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é :188 janvier 11 mensuel – 10,70 E www.etapes.com


Agence photographique de la réunion des musées nationaux NOUVELLE ADRESSE 254-256, rue de Bercy 75577 Paris Cedex 12 - France Tel. : 33 (0)1 40 13 49 00 Fax : 33 (0)1 40 13 46 01 e-mail : photo@rmn.fr

n° 188 ÉDITO

Les images de Jean-Baptiste

Leroux

Conception graphique : Pierre Finot – © photo RMN, C. Jean, La Belle ferronnière, Léonard de Vinci, Musée du Louvre.

sont sur www.photo.rmn.fr

Jean-Baptiste Leroux Vue du parc du châteaux de Versailles et de Trianon : le bassin d’Apollon, vers 8 heures le matin. Le char d’Apollon : Jean-Baptiste Tuby (1635-1700) © Collection Jean-Baptiste Leroux / Château de Versailles, Dist. RMN – © Jean-Baptiste Leroux

directeur de la publication Michel Chanaud mchanaud@pyramyd.fr chef des services rédactionnels Caroline Bouige cbouige@pyramyd.fr secrétaire général Isabelle Moisy imoisy@pyramyd.fr responsable éditorial iPhone Cyril Petroff cpetroff@pyramyd.fr direction artistique Michel Chanaud, Vanessa Titzé graphistes Mengya Zhuang, Marion Lavedeau (stagiaire) création graphique & maquette © Pyramyd NTCV ont participé à ce numéro Erwin K. Bauer, Matthieu Cortat, Valérie Decroix, Charles Gautier, Pierre Ponant, Morgan Prudhomme, Laurence Richard, Yolanda Zappaterra. rédaction-révision Michel Mazoyer responsable publicité et marketing Nadia Zanoun nzanoun@pyramyd.fr publicité Anne-Sophie Petroff aspetroff@pyramyd.fr internet Sébastien Augereau saugereau@pyramyd.fr abonnements Laurent Robic lrobic@pyramyd.fr T +33 (0) 1 40 26 02 65 – F +33 (0)1 40 26 07 03 Vente et abonnement en ligne : www.artdesign.fr Prix pour 10 numéros : 104 € France 130 € CEE, DOM-TOM – 149,50 € autres pays impression Deux-Ponts, Bresson. ancien rédacteur en chef / cofondateur du magazine Patrick Morin N° de commission paritaire : 0911 T 88598 Dépôt légal à parution – issn 1254-7298 © adagp Paris pour les œuvres des membres. Dans tous les exemplaires, ce numéro comporte un encart Yupo broché 6 p. entre les pages 16-17 et un encart abonnement broché 2 p. entre les pages 64-65. Nouvelle génération de papiers recyclés parfaitement blancs d’Arjowiggins Graphic, Satimat Green se distingue par ses excellentes qualités d’impression et ses vraies qualités environnementales : 60 % recyclé, certifié FSC sources mixtes, ce papier permet à la fois de réduire les déchets en réutilisant de vieux papiers et d’assurer la gestion responsable des forêts, ses fibres vierges étant certifiées FSC. Couverture imprimée sur Satimat Green 250 g. Intérieur imprimé sur Satimat Green 135 g et Cyclus 140 g fabriqué par Arjowiggins. CETTE PUBLICATION PEUT ÊTRE UTILISÉE DANS LE CADRE DE LA FORMATION PERMANENTE.

étapes : est éditée par Pyramyd NTCV Société Anonyme au capital de 110 000 € dont le principal actionnaire est Michel Chanaud.

15 rue de Turbigo, 75002 Paris T +33 (0) 1 40 26 00 99 F +33 (0) 1 40 26 00 79 www.etapes.com / www.pyramyd.com “Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages ou images publiées dans la présente publication, faite sans l’autorisation écrite de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon”. (Loi du 11 mars 1957, art. 40 et art. 41 et Code pénal art. 425) • Le magazine n’est pas responsable des textes, photos, illustrations qui lui sont adressés • L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication • Toutes les marques citées dans Étapes sont des marques déposées ainsi que le logo “étapes :”.

ATTENTION DÉGEL ! Quand la France patine, le design graphique avance. Il en faut du temps et des coups de pelleteuse, pour que se dessinent des espaces nécessaires à la diffusion, et à l’épanouissement d’une discipline. Des actions donnant lieu à reconnaissance se multiplient sur internet, au sein d’institutions prestigieuses, ou au stade le plus emblématique avec la création d’un édifice. Alors que le Musée de l’Imprimerie travaille sur la mise en ligne d’un corpus des typographies françaises, Saint-Étienne se voit gratifiée du statut “Ville créative Design” par l’UNESCO, et à Chaumont, la construction du CIG (Le Centre International du Graphisme) approche. Quatre équipes d’architectes et de graphistes sont d’ores et déjà invitées à présenter une maquette du bâtiment : Olgga architectes et Bruce Mau ; Jakob & MacFarlane et Trafik ; Moatti & Rivière et Polymago ; Kempe Thill et Lonne Wennekendonk. Selon les lois qui président à un appel d’offres sur l’architecture, 50 % du jury se doit d’être architecte de profession et d’apporter son expertise à cet effet. Aucune équivalence n’existe aujourd’hui dans le design graphique. Une différence qui s’explique en partie par le regroupement des professionnels sous un ordre national officiel et l’absence de structure légitime d’autre part. La représentation collective est une force, mais elle doit être portée par une envie, une dynamique et des objectifs partagés. À la lecture des propos d’Erwin K. Bauer sur la présence de pairs dans les jurys des prix de design, un fossé se mesure et subsiste encore entre deux sphères professionnelles aux démarches distinctes : alors que côté architectes des collèges se constituent, côté design graphique, “des collègues envieux” jugent des “collègues envieux”. Faut-il qu’un tel individualisme pèse sur l’ensemble d’une discipline et la qualité globale des productions graphiques ? Si la responsabilité impute aux institutions publiques, les professionnels restent néanmoins les principaux acteurs de leurs pratiques et les défenseurs de leurs intérêts. Sans tomber dans un corporatisme primaire, il reste encore beaucoup à faire, à discuter et à partager pour que se dessinent une activité et une pensée collectives à même de porter le design graphique au-delà de ses propres frontières. Très bonne année 2011 ! Caroline Bouige et Isabelle Moisy


MAKING MAKING THINGS THINGS PUBLIC PUBLIC// //JOSSOT JOSSOT// //457-INCH TOUrS // FONDS DE FONTES // LES GRAPHIQUANTS GrAPHIQUANTS JANVIER JANvIEr 2011

é :188 janvier 11 mensuel – 10,70 E € www.etapes.com

21/12/10 15:18 14:30

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ACTUS

n° 188 FOND & FORME

Couverture : Ce lapin kamikaze, issu de la série “Contre-Attaque” de Katarina Kudelova, est prêt à faire exploser la galerie. Il restera tout de même visible à la Mazel Galerie de Bruxelles jusqu’au 29 janvier. Photo © C. Masson

P04

JAMES ROPER

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THÉO MERCIER

P08

AURÉLIE WILLIAM LEVAUX

P10

SUSANNA SHANNON

P12

ALEXANDRA VERSCHUEREN

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PETE JEFFS, MARIE AUMONT

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ATELIERS 59

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FABRICA

P20

FORMES VIVES

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HUGO KAAGMAN

P24

DEPOT WPF, DEDE

P26

PAR MORGAN PRUDHOMME

Morgan Prudhomme est étudiant en design graphique à l’école régionale des beaux-arts de Valence.

P30

PAR PIERRE PONANT

Pierre Ponant est enseignant à l’école des beaux-arts de Bordeaux.

P40

PAR YOLANDA ZAPPATERRA

Yolanda Zappaterra est designer, auteur sur le design et enseigne le graphisme à Central Saint Martins.

45 TOURS

MAK

ING THINGS PUBLIC

PART DU TEXTE

P48

PAR MATTHIEU CORTAT

Graphiste et dessinateur de caractères, Matthieu Cortat a travaillé avec l’Atelier national de recherche typographique.

P56

PAR CAROLINE BOUIGE

Caroline Bouige est journaliste à la rédaction d’Étapes.

LES GRA

PHI FONDS DE QUANTS

JOS

SOT

UN CARICATURISTE

MANIFESTE “Une affiche sur le mur doit hurler. Elle doit violenter les regards”

Objet d’une attention singulière dans l’industrie musicale, le 45 tours a marqué un tournant socioculturel pour l’édition et les labels indépendants des seventies. Retour sur la culture lo-fi et la réalisation artisanale des pochettes de disques dans les années 1970 et 1980.

FON

TES Une archive des caractères français de 1850 à nos jours consultable par les professionnels et le grand public : voilà le but du Corpus typographique français, créé à l’initiative du musée de l’Imprimerie de Lyon.

Titres composés en Boton d’Albert Boton, textes en Oranda de Gerard Unger.

P65

PAR ERWIN K. BAUER

À la tête de son propre studio, Erwin K. Bauer est aussi auteur et commissaire d’exposition.

DESIGN AWARDS P68

PAR CHARLES GAUTIER

Diplômé de l’école Estienne et actuellement étudiant en master de linguistique et sémiologie.

TYPO

GRAPHIE

SORS DE CE

CORPS P72

LIVRES

P76

AGENDA

P78

RÉPERTOIRE

Titres composés en Kievit de Michael Abbink, textes en Oranda de Gerard Unger.

1.2011 : 3


Divine urine Esthétique baroque ou manga, volutes nuageuses ou viscères, éclair divin ou jet d’urine, James Roper navigue entre les mondes spirituels et matériels, empruntant à l’efficacité visuelle des deux répertoires. Les éléments s’entremêlent à l’acrylique dans une contorsion perpétuelle et se fondent dans une abstraction entendue, apte à franchir les barrières culturelles. Affirmant qu’il n’existe pas tant de différence entre l’iconographie chrétienne et les images lisses produites par la société de consommation, l’artiste britannique développe un langage global qui s’appuie sur les lois universelles de l’art de Ramachandran. CB www.jroper.co.uk

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4 1.2011

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Les vilains J’ai voulu rendre leur piédestal à ces pestiférés qui sont dans l’ombre des statues dorées et des puissants, ceux qu’on ne veut pas voir dans les musées. Théo Mercier présentait ces étranges divinités au Palais de Tokyo, à Paris, cet été. Parmi eux, l’arbre de la connaissance et la force tranquille, des dieux pauvres, des boiteux, de vilains, des rabougris, des sans-grâce et sans sourire. Car l’œuvre de ce jeune artiste donne un grand coup de pied aux convenances de l’art contemporain. Héritage d’une formation en communication visuelle et d’un passage à l’ENSCI, sa fascination pour les objets (qu’il glane immodérément) et son intérêt pour l’efficacité de l’image se sont incarnés lors d’un stage chez Matthew Barney. Depuis, il expose aux quatre coins du monde. CB http://theomercier.free.fr

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1.2011 : 7


Au fil du temps Il y a sans doute autant de violence que de douceur dans les broderies d’Aurélie William Levaux. Qu’elle parle de sa grossesse ou de sa vie de mère, dans ses deux ouvrages publiés à la 5e Couche – maison d’édition indépendante belge –, la dessinatrice, brodeuse, auteur transmet avec une sensibilité troublante son rapport au monde. Espace laissant libre cours à la réflexion, la broderie impose un rythme, un arrêt nécessaire aussi à l’appréciation des compositions. Une beauté fracassante dénuée de tiédeur. CB www.5c.be

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L’IVM fait la fête Pour fêter ses dix ans, l’Institut de la ville en mouvement investit en couleur le Forum des images durant une journée, à Paris. Fondé par PSA Peugeot Citroën en juin 2000, l’IVM tente d’apporter un soutien et de favoriser l’émergence de projets innovants pour les mobilités urbaines. L’organisation regroupe des acteurs de la vie sociale et culturelle, des entreprises, des chercheurs aux compétences pluridisciplinaires. Confiées à la graphiste américaine Susanna Shannon, la communication et la scénographie de l’événement sont complétées par un journal anniversaire intitulé À demain ! pour l’édition française et New moves ! pour celle en anglais. Il parcourt, par date, les dix ans d’action et de recherche de l’institut. Des tracts, programmes imprimés sur papier fluorama, sont insérés dans chaque exemplaire à l’aide d’un énorme trombone triangulaire de la même couleur que le papier. Comme cerise sur le gâteau, Susanna Shannon a demandé à Vivien Lejeune Durhin, une série de 23 affiches réalisées en sérigraphie dans son nouvel atelier à Aubervilliers. IM WWW.SUSANNASHANNON.COM WWW.VILLE-EN-MOUVEMENT.COM

© Susanna Shannon, Serge Bilou, David Benoussaïd

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10 1.2011


Coupé décalé À grands coups de ciseaux, Alexandra Verschueren travaille des tissus mats et colorés comme s’il s’agissait de papier, un art enseigné aux enfants dès leur plus jeune âge au Japon. Forme, volume, passage de l’air et de la lumière font partie de l’univers sobre de la styliste et designer textile belge. Harmonieuses et nettes, les coupes des vêtements oscillent avec les incisions, les figures géométriques, les bombés et les arrondis, qui apparaissent dans la matière pour donner une création originale, entre prestance et finesse du détail. Grâce aux formes et aux découpes, la lumière se glisse, laissant parfois apparaître une partie du corps, sans pourtant jamais tomber dans l’indécence. La lauréate du prix du jury 2010 du Festival international de la mode et de la photographie d’Hyères explore les ouvertures et une géométrie ciselée dans le dessin d’une silhouette résolument sortie d’un livre pop up. IM www.alexandraverschueren.com

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12 1.2011


Sans fonds perdus Organisation internationale non-gouvernementale œuvrant à la sécurité urbaine et à la prévention de la délinquance, l’EFUS (Forum européen pour la sécurité urbaine) se dote d’une nouvelle identité conçue par Pete Jeffs et Marie Aumont. Afin de donner un visage à cette structure méandreuse dont la direction est assurée par un comité exécutif de 27 collectivités territoriales, les deux graphistes optent pour la représentation d’un réseau en rhizomes, s’opposant à la notion de structure hiérarchique. Dans un tel système, conformément à la définition qu’en donne Gilles Deleuze, chaque élément est susceptible d’en influencer un autre. Assemblant des cercles, colorimétriquement scindés en deux, le chaînon s’utilise en fond perdu, dissimulant une partie de sa composition. Les gammes de couleurs permettent d’identifier les champs d’action de l’organisation. En ton direct métallique, la typographie de l’ensemble de la charte, le Fresco de Fred Smeijers, s’adapte, grâce à son grand nombre de glyphes, à l’ensemble des langues européennes et compose un gris harmonieux. À ce système s’ajoutent un logotype utilisable sans fond perdu, un logo partenaire et une charte éditoriale, tous dérivés de l’identité principale. Une rigueur, une cohérence et une qualité graphique qui font aujourd’hui exception et modèle face à la débâcle des logotypes d’institutions françaises et européennes. CB HTTP://MARIMARIE.LEVELZERO-SPX.ORG WWW.RETURNOFTHECHEESEMONKEY.COM

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14 1.2011


Sous le patronage de

La Din à l’école Invité par l’architecte Jean Paul Philippon, Ateliers 59, basé à Lille, conçoit le graphisme et la signalétique de l’École nationale supérieure d’architecture Paris Belleville (ENSAPB). Ouvrant sur le boulevard de la Villette, la grille de l’établissement pose le nom de l’école en transparence et invite le passant à prolonger son regard à l’intérieur. Ici, une seconde paroi vitrée joue en miroir la continuation de la première, rouge, rappel de la brique présente sur la façade. La variation de corps typographique interroge la perspective. Nous sommes bien dans une école d’architecture. Derrière les murs, l’usage de la Din se prolonge sur les portes des salles, aussi grande que lisible, quitte à sortir des cadres. Piliers et colonnes encadrent ses apparitions, toujours en focale resserrée, produisant une efficacité visuelle sans faille. CB

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

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PARIS

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Lever son verre Issues de la collaboration entre Fabrica, le centre de recherche de Benetton, et la galerie italienne Secondome, ces quelques pièces témoignent du fructueux échange entre les designers du centre et le souffleur de verre Massimo Lunardon. Appréhendant les techniques de l’artisan, les élèves ont, sous la direction de Sam Baron, directeur du pôle design de Fabrica, dessiné vases, cloches et plats à gâteaux avec le désir de renouveler la forme et les potentialités des objets traditionnels fabriqués à Venise. Collection Secondome 2010, verre : Valentina Carretta (vase et plateau à trois pieds), Catarina Carreiras (plateau incliné) et Yukihiro Kaneuchi (plateau décor granulé). CB www.sambaron.fr / www.fabrica.iT / www.secondome.eu

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crédit photo Yann Cloutier ebabx

DE LIVRET 10/11 T N IA D L’ÉTU R SU ET ROSAB.N R X U .F BORDEA

CRÉER

En kiosque ! Le premier numéro d’Article 11 fait son entrée en kiosque. Le dernier projet de Formes Vives, l’atelier de Nicolas Filloque et d’Adrien Zammit, est un bimestriel né d’une collaboration avec le typographe Thibaud Meltz et les frères Bernard : Concevoir, mettre en page et mener la direction artistique de tous les numéros. Une voie sans doute un peu folle de par le temps engagé, mais pour nous l’occasion d’expérimenter des idées originales et exigeantes sur la durée. Une DA ambitieuse qui met en valeur le travail d’auteur. Une mise en page différente pour chaque article, une prise de risque assumée, une ouverture typographique pour tenter aussi d’harmoniser l’ensemble : Cette folie est le simple prolongement de ce qui fait l’esprit d’Article 11 : une pratique littéraire du journalisme, avec des textes souvent longs et très travaillés, abordant des sujets variés et jamais confinés à “l’actualité”. Un travail à six mains réalisé avec finesse. IM © Trafik

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WWW.ARTICLE11.INFO WWW.FORMES-VIVES.ORG

Concours d’entrée Inscription Art & Média et Design 18, 19, 20 mai 2011 à partir du 3 janvier 2011 dnap, dnsep en cours Voulez-vousRegistration capturer votre génie créatif ?Entrance Élaborerexam des concepts et designs séduisants d’homologation 18th, 19th, 20th from the 3rd January 2011 au grade de Master nécessite un matériau fiable et constant. Le papier UPM May est le2011 meilleur creuset de votre

créativité Journée – il transmet vosOuvertes valeurs, messages et idées comme aucun autre support. Portes Art & Media and Design Pour fabriquer notre papier, nous utilisons des matières premières renouvelables et de la 16 mars 2011 dnap level, dnsep level Open future Master’s degree bioénergie. Il estHouse totalement recyclable et biodégradable. www.upm.com 16th march 2011

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CONCEPT & ORGANISATION

L’énergie de l’espoir Imposant, pourrait être le qualificatif de cet édifice suspect de 10 mètres de haut sur 40 mètres carrés de surface trônant au cœur de Roombeek, une petite ville de l’est des Pays-Bas. Vouée à être un outil éducatif, la station électrique Stadshaard (littéralement “le cœur de la cité”) a été pensée pour développer la sensibilité des habitants à la consommation d’énergie afin de permettre une cohabitation humaine durable. Imaginée autour du triangle, la structure architecturale se profile à l’angle d’une rue et se termine par une tour. Durant deux ans, entre 2007 et 2010, l’agence d’architecture néerlandaise Architekten Cie s’est associée à l’artiste Hugo Kaagman, chargé d’illustrer les carrelages recouvrant l’ensemble de la surface murale. Chaque dessin représente une façon de consommer de l’énergie et rappelle au quotidien comment l’économiser. IM www1.cie.nl

Ak roe.

www.kaagman.nl

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La ferme Nouvelle marque russe de produits laitiers, Mlk a confié le design de son identité et de ses packagings à Depot WPF, une agence de communication du pays. Pour se distinguer des multinationales proposant des produits similaires, Mlk revendique l’origine fermière, biologique et locale de ses ingrédients. Une préoccupation très présente dans l’industrie alimentaire et qui correspond de plus en plus aux modes de vie des sociétés occidentales contemporaines. Avec sobriété, chaque pack de yaourt, de lait ou de crème se différencie par sa forme et des illustrations faites à la main, qui rappellent les motifs naturels de la ferme : la paille, le bois, les tressages en rotin, le grillage de l’enclos à poule, les tissus du tablier à tout faire. Une façon d’aborder de nouveaux processus de consommation en douceur pour le directeur de projet, Alexeï Andreev. IM www.depotwpf.ru

© trafik

Get the hand of it : un sac, deux vies Projet personnel initié par le jeune studio grec Dede, le “Get the hand of it bag” est un sac de shopping qui a une double fonction. Conçu dans du papier recyclable, il respecte l’environnement et, par sa taille, il possède une capacité nécessaire pour des courses conséquentes de vêtements. Sa particularité tient en revanche à la conception de ses poignées : deux véritables cintres, réalisés dans un carton solide et coloré, sont intégrés et détachables de la structure initiale permettant un soin continu pour les habits de ces dames. Novateur, le projet a été présenté en 2010 au Salon de la mode Satellite à Milan. IM www.dede.gr

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24 1.2011

CRÉEZ VOTRE MAQUETTE DE MAGAZINE ET GAGNEZ UN iPAD Photo Canard est un nouveau site internet qui permet aux internautes de réaliser en quelques clics des magazines avec leurs photos. On choisit une maquette de magazine, on y jette ses photos, et hop! le magazine est prêt et on peut le recevoir imprimé en qualité professionnelle chez soi.

