e67-EBOOK

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le magazine du design graphique et de la communication visuelle/numĂŠro 67/novembre 2000/70 francs


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s o m m a i r e novembre 2000

La jeune création numérique n’a pas abandonné la réalité. Elle le prouvera lors des IIes Rencontres de Valenciennes. Aperçu. édito r ial

Confit de générations

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c r é at i o n

L’actualité graphique

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Packagings, logos, pubs… A le u r avis

L’unité : une meilleure reconnaissance de la profession ? 12

pub

Flip book

15

technews

L’actualité des technologies

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présence

Jean-Gabriel Ganascia

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explorateur de la connaissance ÉTUDIANTS

Valenciennes 2000

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G RAPHISME

Signes de vie

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T Y PO G RAPHIE

Hans Eduard Meier en toutes lettres

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photo g raph i e

Le Mois de la photographie dans l’œil de Peter Knapp

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images

Construire

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regard

Se faire remarquer

78

l é g i s l at i o n

La résolution des conflits de nommage par l’UDRP

82

réaction

Le temps prend l’image

83

courrier

Précision

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livres

Les dernières nouveautés

86

de l’édition graphique expos-concours

Robial, rétrospectives

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index

Le carnet d’adresses

94

E m ploi

Offres d’emploi

96

rÉpe rtoi r e

La page des professionnels

100

28

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c Le Mois du graphisme d’Échirolles a invité “22 graphistes autour du monde” pour célébrer ses 10 ans. Mais il n’y aura pas de lendemain de fête.

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Typographe, graphiste, auteur, enseignant, Hans Eduard Meier ne connaît aucun problème de Syntax.

Un scoop : la chance du photojournaliste ? Le débat est ouvert.

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Michel Chanaud Patrick Morin

15, rue de turbigo, 75002 paris Tél. : 33 – 01 40 26 00 99 Fax : 33 – 01 40 26 00 79 Rédaction en chef - Direction artistique Michel Chanaud mchanaud@pyramyd.fr Patrick Morin pmorin@pyramyd.fr Maquette Alice Andersen, Camille Baladi. Création graphique et maquette © PYRAMYD Création, A leur avis, Livres, Expos, Images… Guillaume Frauly gfrauly@pyramyd.fr Léonor de Bailliencourt ldb@pyramyd.fr Ont participé à ce numéro Ulf Andersen, Lewis Blackwell, Camille Césaire, Solange Deloison, Isabelle Durand, Éric Fossoul, Marie-Pierre Guiard, Roxane Jubert, Peter Knapp, Philippe Quinton, Meylis de Vivies. évènements et relations extérieures Véronique Marrier (00 54) vmarrier@pyramyd.fr Publicité au journal Nadia Zanoun (03 51) nzanoun@pyramyd.fr Emploi, produits, services : Dulce Joao (02 77) djoao@pyramyd.fr Abonnements Tél 33 – 01 40 26 02 65 Fax 33 – 01 40 26 07 03 lrobic@pyramyd.fr Prix pour 10 numéros : 680 FF France 850 FF CEE, DOM TOM – 980 FF autres pays Flashé par Transparence Imprimé par Imprimerie Saint-Paul • Bar-le-Duc sur Hello Silk 135 g/m2 couverture sur Hello Gloss 250 g/m2 Productions SAPPI Fine Paper Europe, distribuées par Libert. Directeur de la publication Michel Chanaud (mchanaud@pyramyd.fr) N° de commission paritaire : 75280 Dépôt légal à parution – ISSN 1254-7298 © ADAGP Paris 1999 pour les œuvres des membres. Cette publication peut être utilisée dans le cadre de la formation permanente. Ce numéro contient 3 encarts brochés : 2 pages Fedrigoni entre les pages 48/49, 4 pages Sappi entre les pages 24/25, 2 pages Arjomari entre les pages 64/65 et 3 encarts jetés : 12 pages FCM, 2 pages Dalum, 6 pages Artdesign Sélection. étapes Graphiques est éditée par PYRAMYD NTCV Société Anonyme au capital de 500 000 F dont les principaux actionnaires sont Michel Chanaud & Patrick Morin. 15, rue de Turbigo, 75002 Paris. Tél. : 01 40 26 00 99 R.C.S. Paris B 351 996 509 Pyramyd édite également Bloc Notes Publishing, le mensuel du savoir-faire en multimédia, Internet, création et prépresse, la lettre d’information et le site de la librairie Artdesign sélection et le catalogue de Pyramyd formation.

Le coupon d’abonnement est en pages 75/76 proFessioNNelle

“Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages ou images publiées dans la présente publication, faite sans l’autorisation écrite de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon”. (Loi du 11 mars 1957, art 40 et 41 et Code pénal art 425) • Le magazine n’est pas responsable des textes, photos, illustrations qui lui sont adressés • L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication. Toutes les marques citées dans “étapes graphiques” sont des marques déposées ainsi que le logo Étapes graphiques et sa marque .

ulf andersen

É d i t o r i a l

Confit de générations

audimat creabook.com • 250 000 pages vues pour son premier mois complet d’exploitation. • Bientôt 1 000 portfolios en ligne. • Les premiers contacts sont établis entre commanditaires et créatifs présents. • Creabook.com est gratuit et devient incontournable.

creabook.com creabook.com Cette image, à découvrir au sein du dossier sur les Rencontres européennes de la jeune création numérique, est issue du film Vitalogie réalisé par Yann Bassani.

Fondamentalement nous ne pensons pas qu’il existe de différence entre un typographe suisse septuagénaire issu de la plus pure tradition, une graphiste vénézuélienne, un “affichiste de rue” ivoirien et un étudiant français imprégné d’images numériques. Ils subissent tous des influences culturelles, historiques, sociales, politiques et leur maturité comme leur environnement quotidien transparaissent dans leurs travaux. Certes, les plus écorchés vifs d’entre eux supporteront mal l’apparente sagesse de l’ancêtre, mais plus généralement, et c’est heureux, si ces quatre-là se rencontrent et éventuellement travaillent ensemble, forcément une nouvelle richesse émergera. Parmi les jeunes étudiants d’aujourd’hui – qui sans aucun état d’âme passent d’une section Illustration à une section Typo ou Vidéo, avant peut-être de retenir une voie qui ne les <- color in RGB mode 255/103/0 empêchera de toute façon pas de revenir à leurs amours éphémères –, certains seront les enseignants de demain. Leur regard, façonné à <- color in CMYK mode 0/63/93/0 la fois par l’intemporalité de la lettre et par la magie des nouvelles technologies, démultipliera le regard et les compétences de ceux qui leur <- logo "outline" succéderont. Si à titre expérimental on indexe cette évolution sur l’accélération du numérique que nous vivons déjà jour après jour, l’individu “en solo” n’étalera plus et la communication visuelle deviendra inévitablement une affaire d’équipe. C’est de toute façon déjà le cas des projets Web, et de plus en plus de collectifs d’indépendants de tous profils se créent qui parfois ensuite muent en une ou plusieurs entreprises. Dans ce numéro, c’est à Valenciennes que la jeune création numérique se rencontre, Échirolles que l’exposition anniversaire des “graphistes autour du monde” clôturera la première vie de cette manifestation et sur un versant de montagne en Suisse, pour y retrouver Hans Eduard Meier, que nous vous convions. ■ 11.2000

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C R É A T I O N par GUILLAUME FRAULY

Une idée lumineuse La démarche interactive des internautes pousse de plus en plus de concepteurs Web à faire participer activement leurs visiteurs. John Maeda, qui vient d’éditer un ouvrage sur le sujet, devrait être ravi (voir la rubrique Livres). Les sites qui offrent un espace de création en ligne ou même des jeux sont de plus en plus populaires et font preuve d’originalité. En 1999, le studio lyonnais Trafik lançait son site “lavitrinedetrafik.com”, proposant aux internautes – outre des jeux – d’intervenir sur une œuvre en ligne. Onze mois après son ouverture, près de 240 créateurs se sont manifestés. Cette démarche, qui consiste selon Pierre Rodière à ne pas laisser les internautes passifs devant une création et qui crée une dynamique au sein d’une communauté, a déjà fait des émules. Il y a quelques mois, le collectif In-flux, composé d’Agnès Martel, des Cervelles de canuts, de la Galerie Roger Tator et de Tous les trois, a demandé au studio de les rejoindre tout en renouvelant la démarche pour un autre événement. Le collectif intervient dans le cadre du Festival des lumières de Lyon réunissant plusieurs créateurs de différentes disciplines (designers, architectes, graphistes, plasticiens…) autour du thème de la lumière. Trafik souhaitait associer les internautes et a donc à cette fin ouvert le site Internet “af-flux.com”. Ce site, qui comprend une galerie et une “signotèk”, propose à chacun de créer un picto à partir d’une grille de pastilles lumineuses. Ces pastilles s’illuminent ou s’éteignent en utilisant la souris. Chaque picto signé constitue petit à petit une exposition en ligne. D’ici un mois, le collectif sélectionnera 256 de ces pictos pour concevoir une police de caractères (composée de 256 signes, autant que de touches de clavier). Cette police sera ensuite distribuée aux participants, téléchargeable gratuitement depuis le site et offerte lors du Festival des lumières. Une exposition des meilleurs pictos aura également lieu dans la ville. 107 pictos sont déjà présents sur le site “af-flux.com” (rubrique Signotek). Certains devraient d’ailleurs donner des idées aux plus curieux, comme cette série sur les personnages de dessins animés. Par ailleurs, une série limitée d’affiches (sérigraphies de 80 x 120 cm) sera également éditée à l’occasion du festival, du 7 au 17 décembre 2000, à Lyon. Le site devrait perdurer après la manifestation et offrir au collectif la matière pour de nouvelles expositions. La démarche, bien qu’unique jusqu’ici, a été déclinée à l’occasion de “Lire en fête”. Les organisateurs ont même offert à Trafik un chapitre du site de l’opération permettant aux internautes de signer ou de modifier des textes littéraires. Le studio lyonnais ne compte pas s’arrêter là. Un site spécifique dédié à la création collective devrait voir le jour au début de l’année 2001, proposant aux internautes de créer de nouvelles œuvres à partir de nouvelles matrices. Si la communauté graphique a du mal à s’unifier physiquement, elle disposera de tous les outils… sur le Web.


création

Identité

A voir et à manger Spécialisé en création d’images de marque, le studio bruxellois Coast Design vient de signer toute l’identité de Pulp, une nouvelle chaîne de restauration rapide inspirée des “prêtà-manger” londoniens. Directeur de la création, et fondateur de l’agence, Frédéric Vanhorenbeke a conçu cette identité avec dans l’idée un d’évoquer un lieu jeune, branché et décalé. L’image des seventies et le nom ont été choisis pour leur compréhension dans toutes les langues, anglosaxonne, flamande et wallonne. Les créatifs ont entre autres conçu des étiquettes préimprimées qui permettront aux restaurateurs de changer l’habillage de certains produits périodiquement.

Mots-clefs en portée Jean-Pierre Millet, directeur des programmes de la chaîne musicale RFM, née en 1999 sur le Câble (Groupe Lagardère), a confié une grande partie de la communication visuelle au duo Manuella Bonnet et Benoît Fatou. Les deux créatifs ont travaillé sur de nombreux supports, des annonces presse aux partenariats cinéma (avec Europe 2) ou les clips d’autopromotion de la chaîne. Appuyés sur les mots-clefs de la chaîne l’année dernière, ils ont renouvelé l’expérience pour cette nouvelle série. Pour Manuela, il s’agit d’écrire les paroles graphiquement en occupant l’écran à l’horizontal, en se reposant essentiellement sur la typographie, la Blur, déjà utilisée pour le logo. Une autre série a déjà été commandée et devrait être à l’écran avant la fin de l’année.

Pur jus L’agence britannique Pearlfisher a relooké le conditionnement des jus de fruits de la chaîne de supermarchés Tesco (MDD) qui vient de changer d’identité visuelle. Bien qu’étant des produits de distributeurs, ces conditionnements devaient également être compétitifs sur d’autres marchés. Le parti pris de Jonathan Ford, directeur de création de l’agence, reposait sur la qualité des jus, et l’humour.

Erratum : C’est Hélène Toumieux, créative à The Band Company, qui a réalisé la nouvelle identité visuelle du TGV pour BDDP@TBWA • Ian Haughton rejoint l’agence britannique ERGO en qualité de directeur de la création • Frances Newell et John Sorrell quittent Newell & Sorrell pour se consacrer à d’autres activités. Le couple de créatifs a fondé l’agence en 1976, participant activement à la promotion du design britannique en créant dernièrement les soirées Utopian Nights, avant de vendre l’agence à Interbrand en 1997 • Planète.com, agence de design graphique institutionnel, s’associe à la nouvelle agence Cox & Co, plutôt centrée sur le design global (pack et identité visuelle), créée par Miguel Cruz, ancien responsable de la création de C’Capital, rachetée par Dragon Rouge • La future identité visuelle de Printemps Pinault Redoute fait l’objet d’une consultation entre Dragon Rouge, Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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Malgré la maladresse des commanditaires relevée par Philippe Quinton dans le précédent numéro (EG 66, p. 85), le nouveau logo de la CFDT a bel et bien vu le jour. Difficile d’associer à cette création les valeurs mises en avant dans le brief remis à l’agence Anatome pour la création de cette identité (“originale et moderne”). Cependant le résultat 2 du graphiste indé­­ pendant Pascal Richon retient notre attention, surtout quand l’on découvre les contraintes : “Pas de symbolique, pas de rouge, pas de vert, pas de jaune, pas de noir...”

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Et glou

Lame de Fond est une agence de packaging, reconnue pour ses spécificités techniques. Il y a quelques mois, les brasseries Fisher (groupe Heineken) l’ont contactée afin de concevoir l’identité et le conditionnement d’une bière particulière. 63°N/46°W est la bière la plus pure du monde. Elle est brassée à partir d’icebergs importés du Groenland. Sa communication repose sur la longitude et la latitude de la source découverte par l’explorateur Jeannot Lamberton. L’identité de la bière est sérigraphiée avec un principe de sablage verni sur le verre dont une partie est “argentée à chaud” pour accentuer l’idée de fraîcheur. Cette bière, très chère (170 F le litre environ), n’est vendue que sur Internet en série limitée. Cette création est signée Laurent Estrany, directeur artistique.

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Comme les télécoms communiquent…

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Dolhem Design, l’agence française de Stockholm, fait aujourd’hui partie des partenaires attitrés de Telia, les télécoms suédoises, en ce qui concerne la communication. Christophe Dolhem et Ludovic Bouveron ont été retenus pour travailler sur la déclinaison de la nouvelle identité visuelle de Telia conçue par Interbrand Pays-Bas. La mission de Dolhem : concevoir un principe d’illustrations modulables permettant aux partenaires de la marque de composer leur communication tout en respectant le code couleur imparti par la charte graphique. Une vingtaine d’illustrations et de pictogrammes a déjà été réalisée sur Illustrator pour être interchangeables. Tous sont disponibles sur le serveur intranet de Telia. La ligne de ces illustrations est signée Bo Lundberg. Les pictos sont de Pascal Jehanno alias Mad Dog. Carré Noir, W Design, Saguez & Partners, d/g group et CB’A • Photomaton prévoit pour décembre 2000 d’installer des bornes Internet près de ses cabines photo • La Poste a retenu BDDP & Fils • Fernando Gutiérrez rejoint Pentagram Londres • Lux Modernis signe la communication interne du Printemps • Laurent Collangettes, anciennement chez Extrême Design, rejoint l’équipe de Brown ID Paris en qualité de directeur du développement • L’agence parisienne Sioux met en avant le “pub risqueur” (marque déposée), une formule qui consiste à limiter les risques de l’annonceur en augmentant ceux de l’agence qui est gagnante si l’opération remporte le succès escompté • L’agence Avenue A change de nom pour devenir La Distillerie • Le Crédit lyonnais travaillerait sur la refonte de son identité visuelle selon Francis Meyer en charge de la communication externe de l’institution bancaire • Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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Logo défendu


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Édition

En chaîne Bien qu’indépendant depuis quatre mois, Martin Méry, concepteur-rédacteur et directeur artistique, a remporté l’appel d’offres de Paris Première pour l’agence événementielle Auditoire. Sa mission : animer visuellement la soirée de la chaîne qui souhaitait présenter sa nouvelle grille de programmes, en se démarquant des sempiternelles conférences de presse. Les 2 000 invités ont pu jouir de la vidéo de 6 minutes conçue par Fry-Guy, en boucle sur le vieil écran Led de la Scala. Sans pour autant associer un univers aux artistes présents (Alex Gopher, Attica Blues, Pedro Winter...), Fry-Guy s’est attaché à mettre en scène les différents codes graphiques de la chaîne, déjà présents sur l’invitation (une boîte de médicaments).

Vues de l’esprit Morphing, photogrammétrie et retouche sont les ingrédients des effets spéciaux de The Cell, le long-métrage de Tarsem Singh, à l’écran depuis quelques jours. C’est à l’agence française Buf Compagnie, la seule agence française consultée, que nous les devons, créés en collaboration avec le réalisateur et Kevin Tod Haug. The Cell raconte l’histoire d’une psychologue qui possède le don de visiter le psychisme de ses patients ; un formidable terrain d’expérimentation d’effets spéciaux. Le réalisateur a d’ailleurs donné carte blanche à Buf Compagnie sur deux scènes du film, celle de la poupée et celle du tissu. L’agence avait déjà été remarquée sur Batman & Robin et Fight Club, sans parler de publicités.

Livre de pub

Créateur automobile On l’aura compris, Renault souhaite définitivement être reconnu pour ses lignes, déplacer les valeurs automobiles vers celles du design, voire de la mode, installer progressivement une nouvelle identité de marque. En presse la marque capitalise aussi sur la différence. Bref, tout a été mené par Publicis Conseil pour démarquer le constructeur de ses concurrents, de vulgaires constructeurs automobiles. Le noir et blanc, les prises de vue de jeunes photographes londoniens (les Blinkk), le clip du réalisateur Antoine Bardou-Jacquet, sans parler de la musique signée Antoine de Crécy... on est en plein dans la tendance. La direction de la création a été confiée à Serge Fichard et Pascal Midavaine, la production, à Partizan Midi Minuit. Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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Le projet de l’agence de publicité Enjoy Sher Lafarge d’éditer des livres estampillés Enjoy Éditions continue de se développer. Christophe Caubel, DA, renouvelle l’expérience pour Visual avec Olivier Verdon, DA également. A voir absolument est un livre de 120 pages sur la vue en général, au sein duquel les créatifs peuvent mettre en scène les campagnes, tout en repoussant les limites de la pub.


Evansandwong (graphistes, éditeurs et surtout distributeurs d’objets en série limitée conçus par des artistes et designers) édite son sixième catalogue. “Generic” sera le thème du premier numéro du IIIe millénaire que les auteurs explorent, fouillant le bagage culturel en tentant de trier ce qui doit être conservé ou non. La mise en pages mêle habilement information et composition. Un repère de tendances, de nouveauté et d’excentricité et surtout un vivier de créatifs prometteurs, comme Louise Barber et ses “sous-verre magnétiques sérigraphiés”.

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Generic

Au menu Christophe Pouget est un graphiste chanceux. Depuis six ans, il collabore avec le groupe de restauration commerciale Élior, qui s’occupe de plusieurs restaurants comme le Maxim’s Orly Ouest, la Brasserie Flo, Le Jules Verne de la tour Eiffel ou encore Le Grand Louvre, pour ne citer qu’eux. Au sein du groupe Élior, le graphiste lyonnais a un contact de choix, Cyril Gratadou, chef de produit marketing, qui a compris que donner carte blanche pouvait rimer avec création et cohérence. Christophe signe l’habillage de porte-menus de restaurants ou de “cartes saisons”. Des supports souples d’utilisation qui conjuguent créativité et communication. J’ai longtemps habité à côté du showroom d’Arjomari, je m’y connais en papiers de création. Illustrateur, graphiste, responsable de la fabrication... ce jeune graphiste met tout en œuvre pour offrir un univers graphique au client qui arrive à sa table démuni, curieux, sans pour autant vampiriser la marque du groupe. Son collaborateur Jean Lambert l’a épaulé pour signer une collection d’assiettes tout aussi originale, signées sous le patronyme de Réservé à l’Administration (EG 63).

Culture et jeu “Mélanger culture et jeux”, voilà le principe des nouveaux guides Art’Kan. Guillaume Rist, graphiste free-lance, a été à l’origine d’un projet personnel similaire. L’éditeur parisien lui a donc naturellement confié la maquette de cette collection, lancée au début de l’été 2000. L’idée consiste à découvrir une région et ses monuments classés Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, le tout sur un mode ludique. Un personnage ayant vécu dans cette région devient le conteur historique. Les informations sont divisées en deux parties : les éléments directement liés au monument et les pistes du jeu. Pour faciliter la lecture, un code couleur a été attribué à chaque partie. Deux titres ont déjà été édités, sur les villes d’Arles et de Paris. Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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Studio

Pourvu que ça dure Rechercher l’utilité de ce que l’on a fait, savoir à quoi on sert : Vincent Dienne a fondé La belle entreprise il y a six ans. Il abandonne la publicité qui ne lui permettait pas d’aller plus loin, en privilégiant les messages visuels au texte, en ayant un parti pris purement graphique. Il n’y a d’ailleurs pas de commerciaux à La belle entreprise. Un choix qui permet aux créatifs d’être en contact directement avec les commanditaires, sans intermédiaires, et de les séduire par une approche visuelle. Cette attitude (qui commence à se généraliser) n’empêche pas le studio de compter parmi ses clients la Poste, l’INA, la Fondation Maeght, l’AFAA ou le papetier Job. Un éventail de clients dans des secteurs différents, mais la même réponse en terme de création : essayer de travailler sur le long terme pour pouvoir mener des projets qui satisfassent à la fois les créatifs et les clients. Ils ont ainsi pu “imposer” la nouvelle maquette de Zebrock au conseil général de Saint-Denis, circonspect puis convaincu face au succès, ou encore faire collaborer le photographe Guy Le Querrec au journal interne de la Poste. Des projets plus difficiles mais pas moins intéressants que la création sur trois années consécutives des cahiers de styles pour Première Vision, le salon des tendances textile par excellence. Un travail de toute beauté, possible après plusieurs années d’échanges et de collaborations, qui a d’ailleurs été nominé par le Club des DA en 1998. Et quand la collaboration semble trop difficile, le studio n’hésite pas à éditer ses propres projets. Ce fut le cas d’un coffret vidéo pour Peter Brook. Il faut trouver un équilibre entre l’esthétique, les contraintes commerciales et la difficulté qu’a le grand public à décrypter un message purement visuel, ajoute Camille Le Gendre, le graphiste responsable du studio parisien. Car La belle entreprise est aussi présente à La Rochelle depuis un an pour poursuivre cette approche en province sur des secteurs et des supports encore différents, comme le site des FrancoFolies par exemple ; le but étant de s’imposer sur la durée pour conclure des projets aboutis. Une belle entreprise décidément, qui a vu le jour en traversant le lieu-dit qui a donné son nom au studio. Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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A leur avis par guillaume frauly

A 37 ans, Franck L’Hénoret n’a jamais senti le besoin de s’associer pour défendre sa profession. Graphiste parisien indépendant, il évolue dans le milieu B to B, se situant au carrefour du graphisme, du commercial et du marketing. La communication visuelle en somme. Il se démarque du milieu sans pour autant le critiquer.

Laurent Cocchi est graphiste indépendant basé à Lausanne. Il est également enseignant à l’école d’art de la Chaux-de-Fonds et membre du Syndicat des graphistes suisses. En tant que graphiste helvétique, il bénéficie du recul nécessaire pour juger plusieurs communautés au sein d’un même pays.

