b u t d u s i è c l e , MC Escher, Luigi Pirandello, mais aussi les années soixante, le Pushpin Studio… Cette “confluence d’influences” est l’occasion de s’arrêter sur l’image des années cinquante à nos jours, les choix, les supports, les styles graphiques. L’illustrateur privilégie l’humour, provoque, est cynique, érotique et débridé, dépeint la vie sociale avec une grande personnalité. Une sélection d’illustrations de 1949 à aujourd’hui sont mises en avant. Il faut aimer le style, car l’ouvrage ne consacre le travail que d’un seul illustrateur, et si c’est le cas, alors n’hésitez pas !

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Titre : Sagmeister Made You Look Éditeur : Booth-Clibborn Auteur : Peter Hall Graphisme : Stefan Sagmeister “retouché” par Chee Pearlman Format : 17,5 cm x 24 cm Dos carré, collé 292 pages Illustrations en couleurs Anglais Prix public TTC : 390 F Le provocateur Sagmeister ne s’est pas assagi ! (EG 70). Ce boulimique graphique, obnubilé par l’Idée et son exécution, n’est pas en manque d’inspiration. Ce livre retrace sa soif visuelle. C’est une manière de canaliser ses émotions, de rassembler ses sources d’inspirations, de mettre ses idées à plat avant de prendre une année sabbatique, “sans clients, en ne travaillant que sur des expérimentations visuelles”. Tout juste édité, ce livre a été conçu avec l’aide de rédacteurs internationaux dont Peter Hall et Chee Pearlman (I.D.), courant 2000. L’intrigue naît avec la couverture, réalisée avec une technique qui lui est chère : la complémentarité des couleurs, qui permet d’accentuer les expressions graphiques. Sous un plastique transparent et

découvrez en ligne une sélection des meilleurs livres de design, de graphisme et d’art

Titre : Packaging 8 Éditeur : Graphis Auteur : Martin Pedersen Commentaires : Steven Sandstrom Format : 23,5 cm x 30 cm Dos carré, relié 258 pages Illustrations en couleurs Anglais Prix TTC : 587 F de couleur, une image peut se révéler ou au contraire devenir invisible. Invisible, Stefan ne l’est pas. Au contraire, il ne cesse de se mettre en scène, avec un fort penchant pour l’exhibition. Le titre de l’ouvrage est aussi évocateur que son auteur, “Sagmeister vous a fait voir… !”, à chercher sur la tranche du livre… L’ouvrage débute par une interprétation très personnelle du big-bang, de l’histoire de l’évolution et celle du graphisme… Si beaucoup des travaux présentés ont déjà parcouru le monde, reste au lecteur curieux le privilège d’apprécier une recherche éditoriale atypique, faite de Post-it, de roughs, de travaux de commandes, de mises en pages du journal personnel de Stefan, de son sketchbook, ou encore cette histoire pictographique sans queue ni

tête. L’ouvrage est riche, il est le reflet de sa vie. C’est aussi un album photo personnel, un roman-photo professionnel, un superbe outil de communication. Le rédactionnel plutôt dense rythme l’ouvrage, soutenu par des mises en scène photographiques qui ponctuent les chapitres, un par voyage, de Hong-Kong à New York, de Vienne au Sri-Lanka. Aujourd’hui, il analyse sa frénésie créative, prend du recul… ! Près de 400 visuels offrent une occasion unique de connaître le personnage avant son retour sur le devant de la scène… en juin. Profitez-en ! On en sort perplexe ou ébloui, mais incontestablement marqué au fer rouge. Une d e r n i è r e i n f o r m a t i o n : S t e f a n Sagmeister dédicacera ce livre le 14 mai 2001 à la galerie Frédéric Sanchez, Paris 3e.

librairie en direct

Le secteur du packaging a eu sa petite révolution : matériaux et systèmes d’ouverture nouveaux, mais surtout l’esthétique que se doivent de respecter les fabricants pour surfer sur la tendance Design. Graphis fait le point sur les innovations en matière de design d’emballages : les références à connaître, les dernières trouvailles, les formes, les couleurs, les textures. Une source d’inspiration intarissable et pratique : les conditionnements présentés par catégories facilitent la comparaison, et l’accent est mis sur le visuel : un ou deux visuels par page, sur fond noir pour rehausser les l i g n e s e t l e s c o u l e u r s et des légendes laconiques. Mais le dernier né de cette collection Graphis Packaging reste une référence du secteur.