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Making Things Public Par Morgan Prudhomme

LYON, STUDIO CRÉÉ EN 2006 ALICE CARPENTIERO, JEREMY BEGEL WWW.MAKINGTHINGSPUBLIC.COM

ESAG. Janvier 2010. Réalisation de la plaquette de l’école supérieure d’arts de Grenoble. La plaquette est divisée en 2 livrets, le premier sur les informations générales de vie dans l’école ; le second sur les modalités d’inscription. Il contient trois fiches détachables selon le cursus choisi.

Si les MTP s’avouent volontiers partisans d’une certaine économie de moyens, derrière leurs productions sobres et efficaces se dévoile un design réfléchi, travaillé, sensible et cohérent. Avec le recul du travail à quatre mains. Il y a bientôt quatre ans, Alice Carpentiero et Jeremy Begel lancent le studio de design graphique Making Things Public. Non, il ne s’agit pas d’une thématique sur les creative couples, comme ils l’avaient d’abord modestement postulé. C’est bel et bien pour ses productions éditoriales, identitaires ou typographiques soignées, que MTP gagne à être connu. C’est à Grenoble, sur les bancs de l’école Supcréa, que les deux moitiés du studio sont réunies pour la première fois. À l’époque, cette formation aux outils de l’infographie fait l’effet d’un appât vers le design graphique. C’est comme une évidence qu’Alice se dirige vers le DNAT de l’école des beaux-arts de Valence, où elle est rejointe par Jeremy l’année suivante. En 2006, diplôme en poche, lui continue une collaboration entamée en stage avec le studio Trafik, elle avec Pierre-Elie Coursac. Le duo, porté par un réseau dynamique, mène rapidement à bien quelques projets sérieux, un CV suffisant pour monter un studio et commencer à démarcher.

Identité et démarche Making Things Public : le programme est clairement énoncé (en révélant parfois quelques difficultés d’élocution chez les non-initiés). Le nom trouve en partie son origine dans le projet de diplôme de Jeremy, qui interrogeait les signes d’apparition de la loi dans l’espace public. Le design graphique, c’est faire passer un message et nous travaillons à ce que ce message soit reçu, quel que soit l’émetteur. Dès les premiers clients (un expert-comptable, et un centre de formation), Alice et Jeremy investissent dans la rencontre humaine, s’attachent à découvrir le contexte de travail de leurs interlocuteurs, s’imprègnent de la passion, ou de l’attachement des professionnels à leurs métiers respectifs. De cette relation privilégiée et personnalisée se dégage, pour chaque projet, une production originale, adaptée et sensée. Travailler à deux permet de dépasser la première intention, ne pas se satisfaire de la première idée, car l’on sait qu’elle va devoir séduire l’autre. Leurs méthodes de travail sont différentes et complémentaires. Jérémy affectionne la

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26 1.2011

Ci-dessus. The Making Things. Juillet 2010. Une carte postale au format 105 x 150 mm, introduit le studio par un abécédaire de possibles making things. La typographie se nomme le Double mixte (ici bold/light, existe aussi en bold/regular).

Page de droite. En bas. Nouvelle politique de l’art contemporain en Rhône-Alpes. Septembre 2008. Partant de l’hypothèse qu’il est difficile de réaliser un visuel unique synthétisant l’art contemporain, le studio a travaillé

sur une solution structurelle et flexible, adaptable à tous supports et messages. La proposition joue sur la perception et l’idée de work in progress.

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typographie, est attaché au noir et blanc ; Alice est plus sensible au papier, à la couleur. J’attache beaucoup d’importance à l’objet en lui-même, au toucher du papier, sa tenue, son format, s’il est fonctionnel. C’est naturellement que l’un vient à porter tel ou tel projet, la présence de l’autre apportant le recul nécessaire. Nous ne sommes pas une symbiose, nous sommes un conflit !

Page précédente. En haut. Upper shoes. Mai 2008. Identité et scénographie. Réalisation du logo à partir des identités de deux boutiques d’une enseigne lyonnaise spécialisée dans la chaussure de luxe.

Références Dans leur bureau-appartement du quartier de la Guillotière, un petit imprimé How To Work Better de Peter Fischli & David Weiss trône sur le plan de travail. La bibliothèque est bien fournie. On en sort quelques-uns des plus beaux livres suisses (Hot Love, 2009), Designing Books de Jost Hochuli, bien qu’aucun nom ne se voie affublé du rôle de “mentor”. Nos recherches, nos influences, dépendent des projets, des objets, des sens voulus. Parmi les dernières choses qui nous ont marqués, il y a certains travaux méconnus du studio suisse Norm, de Cornel Windlin, de Philippe Millot ou encore certains tableaux de John Baldessari découverts au Tate Museum. Au-delà des bouquins spécialisés sur le graphisme, maintenant nous achetons les livres pour l’objet en lui-même, nous devenons des sortes de geeks collectionneurs.

Ci-contre. The Fader. Novembre 2007. Réalisation de deux doubles pages pour le mensuel new-yorkais Fader n° 52 dans le cadre

d’un numéro spécial sur l’Afrique. La carte recense les principaux artistes africains, leur pays d’origine, leur langue et leurs styles musicaux. Des trames sont utilisées pour indiquer les langues sur la carte. Page de droite, elles déterminent le style musical de l’artiste. Créée pour l’occasion, la typographie Nemo Censetur apparaît pour les lettrines de début d’article.

Le statut de graphiste Après sept années de vie de couple et de travail en commun, craignant une certaine routine à rester enfermés dans un statut de graphiste indépendant, les Making Things Public sont à la recherche d’expérimentations et d’échanges. Un enrichissement nécessaire pour pallier l’étouffement de toujours travailler pour une commande, qui permet de ne pas voir et/ou produire tout le temps les mêmes choses. On dit qu’après 35 ans, on vit sur ses acquis. Est-ce qu’on se voit encore graphistes à 70 ans ? Alice occupe un poste de chargée de communication pour la ville de Bron. Elle y côtoie chaque jour la naissance d’un besoin de communication, ainsi que le processus décisionnel qui l’entoure. Aussi, elle épanche son besoin de créativité par la production d’objets, d’expérimentations, de recherches, comme les livres pliés (voir photos page 29) qui lui permettent aussi de s’échapper de l’écran. Jeremy enseigne à l’école d’arts appliqués Bellecour. À ses heures, il s’ attache minutieusement à ses recherches typographiques. C’est quoi un graphiste ? C’est la question qui revient souvent ! Si depuis quelques années le graphiste gagne en reconnaissance, la plupart des gens n’ont pas conscience du savoir-faire nécessaire, comparé à un pays comme la Suisse, où le domaine est vraiment ancré dans la culture. Mais il faut nuancer cela, le ciel n’est pas toujours plus bleu ailleurs… La difficulté du domaine de l’image, c’est qu’il reste très subjectif. Donc Making Things Public essaie d’être rationnel, sensé, carré, mais pas austère. On voit apparaître beaucoup d’idées nouvelles, jusque dans la publicité mainstream. L’accès aux musées est une autre preuve de la reconnaissance montante du domaine : comme l’exposition “Translation” du studio M/M (Paris) au Palais de Tokyo qui met en lien art, design, mode et graphisme. C’est sans doute cette transversalité avec l’art qui va aider le graphisme.

Journées art contemporain 2010. Dépliant A6 fermé A3 ouvert + affiche Decaux. L’approche graphique de l’identité place la ville de Grenoble comme une salle d’exposition géante qui comprend 16 galeries. L’affiche Decaux est alors envisagée comme un plan signalétique de musée. Des signes directionnels abscons renvoient aux multiples parcours possibles.

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Ci-dessus. Composition X, XI... 2009-2010. Projet personnel, série

de photographies de signes composés à partir de livres de poche pliés.

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Jossot un caricaturiste manifeste Par Pierre Ponant

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Au croisement du grotesque et des avant-gardes plastiques du XXe siècle émergent, le trait “Manifeste” de Jossot donne à la caricature son statut d’art moderne. Itinéraire d’une vindicte graphique qui dénonce les suppôts et la morale d’une société industrielle dominante et oppressante. Pour en extraire l’ordure morale, il faut exagérer l’expression des physionomies ; exalter la grimace, cette photographie de l’âme ; déformer les personnages d’un pouce compresseur, leur écrabouiller le nez, leur broyer les maxillaires, leur tordre l’épine dorsale, écarteler leurs membres, décerveler leurs crânes. Le caricaturiste est un justicier doublé d’un philosophe : à coup de matraque il fait craquer les masques et martèle, sur l’enclume de la pensée, le sujet hurlant et pantelant. Son insoumission lui confère une inégalable robustesse. Il a recours à une grande sobriété de moyens pour obtenir une complexité d’effets. Il incruste l’humour en des lignes baroques et paradoxales ; il possède le comique impitoyable ; sa couleur hurleuse est précise ; son sens du monstrueux travestit la vie réelle par l’acuité de sa vision. À distendre les mouvements du corps, à étirer les muscles de ses pantins disloqués, il provoque le rire par le conflit des idées soulevées. Lorsque le rire devient une arme, il est formidable : il met à vif la dégradation des humains ; il jette à bas de leurs piédestaux les Hautes-Crapules et saccage toute la sacrée boutique où sont entassés les lois, les conventions, les préjugés, tous les mensonges. Extraite d’un recueil, à la fois autobiographique et pamphlétaire, Le Fœtus récalcitrant, écrit en 1938 par Henri Gustave Jossot, cette définition de la caricature marque une époque et l’œuvre d’un artiste qui a fait de ce concept un véritable art manifeste. On ne peut lire l’œuvre graphique de Jossot sans se référer au contexte sociopolitique dans lequel elle s’inscrit : celui de la “Terreur noire”, comme l’intitule, dans un essai paru chez Jean-Jacques Pauvert en 1959, le poète et critique d’art André Salmon. Une époque située entre la Commune de Paris, en 1871, et la “grande boucherie” du premier conflit mondial, où la bourgeoisie née avec la révolution industrielle montre son arrogance en matant les grèves et en réprimant le mouvement ouvrier avec l’armée. Mais un temps où les anarchistes et autres “illégalistes” rendent coup pour coup et font trembler les piliers de la IIIe République. Attentats à la bombe, braquages de banque, etc. sont l’œuvre de quelques idéalistes, prêts à donner leur vie aux cris de : La propriété c’est le vol ou Ton ennemi, l’État… Ravachol, Auguste Vaillant, Émile Henry marcheront la “tête haute” vers la guillo-

tine. La révolte ne s’exprime pas que par l’action directe mais aussi par l’émergence d’une presse où, à l’instar de La Revue blanche fondée par les frères Natanson en 1889, artistes et écrivains s’engagent en politique. Une fin de siècle où émergent par ailleurs les fondements d’une révolution picturale portée par les Nabis, les Fauves et les individualités précubistes et pré-expressionistes. Ce bouillonnement ne laisse pas indifférent Jossot, même si celui-ci reste à l’écart d’un véritable engagement, préférant la rébellion individuelle, dans l’esprit de Max Stirner. Dans son roman Viande de “borgeois”, publié en 1906, Jossot fait dire au protagoniste principal, l’anarchiste Anarcharsis Morovack, des propos qui correspondent à son état d’esprit. Répondant, lors d’un meeting, à un contradicteur affirmant qu’il y a des affranchis parmi les esclaves, Morovack rétorque : Oseriez-vous vous considérer comme tels, anarchistes-communistes qui êtes déjà organisés en groupements et en syndicats ? […] Je répète que je ne vois partout que des esclaves et bien peu d’affranchis, ou plutôt je ne vois que des bêtes, je ne vois que le Grand Troupeau SousHumain ! Oh ! Les sales gueules, les ignobles blairs, les abominables tronches !... Partout je vois clignoter les yeux chassieux ou briller les regards féroces, partout j’entends s’entrechoquer les mâchoires bestiales, partout m’apparaissent des museaux qui dégoulinent, des groins qui bavent, des mufles qui reniflent et des hures qui grimacent. […] Les gnomes de Goya, les diables de Callot, les larves d’Odilon Redon me semblent maintenant bien au-dessous de la réalité. L’ouvrage, que Jossot qualifiera a posteriori de mauvais roman, est abondamment illustré de vignettes et caricatures dont le traitement graphique nous renvoie à des bestiaires médiévaux ou, peut-être, à une certaine statuaire primitive mélanésienne ou océanienne. Sous l’invective, Jossot affirme un trait moderne et rebelle.

1. Le soir. Dessin paru dans la revue allemande Jugend, nº 42, oct. 1896. Cette image de Jossot affirme ses convictions de peintre, où il manipule le trait et les aplats de couleur à la manière des Fauves. Avec une certaine distance critique, et sans y prendre part de façon explicite, Jossot regarde et suit avec attention l’évolution et les recherches de ses contemporains, des Nabis au fauvisme.

Itinéraire d’un récalcitrant Henri Gustave Jossot naît le 16 avril 1866, à Dijon, dans une famille bourgeoise et aisée. Des jésuites au lycée de Dijon, il passe son enfance et son adolescence sous le joug du mensonge. Cette tare de la société, décrit-il dans Le Fœtus récalcitrant : Le mensonge se trouve à la base de tout : les lois, les conventions, les mœurs, la morale, tout est faux.

