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Ê :186 novembre 10 mensuel – 10,70 E www.etapes.com


Agence photographique de la réunion des musées nationaux NOUVELLE ADRESSE 254-256, rue de Bercy 75577 Paris Cedex 12 - France Tel. : 33 (0)1 40 13 49 00 Fax : 33 (0)1 40 13 46 01 e-mail : photo@rmn.fr

n° 186 ÉDITO

Musée National du Palais de Taipei, Taïwan, sont sur www.photo.rmn.fr

Wang Wen (vers 1497-vers 1576) Portrait of Shih-te © National Palace Museum, Taipei, Taïwan, Dist. RMN - © image NPM

Conception graphique : Pierre Finot – © photo RMN, C. Jean, La Belle ferronnière, Léonard de Vinci, Musée du Louvre.

Les images du

directeur de la publication et directeur artistique Michel Chanaud mchanaud@pyramyd.fr rédactrice en chef Valérie Decroix vdecroix@pyramyd.fr journaliste Caroline Bouige cbouige@pyramyd.fr assistante de la rédaction Isabelle Moisy imoisy@pyramyd.fr contenu iPhone Cyril Petroff cpetroff@pyramyd.fr graphistes Mariana Carapinha, Vanessa Titzé, Mengya Zhuang (stagiaire), création graphique & maquette © Pyramyd NTCV ont participé à ce numéro Marie Aumont, Françoise Bonnet, Gaëlle Ducos, Erwin K. Bauer, Lorraine Plé (stagiaire), Morgan Prudhomme (stagiaire), Lizá Ramalho et Artur Rebelo, Claire Rascle, Laurence Richard, Juan Augustín Mancebo Roca, Romuald Roudier Theron (stagiaire), Véronique Vienne, Laetitia Wolff. rédaction-révision Michel Mazoyer responsable publicité et marketing Nadia Zanoun nzanoun@pyramyd.fr publicité Anne-Sophie Petroff aspetroff@pyramyd.fr internet Sébastien Augereau saugereau@pyramyd.fr abonnements Laurent Robic lrobic@pyramyd.fr T +33 (0) 1 40 26 02 65 – F +33 (0)1 40 26 07 03 Vente et abonnement en ligne : www.artdesign.fr Prix pour 10 numéros : 104 € France 130 € CEE, DOM-TOM – 149,50 € autres pays impression Deux-Ponts, Bresson. ancien rédacteur en chef / cofondateur du magazine Patrick Morin N° de commission paritaire : 0911 T 88598 Dépôt légal à parution – issn 1254-7298 © adagp Paris pour les œuvres des membres. Dans tous les exemplaires, ce numéro comporte un encart abonnement broché 2 p. entre les pages 64 et 65. Nouvelle génération de papiers recyclés parfaitement blancs d’Arjowiggins Graphic, Satimat Green se distingue par ses excellentes qualités d’impression et ses vraies qualités environnementales : 60 % recyclé, certifié FSC sources mixtes, ce papier permet à la fois de réduire les déchets en réutilisant de vieux papiers et d’assurer la gestion responsable des forêts, ses fibres vierges étant certifiées FSC. Couverture imprimée sur Satimat Green 250 g. Intérieur imprimé sur Satimat Green 135 g et Cyclus 140 g fabriqué par Arjowiggins. CETTE PUBLICATION PEUT ÊTRE UTILISÉE DANS LE CADRE DE LA FORMATION PERMANENTE.

étapes : est éditée par Pyramyd NTCV Société Anonyme au capital de 110 000 € dont le principal actionnaire est Michel Chanaud.

15 rue de Turbigo, 75002 Paris T +33 (0) 1 40 26 00 99 F +33 (0) 1 40 26 00 79 www.etapes.com / www.pyramyd.com “Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages ou images publiées dans la présente publication, faite sans l’autorisation écrite de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon”. (Loi du 11 mars 1957, art. 40 et art. 41 et Code pénal art. 425) • Le magazine n’est pas responsable des textes, photos, illustrations qui lui sont adressés • L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication • Toutes les marques citées dans Étapes sont des marques déposées ainsi que le logo “étapes :”.