Titre : Lingua grafica Éditeur : Die Gestalten Verlag C o n c e p t : Mu t a b o r e t R o b e r t Klanten Auteur : Johannes Plass et Carsten Raffel Format : 14,5 cm x 21,5 cm Dos carré, collé 190 pages Illustrations en couleurs et N&B Prix TTC : 220 F Ce livre est atypique. Le sommaire en fournit un avant-goût : il présente le “déroulé” de l’ensemble de l’ouvrage et fait office de préface – inutile car les visuels parlent d’eux-mêmes. Comment traiter de l’icône, du symbole, des créations qui ont précédé le caractère typographique dans l’histoire de la création ? Il est aujourd’hui compris de tous, fait partie d’une lecture “innée” si l’on s’en tient à sa culture… Et encore. On assiste à un grand retour du picto avec l’ère d’Internet. Sa lecture à l’écran est immédiate, sa présentation facile à gérer. Pourquoi réunir des centaines de panneaux de signalisation routière, de systèmes d’orientation, de logos ? L’ouvrage n’est pas à proprement dit une compilation. Premier livre du studio allemand Mutabor, il ne dresse pas

Titre : Facts of Life 2 Éditeur : Laurence King Auteur : Pippo Lionni Format : 13 cm x 18 cm Dos carré, collé 144 pages Illustrations en N&B Anglais Prix TTC : 140 F un historique du symbole graphique mais se veut une sélection de qualité. Lingua grafica débute par un tour d’horizon de leur propre production : les créations présentées ont vu le jour entre 1995 et 2000. Leur choix correspond à une idée, un crédo du studio : “une idée, un degré d’abstraction, une solution formelle… en font une combinaison de ces trois aspects”. Les graphistes s’attachent au contexte, au mode de présentation, dévoilent leur méthode de conception pour “parvenir à l’icône parfaite”. Une dernière partie, la plus importante, liste 1 360 logos, icônes et marques nominatives signés Mutabor. Un index très pratique permet à tous les lecteurs de découvrir les multiples pistes de recherches. Un ouvrage incontournable pour les amoureux du signe.

Facts of life 2 est la suite d’une histoire visuelle. Elle débute en 1998, sous la forme d’un soliloque intérieur… Pippo Lionni (L Design) est un créatif inclassable (EG 46). Sans recette ni démarche, il traduit visuellement ces “faits de la vie” en place de spectateur, cherchant à instaurer un langage visuel universel qui puisse être compris par tous, même par les enfants. Le langage n’est pas structuré, sa grammaire est à écrire tous les jours, à compléter, à modifier par tous. La création est épurée, immédiate. La démarche consiste à définir un signe, à l’expurger, ne gardant que l’essentiel, “maximaliste et minimaliste” comme il aime à qualifier ses créations. L’approche est rationnelle, la recherche en quête de sens, de pertinence du signe. Le discours est basique, parfois abrupt, mais pas

forcément négatif. Il est critique, un peu cynique, tout en rejetant le style et les clichés. Pippo Lionni a choisi le pictogramme pour son évidence et sa dimension internationale. Ces visuels ne sont pas des pictogrammes pour autant, plutôt des idéogrammes. A travers eux, le designer perçoit le monde qui l’entoure, en prenant un contrepied magistral, comme s’il nous forçait à nous regarder dans un miroir. Chercheur de sens, de signes, ce designer repu d’art aime aussi être paradoxal, joueur et provocateur. Il nous livre ses dernières réflexions dans ce second ouvrage, très riche, plus complexe que le premier. Il va plus loin dans sa pensée, ses critiques, comme pour signifier que tout reste à inventer, que rien n’est abouti.

tous les

livres

graphisme, packaging, web, illustration, identité visuelle, affiches, techniques

www.artdesign.fr tél. : 01 40 26 00 99 fax : 01 40 26 07 03


M A NI F EST A TIONS

e x p o s i t i o n s

c o n c o u r s

Du 9 au 13 mai 2001

Le Forum de l’Image

tifs de 22 pays et 60 villes du pourtour méditerranéen sont rassemblés. Toutes les disciplines artistiques y sont représentées dont quinze artistes français, par ailleurs invités au Carré Anne de Montpellier.

sélection de projets à partir du 1er juin à Paris, à la réserve d’Area.