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L’esprit critique naquit en moi, se développa et je n’acceptai plus rien de ce qu’on m’affirmait sans l’avoir préalablement examiné à la lueur indécise de ma conscience d’enfant. Et de poursuivre : D’où m’est venue ma vocation de caricaturiste ? Quelles causes m’incitèrent à déformer la figure humaine au lieu de la reproduire dans son exactitude ? Quand j’étais potache, je traçais sur mes cahiers et mes bouquins les têtes de mes professeurs et de mes pions. Cet exercice, qui n’était pas prévu au programme universitaire, absorbait tout mon temps. J’ai reproduit, d’abord maladroitement, en ne parvenant pas à éliminer de ma plume certaines exagérations, les tares physiques de mes éducateurs. Peu à peu, j’arrivai à mieux saisir leurs expressions et leurs attitudes : à partir de ce moment le jeu devint passionnant. […] Les têtes exécrées des bourreaux de mon intellect n’étaient pas mes uniques modèles : je portraiturais également mes condisciples. Déjà les visages de ces fils de bourgeois laissaient deviner ce qu’ils seraient plus tard : des utilitaires dépourvus d’idéal, des négociants, des industriels, des gens d’affaires, des huissiers, des pharmaciens et des notaires. Après un service militaire, à Nevers, dont il sort officier de réserve, Jossot vient à Paris où il travaille dans une compagnie d’assurances. Vers 1890, il reçoit un petit héritage qui lui permet de se dispenser d’une activité salariée, et il s’initie à la peinture en fréquentant les ateliers de J.-P. Laurens et d’Eugène Carrière, qu’il considère comme son maître en peinture. Hormis quelques dessins publiés dans la presse dijonnaise (Le Sans-Souci en 1886), la carrière de dessinateur de presse de Jossot débute vers 1892. Il collabore au journal montmartrois La Butte, à Paris-Joyeux, à la Caricature, où son style se cherche. Les dessins de cette période sont encore fortement influencés par l’école réaliste où excellent des artistes reconnus comme Jean-Louis Forain, Adolphe Willette ou Alexandre Steinlen. Le trait de Jossot va très vite se différencier et s’affirmer dans toute son originalité. Ses fréquents séjours en Bretagne, où il observe les méandres de l’érosion sur la côte et le paysage, influent sur son graphisme. Tout comme l’actualité artistique, qui voit se développer les codes de l’Art nouveau. Sans céder à cet effet de mode dont Jossot critique la mièvrerie et une certaine préciosité, ses caricatures épousent un style beaucoup plus décoratif. En 1894, dans les pages des revues littéraires et satiriques La Critique, Le Rire et Le Cycle, les enchevêtrements linéaires de plus en plus complexes, les volutes et autres arabesques impressionnent le lecteur et la critique. Thiébault-Sisson, journaliste au quotidien Le Temps, écrit en 1895 : Le trait de Jossot ne respecte que le mouvement ; mais il convulse les formes ; il les arrondit en courbes, en volutes, les noue en invraisemblables spirales dont l’effet, pour être imprévu, n’en est que plus souverain. Les visages

s’épanouissent ou se contractent ; les chevelures se projettent en tous sens comme des flammes ; les doigts affolés se recroquevillent, s’allongent, se tortillent comme des nichées de serpents ; les tibias, les péronés enchevêtrés prennent de fantasmagoriques aspects de colonnes torses ; les vêtements, les fleurs jusqu’aux meubles prennent part à cette danse épileptique. Cette même année, Jossot publie à la Librairie artistique G. Boudet un album contenant vingt-quatre compositions dessinées, imprimées en noir et mises en couleur au pochoir. Sous le titre Artistes & bourgeois, Jossot y fustige la suffisance et la prétention des comportements de deux corps sociaux moins étrangers l’un de l’autre qu’il n’y paraît. Jossot y révèle une maîtrise du trait, épuré à l’extrême. Une ligne claire dont on peut considérer qu’il est l’un des inventeurs avec les dessinateurs Caran d’Ache, Moriss ou Jules Depaquit. La couleur, appliquée au graphisme par des aplats opposant primaires et complémentaires, renforce la tension des dialogues entre les personnages. Les légendes sont moins bavardes, plus incisives. Jossot y porte une attention particulière, sensible à la puissance des mots. Il précise, toujours dans Le Fœtus récalcitrant : Dans la caricature, la légende importe autant que le dessin : celui-ci n’est là que pour frapper la vue, porte du cerveau. Il ouvre et l’idée entre, plaquée à la légende brève et cinglante, claquant comme un coup de fouet. C’est grâce à sa concision que la légende se faufile dans un coin de la mémoire et s’y installe, inexpugnable. Jossot aborde souvent le dessin à partir de légendes ou d’une réflexion écrite et non d’esquisses préparatoires. La notoriété de Jossot s’installe dans les milieux parisiens de l’art et de la presse. Il participe aux Salons des indépendants, collabore avec des humoristes au journal La Plume. À l’occasion de l’un de ces derniers numéros, en 1895, le critique d’art Léon Maillard écrit dans La Plume : Il est certain que la formule si hardiment établie par M. Jossot produira une impression très diverse sur les critiques, mais je crois qu’il n’est pas homme à abandonner le bénéfice, penchant plutôt à croire qu’il cherchera à le pousser à son plein épanouissement et à donner à son arabesque une volonté et une expression tellement concordantes qu’elle aura désormais droit de cité dans la notation graphique de nos travers et de nos laideurs morales. Le trait de Jossot s’épaissit effectivement. Délimitant encore plus les surfaces, écrasant les visages et la forme humaine. La chromie devient violente avec une gamme réduite au noir, blanc et rouge. Son œuvre devient de plus en plus singulière, hors des courants. Seule la manipulation exacerbée du contraste noir et blanc le rapproche du travail de gravure sur bois de Félix Vallotton. Les deux artistes se rencontrent d’ailleurs dans un ouvrage de Paul Scheerbart,

Rakkóx der Billionär/Die wilde Jagd, publié en Allemagne en 1900. Jossot en dessine la couverture, les motifs des pages de garde et diverses lettrines et vignettes. Quant à Vallotton, il illustre un frontispice. La révolte graphique de Jossot n’accompagne pas un idéal révolutionnaire. L’artiste n’y croit pas. Il est tout d’abord individualiste, un en-dehors. Un drame familial, la mort de sa fille atteinte d’une méningite, précipite l’ artiste dans une dépression chronique et accentue son pessimisme envers ses contemporains. En 1897, Jossot publie un deuxième album de dessins. Sous l’intitulé Mince de trognes, il s’attaque à l’armée en dessinant une galerie de “grotesques”. L’essayiste Henri Bauer écrit dans sa préface : Comment s’attaquer en bataille rangée au fléau séculaire qui se décore des noms de patrie, de gloire et de liberté, qui s’avance la trompette au poing, dans les plis du drapeau, sur une mer d’uniformes, de galons, de chevaux, parmi les fers étincelants, les fortes senteurs de la poudre avec la toute-puissance des mots sur les foules stupides, naturellement enclines à la brutalité, au carnage et à la destruction. L’artiste a vu de près la tourbe enrégimentée, régularisée pour les hécatombes ; il en a regardé les organes, les têtes anonymes, les éducateurs, tout ce que l’ordre militaire engendre de détestables et grotesques figures, et de conclure, il faut tuer la guerre sous le ridicule. L’album, de grand format, affiche une puissance graphique inégalée. Précurseur et retors avec les goûts de son époque, Jossot l’est aussi dans le domaine de l’affiche publicitaire. Une affiche sur le mur, déclare-t-il, doit hurler. Elle doit violenter les regards du passant. Entre 1894 et 1903, il conçoit une vingtaine d’affiches, dont une partie sous contrat avec l’imprimeur publicitaire Camis. Il travaille pour les marques Saupiquet, Amieux frères, Cointreau, le journal L’Action et les tournées Baret. À chaque projet, le même défi : imposer à l’annonceur un graphisme simplifié et caricatural, aux couleurs tapageuses. Jossot poursuit et étend sa collaboration avec la presse. Avec l’éphémère revue Cocorico, de Paul André Boutigny, il livre une sorte de logotype en la caricature d’un colleur d’affiches imprimée en quatrième de couverture de L’Estampe et l’affiche, publié par Édouard Pelletan. Il réalise des illustrations pour la revue allemande Jugend et de nombreuses vignettes pour L’Art décoratif. Mais à partir de 1901, c’est dans des supports plus politiques qu’il étend sa vindicte contre l’ensemble des institutions. Que ce soit dans l’hebdomadaire libertaire de Jean Grave Les Temps nouveaux, dans le quotidien anticlérical, républicain et socialiste L’Action, de son ami Henry Bérenger, et bien évidemment dans L’Assiette au beurre de l’éditeur S. Schwarz. Il raconte sa rencontre avec ce dernier dans le mensuel La Rue, en 1946 : J’habitais alors

à Paris. Je reçus un beau matin la visite d’un grand escogriffe qui répondait au nom de Schwarz. Il m’apprit qu’il fondait une publication illustrée : L’Assiette au beurre. Il venait me demander ma collaboration, en spécifiant que chaque artiste pouvait dessiner un numéro entier et que toute liberté lui serait laissée pour le choix du sujet. Bien entendu, j’acceptai et devins bientôt le leader de L’Assiette au beurre, à moi seul, je confectionnai vingt numéros. Chacun d’eux comportait quinze caricatures du format de la publication. Le premier me fut confié : il s’attaquait à la magistrature. Un autre suivit qui ridiculisait mes ennemis personnels, les officiers, intitulé “Fixe!”. Schwarz m’apprit que ces messieurs achetaient son journal par douzaine d’exemplaires afin de les détruire. Après ce fut le tour du clergé, puis de la franc-maçonnerie, des flics, des poivrots, de la pudeur, de la repopulation, etc. Les désincarnés eux-mêmes ne trouvèrent pas grâce devant moi : je montrais l’un d’eux se réveillant la nuit dans son cercueil, il se dressait sur son séant, portait la main à son os frontal, d’où coulait une sueur froide et s’écriait : “J’ai rêvé que j’étais vivant. Un cauchemar.” Jossot réalise quelque 300 dessins pour L’Assiette au beurre. Cela reste son œuvre majeure. De plus en plus dépressif, Jossot abandonne presque totalement le dessin satirique après 1907. Influencé par ses fréquents voyages en Tunisie, il peint des toiles et réalise des aquarelles où se croisent orientalisme et fauvisme. En 1911, il décide de s’y installer et il ne reviendra plus jamais en France. Pris d’une crise mystique, il se convertit à l’islam en 1913 et s’initie au soufisme. Il se fait nommer Abdul-karim Jossot (le fils du miséricordieux). Jusqu’en 1921, il arrête quasiment toute production plastique. Puis il se consacre à écrire des billets d’humeur dans la presse progressiste et socialiste tunisienne. Il y défend les mariages inter-communautaires, l’égalité des revenus et se bat pour une plus grande liberté de la femme musulmane. En 1927, son exaltation mystique se tarit et l’athéisme reprend ses droits. Quand j’eus constaté que tous mes efforts pour acquérir la foi demeuraient sans résultat, je quittais le burnous et repris les vêtements européens. Me voici vieux, très vieux, quoique encore alerte. Assez vieux pour voir encore une autre guerre et assez alerte pour lui survivre. Quels imbéciles que ces mortels. Jossot est enterré en avril 1951 au “cimetière des oubliés” à Dermech en Tunisie.

La bibliothèque Forney à Paris organise une rétrospective Jossot du 1er mars au 18 juin. Le commissariat est confié à Henri Viltard (auteur d’une thèse sur Jossot, du livre-catalogue de l’exposition et du site http://gustave.jossot.free) et Michel Dixmier (auteur du Cahier de l’art mineur n° 23 consacré à Jossot, coédition Limage/Le vent du ch’min, 1978). Rencontre “De Jossot à Charlie-Hebdo” le 31 mars à 18 h 30.

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“Dans la caricature la légende importe autant que le dessin […]. Il ouvre et l’idée entre, plaquée à la légende brève et cinglante, claquant comme un coup de fouet. C’est grâce à sa concision que la légende se faufile dans un coin de la mémoire et s’y installe, inexpugnable.” 2

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– J’ai perdu son adresse. – Est-il décoré ? – Non. – Oh, alors

2 & 7. Dessins sans légendes illustrant l’article “L’affiche caricaturale” paru dans L’Estampe et l’affiche, nº 10, 1897. Jossot y proclame sa conception d’une affiche sans concession, violente et tonitruante. 3 & 4. Artistes & bourgeois. Couverture et dessin, éd. G. Boudet, Paris, 1897. 5. Le Rire. Dessin en 4e de couverture. Nº 65, 1er fév. 1896. 6. Le Démon du jeu. Dessin pour Cocorico, nº 59, sept. 1901. 8. Le Fœtus récalcitrant. Ouvrage publié à compte d’auteur pour cause de censure des autorités tunisiennes, imp. Albert Hadida, Tunis, 1939. 9. Affiche pour les tournées Ch. Baret. Vers 1906.

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vous le retrouverez facilement !

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– Je le ferai d’abord paraître en feuilleton, puis éditer, traduire en anglais, en allemand, en russe ; après, je le transformerai pour le théâtre, et si l’Amérique...

Le démon du jeu. 1.2011 : 35


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– Nous autres “désincarnés” nous ne coupons pas dans “l’Au-delà”

– As-tu du tabac ? – Cherche dans mon cerveau : j’y fourre des tas de choses.

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Respect aux enfants ; Ton gosse, c’est pas ton père.

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Le respect est un agenouillement devant quelqu’un.

10. Cra. L’Assiette au beurre nº 59, mai 1902. 11. Les refroidis. Dessins parus dans L’Assiette au beurre nº 156, mars 1904. Pamphlet métaphorique où Jossot expérimente diverses techniques d’aplats d’encres et de couleurs pour ses dessins. 12. Les jurés. Dessins parus dans L’Assiette au beurre nº 345, nov. 1907. Dans ce numéro, Jossot dénonce l’étroitesse d’esprit d’une petitebourgeoisie au service d’une justice de classe qui n’a qu’un seul objectif : condamner. 13 & 14. Le respect. L’Assiette au beurre nº 302, janv. 1907. 15. Fixe. Dessin paru dans L’Assiette au beurre nº 41, janv. 1902. 16. Circulez. Dessin paru dans L’Assiette au beurre nº 150, fév. 1904. 17. Dressage. Dessin paru dans L’Assiette au beurre nº 144, janv. 1904.

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J’ai reproduit, d’abord maladroitement, en ne parvenant pas à éliminer de ma plume certaines exagérations, les tares physiques de mes éducateurs. Peu à peu, j’arrivai à mieux saisir leurs expressions et leurs attitudes : à partir de ce moment le jeu devint passionnant.

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Un mari qui tue sa femme, c’est naturel ; mais une femme qui tue son mari !...

– Mort de froid !... tout naturel en cette saison ; mais les journaux comprendront pas : vont encore faire du pétard !

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– Laissez-les s’exprimer !

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– Deux d’un coup !... C’est superbe ! Tu auras la croix ! 1.2011 : 37


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“Le trait de Jossot ne respecte que le mouvement ; mais il convulse les formes ; il les arrondit en courbes, en volutes, les noue en invraisemblables spirales dont l’effet, pour être imprévu, n’en est que plus souverain.” Thiébault-Sisson, journaliste au Temps (1895).

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18. Mince de trognes. Éd. Hazard, Paris, 1896. 19, 20 & 21. Vignettes parues dans Viande de “borgeois”, éd. Louis Michaud, Paris, 1906. 22. Rakkók der Billionär. Couverture et double page intérieure du roman de Paul Scheerbart, éd. Schuster & Loeffler, Berlin, 1900. Vignettes, culs-de-lampe et lettrines originales : Jossot y excelle en inventions typographiques. 23. Dessin paru dans Les Temps nouveaux nº 24, oct. 1905. Jossot

entretient un rapport ambigu avec cet hebdomadaire édité par Jean Grave, l’un des théoriciens du mouvement anarchiste. Sa correspondance avec ce dernier reste très polémique. Jossot y affirme qu’il n’est pas anarchiste mais individualiste.

Trois fripouilles. 1.2011 : 39


45 tours

Objet d’une attention singulière dans l’industrie musicale, le 45 tours a marqué un tournant socioculturel pour l’édition et les labels indépendants des seventies Retour sur la culture lo-fi et la réalisation artisanale des pochettes de disques dans les années 1970 et 1980. Par Yolanda Zappaterra

Le 31 mars 2009, le 45 tours célébrait son soixantième anniversaire. Le premier trimestre de cette année, Rough Trade, le détaillant indépendant de musique de Londres, a annoncé une hausse de 17,5 % de son chiffre d’affaires, après avoir préparé ses bacs pour la troisième édition de l’International Record Store Day. Un nombre impressionnant de singles étaient exposés, aux pochettes rivalisant d’imagination. On se serait cru revenu à l’apogée des labels indépendants, dans les années 1970 et 1980. À l’époque, les pochettes de 45 tours étaient considérées comme de véritables chefs-d’œuvre de la conception alternative, dominée par une tendance esthétique punk à la do it yourself qui puisait ses racines dans l’idéologie libertaire de cette musique et la reflétait visuellement. Les labels indépendants étaient gérés par des groupes de musique et des fans fauchés qui faisaient alors appel à leurs amis étudiants en art, parmi lesquels Malcolm Garrett, Peter Saville, Jamie Reid et, pour le mouvement post-punk,

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Neville Brody, pour créer des pochettes qui marquèrent le début d’une nouvelle période de créativité et de rébellion. Le travail de Saville pour Factory Records, les pochettes de Garrett pour les Buzzcocks, les créations de Brody pour Fetish Records, sans oublier, bien sûr, la collaboration de Reid avec les Sex Pistols, restent des monuments. Mais ce serait laisser de côté les centaines d’autres pochettes tout aussi frappantes réalisées à la même époque. Très souvent, ce n’était guère plus que des photocopies en noir et blanc agrafées, collées, griffonnées et pliées, créées pour des groupes comme Crass, Marine Girls, Fashion, Magazine, Alternative TV et Television Personalities, et qui avaient l’air d’avoir été bricolées dans une chambre, ce qui était souvent le cas. Les meilleures pochettes étaient dans le même style que le fanzine punk Sideburns et sa célèbre une présentant des accords de guitare sous lesquels était griffonnée la phrase Now form a band. La couverture est souvent attribuée, à tort,

au fanzine punk Sniffin’ Glue de Mark Perry, fanzine majeur mais à la publication brève (1976-1977). Cette image résumait l’esprit de rébellion du mouvement punk, comme son caractère éphémère. À la fin des années 1970, de nombreux groupes punk avaient été absorbés et assimilés dans le courant dominant de l’industrie musicale en tant que nouveau style pop. Pendant ce temps, les labels indépendants postpunk se lancèrent dans toutes sortes de genres musicaux. En partie grâce à l’essor de l’infographie dans les années 1980, ils créèrent des styles aussi variés qu’éclectiques ; souvent, les pochettes étaient réalisées par les groupes eux-mêmes. Paco Mus, du label indépendant londonien La Vida Es Un Mus, se souvient de quelques hauts faits de l’époque : Les labels indépendants de la fin des années 1970 et du début des années 1980 réalisaient à la main une grande partie de leurs pochettes, à l’aide de pochoirs, de tampons en caoutchouc, d’agrafes ; les Letraset et les séparations couleurs rudimentaires

étaient la norme. Records Dro travaillait avec différents supports papier ; ADK colorait à la main ses créations ; les premières pochettes United Dairies recouraient à des collages en noir et blanc, tandis que Attack Punk usait et abusait de sérigraphie. J’aimais toutes les illustrations du groupe Crass, de leur identité au pochoir aux dessins en noir et blanc de Gee Vaucher. J’ai été particulièrement influencé par le slogan du label ESP Disk, imprimé sur leurs pochettes : “The artists alone decide what you will hear on their ESP-Disk.” Aujourd’hui, la mode des pochettes créées à la main fait un retour en force, pour un certain nombre de raisons. Selon quelques concepteurs, des propriétaires de labels et des groupes impliqués dans leur création, ce retour à l’“analogique” fait office d’antidote à la réalité numérique contemporaine, caractérisée par le virtuel et l’immatériel. Selon Sophie Kern, illustratrice et conceptrice de la pochette du single Braces de Ten Bears, le lo-fi et les illustrations à la main sont

Give And Receivers/ The Ghost of Kerouac. The Hornblower Brothers. Pochette réalisée par Joe Torr.

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Ci-dessous. What Colour is Pink ? Vibravoid. EP. Pochette du groupe.

À droite, en haut. Fruits de Mer vol. 1. Schizo Fun Addict. Album un titre.

À droite, en bas. What Colour is Pink ? Vibravoid. Carte postale inserée dans l’album. Pochette réalisée par le groupe.

Ci-dessus. Rebelde Wave. Grupo Sub-1. Album un titre. Premier pressage du vinyle en noir à 350 exemplaires puis en vert à 150 copies. Pochette réalisée par le groupe.

À droite. There Is No War. Surrender. Album trois titres réalisé à l’occasion d’une tournée européenne. 400 copies. Pochette réalisée par le groupe.