CONTAINERS À TOUT FAIRE À Tokyo, Porto et Düsseldorf, les containers gagnent les centres urbains pour héberger… des expositions et des œuvres de designers. À Amsterdam ou au Havre, ils accueillent des logements pour les étudiants et rempliront demain d’autres fonctions, administratives, commerciales, etc. Adieu le port, fini le transport, le container s’offre une nouvelle vie de galerie ou de cocon. Effet de l’injonction du “tout recycler” ou engouement véritable pour un contenant que l’on cherche à sortir de sa métallique banalité logistique ? Empilable, transformable, cette boîte se prête à de multiples usages. La légèreté et la simplicité de ce parallélépipède en font a priori un module idéal pour imaginer de nouveaux espaces, les agrandir ou les recombiner à l’infini. Avec une plasticité qui répond aux exigences de métropoles constamment en mouvement comme à celles d’utilisateurs citadins épris de personnalisation. Pourtant, derrière le pratique et l’efficace, derrière l’habile détournement de fonction et la séduction de l’éphémère, ne faut-il pas voir le renoncement à une ambition ? Celle de la construction destinée à durer et du choix assumé de la forme. Même auréolé d’un nouveau statut ou protégé par l’alibi “événement design”, le container pourrait bien n’être que le symbole d’un manque d’inspiration, d’un monde sans aspiration, d’une absence d’engagement. Jetable et escamotable sans risque, à l’instar de bien des campagnes et identités qui fleurissent sur les murs des villes ou des mobiliers qui en investissent les rues, le container comme signe des temps ? Valérie Decroix


n° 186 ACTUS

P06

novembre 2010 août 2010

Project Process // jean-Louis Fréchin // erwin k. bauer // sadahiro kazunori Pictogrammes  //  electronic shadow  //  surréalisme et graPhisme  //  candY chang

é :183 août 10  mensuel – 10,70 E  www.etapes.com

é :186 novembre 10 mensuel – 10,70 E www.etapes.com

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21/10/10 17:10 22/07/10 14:42

Couverture : © M/M (Paris). Poster pour M/MINK, eau de parfum par M/M (Paris) et Byredo Parfums 2010. Photographie : Inez Van Lamsweerde & Vinoodh Matadin.

FOND & FORME

MARCIA NOLTE

P30

PAR L. RAMALHO A. REBELO ET A. TAVARES

Lizá Ramalho et Artur Rebelo sont les fondateurs du studio de graphisme R2. André Tavares est architecte et auteur.

P08

DDB

P10

LOUISE DESPONT

P12

TINE DE RUYSSER ET YINQING YIN

P14

CAROLINE FABÈS

P18

RE-PUBLIC

P20

MR_DESIGN, JOHN GALL

P21

JOHNSON BANKS, LEO BURNETT

P22

THE PARTNERS, FALLON

P24

XAVIER BARRADE

P26

AMANDINE ALESSANDRA

P27

BENDITA GLORIA, ID KOMMUNIKATION

P28

M/M (PARIS)

Textes et titres composés en Kievit de Michael Abbink.

P40

PART DU TEXTE PAR VÉRONIQUE VIENNE

DA et critique, elle écrit pour Print, Metropolis... Elle est co-auteur de Art Direction Explained, At Last.

JE T’AI

P48

PAR ERWIN K. BAUER

A la tête de son propre studio, Erwin K. Bauer est aussi auteur et commissaire d’expositions.

JET

SADA

HIRO

DE QUOI

A-T-IL

BESOIN ?

CESS Pour Jean-Louis Frechin, la technologie a le pouvoir de transformer des produits en objets de désir. Son approche du design, avant tout légère, optimiste et interdisciplinaire, tend vers un nouveau modèle d’innovation.

Marie Aumont est graphiste indépendante et typographe française.

NORI

LE MONDE

PRO

PAR MARIE AUMONT

KAZU

DANS LA

PEAU PRO

P56

Je reviens à des créations “à la main” car je trouve qu’au final, les logiciels du type Photoshop ou Illustrator ont la même facture.

P65

PAR JUAN AGUSTÍN MANCEBO ROCA

Professeur d'art contemporain et d'histoire du fi lm à l'Université de Castilla - La Mancha en Espagne.

FUTUR GRAFIA Le futurisme italien posa les bases d’une littérature d’un genre nouveau en sublimant la fonction typographique dans l’écriture de “mots en liberté” calligraphiés ou composés en caractères peints. Rompant avec la tradition, la typographie se charge d’imprimer aux textes du mouvement les sensations de la vie moderne.

P70

PAR LAETITIA WOLFF

Laetitia Wolff est la fondatrice de Futureflair, une agence new-yorkaise en design stratégique et ingénierie culturelle.

DONNER SENS ET FORME AUX TECHNOLOGIES

TRANSPARENTES

Faire bouger le monde est pour le graphiste autrichien Erwin K. Bauer un champ d’intervention légitime de la profession. Il explique pour Étapes ses initiatives utilisant ses compétences en design pour toucher le grand public, et revient sur celles d’autres graphistes.

P73 LIVRES P76

AGENDA

P78

RÉPERTOIRE

Titres composés en Kievit de Michael Abbink, textes en Oranda de Gerard Unger.