2 rue Philippy, 34000 Montpellier.

Open 2 001 de la presse et de la communication

Du 15 mai au 2 juin 2001

Stefan Sagmeister

C’est autour du thème “Images contemporaines espagnoles” que se déroulera cette 15e édition de ce forum consacré à l’image, que célèbrent plusieurs lieux culturels toulousains. Image, photo, vidéo… Tous les supports sont concernés. On remarquera particulièrement l’exposition de photographies d’Angel Romero sur les night-clubs. Coordination : galerie du Forum, 18, rue de la République, 31300 Toulouse. www.galerieduforum.com

L’ é v é n e m e n t e s t r a r e … S t e f a n Sagmeister sera à Paris le 14 mai 2001 pour dédicacer son livre, “Sagmeister : Made You Look” (voir rubrique livres) tout juste édité. Une exposition sera aussi l’occasion de redécouvrir les mythiques créations de celui qui a exploité de manière très singulière la pochette de disques, se jouant des formes, des matières, le tout avec une bonne dose de provocation. Pour ceux qui se souviennent de Bridges to Babylone (les Rolling Stones) ou Set the Twilight Reeling (Lou Reed). Espace Frédéric Sanchez. 5, rue Sainte-Anastase, Paris 3e.

Du 16 au 18 mai 2001 Du 9 mai au 30 juin 2001

ArchiLab Troisième Rencontre internationale d’architecture d’Orléans. Le projet de ce salon est de présenter les recherches les plus novatrices en matière architecturale. Des architectes du monde entier viennent découvrir et présenter leurs projets à travers les expositions expérimentales et les tables rondes. Le cycle 2 001 prend pour thème “habiller aujourd’hui” et devrait rassembler 90 équipes d’architectes issues de 18 pays différents. Centre de conférences, 9 place du 6-Juin-1944. Archilab 88, rue du Colombier, 45000 Orléans.

Le 10 mai 2001

Colloque des acteurs de la communication graphique Le DESS Mitic (Management de l’intégration des technologies de l’information et de la communication) de l’université de Marne-la-Vallée organise ce colloque dont le thème est “Les impacts organisationnels et stratégiques des nouvelles technologies dans l’industrie graphique”. Plusieurs associations professionnelles (AFPIG, SNR, SICOGIF…) sont invitées pour quatre heures de conférences. Institut francilien de l’Ingénierie des services (IFIS), 2, allée du Promontoire, 93 160, Noisy-leGrand. Renseignements au 01 49 32 90 20.

Du 11 mai au 17 juin 2001

Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée C’est la ville de Sarajevo qui accueille cette année la 10e édition de cette biennale si particulière où les jeunes créa-

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E-business expo L’un des plus importants événements e-business de la région Rhône-Alpes, avec près de 230 exposants, de nombreuses conférences. Lyon Eurexpo, Lyon.

Établissement Elie de Brignac, 32, rue Hocquartde-Turtot, 14800 Deauville. La réserve d’area, 50, rue d’Hauteville, Paris 10e.

Du 1er au 3 juin 2001

L’Union des conseils en communication PACA et le club de la presse Toulon-Provence-Côte-d’Azur présentent la 2e édition du Master de la communication, qui distingue la créativité publicitaire, désigne et récompense les meilleures campagnes de publicité lors de la manifestation à Saint-Tropez. La clôture des inscriptions est fixée au 10 mai 2001.

Ensad, 31, rue d’Ulm, Paris 5e.

Jusqu’au 19 mai 2001

Corrosif

Du 20 au 23 juin 2001

Salon & Congrès international de l’édition numérique et de la communication interactive. Deuxième édition de cette manifestation à la gloire de l’édition numérique. Près de 300 exposants, des conférences en partenariat avec les congrès Print & Media et Komm Congress, et des animations offriront au public la possibilité de faire le point sur l’industrie. Parc des Expositions de Düsseldorf, Allemagne.

Rencontres internationales des arts graphiques de Chaumont

Graphiste de formation, Manolo (EG 63) n’a pas renié la photographie et ses expérimentations de matière. Sur le thème de “Corrosion, Art inoxydable”, ce nostalgique des typos rouillées et de la rouille expose une trentaine de ses créations. Café Indigo, 12, avenue George-v, Paris 8e.