En haut. Last Orders. The Shitty Limits. Album un titre. Ces trois pochettes ont été réalisées par les groupes au sein du label de Paco Mus, La Vida Es Un Mus.

tendance, car ils donnent aux gens l’impression d’acheter quelque chose qui a été créé avec soin, personnellement, dans une intention spécifique. Sam Lewis, membre du groupe Planet Earth, estime que cette tendance se veut une réflexion sur un monde dans lequel le produit lui-même, la musique, est par essence dépourvue de valeur. Lorsqu’on peut copier et télécharger de la musique gratuitement, la valeur disparaît. Le packaging doit être spécial pour que les fans soient enclins à l’acheter. Par ailleurs, les facteurs économiques jouent, comme l’ajoute Joe Torr, concepteur de pochettes pour The Hornblower Brothers : Les groupes et les labels doivent trouver des solutions moins coûteuses que les grands studios. Ce qui conduit à se tourner vers des personnes travaillant de façon artisanale et susceptibles d’ajouter une touche humaine. Le monde est saturé d’images parfaites et retouchées. La seule façon de se démarquer est de revenir à l’essentiel : une révolte à coup de bâtons de colle et de ciseaux contre Photoshop.

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Pour les labels indépendants confrontés à un enjeu de survie, il s’agit de trouver comment amener les gens à payer pour acheter de la musique. Et quel meilleur moyen que de revenir à des œuvres en édition limitée, créées à la main ? Chez le label indépendant ne produisant que des vinyles Fruits der Mer, qui commercialise des singles sur des vinyles en couleur au tirage limité à 300 exemplaires, les copropriétaires Keith Jones et Andy Bracken s’expliquent : Pour chacun des disques que nous produisons, nous essayons de faire quelque chose de spécial, d’un peu différent, quelque chose que nous, “les accros” aux vinyles, aurions envie de posséder. Nous nous inscrivons dans ce mouvement croissant visant à pousser le concept au-delà des vinyles et des CD jusque dans la conception et le packaging, en utilisant de façon créative les papiers, les encres, les textures et les couleurs. Nous produisons l’antithèse d’un MP3, qui n’est que de la musique machine sans cœur, sans âme, sans personnalité.

Le label lui-même est lo-fi. Le logo Fruits der Mer a été conçu par le fils de Keith, tandis qu’Andy créait les pochettes et les tira en une seule couleur sur du papier A4 ; le format était trop petit pour un 45 tours se souvient Jones. Peu de choses ont changé, ils continuent de gérer l’impression et la production des pochettes. Nous travaillons toujours de façon artisanale avec un petit budget, ajoute Jones. La conception est de plus en plus réalisée par les groupes eux-mêmes. Chez les labels indépendants, les groupes jouent un rôle concret dans la conception des illustrations de leurs pochettes, ce qui explique l’aspect artisanal prédominant. Ces designers amateurs ne travaillent pas avec beaucoup de fontes et ne maîtrisent pas Photoshop ou InDesign. Ils ne cherchent pas à utiliser les supports les plus sophistiqués ni les dernières technologies d’impression. Mais leur manque de compétence et d’expérience en matière de design est justement ce qui rend le produit final si novateur et convaincant.

Les créations réalisées par les groupes eux-mêmes garantissent une adéquation naturelle entre la musique et l’artiste, déclare Jones, avant d’ajouter : Elles impliquent la personnalité et d’autres éléments personnels. La pochette glaciale de Us & Them reflète leur son acid-folk et leurs origines scandinaves. Les pochettes psychédéliques de Vibravoid reflètent la personnalité et le mode de vie du leader du groupe ; c’est un voyage psychédélique, et le concept est magnifique. Chez le label La Vida Es Un Mus, les groupes élaborent les premières idées, puis le dirigeant du label, Paco Mus, intervient et suggère en matière de type d’impression, de support et de fini. Les résultats, tant sur le plan musical que sur le plan artistique, sont aussi variés que cette approche le laisse penser, et ils recourent à des techniques et à des matériaux comme les tampons en caoutchouc, la sérigraphie, l’impression sur des vieux supports, des bandeaux, etc. Cet éclectisme se répercute sur toute l’industrie.

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Page de gauche. Braces. Ten Bears. Pochette réalisée et illustrée par Sophie Kern. Ci-contre et ci-dessus. Bergman Movies/ Big Babies et Falling Into Love/What More. Planet Earth. Les deux pochettes intègrent des peintures de François Marry.

Sur les pochettes des deux singles de Planet Earth signés chez Young and Lost Club, Bergman Movies/Big Babies et Falling Into Love/What More, figurent des peintures de François Marry. Le membre du groupe Sam Lewis apprécie le travail de ce peintre et souhaitait lui donner de la visibilité, car ses œuvres font écho à la sensibilité lo-fi de la musique. Des peintures ornent aussi les pochettes créées par Joe Torr pour The Hornblower Brothers, dont les influences vont de l’imagerie punk à David Hockney. Torr travaille en étroite collaboration avec le groupe. Dans le même temps, une esthétique très différente où la peinture est travaillée pour former une surface lisse, comme le vinyle, créant une atmosphère dense et sombre, s’affiche sur l’album de The Neat In Youth is Pleasure par le membre du groupe Nick Boden. Les productions du label Tough Love ne pourraient être plus variées, avec leurs illustrations en pattes de mouche, des dessins dans le style de Raymond Pettibon et une esthé-

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tique grunge. Ses meilleures réalisations se retrouvent dans la série “Split”, dans laquelle deux groupes sont produits chacun sur une face du 45 tours. Le single de William et Calories, conçu par Gordon Armstrong, illustre clairement la diversité des créations graphiques du label, souvent réalisées par les groupes eux-mêmes. Robin Silas, batteur de Male Bonding, a conçu les pochettes pour son groupe et le single de Fair Ohs et Spectrals, tandis que Gavin Housley, le chanteur de William, a créé une élégante pochette dans le style de Saville pour le premier single du groupe, intitulé Five Minute Wonder. Stephen Pietrzykowski, de Tough Love, est fier de la façon dont les pochettes reflètent tout à la fois les groupes et leurs morceaux : Il y a un charme rude et tangible qui part de la musique et se reflète dans l’élément visuel, déclare-t-il. Nous partons toujours du point de vue que si on crée un produit physique qui est coûteux à fabriquer, il est important que le rendre aussi beau que possible. Dès lors, nous accordons plus d’atten-

tion à la forme qu’à la fonction, c’est symptomatique de la création de vinyles à l’ère numérique. C’est une sorte de fétichisme du produit, qui s’accompagne de la croyance que la musique est une chose abstraite nécessitant une forme physique et tangible pour être rendue significative. Le lo-fi grunge a influencé aussi certaines créations récentes, notamment celles du groupe américain The Vivian Girls, conçues par le membre du groupe Cassie Ramone, et le single 2 Page double des Dirty Cuts, conçu par Matt Gallus. Le travail de Harriet Seed pour le single des Left With Pictures intitulé Every Stitch Every Line entraîne l’esthétique lo-fi dans une tout autre direction, avec une illustration créée à partir de découpes de pochoirs et de couleurs à la main sur des papiers réutilisés, en l’occurrence des enveloppes pré-utilisées et des sacs en papier. Autre direction, celle suivie par l’artiste allemand David Roeder pour la pochette du single Eucalyptus des Deadly Syndrome : l’artiste a employé des

découpes, de la peinture et du bois pour évoquer ce qu’il décrit comme l’esthétique surannée du groupe. C’est naturel pour moi de travailler avec des matériaux réels sur mon bureau. Je cours moins le risque de perdre du temps, puisque je ne peux pas changer facilement la taille et les couleurs, alors je me concentre sur les possibilités des objets, explique Roeder. Un tel éclectisme en matière de style laisse à penser que le lo-fi et l’approche artisanale ont encore de beaux jours devant eux. Et, dans une sorte de boucle se bouclant joliment, l’achat de musique indépendante revient à ses origines premières : à l’époque où les magasins de disques indépendants étaient rares, la plupart des achats étaient effectués par correspondance et, lors de la réception, la première émotion du fan était la pochette. Comme l’explique Keith Jones de Fruits der Mer : Nous espérons que quiconque achetant un disque chez nous se réjouisse de le recevoir par la poste, car la musique et son design vont ensemble.

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Ci-dessous. Spectrals. Fair Ohs. Pochette de Robin Silas, le batteur de Male Bonding.

En bas. Every Stitch Every Line. Left With Pictures. Pochette de Harriet Seed.

À droite. Split. Calories/William. Album un titre. Pochette de Gordon Armstrong.

Ci-dessus Could This Be Love ? The Brute Chorus. Pochette réalisée par Mo Coppoletta.

À droite. My Love Will Follow Me. Vivian Girls. Album un titre. Pochette de Cassie Ramone, un membre du groupe.

Ci-contre. Eucalyptus. The Deadly Syndrome. Pochette réalisée par D. Roeder.

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Fonds de fontes

Une archive des caractères français de 1850 à nos jours, consultable par les professionnels mais aussi par le grand public : voilà le but du Corpus typographique français créé à l’initiative du musée de l’Imprimerie de Lyon. Parcours guidé au pays de la typographie de Monsieur Tout-le-monde, des fondamentaux aux découvertes plus iconoclastes, entre belles lettres et banals caractères. Par Matthieu Cortat

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Garamonds, Plantins, Elzévirs, etc.

Que montrer ?

Il y a une dizaine d’années, le ministère de la Culture et de la Communication a lancé un vaste plan de numérisation du patrimoine national : peinture, sculpture, architecture, etc. Après dix ans d’efforts, on commença à songer que le graphisme y aurait peut-être sa place. Un appel à participation a donc été lancé auprès de différentes institutions publiques. La plupart de celles qui y ont répondu partageaient une vision assez proche de ce qu’est le graphisme français, c’est-à-dire des affiches, évidemment signées par de grands noms (Toulouse-Lautrec, Chéret, Cassandre, etc.). L’angle d’attaque du musée de l’Imprimerie de Lyon – et de son directeur Alan Marshall, initiateur de ce corpus – a été d’en prendre le contre-pied, en se tournant tout d’abord vers la typographie puis, par la suite, vers les graphismes éphémères et anonymes, les ephemera. C’est dans ce cadre que j’ai été mandaté pour travailler durant six mois, en 2009, à la création et à la documentation d’un Corpus typographique français, qui recense les polices de caractères dessinées en France de 1850 à aujourd’hui.

La question du choix des caractères s’est évidemment posée. Un seul des volumineux spécimens de caractères du XIXe siècle permettrait à lui seul de rédiger plusieurs centaines de notices. Il fallut donc opérer des choix : à partir d’une liste d’“incontournables” qu’il était essentiel de traiter, nous avons cherché à donner un aperçu aussi vaste que possible des caractères disponibles en France durant la période étudiée et nous avons préféré la représentativité à l’exhaustivité. On trouve dans ce corpus du vieux comme du plus récent. On y trouve des caractères splendides et d’autres moins réussis. Le propos de ce corpus n’est pas de montrer l’“excellence” française en matière de création de caractères, mais de refléter la réalité de la production d’une époque : les travaux médiocres font aussi partie de l’histoire de la typographie.

Page de gauche. Revue Caractère Noël, 1929.

Fonderies françaises des deux derniers siècles Suite à la consultation d’un grand nombre de spécimens de caractères du XIXe siècle, j’ai découvert une certaine quantité de fonderies que je n’avais jamais vu mentionnées dans aucune publication.

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Appel à participation Le Corpus typographique français n’est pas clos : vous pouvez, dessinateurs de caractères, graphistes, étudiants ou simples amateurs, envoyer vos créations au musée de l’Imprimerie de Lyon. www.imprimerie.lyon.fr Pour vos questions : mc@nonpareille.net

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Si Deberny & Peignot est bien connue, et que la fonderie marseillaise Olive a aujourd’hui beaucoup d’admirateurs*, il est déjà plus difficile de trouver des informations sur la Fonderie typographique française, un conglomérat de petites entreprises. Et audelà, qui, aujourd’hui, a entendu parler de Jacoby & fils ? Thorey & Virey ? Ch. Boudin ? Poirier de Saint-Charles & Cie ? Warnery ? Quand on regarde les catalogues de ces différentes maisons, une constante se dessine progressivement, c’est qu’elles proposaient toutes à peu près la même chose ! Chacune avait son Didot, son Elzévir, son Garamond, etc. Et sous un même nom, on trouve des caractères parfois très dissemblables… Ceux que je vais brièvement présenter ici sont tout sauf d’avant-garde. Ils sont en général totalement absents des histoires de la typographie. Ce sont des copies, des plagiats, bon nombre sont terriblement banals, fades, pour certains vraiment ratés. Ils ont aussi en commun l’anonymat de leurs dessinateurs. Mais, ils forment 90 % de la typographie de Monsieur Toutle-monde. Utilisés pour des circulaires administratives, des livres bon marché, des annuaires et des journaux, ils constituent l’essentiel de l’univers typographique d’une époque. D’où l’intérêt d’une analyse de ces créations, souvent anonymes, pour comprendre l’évolution des modes de production et de consommation typographiques, en France, au cours du dernier siècle et demi.

directeur de la Fonderie générale, son nom était, au XIXe siècle, synonyme de qualité. Ce n’est pas exactement le plus classique de la série. Il ressemble à un italique redressé, avec empattements au début et à la fin des lettres, sans que cela soit systématique (comme dans le n biscornu). Son a est orné d’un ergot sur la droite, et son g est plutôt fantaisiste pour un caractère vendu comme de labeur. Bien sûr, le spécimen ne manque pas de faire référence aux grands noms de la typographie française – Didot, Jenson –, au cas où l’on douterait d’avoir affaire à des gens sérieux. L’Elzévir de la fonderie de la veuve David1 a un air de famille, il doit en effet aux Augustaux son gris de texte pâle (une caractéristique loin d’être rare à cette époque). Mais il a ses propres particularités : un grand œil, des approches serrées, des capitales un peu carrées, étouffant dans leurs contours, à l’opposé des majuscules italiques, exaspérantes de chichis et bouclettes. Enfin, comme il est bien connu que ce qui est vieux est sérieux et respectable, on se sert ostensiblement dans le spécimen de s longs depuis longtemps sortis des usages typographiques. L’Elzévir Jouaust, quant à lui, n’a pas grand-chose de distinctif. Il est assez banal – mais c’est peut-être là la définition d’un bon caractère de labeur. En revanche, il soulève un problème rencontré plusieurs fois durant la documentation de ce corpus : la nomenclature. En effet, la fonderie Jouaust… n’existe pas. On trouve en revanche une maison d’édition de ce nom, spécialisée dans les ouvrages d’art et la bibliophilie. S’agit-il d’un caractère exclusif dessiné particulièrement pour cet éditeur ? L’éventualité n’est pas à exclure : le spécimen ne propose que trois corps. Fabriquer un caractère coûte excessivement cher et se limiter aux trois corps nécessaires au texte courant d’un livre serait une attitude logique pour un éditeur – qui n’a pas les moyens d’en produire plus. Le cas est similaire avec l’Elzévir Janet. Il n’était pas rare, dans les ateliers de composition au plomb, de rebaptiser les caractères à sa guise. Les graciles anglaises recevaient des noms féminins

Augustaux, etc.

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1. Elzévir David. Gravure et Fonderie, Veuve A. David, Paris, sans date (après 1885).

2. Augustaux. Miracle advenu en la ville de Lyon… Imprimerie de Louis Perrin, Lyon, 1875.

3. Beaudoire. Petit spécimen des caractères des fonderies Virey Frères, Marcellin-Legrand, Dumeil, Colson, Capron et Turlot successeurs, Paris, sans date.

3 4. Elzévir francais. Spécimen général, Fonderie Turlot, Henri Chaix, gendre et Cie, successeurs, Paris, sans date.

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5. Elzévir anglais. Spécimen général, Fonderie Turlot, Henri Chaix, gendre et Cie, successeurs, Paris, sans date.

Comme balise de départ de ce corpus, nous avons les Augustaux de Louis Perrin, gravés en 1855 pour une réédition des Inscriptions antiques de Lyon d’Alphonse de Boissieu. Première cassure avec le monopole des caractères Didot, ils vont avoir un large succès et inspirer toute une génération de typographes en lançant ce qui deviendra le Renouveau elzévirien2. Chaque fonderie a donc sorti son propre Elzévir… avec plus ou moins de réussite. Voyons-en quelques-uns. Celui de Théophile Beaudoire (1833-1903)3, pour commencer. Étudiant puis continuateur de l’œuvre de Perrin, 6. Danoises. Catalogue de machines à imprimer, Berthier et Durey, sans lieu, 1905.

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* Ces derniers gagneront

7. Écossaises. Petit spécimen des caractères, fonderies Virey Frères, Marcellin-Legrand, Dumeil, Colson, Capron & Turlot successeurs, Paris, sans date.

à lire la dernière publication des éditions Ypsilon, Roger Excoffon et la fonderie Olive, de Sandra Chamaret, Julien Gineste et Sébastien Morlighem.

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(celui de l’épouse ou de la fille du patron). Parfois même les fondeurs eux-mêmes changeaient le nom de certains caractères pour le marché français : les exemples les plus fameux sont le Futura, vendu sous le nom d’Europe, et le Folio sous celui de Caravelle. Durant le XIXe siècle, la production augmente, tant en quantité (avec le développement de la presse, de l’édition et des imprimés publicitaires) qu’en variété (la circulation de l’information fait apparaître de nouveaux usages, et la mode exige de la nouveauté). Les catalogues s’épaississent pour devenir parfois de véritables pavés de plusieurs kilos. Il faut donc, pour différencier les caractères, trouver une nouvelle façon de les nommer. À travers l’Europe, on se fait alors régulièrement la guerre sous prétexte des nationalités. Le patriotisme enflamme le cœur des Européens du XIXe siècle. Et les spécimens typographiques en sont le reflet : on y trouve tous les noms de pays possibles (la plupart du temps, sans grande justification). La fonderie Turlot propose, par exemple, un Elzévir anglais5 et un Elzévir français4, sans préciser, cependant, ce qui est particulièrement anglais ou français dans l’un et l’autre. Les typographes voyaient-ils clairement un “caractère national” à ces fontes ? D’autres pays ont prêté leurs noms à des caractères plus fantaisistes. Un mince échantillon pourrait débuter avec les Écossaises7 (des Anglaises penchées vers la gauche ! Le terme se retrouve chez plusieurs fondeurs). Au-delà des européennes Danoises6 et autres Hongroises, le colonialisme nous a aussi valu, entre autres, des Marocaines, une variante étroite des Algériennes.

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Copie, citation, pillage, création…

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8. Serie E. Pour l’affiche, Jacoby & Fils, Grenoble, sans date.

9. Vulcain. Fonderie typographique française, Paris, sans date.

En haut à droite. Revue Caractère Noël, 1930. Composition de lettres à partir de simples filets de plomb.

10. Stridon Warnery. Extrait de la notice Stridon : La forme des lettres du Stridon

est définie uniquement par leur ombre. Ce caractère inspira également Adrian Frutiger pour son Phoebus. On peut aussi penser au Gill sans shadow maigre d’Eric Gill et au Semplicità ombrato d’Alessandro Butti.