Titres composés en Boton d’Albert Boton, textes en Oranda de Gerard Unger.

11.2010 : 3


Les NeWs

L’AGeNDA

LA GALerie

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Toute l’actualité du design et de la culture visuelle en temps réel.

Expositions, conférences, et autres événements à ne pas manquer.

Des projets en images à découvrir et à partager sur vos réseaux sociaux.

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Autres

creAjobs

Revue de presse, sélection des meilleurs livres du design, savoirs…

Stages, recrutement, sarrière… tout le marché de l’emploi.

mobile.etapes.com Palme de la Meilleure “Publication sur support Nomade” Palmarès 2010 de la Presse Professionelle


Dites-le avec des fleurs De la séduction à la partie de jambes en l’air, Marcia Nolte transpose les codes de l’activité amoureuse du genre humain sur d’innocents pétales. Jeune fille en fleur, belle plante , défloraison, la langue française témoigne de cette accointance. Héritières d’une coutume perse, les mœurs amoureuses européennes s’approprient le langage des fleurs depuis le xvie siècle. La directrice artistique néerlandaise a voulu transmettre l’ancestrale relation en images. Crue ou raffinée, la métaphore visuelle aborde son sujet sans retenue. CB WWW.MARCIANOLTE.COM

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6 11.2010

11.2010 : 7


Diamant au détail Afin de mettre en avant l’exigence de la charte que le joaillier de Hongkong Chow Tai Fook applique à sa production de diamants, l’agence DDB crée une campagne d’affichage de proximité dans plus de 3 000 boutiques du RoyaumeUni. Utilisant un système d’intrications, les spirales révèlent, avec un détail exquis, l’histoire qui se cache derrière chaque pierre : le travail des mineurs, la coupe, la rareté et la réflexion engagée autour de chaque pièce. MP WWW.DDB.COM

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Arachnéenne Il se mêle dans les images de Louise Despont des influences d’Emma Kunz ou d’Hilma af Klint, des liens entre structures biologiques et ésotérisme, architecture et cosmologie. Abeille maçonne, l’artiste américaine élabore, à l’aide d’un normographe et d’un compas, des constructions de dentelles. Certaines semblent habitées. Les figures se dessinent au fur et à mesure, comme des prédictions. Fille de l’architecte Thierry Despont, éduquée dans la culture New Age, Louise puise ses nourritures spirituelles en Inde, où elle visite d’anciens observatoires astronomiques, apprend l’art du tissage et développe sa géométrie du sacré. CB WWW.LOUISEDESPONT.COM

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10 11.2010

11.2010 : 11


Même pas capes Inspirée par les origamis et autres pliages en papier, Tine De Ruysser travaille des vêtements ludiques aux coupes et aux matières hybrides. La designer textile compose de petites capes précieuses pour les petits chaperons des temps modernes. En insérant des fibres de métaux dans un tissu feutre, ce dernier dégage un effet métallique accentué par les formes cubiques qui lui sont appliquées, entre couture et assemblage ingénieux de pièces pour obtenir un volume futuriste. IM www.tinederuysser.com

© tine de ruysser

Le plissé du regard Styliste et photographe, Yinqing Yin excelle dans l’art du plissé. Légers et vaporeux, les vêtements de cet ancien mannequin dégagent la douceur du coton, la transparence des voiles et un monde calfeutré en beige et rose saumon. Fait de robes aux coupes ultraféminines, le prêt-à-porter de Yinqing Yin prend forme dans un travail à la main minutieux des arrondis, de la souplesse, du pliage et autres techniques de repiquage du tissu. Celui-ci devient une nouvelle matière, dense et complexe, mais aussi un challenge pour la composition finale de la pièce textile imaginée. IM www.villanoailles-hyeres.com/hyeres25

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12 11.2010

© nicolas Guerin


Redistribution de la quantité de noir dans un rectangle (OCR-B Alternate)