L’unité: une meilleure Existe-il une communauté graphique? La question n’est pas évidente. Au moment de parler de leur(s) profession(s), les graphistes s’interrogent. Qui suis-je? Doit-on structurer une profession qui rejette les règles? Pour certains, l’union fait la force! D’autres, plus “solitaires” ou tiraillés entre le poids du travail et leur envie de se responsa­ biliser, mesurent mal comment ils pourraient s’impliquer pour se faire reconnaître. Le “ni... ni...” prédomine sur la critique. Le vœu pieu est de rigueur, mais l’engagement est aussi une affaire de convictions.

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Je n’ai jamais participé aux manifestations de la profession qui valorisent la production culturelle. On ne fait pas le même métier. Je ne partage pas le point de vue de ces graphistes. Il y a une communauté, mais elle n’est pas assez ouverte. J’échange des idées avec des graphistes, mais aussi avec des réalisateurs, des sémiologues, des plasticiens… qui sont absents de ces manifestations alors qu’ils devraient y être associés. Je ne critique pas l’intérêt de ces rassemblements. Je lis les comptesrendus dans la presse professionnelle. C’est aux graphistes d’en tirer les applications dont ils ont besoin. La cohésion peut avoir des effets pervers. Beaucoup rejoignent les associations par manque de maturité ou d’ouverture d’esprit. D’autres recherchent la notoriété qu’ils n’ont pas. Je ne veux pas être prisonnier d’une communauté qui pousse les gens à se prendre trop au sérieux et finissent par ne plus être ouverts à d’autres compétences. J’aime la diversité. Je ne crois pas que plus d’unité permettrait une plus forte reconnaissance. Les graphistes ne savent pas communiquer leur méthodologie ni les implications de leur métier dans les entreprises. Le phénomène de groupe ralentit les actions. L’unité n’est pas nécessaire. Expliquer sa démarche, défendre une qualité est un travail qui doit être mené tous les jours, seul face à son client.

Je crois qu’être membre d’une communauté est le vœu pieu de chaque créatif. C’est souvent une simple formalité administrative, dans le cas d’une association. Il faut se poser la question de la motivation de chacun avant d’en analyser les répercussions sur leur travail. Depuis les années quatre-vingt-dix, une crise de l’engagement professionnel touche les graphistes. Il y a un repli sur soi, un individualisme forcené qui s’étend à toutes les professions. Ces manifestations, qui nourrissent intellectuellement les créatifs, n’ont pas l’écho qu’elles méritent auprès des instances publiques. Elles participent pourtant à une forme nécessaire d’éducation à l’image. Elles sont indispensables et assurent aussi une meilleure compréhension de l’acte de création, sinon de reconnaissance économique, sans parler de reconnaissance médiatique. En tant que membre d’une association, je me tiens informé des nouvelles pratiques. Mais je regrette l’évolution des concours qui avaient autrefois le mérite de générer des réactions. Ces compétitions manquent de structures pour être reconnues et motiver les graphistes. Et le paradoxe existe comme dans toutes les professions : nous sommes communicants mais incapables de se regrouper. C’est pourtant à mon avis le seul moyen d’espérer une meilleure reconnaissance et par làmême une meilleure création.


Zoé Vayssière est “designer” indépendante, basée à Paris. Elle est associée depuis trois ans avec Krista Sochor sous le nom HTB Design. Les deux jeunes designers, respectivement 29 et 28 ans, portent un regard assez critique sur une profession aux contours mal définis.

Bernard Penalba est graphiste indépendant installé à Bordeaux et spécialisé dans l’image des vins et spiritueux. Il est également enseignant en communication visuelle à l’ECV Bordeaux. Membre du Syndicat national des graphistes, et bien qu’impliqué, il ne se définit pas comme militant mais plus comme un observateur modéré.

Philippe Gondeau est graphiste indépendant à mi-temps à Chaumont, enseignant pour le BTS Communication visuelle du lycée Charlesde-Gaulle de Chaumont et président de l’association! Des Oh et des Bah ! qui gravite autour du festival.

reconnaissance de la profession? Avant de parler d’une communauté, il faut redéfinir le terme “graphiste”. L’image corporate n’est pas reconnue ni valorisée. On doit parler de plusieurs communautés. Nos enseignants, eux-mêmes membres de plusieurs organismes, entretenaient ce clivage au sein des classes, privilégiant l’élite des affichistes, snobant les autres formes de graphisme. On n’avait pas notre place en tant que graphiste. Je me suis donc naturellement tournée vers les manifestations d’autres pays qui reconnaissent notre travail. Le professionnalisme de ces structures, les conférences concrètes sur un thème précis motivent les créatifs, les poussent à investir dans des déplacements coûteux. Beaucoup ne se sentent pas de la même famille. L’approche britannique est plus démocratique. Les manifestations françaises devraient s’ouvrir à d’autres formes de création et privilégier le contenu à la rencontre, se décliner sans pour autant se multiplier. Elles sont essentielles, offrent des outils, permettent d’appartenir à un certain univers, de voir ce que font les autres. Le milieu peut ainsi communier. Mais le débat de fond manque. L’information ne circule pas. Je crois qu’un certain type de graphisme obtient une reconnaissance. Tout est histoire de connexions, de ramifications. Quant à leur impact, si elles n’influencent pas la qualité du graphisme, elles ne peuvent pas le desservir.

Je revendique l’appartenance à un syndicat. C’est primordial pour notre profession. L’unité est un moyen d’être solidaire, de définir le métier, d’assurer la cohérence d’une démarche. Elle permet d’établir des règles de fonctionnement. Les actions du SNG servent de base aux graphistes régionaux. Les rencontres génèrent l’échange d’idées, le partage de valeurs. Les graphistes sont solitaires, isolés. J’ai appris à connaître des gens à travers ces rencontres. Le phénomène de groupe semble faire peur aux jeunes graphistes. Peut-être la crainte de côtoyer des graphistes confirmés sans pouvoir encore affirmer leurs idées. Le manque de temps empêche aussi les graphistes de s’impliquer. Au syndicat, on aime à redéfinir régulièrement nos actions. L’éclatement est souvent proche mais pour l’instant on reste soudés. Les rencontres – qui se tiennent toujours dans les mêmes lieux , sédentaires – sont souvent éphémères, voire artificielles, mais elles ont le mérite d’entretenir l’imaginaire qui est l’essence de notre métier. Elles touchent deux cibles : le public et les professionnels. C’est le cas par exemple de l’exposition du TDC (Type Directors Club) que l’on accueille chaque année à l’ECV. Chaque graphiste peut et devrait partager son savoir et ses sources. Je pense que présenter le travail d’un confrère à un client m’aide à présenter une profession au travers d’une qualité graphique qui me sert moi-même par la suite.

Quand le milieu se rassemble à Chaumont, on sent un réel engouement. Le temps du week-end. Le lendemain, le soufflé retombe. L’implication est éphémère. Mon regard change, devient critique. Ces manifestations me nourrissent à deux niveaux : en m’offrant une nourriture intellectuelle et une caution en tant qu’enseignant. Le côté pervers de ces manifestations, c’est la routine. Je crois à la communauté quand je suis immergé dans une manifestation ou une association, mais une fois sorti, je retourne à la case départ. Je crois que le fait d’adhérer, de s’impliquer dans un projet doit être une démarche sociale, sans compter sur un retour personnel. C’est toute la difficulté de l’engagement. Le problème des graphistes. L’engagement est plus facile si l’on n’est pas créatif à 100%, engagé à mi-temps, avec un réseau, une structure, des moyens. Par ailleurs, il n’y aura reconnaissance que si les actions sont multipliées à l’échelle du pays. Il faudrait d’autres événements, peut-être localement. Le morcellement permettrait une plus forte cohésion. Le phénomène de groupe est entraînant, mais cela ralentit aussi les actions. Il ne faut pas que ces manifestations disparaissent. Ce serait grave pour la profession, sa reconnaissance, sans parler de l’impact de ces réunions sur les travaux eux-mêmes. Même si ces implications n’existent que le temps d’un week-end, elles ont ce mérite. 11.2000

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Papiers

En bref InCopy : disponible

De l’art ! Ton direct Pantone, le standard international en matière de couleurs, lance de nouveaux produits à l’attention des professionnels de la création et de l’impression. Le Pantone Formula Guide, le produit phare de la marque depuis 37 ans, est désormais disponible en trois versions qui réunissent toute la gamme de couleurs sur papiers couchés, non couchés et mats. Ce jeu de trois nuanciers est disponible autour de 800 F. 154 couleurs ont été ajoutées (dans la famille des jaunes, oranges, rouges, violets, bleus, verts, bruns et gris) dont 7 couleurs métallisées (un marché en pleine expansion avec 60 % d’utilisation en plus). Le nuancier en lui-même a également été actualisé pour être plus solide, plus pratique à utiliser : il est désormais imprimé sur un papier plus lumineux qui permet de présenter les couleurs sans que l’éclat de celles-ci soit altéré (les créateurs utilisent du papier de plus en plus blanc). Il existe aussi en version papier couché mat (destiné au secteur institutionnel). Un cédérom gratuit permet aux utilisateurs d’incorporer les nouvelles couleurs. Par ailleurs, la marque travaille actuellement sur un nouveau procédé d’impression en six couleurs, l’Hexachrome. Cette nouveauté permettrait de réduire les coûts d’impression de cette catégorie de 16 % (économies réalisées au niveau des plaques, du traitement et du précalage).

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Afin d’apporter son soutien à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, le papetier Arjo Wiggins participe à la promotion de travaux d’élèves grâce à ses différents produits, supports d’une grande collection. Elle fournit aujourd’hui le papier d’Arches destiné à l’aquarelle ainsi que les feuilles Canson pour le dessin d’encadrement. Arjo Wiggins offre également une gamme de papiers couchés pour l’édition d’art. La société s’attache à conserver un lien avec les créateurs et les apprentis. Elle reste partenaire de nombreux musées pour l’édition de catalogues d’expositions, dont celui de l’exposition “Le dessin en France au xviie siècle dans les collections de l’École des beaux-arts”.

All’italiana Afin de présenter les nombreuses possibilités des papiers Marcate, le papetier italien Fedrigoni a réalisé deux visual books : le premier est consacré aux typologies Acquarello et Nettuno, le second aux Tintoretto, Tintoretto Mélange et Old Mill. Un carnet de voyage imaginaire, raconté et illustré à l’aide des papiers Marcate, propose un vaste choix d’exemples, réalisés avec les techniques d’impression et de transformation les plus différentes. Cette gamme est disponible de 95 à 390 g. Pour venir en aide à ses clients hésitants, Fedrigoni propose “Imaginative Papers”. Véritable “somme” de la philosophie du papetier transalpin, la présentation, la finition et les solutions graphiques adoptées dans cet ouvrage révèlent les qualités et les caractéristiques de chaque papier. Ce book accueille 120 typologies de papier, représentant tous les carnets d’échantillons de la production Fedrigoni. Chaque page est imprimée sur un type de papier différent. Elle est conçue comme une fiche d’informations présentant une série d’indications et d’exemples d’impression.

Tout synthétique Arjo Wiggins Belgique a confié la distribution européenne de son papier synthétique aux Japonais d’Oji-Yuka Synthetic Paper Company. Par conséquent, le papier Synteape sera désormais commercialisé sous le nom de Yupo par la société allemande Yupo Europe qui appartient au groupe Oji-Yuka. Le papier synthétique Yupo est adapté aux supports nécessitant une longue durée dans le temps : cartes, tickets, manuels, livres pour enfants, menus, posters, brochures... Yupo supporte la lithographie, la flexographie et la gravure. Enfin, point capital : ce papier synthétique est intégralement recyclable. Un minimum par les temps qui courent.

Dernière-né du système de publication Web, cette application basée sur InDesign vient s’ajouter à celle-ci et à InScope pour compléter la palette des outils utiles à la production de contenus éditoriaux, notamment en cassant le flux traditionnel. InCopy est distribuée par les intégrateurs système d’InDesign, qui fixent les prix.

Bande haute capacité Dantz présente la première gamme d’unités de bande à haute capacité FireWire pour Mac : 30 Go Echo FireWire et Echo USB d’OnStream. Elles sont compatibles avec les interfaces FireWire et USB et permettent de sauvegarder un disque dur entier sur une seule cartouche amovible de 30 Go. Compatibles avec les versions 4.3 et celles ultérieures au logiciel Retrospect Desktop Backup de Dantz, les cartouches de 30 Go avoisinent 300 F. L’unité de bande numérique externe Echo USB 30 Go est déjà disponible auprès des distributeurs. Le bundle Echo FireWire 30 Go et le Dantz Retrospect Desktop 4.3 seront disponibles cet automne.

A la lettre La typothèque allemande Linotype Library annonce une “union à long terme” avec le site Web MyFonts.com, basé aux USA. Les internautes y trouveront la collection complète de Linotype. Grâce à cet accord, MyFonts.com donne aux utilisateurs un accès direct à plus de 2000 fontes.


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Matériel

É c r i t u r e thermique rapide Exclusivement développée pour les journaux, CreoScitex présente la Trendsetter TM 2637V, une imageuse CTP thermique dotée d’une tête d’écriture de 1200 dpi, soit une amélioration du process et du rendement global. Ce progrès se traduit par une meilleure utilisation de la presse, des mises en train plus rapides, moins de gâchis, une régularité supérieure à celles que l’on peut observer avec d’autres procédés de fabrication des plaques. La Trendsetter 2637 V AL produit 92 plaques broadsheet ou 60 plaques panorama (double page) à l’heure. Elle fait appel au repérage au laser mis au point par CreoScitex, qui permet d’utiliser des machines à perforer 3 points à repérage mécanique, manuelles ou automatiques. L’ancien modèle, Trendsetter 2637V AL, peut être mis à niveau.

A la carte Moonpig.com, site Web de commandes de cartes personnalisées, s’est équipé de la nouvelle presse numérique couleur à feuilles CSP 320 D de Xeikon. Format A3+ et présentée lors de la dernière Drupa, elle peut exécuter 960 impressions en couleurs, recto verso au format A4, à l’heure. Les visiteurs du site Moonpig entreprennent une recherche. Après avoir choisi un motif, ils peuvent personnaliser la carte, tel que le nom sur la carte, le message à l’intérieur, ou les deux. Moonpig imprime la carte sur la Xeikon CSP 320 D et, dans les 24 heures qui suivent, l’expédie au destinataire. Toutes les cartes Moonpig mesurent 12,5 x 17,5 cm et sont imprimées en deux poses sur une carte A3. La finition, hors-ligne, comprend un vernis UV, le rainurage, le pliage et le massicotage.

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Sur la brèche L’automne est fertile pour Apacabar. Le distributeur de logiciels présente 20 nouveaux produits destinés aux professionnels de la vidéo, du Web, de la 3D et du son. Parmi lesquels e-Picture Pro de Beatware en version française pour Mac et PC (environ 1500 FHT), Flash 5 de Macromedia pour PC (un peu moins de 3 000 FHT), Commotion 3.0 de Pinnacle Systems pour Mac et PC (environ 15 000 FHT), StudioArtist 1.5 de Synthetik Software pour Mac et PC (un peu moins de 2500 FHT) ou Lightwave 6 de New Tek pour Mac et PC (environ 20000 FHT). Demain, le Web devrait être plus beau...

Adieu Cologne

Fraîches, mes images Nouvelle ligne graphique, nouveau logo, nouvelle tendance créative, nouvelles images, nouveau site Internet, nouvelles techniques de numérisation... Goodshoot est en plein renouveau. La banque d’images se renomme d’ailleurs Goodshoot.com pour l’occasion. Les nouveautés de cette rentrée 2000 : un site en français avec une recherche par mots-clefs, 25 nouveaux CD ainsi qu’une sérieuse orientation vers les visuels de personnages et du monde des affaires.

Photokina, salon mondial de l’image de Cologne, fermait ses portes le 25 septembre dernier, heure du bilan. Pour son 50e anniversaire, il fut le plus grand avec 1663 exposants de 45 pays et 162000 visiteurs venus de 144 pays, dont 70 % de professionnels. Au premier rang des nouveautés : des appareils photo panoramiques numériques (360°), des imprimantes grands formats avec une résolution garantissant la netteté des images, l’imagerie numérique avec puce et film, ainsi que des applications pour Internet. Le futur de l’image semble aujourd’hui aussi bien analogique que numérique, conjuguant les potentiels des deux mondes et promettant au secteur la croissance.

Toujours plus rapide

Pax americana Le Mac investit le temple du PC : Surcouf dispose depuis mi-septembre d’un “Store in Store” Apple. Sur un espace de 150 m2 au sein du grand magasin d’informatique, les visiteurs peuvent toucher, essayer, comparer et choisir la couleur de leur prochain Mac. Un nouvel iBook citron vert ultraperformant? Un iMac DV d’un beau vert profond pour devenir réalisateur de films, un G4 Cube... Méfiance, il semblerait que ses composants grillent. La faute à l’absence de ventilateur. Clou du spectacle : le nouveau G4 biprocesseur, une belle bête de course... Qui ne dispose pas encore de logiciels adaptés à son double cerveau. Les visiteurs ont également accès à une large gamme de logiciels et périphériques compatibles Mac : en tout, plus de 500 références sur un espace dédié. Comme lors de l’Apple Expo, l’espace Apple de Surcouf a été conçu en exclusivité par des designers américains. Quand les États-Unis débarquent en force...

Epson lance depuis le 1er octobre sa nouvelle imprimante, la Stylus Color 980. En plus de sa grande rapidité, elle est dotée d’une résolution de 2880 dpi et sa finesse de gouttes est de 3 picolitres. Cette imprimante professionnelle accepte des volumes d’impression mensuels allant jusqu’à 5000 pages et reste compatible PC et Mac. Les utilisateurs ont la possibilité de partager ce produit grâce à une carte personnalisée. Une version PostScript est disponible, intégrant le Rip Logiciel Epson Stylus Rip. Garantie un an, la Stylus Color 980 est vendue environ 2500 FHT.


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p r é s e n c e par marie-pierre guiard

Jean-Gabriel Ganascia explorateur de la connaissance

Sur son bureau, deux ordinateurs portables, un Macintosh et un PC, un terminal de livre électronique, un Palm Pilot et, curieusement, un dictionnaire des termes typographiques. Jean-Gabriel Ganascia n’est pas seulement un des spécialistes des sciences cognitives, il est avant tout un homme curieux. Ingénieur en physique mais aussi diplômé de philosophie, professeur au laboratoire d’informatique de Paris-VI (LIP6) et directeur du groupement d’intérêt scientifique des sciences de la cognition au CNRS, Jean-Gabriel Ganascia s’intéresse autant aux improvisations d’un bassiste de jazz qu’aux premiers pas d’un enfant. Ce sont nos gestes et nos sens qu’il traque aujourd’hui dans son laboratoire pour y développer des logiciels intelligents qui nous simplifieront la vie. Nous pouvons tous, dès à présent, lui dire merci.

Quels sont les enjeux des sciences cognitives ?

Les sciences cognitives, de cognocere qui signifie “connaître” en latin, rassemblent l’ensemble des sciences qui abordent le thème de la connaissance. A la différence de la géologie par exemple qui porte sur l’étude des pierres et de la terre, la neurobiologie qui étudie les mécanismes du cerveau fait partie des sciences cognitives puisque l’on peut penser que le cerveau est l’un des supports de notre connaissance. De même, la psychologie, la psychiatrie, la linguistique sont des disciplines cognitives dans le sens où elles abordent la connaissance. On les étudiait déjà au siècle dernier dans un esprit d’interdisciplinarité, mais le grand changement fut l’arrivée de l’ordinateur avec le système de traitement de l’information. L’outil a engendré une révolution considérable en permettant de simuler à l’aide de calculs un certain nombre de fonctionnements humains, voire psychiques. On pouvait mettre en parallèle une fonction abstraite simulée sur un ordinateur avec ce que l’on pense être notre physiologie. Les premiers essais réalisés par un mathématicien et un physiologiste datent des années quarante. Ils ont réussi à l’aide de réseaux de télécommunication sous la forme de petits automates interconnectés à donner une image de ce qu’est le système nerveux. C’est véritablement la première fois que l’on a pu établir à partir de calculs logiques un parallèle entre l’électronique et la pensée. Ces essais embryonnaires ont donné naissance au mouvement cybernétique qui a posé les bases des sciences cognitives. Ces études se 24   11.2000

sont considérablement développées grâce aux recherches de scientifiques qui ont essayé de comprendre dans les années soixante-dix les phénomènes sémantiques liés au langage, à la mémoire, au psychisme via des systèmes d’intelligence artificielle. Le but est de comprendre notre intelligence, comprendre ses supports et éventuellement ensuite de fabriquer des machines intelligentes. Quelles sont les applications pratiques sur lesquelles vous travaillez ?

Nous développons des systèmes automatisés en vue d’applications industrielles pour faciliter l’interaction avec les machines. Pour mettre au point le système de reconnaissance par la parole par exemple, nous avons cherché à savoir ce qui est perçu de la parole de l’autre, les propriétés du langage et la physiologie de l’oreille pour connaître comment se structure une phrase, les problèmes de compréhension… Pour faire un système de reconnaissance vocale, il faut non seulement reconnaître la voix, mais être capable ensuite de la comprendre. Une autre application que nous avons étudiée, toujours de l’ordre de la simulation, porte sur le nez artificiel. On a essayé de reproduire sur un système artificiel une sensibilité à des molécules chimiques qui est analogue à notre propre sensibilité aux odeurs. L’une des finalités de ce système est la détection de la drogue dans les aéroports mais d’autres applications sur la création de parfums et d’arômes ont été envisagées… Nous avons beaucoup travaillé également sur la reconnaissance des formes pour le traitement automatique des images dont les applications vont de la reconnaissance de cellules malignes au microscope à la surveillance aérienne pour repérer des départs d’incendie ou des zones de déforestation… Peut-on parler de tendances en nouvelles technologies ?

Oui, bien sûr, il y en a une notamment sur laquelle nous travaillons et que l’on appelle le disappearing computer, l’ordinateur qui disparaît. Cela ne signifie pas qu’il s’absente, bien au contraire, il est plus présent que jamais. Miniaturisé, il rentre maintenant dans les objets. L’écran et le clavier tels qu’on les connaît encore vont disparaître, en revanche on aura dans la plupart des objets quotidiens des ordinateurs qui y seront logés. C’est


le cas de l’agenda et du livre qui dissimulent un ordinateur à l’intérieur. Nous aurons bientôt la même chose dans un stylo qui enregistrera votre geste pour ensuite le retranscrire via un ordinateur. Avec, en plus de ce facsimilé, la possibilité de reconnaître beaucoup plus facilement l’écriture. Toutes ces recherches ont des applications industrielles directes. Vers quoi la recherche fondamentale s’oriente-t-elle ?

Nous travaillons plus précisément sur une sous-partie des sciences cognitives : l’apprentissage symbolique. L’autre de nos grandes préoccupations porte en effet sur l’accès par le contenu. Il s’agit de tout ce qui va permettre à une machine de faire de l’induction, extraire d’un certain nombre de cas particuliers des connaissances générales. Nous pratiquons la fouille de données, nous partons de bases de données et tentons d’en retirer des connaissances. A partir de ces techniques qui semblent un peu austères, on pense que l’on peut faire de la découverte. Nous avons par exemple réussi à simuler des découvertes médicales anciennes de façon à comprendre pourquoi la médecine a fait certains pas en avant et n’est pas parvenue à en faire d’autres… Nous sommes récemment allés un peu plus loin pour tenter de faire de la créativité. Puisqu’il y a dans toute activité artistique une part de métier, pourquoi ne pas essayer de la reproduire sur des machines. Nous avons appliqué cette démarche en musique justement avec la mise au point d’un logiciel qui improvisait des lignes de basse jazz. Nous avions programmé une grille d’accords plus des informations sur la façon dont jouaient les autres musiciens et de ce qui se passait dans la salle. Le principe que nous avions retenu était d’avoir non seulement des règles d’harmonie, mais d’avoir aussi une mémoire qui stocke des morceaux de musique antérieurement écoutés. Selon l’idée très ancienne que l’imagination est une recombinaison d’éléments de mémoire, ce travail sur la construction de la mémoire musicale nous a amenés à devoir repérer des motifs récurrents sur lesquels on pourrait indexer cette mémoire. On a pris l’œuvre de Charlie Parker en essayant de détecter des motifs récurrents à l’aide d’algorithmes, des éléments de programmation de biologie nucléaire qui permettent de repérer des homologies dans les séquences. Nous n’avons pas essayé de faire une machine qui engendre la Cinquième Symphonie de Beethoven, ni de réduire la création à une seule chose, mais d’étudier sur le mode de la simulation une hypothèse de travail et de la faire fonctionner. Nous avons également essayé, toujours à partir d’extraction de motifs récurrents, d’établir notamment des corrélations entre la forme des caractères chinois et leur signification pour faire des regroupements et faciliter peut-être un jour l’enseignement de cette langue. Nous travaillons actuellement sur l’émission d’un sifflement, d’un chant ou même d’un fredonnement,

pour réussir à retrouver dans des bases de données les morceaux de musique qui sont les plus proches de cette mélodie. Ce programme pourrait avoir des applications sur Internet pour la recherche de musique mais aussi, couplé avec un logiciel, il pourrait vous apprendre à chanter en repérant vos erreurs et vous corriger sur la justesse… Vous posez-vous parfois certaines limites dans les recherches que vous effectuez ?