Jusqu’au 27 mai 2001

Ra p p e l Jusqu’au 19 mai 2001

Salon international des technologies pour l’imprimé Le TPG 2 001 présente l’ensemble des technologies de pointe en matière de prépresse et d’impression. www.tpg2001.com Parc des Expositions Paris-Nord-Villepinte.

Les Silos, Maison du Livre et de l’affiche, 7-9 avenue Foch, 52000 Chaumont.

Défense d’afficher

Du 23 mai au 27 mai 2001

C o n c o u r s

Made in mode

Avant le 31 mai 2001

Trente-sept artistes, designers, graphistes, photographes, peintres ou stylistes seront réunis pour le 8e courant d’art à Deauville. Le propos de la manifestation : apporter leur vision de la mode aujourd’hui, ses influences, les courants et la manière dont la mode elle-même pèse sur d’autres univers. La manifestation jouera les prolongations avec une

Rétrospective du concours Leica L’École nationale supérieure des arts décoratifs, (l’Ensad), présente, en partenariat avec la société Leica Camera France, une exposition photo, fruit d’un concours interne à l’école et doté de matériel photographique. “Paris la Nuit”, “Singulier, Pluriel”…une multitude de thèmes et recherches ont été abordés par les élèves. C’est la 5e édition de cette manifestation.

Renseignements : contact@club-presse.org

Du 18 mai au 15 juillet 2001

Et de douze ! Depuis sa création, en 1990, le Festival d’affiches de Chaumont célèbre l’affiche en organisant plusieurs expositions et deux concours pour les professionnels et étudiants. Cette année, le thème de la manifestation est “Qui commande ?” portant sur les relations graphistes commanditaires. Les étudiants, eux, ont planché sur “Le Travail”. Alain Weill, commissaire général, a choisi de présenter plusieurs rétrospectives de graphistes de renom comme Savignac, Nous Travaillons Ensemble, Peret, Swip Stolk et Gérard Paris-Clavel.

Jusqu’au 18 mai 2001

OMPI Il vous reste quelques jours pour déposer le dossier relatif à l’appel de projets lancé par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle qui souhaite se doter d’un nouveau logo. Le règlement ainsi que la documentation sont disponibles sur le site : www.wipo.int/news/fr/logo/index.html

Collages figuratifs de Frédéric Thiry, illustrateur indépendant pour Le Soir, Casterman, La Poste. Papiers neufs ou recyclés, krafts et calques fournissent la matière première à cet illustrateursérigraphe obnubilé par les femmes. Galerie Espace Blanche, Rue Marché au Charbon, 31000 Bruxelles.

Jusqu’au 10 juin 2001

Robert Combas C’est à travers six thèmes que Fabienne Stahl, la commissaire d’exposition,


nous fait redécouvrir Robert Combas : des “années chaudes” (thème majeur de cette exposition) à sa rupture stylistique des années quatre-vingt-dix, 20 ans de création présentent celui qui a participé à la Figuration libre. Musée de Châteauroux, 2, rue Descente-des-Cordeliers, 36000 Châteauroux

Jusqu’au 30 septembre 2001

“L’écriture retrouvée”

munication de l’Ensad de Nancy, cette exposition présente une grande diversité d’œuvres sur des problèmes relatifs à notre société. Les travaux d’étudiants confrontent ceux des enseignants ou des artistes du Frac, partenaire de l’exposition. Photographies, installations et vidéos sont au programme.

quatre ans, relance l’événement en organisant un parcours rive gauche du design : une quinzaine de galeries de design, ainsi que l’Esag-Penninghen, ouvriront leurs portes cette semaine.

Galerie Poirel, 3, rue Victor-Poirel, 54000, Nancy.

L’illustrateur Anto, représenté par Agnès, présente son imaginaire poétique, ludique et rieur à travers une série de portraits de figurines brutes.

du 12 mai au 30 juin 2001

Images d’écritures

Le musée de l’Imprimerie rend un hommage à l’histoire de l’imprimerie, ses outils, et ses utilisateurs plus que ses acteurs, du moine copiste à l’écolier. L’exposition repose sur des collections privées du xviiie siècle aux années cinquante, de la plume d’oie au stylo. Des ateliers, des démonstrations et des conférences ponctueront l’exposition. Musée de l’Imprimerie à Lyon, 13, rue de la Poulaillerie, Lyon.