hauteur de corps = 901 em

728 quantité de blanc = 515 332 em2

quantité de blanc = 515 332 em2

quantité de noir = 133 388 em2

quantité de noir = 133 388 em2

0

-173 chasse

0

720

Surface totale = 901 x 720 = 648 720 em2

Surface totale = 901 x 720 = 648 720 em2

Surface totale = 901 x 720 = 648 720 em2

Littérature grise

Calcul de la valeur de gris d’un signe | Spécimens

Par définition, le gris typographique est une “impression” de la vision de l’œil sur une page d’écriture. Mais il existe ici-bas au moins une personne qui ne saurait se contenter d’une telle approximation. En post-diplôme à Amiens, Caroline Fabès s’est attelée pendant un an et demi au calcul exact du gris typographique. Partant de la lettre pour aboutir au livre, son étude s’appuie sur deux polices de caractères : le Scala Regular et la monospace OCR-B. Autrement dit, des blocs typographiques dissemblables confrontés à des surfaces d’occupation du caractère équivalentes. En mesurant la quantité de noir définie par le tracé du signe dans son bloc (le calcul s’effectue en em2, unité de mesure proportionnelle au corps de la police), la graphiste traduit la proportion de noir et de blanc de chaque lettre. Volontairement monomaniaque et laborieux, l’exercice participe à une démarche autonome, un travail au corps à “corps” dont découle une valeur empirique. Aussi, la représentation des données recueillies suit-elle un traitement semblable. L’étudiante développe un large spectre de visualisation des données qui ouvre l’étude à des transmissions

d’informations variées. La quantité de noir des caractères, exprimée par un rectangle, un disque (noirs sur fonds blancs) ou un bloc en niveaux de gris est ensuite numérisée en police. Reste que le gris typographique se regarde dans une page et non dans la lettre. Caroline Fabès effectue le travail de traduction à l’échelle du roman en choisissant Mémoires d’un fou de Gustave Flaubert, un écrit teinté d’ironie, dont les premières lignes, Pourquoi écrire ces pages ? À quoi sont-elles bonnes ? – Qu’en sais-je moi-même ? entrent en résonance avec l’avancement acharné et méthodique de l’étude. La mise à plat de l’ensemble de l’ouvrage aboutit à une conclusion : la valeur du gris typographique de Mémoires d’un fou est de 10,5 % en Scala alors que l’OCR-B ne recouvre que 8,5 % de la surface des pages. Si le résultat s’explique par l’importance du blanc nécessaire à la graphie monospace, il interroge la notion d’idéal en matière de gris typographique, qu’il se perçoive dans son homogénéité ou dans une proportion globale. La vision du texte en tant qu’image se réduit à un chiffre, qui fait lui-même l’objet d’une visualisation. CB

Ci-dessus. Valeur de gris d’un signe en % (surface de noir divisée par sa surface totale x 100). Ci-contre. Couvertures de Mémoires d’un fou transcrites selon différents systèmes de quantification du gris typographique. Ci-dessous. Processus de transformation verticale appliqué sur une double page intérieure de Mémoires d’un fou.

www.carolinefabes.com

Redistribution de la quantité de noir et de blanc dans un disque (OCR-B Alternate) Lettre sans contreforme interne

Lettre avec une contreforme interne 728

728

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quantité de noir = 133 388 em2

500

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250

surface contreforme = 15 332 em2

250

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quantité de blanc = 515 332 em2

-173 0

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chasse

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0

quantité de noir = 120 553 em2

500

250

0

quantité de blanc = 528 167 em2

-173 0

chasse

0

720

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Ci-dessus. Schéma explicatif extrait de la légende de l’affiche ci-contre. Ci-contre. Affiche représentant la surface totale de noir et de blanc des lettres (dont le rapport détermine le gris typographique) présentes dans Mémoires d’un fou composé en OCR-B Alternate, corps 10 pt (par chapitre). En haut. Comparaison de la surface occupée par chaque signe de l’alphabet de neuf polices de caractères.

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16 11.2010


1100 pages, 2 tomes sous coffret. Slipcase. Dimention : 225 x 300 mm Édition limitée tirée à 1500 ex. numérotés. Conception graphique : Rachel Cazadamont (H5) Éditeur Intramuros SA Prix : 150,00 €

Règle de trois À l’initiative de l’artiste Jacob Fuglsang Mikkelsen, The Triangle Project est un programme d’échanges artistiques et expérimentaux entre trois villes : Copenhague, Istanbul et New York. Directeur artisti-que de l’agence britannique Re-public, et chargé de la communication de la triple manifestation, Romeo Vidner retranscrit la monomanie du concepteur de l’événement : Depuis que le Da Vinci Code est devenu une référence dans la culture populaire, le triangle divin est un symbole aussi évident que la boîte de soupe ampbell. Les mesures du triangle sont conservées dans les trois affiches et les supports de communication se développent autour de la figure et des propriétés du nombre d’or. Luminosité et tons directs fluorescents assurent le rayonnement du principe constructeur. CB WWW.RE-PUBLIC.COM

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18 11.2010

Pré-commandez votre exemplaire dès maintenant sur le site www.intramuros.fr ou au 01 42 03 95 92 Parution le 5 décembre 2010