Il est difficile dans la recherche fondamentale de se poser des limites dans la mesure où notre travail est encore très éloigné de ce que seront les applications. A la différence de la biologie moléculaire qui fait subir des mutations à des gènes et dont on imagine assez rapidement l’issue, les conséquences informatiques sont plus liées à l’usage social qui est fait des différentes techniques qu’aux techniques elles-mêmes. La technique de l’Internet est assez neutre en soi, c’est sa généralisation via le Web en couplant les réseaux et l’hypertexte qui peut avoir des conséquences économiques néfastes ou qui peut, à terme, changer la donne politique. Est-ce pour cela que l’on aura une société plus contraignante ? Personne ne le sait, même s’il faut essayer d’en prendre la mesure. On sent dans le discours actuel que quelque chose est en train de se passer mais l’on a du mal à l’évaluer. Cela donne soit des discours enthousiastes, soit des discours paniqués. Il est plus intéressant de replacer cette évolution dans le très long terme en observant ce que notre époque apporte réellement de nouveau. J’essaie pour ma part d’y réfléchir en étudiant tout ce qui a touché à l’écrit et à la lecture par le passé, pour mieux comprendre les évolutions en cours. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette non-linéarité du texte que l’on observe aujourd’hui n’est pas nouvelle. On pensait qu’aux siècles derniers un texte était la transcription de la voix et qu’il fallait le lire d’un bout à l’autre. Or si l’on regarde des textes du Moyen Âge, on s’aperçoit qu’il existe une disposition dans la page qui loin d’être linéaire est au contraire faite pour nous aider en reproduisant des figures qui font appel aux arts de la mémoire. C’est tout l’art de la mise en pages…

Exactement, mais la disposition de ces manuscrits ne s’explique pas seulement par une facilité de lecture comme la mise en pages actuelle mais aussi par une réelle volonté de mémorisation à travers notamment la présence d’enluminures, de dessins… C’était en quelque sorte les ancêtres des agents intelligents que l’on fabrique aujourd’hui. En fonction des premières interactions d’un utilisateur avec un logiciel, ces agents établissent un diagnostic de ses connaissances pour ensuite l’aider dans ses manipulations. Avec tout de même un élément en plus, le danger de devenir un représentant prototypique d’une classe. Il ne faut pas oublier que les grandes découvertes se font souvent par hasard… ■ 11.2000

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g r a p h i s m e par marie-pierre guiard et léonor de bailliencourt

Le Mois du graphisme d’Échirolles fête ses dix ans. Onze éditions vouées tant à l’excellence graphique qu’à la cohésion sociale d’une ville en pleine construction. A l’heure de la célébration, Échirolles accueille “ 2 2 g ra p h i s t e s a u t o u r d u monde”. Une grande exposition pensée et organisée par Michel Bouvet et Caroline Pauchant autour d’une certitude : la création des graphistes dépend en bonne partie de leur environnement, qu’il s’agisse du quotidien de leur studio ou du contexte économique, politique et social du pays dans lequel ils exercent. Une belle révérence que cette exposition, pour clore en beauté le Mois du graphisme. Car les rumeurs ont longtemps plané. Mais aujourd’hui, Diego Zaccaria le confirme et même l’affirme. Le Mois du graphisme d’Échirolles vit ses dernières heures. Le tout-puissant organisateur de la manifestation est fatigué. Épuisé de courir après les fonds, les soutiens et de recommencer le même circuit chaque année. Zaccaria, “simple employé municipal”, envoie – même s’il répugne à l’avouer – un gigantesque coup de semonce aux différents pouvoirs publics chargés de le soutenir. A travers le futur incertain d’un Mois du graphisme menacé, par de bien mystérieuses réflexions sur le programme 2001, l’équipe d’Échirolles pose insidieusement la question de la reconnaissance du graphisme en France. 42   11.2000

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Interview de Diego Zaccaria Directeur des Affaires culturelles de la ville d’Échirolles, Diego Zaccaria est l’organisateur du Mois du graphisme depuis sa naissance, il y a dix ans.

Et comme nous avons une for te demande le reste de l’année, il serait peut-être temps de passer à quelque chose de plus ambitieux.

Étapes graphiques : Comment le Mois du graphisme d’Échirolles est-il né ? Diego Zaccaria : Je venais d’être nommé directeur des Affaires culturelles de la ville. Je suis tombé dans le graphisme du jour au lendemain. François Fabrizi et Gianfranco Torri ont proposé l’exposition “Graphisme d’utilité publique”. Très vite, la municipalité a opté pour une manifestation tant d’excellence graphique qu’ancrée dans la cité et sa réalité sociale. Échirolles est une ville d’agglomération. Il était donc nécessaire d’impliquer la population d’une manière ou d’une autre dans une aventure qui ne soit pas strictement réservée aux professionnels. Via un grand nombre d’actions pédagogiques, le contenu du Mois s’est adapté aux attentes des habitants. Nous avons développé des expositions thématiques (en plus des grandes rétrospectives) afin d’ouvrir sur le contexte culturel, politique et social des graphistes, avec pour ambition finale la création de sens.

Quels sont vos axes de réflexion ? Trois idées s’imposent. Nous devons organiser un travail continu sur le graphisme, ce qui débouchera un jour sur un lieu permanent où nous organiserons expositions et masterclasses. Nous développerons probablement une réflexion sur l’évolution de l’image et de son rapport à la société, en créant une sorte d’observatoire de l’affiche et du graphisme. Enfin, nous poursuivrons l’organisation d’événements ou d’un événement.

On parle de la fin du Mois du graphisme d’Échirolles… Nous fêtons nos dix ans, donc onze éditions. Soit on continue sur ce “fonds de commerce”, soit on est honnête et on lance une réflexion sur le sens de cet événement. C’est l’option choisie. Si nous poursuivons sous cette forme, nous allons nous faire plaisir, mais également nous endormir. Une manifestation peut s’interrompre à tout moment.

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Donc cette édition du Mois du graphisme est la dernière… J’ai l’impression qu’il faut marquer la rupture. C’est peut-être également le moment de rappeler à nos différents partenaires ce que signifie l’engagement. La mairie d’Échirolles et le conseil général de l’Isère sont très impliqués. Le ministère de la Culture aide parfois. Les autres un peu moins, ministère de l’Éducation nationale en tête. La quête de fonds financiers est longue, répétitive et usante… A l’issue de ces dix ans, soit nous avons fait nos preuves – allons plus loin dans notre démarche –, soit chacun pense que dix ans suffisent et nous organiserons notre réflexion à plus petite échelle. C’est une sonnette d’alarme adressée aux pouvoirs publics ? Non. La vraie question qu’ils doivent se poser est : Le graphisme représente-t-il ou non un enjeu social capital ? Avec les nouvelles technologies, nous avons un travail de fond à entreprendre. Le fossé se creuse entre ceux qui les maîtrisent et ceux qui les utilisent (sans parler des autres !). Seuls, c’est impossible. Nous sommes quatre à travailler sur le Mois du graphisme. J’ai oublié à quoi ressemblait un week-end. D’autant qu’en dehors du Mois, j’ai un vrai métier de directeur des Affaires culturelles de la ville…

© Didier Pruvot

La manifestation a-t-elle collé aux évolutions du graphisme ? La réponse n’est pas évidente… Je ne suis pas persuadé que le graphisme ait connu une pente ascendante. Les conditions de travail se sont beaucoup détériorées. Cela dit, Échirolles a essayé de ne pas louper le tournant des nouvelles technologies qui ont tant changé le paysage visuel international. Nous sommes en plein virage, mais nous n’avons pas encore appuyé sur l’accélérateur…

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le graphisme révèle la force d’un travail en réussissant à mettre en exergue, et de façon quasi palpable, ce qui l’a fait naître. Il était important d’inscrire l’œuvre des gens dans une perspective qui n’est pas seulement professionnelle, explique Michel Bouvet. Il existe très clairement des interactions entre l’endroit où l’on vit et ce que l’on crée. Si l’exposition donne autant de pistes aussi remarquables qu’inattendues, c’est certainement parce qu’elles s’inscrivent toutes dans la subjectivité d’un regard. A commencer par celui de l’organisateur de l’exposition qui a lui-même convié les personnalités invitées, devant faire un choix drastique parmi l’ensemble de ses confrères à l’étranger. Il existe des professionnels très importants dans certains pays, mais qui ne sont pas véritablement représentatifs. Le problème de la représentation est complètement


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1 Ken Cato, Australie. 2 Rick Vermeulen, Pays-Bas. 3 Idrissa Diara, Côte-d’Ivoire. 4 Fantasma de Heredia, Argentine.

6 “Le Talib” 63 x 70 cm, 1999. 7 Graffitis. 8 Journal Fraternité 9 Dans l’atelier d’Idrissa Diara. 0 A l’arrière-plan, un gbaka, véhicule qui relie tous les quartiers d’Abidjan.

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© Idrissa Diara

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© Idrissa Diara

© Idrissa Diara

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subjectif, le choix a donc forcément été arbitraire. Lorsqu’il s’agit d’un pays comme l’Angleterre où les graphistes réputés sont légion, le choix n’est pas neutre. J’ai choisi Neville Brody parce qu’il est un pionnier, signale Bouvet. Je préférais montrer l’original plutôt que la copie. Lorsqu’il s’agit de pays ou même de continents en revanche qui comptent les graphistes sur les doigts d’une main, le choix n’est pas plus innocent. Exposer un artiste comme Idrissa Diara, c’est lui reconnaître une responsabilité informative et civique à travers les codes en vigueur dans une société africaine où la profession de graphiste n’existe pas. Lorsqu’il peint une fresque dans une rue d’Abidjan, toute la population du quartier lit son message, c’est un travail d’affichiste à part entière.

Perceptions

Matin.

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© Idrissa Diara

Idrissa Diara, Côte-d’Ivoire

5 Ahn Sang Soo, Corée.

Le voyage autour du monde proposé par le graphiste s’articule donc comme autant de preuves à l’appui. En plus de leurs travaux, toutes les personnes contactées au cours de ces deux dernières années ont également envoyé une importante somme de matériels visuels, des traces de leur ville et de leur vie, à commencer par un reportage photo de leur environnement. Panoramiques en couleurs, tirages 13 x 18 cm en noir et blanc, Polaroid de portraits, instantanés pris sur le vif ou cadres longuement travaillés, le matériel photographique de chaque graphiste révèle déjà beaucoup de sa vision des choses. On voit bien à travers ces reportages subjectifs le parallèle qui peut s’établir entre la création d’une part et l’environnement tel que le graphiste le perçoit. Le Suisse Werner Jeker, par exemple, a attendu qu’il neige avant de 11.2000

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La genèse

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© Werner Jeker et Mario Del Curto, Didier Pruvot

On ne présente plus Michel Bouvet, graphiste engagé et affichiste de talent. Ce que l’on connaît peut-être moins de lui, c’est cette boulimie de voyages qui lui fait parcourir le monde depuis une vingtaine d’année, profitant des invitations à montrer son travail pour rencontrer ses homologues et s’imprégner de leur culture. Née lors d’un voyage en Chine en 1996, l’idée de cette exposition tridimensionnelle alliant la photo à l’art graphique et aux objets repose sur une évidence. On ne crée pas la même chose selon que l’on vit et travaille à Londres, à Tel-Aviv ou à Pékin. Mise en place en 1998 avec la collaboration de Diego Zaccaria, directeur du Mois du graphisme d’Échirolles, l’exposition met en scène ce qui à la fois différencie et rassemble les graphistes du monde entier. Une mise en parallèle subtile de l’Histoire avec un grand “h” et de la création pour tenter de lever le voile sur l’un des processus artistiques et commerciaux les plus quotidiens qui soient. Cette exposition patiemment élaborée est également un hommage au courage et au talent de ces professionnels qui exercent parfois leur métier comme d’autres font de la résistance. En livrant par petites touches des pistes ici et là pour comprendre, le parcours graphique pourrait bien se transformer en voyage initiatique.

De gauche à droite : François Payet, Caroline Pauchant, Stéphine Couderc,

© Odile Chambaut

Michel Bouvet.

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photographier le chemin qui mène de sa maison de campagne à son atelier dans le centre de Lausanne. Il en a tiré un film de 15 mètres de long, son voyage quotidien de la porte de chez lui à la porte de son atelier. On s’aperçoit très vite que l’équilibre des formes que l’on trouve dans son travail est extrêmement lié à cet univers paisible, à l’ordonnancement rigoureux de la signalétique routière qu’il a chaque jour sous les yeux. Aux antipodes de cette sobriété silencieuse, le reportage photographique du graphiste coréen Ahn Sang Soo, fait de montages panoramiques de Séoul, introduit le fourmillement presque sonore de son travail. De même, l’exubérance colorée des affiches de Nancy Aquino se retrouve dans les gigantesques tirages couleur des côtes de la mer des Caraïbes et de la jungle tropicale


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a Rafic Farah, Brésil. z Werner Jeker, Suisse. e Garth Walker, Afrique du Sud.

© Werner Jeker

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© Werner Jeker

© Werner Jeker

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vénézuélienne, comme la magnificence de la mosquée Sainte-Sophie s’exprime forcément dans l’œuvre du Turc Bülent Erkmen. Au-delà des formes et des couleurs, l’occupation même de l’espace donne des clés précieuses pour comprendre les signes de ces pays. La sensation physique de la rue est totalement différente en Asie et en Scandinavie, la perception physique intervient nécessairement dans la perception artistique, ajoute Michel Bouvet.

Intra-muros Allant encore plus loin dans cette recherche de sens, le graphiste a également demandé à ses confrères de témoigner de leur quotidien en photographiant leur studio. C’est la première fois qu’on demandait à

r “Baal”, affiche pour une pièce de Bertolt Brecht, 90,5 x 128 cm, 1991.

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t L’atelier de Werner Jeker à Lausanne.

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y Lausanne, route sous la

© We

Werner Jeker, Suisse

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neige. u Dans la rue. i Double page de l’agenda de Werner Jeker.

des graphistes de montrer leur intimité, certains sont tout de même des stars de leur profession, ce n’était pas évident. Tous pourtant ont suivi, même les plus connus, à commencer par Neville Brody qui, en ouvrant les portes de son studio londonien, dévoile sans conteste un pan de sa personnalité. On y voit un espace strict, sans images aux murs, entièrement dédié au travail. Cet atelier dépouillé, presque un cas unique à côté de celui de ses confrères, révèle aussi un peu de l’unicité d’un pays entouré d’eau qui possède un rapport à l’espace et des fondements graphiques complètement différents de ceux de ses voisins occidentaux. Les images de l’atelier du groupe berlinois Cyan notamment se situent effectivement à des milliers de kilomètres de là. Situé dans une ancienne usine de Berlin-Est, le studio allemand vit au rythme de la famille dans 11.2000

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Interview de François Fabrizi François Fabrizi partage avec Gianfranco Torri l’initiative du Mois du graphisme d’Échirolles. Graphiste parisien, il a signé entre autres la conception de la station de métro des Tuileries et l’identité visuelle de Chinon. Étapes graphiques : Vous êtes à l’origine du Mois du graphisme… François Fabrizi : Gianfranco Torri et moi avons proposé l’idée à la mairie d’Échirolles en 1990. Le concept initial était de présenter le graphisme français au moment où il se faisait. Nous avons pensé à Échirolles car elle est jumelée avec Grugliasco, en Italie, ville dans laquelle Gianfranco Torri organisait de petits événements liés au graphisme. La municipalité nous a demandé un projet en adéquation avec leur – petit – budget et le Mois a été lancé en mai 1990, juste avant la première édition de Chaumont (juin 1990).

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Vous n’avez pas poursuivi l’aventure… Après la première édition, la mairie ne m’a pas reconduit. Ils ont pris le bébé et l’ont élevé tout seuls. J’aurais aimé intervenir ensuite. L’équipe de Diego Zaccaria s’est bien débrouillée. Cette manifestation est arrivée au bon endroit au bon moment. L’implication rapide du SNG a enrichi le programme. Quant à moi, je ne suis jamais retourné à Échirolles. Quelle évolution verriez-vous ? Entre 1990 et aujourd’hui, le métier et la production graphique ont changé avec la généralisation de la PAO, les attentes des commanditaires ne sont plus les mêmes. Peut-être serait-il intéressant de les convier à cette manifestation graphico-graphique ?

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© Didier Pruvot

Quel était l’objectif ? Rien n’existait réellement sur la production graphique française. Chaumont a toujours été très international, le magazine BAT aussi et EG n’existait pas encore… Nous rêvions d’instaurer une critique du graphisme français, comme il en existe pour l’art, le cinéma ou l’architecture. Nous voulions ouvrir un débat. Nous avons édité un catalogue, “Production”, au sein duquel chaque graphiste a écrit, avec leurs coordonnées. Nous avions peu d’argent, l’envie de bien faire, nous avons tout dépensé. Dans cette histoire, nous n’avons rien gagné sauf de la reconnaissance, peut-être.

un lieu bohème où se retrouvent pêle-mêle amis, chiens, chats… Autre rapport au travail et à l’environnement, le graphiste israélien Tartakover qui vit et travaille à Jaffa, le quartier arabe de Tel-Aviv. Il a choisi, en guise de reportage sur son studio, de photographier tous les jours pensant six mois chaque personne passant dans son atelier. Résultat ? On a, à travers ces centaines de Polaroid, une photographie extraordinaire de la société israélienne, cela permet de comprendre pas mal de choses sur la situation de son pays. Michel Bouvet et le scénographe François Payet (voir encadré) ont choisi d’exposer telles quelles les photos envoyées par les graphistes. Rien n’est interprété, aucun filtre n’intervient entre la subjectivité du regard du graphiste et les signes de son pays. Si certains parallèles


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o Neville Brody, Angleterre. p Peret, Espagne. q Wang Xu, Chine. s Keizo Matsui, Japon. d Bülent Erkmen, Turquie.

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f Affiche pour la DDD Gallery, spécialisée dans les expositions sur le graphisme, 70 x 100 cm, 1992. gj Voyage à Osaka. h La plaque indiquant l’étage du studio de Keizo Matsui, Hundred Design.

© Keizo Matsui

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© Keizo Matsui

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s’établissent au cours de l’exposition, nous tenions à ne pas forcément en donner tout un décryptage. C’est aussi aux gens de faire la démarche. Rien n’est donc souligné, l’histoire de chacun se déroule en images et en mots sans sous-titres.

Objets témoins Le visiteur n’est pas seulement confronté à des images, il peut partir à la recherche d’autres signes exposés parallèlement à ces travaux dans de curieux totems qui leur font face. A commencer par la série de réponses au questionnaire concocté par Michel Bouvet et mise en scène dans la langue dans laquelle elles ont été écrites, à savoir le français, l’anglais et l’espagnol. Partant de questions très quotidiennes sur la façon de

© Keizo Matsui

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© Keizo Matsui

Keizo Matsui, Japon

k Une page de l’agenda de Keizo Matsui.

travailler, le rythme d’une journée, les moyens de transport utilisés, le questionnaire aborde ensuite des questions plus théoriques sur le travail de commande et les relations avec le client. Au visiteur de s’y plonger pour glaner ici et là des informations plus ou moins révélatrices sur le travail de chacun. L’Espagnol Peret a répondu de façon très lapidaire. D’autres comme Paula Sher développent un discours assez violent sur la société américaine qui subordonne la commande à l’état du marché, raconte Michel Bouvet. Placés sur une autre face du totem, une boîte d’allumettes du pays, un objet riche en signes, une double page d’un quotidien, un élément graphique et politique intéressant, avoisinent un objet symbolique choisi par les graphistes. Certains nous ont envoyé un timbre-poste et d’autres nous ont posté des choses beaucoup plus 11.2000

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Interview de Jean Caune Enseignant à l’université Stendhal, installée en partie à Échirolles, Jean Caune est professeur de communication. Il porte son regard d’homme de sciences humaines sur le Mois du graphisme. Étapes graphiques : Quelle est votre implication dans le Mois du graphisme ? Jean Caune : Le graphisme n’est pas – de loin – ma spécialité. Mais depuis trois ans, l’université Stendhal a été délocalisée à Échirolles et tente d’impliquer les campus environnants. J’ai participé à quelques tables rondes. A un moment, nous avons essayé de nous rapprocher, mais nous avons échoué à trouver de vrais intérêts communs.

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Comment aimeriez-vous voir évoluer le Mois du graphisme ? J’ai dirigé une maison de la culture, avant d’être professeur. Dix ans, c’est une vie pour une manifestation. S’il continuait sous cette forme, le Mois du graphisme s’épuiserait. La ville pourrait remplacer le Mois par une structure permanente, ce serait plus bénéfique à la population d’Échirolles. C’est la fonction, l’esprit, qu’il faut garder. Pas nécessairement la forme actuelle. Une action longue dans le temps et disséminée dans la ville serait très intéressante, afin de mettre en rapport la réalité sociale de la cité.

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Raúl Gonzalez, Holger Michael Stork, Didier Pruvot (œuvre).

Comment vous inscrivez-vous dans cette manifestation ? La mairie et l’équipe de D. Zaccaria essayent d’ouvrir le graphisme à des phénomènes sociaux. Ils accompagnent leurs excellentes expositions d’une réflexion élargie, à partir de tables rondes, de conférences. Cet événement n’est jamais conçu comme un simple événement médiatique. On y ressent toujours la volonté d’associer des écoles d’art, de graphisme… Le Mois du graphisme rayonne dans toutes les directions. Sur un mois, en plus, pas sur deux jours. La ville ressemble un peu à un no man’s land, elle est en pleine construction, cette manifestation participe activement au “tissage du lien social”.

surprenantes. Sans tout dévoiler à l’avance, le Brésilien nous a par exemple fait parvenir une sandale quasi fossilisée… La dernière face de ces totems contient une fiche signalétique sur l’état du pays à travers un texte générique, histoire de ne pas confondre la situation géopolitique du Japon avec celle de la Chine ou de la Corée…

Tenter de comprendre Le travail de certains graphistes est d’une humanité d’autant plus grande qu’ils doivent vivre et composer face à des situations personnelles et politiques hors de proportions de celles que l’on connaît en Occident, souligne Bouvet. Celeste Prieto a vécu pendant de longues années en exil avec sa famille au Chili, Peret a dû quitter l’Espagne


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l Saki Mafundikwa, Zimbabwe. m Celeste Prieto, Paraguay. ù Nancy Aquino, Venezuela. w David Tartakover, Israël. x German Montalvo, Mexique.