Du 11 mai au 28 juillet 2001

Philippe Apeloig

La Médiathèque de Nancy se métamorphose en gigantesque écritoire pour accueillir vingt-deux calligraphes, illustrateurs, typographes, “écrituriens”, dessinateur de caractères… rendant hommage à la lettre. L’un des projets communs consistera en la création d’un abécédaire. Les ateliers seront animés par Laurent Pflughaupt, par ailleurs commissaire de l’exposition. Renseignements : l.pfughaupt@freesurf.fr Médiathèque de Nancy 10, rue Baron Louis, 54042 Nancy cedex Tél.: 03 83 39 00 63.

Du 14 mai au 10 août

“Au paradis” Tous les grands noms de l’affiche seront exposés dans cet hymne à l’affiche de théâtre et d’opérette, depuis les grands classiques jusqu’aux spectacles contemporains : La Veuve joyeuse, Celui qui a dit non…

Les artistes prennent le pli

The Sex Obsession of Robert Crumb

Esag, 29 - 33 rue du Dragon, Paris 6e.

Du 21 mai au 17 juin

Anto

Galerie de la Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, Paris 18e.

Avant le 10 juin 2001

La danse s’affiche Le Centre du graphisme et de la communication visuelle d’Échirolles, en partenariat avec le Centre chorégraphique national de Grenoble, lance un appel aux graphistes et affichistes qui auraient travaillé autour du thème de la danse depuis les années quatre-vingt. Les documents (affiches, brochures, avant-programmes…) retenus seront présentés dans le cadre de l’exposition “La Danse s’affiche” du 16 novembre au 15 décembre 2001 à Échirolles. Centre Chorégraphique National de Grenoble 12 rue Georges-Jacquet, 38000 Grenoble. Renseignements : www.ville-echirolles.fr/mois-graphisme

Centre de l’affiche - Mairie de Toulouse, 58, allée Charles-de-Fitte, 31300 Toulouse.

Du 14 mai au 28 juillet 2001

Jusqu’au 11 octobre 2001

Rappel Jusqu’au 3 juin 2001

Deux femmes affichistes des années soixante

Du sexe ! semble vouloir murmurer le mythique dessinateur à ses fans qui peuvent retrouver une rétrospective de ses planches : ses amazones, son archétype de la femme idéale… Musée de l’Érotisme, 72, boulevard de Clichy, Paris 18e.

expo.graphic L’agence lilloise est, elle aussi, rattrapée par le virus de l’exposition in situ. Spécialisée dans le conditionnement, l’agence ouvre ses portes pour une exposition permanente, visible sur rendez-vous. Elle dévoile les coulisses de leurs créations en huit thèmes : le packaging, le logotype, les concepts et nouveaux produits, l’identité visuelle, la charte graphique, la signalétique de magasin et les sites Internet. Elle est composée de linéaires, de panneaux, de photos… soit 250 m2 pour revaloriser discipline.

Figure du graphisme français, auteur de nombreux caractères typographiques, affichiste et graphiste, ce Français aujourd’hui installé à New York peut être découvert ou redécouvert à travers cette rétrospective.

Le musée de La Poste célèbre l’enveloppe illustrée en invitant collectionneurs et artistes pour cette exposition. Quelque 500 enveloppes, dont certaines datent du xviiie siècle, ancêtres du Mail art des années soixante, seront exposées au Musée de l’institution. Musée de La Poste, 34, boulevard de Vaugirard, Paris 15e.

Galerie Anatome, 38 rue Sedaine, Paris 10e.

Du 16 au 19 mai 2001

Du 11 mai au 24 juin 2001

Pierre Perrigault, (Meubles et fonction – MFI) et président du Designer’s Saturday qui s’est déroulé pendant

“Nos Futurs” Organisée par le département com-

la

Designer’s Day

Une rétrospective de l’œuvre de MarieClaire Lefor et de sa complice, MarieFrancine Openo, toutes deux élèves de Collin et surtout femmes affichistes, est présentée pour la première fois. Musée municipal, 60, rue Gounod, Saint-Cloud.

Graphême Design, Passage Guiterne, rue St-Jacques, Lille. Tél. : 03 20 74 78 73.


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