Johnson Banks | Phonetikana Parmi les trois modes d’écriture japonais existant, le syllabaire katakana est régulièrement utilisé pour traduire les mots occidentaux. Les caractères de la police Phonetikana conçue par l’agence anglaise Johnson Banks combinent les formes du katakana et les sons phonétiques de la langue anglaise. Les caractères permettent aux visiteurs de prononcer correctement les sons de la langue japonaise et de commencer à comprendre les formes clés des signes. Initialement conçue pour une application éducative, cette police s’est d’ores et déjà affichée dans les magazines et l’univers de la mode. MP

Chaque année, les D&AD Awards récompensent une sélection de projets dans plusieurs domaines de la communication. WWW.DANDAD.ORG

WWW.JOHNSONBANKS.CO.UK

Mr_Design | Nico Products Posters Une technique d’impression inhabituelle a été utilisée pour la campagne des produits Nico, au Japon. Elle permet à l’encre d’apparaître à l’arrière du papier, aussi bien qu’à l’avant. Dans la rue, l’affiche est suspendue de sorte que les passants puissent voir le recto et le verso. Selon le côté observé, différents éléments ressortent : les formes, l’objet ou l’image photographiée sont à leur tour mis en avant. Les produits Nico (fournitures et mobilier de bureau) et la campagne d’affichage sont l’œuvre de Kenjiro Sano, de Mr_Design. MP WWW.MR-DESIGN.JP

Leo Burnett London | Live Posters En 2008, l’association anglaise pour le droit au logement Shelter fait appel à Leo Burnett pour souligner l’impact de la crise financière mondiale sur son secteur. Après avoir conçu un spot télévisé dans lequel se volatilisent des immeubles construits comme des châteaux de cartes, l’agence invite 53 artistes, designers et photographes à produire un jeu de cartes. Le troisième volet de la campagne laisse la parole à des anonymes et se soumet à l’appropriation du badaud. Sous forme d’affiches, 52 cartes vierges, dispersées dans les rues de Londres, engagent le coup de crayon du passant et l’improvisation de l’artiste de rue. Les affiches et l’édition limitée du jeu de cartes sont ensuite vendues aux enchères au profit de l’association. MP WWW.LEOBURNETT.CO.UK

John Gall | Speak, Memory, Invitation to a Beheading, Pale Fire Afin de donner un visage à la réédition d’une partie de l’œuvre de Vladimir Nabokov par Vintage Books, le directeur artistique John Gall réinvestit le concept de la boîte à papillon, un thème fréquent dans les derniers ouvrages de l’auteur, témoignage de la passion de ce fervent collectionneur. En guise de couverture, une photographie de boîte à échantillons, un contenu pour mettre à l’étude ou à l’exposition un des objets du livre. Le procédé en trompe l’œil joue sur la profondeur et les matières, comme cette allumette encore fumante signée Stephen Doyle qui recouvre le roman Pale Fire. Pour diversifier les compositions, John Gall a fait appel à plusieurs designers : on retrouve parmi eux Chip Kidd, Martin Venezky, Paul Sahre, Michael Bierut, Barbara de Wilde, Marian Bantjes. MP WWW.JOHNGALL.BLOGSPOT.COM

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20 11.2010

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The Partners | The Real-time Art À l’occasion de l’exposition expérimentale “Laboratoire” organisée par l’espace Jerwood à Londres, trois artistes sont invités à construire une œuvre en temps réel à partir de trois fois rien. Suivant le même principe que son sujet, le catalogue d’exposition s’élabore dans l’avancée du projet : documenté en direct, un blog agrégateur relate tous les mouvements des artistes. Disponibles en ligne pendant la durée de la manifestation, les contenus informatifs sont imprimés chaque jour et ajoutés au catalogue visible dans la galerie. MP WWW.JVALAB.CO.UK

Fallon | Weidenfeld & Nicolson 60th Anniversary Pour célébrer son 60e anniversaire, la maison d’édition britannique Weidenfeld & Nicolson fait appel au groupe Fallon et le charge de concevoir le design de plusieurs titres. Dépassant la simple volonté de valorisation de l’objet livre, le concept mis en place explicite l’approche éditoriale de W&N’s. La série conçue par Fallon dépouille, met à nu la couverture, pour lui rendre son état brut. Les découpes, qui illustrent le récit, sont utilisées comme des fenêtres vers l’intérieur de l’ouvrage. Elles révèlent des illustrations modernes servies par une police de caractères simple, élégante et traditionnelle. MP WWW.FALLON.CO.UK

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22 11.2010

DRAC Ile-de-France - Ministère de la Culture et de la Communication, Conseil Régional d'Ile-de-France, Ville de Paris, Ambassade d'Espagne, Instituto Cervantes, Goethe Institut, Fondation Pro Helvetia, Ambassade du Portugal, Forum Culturel Autrichien, OCA Office for Contemporary Art Norway, Institut Néerlandais, Fondation Mondriaan, Ambassade du Brésil, Centre Culturel Canadien, Culture Ireland, Institut Suédois.