, c “Concours biennal national AntonioLauro d’inter­ © Nelson Garrido

prétation à la guitare”, affiche, 64 x 94 cm, 1998. Illustration de Marianela Montiel. n Nancy Aquino avec son assistante,

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Maria Montiel, dans les locaux du CONAC © Nelson Garrido

(Conseil national de © Nelson Garrido

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sous le franquisme, El Fantasma de Heredia, le groupe argentin, a naturellement été marqué par la dictature militaire, le Turc Bülent Erkmen vit dans un pays curieux, une espèce de démocratie où l’armée a un pouvoir énorme… Même Tartakover, l’Israélien, est citoyen d’un pays à la fois démocratique où la liberté d’expression est totale et à demi en guerre. On voit bien dans son travail qu’il s’agit de quelqu’un qui essaie de vivre dans un pays marqué par les conflits. Et Michel Bouvet d’anticiper la critique qui pourrait poindre face à l’ampleur du projet : Nous ne prétendons pas faire une étude sociologique ou même réaliser un électrocardiogramme du graphisme, ce sont seulement des bribes pour comprendre. L’organisateur étant tout de même et avant tout graphiste, l’aspect didactique de l’exposition qui se

la culture du Venezuela). , Fresque à l’effigie du libérateur Simón Bolívar. ; Boîte d’allumettes du Venezuela. : Habitation sur pilotis des Indiens guajiros sur le lac Maracaibo.

© Nelson Garrido

Nancy Aquino, Venezuela

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profile en filigrane derrière ses choix constitue bien évidemment une des finalités du projet. Les signes non expliqués sont extrêmement difficiles à saisir pour un public non initié. C’est d’autant plus dommage que le graphisme offre un décryptage beaucoup plus facile de la société que l’art contemporain. Les références sont plus pragmatiques, les gens y rentrent bien plus vite. Au-delà des mots et de la langue, le vocabulaire d’images parle à tout le monde, il y a une universalité du graphisme qui s’adresse à tous les gens intéressés par les sciences humaines. Si Michel Bouvet considère que le graphisme se trouve, à l’image de la photo dans les années soixante, aux portes d’une reconnaissance officielle, cette exposition pourrait bien accélérer le mouvement en présentant au public autre chose qu’un beau travail d’autopromotion. 11.2000

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La valise en carton Nous sommes partis sur l’idée du

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© Didier Pruvot

voyage, comme si chaque graphiste avait apporté toute sa création dans des cartons. François Payet, scénographe de l’exposition, a tenu à travailler à la fois sur la matière et sur le cheminement pour organiser ce voyage pas comme les autres autour du monde. Ce qui a séduit d’emblée le scénographe plus connu pour son travail sur les expositions d’art moderne, “l’Art dans le Monde”, “Soulage”, “Calder” au musée d’Art moderne, “le Mexique” au Petit Palais, c’est le côté novateur du projet. Je crois que c’est réellement la première fois que l’on développe un sens entre la photo, les éléments graphiques et les objets. Une trilogie des signes que François Payet a choisi de rythmer par des empilements de cartons, symboles du déménagement, sur lesquels il a collé des adhésifs en guise de signalétique. Chaque totem ainsi formé fonctionne comme une borne informative, présentant sur chaque face les différentes facettes du travail du graphiste. Les réponses au questionnaire, une fiche identitaire sur le pays, l’objet symbolique, la boîte d’allumettes ainsi qu’une double page du quotidien national choisi par les graphistes, chacune des faces du totem renvoyant à un pan de mur où sont exposés les affiches de commande, les reportages photo et les projets plus personnels des graphistes. Concernant l’exposition de ces œuvres, le scénographe a joué sur une simple mise en valeur pour laisser les images parler d’elles-mêmes. Nous avons travaillé sur des cimaises, ces parois épaisses et linéaires qui apportent une grande régularité au parcours. Les affiches seront accrochées dans une succession de cadres en bois aux dimensions standard. Quant aux reportages photo, ils s’inscriront sous forme de déroulés dans des bandes de Plexiglas, dans leur format d’origine. Au final, le voyage qui s’effectuera entre cinq sites répartis dans Échirolles devrait durer une journée.

Derrière ces signes que les graphistes du monde entier ont choisis se dissimule une dimension quasi existentielle de l’exposition. En pénétrant dans leur atelier, le public ne devrait pas tarder à s’apercevoir combien leur vie et leur travail sont intimement liés. Si ces gens ont choisi de faire ce métier et de s’exprimer de cette façon-là, c’est sûrement parce qu’ils ont dans la vie une revendication particulière. Être graphiste n’est pas un simple choix professionnel, c’est un choix de vie.

A venir Un engagement réel qui explique certainement l’adhésion des intéressés rencontrés par l’organisateur lors de la lente maturation du projet. Tous les graphistes présents sont des gens très responsables, beau52   11.2000


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= Lech Majewski, Pologne. A Andrej Logvin, Russie. Z Paula Scher, USA. E Cyan, Allemagne.

© Paula Scher, Andrew Bordwin, Peter Mauss/ Esto

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U R “Him”, affiche pour le Public Theater. Collaborateurs : Ron Louie, Lisa

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© Paula Scher, Andrew Bordwin, Peter Mauss/ Esto

coup d’entre eux enseignent ou participent à des ateliers. A trois semaines de l’exposition, il ne nous manque rien si ce n’est une page du questionnaire du Polonais qui n’a toujours pas compris qu’il avait oublié de nous envoyer la deuxième page. Il nous a tout de même fait parvenir un livre magnifique en trois exemplaires sur l’histoire des Juifs en Pologne… Paradoxe assez saisissant, ce sont d’ailleurs les graphistes originaires des pays les plus démunis qui ont envoyé le plus de production. Présentés par concordance d’images plus que par regroupement géographique, les travaux de ces graphistes s’accompagnent pour finir de la musique de leur pays. Reste à savoir comment intégrer ces 22 disques à l’exposition. Nous sommes à “J-moins quelques jours” de l’inauguration et certaines petites choses restent

Mazur, Jane

© Paula Scher, Andrew Bordwin, Peter Mauss/ Esto

Mella, 76 x 116 cm, 1994. T Carte de métro de New York. YO New York, dans la rue. © Paula Scher, Andrew Bordwin, Peter Mauss/ Esto

Paula Scher, USA

© Paula Scher, Andrew Bordwin, Peter Mauss/ Esto

de Paula Scher

U Les spacieux locaux de Pentagram.

encore à régler. Mais l’essentiel est là, plus de 600 images exposées, un livre d’art de 400 pages réalisé dans le prolongement de l’exposition (édité par Textuel), elle-même déjà programmée au Luxembourg l’année prochaine. Michel Bouvet espère bien la voir s’installer à Paris par la suite : J’aimerais trouver un prolongement à cette exposition même si l’on n’a pas reçu toute l’aide des pouvoirs publics que l’on espérait. Le graphiste évoque le projet de fabriquer des reportages vidéo sur les ateliers. Mais il se rétracte finalement : L’exposition est à la discrétion des graphistes qui nous montrent ce qu’ils veulent bien nous montrer. Tout n’est pas dit et c’est bien comme ça. Cela préserve aussi le mystère de la création. ■

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22 graphistes de tous les horizons se réunissent dans le cadre du Festival Échirolles 2000 avec pour mission de montrer leur dimension professionnelle, leurs implications dans la société, mais aussi l’influence économique, politique, sociale et culturelle de leur travail à partir de plusieurs reportages photographiques. Les commissaires d’exposition, Michel Bouvet et Caroline Pauchant, souhaitent pour les 10 ans d’Échirolles présenter des créateurs de renommée internationale. Trois sites clés se partagent les expositions : Échirolles, Grenoble et Saint-Martin-d’Hères.

Du 18 novembre au 9 décembre 2000 – Graphistes autour du monde

Musée Géo Charles

Neville Brody, Angleterre Ancien directeur artistique de The Face and City Limits Magazine, il fonde avec Fwa Richards le Resarch Studio (EG 47). Cette agence utilise tous les instruments de communication (audiovisuels, Internet) pour améliorer sans cesse l’image et ses codes, pour des clients tels que British Airways, Swatch, Sony, The Guardian…

Keizo Matsui, Japon Graphiste mais aussi conservateur de la DDD Gallery à Osaka, il contribue à la reconnaissance du design japonais et réalise des commandes d’identités visuelles pour des banques, maisons d’édition et imprimeries grâce à son studio de graphisme Hundred Design Inc, créé en 1992.

É c h i r oll e s La Rampe

German Montalvo, Mexique

Celesté Prieto, Paraguay

Auteur de nombreux projets éditoriaux pour le Fonds de culture économique à Mexico, ce créateur d’affiches culturelles enseigne aussi à l’Universidad de las Americas, à Cholula. Il reste très attaché aux traditions de son pays, cultivant sa recherche de messages toujours plus modernes.

La graphiste présente son travail pour différentes revues, agences de publicité, ONG et partis politiques. En 1994, elle crée son propre atelier dans lequel elle réalise notamment identités visuelles, design et packaging.

Lech Majewski, Pologne Cet enseignant à l’École des beauxarts et président de la Biennale internationale d’affiches de Varsovie s’est spécialisé dans l’édition. Il anime des workshops aux Pays-Bas, en Finlande, en Italie, au Mexique, en Suisse, en Allemagne et au Brésil.

Paula Scher, États-Unis Après avoir cofondé Koppel & Scher et rejoint le studio graphique Pentagram (EG 47), la typographe (EG 10) s’est occupée d’identités visuelles telles que celle du New York Times Magazine. Elle dirige actuellement la section Design graphique de la School of Visual Arts de New York.

Saki Mafundikwa, Zimbabwe Publicitaire de formation, il fonde en 1994 le Shona Studio à New York. De retour au Zimbabwe, il crée Ziva (The Zimbabwe Institute of Vigital Arts), école dont l’enseignement est consacré au design graphique. Mafundikwa souhaite préserver l’identité culturelle de son pays marqué par les conflits.

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Moulins de Villancourt

Garth Walker, Afrique du Sud Après plusieurs années passées dans un atelier familial, Walker crée Orange Juice Design. Il s’attache aujourd’hui à l’édition du magazine i-Jusi. Depuis de nombreuses années, il milite pour un renforcement des liens entre les différentes communautés africaines (EG 25, 32, 39, 44).

ture et d’urbanisme de Sao Paulo, il se lance dans le graphisme par hasard, dirige son propre atelier et reste très imprégné de la culture brésilienne.

Idrissa Diara, Côte-d’Ivoire Créateur autodidacte, Diara est peintre et graphiste. Il produit des images sociales comme des fresques murales destinées à sensibiliser la population ivoirienne sur des sujets d’actualité : le sida, les accidents de la circulation, la sécheresse, l’exode en période de guerre.

Rick Vermeulen, Pays-Bas Cofondateur du Hard Werken Magazine, devenu le studio interdisciplinaire Hard Werken Design, Vermeulen s’implique dans toutes les formes de graphisme, de photographie mais aussi de scénographie pour le domaine culturel. Il enseigne parallèlement à la Willem de Kooning Academy de Rotterdam et au Royal College of Art à Londres.

En 1998, Peret a reçu le grand prix national espagnol du design (EG 61).

David Tartakover, Israël Depuis 1975, il dirige un atelier de graphisme à Tel-Aviv dont les commandes ont souvent trait à la culture et réalise des affiches politiques et sociales israéliennes. Engagé dans le processus de paix de son pays, Tartakover répond en direct aux événements qui meurtrissent cette région (EG 37).

Nancy Aquino, Venezuela Après avoir étudié la sociologie à l’Université centrale puis l’art à l’École des arts visuels Cristobal-Rojas, c’est au Conseil national de la culture où elle coordonne l’atelier d’art graphique que Nancy Aquino réalise des affiches, des logotypes, pour tous les secteurs d’activités du CONAC.

SAI N T - MAR T I N D ’ HERES Bibliothèque universitaire de sciences

GRE N O B L E

El fantasma de Heredia, Argentine

École supérieure de commerce de Grenoble

Groupe expérimental de réflexion sur la communication visuelle, il fut fondé en 1992 par Annabella Salem et Gabriel Mateu. Tous deux conférenciers à la faculté d’architecture de Buenos Aires, leur entreprise sert les causes sociales et politiques et a pour principaux commanditaires les institutions publiques et privées du pays.

Ken Cato, Australie En 1970, il crée l’agence Cato Partners et aborde tous les aspects du design : produit, architecture intérieure, stylisme. Militant incontournable du graphisme dans le monde, Cato est président de l’Alliance graphique internationale et a entrepris des campagnes pour la candidature de Melbourne aux Jeux olympiques de 1996, l’identité visuelle du musée de Victoria ainsi que la World Expo 88.

Ahn Sang-Soo, Corée Réalisateur de travaux typographiques à partir de l’alphabet coréen, cet enseignant de l’université de Séoul est fortement engagé dans l’Icograda, l’organisation mondiale des associations de design graphique, et fut l’un des l’investigateurs du Congrès Millenium d’octobre 2000.

Cyan, Allemagne

Wang Xu, Chine

Créé en 1992 par Daniela Haufe et Detlef Fiedler, spécialisé dans les projets culturels et institutionnels, Cyan est un studio important de graphisme berlinois. Les brochures et livres édités sont des outils indispensables à la ville et leurs nombreux travaux sont publiés dans les revues du monde entier.

Après avoir fondé le studio de graphisme Wang Xu Associates à Guangzhou, Xu anime cette année une collection de livres sur les graphistes du monde intitulée “Designers Design Life”. Parallèlement, il donne des conférences à l’école des beaux-arts de Pékin, de Canton et de Shangai.

Peret, Espagne

Enseignant à l’école des arts appliqués de Moscou, il fonde en 1997 le groupe de design Logvindesign. Ses affiches ont été présentées dans les grandes biennales internationales.

Rafic Farah, Brésil

Illustrateur, photographe et sculpteur, il collabore à de nombreuses identités visuelles : “Tintin à Barcelone”, la chaîne BTV, les Jeux olympiques de Barcelone, le quotidien Vanguardia.

Après différentes activités dans la mise en pages et l’illustration, notamment la signalétique du métro, il fonde à

Directeur artistique, graphiste, photographe, scénariste, Farah est ce que l’on appelle aujourd’hui un “touche-àtout”. Diplômé de la faculté d’architec-

Andrej Logvin, Russie

Werner Jeker, Suisse


Lausanne Les ateliers du Nord avec des designers industriels. Passionné de typographie et de photographie, il réalise des affiches, des identités visuelles, des livres, des catalogues, pour lesquels il a reçu de très nombreux prix en Suisse et à l’étranger.

Voyage en écritures Le 22 novembre 2000, une journée découverte des calligraphies et une exposition “Voyage en écritures” seront proposées dans les bibliothèques de la ville (La Panetière et PabloNeruda).

Brülent Erkmen, Turquie

Alphabet

Professeur à l’université d’Istanbul, Erkmen est l’un des fondateurs de l’agence de publicité Reklamevi et de BEK Design and Consultancy. Il conçoit actuellement des affiches pour de multiples institutions culturelles dans le domaine de l’art, de l’architecture, du cinéma, de la musique, du théâtre et de la littérature.

Durant tout le mois de novembre, la bibliothèque Pablo-Neruda accueillera “Calligraphies” de Mohamed Boumeghra. L’exposition “Contes de calligraphes et de sultans” se situera à la bibliothèque de La Panetière. Les deux sites culturels présenteront les gravures d’Alain Baret et les dessins originaux de Marc Pessin : “Le corps de l’alphabet” et “Marc Pessin, le voyageur immobile”.

Bienvenue à La Butte Vingt-deux écoles d’art françaises réalisent et exposent des affiches originales, format 4 x 3, dans le dessein d’accueillir les 22 graphistes venus du monde entier. Les étudiants auront la responsabilité de leur travail, une grande liberté de création graphique et plastique.

Mark Zborowski et rétrospectives L’Institut de la communication et des médias présente à l’université Stendhal-Grenoble-III “Les dix ans d’affiches du Mois du graphisme d’Échirolles” et “Wittgenstein communication entre cinq objets” de Mark David Zborowski.

Renseignements : 04 75 79 24 00 Affaires culturelles d’Échirolles.

Les grands thèmes d’Échirolles EG 23 1990 : Affiches de l’Europe de l’Est 1991 : Grafica ou le manifeste italien d’utilité publique 1992 : Istvan Orosz et Peter Pocs, la Hongrie à l’heure de l’ouverture à l’économie de marché 1993 : Cent affiches françaises autour du monde 1994 : Berlin, l’image qui tente 1996 : Sur les murs de la dictature de Buenos Aires EG 34 1997 : Graphisme en Chine EG 45 1998 : Tomi Ungerer, Michel Quarez, Italo Lupi EG 56 1999 : Années psychédéliques et réalisme social


Hans Eduard H. E. Meier lors de son apprentissage de compositeur typographe, vers 1940. H. E. Meier, été 2000. Ci-contre, lettres extraites d’une page de cours : indications pour le dessin des lettres et pour l’inclinaison de la plume, vers 1965.

Meier


t y p o g r a p h i e par roxane jubert

Hans Eduard Meier a consacré sa vie à la lettre – au dessin de caractères, à la typographie, à la calligraphie et à l’enseignement. La profondeur de sa réflexion s’éclaire à la lumière de l’histoire, classique comme moderne. Féru de calligraphie et habité par l’évolution des écritures depuis leurs formes antiques, il publie à la fin des années cinquante Le Développement des caractères. Nourri d’un vaste savoir-faire, cet ouvrage concis, de la main d’un calligraphe, est resté une référence en la matière. Toujours dans les années cinquante, il entreprend la conception d’un caractère qui combine la modernité des lettres sans sérif avec

en toutes lettres le squelette des alphabets de la Renaissance. Ce sera le Syntax, qui prendra forme lentement, mûrissant au fil des décennies. Au passage, les remaniements successifs du caractère suivront les mutations techniques de la seconde moitié du xxe siècle. Hans Eduard Meier s’est aussi consacré à la pratique du graphisme – pour des domaines aussi différents que la culture ou l’industrie. Distribuant ses connaissances, il a également poursuivi une longue carrière dans l’enseignement. Son œuvre peut aujourd’hui se lire comme un espace de sérénité, comme un îlot tranquille qui tourne opiniâtrement le dos aux exigences de productivité et de rentabilité imposées à la création contemporaine.

A

l’heure

où les courants dominants affichent leur fascination pour les nouvelles technologies et versent à plein dans le système de la mode, il est parfois utile de s’abstraire de cette course folle pour revisiter les pages discrètes de l’histoire contemporaine. C’est sans doute ainsi qu’il faut approcher l’œuvre de Hans Eduard Meier. Loin des cascades d’images et de sons que voit déferler la société d’aujourd’hui, sa carrière découvre une pensée inscrite sur le long terme, à travers une vie consacrée à l’écriture, à la typographie et au dessin de caractère. Cet engagement personnel correspond à la nécessité d’un cheminement intérieur et s’attache à la volonté de donner forme à des convictions précises. Habité par une même passion de la lettre qu’Albert Boton, Hans Eduard Meier a été actif tout au long de la seconde moitié du xxe siècle. Il est toujours à l’œuvre aujourd’hui. Fait exceptionnel, cette génération aura connu une double révolution des techniques d’impression. Vers 1950, alors que le procédé découvert par Gutenberg est utilisé depuis déjà cinq siècles, la photocomposition s’apprête à succéder au plomb. A peine quel-

ques décennies plus tard, au milieu des années quatre-vingt, l’avènement du numérique est sur la point de supplanter les autres techniques. Comme dans bien d’autres champs d’activités, la pratique du dessin de caractère se trouve bouleversée par ces évolutions. Les lettres, longtemps dessinées puis exécutées une à une manuellement, peuvent désormais naître directement sur écran. C’est la méthode qu’a choisie Hans Eduard Meier : elle lui vaut un gain de temps considérable. Pour ceux qui n’auront pas connu les antécédents du confort technologique, il est sans doute difficile de se représenter la capacité d’adaptation et la réorganisation du travail qu’ont exigées de telles mutations.

Un contexte exceptionnel Hans Eduard Meier est né en 1922 à Horgen, en Suisse, au bord du lac de Zurich. Étudiant à l’École des arts appliqués 1 de Zurich de 1943 à 1946, il bénéficie d’une formation de pointe. L’école est alors dirigée par Johannes Itten 2, une figure importante du premier Bauhaus. En ce début des années quarante, l’enseignement de la lettre dans les écoles d’art est encore très récent. A l’école de 11.2000

59


1

1 Illustration de H. E. Meier pour un poème, effectuée vers l’âge de 14 ans (gravure). 2 Augusto Giacometti, affiche pour les chemins de fer suisses, 1930. 3 Otto Baumberger, affiche pour l’alcool Brak Bitter, 1937. 4 Max Bill, affiche programme pour une matinée au théâtre de la ville de Bâle, 1931 (impression noir et Iris).

2

3

4

Zurich, pionnière sur ce terrain, les cours de calligraphie et de dessin de lettre ont été instaurés dès 1916. Au Bauhaus, c’est vers 1923 que la typographie et le graphisme découvrent des perspectives nouvelles. Autour des années vingt, la vivacité des avant-gardes bouscule ici et là les pratiques du graphisme et de la typographie. L’idée d’une “nouvelle typographie” prend forme, adhérant à l’esprit du temps et aux dernières avancées artistiques. Cette approche véritablement nouvelle se confirmera dans les années trente, tant sur le terrain professionnel que dans les écoles d’art. Dans les années quarante, l’école de Zurich compte parmi ses étudiants Jean Widmer, Adrian Frutiger, Josef Müller-Brockmann, Emil Ruder, ou encore le peintre cinétiste Yaacov Agam. Hans Eduard Meier y suit les cours d’Alfred Willimann et d’Ernst Keller (voir encadré). Tous deux font alors partie des personnalités marquantes du graphisme en Suisse – où se cristallise un ensemble de pratiques nouvelles, héritières des avant-gardes et promises à un avenir exceptionnel. Pour s’être inscrit dans une scène artistique très riche, le contexte de formation de Hans Eduard Meier mérite d’être décrit plus amplement (voir enca-

dré). Au nord, en Allemagne, les avant-gardes disparaissent brutalement au milieu des années trente avec la montée en puissance du nationalsocialisme. Les pays avoisinants – Suisse, Italie, France et Pays-Bas – s’affirmeront comme d’actifs foyers du graphisme. C’est dans ce contexte que la Suisse voit germer un âge d’or. De nombreux pionniers s’illustrent, nés aux alentours de 1900 ; dans la plupart des cas, graphisme et typographie ne représentent qu’une partie de leurs activités. Parmi les grandes figures du moment se distinguent – outre Ernst Keller et Alfred Willimann – Jan Tschichold, Max Bill, Herbert Matter, Otto Baumberger, Anton Stankowski, etc. Leur œuvre est d’ailleurs parallèle à l’important développement de l’art concret à Zurich autour des années quarante – mouvement d’abstraction géométrique rigoureux qui se construit autour de Max Bill, Camille Graeser, Richard Paul Lohse et Verena Loewensberg.

typographe de 1939 à 1943, puis comme graphiste à l’école de Zurich jusqu’en 1946. Depuis son plus jeune âge, le dessin et la peinture comptent parmi ses activités favorites. Enfant, il s’était déjà fabriqué sa propre boîte de peinture et son chevalet. Ses autres passions de jeunesse lui avaient d’abord fait envisager un tout autre métier : celui de “constructeur d’avion”. Les circonstances le mèneront à la typographie. Par le biais de relations familiales, il fait l’apprentissage du métier de compositeur typographe. L’école de Zurich consolidera ensuite sa pratique du dessin, de la peinture, du graphisme, et surtout de la calligraphie et du dessin de lettre – matières pour lesquelles il conçoit le plus grand intérêt. Il voue une grande admiration à son professeur Alfred Willimann, calligraphe hors pair à qui il reconnaît rétrospectivement devoir toute sa carrière. En sortant de l’école, en 1946, il travaille d’abord pour le magazine culturel zurichois Du. Puis, en 1948, il part pour Paris avec l’objectif de s’installer comme graphiste indépendant. Mais le travail lui fait défaut, et ses visuels sont jugés

60   11.2000

L’apprentissage et les débuts d’une carrière

C’est donc dans un contexte particulièrement riche que Hans Eduard Meier effectue son apprentissage. D’abord comme compositeur


5

8

5 Cursive minuscule (iiie siècle). 6 Semi-onciale romaine (ve siècle). 7 Écriture lombardobénéventine (xie siècle). 8 Écriture

6

9

mérovingienne (viie siècle). 9 Semi-onciale irlandaise (viiie siècle). à Onciale tardive. a M­inuscule carolingienne (xie-xiie siècles). z Textura (xve siècle).