11. Un ephemera d’un genre aujourd’hui méconnu : le billet d’enterrement. Apparus au début du XVIIe siècle, ce sont des affiches, d’un format A2 qui invitaient les passants à assister aux convois funéraires. Ils se composent

d’éléments récurrents : de grands M (pour Messieurs, Mesdames) et des lettrines V (Vous) structurent l’espace, avec un texte informatif. Pour le reste, c’est au goût de l’imprimeur, en général plutôt funèbre. M. Narcisse Gaffé, Arras, 1842.

Oubliés

13. Danoises. Catalogue de machines à imprimer, Berthier et Durey, sans lieu, 1905.

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Avec leur parfaite expérience de bonimenteurs, les fondeurs annoncent pourtant vendre une fidèle reproduction de la gravure du célèbre imprimeur du XVIe siècle. Mais c’est aussi le cas, peu ou prou, pour tous les caractères présentés dans cet article : tous sont des Elzévirs, présentés comme tels, et se réclament d’une qualité “ancestrale”, et pourtant tous sont très différents. Qui dit vrai ? Les fondeurs étaient-ils de bonne foi ou s’agitil simplement d’un appât facile de la propagande commerciale ? Et que dire des dizaines de Garamonds numériques actuels, qui alignent pour certains une large documentation, preuve de leur “véracité” historique ? Finalement, un revival n’est-il pas toujours beaucoup plus de son propre temps que de celui dont il se réclame ? Le terme de revival – ou de réinterprétation – ne serait-il pas, alors, dépassé, et l’historicisme un axe de lecture inadéquat pour parler de dessin de caractères aujourd’hui ? Traditionalisme et postmodernisme renvoyés dos à dos.

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On peut trouver, dans les réserves d’un musée, à côté de l’incontournable poussière patrimoniale, des documents plus iconoclastes, comme ceux qui suivent, issus des réserves du musée de l’Imprimerie de Lyon et retenus pour le Corpus typographique français. Un certain pan de la création typographique est orienté vers le “faux” et l’imitation. C’est ainsi le cas des caractères typographiques en plomb imitant la machine à écrire. Très pratique, ce genre de caractères va permettre l’impression de circulaires

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“personnalisées” (avec ratures déjà faites). De la même manière, en 1984, la société Mecanorma proposait, pour finaliser la réalisation d’une maquette avec les superbes trames pixellisés de votre Mac, une série de Trames Macintosh, “pixels manuels”… en lettrestransferts. Les pixels étaient aussi à l’honneur, quelques décennies avant l’heure, avec les surprenantes et variées Vignettes décor15 de la Fonderie typographique française. De légers décalages chronologiques apparaissent ainsi au fil des pages de spécimens. C’est par exemple le cas des semelles “disco” des Pyramidales13 de la fonderie Turlot, datant de 1878. Ou de celles de la Série E8 de Jacoby & fils, elles aussi plus que centenaires. Surimpressions, géométrisation des formes, certaines compositions en Vulcain9 pour les dépôts Nicolas ne paraîtraient pas forcément vieillottes dans un studio de graphisme aujourd’hui. Au détour d’une revue, on découvre la première version de l’Antique Olive, encore baptisée de son nom provençal : Catsilou14. Dans un catalogue Mecanorma, pour qui le plagiat n’était pas un vain mot, un Antique Oliver s’offre à notre admiration. Très proche du célèbre caractère de Roger Excoffon, il en est suffisamment éloigné

12. Papier d’emballage. Cliché et gravure, Deberny & Cie, Paris, 1911.

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15. Décors. La Vignette décor, Fonderie typographique française, Paris, sans date.

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toutefois, en cas de soucis juridiques. Autre incongruité : le livre pour aveugles qui, par définition, ne voient rien, imprimé en braille sur des images de fourchettes et cuillères (les chutes d’un catalogue d’argenterie). La date d’impression – 1917 – nous renseigne sur les potentielles raisons d’une telle économie. Enfin, pour rester du côté des images plutôt que des lettres : les fondeurs vendaient aussi des illustrations de toutes sortes, pour les papiers d’emballage12 ou, dans la presse, pour les avis de décès.

13. Pyramidales. Maisons réunies Virey Frères, Paris, 1878.

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Le Corpus typographique français sera, d’ici quelques mois, consultable en ligne sur les sites du musée de l’Imprimerie de Lyon et de la bibliothèque municipale de Lyon. On y trouvera près de 400 notices 10, contenant le nom du caractère, la fonderie qui l’a édité, le contexte de sa création et quelques traits distinctifs. Autant que possible, le nom du créateur et l’année de sortie sont mentionnés : excepté pour les “grands classiques” (Grasset, Peignot, Vendôme, Univers, etc.), les polices sont souvent anonymes et les catalogues non datés. Les notices seront illustrées d’images tirées de spécimens de caractères, catalogues et travaux de ville divers. Que ce soit pour les professionnels, les amateurs

éclairés ou les néophytes complets, le corpus cherche à faire voir des caractères au lieu de les lire. Car son ambition est double. Il se veut tout d’abord une base iconographique et scientifique, destinée aux étudiants, chercheurs et enseignants en typographie, qui pourront y consulter des documents historiques. Mais aussi, et peut-être surtout, il s’adresse à tous ceux – nombreux – qui n’ont jamais entendu parler de typographie et qui, par cet outil, pourront apercevoir un aspect de ce domaine encore peu connu, en France, aujourd’hui. Le plan de numérisation mené au musée de l’Imprimerie de Lyon se continue en ce moment avec un second volet, les ephemera11 : cartes de visite, prospectus, bagues de cigares, casquettes en papier, “billets de bras”, etc., reflets d’usages de l’imprimé changeant et souvent révélateurs de leur époque.

14. Catsilou. Gérard Blanchard et José Mendoza y Almeida, “Roger Excoffon”, Communication et langage, nº 57, 1983. Arch. ME-R. 15. Décors. La Vignette décor, Fonderie typographique française, Paris, sans date.

Ce texte est une version réadaptée des conférences données à la quatrième International Conference on Typography and Visual Communication et aux Rencontres internationales de Lure en 2010. Toutes les images © Collections du musée de l’Imprimerie de Lyon. 1.2011 : 55


PARIS, STUDIO CRÉÉ EN 2008 ROMAIN RACHLIN, MAXIME TÉTARD, FRANÇOIS DUBOIS ET CYRIL TAIEB WWW.LES-GRAPHIQUANTS.FR

média. Nous avons commencé à collaborer avec lui sur des projets web avant de lui proposer d’intégrer l’équipe.

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Comment se sont formés les Graphiquants ? R : Maxime et moi nous sommes rencontrés sur les bancs des Arts décoratifs de Paris. L’enrichissement apporté par notre diplôme à quatre mains a nourri l’idée

d’un atelier. Cyril est avant tout un ami qui a toujours été attentif aux questions soulevées par mon cursus en arts appliqués. Après cinq ans passés comme responsable de production d’une société de produits design,

il s’est imposé comme la troisième tête des Graphiquants. M : Après un parcours professionnel très “sérieux” et des études de statistiques appliquées, François, notre voisin de palier, a créé sa société spécialisée dans le multi-

Quels avantages votre structure (2 graphistes, 1 responsable multimédia, 1 responsable communication et production) apporte-t-elle ? R : Maxime et moi rêvions d’une structure capable de porter nos envies d’auteurs. Mais une structure inscrite dans une économie viable. Les avantages de celle que nous avons mise en place sont en train de se dessiner. Privilégier notre indépendance artistique reste à la base de toute décision. Une partie de notre temps est consacrée aux commandes privées, qui assurent 70 % de nos revenus. C’est sur ces projets que notre organisation prend tout son sens. F : Nos clients retrouvent dans notre équipe une organisation proche des agences : DA, webdesign, gestion de projets web et suivi de production. Nous sommes organisés pour répondre aux besoins actuels du marché avec une équipe multidisciplinaire œuvrant sur de nombreux médiums. Nous avons ainsi la maîtrise en interne des projets, de la conception à la réalisation. M & R : Cette force vient de nos différences, mais notre vision et nos sensibilités se rejoignent. Nous nous efforçons d’amener le graphisme sur des sujets qui lui étaient étrangers en privilégiant un travail de qualité, quel que soit le commanditaire. Certaines réussites (concours, appels d’offres) sont-elles dues à la présence d’interlocuteurs non graphistes ?

Comment travaillez-vous ensemble ? R : Nous adaptons notre structure en fonction et travaillons à un, deux, trois ou quatre selon l’envergure du projet. Solliciter Cyril sur notre travail d’auteur nous a permis de mettre en place une exposition, des éditions et une structure pour la diffusion : la Graphiquerie. Notre travail de graphiste plasticien sur les projets culturels reste un domaine réservé aux graphistes. Nous ne sommes pas un seul cerveau à quatre mains et notre manière d’aborder les sujets diffère. Bien heureusement, ces deux fils de pensée finissent toujours par se rejoindre et c’est souvent à cet endroit que débute le projet. Notre travail de communicants avec les commanditaires privés s’appuie sur les capacités d’organisation de François. Il est le contrepoids idéal dans notre relation avec le client et nous permet d’amener des entreprises ou des marques vers une image ou des concepts de communication moins bali-

Quels sont les studios et les graphistes qui vous ont le plus influencés ? M & R : Nous sommes des enfants de Grapus, et plus particulièrement de François Miehe, qui nous a tous les deux suivis durant notre scolarité. Nous admirons leur engagement politique de contestation par l’image. Nous portons un regard attentif aux M/M (Paris) pour leur innovation plastique, et un amour infini pour Karel Teige. Nous apprécions unanimement le travail d’Helmo. Centre Pompidou Paris, Metz, CNAP… Les collaborations avec le monde des arts et de la culture se multiplient. Comment l’expliquez-vous ? R : Notre studio a intégré dans son économie, la récurrence de projets culturels comme moteur affectif. Se retrouver face à des interlocuteurs qui comprennent et respectent notre métier est une vraie source de plaisir. M & R : Aujourd’hui nous pouvons seulement constater la manière dont se sont déroulées les choses : le Centre Pompidou-Metz est la première grande institution à nous avoir fait confiance. Claire Bonnevie, éditrice du centre, nous a invités à concourir pour le catalogue de l’exposition “Chefs-d’œuvre ?”. Puis nous avons participé et gagné l’appel d’offres pour la signalétique de l’exposition. Notre rencontre avec la scénographe Jasmin Oezcebi à Metz nous a amenés à l’appel d’offres pour MondrianDe Stijl au Centre PompidouParis. Le CNAP nous a appro-

chés après avoir vu notre travail sur le Familistère de Guise, porté avec Sabine Rosant pendant trois années. M : Nos travaux personnels de recherches alimentent un besoin de nouveauté et de créativité vitale, les résultats bruts que nous obtenons sont canalisés et réinterprétés dans nos travaux de commande. J’imagine que cette démarche sensibilise naturellement plus les interlocuteurs du monde des arts. Comment vous organisezvous pour trouver une rentabilité dans la dynamique des appels d’offres ? Avez-vous une charte éthique ? C : Une charte éthique, oui. Nous sommes très attentifs aux positionnements d’institutions comme le CNAP contre le travail non rémunéré. Nous nous permettons aujourd’hui de refuser les appels d’offres sans dédommagement. Mais pour être tout à fait honnête, nous avons commencé par accepter ce qui venait en assumant les risques financiers… M & R : Un des deux graphistes prend la responsabilité de l’appel d’offres et développe les propositions. La plupart des dédommagements accordés ne couvrant pas la totalité de notre investissement, les trois autres Graphiquants assurent le roulement des projets en cours et subventionnent d’une certaine manière cette prise de risque. C’est un équilibre qui permet d’assurer la rentabilité. Votre travail est empreint de considération tactile (pliages, découpages, 3D, crayonnés…), la patte Graphiquants ? M & R : Notre grand projet de fin d’études s’attachait à la conception d’objets de diffusion et de communication pour un collectif de troupes de théâtre. Nous nous sommes prêtés à un jeu de mise en scène de l’espace papier. Nous imprimions une composition que nous prenions en photo après toute une série de décou-

pages, de superposition et de mise en lumière. Nous avons envie de montrer au spectateur la scène brute de notre travail tout comme il assisterait à une représentation théâtrale. L’affiche est une scène, une fenêtre sur un lieu, un moment, une lumière, avec sa magie et ses maladresses. Ce rapport entre l’objet et l’image est resté primordial. Nous ne sommes définitivement pas des illustrateurs, mais des metteurs en scène. Il nous faut du vivant, nous n’inventons rien, nous assemblons dans un cadre. Toutes nos polices sont en réalité des objets avant d’être des lettres, nos photos sont des décors, et le graphisme chorégraphie ces acteurs. Comment tirez-vous parti de la qualité d’impression et de fabrication ? M & R : Notre formation à l’ENSAD nous a permis d’expérimenter toutes sortes de médiums. De la sérigraphie à la photographie en passant par la gravure ou même le textile. Ce rapport au toucher, à la manipulation, à la qualité d’une couleur occupe une grande place dans notre écriture. Le travail sur le Familistère de Guise prend son sens une fois sérigraphié sur un panneau en acier. Les blancs tournants du catalogue Chefs-d’œuvre ? ne s’incarnent que dans le Munken Print et son grain si présent. C : Nous sommes aussi exigeants dans la production que dans la création. À ce titre, nous ne laissons pas la main au client sur la production et insistons sur le budget alloué pour un rendu de qualité. Nous sommes prêts à réduire nos honoraires au profit d’un investissement plus important sur la fabrication. Quatre garçons ! Ce n’est pas un peu compliqué parfois ? C & F & M & R : Pour le déjeuner, c’est plutôt pratique : quatre cheeseburgers saignants !

Le/les mouvement(s) artistique(s) dont vous êtes proches ? M & R : Le Bauhaus mixé au dadaïsme en passant par le surréalisme d’un pop art en niveaux de gris.

Par Caroline Bouige

sés, éloignés des contraintes imposées par le marketing. M : Pour les projets Internet, c’est surtout avec François que nous travaillons. Nous assurons la DA en prenant soin d’inscrire notre empreinte graphique. L’avantage, c’est que nous sommes en discussion permanente avec lui et que nous repoussons parfois les contraintes techniques du Web !

Les Graphiquants

Les Graphiquants

C : La majorité des appels d’offres remportés concernent les domaines de la culture. C’est ici la qualité des propositions graphiques et créatives ainsi que la didactique qui sont plébiscitées. Lorsque nous approchons d’autres secteurs d’activité, les commanditaires sont d’autant plus convaincus par nos propositions qu’on leur apporte un discours proche des codes traditionnels de la communication. Cet équilibre rassure les clients. R : Grâce à Cyril et François, nous pouvons accorder un temps précieux à l’expérimentation. Cela profite à notre concentration, l’esprit et les mains sont consacrés à la matière graphique. Cette structure offre une rigueur de travail qui nous a permis de reconquérir nos acquis sociaux ! Jours fériés, week-ends, vacances, sont entrés à l’atelier avec l’arrivée de François.

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Vos studios favoris ? M & R : Frédéric Teschner, M/M (Paris), Helmo. Ci-dessus. Conception graphique du livre sur la section architecture de l’exposition inaugurale du Centre PompidouMetz. 2010. En écho aux contraintes architecturales liées au territoire, le texte courant s’inscrit dans deux colonnes rythmées aléatoirement par des objets invisibles qui rentrent dans le texte. Posé sur un fond noir, l’objet de la couverture hésite entre le volume et une vue en plan. Il parle ainsi du cheminement de l’un vers l’autre qui est au cœur du métier d’architecte.

CNAP. Rapport d’activité du Centre national des arts plastiques (CNAP). Notre travail s’est porté sur la frontière entre une compréhension 58 1.2011

conversation composée de contraires amenant une image nouvelle, un paysage imaginaire, une irrégularité figurée. Les Contreversions sont un projet éditorial de la Graphiquerie autour d’un projet photographique des Graphiquants. Imprimées comme une édition d’images détachables, elles sont mises en vente sur la-graphiquerie.fr.

Ci-contre. Signalétique de l’exposition inaugurale “Chefs-d’œuvre ?” du Centre Pompidou-Metz. 2010. Réinterprétation d’un frise retraçant l’architecture à travers les musées. Conception de nuages biographiques d’artistes en miroir des œuvres présentées.

Les Graphiquants

Si vous étiez une typo ? M : Une typo pleine de graisses. R : L’History de Peter Bilak. Une structure ultragéométrique et une infinité d’enrichissements possibles.

Les Graphiquants

Contreversions. Travail de composition photographique autour de l’horizon. La superposition de deux images dessine cette ligne de rencontre entre deux espaces, dont on ne sait pas qui est le reflet de l’autre. Une Contreversion est un dialogue photographique qui joue du hasard des ressemblances entre deux images,

immédiate des données chiffrées et une richesse complexe, quasi ornementale des schémas.

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Une citation sur l’image ? M : L’image est une vérité à ménager. (Les Graphiquants.) R : Peut-on mettre le texte en plus gros, plus rouge ? (Un client.) Ci-dessus. Folding. Affiche de l’exposition “Folding/ Papier-Machine” réunissant l’ensemble des artistes de la galerie. 2010. Composition de papier photocopié et découpé.

Disparition des corps. Affiche de l’exposition de deux artistes, Rachel Labastie et Nicolas Delprat. 2009. Création d’une typographie.

Les Graphiquants

Un livre inoxydable ? M : ABZ, Alphabets, graphismes, typos (de Julian Rothenstein et Mel Gooding, chez Autrement). R : Catalogue du XXe Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont (éditions Pyramyd, 2009).

Les Graphiquants

Ensemble de la double page. Kamchatka. Communication visuelle de la galerie Kamchatka (Paris 3e) pour toutes les expositions de 2007 à 2010, regroupant une dizaine d’artistes.

En bas, à gauche. Hybrid Territories. Affiche de l’exposition de trois artistes, Joan Ayrton, Gregory Chatonsky et Bas Zoontjens. 2010.

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Les Graphiquants

Avez-vous une devise ou un conseil pour le lecteur ? Penser et rechercher un chemin dans différentes directions. Ne pas se limiter à un seul point de vue. Se demander parfois, au moins une fois, si sa manière de penser et de procéder est valable en elle-même et pas uniquement car on y est habitué.

Votre film culte ? M : Nous les vivants (Roy Andersson, 2007). R : Louise-Michel (Gustave Kervern, Benoît Delépine, 2008).

Ci-dessous. Metrobus – Floating. Collaboration initiée par François Kenesi : Metrobus/Médiatransport nous propose d’investir les espaces publicitaires non vendus. Le projet réside dans la pure et simple représentation de ce dont il s’agit : un papier plié, déplié, sans message, sans échelle.