Retrospective Tout juste diplômé de l’École nationale des beaux-arts, après un passage à l’ESAD Amiens, Xavier Barrade signe sa première rétrospective… sur le Net. Interrogeant la valeur matérielle de l’œuvre, il constitue une exposition image par image, avec pour outils et matériaux des logiciels 3D, des textures, des images trouvées sur Internet et modifiées, une imprimante A4, du papier et un cutter. Sur le même principe, les espaces dans les-quels sont exposées ces pièces virtuelles sont des reconstitutions de lieux stéréotypés, sortes de synthèses des galeries d’art contemporain. Confondant surfaces planes et corps en volume, représentation et création, réel et virtuel, cette exposition bénéficie de son caractère figuré. Car toutes les maquettes ayant servi à l’élaboration des décors ont été détruites par leur auteur. L’œuvre n’est autre que l’image formée, autour de laquelle les décors agissent en subterfuge d’une monumentalité. Ainsi, pour reprendre les mots de Xavier Barrade, chaque média qui supporte le projet ne présente pas des reproductions de l’œuvre mais bien l’œuvre en tant que telle dans son intégralité et dans son expérience com-plète, que ce soit un post sur Twitter ou une image impri-mée dans un magazine. Au gré de son cheminement sur les blogs et de ses impressions, le projet développe son existence virale, qui satisfait autant les lois de l’être que celles du paraître. CB www.xavierbarrade.com

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Word’art Un cerf vous accueille et dit d’une voix de robot : You are in a high tech paradise ? Vous venez d’entrer sur le site du studio Bendita Gloria. Les créations qui y sont présentées font aussi appel à l’art de la gommette, à la broderie, à la perforation, à une déchiqueteuse. Aux vins Casa Mariol, dont la production familiale et manuelle est profondément enracinée dans son environnement, Alba Rosell et Santi Fuster apposent une identité graphique “faite maison”. Des cliparts, du langage Excel et des dessins créés dans le logiciel Word… La sympathie assumée pour le dégradé s’accompagne d’un rejet du discours marketing au profit d’une visualisation de données minimale. CB WWW.BENDITAGLORIA.COM

Le bon Brie de Suède Lettres fugitives Amandine Alessandra s’empare des objets qui l’entourent et réinscrit la lettre dans l’espace du quotidien. Tandis qu’une chaise en bois devient la matrice d’un alphabet, des ouvrages agencés sur l’étagère d’une bibliothèque se transforment en caractères mobiles prêts à l’emploi. Cet alphabet précaire, déployé au cours d’installations pirates, a conduit la jeune graphiste à réaliser un vêtement typographique avec lequel l’individu forme les 26 lettres de l’alphabet, les chiffres et la ponctuation. Réalisé en groupe lors d’une performance à la Liverpool Street Station, cet exercice de contorsion a permis de produire, en live, une série de messages dans l’espace public, un peu comme une version analogique de tweet qui impliquerait le groupe plutôt que l’expression d’une individualité. Les installations temporaires permettent une grande liberté dans la mise en œuvre des messages à communiquer. Leur transmission s’inscrit dans un contexte, par définition, instable. La lettre, éphémère, n’est plus figée dans ses graisses, ses empattements. Elle se libère du papier pour se modifier librement au gré des événements et des incidences. RRT

Malmö n’est pas seulement la ville fétiche des polars suédois. C’est aussi le siège de Skånemejerier, une firme alimentaire du pays, spécialisée dans les produits laitiers. Chaque aliment est confié à une agence de communication nationale et est distribué dans un large réseau couvrant cafés, restaurants et cafétérias d’entreprise. Désignée pour le brie Bistro, ID Kommunikation a travaillé un emballage sobre en papier, entièrement recouvert de polices de caractères noires qui rappellent celles des enseignes des brasseries parisiennes du début du xxe siècle. Ce célèbre fromage français, pourtant fabriqué en Suède, s’est vu attribuer le prix du meilleur packaging dans la catégorie “Produit alimentaire” du concours Pentawards 2010. IM WWW.IDKOMMUNIKATION.COM