à

Dessins de H. E. Meier. e Gothique ronde

7

a

z

e

(dite rotunda, xve siècle).

La présence des avant-gardes européennes Témoins de la fertilité du contexte, de nombreux échanges se tissent entre la Suisse et les acteurs de l’avant-garde. En 1916, c’est à Zurich que naît le dadaïsme, autour de poètes et d’artistes en exil fuyant la première guerre mondiale. C’est là encore que Jean Arp et Sophie Tauber se rencontrent, en 1915. Dans les années vingt, El Lissitizky fait régulièrement le voyage en Suisse (Die Kunstismen, célèbre ouvrage écrit avec Arp, paraît en 1925). Depuis la Suisse, de nombreux contacts s’établissent encore avec les protagonistes de l’avant-garde européenne, dont Kurt Schwitters, Le Corbusier, Walter Gropius, etc. Vers 1930, plusieurs personnalités quittent l’Allemagne pour la Suisse. De retour du Bauhaus, Max Bill s’installe à Zurich en 1929. Pour échapper au nazisme, Paul Klee et Johannes Itten rentrent également en Suisse. Jan Tschichold, porte-parole de la “nouvelle typographie”, s’installe à Bâle en 1933 : les nazis l’ont contraint à quitter son poste d’enseignant à Munich. L’ensemble de ces va-et-vient transnationaux a largement contribué au développement du graphisme et de la typographie en Suisse dès la fin des années dix.

11.2000

61


r

Chronologie des écritures Caractères lapidaires grecs viii e-ve siècle av. J.-C. Caractères lapidaires romains ii e siècle av. J.-C.

Rustica ive-ve

siècle

Cursive majuscule ie-iie siècle (deuxième époque)

Quadrata (majuscules) i e-ive siècle Onciale romaine ive-ve siècle

Anciennes écritures italiennes ive-xi e siècle

Écriture wisigothique x e siècle

Cursive minuscule iiie siècle (troisième époque)

Semi-onciale romaine ve siècle

Écriture mérovingienne vii e-viii e siècle

Semi-onciale irlandaise et anglo-saxonne ve-xii e siècle

Écriture carolingienne viii e-xii e siècle Écriture gothique xiii e siècle

Ronde gothique (Rotunda) xve siècle

Cursive gothique xive-xve siècle

Écriture gothique (textura) xive-xve siècle

Caractères allemands (fratur) xvi e-xix e siècle

Écriture humaniste xve siècle Écriture classique xviii e siècle

Écriture allemande tracée au moyen d’une plume pointue xvie-xixe siècle

Écriture latine tracée au moyen d’une plume pointue à partir du xviii e siècle

r Évolution historique des formes d’écritures de l’alphabet latin, du viiie siècle avant J.-C. au xixe siècle. Tableau synoptique conçu par H. E. Meier pour son livre Le Développement des caractères.

“trop germaniques”. Il profite alors de sa présence à Paris pour s’initier à la gravure à l’école Estienne et perfectionner sa pratique du dessin. Une opportunité inattendue s’offre alors à lui. Alfred Willimann, son ancien professeur, lui propose d’enseigner l’écriture à l’école de Zurich. Ravi de cette perspective, il repart en Suisse.

Le Développement de l’écriture : un ouvrage de référence Hans Eduard Meier commence à enseigner à l’École des arts appliqués de Zurich en 1950. Il y donnera des cours d’écriture – dessin de lettre et calligraphie – pendant 36 années (voir encadré). Héritier de la polyvalence des artistes avant-gardistes, il enseigne aussi la peinture, le dessin et la perspective. Dès ses premières années d’enseignement, il prépare à l’attention de ses étudiants des modèles d’écritures historiques. Il leur fournit ainsi des copies d’exemples calligraphiés de sa main. Ces pages d’écriture serviront de base à l’élaboration de son ouvrage Le Développement des caractères. L’opuscule est édité à Zurich en 1959 : il retrace l’évolution de l’écriture à travers quelque 70 exemples, depuis les inscriptions lapi62   11.2000

daires grecques antiques du ve siècle av. J.-C. aux caractères sans sérif contemporains. L’ouvrage est édité en trois langues – allemand, français et anglais (c’est souvent le cas en Suisse, où les langues se superposent 3). Aujourd’hui, après plus de dix rééditions, le livre est toujours disponible et reste une référence en la matière ; quelque 25 000 exemplaires en ont été vendus. Le Développement des caractères parcourt aussi l’histoire des principales écritures manuscrites, que vient compléter une dizaine de caractères typographiques importants. La lente évolution des formes traverse ainsi 2 500 ans d’histoire, à travers les inscriptions grecques et romaines d’avant notre ère, les capitales dites quadrata et rustica, les écritures cursives de la fin de l’Antiquité, l’onciale et la semi-onciale, les écritures mérovingiennes et wisigothiques du haut Moyen Âge, la caroline, les différentes gothiques (dont la Textura, qui fut aussi le tout premier caractère d’imprimerie), l’écriture humanistique, le caractère romain, la cancellaresca, les caractères néoclassiques, les écritures à la plume du xviiie siècle, l’égyptienne et les caractères sans sérif (voir images p. 61).

Tous les exemples de calligraphie reproduits dans Le Développement des caractères sont de la main de Hans Eduard Meier. Comme son premier objectif fut pédagogique, il n’a pas cherché la reproduction fidèle d’exemples originaux fournis par l’histoire, mais une mise en évidence de ce que ces modèles présentent d’essentiel et de typique pour illustrer plus clairement le développement des formes d’écriture 4. Les lettres apparaissent dans des fragments de texte, et rarement selon l’ordre alphabétique. Concis et didactique, l’ouvrage se détourne des aspects plaisants et décoratifs de la calligraphie 5 pour retrouver l’empreinte des principaux stades de l’écriture grâce à des tracés aussi justes que possible. En cela, c’est un document de référence pour qui veut s’initier à la calligraphie ou se perfectionner. La préface du livre explique d’ailleurs clairement que ces reproductions de calligraphies originales pourront servir de modèles pour des exercices où l’accent sera mis sur la beauté et sur la pureté des formes, et non sur des valeurs expressives ou émotives 6.

Le Syntax :


t

t Comparaison du

y

Futura (1927), du Gill (1928), de l’Helvetica (1957) et du Syntax. y Grille de construction pour les capitales du Romain du Roi, 1692. Conçu pour l’Imprimerie Royale sous Louis XIV (méthode Jaugeon). u En haut : première version du Syntax (avant-projet de 1955). En bas : version numérique du Syntax.

u

Alfred Willimann, affiche pour une exposition sur la lumière, musée des Arts appliqués de

Alfred

Zurich, 1932.

Willimann.

Page de cours d’Alfred Willimann, École de Zurich.

Ernst Keller,

Ernst Keller, affiche

affiche électorale

pour le musée Rietberg

“Votez pour la

à Zurich (collection d’arts

liste 4”, 1935.

non européens), 1953.

Alfred Willimann et Ernst Keller Professeurs à l’École des arts appliqués de Zurich, ils comptent parmi les principaux graphistes exerçant en Suisse depuis l’entredeux-guerres jusqu’aux années cinquante. Tous deux auront eu un rôle déterminant dans les développements du graphisme et de la typographie, notamment à travers leur enseignement. Ernst Keller (1891-1968) a étudié la lithographie et la typographie au début des années dix. Graphiste, typographe, affichiste, héraldiste et sculpteur, il enseigne le graphisme à l’école de Zurich à partir de 1918. Certains le considèrent comme le pionnier du “graphisme suisse”. Alfred Willimann (1900-1957) a lui-même été étudiant à l’école de Zurich. Il y enseigne à partir de 1930 le dessin, l’art de l’écriture, et plus particulièrement la typographie en association avec le photomontage. Au-delà de l’enseigne­ment, ses activités professionnelles découvrent aussi une œuvre polymorphe : graphisme, typographie, sculpture, photographie, écriture, calligraphie, dessin, etc.

11.2000

63


i

o

i Avant-projet pour

q Texte imprimé

le Syntax, 1955.

par Nicolas Jenson à

o Écriture

Venise en 1 480.

humanistique, xve siècle.

Un des premiers

p Exemple d’écriture

romain harmonieux

humanistique

et très lisible.

exemples de caractère

– sur laquelle se base le Syntax – dont le dessin est proche du caractère d’imprimerie correspondant, le caractère romain. Entre autres caractéristiques : l’attaque assez plate de la courbe du n (généralement plus arrondie), la boucle

p

du e et du a, ou le dessin du g.

q

réunir le moderne et l’ancien L’attachement de Hans Eduard Meier pour les beautés de l’alphabet […] a pris naissance dans la calligraphie 6. Ce retour aux sources ne l’a pas empêché de rechercher la contemporanéité des formes. Sans doute même son intérêt pour l’évolution d’une pratique bimillénaire lui aura permis de projeter l’inscription d’une forme inédite dans l’histoire. Telle est peut-être l’ambition du Syntax, son principal caractère – et aussi le premier qu’il ait dessiné. Hans Eduard Meier y a travaillé des années durant, puis l’a complété et affiné au fil des décennies. A l’origine du projet, au milieu des années cinquante, il dessine un caractère sans sérif (images i à q) basé sur les proportions des alphabets de la Renaissance – écritures humanistiques et carac­ tères romains (cf. Alde Manuce, Nicolas Jenson, Garamond, etc.). Cherchant la trace d’un geste séculaire, il fuit toute tentative de géométrisation ou de construction normée des lettres. C’est ainsi qu’il envisage de créer un alphabet spécifique qui, à sa connaissance, n’existe pas encore. Il veut combiner la forme alphabétique la plus simple avec la structure des écritures ap64   11.2000

parues en Italie au début du Quattrocento – lesquelles donneront naissance au caractère d’imprimerie dit romain, vers 1470. Avec un tel projet, il retrouve les qualités d’un alphabet qui, au fil des siècles, s’est avéré éminemment lisible : les caractères romains ont en effet dominé une grande part de la presse et de l’édition depuis leur invention (en dehors des pays germaniques 7). Pour Hans Eduard Meier, il ne s’agit pas d’ajouter sa propre création au répertoire existant des caractères sans sérif, dont il existe déjà des centaines de variantes ; il n’est d’ailleurs pas un créateur éponyme. Il souhaite avant tout ajuster le caractère bâton sur des formes sensibles polies par des siècles d’histoire. Sans ambages, il déclare même son aversion pour les écritures sans sérif trop construites ou trop techniques, comme l’Helvetica, le Futura ou le Gill. Au début du xxe siècle, en un temps dominé par la technique, on croyait que pour qu’un caractère soit moderne, il fallait qu’il ait l’air construit 8. Les alphabets des années vingt et trente découvrent en effet une forte tendance à la géométrisation. Mais l’esprit du temps le voulait ainsi, qui voyait les avant-gardistes chercher une synthèse des arts, aboutir à des formes élémen-

taires, exacerber la géométrie et rendre visible la construction. Si, au milieu des années cinquante, Hans Eduard Meier juge insatisfaisants ces caractères à tendance géométrique, c’est sans doute parce que d’autres avant lui (en fait assez peu de temps avant) ont accepté sans entraves la machine et le monde industriel – jusqu’alors plutôt mal acceptés par les artistes. Un petit détour par l’histoire rappelle néanmoins que, pour les caractères, la question de la part du dessin et de la construction est sujette à polémique depuis bien longtemps. Tracé manuel et structure normée se sont affrontés depuis plusieurs siècles (tout comme, en peinture, les débats autour du dessin et de la couleur). Ainsi, au xviiie siècle, le typographe Pierre-Simon Fournier s’est insurgé contre les premières constructions du caractère dit Romain du Roi – caractère ébauché en 1692 pour l’Imprimerie Royale, à la demande de Louis XIV. Fournier s’emporta ainsi : Comment a-t-on pu rétrécir l’esprit et éteindre le goût, en donnant ainsi des entraves au génie par des règles si confuses et si hasardées ? Faut-il donc tant de carrés pour former un O, qui est rond, et tant


s

d

s Les cinq premières variantes du Syntax : normal, italique, demi-gras, gras, extra-gras. d Dernière version du Syntax, Linotype (Syntax Heavy).

L’enseignement d’après Hans Eduard Meier

quatre couleurs au total).

L’enseignement de la connaissance des caractères est une branche particulière dans une école d’art visuel. Et elle n’est pas particulièrement appréciée puisque requérant beaucoup d’attention, d’exactitude et de persévérance. […] Le dessin précis d’un caractère est de même un exercice réellement difficile. […] Souvent, les élèves ne sont pas préparés à l’étude de ces matières. […] Grande est donc leur déception devant les exigences de précision et de rigueur dans le travail. Mais sans ces qualités de perfection et de constance, il n’est guère possible de dépasser le stade des balbutiements – non seulement dans le domaine de l’écriture et des caractères, mais encore par exemple dans la représentation exacte de la perspective par le dessin. […] Au cours des premières semaines d’étude des caractères particulièrement, les libertés créatrices sont donc assez réduites. […] Mais ensuite rapidement d’autres exercices, toujours dans la même optique, permettent de dégager une certaine indépendance et une démarche personnelle.

Travail d’étudiant.

Hans Eduard Meier, in TM/RSI n° 4, Suisse, 1991, p. 1 et 2.

Exercice : découpage des lettres d’un prénom dans une feuille blanche au format A4. Assemblage de ces lettres et des chutes sur un format A3 noir. Travail d’étudiant.

Exercice : création d’une composition avec deux initiales dans un carré (linogravure deux couleurs, soit

11.2000

65


f

g

f Caractère Lapidar, version sans sérif, 1995. g Écriture lapidaire romaine (iie siècle av. J.-C.) dont H. E. Meier s’est inspiré pour le caractère Lapidar. h Évolution de la forme des lettres minuscules, précédées de la capitale correspondante (étude

h

de H. E. Meier destinée à ses étudiants). Pour écrire rapidement,

j

les diverses parties de la capitale ont été reliées, et leurs angles se sont arrondis. Ainsi sont nées de nouvelles formes, dont l’origine – la capitale – n’est plus guère perceptible de nos jours. (Cité in TM/ RSI n° 4, Suisse, 1991, p. 15.) j Syntax Sérif normal, avec petites capitales, 1999-2000.

de ronds pour former d’autres lettres qui sont carrées ? […] Le génie ne connaît ni règles ni compas, si ce n’est pour des parties géométriques 9. Dans l’avant-projet du Romain du Roi, les lettres dépendaient en effet d’une grille divisée en 2 304 petits carrés… Loin d’une telle logique de construction, Hans Eduard Meier cherche le dessin et la forme naturelle issue du mouvement de la main. Son projet consiste à introduire une part d’histoire dans un caractère qu’il veut néanmoins résolument contemporain. Il s’agit de donner à un alphabet de notre temps un peu de l’humanisme propre à l’écriture renaissante, en combinant la structure d’une lettre aujourd’hui “vieille” de 600 ans avec la forme moderne la plus simple de l’écriture latine 10. La valeur du Syntax s’apprécie donc au regard de l’histoire. Issu de connaissances précises et d’un savoir-faire pointu, le caractère demande à être observé de près. Ses formes les plus caractéristiques se retrouvent dans les lettres a, b, g, k, n et x k . Aux caractères de la Renaissance, Hans Eduard Meier emprunte ainsi la spécificité des formes – par exemple le dessin du n, dont l’attaque de la courbe est peu arrondie 66   11.2000

p, ou les proportions des jambages inférieurs 11. Son alphabet combine dans un même dessin une structure synthétique avec un modèle de lisibilité et d’élégance. Le Syntax reflète l’harmonie d’une écriture assimilée à un canon esthétique. De fait, il procure un grand confort de lecture, bousculant une idée assez répandue qui affirme la moindre lisibilité du caractère bâton 12. Les premières esquisses du Syntax remontent à 1955. Elles montrent un caractère qui se cherche et qui n’a pas encore l’assise, ni la fluidité de sa forme finale (par exemple, le départ des courbes est encore très plat u i ). Sans doute est-ce là la preuve de la complexité du projet. Ces premiers dessins sont tracés à main levée, sans règle ni équerre. Involontairement, Hans Eduard Meier a donné une légère inclinaison aux verticales – à peu près un degré. L’alphabet, qui conservera cette caractéristique, y gagne en dynamique. En 1968, au terme de plusieurs années de recherche, la première version disponible du Syntax se décline en trois variantes – romain, italique et demi-gras 13 (pour la composition en plomb). Il faudra encore plusieurs années pour perfectionner ces formes et

leur ajouter deux nouvelles variantes, le gras et l’extra-gras. Au début, le caractère s’est peu vendu. D’après Hans Eduard Meier, le Syntax est arrivé trop tôt sur le marché et a subi la redoutable concurrence de l’Helvetica et de l’Univers, conçus quelques années plus tôt (1957). Disponible en plomb 14, le Syntax ne faisait alors pas l’affaire des imprimeurs qui évoluaient déjà vers la photocomposition. Aujourd’hui, après s’être adapté au plomb puis à la photocomposition, le Syntax existe sous forme numérique et se décline en une vingtaine de variantes. Pour cette dernière version, les lettres ont à nouveau été remodelées. Jugeant insatisfaisantes les formes d’origine du Syntax, Hans Eduard Meier a de nouveau effectué quelques microcorrections pour les parfaire. Il a ainsi consacré des années à la conception de ce caractère. Expliquant qu’on ne peut pas vivre du dessin de caractères, on peut simplement le pratiquer comme un passe-temps 8, il a agi avant tout par conviction personnelle. Le Syntax, dont il considère aujourd’hui que la version numérique constitue une forme achevée, représente peut-être l’œuvre majeure de sa carrière. Un tel


k

l

Notes 1. Kunstgewerbeschule, littéralement : école des métiers d’art. Depuis l’école a changé de nom et s’appelle Hochschule für Gestaltung und Kunst – École supérieure d’art et de design. 2. Johannes Itten dirige l’École des arts appliqués de Zurich de 1938 à 1954. Il dirige en même temps le musée des Arts appliqués de la ville. En pleine effervescence avant-gardiste, il a joué un rôle très important au Bauhaus, dès la fondation de l’école en 1919. Jusqu’en 1923, il y a dirigé le fameux “cours préliminaire”. Peintre et coloriste, il est également l’auteur de

k Lettres

l’ouvrage L’Art de

caractéristiques du

la couleur (Dessain et Tolra,

Syntax.

rééd. 1996).

En petit : Akzidenz

3. On y parle essentiellement

Grotesk (1898) et

le suisse alémanique, l’allemand, l’italien, le français et le

Univers (1957).

romanche.

l Affiche pour une

4. H. E. Meier, in Le

exposition de

Développement de l’écriture,

tapisserie

Graphis Press, Zurich, 1959, p. 4.

au musée Helmhaus

5. Calligraphie : du grec kallos

de Zurich, vers 1955.

(beauté) et graphein (écrire). 6. Max Caflish, in Le Développement de l’écriture, p. 3. 7. Dans les pays germaniques, la lettre gothique a en effet dominé le document imprimé jusqu’au xxe siècle.

Plagiats ou étranges coïncidences ?

Caractère Synchron.

Comme beaucoup de créations qui en imposent, le Syntax a fait l’objet de récupérations. Celles-ci profitent de la difficulté qu’il y a à départager la source d’inspiration (ou le modèle) de l’emprunt à peine maquillé qui relève du plagiat. Le Syntax a ainsi fait des petits dont les noms, paradoxalement, confirment la filiation. Tous commencent par le préfixe “syn” : Synthesis, Synchron et Symphony*. Hans Eduard Meier doit donc assumer cette paternité illégitime, totalement indésirable et certainement des plus agaçantes. Une chose est sûre : de telles imitations sont des formes données à l’absence d’idées, dont on a du mal à imaginer le désintéressement.

8. Conférence, colloque Typo [media] 2000, Mayence, 22 juin 2000. 9. Cité par F. Thibaudeau in La Lettre d’imprimerie, tome i, Bureau de l’édition, Paris, 1921, p. 264.

* Voir l’étude très fouillée de Max Caflisch dans la revue TM/RSI n° 6, Suisse,

Caractère Symphony.

1996 (en allemand).

Caractère Syntax.

11.2000

67


m

m Affiche pour des concerts populaires à la Tonhalle de Zurich, 1957. ù Affiche pour un concert à Zurich, 1957. w Lettrage en grec pour une pierre tombale (commande), vers 1965.

w

ù

caractère rappelle que la typographie est d’abord faite pour être lue (en termes quantitatifs, l’usage des caractères de texte prévaut), et que l’évolution de l’écriture, dans sa dimension historique, tient à des modifications discrètes. La grande force de ce caractère est sans doute de porter un véritable projet, complexe et ambitieux, conduit à son terme. Ici, pas de poudre aux yeux, mais la maturation modeste d’une belle idée. Face à la profusion actuelle des alphabets, dont beaucoup proclament une fuite des savoir-faire (tout à fait légitime au regard de la culture et des pratiques artistiques actuelles), le travail de Hans Eduard Meier semble appartenir à un autre temps. Paradoxalement, il y a pourtant fort à parier que le Syntax restera dans l’histoire…

D’autres projets Tout récemment, le Syntax s’est enrichi d’une variante avec sérif, conçue directement sur écran à partir de la version sans empattement. Face à l’imposant projet du Syntax et à son articulation avec l’écriture, l’œuvre de Hans Eduard Meier découvre d’autres caractères, comme le Barbedor 15, le Letter, le Lapidar ou le Syndor. Le Syn68   11.2000

tax et le Barbedor sont les seuls alphabets pour lesquels il a d’abord fait des esquisses sur papier. Comme le Syntax, le caractère Lapidar part d’un modèle historique : l’écriture lapidaire romaine antique (comme l’indique son nom), dans sa variante sans sérif. L’alphabet garde néanmoins une grande liberté, et certaines lettres sont réinventées ou interprétées à partir d’autres modèles – comme le e, le a ou le g (voir figure 26). En tant que graphiste et dessinateur de caractères, Hans Eduard Meier a aussi été amené à travailler pour l’industrie et pour la culture. Il a, par exemple, conçu des identités visuelles et des alphabets spécifiques d’entreprises. Il a également créé des affiches pour diverses manifestations culturelles à Zurich – expositions, concerts, etc. Dans un tout autre registre, il a aussi dessiné des lettrages pour des pierres tombales. Sans compter d’innombrables calligraphies réalisées pour le plaisir, à partir de poèmes, notamment ceux de Christian Morgenstern. Il a encore donné des conférences et organisé des ateliers de calligraphie en Europe et aux États-Unis. En 1984, pour rester en phase avec les nouvelles technologies, Hans Eduard Meier s’initie à

l’outil informatique. C’est d’ailleurs devenu son unique instrument de travail pour la création de caractères. Il ne conçoit plus d’esquisses sur papier et ne possède d’ailleurs pas de scanner. Son goût pour la nature et le naturel est resté inchangé : au-delà de l’écran, perché dans un petit village en altitude, il savoure une vue splendide sur un massif de montagnes surplombant le lac de Walen. Ces dernières années, il a travaillé sur divers projets. En 1995, il a par exemple été chargé de mettre au point le nouveau caractère destiné aux billets de banque suisses. Pour cette commande, il a dû remodeler la version condensée de l’Helvetica : il a redessiné certaines lettres dont les formes ne le satisfaisaient pas, a ajusté la graisse au graphisme des billets et a légèrement diminué la chasse du caractère pour pouvoir les espacer (les caractères des billets antérieurs étant selon lui trop peu interlettrés). Aujourd’hui, à 77 ans, il s’attelle à de nouveaux projets, dont un modèle d’alphabet destiné à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. L’idée étant de créer un répertoire de formes simples, que les enfants pourront aisément déchiffrer et recopier. Également sensible à


x

c

n

x Logotype pour Hobel, magasin spécialisé dans les objets et les meubles menuisés, vers 1955. c Projets de logotype pour AEG (Société générale d’électricité) de H.E. Meier, années cinquante. b Évolution des logotypes d’AEG (Société générale d’électricité) de 1898 à 1928. , Conception d’un

,

alphabet destiné à être embossé sur la partie métallique de ceintures (non imprimé), vers 1960.