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Familistère de Guise. 2010. En collaboration avec Sabine Rosant, signalétique d’exposition et d’orientation. Ci-contre et page de droite. En bas. Vues de l’exposition.

Ci-dessus. Familistère de Guise. 2010. Exercice didactique pur où la recherche d’une dimension pédagogique a dû, pour chaque thème, aller à la rencontre des données scientifiques et historiques – tels des tableaux de chiffres ou des diagrammes statistiques – pour éveiller, interroger, expliquer, s’identifier, raisonner, “jouer avec”. Chaque illustration est le fruit de cette immense complexité et vient s’inscrire avec un souci d’évidence et de simplicité constant dans l’univers graphique dense et varié de l’utopie de Godin.

Les Graphiquants

Ci-contre. Dépliant du portfolio des Graphiquants.

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Les Graphiquants

Si vous n’étiez pas graphistes, que feriez-vous aujourd’hui ? M : Homme de chambre. R : J’ai fait un semestre à la fac de médecine avant de changer de voie. Donc, en idéalisant, chirurgien.

par erwin k. bauer

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Mondrian-De Stijl. Conception graphique de la signalétique de l’exposition “Mondrian-De Stijl” au Centre Pompidou-Paris. 2010. Conception d’un titre en volume créé par des jeux de lumière et d’ombres portées. Le tracé noir sur la tranche de chaque lettre fait référence au style de Mondrian et à celui de De Stijl.

concours

Sur le sens et l’absurdité des Design Awards ou à qui profitent les prix ? Entre enjeux monétaires et médiatiques, expérimentation et innovation, le designer autrichien Erwin K. Bauer dresse un état des lieux des prix et des concours à l’échelle européenne.

Si on me demande quelle est l’utilité pour mon studio de création des prix de design remportés ces dernières années, je serais bien en peine de répondre. Le prestige, associé à la reconnaissance sociale, varie selon la popularité et la notoriété des prix et constitue en fait les répercussions les plus concrètes de ces prix pour les concepteurs et leurs studios. Mais, à la différence des prix prestigieux venant saluer des performances culturelles ou sportives, dans le secteur du design, les récompenses et les prix coûtent surtout de l’argent. Les dotations financières sont une exception. Impossible, dans le design graphique, de mener des carrières comparables à celles des joueurs de tennis ou des golfeurs de haut niveau, car une victoire ne s’accompagne pas de gains d’argent. Certains designers de renom ont déjà réagi à cette situation. En raison, notamment, de la crise économique, nombre de designers ne se présentent plus à ces compétitions. L’un d’eux, Erik Kessels, de l’agence Kesselskramer d’Amsterdam, chiffre à environ 80 000 euros par an pour son agence les coûts induits par la participation à ces concours. Le montant annuel de ces coûts met en évidence que le principal critère d’admission à ces concours n’est pas la qualité : en raison de ces coûts prohibitifs, les petits studios ne sont pas en mesure de prendre part à des concours prestigieux. Comme les petites structures constituent la majorité des entreprises du secteur des industries créatives, elles se retrouvent de fait exclues de plus de la moitié des compétitions majeures.

La couverture médiatique en contrepartie Si la participation aux concours de design constitue pour les studios une charge financière non négligeable, dont il est difficile d’estimer les répercussions en termes de nouveaux contrats, restent alors le prestige social et ses répercussions. Souvent, l’excellence se voit reconnue par des instances officielles ou institutionnelles, parmi lesquelles des associations professionnelles comme l’Art Directors Club, des associations de design ou encore des chambres de commerce. Ainsi, le Red Dot Award est attribué par le Design Zentrum Nordrhein Westfalen, en Allemagne, dont le directeur, Peter Zec, s’est donné pour tâche de faire comprendre la “valeur” du design non seulement à la communauté des designers, mais surtout aux autres pans de l’économie. Sont impliqués dans la communication et la remise des prix non seulement les créatifs, mais aussi leurs commanditaires. Dans le domaine de la conception de produit, le Red Dot Award jouit d’ores et déjà d’une réputation s’étendant bien au-delà du monde du design. Lentement, il s’est établi comme label de qualité venant distinguer un mérite exemplaire en matière de design industriel, et c’est ainsi qu’il est perçu par les entreprises et l’industrie. Les designers graphiques bénéficient de manière indirecte de cette aura. Parmi les plus de 6 000 soumissions annuelles dans le secteur du design de communication, à peine 10 % font l’objet de prix et de publications. Un plan média comprenant expositions, publications dans des catalogues ou présence

web promet une certaine visibilité aux lauréats. Cependant, les personnes informées sont surtout les membres de la profession et les concurrents. Les commanditaires l’ignorent le plus souvent, sauf s’ils sont parties prenantes dans l’attribution de ces prix, comme dans le cas du Red Dot Award, ou s’ils en sont informés par les designers.

Des designers vaches à lait En dépit des critiques partielles émanant des cercles de designers, les concours de design constituent un modèle économique lucratif pour les organisateurs de ces prix. Le nombre croissant de designers qui y participent représente un groupe cible pour plus de 100 organisateurs de prix. Le prix du design attribué par la République fédérale d’Allemagne est particulièrement couru. La nomination à cette compétition est assujettie à l’obtention préalable d’un autre prix parmi les plus cotés. La recherche des nominés s’effectue donc 1.2011  : 65


directement parmi les lauréats des prix concurrents. Un designer ayant déjà remporté le Red Dot Award ou la iF-Award est assez bon pour le “prix des prix” et se verra félicité pour cette nomination exceptionnelle par un courrier en lettres d’or. Il faut ensuite compter environ 200 euros de frais de dossier, puis 2 900 euros pour la publication de ce travail d’excellence. Le “prix des prix” compte ainsi parmi les distinctions les plus onéreuses du design. En 2006, la designeuse berlinoise Juli Gudehus n’a pas manqué de critiquer les règles de ce prix dans une lettre ouverte au ministre de tutelle. Dans l’échange entre la designeuse et le ministère de l’Économie, ce dernier avança l’argument – absurde ! – que ce prix constituait en fait un soutien économique et non une récompense honorifique.

Idées créatives comme vecteurs d’innovation Ce système peut s’avérer intéressant pour les agences de design qui démarrent et qui n’ont que peu de temps à investir pour la documentation et la présentation d’un projet. Les subventions accordées par les entreprises étatiques ou les bourses à l’innovation, qui pour la plupart relèvent du ministère de l’Économie, constituent une bonne opportunité dans de nombreux pays européens. Ce type de subventions ne couvre certes pas le montant total du projet, mais le financement peut néanmoins s’élever à 60 % du coût total du projet pour la réalisation d’une idée innovante. Les demandes de subventions impliquent que les designers et les agences se retrouvent en concurrence et, la plupart du temps, doivent défendre leur projet devant un jury. Ceux que les tracasseries administratives ne rebutent pas peuvent tout à fait tenter leur chance et essayer de décrocher ces subventions et ces bourses. Il n’est pas rare non plus que les institutions de promotion des industries créatives publient les meilleurs projets, afin de présenter le résultat de leur travail. La contrepartie médiatique pour les designers s’effectue alors à titre gracieux. Néanmoins, les subventions ne constituent pas le seul biais pour participer à des concours intéressants, comme l’illustrent les autres pistes ci-dessous. Reconnaissance sincère, incitation substantielle De nombreux prix prestigieux dans les domaines culturels et scientifiques, comme les Oscars, les Grammy Awards ou les prix Nobel, sont souvent très bien dotés et sou-

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tiennent de fait les réalisations créatives et intellectuelles. Le gouvernement autrichien décerne quant à lui de nombreux prix, parmi lesquels le prix du multimédia et celui des “plus beaux livres”. Les frais de participation sont peu élevés ; quinze livres sont récompensés par an, dont trois se voient décerner une dotation de 3 000 euros. Reste à espérer que cette initiative étatique ne vise pas non plus ici à l’établissement d’un centre de profit, mais continue à récompenser l’excellence dans le travail créatif réalisé avec enthousiasme et talent.

Concours des “plus beaux livres” – Évolution d’une idée Le concours autrichien des plus beaux livres peut se prévaloir d’origines suisses et d’une paternité célèbre, celle du typographe Jan Tschichold. En 1943, celui-ci eut en effet l’idée d’améliorer les standards de production de l’édition en mettant l’accent sur certaines valeurs et, ainsi, de contribuer à former le goût des lecteurs. Aujourd’hui, le plus beau livre du monde est primé lors de la foire du livre de Leipzig et est choisi parmi les lauréats des concours nationaux du plus beau livre. Ce prix, soutenu par les libraires et la ville de Leipzig, continue de mettre à l’honneur le caractère artisanal des ouvrages. Le jury n’est pas uniquement composé de designers graphiques, mais aussi de représentants des libraires, de professionnels de l’édition, de la production ou de journalistes. Ici, les graphistes se soumettent aux critères de l’institution organisatrice et du jury. Ces critères sont toujours subjectifs, dépendent de l’intention et coïncident rarement complètement avec nos propres échelles de valeurs. Plus ils sont transparents et plus les jugements portés sur une œuvre sont communiqués clairement, plus il est facile de décider s’il est approprié de s’y présenter. Biennales – Entre tradition et développement Fondée au cours de l’année 1963, la Biennale internationale de design graphique de Brno est la plus ancienne manifestation de graphisme du monde. Une exposition d’œuvres soumises à un jury, un prix décerné à un designer pour l’ensemble de son œuvre et un symposium font de Brno, quelques jours durant, la capitale mondiale du design graphique. Il apparaît remarquable que cette manifestation se soit imposée comme un élément important de l’identité de la ville. La capitale de la Moravie peut se prévaloir en effet d’une

Vers une évaluation des prix La question de la qualité et de l’orientation des prix de design, le jeune designer graphique autrichien Martin Wunderer se l’est posée. Dans son excellente thèse Design Award Awards soutenue à l’université des arts appliqués de Vienne, il a analysé les fonctions et les mécanismes des prix et des récompenses dans le domaine du design graphique. Son idée consistait à établir une plate-forme répertoriant et évaluant tous les prix et récompenses existants, afin de permettre une meilleure orientation dans ce paysage confus. Cette plate-forme se compose d’un site web, et son auteur souhaite maintenant passer aux étapes suivantes, à savoir l’évaluation des prix et des récompenses. Un jury sera chargé de distinguer les récompenses les plus innovantes, fonctionnelles ou transparentes. Il met particulièrement l’accent sur le processus de discussion auquel il souhaite accorder une place centrale dans l’évaluation. À moyen et à long terme, cette plate-forme est destinée à devenir une sorte d’observatoire des prix et des récompenses. Son inventeur se fixe comme objectif de contribuer, d’ici quelques années, à l’instauration d’un système international doté de critères obligatoires offrant une valeur ajoutée aux concepteurs graphiques.

place majeure sur le plan international et n’intéresse pas uniquement la communauté des designers, mais aussi le monde politique et économique. L’ouverture favorable dont jouit ce concours est telle que des œuvres y proviennent des quatre coins du monde et des milliers d’entre elles, deux jours durant, font l’objet d’une présélection par un premier jury qui soumet ensuite sa sélection définitive au jury principal. Même dans un processus en deux étapes comme celui-ci, je me suis demandé, en tant que membre du jury cette année, comment il était possible d’évaluer les travaux dans ce laps de temps très court. Seules les œuvres audacieuses et accrocheuses ont-elles une chance ? De nombreuses œuvres donnaient l’impression d’avoir été créées uniquement pour le concours et de n’avoir jamais été publiées. Néanmoins, nous, les membres du jury, nous sommes rapidement mis d’accord sur un nombre de critères et avons âprement débattu. En tant que jury, il nous était important de communiquer ces critères de façon transparente dans nos décisions. Un cheminement identique est désormais suivi par la 22e Biennale de design industriel (BIO) de Ljubljana en Slovénie. Le lieu central d’exposition fait également la part belle aux œuvres visuelles. Outre les médailles d’or, un prix BIO Quality Concept Awards est décerné. Les projets sont évalués dans leur ensemble, tout à la fois sur les plans de la fonctionnalité, de l’esthétique et de la durabilité.

European Design Award – La rencontre du prix et de l’événementiel Le European Design Award se distingue par une nouvelle forme de jury : ceux qui y participent sont les journalistes professionnels des plus grands magazines européens de design, ils y évaluent les œuvres des concepteurs. Dès lors, les organisateurs évitent l’écueil commun à la plupart des jurys de design, à savoir le fait que des collègues envieux soient chargés d’évaluer le travail de leurs collègues tout aussi envieux, comme le souligne Erik Spiekermann à propos des jurys. Ce procédé répond aussi aux besoins de la communauté des designers d’échanger, de discuter de leurs travaux et de rencontrer le jury. La remise des prix est couplée à une conférence sur le design, dont l’intervenant est le lauréat de l’année précédente. La conférence se tient tous les ans dans une ville (de design) européenne différente.

Inform – La relève expérimentale D’une orientation différente, Inform est un prix de design conceptuel qui est décerné par le musée d’Art contemporain de Leipzig depuis 2007. Situé à la croisée du design graphique et de l’art, ce prix met à l’honneur l’approche délibérément expérimentale dans le traitement de la conception visuelle, aux antipodes de “l’art utilitaire”. Ici sont évalués l’idée que chaque artiste a de sa pratique, les processus de travail collaboratifs et interdisciplinaires ainsi que la réflexion théo-

rique relative à la conception. Un jury, qui est renouvelé tous les ans, décerne une quinzaine de prix environ. L’un des lauréats se voit décerner une bourse d’environ 5 000 euros et peut également réaliser une exposition individuelle au musée d’Art contemporain de Leipzig. Les trois premiers lauréats, Laurent Benner (Londres), Julia Born (Amsterdam) et Rebecca Stephany (Amsterdam), se trouvent tous au début de leur carrière, ce qui confirme la vocation affichée de ce prix d’encourager les jeunes talents.

À nouveaux prix, nouveaux critères Cette initiative s’inscrit dans l’air du temps, à un moment où de nombreux designers s’interrogent de façon critique sur la fonction des prix de design, notamment afin de déterminer s’ils constituent une contrepartie acceptable compte tenu de l’investissement créatif et des coûts induits. Pour juger complètement une œuvre et surtout pour en évaluer le contenu, de nouveaux critères de sélection s’imposent. En effet, de nombreux magazines haut de gamme ne réussissent que trop bien à donner à voir le niveau purement formel sur lequel s’effectue la sélection. Des facteurs comme le processus de conception, la fonction de la pratique ou l’arrière-plan intellectuel ne sont ni évalués ni pris en compte dans les processus de sélection, bien qu’ils intéressent de nombreux jurés. Dans de nombreux concours de design, les aspects utilisateurs, environnementaux, sociaux ou politiques n’influencent que de manière indirecte le choix du sujet, le commanditaire ou les conditions de production. Or, ces aspects constituent des points clés du travail de conception et des préoccupations des designers… qu’il serait temps d’honorer dans les prix et les récompenses. 1.2011  : 67


rencontres

par charles gautier

Typographie, sors de ce corps ! Tous les étés, des passionnés de typographie et de graphisme se retrouvent à Lurs. Il y est aussi souvent question d’architecture, de linguistique, de sémiologie, d’arts plastiques, d’histoire de l’art. Nicolas Taffin, président de l’association éponyme, nous parle de l’esprit et du souffle des Rencontres internationales de Lure.

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les Rencontres de Lure ? Si vous me demandez ce que font les Rencontres de Lure, je peux vous répondre que cette association observe, questionne et donne à penser la typographie (à laquelle elle donne un sens très large). Les Rencontres le font à travers une semaine annuelle à Lurs (04), à la fin de l’été, des rendez-vous (parisiens), des voyages, des stages, des publications plus ou moins sporadiques, avec une singularité : elles le font sans relâche depuis une soixantaine d’années, en grande indépendance. Ni colloque, ni congrès, ni club ou cercle, les Rencontres se définissent aujourd’hui comme un observatoire et un forum ouvert. C’est important, cela ne fut pas toujours aussi net. Mais quant à dire ce qu’elles sont… Disons que la magie du lieu, l’amitié, la densité des échanges font partie de la rencontre. Nous avons une recette secrète : depuis leur fondation (par Maximilien Vox entouré de Jean Garcia et Robert Ranc en 1952), les Rencontres ont connu une chaîne de personnalités, pas toujours entièrement compatibles, marquant des périodes, ce qui leur donne une histoire peu linéaire. Une personnalité marquante est sans aucun doute Gérard Blanchard, graphiste et intellectuel pluridisciplinaire charismatique disparu en 1998. Aujourd’hui, si nous avons assumé une part d’héritage, et préservé le fil du passé, nous avons aussi, je l’espère, su prouver que nous ne souhaitions pas nous définir par le passé. Cela a pris du temps. D’où ma première réaction : envie de parler de ce qu’on fait. Ce qu’on est, on le saura plus tard. Nous restons en revanche très fidèles dans les faits à l’incongrue affirmation de Vox : Il est temps de ne plus considérer la typographie pour son utilité, ni pour ses beautés, mais en tant que discipline de l’Esprit, c’est-à-dire pour son universalité. Un pari très audacieux et toujours fécond aux Rencontres.

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Maximilien Vox et Gérard Blanchard ont été très importants pour les Rencontres de Lure ? Je veux bien en parler, mais je le ferai assez mal en quelques mots. Disons que c’est une esquisse de personnalités extrêmement denses, vues des Rencontres… Il s’agit en gros des années 1950 à 1970 pour le premier, et 1970 à 1990 pour le second. C’est important de le préciser, pour mesurer à la fois la distance et l’ampleur de ces périodes.

Maximilien Vox était une personnalité de l’édition : d’abord graphiste et graveur, il a été éditeur, journaliste, auteur… C’était un praticien et un passionné du caractère, tout autant capable de dessiner que de penser sa pratique. Un talentueux touche-à-tout et un homme de réseau. Attaché à la notion d’amitié, il a découvert le village de Lurs, et y est revenu chaque année, avec chaque fois plus d’amis, pour y parler “métier”… avant de s’y installer. Il était au centre de ces Rencontres. Qui étaient, à l’origine, disons un club, avec un projet cependant : concevoir une classification cohérente des familles de caractères typographiques. Gérard Blanchard lui ressemble à certains égards : lui aussi graphiste touche-à-tout, charismatique et ami de la pensée, il a prolongé et amplifié les Rencontres. D’abord, il a voulu étendre leur champ à toute la sphère audio-scripto-visuelle (avec des tirets, comme il l’affectionnait, pour inclure bande dessinée, vidéo, télématique, etc.) au risque de se faire violemment reprocher cette large ouverture. D’autre part, il n’a cessé d’ouvrir les Rencontres. Sémiologue, élève de Barthes, il a changé leur coloration en y amenant les jeunes, ses étudiants, les chercheurs, les enseignants de tous domaines aux côtés des artistes et techniciens. Blanchard est l’homme du décloisonnement, et c’est devenu la fibre même des Rencontres, si bien nommées. Ces deux personnes, avec bien d’autres, car elles n’ont jamais été seules, ont réussi à comprendre, et à faire en sorte que la typographie (comme signe écrit mécanisé) soit, certes, une spécialité, mais aussi un objet universel, un centre de gravité pour des gens venus de partout. Elles ont aussi laissé une empreinte humaine durable. Si en parler peut aider à comprendre la genèse ou l’objet des Rencontres, j’en suis heureux, mais je ne voudrais pas que “l’ombre de ces géants” vous cache des personnalités comme les jeunes graphistes qui font vivre les Rencontres d’aujourd’hui. Ceci dans un contexte beaucoup moins favorable que celui de leurs aînés… à tout point de vue.