WWW.AMANDINEALESSANDRA.COM

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Charade pour narines Mon premier est un bloc d’encre solide ramené de Corée. Mon second une formule utopique dessinée par Mathias Augustyniak. Mon troisième est la photographie d’un calligraphe japonais et mon tout un parfum. Un indice encore : Une image parfaite se trouve entre celle qui la précède et une autre à venir. M/M (Paris) est allé trouver Ben Gorham, le fondateur des parfums Byredo, afin de répondre à cette charade graphique. Avec la conviction que si l’industrie du parfum impose qu’on crée d’abord une fragrance et qu’on produise ensuite une image pour l’incarner, on peut emprunter le chemin inverse, M/Mink est comme une encre invisible pour écrire sur la peau, et sa communication, assurée par le studio parisien, s’y abandonne. Les corps photographiés par Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin sont allègrement recouverts d’encre, impossibles à identifier. CB WWW.MMPARIS.COM

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Projet Process

Les présidents du congrès 2010 de l’AGI, Lizá Ralmalho et Artur Rebelo (R2), ont choisi d’interroger le process de création, et invité les participants à réaliser une affiche représentant leur propre cheminement de conception. Ils analysent ici les travaux reçus, dont étapes présente une sélection. Lizá Ramalho, Artur Rebelo et André Tavares

Une carte au trésor

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Établir une représentation du process créatif est en soi un véritable exercice de design. Alors que le travail du designer consiste en général à doter une foule d’informations variées d’une représentation visuelle cohérente, représenter le process peut révéler de manière originale ses mécanismes opératoires. Comme une carte au trésor, qui figurerait des erreurs, la part aléatoire, les doutes et d’autres facteurs fortuits qui masquent les sentiments de plaisir et de richesse qui vont de pair avec l’angoisse et la douleur de l’acte de création. L’objet de ce défi [cartographier les premiers pas de la conception] est de dépasser les représentations traditionnelles du pro-

cess créatif du designer, ou plutôt les différentes étapes supposées de la création et de la réalisation. Se pencher sur la représentation des interrelations complexes qu’engendre le process créatif et, au final, comparer ces représentations nous offre des pistes de réflexion. Sans apporter toutefois de réponses définitives, ces pistes de réflexion n’en sont pas moins stimulantes et nous permettent de mieux maîtriser cet aspect essentiel du travail du designer. Cet aspect subjectif nous amène aux frontières de l’introspection psychanalytique. Mais ce n’est pas de ce point de vue que nous nous plaçons : ce qui nous intéresse dans cet exercice est la manière d’opérer. Les designers sont aujourd’hui davantage

maîtres de leur propre contenu. Ils jouent un rôle clé dans la recherche de solutions aux problématiques de leurs clients. Aussi, plutôt que de s’arrêter à l’impossible représentation de ce qui ne peut être représenté, plutôt que d’analyser ou d’auto-analyser ceux qui ne prennent pas un minimum de recul par rapport à leur travail, partageons ces aspects de nos process créatifs que nous sommes prêts à dévoiler et à formaliser. Cette générosité – partager ce qui tend en principe à rester secret – ne nous permettra pas de résoudre cet obscur et insoluble problème du process créatif. Mais, même si nous ne trouvons pas le trésor, nous pourrions y trouver des ressemblances et des valeurs communes.

1 Melchior Imboden, Design Process, Visual Communication.

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Nous pouvons ainsi accepter plus sereinement le caractère imparfait et fictif de la carte. L’histoire de la science nous parle d’objets qui restent secrets et du besoin que nous avons de décomposer les mécanismes de leur production. Découvrir la complexité sous-jacente des objets qui nous entourent permet à ceux qui sont étrangers à ce domaine de production de comprendre les raisons technologiques et sociales qui leur ont donné naissance, leur pertinence du point de vue culturel et technique. Le résultat final reste le plus souvent opaque et masque les raisons intrinsèques de l’objet et les interactions qu’il implique à une échelle sociale plus globale. Quelle que soit la valeur formelle de l’objet, ces interactions nous parlent des choses et des individus qui lui ont donné vie. La démythification du process enrichit notre compréhension de la discipline et peut permettre au public de porter un autre regard sur le design. Les designers réfléchissent chaque jour à leurs process de travail. Cette réflexion ne vise pas leur représentation, mais plutôt leur adaptation continuelle. L’évaluation des résultats reste subjective et les modes de fonctionnement ne correspondent pas toujours à une approche linéaire des process de production mécaniques. Aussi fautil faire preuve de courage pour mettre à jour ces process et représenter les facteurs les plus mystérieux qui les nourrissent. D’autant que les résultats peuvent être totalement déconcertants et qu’il nous faut alors immanquablement reconnaître la part du hasard, de l’erreur et celle de l’intuition, ce qui nous éloigne de la structuration d’un discours linéaire.

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Une représentation impossible Vrai ou faux ?