10. Les premières traces de l’alphabet latin remontent à

; Projet de logotype

quelques siècles avant notre ère.

“Viktor Meyer”,

Il s’est vraisemblablement constitué entre le viie et

vers 1960.

;

le iiie siècle avant J.-C. 11. Voir l’étude très fouillée de Max Caflisch dans la revue TM/ RSI n° 6, Suisse, 1996 (en allemand). 12. Cette idée, partagée par certains professionnels du dessin de caractère, concerne la lecture de textes courants. Si elle s’explique et se vérifie, il semble néanmoins qu’elle ne se justifie que par les habitudes de lecture – la plupart des textes étant typographiés en caractères romains depuis des siècles. Pour preuve de cette relativité :

Le développement des caractères sans sérif

l’hostilité au caractère de John Baskerville, créé au xviiie siècle.

Si, avant notre ère, les écritures gréco-romaines utilisaient déjà des lettres sans sérif, le premier caractère d’imprimerie de ce genre remonte vraisemblablement au début du xixe siècle. Il est utilisé par l’Anglais William Caslon IV (l’arrière-petit-fils de Caslon), dans le catalogue de sa fonderie de caractères paru en 1816. Bien que très audacieux et à l’origine d’une nouvelle grande famille d’alphabets, ce premier caractère bâton restera pour un temps impopulaire. C’est seulement vers la fin du xixe siècle que les alphabets sans sérif gagnent leurs lettres de noblesse auprès des imprimeurs. Comme quoi la pertinence d’un caractère ne s’évalue (ou tout au moins ne s’évaluait) que sur le long terme. La consécration des sans sérifs s’amplifiera dans les premières décennies du xxe siècle. Aux alentours de 1900, le succès du caractère bâton se confirme en Europe comme aux États-Unis avec des alphabets comme l’Akzidenz Grotesk (1898), le Franklin Gothic (1905) ou le News Gothic (1908). Dans les années vingt, avec l’effervescence des avant-gardes, une nouvelle série de caractères sans sérif voit le jour – comme le Futura, le Kabel ou le Gill. Déjà, la nouvelle typographie des années vingt et trente annonce sa prédilection pour de tels caractères. En 1925, Jan Tschichold déclare ainsi que toute typographie […] doit être donnée sous la forme la plus brève, la plus simple […] la forme élémentaire de la lettre est l’alphabet des linéales *. Au fil du xxe siècle, l’usage des caractères sans sérif ne cessera de s’affirmer. Cet usage ne s’est toutefois généralisé que vers 1900, c’est-à-dire beaucoup plus récemment que les autres grandes familles de caractères. * Cité par F. Baudin in L’Effet Gutenberg, Éd. du Cercle de la Librairie, s. l., 1994, p. 449.

L’un de ses détracteurs a été jusqu’à voir dans le Baskerville le moyen d’aveugler tous les lecteurs de la Nation [les ÉtatsUnis], à cause de ses formes déliées très fines (cité par A. Haley dans U&lc, fév. 1985, p. 15). Aujourd’hui, le Baskerville compte parmi les grands classiques du caractère romain, dont on vante la lisibilité. 13. A titre indicatif, chaque version nécessite approximativement deux mois de travail. 14. Le Syntax a été le dernier caractère en plomb de la fonderie Stempel à Francfort. 15. Du nom de Louis Barbedor, calligraphe français du xviie siècle

Caractère sans sérif utilisé par William Caslon IV en 1816 à la fin de son spécimen de caractères.

au talent

exceptionnel, “Secrétaire ordinaire de la Chambre du Roy”. 16. Correspondance personnelle. 17. In La Lenteur, Gallimard, 1995, p. 10-12.

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:

: Caractère pour les

Pour en savoir plus :

=

billets de banque suisses, 1995 (remaniement de l’Helvetica condensé). = Modèle d’alphabet destiné à

A

l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (projet en cours). A Premières ébauches pour une variante décorative du Syntax, (projet en cours).

la fantaisie et curieux de formes insolites, il entreprend aujourd’hui la conception d’une version très décorative du Syntax.

Une question de temps L’œuvre de Hans Eduard Meier échappe donc aux impératifs de la société d’aujourd’hui. Sans limite de temps, il a peaufiné et complété le vaste projet du Syntax. Sans aucun but lucratif, mais plutôt pour le plaisir, comme une contribution volontaire à la typographie, ou plutôt à l’écriture. Son exemple impose le langage de l’humilité et parie sur la durée. Seul le temps saura confirmer l’ampleur de son projet, à contresens de toute emphase visuelle. C’est d’ailleurs là un trait unique de notre époque que de faire coexister de tels savoir-faire avec un champ de créations en constant renouvellement. Pour sa part, Hans Eduard Meier émet les plus grandes réserves sur l’ouverture revendiquée par les pratiques actuelles, et trouve absurde la typographie qui se fait en employant toutes les possibilités de l’ordinateur 16. Et pourtant, avec l’ébauche d’une version décorative du Syntax, il se laisse tenter…

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Le grand mérite du Syntax est sans doute d’avoir cherché à “humaniser” une forme basique issue de la modernité. Avec ce projet, Hans Eduard Meier soulève nombre de questions essentielles, notamment celle de la part de l’histoire – dans laquelle la création artistique contemporaine puise souvent sans discernement. Échappant à la course de vitesse de notre société, il pose par anticipation son regard sur l’histoire contemporaine. Au-delà d’un savoir-faire de praticien, sa démarche suggère presque une philosophie de la vie. Elle rappelle l’éloge de “la lenteur”, prononcé par l’écrivain Milan Kundera : La vitesse est la forme d’extase dont la révolution technique a fait cadeau à l’homme. […] Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? 17 ■

La version numérique du Syntax est diffusée par Linotype Library (www. linotypelibrary.com). • Hans Eduard Meier Le Développement des caractères Die Schriftentwicklung The Development of Script and Type, (français/ allemand/ anglais), Syndor Press, Suisse, 1994, 48 p. Prix : 17 euros. E-mail : syndorpress@bluewin. ch En vente à la librairie La Hune. Autour du sujet : • Adrian Frutiger L’Histoire des antiques, revue TM/RSI n° 1, Suisse, 1988. • Hans Jurg Hunziker L’Affiche typographique suisse, catalogue d’exposition (français/ anglais), Maison du livre, de l’image et du son, Villeurbanne, France, 1995. Le texte et l’iconographie de cette publication très instructive retracent le développement et le rôle de la typographie en Suisse au xxe siècle, avec un éclairage particulier sur les écoles de Bâle et de Zurich. • Xavier Douroux, Franck Gautherot, Serge Lemoine, L’Art concret suisse : mémoire et progrès, catalogue d’exposition, musée des Beaux-Arts de Dijon, 1982.

Sources • Hans Eduard Meier, Le Développement des caractères, Syndor Press, Suisse, 1994. • Adrian Frutiger, Traces Syndor Press, Suisse, 1999. • Hans Jurg Hunziker, L’Affiche typographique suisse, catalogue d’exposition, Maison du livre, de l’image et du son, Villeurbanne, 1995. • Albert Kapr, Johann Gutenberg, Scolar Press, s. l., 1996. • Alain Weill, L’Affiche dans le monde, Aimery Somogy, Paris, 1991. • Jean-Luc Dusong et Fabienne Siegwart, Typographie. Du plomb au numérique, Dessain et Tolra, s. l., 1996. • Ernst Keller, Graphiker Kunstgewerbemuseum, Zurich, 1976. • Revue TM/RSI n° 4, 1991, n° 6, 1996, n° 7, 1997.


p h o t o g r a p h i e

Le Mois de la photographie dans l’œil de Peter Knapp Spectateur privilégié et acteur du Mois de la photo, Peter Knapp nous offre quelques instantanés de “son” Mois 2000. Coups de cœur, coups de gueule et petite balade nautique sont au menu. Exposé à la Fondation Coprim (jusqu’au 2 décembre) ainsi qu’à l’espace Commines tout au long de novembre dans le cadre du Mois de la photo, le grand “faiseur d’images” suisse sera à l’honneur dans le numéro de décembre d’Étapes graphiques. Nous reviendrons longuement sur son travail graphique et photographique.

C

omme la nostalgie, le Mois de la photo n’est plus ce qu’il a été. J’ai l’impression que dans le passé je découvrais des images et des photographes. Cette année, on nous bassine avec du “déjà” et du “archivu”. De Nan Goldin à Depardon, Germain Krull et Araki ou, encore plus vus, Tabard, Atget, Curtis... Il ne manque plus que Helmut Newton. On les voit à longueur d’année, ils ont déjà été exposés dans le monde entier. Pourquoi encore une fois à Paris, pendant le Mois de la photo ?

Heureusement, d’autres me donnent envie : Louis Hettner, Bruno Cottani, Prusz Kourski, Arnaud Baumann et Tom Sinera. Et puis chemin faisant, j’espère faire des découvertes...

Keichi Tahara Je suis au canal Saint-Martin. Tiberi aussi, avec Keichi Tahara, le photographe japonais (prix Niépce). On lui a passé une commande : créer une animation pour les passagers des bateaux dans le tronçon souterrain de Chemin vert à Oberkampf. “Écho de lumière” est

Motifs : la tendance numérique

J

e suis allé voir “Motifs”, une exposition de photographies numériques chez Picto Bas­ tille. J’ai eu l’impression qu’un jeune photo­ graphe expérimentait les nouvelles technologies. A ma deuxième visite, je m’étais rendu chez Picto pour agrandir une série de mes photographies pour une exposition (je travaille avec M. Jourda, un excel­ lent tireur), entre deux tests, 20 minutes d’attente s’offraient à moi. J’en ai profité pour retourner voir l’exposition. Là, j’ai réalisé que je m’étais trompé. “Motifs” est un hommage à la haute couture. A travers une image, 30 équipes constituées d’un sty­ liste, d’un graphiste et d’un photographe ont célébré 30 couturiers. Si un homme du visuel comme moi n’a pas compris ou vu tout de suite de quoi il s’agissait, cela est pro­ bablement dû à l’uniformité des images issues de cette méthode de travail. Il est un peu attristant que 30 photographies de 30 jeunes photographes diffé­ rents produisent un travail tellement ressemblant. De

tous temps, la retouche photo a existé, mais elle était toujours dirigée par les photographes. L’utilisation de la photographie par les graphistes a également toujours existé, mais leur intervention restait visi­ ble. Dans cette exposition, on se retrouve au cœur d’une macédoine impersonnelle. On nous présente des compositions vaguement surréalistes, déjà vues partout, si ce n’est pas le sujet, c’est le genre. N’est pas Jean-Paul Goude qui veut. Des artistes comme Pierre & Gilles sont aisément reconnaissables tout en utilisant les mêmes méthodes que celles des créatifs de “Motifs”.

Est-ce la faute de l’outil ? Non! Attendons-nous trop de l’outil? Peut-être! Doiton emmener toutes les photographies à l’écran, sous prétexte qu’elles sont numériques? Faut-il retoucher toutes les photographies numériques? Doit-on modi­ fier toutes les couleurs et tous les contrastes ? Une image conçue avec un ordre des priorités nettement

établi associé à une réalisation respectueuse de l’idée peut mener à un résultat individuel. La bana­ lité dans laquelle trop de maquettistes, graphistes et photographes semblent se conformer est condamna­ ble. Le graphiste pénètre l’image du photographe et pense devenir un peu photographe lui-même. Tout le monde tripote dans tous les domaines. Mais cela manque de rigueur. Sous prétexte du numérique, tout le monde croit pouvoir tout faire. Le graphiste réalise une photo numérique pour sa maquette de présen­ tation au client. Un photographe – souvent pas l’un des meilleurs – reshoote l’image, puis le graphiste repasse dessus... Le résultat ne peut pas être bien. Le numérique est un nouveau langage. Mais il ne doit pas être réduit uniquement à des compositions ou des collages manquant d’imagination. L’image s’invente, elle se réalise. Mais pour qu’elle existe d’une façon originale, tous les participants au travail de l’image doivent être respectueux les uns des autres. ■

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a g e nd a

un jeu de lignes irisées comme des bulles de savon qui se dé­forment et se promènent sur les parois de brique du tunnel. Un travail inattendu de l’amoureux des anges, qui l’ont bien inspiré. Cela vaut le détour, comme on dit.

Prix de la SCAM J’aime aller à la SCAM, cette société qui défend et protège les droits d’auteur, située dans la villa Vélasquez. Tous les ans, elle décerne un prix de la photographie. Je participe au jury, parmi sept experts et photographes qui, sur les 87 portfolios, doivent n’en choisir qu’un. Dire “je préfère” semble un peu discriminatoire. Mais on n’a pas le choix dans un jury. De manière générale, un consensus se fait assez facilement sur les cinq meilleurs travaux. Par contre, dire qui mérite le prix est toujours douloureux, subjectif... Souvent cela finit dans des discussions de mauvaise foi. Cela n’était pas le cas cette fois-ci. Jean-Claude Cantausse, avec son reportage “Vaudou” en couleurs, a obtenu le premier prix. Il nous montre dans des teintes harmonieuses la beauté des femmes et des hommes, là où on ne l’attend pas. Superbe travail! Les mentions reviennent à : Olivier Cullmann, pour son grand travail sur les écoles du monde entier, Tiane Doan-Na Champassak, pour un reportage en Inde en noir et blanc, JeanFrançois Castell, qui a suivi une roulotte sillonnant la France depuis 17 ans, et Arnaud Baumann, ex-architecte qui regarde la ville. De très belles images, qui rassemblent vies et bâtiments. ■

Fondation Coprim, 46, rue de Sévigné, Paris 3e. Espace Commines, 17, rue Commines, Paris 4e.

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– Jusqu’au 26 novembre 2000 – 20 bougies à souffler pour le Mois de la photo 2000

Pour le vingtième anniversaire du Mois de la photo, Paris est à l’honneur avec un programme chargé de nouveautés. Les grands de la photographie seront au rendezvous avec la jeune génération représentée, en autres, par le Russe Igor Moukhine. Plus de 40 expositions sont réparties dans toute la région parisienne. De nombreuses rétrospectives internationales sont présentées, notamment les créations des Centres culturels mexicain, suisse et suédois ainsi que des hommages rendus à de grands photographes comme Edward S. Curtis, Isle Bing, Tore Johnson... Zoom sur ce Mois de la photo !

Jusqu’au 17 décembre 2000

Musée de l’Armée, hôtel national des Invalides 129, rue de Grenelle, Paris 7e.

Intra-extra

Jusqu’au 7 janvier 2001

Exposition d’Éric Prinvault, “Intraextra” se situe dans le prolongement de la thématique “c’est où la maison ?” et s’inscrit dans le courant de l’humanisme photographique. Véritable document social, ces témoignages de vies de quartiers parisiens montrent des hommes et des femmes qui se battent pour conserver leurs logements, ruines vétustes vouées à la démolition. Centre culturel La Clef e 21, rue de la Clef, Paris 5 .

Paris-Godard 57-67 L’exposition du Centre culturel suisse propose un point de vue sur le rapport de Jean-Luc Godard à la ville et au langa­ge ainsi qu’à la difficulté de communiquer au sein d’un espace anonyme. Deux films interpréteront le sujet : Alphaville et Deux ou trois choses que je sais d’elle. Le cinéaste veut considérer la métropole parisienne comme une capitale de la douleur et non comme une ville de lumière. Centre culturel suisse 38, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e.

Du 8 novembre au 3 février 2001

Paris, miroir de l’Europe

Jusqu’au 27 novembre 2000

Nobuyoshi Araki

Jusqu’au 31 décembre 2000

Nobuyoshi Araki entraîne son public dans un voyage sentimental, mêlé de fleurs, de féminité, de sexe et de mort. C’est au Centre national de la photographie que sont exposées ses photos empreintes d’un amour perdu, d’un exhibitionniste et d’un instinct de voyeur. Afin de lever les tabous sur la société japonaise, Araki cultive ses thèmes de prédilection et Jean-Pierre Krief met ce travail en images dans à un film diffusé au sein de l’exposition.

Edward S. Curtis

Centre national de la photographie 11, rue Berryer, Paris 8e.

Jusqu’au 30 novembre 2000

Lumière et temps Le Centre culturel du Mexique présente une sélection d’images réalisées par de grands maîtres de la photographie, comme M. Alvarez Bravo, C. Alvarez Urbajtel, E. Bostelmann. L’ex­position dévoile la diversité des formats, des techniques (panoramique, film à haute sensibilité, support plastique, images digitales, installations ...) avec des photographies noir et blanc et couleurs. Centre culturel du Mexique 119, rue Vieille-du-Temple, Paris 3e.

Photographe mais surtout picturaliste, Edward Sheriff Curtis (1868-1952) désir a i t p r é ­­s e n t e r l’œuvre complète de sa vie à travers “L’Indien d’Amérique du Nord”. Cet hommage présente les divers procédés utilisés, de la photogravure à l’épreuve au platine. Accompagnée d’une publication éditée par Simon et Shuster, d’œuvres originales de la collection de Christopher Cardozo, président de la Fondation Curtis, l’exposition témoigne de l’importance du créateur sur la perte d’identité des Indiens d’Amérique. Patrimoine photographique-Hôtel de Sully 62, rue Saint-Antoine, Paris 4e.

Jusqu’au 31 décembre 2000

Paris dans la Grande Guerre Durant quatre ans et au rythme du conflit de 1914-1918, Paris, ville de front, a vécu des étapes difficiles par sa position de lieu de convergence, de concentration et de redistribution des hommes. L’Établissement cinématographique et photographique des armées rappelle le rôle des photographes mobilisés durant cette période. Derrière chaque photo un ordre est exécuté qui répond aux exigences de la propagande. Chacune présente des techniques, des formats et des effets novateurs pour l’époque.

Présent, passé et futur s’unissent à travers le travail de 16 photo­graphes d’origines différentes qui s’attachent à l’analyse de gens, d’architec­tures, de lieux, de points de ralliement, ainsi que de manifestations de toute nature. Jean-Christophe Ballot, Thibaut Cuisset, Patrick Messina, Michel Séméniako… désirent retracer la vie des Européens à Paris, ville cosmopolite. Hôtel de ville de Paris, Paris 1er.

Du 10 novembre au 7 janvier 2001

Tore Johnson Le Centre culturel suédois ouvre ses portes et expose de nombreuses œuvres de pho­ tographes des années cinquante. “Paris 1948-1958 : le regard d’un flâneur suédois” veut capturer une atmosphère et des hommes. Tore Johnson (1928-1980), photographe suédois fut avant tout poète et grand acteur de la presse illustrée. Ses terrains favoris furent les grandes métropoles telles que New York et Paris. Il a cherché à retranscrire la chaleur humaine avec humour et compassion. Centre culturel suédois, 11, rue Payenne, Paris 3e.


i m a g e s par léonor de bailliencourt

Construire Damien Lefevre aime comparer photographie et cuisine. La photo, c’est une discipline de perfectionniste, ironiset-il. Comme en cuisine, il y est question du juste dosage. Mélanger les saveurs pour qu’elles se confondent sans se cannibaliser… En dehors de sa cuisine, le jeune photographe voyage. Après le Liban, où il fut casque bleu (j’ai pris làbas mes premières photos), assistant de Winnie Denker, il parcourt les rues de ce monde à la recherche d’éléments architecturaux pleins de séduction. J’ai participé au recensement du patrimoine mondial, ce qui m’a envoyé au Moyen-Orient. Il est également l’auteur des images du livre Paris, paru aux éditions Assouline, des visuels du dossier de presse “Nouvelle vague” de Cartier en 1999, ainsi qu’un fervent observateur des tours de la Défense. Mon intérêt pour l’architecture tient plus d’un goût pour une esthétique, une recherche de formes ou de matière que d’une passion pour les grands noms de la discipline. L’été dernier, Damien Lefevre exposait son travail à la Lagerfeld Gallery. Une première pour ce lieu qui ne présentait que les images de Karl Lagerfeld…


r e g a r d par LEWIS BLACKWELL

Se faire remarquer Lewis Blackwell a publié de nombreux ouvrages, distribués dans le monde entier, traitant du graphisme et d’autres thèmes connexes. Il est enseignant, critique et conférencier. Il est également vice-président de la direction des marques et de la création chez Gettyone, une filiale de Getty Images. Il était rédacteur en chef et éditeur de la revue britannique Creative Review.

Son visage est un défi. Il invite à la réflexion, mais il est aussi repoussant. Les bandages rendent ses formes quasi inhumaines. Ce n’est plus un homme, c’est une victime. Victime d’un accident, voire pire. Cette surprenante photo en noir et blanc est la photo World Press de l’année 2000, publiée en couverture

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de l’annuaire World Press Photo et sur les affiches de l’exposition itinérante internationale qui l’accompagne. Prise par le Danois Claus Bjørn Larsen, en voici la légende : “Un homme marche dans une rue de Kukës, en Albanie, un des points de chute les plus importants pour les Albanais du Kosovo fuyant la violence dans


i m a g e s Page de gauche : cette photo prise en Albanie par le Danois Claus Bjørn Larsen a remporté le World Press Photo 2000. Ci-contre : une image de Peter J. Menzel pour le magazine Stern, sélectionnée au World Press Photo 2000.

leur pays. L’interprète du photographe n’a pas réussi à déterminer d’où il venait ni ce qui lui était arrivé. Personne ne savait qui il était.” Vu avec cette légende, remis dans le contexte de l’engagement de l’organisation World Press Photo qui cherche à présenter intelligemment les plus belles œuvres des photographes de

presse à travers le monde, cela semble être très utile. C’est le sentiment qui ressort après lecture de l’interview du photographe. Larsen est un professionnel qui vit de telles photos, mais il semble évident qu’il suit une certaine morale : Mon apport à tout ceci, c’est de tâcher que des gens voient mes photos et qu’ils s’impliquent. En tant qu’ancien journaliste, et désormais créateur de plusieurs milliers d’images par an, je n’ai aucun doute sur le pouvoir collectif du monde et des images. J’adore le photojournalisme, qui est un des meilleurs outils de communication qui soient, et nous nous devons de faire savoir ce qui se passe dans notre société. Toutefois, en voyant les photos de Larsen et certains des clichés, tristes ou tout bonnement horribles, de ce concours, cela m’a fait réfléchir à l’ambivalence dont nous faisons preuve en “consommant” ce type d’images. Je respecte les photographes mais ce que je remets en question, c’est la manière dont nous assimilons leurs œuvres, la manière dont nous avons appris à lire et exploiter le photojournalisme. Dès le début, j’étais inquiet de voir que l’affiche de l’exposition des gagnants (ainsi que la couverture du livre) ne montrait qu’un gros plan recadré de l’Albanais inconnu. Vu de cette manière, sans contexte ni légende, il devenait une victime comme une autre ; c’est sans doute le but du designer qui a choisi le type de cadrage en gros plan. Ce pourrait très bien être un clochard parisien après une mauvaise chute ou un supporter de football polonais après avoir été attaqué par une bande de hooligans ou encore… bref ! Vous m’avez compris : cet homme perd encore plus de son identité, on lui a pris sa souffrance pour en faire un simple outil graphique. De nombreuses photos de cette exposition montrent également des scènes difficiles de gens qui souffrent ainsi que des images de moments plus gais ou héroïques telles que des manifestations sportives ou des festivals. Ces dernières semblent bien sûr plus légères et divertissantes lorsqu’on les compare à celles du Kosovo, de la Tchétchénie ou à celles des 6 000 prostituées du quartier Rambagan-Sonagachi de Calcutta. Dans le monde de la photographie, tout comme dans le journalisme en général, la souffrance est presque

toujours plus vraie que le plaisir. En effet, un journaliste cynique dira toujours que “seules les mauvaises nouvelles sont de bonnes nouvelles”. Il se fait que les clichés que j’ai préférés étaient des images gaies, et non pas des images de malheur. Une photo de Peter J. Menzel pour le magazine Stern, montrant un “visage de robot” au Japon, avait atteint le compromis parfait entre l’art et la science. La tête d’un surfeur, pleine d’écume et sortant d’une vague à Sydney, prise par Trent Parke pour le journal The Australian, faisait un effet remarquable en noir et blanc. Une série d’images sportives prises par Adam Pretty, d’Allsport, ressemblait à des icônes d’une qualité quasi chirurgicale qui leur faisait transcender le moment présent pour en donner la pérennité d’images conceptuelles. Mais le plaisir que je ressens quand je regarde ces photos me donne un arrière-goût amer lorsque je pense à la manière dont nous traitons le photojournalisme personnalisé par l’Albanais de Larsen. Nous nous concentrons sur la technique et la vision de la photographie, sans se soucier aucunement du sujet. La photo de Larsen, si on l’analyse, n’est pas un chefd’œuvre de la technique, mais elle fait son œuvre. Mais c’est l’étranger qu’elle a capturé, que nous exploitons en tant que banale victime, plutôt que de le remettre dans son histoire et dans l’Histoire dont il fait partie, qui fait que l’on a envie de la regarder. Nous avons le devoir de traiter cette information avec respect et de la garder dans son contexte. Les photos de design et de publicité ont surtout pour objectif de faire qu’une idée se “fasse remarquer”, mais nous ne devons pas laisser cette idée nous guider lorsque l’on s’introduit dans les souvenirs visuels de l’horreur de quelqu’un d’autre. Au lieu de cela, nous devons faire notre possible pour la conceptualiser, pour faire en sorte que l’information soit la plus proche possible de ses sources et pour en étudier la signification. Si on s’en écarte, on commence à utiliser des photos splendides pour travestir la vie des gens. On dit alors des mensonges à propos de gens dont la vie est déjà assez triste comme ça. ■

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C’est à boire qu’il nous faut ! A l’heure du Beaujolais nouveau, l’agence d’illustrateurs Kot Illustrations – associée à l’agence de publicité Quatre Bis – organise une petite exposition d’images conçues autour de ce breuvage d’automne pour le bar à vin La maison à Trouville. Présentées sous la forme d’un portfolio, les images des quatre illustrateurs de Kot (Sylvaine Inizan, Sergueï Chmarinov, Jean-Manuel Duvivier et Grems’), d’un photographe et d’un vidéaste locaux réinterprètent la fête populaire du Beaujolais à la sauce plus fine de la création. Des images décalées (le cow-boy, la sirène…), imprimées en quatre tons directs Pantone pour une opération pleine d’avenir…

1 Sylvaine Inizan

1

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2 Grems’ 3 Sergueï Chmarinov

1 Elisa Krey,

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catégorie Paysage (série d’images). 2 Jo Broughton, catégorie Reportage (série d’images).