Pensez-vous qu’une véritable culture du graphisme et de la typographie ne peut se faire que si l’on s’ouvre à d’autres disciplines ? Est-ce finalement cette dernière idée que défend l’école de Lure d’aujourd’hui ? Chaque année, la programmation de la semaine se construit par petites touches. On tourne autour d’une question, mais on lui apporte différents éclairages, la réponse éventuelle à notre question de départ, si réponse il doit y avoir, c’est un peu le chemin qu’on a parcouru grâce aux intervenants qui se prêtent au jeu, et manifestent très souvent leur surprise et leur plaisir de voir des liens assez intimes avec les personnes qui les ont précédées ou suivies, même si elles exercent dans des domaines très différents. Les intervenants sont reliés par une question. La typographie est la plus grande part, avec le graphisme, mais toujours articulés à d’autres disciplines. Cela n’est pas un hasard, c’est tout à fait conforme à ce que sont ces deux pratiques, si on peut s’y attarder quelques instants. Le graphisme est essentiellement lié à l’échange : il s’anime au contact du monde réel, actif, de la commande, qui lui permet d’exercer sa dialectique de la surprise, faiseur de signes, qui le renouvelle aussi, et le distingue des autres arts plastiques, en passant. Culture, politique, industrie et édition l’emploient volontiers pour son pouvoir de faire signe. La typographie porte encore plus intimement en elle l’altérité. Et là cela devient vraiment passionnant et inépuisable : la typographie est une forme-signe sans cesse en contradiction avec elle-même. Parfaite, équilibrée, elle s’efface devant sa pure lisibilité. Le typographe, modeste, est toujours dévoué à la parole d’un autre. La forme typographique n’est visible (aux yeux du commun) qu’en recherche d’ellemême, en coquetterie, ou… en imperfection. C’est un destin unique dans le monde des formes. Pour les Rencontres, construire une culture typographique est une nécessité vitale dans les deux sens : d’abord amener un large public à désapprendre à lire un moment, le temps de découvrir un monde 1.2011 : 69


1 Inauguré en 2010, le Chemin des écritures est un ensemble d’installations contemporaines, dans le paysage de Lurs, qui abordent des thèmes liés à l’écriture, ses supports et

la typographie. Ces installations permettent de donner quelques clés à un vaste public : chacun peut entrer en contact très direct avec la typographie, toute l’année.

1. Le fil d’Arthur. 2. La bibliothèque. 3. Les stèles. 4. La Table de Vox.

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de formes, aux détails infiniment riches, et leur grammaire, pour mieux les comprendre et les employer. Mais amener également les typographes, sorciers enfermés dans leur étrange laboratoire (le logiciel de typographie le plus employé s’appelle FontLab, comme par hasard), à rencontrer d’autres univers, autour d’une question, au fil d’une progression, cela est aussi extrêmement stimulant. Ce sont des questions très actuelles, quand on voit la fusion du design et de l’ingénierie, (programmation, datavisualisation, design génératif), les retrouvailles avec le mouvement, le son, le corps et sa respiration (motion design, objets interactifs, robots artistiques). L’artiste graphique du xxie siècle a vraiment de multiples possibilités plastiques, sensorielles, intellectuelles. Nous traversons une époque d’ouverture (de ce point de vue), et même d’explosion. En tout cas, nous ne sous-estimons pas la révolution numérique que nous traversons. Au moins comparable à l’arrivée de la photographie et du cinéma dans les arts, et à celle du plomb dans le monde du livre. Avec leurs échos dans le monde de la pensée. Belle et inquiétante révolution. Nous connaissons tant de spécialistes analphabètes : ultra-pointus dans leur domaine et totalement incultes dès qu’on en sort. Sans curiosité. L’inculture est toujours dangereuse. Pour finir de répondre à votre question : je n’aime pas le terme d’école (pour le sens dogmatique qu’on lui donne) mais on peut voir dans les Rencontres des mécanismes de découverte, de critique, d’enrichissement mutuel qu’on pourrait placer en prolongement de l’humanisme (une idée liée à la naissance de la typographie elle-même). Simple association, les Rencontres correspondent en tout cas à l’idée amicale que je me faisais de la curiosité, de la culture graphique. L’idée de “grandir” comme travail et plaisir, en laissant de côté un moment la consommation, le stress social, le boulot. Ah ! si l’école était comme ça !

Le thème des dernières Rencontres était “Futile utile, la typographie entre plaisir et devoir”. Comment choisissez-vous vos thèmes ? Après la fièvre baroque et postmoderne du tournant 2000, nous avons perçu, surtout chez une jeune génération de graphistes-typographes de la deuxième moitié de la décennie, un désir d’organisation, une revendication fonctionnaliste. On a même pu voir des affiches définissant le graphiste comme celui qui met de l’ordre dans le chaos : une définition bien “policière” au sens strict, inimaginable il y a quelques années. Nous avions envie de creuser un peu les raisons de ce désir de retour à l’ordre. Sans le juger. Et pour mieux comprendre, de balayer cet improbable horizon qui va de l’ingénieur au décorateur, au poète ou au fou. Nous voilà donc dans l’utile et le futile, le devoir et le plaisir. Une belle occasion pour nous de confronter le graphisme à d’autres disciplines où se retrouve précisément cet enjeu : design, mode, architecture et langage par exemple. Les thèmes des Rencontres sont choisis chaque année collectivement. Nous travaillons en groupe avec les membres du comité de l’association. Nous essayons de soulever les questions d’une pratique. Ensuite, par sédimentation, nous construisons des séquences, une progression, et invitons des personnes parfois connues et reconnues, parfois inconnues. Ce n’est pas facile de prendre ces gens “par la main” pour les conduire dans ce lieu lointain, gagner leur confiance… Le travail d’une année d’Adeline Goyet, Laurence Durandau, Sterenn Bourgeois, Patrick Paleta, Sandra Chamaret, Stéphane Buellet, Evelyn Audureau, tous graphistes, typographes, enseignants ou curieux, bénévoles en tout cas, qui ne sont avares ni de leurs idées ni de leur temps. Ce travail de programmation nous a permis ces dernières années un cycle qu’on pourrait dire cousin des Contes moraux d’Éric Rohmer : l’amour, l’universalisme, l’argent, le secret, l’utilité. Ce cycle s’achèvera en août prochain avec, disons en primeur plutôt qu’en avant-première, “À la marge”. Dans le registre cinématographique, vous connaissez sans doute ce mot de Godard qui, un peu

maladroitement qualifié de cinéaste marginal par son intervieweur, lui répondit : Mais vous savez, ce sont les marges qui tiennent les pages. La marge, c’est un terme d’imprimeur déjà, l’endroit où on nourrit la presse. C’est aussi le lieu de la glose dans les livres, du griffonnage dans les cahiers d’écoliers. C’est le lieu de la liberté, où ça déraille un peu, le lieu de l’ostracisme et de la souffrance aussi. Peutêtre aussi un clin d’œil à ce que nous sommes, à nos propres doutes, à côté des modes et des institutions.

3 Cinq ans de Rencontres : – 2010 Futile utile, la typographie entre plaisir et devoir (avec l’architecte Hans-Walter Müller, l’historien Michel Melot, le photographe Jean-Paul Goude, etc.). – 2009 Secrets, les énigmes de l’écriture et de l’image. – 2008 Vendu, le contrat graphique. – 2007 Tout ou rien. – 2006 L’écrit d’amour.

Ce qui est frappant, lorsqu’on participe aux Rencontres, c’est de voir les gens discuter et débattre avec beaucoup de liberté et de temps. Comment l’expliquez-vous ? La disponibilité joue sans doute un grand rôle, c’est sûr : le fait de s’abstraire de notre quotidien. On est loin, on est perché sur un rocher, On a une semaine de liberté devant soi. Ensuite, il y a les autres, les participants qu’on découvre ou retrouve au fil des pauses, sur les terrasses, ou à l’occasion d’un repas, les intervenants aussi, qui restent, et se mêlent à tous, avec qui on prolonge le débat. Le fait qu’on soit dans un village contribue, je crois, à supprimer tout côté mondain, comme si les gens se voilaient moins. Ce n’est pas pour rien que nous nous appelons les Rencontres… L’équipe des Rencontres est aussi motivée par tous ces aspects, le lieu, l’authenticité, l’amitié. Elle crée spontanément tout un tissu parallèle de convivialité. Et puis, il ne faudrait pas oublier l’objet de ces Rencontres : graphisme et typographie. J’ai rarement vu des discussions aussi passionnées que celles des “typo-graphistes”, capables de se plonger dans un débat nocturne invraisemblable sur une histoire de détail infinitésimal ! Ça, je parierais bien que ça dure depuis Gutenberg… Le graphiste Malte Martin m’a confié qu’il aime beaucoup venir à Lurs parce que c’est un lieu de ressourcement et de découverte extraordinaire. Je me souviens d’un film des années 1960 où on voit un imprimeur, je crois, dire qu’il vient y prendre une dose d’inspiration, de recul, qui l’aide ensuite à affronter son quotidien professionnel de l’année. Je pourrais l’expliquer en partie par le fait que nous travaillons à ce que les intervenants n’adoptent pas le mode Powerpoint, ou “success-story” autopromotionnelle ; qu’ils restent près des sentiments qui les animent lors de leur création, n’aient pas peur de parler de leurs doutes, de leurs échecs. C’est loin d’être évident, car cela repose sur la confiance. Un graphiste qui se confronte vraiment à la liberté, comme Malte Martin, doit ressentir mieux que personne l’enjeu de ce type de prise de parole. C’est vrai pour nous aussi, d’ailleurs. Les Rencontres nous épuisent et nous rechargent tout à la fois. Quelles sont les activités proposées par les Rencontres de Lure durant l’année et vos projets futurs ? Nous proposons des rencontres tout au long de l’année : des Rendezvous de Lure, accueillis par la galerie Anatome à Paris, qui est notre complice depuis des années, des voyages parfois, qui nous permettent, le temps d’un week-end (et avec un peu d’astuce et de covoiturage) de découvrir expos, événements ou musées en France ou en Belgique, par exemple. Nous préparons également une jolie fête typo & graphique pour le mois de mai avec la Fonderie de l’image à Bagnolet… http://delure.org

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Nicolas Taffin Animateur des Rencontres de Lure depuis dix ans, Nicolas Taffin en est le président. Passionné par les supports d’information, il est partagé entre la lettre, l’image et les expressions numériques. Ses recherches en philosophie se sont tournées vers la typographie.

En 1999, il crée son atelier graphique. Parallèlement, il dirige trois ans la rédaction du magazine Communication imprimée. Cofondateur des éditions C&F, militant pour l’appropriation citoyenne des technologies de l’information, il a publié avec Michel Melot Livre. 1.2011 : 71


livres

L’Éprouvette

Le Trait, une théorie de l’écriture

Éditions L’Association 1 284 pages – 15 x 22 cm Coffret de trois volumes Français – 35 €

Gerrit Noordzij Éditions Ypsilon 88 pages – 12,5 x 21 cm Français – 18 €

En 2006, Jean-Christophe Menu créait L’Éprouvette, revue d’expression et de réflexion sur la bande dessinée. Trois volumes étaient produits en un an, de plus en plus épais, gage de la nécessité grandissante de se pencher sur une discipline non narcissique qui, à force de préférer ses lecteurs à ses confrères, s’était davantage évertuée à mettre en pratique ses avancées et considérations que de les coucher sur papier. Rapidement interrompue, de peur de sombrer dans le monolithisme, la revue n’a toujours pas pris une ride. Recueil d’élucubrations en tout genre, qui derrière ses facéties et sa liberté d’expression recèle une manne d’information sur la bande dessinée

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et son paradiscours. Ces mille deux cent quatre-vingt-quatre pages sont aujourd’hui rééditées dans un coffret. Avec la légèreté de ton qui caractérise la discipline, les auteurs, dessinateurs, écrivains et acteurs de la bande dessinée convoqués s’y attaquent à de nombreux sujets : le plagiat, les dessinateurs d’heroic fantasy, la psychopathologie des dédicaçomanes, l’avantgarde et la bande dessinée ou encore l’hybridation de la discipline avec les différents arts. Dans l’alternance des planches, strips, essais et interviews, le lecteur pourra déguster le grinçant répertoire d’éléments visuels récurrents sur les couvertures de BD des éditions Soleil par Jochen Gerner, l’essai de Bernard Joubert sur la case la plus copiée ou encore la prise de parole de Big Ben, créateur de la revue critique de bande dessinée Comix Club, reprochant à J.-C. Menu de s’accaparer la paternité de l’édition BD indépendante et du discours critique. C’est bien là tout l’intérêt de cette revue : le refus de toute compromission, la virulence du discours, la dénonciation des plagiaires et des pilleurs de l’édition indépendante qui se dorent au soleil de la formule commerciale quand d’autres plus petits donnent la vie à de nouveaux territoires et peinent à survivre. Dans cette dynamique réaction en chaîne dans un tube à essai, L’Éprouvette a provoqué quelques explosions, quitte à s’autoparodier ou a se mordiller la queue quand elle tordait celle du voisin. Elle témoigne de la vitalité d’un milieu en constante effervescence avec ses heurts et ses contradictions, loin de tout polissage, elle brille de cette intelligence acerbe qui ne trouve le repos que dans l’exutoire créatif. Loin de se constituer en rapport exhaustif sur la discipline, elle a fait le choix de convoquer un an durant les paroles pétillantes de ses acteurs et c’est bien sa valeur. Quelques participants à la revue : Jochen Gerner, Pacôme Thiellement, Jean-Christophe Menu, Alex Baladi, Vincent Sardon ou Joann Sfar, Christian Rosset, Killofer, Barthélemy Schwartz, Emmanuel Guibert, Harry Morgan, Bruno Lecigne. CB

Pour la première fois traduit en français, Le Trait, une théorie de l’écriture relate la conception toute particulière de Gerrit Noordzij quant aux liens qui unissent écriture dessinée et écriture manuelle, deux champs régulièrement isolés l’un de l’autre par les scientifiques de la discipline. Un exemple soutient l’argument : le Romain du Roi, caractère d’imprimerie reproduit jusque dans les détails l’écriture de Nicolas Jarry, qui était vers 1650 le calligraphe du cabinet du roi. Toute la théorie de ce professeur de typographie et de calligraphie à l’école des beauxarts de La Haye s’articule de fait sur l’idée que la qualité typographique dépend du blanc du mot et non à l’inverse, comme le défendent la plupart des textes et des méthodes d’écritures existants, du noir. Dans cette perspective, il s’agit non seulement de redéfinir les principes géométriques du tracé de la lettre mais aussi de réécrire une partie

de l’histoire de l’écriture. Regarder comment, au travers des différentes époques, des contraintes techniques et des volontés esthétiques, s’est élargie la distance entre la lettre d’imprimerie, la calligraphie et l’écriture manuelle et comment en quinze siècles s’est perdue la logique du tracé. Puisqu’il en va de l’inscription du texte dans la page, de la distinction visuelle du mot – celle-ci apparaît aux vie et vii e siècles chez les Irlandais, qui rompent le défilement des lettres en introduisant dans les phrases l’espace blanc ; la culture arabe

invente la ligature entre les lettres d’un même mot – et du comportement des scribes du Moyen Âge, qui accélèrent le rythme de l’écriture dans la page, la resserrant et réduisant les blancs jusqu’au déséquilibre physique du mot. Puisque Gerrit Noordzij attribue en partie à ce dernier phénomène la propagation de l’analphabétisme et qu’au Siècle des lumières, les penseurs, pour rompre avec l’obscurantisme médiéval, préconiseront un retour à la forme antique sans en intégrer la logique du tracé. Puisque, enfin, les professeurs des écoles, le répète le

théoricien, concentrent l’attention de l’enfant sur le sens du mot et non sur la forme, l’habituent à écrire sans bouger le poignet, et omettent de lui faire considérer l’importance de l’équilibre des blancs dans le mot. Alors faut-il s’étonner d’une certaine déchéance de l’écriture manuelle et des principes fondamentaux d’écriture ? Si de cette perte de cohérence résulte l’incompréhension du lien entre écriture manuelle et écriture dessinée, Gerrit Noordzij en rétablit la véracité et la raison d’être, ne cessant de militer pour un apprentissage raisonné. CB

Manuel typographique Giambattista Bodoni, présenté par Stephan Füssel Éditions Taschen 1208 pages – 22 x 32 cm Français – 49,99 € Les éditions Taschen publient avec le Manuel typographique de Giambattista Bodoni un livre imposant qui ravira aussi bien les typographes et les créateurs de caractères que les amoureux de l’histoire du graphisme. Sous la direction de Stephan Füssel, directeur de l’Institut des sciences du livre de l’université Johannes-Gutenberg de Mayence, cet ouvrage présente 142 ensembles de polices romaines et italiques, une vaste sélection de bordures, d’ornementations, de symboles et de fleurs, ainsi que les alphabets grec, hébreu, russe, arabe, phénicien, arménien, copte et tibétain.