Nouvelle vague Les jeunes talents sont de retour et frappent à la porte des anciens. L’Association of Photographers britannique associée à Fujifilm jugeait en octobre dernier les travaux des assistants photographes. Élevés auprès des plus grands, ces jeunes créatifs ont soif d’indépendance et ce prestigieux concours leur en offre les moyens. Un catalogue des meilleurs travaux est ensuite envoyé aux agences de publicité et de création, ainsi qu’à différents magazines. Les Assistants’Awards sont aussi l’occasion de vérifier ou découvrir les évolutions créatives et stylistiques de la jeune génération. Huit catégories sanctionnent le travail des assistants, parmi lesquelles figurent la publicité, la presse, la mode et la nature morte. Grands gagnants de l’édition 2000 : David Denny (mode), Elisa Krey (paysage), Mark Westerby (reportage), Matthew Georgeson (nature morte), Stefanie Hafner (paysage) ou Jo Broughton (reportage)…

3 Jens Lucking, catégorie Reportage (série d’images). 4 Mark Westerby, catégorie Reportage (image unique).

Pour être présent dans cette rubrique, contactez Léonor de Bailliencourt.

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ça marche Les images de Valérie Archeno dérangent et apaisent à la fois. Dans une atmosphère quasi clinique, la jeune photographe a installé ses modèles, assistés de prothèses. J’ai réalisé cette série l’année dernière. Les prothèses m’intriguaient. Elles sont perçues comme des objets dégoûtants, alors qu’elles normalisent la vie des gens qui les portent, raconte la jeune femme. Six images sont shootées, pas une de plus. Je ne continuerai pas sur ce thème, ces six visuels suffisent. Représentée par Madé, chez qui elle exposait le mois dernier, Valérie Archeno partage son temps entre des photographies de mode et un travail plus personnel, comme celui des prothèses.

Femmes, femmes, femmes Fraîchement diplômée de l’ESAG-Penninghen, AnneCharlotte Dupont, “accro” de croquis de nus, a toujours rêvé d’être décoratrice d’intérieur. Passionnée par l’art, elle s’entiche finalement du dessin où elle s’affirme et prend du caractère. Parisienne devant l’Éternel, elle fait ses premiers pas dans la publicité à l’agence DDB. A 26 ans, elle est aujourd’hui free-lance et se constitue un “capital image” intéressant : programme 2000 et affiche pour le Festival d’art et d’essais pour la mairie de Paris. Collaboratrice à ses heures du mensuel Jeune et Jolie, elle restaure actuellement l’identité visuelle du Murphy’s House, petit bar du 9e arrondissement. Aidée du Mac, Anne-Charlotte Dupont dessine des femmes par de légers “coups de crayon”, les mariant avec aisance et justesse à des objets de tous les jours. Un objectif professionnel à poursuivre ? L’illustratrice souhaite repenser visuellement des vitrines de magasins de luxe et illustrer des livres ou revues destinés à la jeunesse. Très indépendante, elle se dit séduite par toute entreprise en équipe : C’est difficile de tout faire seule, il est toujours formateur d’avoir un œil et une aile critique et solide à la fois.

Pour être présent dans cette rubrique, contactez Léonor de Bailliencourt.

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l é g i s l a t i o n par isabelle durand Avocat au barreau de Paris

La résolution des conflits

de nommage par l’UDRP

La multiplication des sites Internet et par conséquent des noms de domaine entraînent le cortège de problèmes qui accompagne nécessairement toute entreprise laissant entrevoir un profit. Solution extrajudiciaire, le règlement de l’IRCANN impose certaines contraintes en cas de conflits de nom de site avec une marque antérieure. Efficacité et limites du système.

L’émergence de la Net économie et de la Net communica­ tion ont contraint les organismes d’attribution des noms de domaine à organiser leurs systèmes d’attribu­tion afin de mettre un terme à la confusion générale du système permettant aux cybersquatteurs de monnayer parfois à prix d’or la restitution d’un nom de domaine à celui que le droit des signes distinctifs (marque, nom com­mercial, déno­ mination sociale…), antérieur à l’émergence d’Internet, désigne comme le titulaire légitime. Le règlement adopté par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) en octobre 1999, et entré en vigueur en décembre 1999, constitue un élément très important de ce système, pourtant encore incomplet. En effet l’ICANN a adopté le 24 octobre 1999 un règle­ ment organisant de façon interne et sans l’intervention d’un juge la recherche d’une solution en cas de conflit entre un nom de domaine et une marque.

Fondement du système Lorsque vous faites enregistrer un nom auprès des orga­ nismes délégués de l’ICANN, qui est l’organisme central de réservation des noms de domaine, vous adhérez automa­ tiquement aux règles de l’UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy). Ainsi acceptez-vous : • la compétence des 4 organismes de médiation et d’ar­ bitrage sélectionnés par l’ICANN (dont la liste se trouve sur le site icann.org/ udrp/approved-providers.htm) et notamment le Centre d’arbitrage et de médiation de l’or­ ganisation mondiale de la propriété intellectuelle, dont le siège est à Genève ; • les règles confiant à un collège d’experts la résolution d’un conflit entre un nom de domaine et une marque antérieure. Limites du système Premièrement, seuls les cas les plus flagrants de violation peuvent être résolus et aucun dédommagement ne peut être accordé par ces organismes aux plaignants, qui pour cela devront saisir un juge. Deuxièmement, seule la radia­ tion du site ou le transfert du nom de site au profit de son titulaire légitime peuvent être ordonnés. Conditions de mise en vigueur prévues par le règlement Le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits.

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Le détenteur du nom de domaine n’a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache. Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi. Les principaux critères retenus sont donc : le risque de confusion, l’absence de droit et d’intérêt légitime et la mauvaise foi dont le but est d’éliminer les actes de “cybersquatting”. Ces agissements sont particulièrement visés et ainsi décrits par le règlement : Le nom de domaine a été enregistré ou acquis essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement du nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le détenteur du nom de domaine a déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine. Le règlement vise encore les enregistrement destinés à paralyser un concurrent ou ceux faits de façon habituelle pour empêcher un enregistrement légitime. Si l’on parle d’actes habituels, c’est que l’on va “ficher” les cybersquat­ teurs.

La procédure La procédure est payante et coûte entre 1 000 et 3 500 dollars US. Elle est écrite sauf audition excep­ tionnelle de témoins, et les parties n’ont pas à être représentées par un avocat. Si vous êtes réservataire d’un nom de domaine, on peut déposer une plainte contre vous suivant la procédure sui­ vante : le centre de médiation vous informe de la plainte déposée et vous disposez alors de 20 jours pour adresser un mémoire en réponse, accompagné éventuellement de documents et témoignages. En principe il n’existe pas d’autre échange d’écrits. Cependant le ou les arbitres (de un à trois experts selon la demande des parties) peuvent décider de vérifier eux-mêmes certains points du litige, comme par exemple le caractère actif d’un site. La rapidité de cet examen implique que le litige soit assez simple et la réclamation évidente pour avoir des chances d’aboutir à un résultat favorable. Surtout la plainte doit émaner du titulaire d’une marque à l’exclusion de tout autre signe distinctif, comme par exemple l’appropriation d’un nom commercial, car dans ce cas l’UDRP ne pourra s’appliquer et seul un tribunal pourra trancher le litige. En revanche, le réservataire pourra fonder son droit lé­ gitime sur le nom de domaine par ses droits sur un nom


r é a c t i o n par philippe quinton Graphiste-Enseignant Chercheur en communication

commercial existant antérieurement à la marque, ou le nom d’une personne physique ou un titre d’ouvrage en rapport direct avec le nom de domaine. La commission peut rendre trois types de décision : • transfert de l’enregistrement du nom de domaine ; • radiation de l’enregistrement qualifié de litigieux ; • rejet de la demande qui peut être considérée comme abusive. La commission ne peut accorder aucun dédommage­ ment financier, ni condamnation au paiement des frais de procédure. La décision rendue par la commission est notifiée par le fournisseur d’accès aux parties, aux centres d’enregistrement concernés, ainsi qu’à l’ICANN dans les 17 jours. Dans les 10 jours, le centre d’enregistrement est tenu d’exécuter la décision, sauf si le titulaire du nom de domaine l’avise de ce qu’il conteste la décision devant un tribunal dont le requérant a accepté la compétence. Après huit mois de pratique, il apparaît que ce système permet de régler rapidement les cas de cybersquatting les plus courants et de limiter le développement de cette pratique compte tenu notamment de la rapi­ dité de règlement des conflits par la commission. Une régulation des enregistrements “sauvages” s’organise donc et permet de régler les situations passées qui n’ont pas été soumises aux procédures actuelles d’enregis­ trement qui, au niveau local, prévoient désormais un contrôle minimum de l’intérêt de l’enregistrement d’un nom de domaine (en France, production d’un extrait K-bis, d’un certificat d’enregistrement de marque…). Cependant, en France, l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération) ne procède à aucun contrôle d’antériorité et sollicite uniquement la production d’un document légitimant la demande d’enre­ gistrement. Ce sont donc, au choix des plaignants, l’UDRP ou directement les juridictions compétentes qui devront régler ces litiges. Lorsque les enregistrements auront été faits par des ressortissants d’un même pays, il n’y aura pas de diffi­ culté lorsque la décision administrative sera contestée pour déterminer le tribunal compétent. En revanche, cela sera plus complexe pour des ressortissants de pays différents avec des risques de favoritisme au regard d’intérêts économiques divergents ou un coût de la procédure pouvant dissuader les titulaires de droits légitimes de les faire valoir devant le tribunal accepté par le titulaire de l’enregistrement contesté. Il sera donc utile dans quelques mois de faire le point des décisions rendues et d’étudier le nombre de contestations des décisions des commissions de l’UDRP. ■

Le temps prend l’image

Les images ont toujours eu un rapport spécifique avec le temps ; naguère elles l’arrêtaient, lui résistaient et pouvaient même le capter. Mais les voilà désormais saisies par un mouvement accéléré qui les suscite et les dévore encore plus. Le temps a pris l’image de tous les côtés, et nous avec.

Aujourd’hui, il faut toujours aller plus vite dans un climat de stress permanent, l’image presse et est compressée. Plus le temps d’imaginer, de rêver ou de mûrir, il faut sortir les films, lancer le site… Le visuel vit dans le temps court de l’urgence et du faire. L’ar­ gent des paroles oublie l’or des silences, et comme le temps c’est de l’argent, l’image parle vite. Ainsi domine le temps précieux de la pensée stratégique tournée vers l’obligation de résultat, celui qui conditionne la commande et les décisions visuelles qui en résultent. L’objectif n’est plus de durer mais de “passer” sans être dépassé, la production se mesure à l’aune du temps court, pas du temps long. Mais plus ça passe, plus c’est court, ce qui entraîne aussi de la casse. Voilà l’image quelque peu stressée par sa civilisation…

Temps brut, temps net Quotidiennement, nous disposons d’un temps “brut” que nous devons répartir entre des activités contrain­ tes ou choisies, privées ou professionnelles, mais pour lesquelles l’enjeu majeur est qu’elles demeurent créati­ ves, fussent-elles morcelées. Ce qui reste est le temps “net”, autant dire bien peu de chose lorsque les divers prélèvements obligatoires sont effectués. Comment loger même de l’imaginaire dans des journées sou­ vent surchargées de réalités urgentes, sachant qu’une chose n’en remplace pas forcément une autre mais qu’elle s’y imbrique et l’accélère, la tendance consistant plutôt à ajouter qu’à remplacer. Tout hypothétique gain de temps (ou d’argent) est aussitôt réinvesti dans le système, c’est le problème du monde net qui rencontre le monde brut… Le temps nous renvoie à notre modeste durée terrestre, balisée par nos mémoires visuelles saturées et volatiles. Mais l’image n’a plus d’ambition devant l’éternité, elle court, mue, circule, s’anime et sautille, elle flashe de tous les côtés dans un présent numérique “interactif” sans cesse réactualisé sur des écrans plus que fébriles. Peu importe la mémoire quand l’affaire est dans l’impact ou le contact. Sur le réseau, tout graphisme devient un processus combinatoire en perpétuelle reconfiguration à partir de modèles calés sur le temps universel de la cir­ culation sans entraves. Maintenant, un site Web propose un autre rapport au temps de réception. Contraint par 11.2000

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’’

Logo CFDT, précision Philippe Quinton est maître

de conférences en Sciences

de l’information

et de la communication IUT2-Département Infocom, responsable de l’option

… des modalités “d’affichage” qui font la part belle à celui qui regarde, il engage un processus de communication bien différent que l’on peut voir comme une suite mou­ vementée d’états astreints à un déroulement temporel préprogrammé mais aux effets toujours incertains. On entend même dire que la création se déplace de l’image qui se conçoit à celle qui se consomme (le “lecteur-auteur”), ce qui amènerait certains à prédire une dilution des créations dans une énonciation collec­ tive apte à brouiller les conceptions traditionnelles de l’auteur. Les marchands de l’image numérique, pressés d’encaisser, voudraient bien en finir avec ce qui sem­ ble pour eux une survivance d’un temps ancien. Mais l’auteur d’images, du moins chez nous, sème encore son art dans le temps.

Espace-temps Le designer dit livrer une production graphique (un “état”), à la fois image-signe (la matière signifiante) et objet-image (l’objet matériel) – c’est-à-dire des signes sur un support –, alors qu’il s’agit d’un “proces­ sus” de communication qui se déroule dans le temps et au sein duquel l’objet matériel n’est qu’une partie prenante. En effet, l’image graphique n’est pas qu’un produit (comme résultat d’une production créative) mais surtout un processus qui vise un effet particulier constituant, lui, le véritable produit visé par la produc­ tion. Par exemple, l’affiche n’est pas qu’une surface de papier couverte de signes transportant des “infor­ mations”. Ses capacités argumentatives construisent un processus de communication qui engage beau­ coup plus qu’elle-même : des univers urbains et leurs écoulements quotidiens d’humains et de choses, une profusion de microévénements communicationnels dans lesquels elle tente de solliciter quelques instants d’atten­ tion. Quand on lui en laisse la possibilité, une affiche vit dans un temps moyen, et, si elle est forte, parfois assez 84   11.2000

Communication d’entreprise à l’université Pierre-Mendès France de Grenoble .

long dans nos mémoires urbaines et muséales. On ne peut que regretter son contingentement dans les espa­ ces-temps de l’affichage normalisé, réservés aux nantis de la com. Les espaces traditionnels de l’image – ceux où elle s’inscrit et ceux qu’elle construit – sont fortement balisés par les distinctions identitaires et les luttes de territoires, ce que n’abolit pas le temps des réseaux qui lui ouvre pourtant de nouvelles dimensions.

Tic… tic, prenons le temps Avec les “tic”, la prise en compte du temps et du dérou­ lement dans l’image fixe offre d’autres perspectives créatives. Il s’agit bien entendu du temps réel lié à l’espace de perception, pas du temps symbolique construit ou capté dans l’image. Vue de cette manière, la conception d’une image consisterait à penser un pro­ cessus mouvant, éphémère et fragile, non plus un objet visuel unique et définitif. Mais les “tic” ne font pas l’image à elles seules, pas encore du moins. Il appartient aux créateurs de saisir ces dimensions et de s’en servir, de s’approprier le temps qui leur est ainsi offert. Les résul­ tats sont là, innovants ou décevants, peu importe, mais ils inaugurent un tout autre statut de l’image. Néanmoins, cette mutation de l’image et de ses rapports au temps la menacent d’invisibilité par excès de concurrence et carence de disponibilité pour la “voir” vraiment. Car nous n’avons plus le temps de regarder et bientôt nous ne saurons même plus voir mais juste entrevoir, passer au-dessus de liens hypermédias qui accélèrent et épar­ pillent nos cheminements visuels. L’image demande du temps pour se livrer mais l’œil est déjà plein. Alors, nous pouvons toujours inviter les technologies à plus de qua­ lité sensitive et de respect de notre perception humaine, mais le temps du regard ne dépend que de nous, de ce que nous en ferons, de ce que nous voudrons qu’il soit, à condition de le prendre. ■

La chronique du mois précédent concernait uniquement le texte de l’appel d’offres pour le logo CFDT et notamment sa formulation qui semble avoir heurté beaucoup de professionnels. Il ne s’agissait pas d’une étude ou d’un article sur la CFDT et son changement d’image graphique (cela aurait pu concerner toute autre organisation…), mais bien d’une prise de position (certes incisive) à propos d’une présentation écrite jugée significative des problèmes actuels de la commande vus du côté designer. Les données historiques et stratégiques du commanditaire n’avaient dans ce cas précis aucune importance, et lui seul d’ailleurs est à même d’en parler et de nous éclairer sur le processus, ce qui est tout autre chose et permet sans doute de renvoyer aux insuffisances des designers eux-mêmes. Merci de l’avoir compris.


c o u r r i e r des lecteurs

Combien ?… Chère rédaction, Petit un Peut-être ne suis-je pas suffisamment au fait des règles déontologiques du journalisme, mais pour un graphiste c’est une faute professionnelle grave de se mettre d’accord avec un client sur un projet et d’en publier un autre. C’est pourtant ce qui s’est passé avec mon (sic ?) texte pour votre rubrique“A leur avis”. Petit deux Poser la question de la rémunération et ne publier que des réponses (à part la mienne) qui ne donnent pas de chiffre permet toutes les généralités du genre “je ne fais pas du graphisme pour l’argent, mais j’aime être bien payé…” Mais c’est combien d’être bien ou mal payé ? Pour qui ? Dans quel domaine ? Pour quel type de graphisme ? Poser la question de la rémunération et ne pas y répondre concrètement n’est pas très sérieux comme attitude, ni de la part des interviewés, ni de la part de la rédaction. Belle hypocrisie ! Malte Martin réagit à une question de la rubrique A leur avis d’EG 65 intitulée “Le graphisme est-il rémunérateur ?” Deux éléments le font bondir : nous avons supprimé une parenthèse capitale à ses yeux (“Je vais encore être le seul à donner des chiffres”), et en plus il est effectivement le seul à en donner. Mais il est impossible d’extirper le montant de leurs revenus à ceux qui s’y refusent. Ce sont les aléas de cette rubrique. Une même question pour cinq façons d’y répondre.

A toute la rédaction

et à M. Philippe Quinton en particulier… Véronique Le Mouel de l’agence de communication Image à suivre (éditrice de la lettre mensuelle d’information A suivre).

…Bravo et merci pour votre dossier sur le logo. Il est rare de découvrir dans les magazines de communication et de design des sujets traités de manière aussi approfondie. Le sujet tombe bien car le logo est au carrefour de deux tendances actuelles : • le logo qui permet d’établir un contrat de communication en s’inscrivant dans la stratégie d’un groupe, d’une marque, d’une enseigne, et autour duquel se dessinent des discours parfois excessifs ; • le logo (mal) traité

quand il apparaît comme l’illustration d’une tendance (Web à mort !) et qu’il ressemble plus à du carton-pâte qu’à une construction réfléchie. Pourtant notre environnement graphique se professionnalise, en signalétique, sur le Web, dans les magazines, la publicité et dans les entreprises. Je suis une logophile pratiquante mais pas une logomaniaque. Mon expérience de conseil en communication globale m’a appris que chaque instrument avait son rôle et, si le piano vient à jouer un peu fort, c’est beaucoup moins bien.

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l i v r e s par guillaume Frauly

Le livre du mois

Une navigation spatio-temporelle

Titre : Maedia@Media Auteur : John Maeda Éditeur : Thames & Hudson Préface : Nicholas Negroponte Format : 20,5 x 22,5 cm Dos carré, collé 500 pages Plus de 1 000 illustrations en couleurs et en N & B Français Prix public TTC : 245 F

Nombreux sont ceux qui ont découvert John Maeda grâce à ses expérimentations graphiques interactives telles que “Flying Letters” (EG 27) ou le projet “Shakespeare en 3D” (La Lettre et le Mouvement de Jeff Bellantoni et Matt Woolman, EG 52). “Pionnier” est incontestablement le meilleur qualificatif pour parler de ce créatif. Il a d’ailleurs devancé les auteurs d’ouvrages en décidant de présenter lui-même son œuvre dans un superbe livre. Cette qualité fait de lui “l’une des vingt et une personnes les plus importantes du xxie siècle” pour le magazine américain Esquire. Un titre justifié quand on découvre son journal de bord. Maeda@ Media est un ouvrage qui retrace le parcours, les influences et la philosophie de ce créatif-informaticien atypique. Cet explorateur du numérique, diplômé du MIT (Massachusetts Institute of Technology) et d’une école d’art au Japon, est une figure incontournable de la Toile. Il maîtrise la programmation autant que la conception graphique, s’attache à la relation entre la forme et ses différents moyens de perception à l’écran. Fondateur du groupe ACG (Esthétique et Informatique), membre fondateur de Digitalogue (une

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association de concepteurs développeurs multimédias basée à Tokyo), John Maeda est un insatiable adepte de la métaphore visuelle. Obnubilé par le potentiel inexploité de l’ordinateur, il a passé les dix dernières années à inventer la grammaire du Net. Surprenant, inclassable selon Nicholas Negroponte, cofondateur et directeur du laboratoire des médias au MIT, cet ouvrage autobiographique est la bible du Net. John Maeda met en avant une approche nouvelle de la création informatique, rejette les métaphores familières de l’ordinateur, se dresse contre les “paralysies” de l’image numérique qu’un rien pourrait animer. Il veut faire de la technologie un mode de pensée accessible. Il travaille en s’appuyant sur l’instinct de l’internaute qu’il souhaite actif et impliqué. On l’aura compris, John Maeda cherche à rompre avec le stoïcisme de l’espace géométrique, transposant à l’image l’attachement intellectuel que l’on a au texte. Ses créations qu’il aime à qualifier de “réactives” sont surprenantes comme le projet “The Reactive Square” qui réagit au son de la voix. Ses expérimentations sont enfin rassemblées dans un seul ouvrage qui a en plus l’avantage de mener réflexion et humour. Meada@Media devrait en réconcilier plus d’un avec la machine. Bien qu’obsédé par l’espace multidimentionnel de l’ordinateur, il n’en dédaigne pas moins le papier et son traitement, n’hésitant pas à utiliser des tons directs, différents types de papiers selon le type d’information pour expliquer et mettre en valeur ses créations. Une base incontournable pour penser l’avenir du Web, un véritable manifeste du signe numérique. L’éditeur Thames & Hudson l’a compris en le traduisant en français. Et n’oubliez pas selon John Maeda : Ce que vous voyez se déplacer sur l’écran vous fait hurler, parce que ce ne sont pas vos yeux qui limitent votre pensée, mais votre esprit.


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Titre : Swiss Graphic Design Auteur : Robert Klanten, Hendrik Hellige et Mika Mischler Éditeur : DGV Graphisme : Mika Mischler Couverture : Büro Destruct Format : 24,5 x 30,5 cm Dos carré, relié 250 pages Illustrations en couleurs Anglais Prix public TTC : 459 F Autrefois réputé pour ses dessinateurs de caractères, son style de mise en pages “modéré”, le graphisme suisse est aujourd’hui reconnu pour ses créations avant-gardistes. Büro Destruct (EG 52), François Chalet, Le Belvédère

(EG 54), Walhala (EG 48)… ces studios ont su s’imposer à l’échelle internationale en quelques années. Ils sont aujourd’hui les porte-parole d’une nouvelle création suisse. Du moins en ce qui concerne la jeune génération. La filiation joue aussi sur la réputation, cette “tradition suisse”, le souci du détail… Cette attitude graphique est tout à fait adaptée au Web, qui a surtout besoin de cohérence plutôt que d’effets de style gratuits. Cet ouvrage – il en existe peu sur la création suisse – regroupe 56 structures, agences, studios et indépendants. Certains sont connus de tous, d’autres viennent d’éclore et surfent sur la vague de popularité des premiers. Mais tous ces créatifs peuvent se targuer d’avoir un style propre et, si l’on en croit l’ouvrage, d’avoir des clients à la hauteur de leur réputation. Robert Klanten, l’éditeur, a une nouvelle fois mis le doigt sur un vivier hors du commun. Le graphisme musical côtoie l’illustration, très présente, sans oublier le détournement ou le Fillmore qui fait un come-back sur la scène internationale. Un ouvrage superbe, riche, un véritable outil pour faire appel à ces créatifs de haut niveau.

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mailing 17 découvrez en ligne une sélection des meilleurs mailing 18 ? livres de design, de graphisme et d’art

librairie en direct


Titre : Applied Typography 10 Auteur : Japan Typography Association Éditeur : Graphic-Sha Format : 21,5 x 30,5 cm Dos carré, relié 364 pages (+ annexes) Illustrations en couleurs Anglais et japonais Prix public TTC : 750 F

Depuis 1969, tous les deux ans, l’Association typographique japonaise nous offre le meilleur. La recrudescence des polices de caractères conçues sur ordinateur n’enlève rien à la créativité des graphistes et dessinateurs de caractères. Cet annual reflète la tendance actuelle, sans privilégier le chaos graphique expérimental. Même si pour Shinohara Eita, rédacteur en chef de l’ouvrage, le plus intéressant, c’est d’imaginer ce que seront les polices de demain, cette édition 2000 est un panorama représentatif d’une époque et une formidable source d’infos ! Meilleurs travaux tous secteurs confondus : identités visuelles, polices de caractères, pictogrammes et diagrammes, travaux d’édition, conditionnements, travaux en ligne et recherches et expérimentations, le tout est complété par un index complet des créatifs concernés. Un seul regret : les travaux ne sont pas légendés, donc impossible de découvrir ou d’imaginer la commande ou le client.

Titre : Travel Sikness Auteur : Stephen Jones Éditeur : Die Gestalten Verlag - DGV Graphisme : DED Associates Format : 24 x 28 cm Dos carré, collé 160 pages Anglais Illustrations en couleurs Prix public TTC : 324 F

nesque. L’histoire s’intitule “Travel Sickness”, autrement dit le mal du voyage. L’idée éditoriale est simple. Jack, un personnage imaginaire, passe de mauvaises journées. Ses soucis quotidiens sont relatés par la plume de Stephen Jones, rédacteur indépendant et non dénué d’imagination. Le projet est né d’une idée récente mais repose sur de vieux idéaux. Les deux créatifs ont choisi d’interpréter à leur manière les visions apocalyptiques de ce caractère fictif. Le résultat est surprenant, critiquable (sans démarche sur 150 pages) mais intriguant d’un point de vue visuel. Les illustrations sont de toute beauté, les manipulations d’images sont dans la veine des Designers’ Republic mais bel et bien signées DED. L’utilisation de la machine est poussée à son paroxysme (le site dedass.com vaut lui aussi le coup d’œil bien qu’étant très expérimental et tout aussi décousu), mais c’est réussi. Un ouvrage à parcourir en attendant d’en savoir plus sur un duo qui se fait remarquer.

DED Associates se présente comme un studio fournissant des “solutions créatives”. On n’en saura pas beaucoup plus. Installés à Sheffield, dans le nord de Londres, ces créatifs voient le graphisme comme une forme de thérapie à la morosité ambiante (l’industrie a déserté la région en laissant des ruines désolées). Leurs créations sont, par contraste, très colorées et puisent dans l’humour, la provocation et l’extravagance. En revanche, leurs clients ne sont pas ceux que l’on imagine : MTV mais aussi MasterCard, Nissan ou encore The Millenium Dome ont été séduits par cette attitude graphique et leurs prises de position. Leur premier ouvrage, commandé par l’éditeur, a de quoi surprendre. Sans queue ni tête, sans thème précis, il est le résultat d’une confrontation entre une aliénation visuelle et une exploration roma-

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MANIFESTATIONS

concours

Le 11 novembre 2000

e-Salon

Pour une matinée placée sous le signe de la typographie, les renommés Ruedi Baur, Roger Chatelain, Catherine Zask et François Rappo, auteurs de la sixième édition du Guide du typographe consacreront quatre interventions thématiques de trois quarts d’heure chacune aux enjeux de la typographie (design graphique, identité visuelle et communication, management typographique) à l’heure de l’an 2000.

Initiative originale (fera-t-elle des émules ?), ce salon de l’informatique et des technologies de l’information se déroule exclusivement sur Internet. Entièrement conçu en 3D, cet événement réunira sur le Web les acteurs du milieu durant deux semaines, 24 heures sur 24. Ce salon permettra aux constructeurs de matériels, aux éditeurs de logiciels, aux sociétés de services informatiques, aux fournisseurs de services on et off-line, aux opérateurs télécoms, aux distributeurs de se rencontrer.

VIIIe Journée romande de la typographie et de la langue française

École professionnelle EPSIC. 63, rue de Genève, Lausanne, Suisse.

Le 15 novembre 2000

Bleu, histoire d’une couleur

Renseignements : www. hallexplorer.com

Du 20 au 24 novembre 2000

Emballage 2000

Dans le cadre des Rencontres éditoriales, Michel Pastoureau, chercheur, professeur à la Sorbonne et directeur d’études à l’École pratique des hautes études, présentera son dernier ouvrage Bleu, histoire d’une couleur à la villa Gillet. En compagnie de Jacques Berlioz, historien à l’université Lumière Lyon-II, l’auteur racontera l’histoire du bleu, couleur primaire, de ses origines à ses utilisations aujourd’hui : sa mutation symbolique et idéologique.

Plus de 2 500 exposants sont attendus au Salon international de l’emballage à Paris. Pour cette nouvelle édition, il définit les nouvelles tendances de consommation à travers l’industrie du luxe et de l’emballage pharmaceutique. Après le Brésil, l’Inde sera à l’honneur et, pour sa quatrième année, la consultation internationale de recherche en emballage, Pack Vision, rassemblera les projets de conditionnement les plus novateurs des étudiants, venus de tous horizons.

Renseignements : 04 78 27 02 48. Villa Gillet, 25, rue Chazières, Lyon.

Parc des expositions de Paris Nord Villepinte.

Les 23 et 24 novembre 2000

Du 22 au 24 novembre 2000

Demain la presse

Le XIII e Congrès de la presse se déroule cette année à Lille. De nombreuses tables rondes réuniront les débats, et Jean-Pierre Vittu de Kerraoul présentera une session sur le thème des nouveaux supports et des nouveaux contenus presse. Comment réinventer le papier et/ou explorer le Net et qu’en est-il de la crédibilité des contenus par rapport aux différents atouts des éditeurs ? Renseignements : 01 53 20 90 50. Grand Palais, 1, bd des Citées-Unies, Lille.

Le 30 novembre 2000

Design ? ! L’université de technologie de BelfortMontbéliard organise avec le PRECI (Pôle régional de conception et d’innovation) une journée sur le design industriel. Plusieurs thèmes seront abordés comme le coût du design en investissement financier et humain, les retombées ainsi que les acteurs concernés. Le marketing du design reste onéreux aujourd’hui, mais devient un outil indispensable à toute grande vente de professionnels. Ces derniers feront appel à des designers internes ou externes afin d’intervenir et d’enrichir les débats. Contact : PRECI, rue de Leupe, Sevenans. Tél. : 03 84 56 04 05 ou PRECI@wanadoo.fr

Jusqu’au 20 novembre 2000

Jusqu’au 1er décembre 2000

Prix Arcimboldo

Millia 2001

La fondation Hewlett Packard France et Gens d’Images organisent comme chaque année le prix Arcimboldo, destiné à récompenser la création d’images numériques. Les candidats doivent expliquer leur démarche créative dans leur dossier en l’illustrant par des œuvres. Le travail proposé fera l’objet d’une sortie numérique sur un support opaque papier ou d’une sortie photographique. Le lauréat se verra remettre une somme de 10 000 euros et pourra exposer son travail à la Maison de la photographie à Paris au printemps 2001. Le jury, présidé par Philippe Quénau, directeur de la division de l’information et de l’informatique à l’Unesco, devrait se réunir au début de l’année prochaine.

Le Marché international des contenus interactifs, qui se tiendra du 10 au 14 février 2001 à Cannes, annonce l’ouverture des inscriptions pour le VIIe Concours des jeunes créateurs. Soutenu par le magazine anglais Edge et organisé avec l’association japonaise AMD (Association of Media in Digital), cet événement permet à de nombreux professionnels de l’industrie, du jeu et des nouveaux médias de dénicher les étudiants brillants qui amélioreront certainement l’avenir du multimédia. Les 18 et 20 décembre 2000, un jury d’experts se réunira à Paris pour sélectionner les 15 meilleurs projets en matière de conception de jeux, sites Web, projets expérimentaux. Date limite d’inscription : le 1er décembre 2000.

Renseignements : 01 69 64 81 13 ou 06 60 66 38 57.

Contact : Samuel Socquet-Juglard au 01 41 90 44 62.newtalent@reedmidem.com ou http://www.milia.com

Création numérique européenne

Pour les IIes Rencontres européennes de la jeune création numérique, Valenciennes accueille plus d’une dizaine de pays européens afin de débattre pendant trois journées organisées des sujets de l’animation numérique, du cinéma et des arts du spectacle. En parallèle, se tiendront des ateliers et des tables rondes sur le financement de la création et le développement de l’entreprise numérique et la commercialisation des produits et des services multimédias. Étapes graphiques et Bloc Notes sont partenaires de la manifestation (voir p. 28). Contact : 03 27 28 40 42. Théâtre Le Phénix, bd Harpignies, Valenciennes.

Du 28 au 30 novembre 2000

Internet World Internet World se positionne comme le nouveau lieu de rencontres, d’échanges et de partages d’expériences entre tous les acteurs du marché de l’Internet hexagonal. Ce sont plus de 100 conférences, 6 keynotes, 6 tables rondes (les “Net Visions”), un espace WAP, un “Village Start-up/ Dotcom” et un défilé de mode technologique qui seront proposés aux visiteurs. Cnit, le parvis, Paris-La Défense.

Du 15 au 30 novembre 2000

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expositions

Jusqu’au 15 novembre 2000

Le corps mutant Le corps est devenu pour nombre de c o n ­t e m p o r a i n s une représentation provisoire, un gadget, un lieu idéal de mise en scène pour effets spéciaux, expliquait David Lebreton, sociologue. La galerie Enrico Navarra présente “Le corps mutant”, par ses 25 créateurs tels que David Lachapelle, Orlan, Aziz + Cucher et Björk… Vaste champ d’investigation et d’interrogation pour les créateurs, le corps est une préoccupation qui touche tous les domaines de la création aussi divers que la littérature, la musique, le cinéma, la mode et les arts plastiques. Galerie Enrico Navarra, 16, avenue de Matignon, Paris 8e.

Jusqu’au 2 décembre 2000

Carteles de Mexico Entre baroque et classicisme, arrière et avant-garde, de nombreuses affiches et productions de graphistes mexicains sont présentées. L’affiche sert tous les domaines de la vie quotidienne mexicaine : de la publicité à la politique en passant par la religion et la culture. Les jeunes talents maîtrisant l’art de l’image et de l’illustration (Alejandro Magallanes, Nacho et Monica Peon…) se mêlent aux graphistes confirmés (Gabriela Rodriguez, German Montalvo, Rafael Lopez…) et au maître en la matière : Vicente Rojo. Faisant partie du projet “Diseño Francia-México “, cette exposition entend présenter le

graphisme mexicain contemporain, sa richesse et son éclectisme (EG 62). Galerie Anatome, 38, rue de Sedaine, Paris 11e.

Jusqu’au 3 décembre 2000

Design… graphique ?

L’école régionale des beaux-arts de Valence organise au cours du mois de novembre trois manifestations réunissant historiens, philosophes et créateurs afin de réfléchir aux enjeux du design graphique aujourd’hui. Le musée présente un panel de plus de 250 créations néerlandaises, témoignages de la forte culture visuelle du pays, exposition déjà présentée à Paris en janvier (EG 58). Du 18 au 24 novembre, l’établissement ouvre ses portes aux projets pédagogiques des étudiants. Les 17 et 18 novembre, deux conférences sur les thèmes de “la singularité de l’écrit” et “le retour sur une rupture” animeront ces grandes journées d’études, pour la deuxième année. Contact : 04 75 79 24 00 ou www.musee-valence.org École régionale des beaux-arts de Valence.

Jusqu’au 9 décembre 2000

Jusqu’au 17 décembre 2000

Ronald Searle

Le plaisir de l’objet

Illustrateur d’une cinquantaine de livres et auteur de quarante albums, le dessinateur satirique britannique Ronald Searle vit en France et travaille régulièrement pour de nombreuses publications européennes et américaines, notamment The New Yorker et The New York Times. Actuellement, il publie des dessins dans Le Monde. Cette exposition présente les dessins originaux réalisés pour la revue Punch entre 1946 et 1952. On y retrouve, croquées avec humour, les stars du théâtre français de ces années-là (Edwige Feuillère, Raymond Devos, Louis de Funès…)

Le musée des Arts décoratifs de Montréal s i é g e ra p o u r quelque temps à l’espace Landowski. “Le plaisir de l’objet” comprend des meubles, des pièces en verre, en céramique et métal, des bijoux et des textiles articulés autour des thèmes comme la fantaisie, l’ornementation du corps humain en tant qu’élément du design. Réunissant plus de 200 objets, l’exposition souligne divers courants comme l’Art nouveau, le Wiener Werkstätte, le Novecento, l’Art déco, le design de l’après-guerre, le renouveau de l’artisanat, le pop art, le groupe Memphis et le postmodernisme.

Galerie Martine Gossieaux, e 56, rue de l’Université, Paris 7 .

Jusqu’au 10 décembre 2000

Usine Réunis autour du thème de l’usine, 70 créateurs contempora i n s ( p h o tographes, peintres, graveurs, plasticiens…) présentent leur vision de ce thème riche et vaste. La découverte des sites industriels du passé, aujourd’hui ouverts au public, ne laisse personne indifférent. Le public s’engage dans un parcours constitué d’œuvres recréant l’univers de l’industrie grâce à une signalétique reproduite. La visite commence avec les créations montrant “la réalité” de l’usine (portraits, images d’ateliers). Viennent ensuite les œuvres traitant “l’aspect formel” (paysages, friches, bâtiments). L’usine devient ensuite “miroir” (photographies d’ouvriers qui se mettent en scène) et la dernière partie consacre la “déréalisation” (installations).

38, avenue André-Morizet, Boulogne.

Jusqu’au 29 décembre 2000

Tom Tirabosco Illustrations, bandes dessinées, cinéma d’animation… Tom Tirabosco expose de “1 à 24 images/seconde”. En alliance avec Arquemuse, corporation de créateurs indépendants et la production Mon Œil, Tirabosco présentera ses dernières BD comme Le Week-end avec préméditation (scénario de Wessam) chez les Humanoïdes. Auteur de livres pour enfants, il nous présentera Les Cailloux de Chacha (scénario Jacopin) édité chez La Joie de Lire. Galerie Mon Œil, 53 bis, rue Rodier, Paris 9e.

Jusqu’au 1er janvier 2001

Rosemarie Trockel dessins

La galerie Anatome présentera un flash-back sur le travail considérable d’Étienne Robial, graphiste (EG 48). Trente ans de créations graphiques, des éditions Filipacchi à Futuropolis, la maison d’édition et librairie des amateurs de bande dessinée, de Gallimard aux identités visuelles de Canal +, M6, La Sept, en passant par les nombreuses chartes graphiques, Robial cultive un amour immodéré et constant pour le signe. Cet enseignant de l’ESAG et passionné de typographie désire mettre en valeur le fond et non la forme dans toutes ses créations. L’exposition s’établira en deux temps : l’édition (identités visuelles) où de nombreux ouvrages pourront être consultés et l’habillage d’antenne télévisuelle (travaux sur Canal +.) mis en images grâce à la diffusion d’un film descriptif.

Usine Rhône-Poulenc-Doliprane, 4, rue du Chemin-Vert, Paris 11e.

L’Association des graphistes et le SNG d’Aquitaine présentent une sélection d’affiches, logos, cartons d’invitation, flyers… mettant en perspective l’exercice d’une profession : le graphisme. L’exposition propose les travaux de vingt-cinq graphistes vivant et travaillant en Aquitaine (EG 44). Le centre d’architecture Arc en rêve poursuit ainsi sa démarche d’ouverture au design graphique engagée depuis plusieurs années.

D’origine allemande, Rosemarie Trockel juge parfois la vie et notre société de manière très pessimiste. Le s œ u v re s suivent, mais restent trompeuses : l’homme “s’animalise”, chaque état change de forme originelle et sexuelle. L’exposition présentée par la galerie d’art graphique s’organise autour des thèmes récurrents comme la transformation, la métamorphose et la mutation, mais aussi l’inversion et les ambivalences. Une centaine de dessins sera présentée à cette occasion.

Galerie Anatome, 38, rue Sedaine, Paris 11e .

Arc en rêve, Entrepôt, 7, rue Ferrère, Bordeaux.

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, Paris 4e.

Du 13 décembre jusqu’au 28 février 2001

Robial, rétrospectives

Jusqu’au 13 décembre 2000

Expressions/Impressions

Jusqu’au 26 janvier 2001

92

11.2000


Typotektur La typographie ne doit plus seulement être lue, elle devient image. Cette exposition suisse présente des affiches d’époques et de pays différents. Michàly Biro, Herbert Leupin et Ryuichi Yamashiro s’emploient à faire de ces écritures des éléments visuels importants, d’une marque écrite, un insigne illustré. Museum für Gestaltung, Plakatraum, Limmatstrasse 55, Suisse.

Jusqu’au 28 janvier 2001

Thierry des Ouches Après la présentation de quelques-uns de ses clichés dans le livre Nos Vaches (édité par Un sourire de toi et j’quitte ma mère) en 1998, Thierry des Ouches continue son chemin (EG 48). A sillonner les routes, il tente de reconstituer à travers ses photographies des instants volés, une France de l’enfance. Exposée dans la petite galerie, une centaine de photographies en noir et blanc s’organise en quatre temps : allée de paysages abstraits, galerie de portraits, couleurs de France et impressions diverses sur l’Hexagone. Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, quai François-Mauriac, Paris 13e.

Jusqu’au 24 février 2001

Génies timbrés

Jusqu’au 21 juillet 2001

1940, l’année de tous les destins Le M é m o r i a l du maréchal Leclerc et de l a L i b é ra t i o n de Paris expose la campagne de mai-juin 1940, soulignant les grands combats de la Résistance. Par leur spontanéité et leurs familiarités rudimentaires, les signes et visuels de la Grande Guerre rejettent le côté “qualité française” de la production graphique de l’époque. Photographies, cartes, objets, uniformes, affiches, tracts, journaux… Mémorial du maréchal Leclerc 23, allée de la 2e DB, jardin Atlantique, Paris 15e.

Du 10 au 25 novembre2000

Az’art et Corrosion : art inoxydable Les deux expositions “Az’art” et “Corrosion : art inoxydable” révèlent les ressources picturales qui figurent à l’état brut dans notre environnement à travers les tableaux photographiques de Manolo. Pour se donner un avantgoût, une petite galerie virtuelle est visible sur le site : www.manolo-images.com Galerie l’Escale 25, rue de la Gare, Levallois-Perret.

Du 11 au 26 novembre 2000

Confettis en contrepoint Pour son cinquième rendez-vous, l’atelier de design graphique Ithaque a choisi les confettis pour représenter les vestiges d’un objet perdu ou oublié : ces travaux de commande témoignent d’une réflexion sur la nature des signes et des images dans un environnement donné, réalisés par Olivier Ageron, Cyrill Dominger et Michaël Leblond. La Douëra, passage graphique 5 2, rue du Lion-d’Or, Malzéville.

Du 16 au 19 novembre 2000

Depuis le 6 novembre, le musée de la Poste rend hommage aux inventeurs, savants, médecins, honorés par la philatélie, qui ont changé le cours de la vie quotidienne par leur esprit créatif et leur opiniâtreté. Dans un décor du xix e siècle, le public découvrira Appert, inventeur de la conserve, Niépce, Daguerre, les frères Lumière et beaucoup d’autres. Banalisés par leur usage quotidien, ces petits objets dont on ne saurait se passer seront remis à l’honneur. Musée de la Poste, 34, boulevard de Vaugirard, Paris 15e.

Salon international européen de la photographie Paris-Photo présente pour cette année 2000 des entreprises mécènes : le CCF, Cartier, NSMVie/ABN AMRO, Première Heure et la Caisse de dépôts et consignations (CDC). 23 nouveaux exposants étrangers animeront les galeries du Carrousel et Soufflot, soit au total 93 stands d’exposition. Deux conférences, organisées le 17 novembre, réuniront les gestionnaires de collections et les professionnels du monde de l’art, pour un débat sur le mécénat d’entreprise et quelques tables rondes. Le Carrousel du Louvre, er 99, rue de Rivoli, Paris 1 .

11.2000

93


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