Publié pour la première fois en 1818, à titre posthume, cinq années après le décès de son auteur, ce manuel, qui est un catalogue de caractères typographiques, est un chef-d’œuvre de l’histoire de la typographie. Bodoni affirmait que l’écriture est la plus belle, la plus ingénieuse et la plus utile invention de l’homme. Avec son Manuel typographique, il en a fait une démonstration magistrale. La publication de ce livre est aussi l’occasion de redécouvrir Bodoni, cet imprimeur et graveur italien, qui était considéré de son vivant, si l’on en croit Fernand Baudin, comme le Roi des typographes. CG 1.2011 : 73


Fanzines – La révolution du DIY

Les Plus Beaux Livres suisses

Illustration. Play 2

Left, Right, Up, Down

Que sont mes amis devenus

Teal Trigs Éditions Pyramyd 256 pages – 24 x 34 cm Français – 33,25 €

Laurenz Bruner – Éditions de l’Office fédéral de la culture suisse 246 pages – 23 x 30 cm Anglais et allemand – 35 ¤

Éditions Victionary 284 pages 19 x 23,5 cm Anglais – 39,90 ¤

Julian Sorge et TwoPoints.Net Éditions Gestalten 272 pages – 24 × 30 cm Anglais – 56 ¤

Gilles de Bure Éditions Norma 276 pages – 22 x 29 cm Français – 39 €

En 256 pages, Teal Triggs dresse le portrait du fanzine. Critique et historienne du design, l’auteure, spécialisée dans les contributions féminines au graphisme, retrace soixante-dix ans d’existence d’un médium qui a fait son chemin des premières impressions faites à la main jusqu’à son adaptation aux supports numériques contemporains avec les e-zines. Mot-valise formé de fan et de magazine, le terme a été inventé en 1940. Entré officiellement en 1949, dans l’Oxford English Dictionary, le fanzine se répand dans les années 1960, est popularisé dans les années 1970 pour décrire une publication à petit tirage, non professionnelle et non commerciale, de format A4, photocopiée et agrafée. Il devient l’un des principaux terrains d’expression, véhiculant les cultures underground et alternatives. Wertham parlera d’univers contestataire ou anti-establishment pour commenter l’accent mis sur le caractère social et politique abordé par certaines revues dans les années 1960 et 1970 comme Oz, IT ou Frendz. Petit à petit, le fanzine s’émancipe dans tous les domaines : science-fiction, comics, politique, féminisme ou musique. Et à partir de 1976, l’univers punk en fera son avatar privilégié (Vague, Ripped and Torn ou Sniffin’Glue de Mark Perry). Le support, expérimental, est aussi un objet graphique à part entière. Symbole du procédé Do it yourself, il marque par sa forme et son contenu une certaine compréhension de l’histoire du graphisme et de la culture populaire, une singularité soulignée par la double casquette de son producteur, souvent graphiste et auteur. Triggs note qu’il contribue dans les années 1990 à la publication de nombreux écrits faisant polémique sur la pratique du design graphique et de l’autoédition. Une entaille sérieuse qui ouvre, dans la même voie, des débats houleux dans les années 1990, sur la réévalution du rôle du graphiste, médiateur à la fois de la forme et du contenu. Acquérant une forme de liberté dans l’utilisation des dispositifs graphiques, le producteur de fanzine a gagné avec le temps, en dispositifs narratifs. La compréhension de l’objet graphique ne concerne pas seulement ce qu’il dit mais également comment il le dit. C’est une des caractéristiques fondamentales de son origine que l’on retrouve aujourd’hui : son positionnement, peu importe le domaine. Avec plus de 750 illustrations et son grand format, l’ouvrage regarde l’évolution et les influences du fanzine dans la société et analyse son rôle sur les éditions indépendantes contemporaines. IM

À l’occasion du concours des plus beaux livres suisses 2010, les lauréats 2009 sont présentés dans une édition prestigieuse intitulée The Future Issue et soutenue par la Confédération suisse. La conception graphique a été confiée à Laurenz Brunner. Le graphiste suisse a composé l’ouvrage en deux grandes sections : une phase introductive avec préface, rédigée par Anisha Imhasly, interviews et enquête, puis une seconde phase avec présentation des ouvrages sélectionnés pour l’édition 2009, accompagnés de visuels et des commentaires du jury. Les changements de papier et les variations typographiques suffisent à distinguer les différentes sections. À l’heure où, sous l’influence des grandes maisons d’édition, la production éditoriale se standardise, l’ouvrage Les Plus Beaux Livres suisses contribue à valoriser la qualité du graphisme en Suisse. RRT

Collage, origami, peinture, pâte à modeler, canevas, couture : autant de techniques artisanales employées et réunies dans ce nouveau livre d’images. Publié chez les éditions Victionary, l’ouvrage dresse le portrait en creux de vingtquatre illustrateurs internationaux qui réinvestissent dans leurs propres productions graphiques des techniques et des savoir-faire ancestraux. Illustration. Play 2 dessine les contours d’une production Do it yourself où une large place est accordée aux images. Les volumes de texte plus importants sont relégués au second plan. Une interview des artistes et illustrateurs, enfin, clôture l’ouvrage. RRT

Une interview de la designer Paula Scher ouvre les festivités. Sur un projet de Julian Sorge, l’ouvrage édité par le studio Twopoints.Net, explore en six chapitres un ensemble de propositions visuelles imaginées par les designers pour le traitement spatial, les systèmes d’orientation et la signalétique. À la croisée du graphisme fonctionnel et du graphisme d’information, Left, Up, Right, Down interroge la démarche de création et la conception de travaux qui se révèlent autant d’expérimentations de l’espace et de l’architecture mettant en exergue la relation que cette dernière entretient avec les designs. Sans rentrer dans l’excès, l’abondante sélection d’exemples donne un aperçu des possibilités rencontrées entre formes originales, rappels typographiques ou utilisation déplacée de la lumière. IM

Publié par les éditions Norma, Que sont mes amis devenus rassemble quarante créateurs dont les orientations plurielles, singulières et autonomes ont en commun d’être passées par le 5 rue d’Ulm. Quarante portraits successifs, quarante années d’histoire sélectionnées par le journaliste Gilles de Bure. Sont notamment présentés sous forme de portfolio, Philippe Apeloig, Claude Closky, Jean-Paul Goude, Michel Quarez, Laurent Seroussi, Xavier Veilhan ou encore Yacine Aït Kaci, d’Electronic Shadow. À travers ces portraits successifs, Gilles de Bure dresse en filigrane un portrait vivant de la création contemporaine en France et témoigne de la grande diversité des trajectoires artistiques au sein de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. IM.

Supergraphics

Gerrit Rietveld

Tony Brook et Adrian Shaughnessy Unit Editions 320 pages – 21,7 x 28 cm Anglais – £ 25

Ida Van Zijl Éditions Phaidon 240 pages – 29 x 25 cm Anglais – 75 €

Fruit de la collaboration des studios Spin et Shaughnessyworks, Unit Editions produit, depuis bientôt deux ans, des ouvrages et des revues sur le design graphique et la culture visuelle pour les designers de tous bords, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Dernier-né de la maison d’édition, Supergraphics reprend le nom d’un mouvement architectural apparu entre les années 1960 et 1970, qui s’appliquait à transformer de grandes surfaces murales, intérieures et extérieures, par le biais d’un graphisme élaboré, qu’il soit géométries variables, aplats de motifs ou formes abstraites. La recherche

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d’effets devient à cette période le mot d’ordre de collectifs d’artistes et d’architectes décidés à déplacer ou supprimer la solidité et la gravité, jusqu’à l’histoire même d’un bâtiment par le simple fait de le peindre. Avec sa couverture-affiche en trois couleurs, le livre de Tony Brooks et Adrian Shaughnessy s’intéresse davantage au monde contemporain et déploie une série de travaux de praticiens de l’environnement issus du graphisme et du design. À l’échelle internationale, la recherche de l’esthétisme architectural et du jeu visuel dans l’espace urbain a trouvé sa relève. IM

Première monographie en anglais publiée sur Gerrit Rietveld, l’ouvrage d’Ida Van Zijl est un beau livre de 240 pages qui a vu le jour durant l’exposition rétrospective consacrée au designer et architecte néerlandais au Centraal Museum d’Utrecht (Pays-Bas) en 2010. Ancienne étudiante de la Rietveld Academie et directrice adjointe du musée, l’auteur est également éditrice d’un catalogue paru en 1992 sur une sélection de travaux restés pour une partie d’entre eux à l’état de prototypes. Seul le magasin italien Cassina reproduit depuis quelques années les meubles du designer tels que sa fameuse

chaise Zig Zag. Protagoniste majeur du mouvement d’avant-garde De Stijl avec Piet Mondrian, membre des CIAM dès 1928, Gerrit Rietveld a contribué, grâce à ses expérimentations et à sa vision non conventionnelle du design industriel, à changer considérablement le développement, l’enseignement et la pensée en matière d’architecture et de design au cours du xxe siècle. De nombreuses illustrations, photographies et dessins issus d’archives d’amis et de la famille complètent une sélection initiale déjà riche réalisée à partir des collections du musée. IM 1.2011 : 75


i manifestation 1 concours p conférence b exposition

> 29/1

agenda

Jusqu’au 15 janvier

Jusqu’au 22 janvier

Du 19 janvier au 13 février

Jusqu’en mars

Jusqu’au 30 avril

b Méthode graphique et autres lignes

b Vincent Broquaire

i Sortie d’écran

b Typopassage Vienna : welcometo.as

b Futuréalismes

Le travail de Vincent Broquaire (é : 185) est protéiforme. Volumes, sculptures et films d’animation se développent à partir du dessin, matière première des travaux de Vincent Broquaire. Ils sont autant de déclinaisons d’un monde teinté d’ humour et de dérision où se révèle l’incongruité du quotidien. À l’occasion de son exposition, la galerie Delko lance une édition compilant les travaux du jeune diplômé Ne pas juger un livre  à sa couverture.

i Breizh Design 2 Rennes DMA Galerie www.dmagalerie.com

> 30/1

b Liberation of Light Eindhoven (Pays-Bas) Designhuis

Imaginé par le studio Bauer – konzept & gestaltung, Typopassage présente sa 3e exposition “Micro Museum With and About Lettering” des designers Adam Machacek et Sébastien Bohner. Le collectif Welcometo.as (D&D) n’a pas souhaité faire une rétrospective de son travail mais s’attache davantage à réaliser une production inédite, élaborée à partir d’anciens projets typographiques. www.typopassage.at

galerie delko, 28, place des lices, 35000 rennes

www.designhuis.nl

> 30/1

Jusqu’au 21 mars

b Mondrian / De Stijl

Jusqu’au 29 janvier

b Basquiat

b J’veux pas grandir

Paris Musée d’Art moderne www.mam.paris.fr

> 30/1

b Le design cellulaire Paris Le Laboratoire www.lelaboratoire.org

> 31/1

i Le Mois du graphisme Échirolles www.graphisme-echirolles.com

> 13/2

b Face au mur Lausanne (Suisse) Mudac www.mudac.ch

> 13/2

b Art pour tous Lyon Musée de l’Imprimerie www.imprimerie.lyon.fr

> 20/2

b Circuit céramique Paris Musée des Arts décoratifs www.lesartsdecoratifs.fr

> 20/2

b Rehab, l’art de re-faire Paris Espace fondation EDF http://fondation.edf.com

> 26/2

b Andrée Putman Paris Hôtel de ville http://bit.ly/bubqss

> 27/2

i Triennale du design Milan (Italie) www.triennale.org

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© dr

© thomas müller, Sans titre, 2010

Issue des sciences expérimentales du xix siècle, la notion de “méthode graphique” désigne un procédé traduisant les déplacements de la matière et des organismes, directement lié à l’inven tion d’appareils de mesure tels que le cardiographe ou l’anémomètre, et dont les artistes ici réunis se font les héritiers. Les œuvres exposées à la galerie Édouard-Manet s’intéressent au langage de la ligne et elles tentent de retranscrire sur papier ou sur surface sensible les hésitations, variantes et tressaillements des déplacements du corps (vivant ou mobile). e

galerie manet 3, place Jean-grandel, 92230 gennevilliers

Jusqu’au 15 janvier

b Six mères et autres sphères La galerie Talmart consacre sa nouvelle exposition à Pascal Colrat. Le graphiste français présente une nouvelle série photographique “Six mères et autres sphères” constituée de neuf sphères, symboles des neuf mois de gestation. Le format et la précision chirurgicale des photographies permettent aux visiteurs d’observer les moindres détails de ces agglomérats de détritus. Chacune des sphères, composée de matériaux divers, naturels (terre, fleurs, écorces d’arbre) ou manufacturés (rouages, plastiques, pièces), semble être suspendue dans le vide, comme figée dans un temps immémorial.

© philip hunt, Lost and found, production : studio aka

Le Cube ouvre prochainement sa nouvelle exposition “J’veux pas grandir”. Le Centre d’art de création numérique d’Issy-les-Moulineaux propose une sélection de clips et courts métrages (en trois dimensions) conçus par des artistes et des studios confirmés. Sont notamment exposés Kristofer Ström, Shynola, Pleix (é : 105), Virginie Taravel, Geoffroy de Crécy, Philip Hunt, Marisa Torres, Kasey Lum et Jorge R. Canedo Estrada. Une carte blanche sera offerte à Axel Menning et Sakrowski pour Curatingyoutube.net. le cube, 20, cours saint-Vincent, 92130 issy-les-moulineaux

Jusqu’au 5 février

b Charles Burns

Durant un mois, le Centre design de Marseille accueille une exposition de permeable.org. Le designer web Sylvain Hourany présente, à cette occasion, des objets graphiques hybrides situés à la croisée du design d’objet, du graphisme et de l’art contemporain : Est-ce des lampes ? Est-ce un  calendrier ? Est-ce un livre ? Est-ce une affiche ?  Qu’importe, ils portent en eux un usage : celui de  nous questionner. centre design de marseille, 6, av. de la corse, 13007 marseille

i Belgium is Design

Jusqu’au 22 janvier L’exposition “Reverting to Type” se penche sur les techniques d’impression typographique développées dans le monde au cours du xxe siècle. Les travaux d’une vingtaine de typographes contemporains sont présentés à cette occasion. L’exposition, dont le commissariat est assuré par Graham Bignell et Richard Ardagh, témoigne d’une résurgence des techniques traditionnelles d’impression. Sont notamment exposés : Black Stone, Brad Vetter, Carl Middleton, Dafi Kühne, Flowers & Fluerons, Hand & Eye, Hatch Show Print, Hi-Artz, IMPO$T, Jens Jørgen Hansen, Markus Müller, Mark Pavey, Mr Smith, Occasional Print Club, Prensa La Libertad, Rosa De Carlo, Team Nerd, Typoretum et Yee Haw ! Industries.

À l’occasion de la sortie de Toxic, aux éditions Cornélius, la galerie Martel accueille son auteur, Charles Burns. Révélé dans les pages de Raw, la mythique revue d’avant-garde dirigée par Art Spiegelman et Françoise Mouly, Charles Burns a grandi dans les années 1960 sous l’influence du magazine satirique Mad, des films de monstres de Roger Corman et des séries à suspense proposés par les programmes télévisés de l’époque. Pour son exposition à la galerie Martel, une centaine de dessins et d’illustrations sont présentées, dont celles extraites du nouvel album.

standpoint gallery, 45 coronet street, london n1 6hd

galerie martel, 17, rue martel, 75010 paris

© charles burns, Xeno portfolio – 2010

b Michal Batory

Le MIT Museum accueille “Types We Can Make” : une sélection de travaux typographiques suisses contemporains. Organisée par l’ECAL, l’université d’art et de design de Lausanne, cette exposition illustre les transformations récentes dans le champ de la création typographique, ses conditions de création, de production et de diffusion.

Jusqu’au 27 février

b Reverting to Type

Du 20 janvier au 22 mai

b Types We Can Make

10, room cambridge, ma 02139, 150 77 massachusetts, usa

Intitulée “Belgium is Design, Design for Mankind”, la VIe édition de la Triennale du design se tient sur le site du Grand-Hornu. L’événement rend compte de l’actualité de la discipline en Belgique. Design Vlaanderen et le Grand-Hornu poursuivent ainsi une collaboration débutée il y a cinq ans à l’occasion du 175e anniversaire de la Belgique. Design de service, design social, design orienté sur l’utilisateur : cette année, l’exposition aborde la discipline sous un angle social et s’intéresse principalement aux influences que le design exerce sur nos modes de vie quotidiens.

© electronic shadow 2010

Electronic Shadow (é : 183) fête ses dix ans de travail en commun par une exposition-manifeste  au musée Granet à Aix-en-Provence. Rétrospective du travail des designers Naziha Mestaoui et Yacine Aït Kaci, “Futuréalismes” présente une sélection d’installations interactives, faites de prototypes et de projets inédits, où réalité et fiction se croisent sans cesse. Le visiteur, immergé dans un milieu énigmatique, devient l’acteur d’un monde réseau en perpétuelle évolution. Seront notamment exposées les dernières créations du tandem : Le Cristal de personnalité et Le Pavillon des métamorphoses.. musée granet, pl. saint-Jean-de-malte, 13100 aix-en-provence

Jusqu’au 20 février

mit museum compton gallery building.

galerie talmart, 22, rue du cloître-saint-merri, 75004 paris

Cette exposition, première rétrospective consacrée au courant, illustre le parcours croisé du mouvement De Stijl et de sa figure phare, Piet Mondrian. Entre 1912 et 1938, l’artiste néerlandais met en place un vocabulaire et une nouvelle plastique abstraite, aux côtés de Theo Van Doesburg et Gerrit Rietveld, cofondateurs du mouvement.

© theo Van doesburg – 1920, centre pompidou

Parmi toutes les avant-gardes européennes, De Stijl constitue un moment crucial de l’histoire de l’art pour qui souhaite comprendre les grands mouvements artistiques du xxe siècle.

Le musée des Arts décoratifs de Paris invite Michal Batory à présenter son travail à travers une sélection d’affiches réalisées pour des commandes. L’exposition se penche notamment sur l’univers fragile et poétique du graphiste et son utilisation de la photographie comme médium privilégié. Au croisement des influences polonaises et du surréalisme, son travail repose sur

centre georges-pompidou, 75004 paris

Du 27 janvier au 27 mars

b Album Présentée à la galerie d’architecture Arc en rêve, l’exposition “Album” est une proposition inédite de Ronan et Erwan Bouroullec. Dans six salles organisées à partir de thématiques, près de 800 documents ont été sélectionnés dans les travaux des deux designers : dessins d’inspiration, croquis, esquisses de maquettes et photos d’archives. arc en rêve, quai des chatrons, 33000 bordeaux

www.belgiumisdesign.be

Jusqu’au 29 mars

b Politrics

Tight Stool by diane steverlynck © malou swinnen

L’exposition “Politrics”, organisée par le musée Tomi-Ungerer rassemble un ensemble de dessins originaux, collages et affiches satiriques de l’illustrateur, issus de collections privées ou de celles du musée. Cette rétrospective témoigne de l’engagement politique sans faille de l’artiste français et de ses prises de position contre l’impérialisme, la guerre et le racisme.

un dispositif très simple : l’association incongrue de deux éléments distincts. Il semble réactualiser chaque fois cet adage de Lautréamont : Beau  comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une  machine à coudre sur une table de dissection.

musée tomi-ungerer, 2, av. de la marseillaise, 67000 strasbourg

musée des arts décoratifs, 107 rue de rivoli, 75001 paris

© michal batory

1.2011 : 77


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