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Isoler le process créatif est un projet à peine plus fou que d’organiser une encyclopédie impossible. De nombreuses publications spécialisées nous présentent le résultat final de ce process, l’objet créé. Cependant, il nous est rarement donné de découvrir le process même, le déroulement constructif, les différentes pistes, les variantes abandonnées et les motivations conduisant au résultat final. Ce process suscite une grande curiosité. Cette curiosité peut nous permettre, en retour, de porter un autre regard sur notre propre travail et de déterminer les options dont nous disposons aux moments décisifs. Elle nous aide à mieux saisir la nature même des objets qui nous fascinent.

Cette idée audacieuse de mise en évidence découle du constat que la vision que de nombreux clients et amateurs de design ont des process créatifs ne correspond pas à celle que les designers eux-mêmes ont de leurs process et mécanismes de travail. Si les attentes du public et la conscience des professionnels du design se rejoignent quelque part, c’est bien sur l’idée d’intuition. La confiance collective en l’intuition, qui est légitime et justifiée, autorise une marge de travail où la réflexion sur la méthode peut rester confuse. Cette confiance permet aux professionnels du secteur de ne pas tout à fait mettre à nu la réflexion constante, inhérente à leur pratique. Les résultats parlant d’eux-mêmes, il

ne semble pas indispensable de s’étendre publiquement sur les process de travail. Il en résulte que les représentations des process de travail des designers correspondent davantage aux représentations des attentes latentes qu’aux process eux-mêmes. Il n’est pas nécessaire de rappeler que le process créatif emprunte un cheminement chaotique et parfois hasardeux. En revanche, il est important d’affirmer que le process fonctionne conformément aux attentes de chacun. Ces cartographies cherchent à surmonter cette discordance. D’après certains experts en management et en recherche scientifique, les process intuitifs et participatifs, dont les résultats restent imprévisibles dès le départ, sont plus

efficaces que les méthodologies systématiques et prévisibles. Mais alors, comment représenter des process si fluctuants ? Quelle visibilité peut-on avoir d’un domaine qui relève de l’intime ?

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Le doute permanent

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Qu’entend-on par cartographier ? Faut-il se pencher sur le dernier projet en date ? Celui qui s’est déroulé de manière idéale ? Le plus atypique ? Quelles relations existent entre nos différents projets ? Qui ne se plaint jamais des hésitations des clients ? Faut-il représenter ces hésitations ? Qui ne se sert pas de ces hésitations pour réinventer son approche, transformer un imprévu en valeur ajoutée ? Pourquoi le manque de

Gerwin Schmidt, More or Less. Peter Bilak, Work Process. Katsumi Asaba, A Restoration of Design. Christoph Niemann, Mundane Inspiration. Helmut Feliks Büttner, O.T.

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facteurs de conditionnement extérieurs entraîne-t-il si souvent un blocage incompréhensible ? Pour quelles raisons, ou à la suite de quels doutes, les designers sont-ils d’éternels insatisfaits ? Les doutes sont-ils constructifs ou destructeurs ? Lequel des deux dirige l’autre : le projet ou le designer ? Quels facteurs jouent sur la dynamique du process créatif ? Le contexte de vie personnelle du designer ? Part-on d’un point de départ spécifique ? Devons-nous considérer toutes les possibilités et les exclure une à une pour arriver au but recherché, plutôt que la possibilité qui semble répondre le mieux à la problématique ? Le principal doute qui surgit lors de la cartographie du process créatif relève de

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l’un des aspects essentiels du design : comment organiser l’information ? Il ne s’agit pas là d’élaborer une théorie sur chaque phase du process de travail. La simplification analytique que cette cartographie entraîne peut nous inciter à nous rapprocher ou à nous éloigner de la réalité (en fonction de la réalité et de la finalité de cette carte). Elle peut mettre au jour certains aspects du process et en ignorer d’autres, souligner certains facteurs, événements et approches que nous estimons plus déterminants et omettre des moments de crise ou de doutes. La carte est, a posteriori, le plan du plan. Elle naît d’un discours sur notre mode de fonctionnement, dans ce cas précis, d’un discours utilisant les res-

sources qu’offre la discipline elle-même, et qui s’adresse à elle-même. Cette carte est un mécanisme par lequel nous décrivons notre propre territoire.

Une représentation possible Imaginez le schéma d’un système électrique, un système de codes et de symboles qui identifient des aspects précis du process de conception : une étoile pour représenter ce moment d’exultation où la solution du projet s’est dévoilée, un carré noir symbolisant le moment où le client a rejeté la solution censée être idéale, un losange rouge éclatant pour marquer ce jour où, pendant une pièce de théâtre, vous avez élaboré petit à petit une idée qui s’est

7 Isidro Ferrer, Map of the digestive system. 8 Peter Till, Head, hand & eye. 9 Nick Bell, Slow / Fast. 10 Mehmet Ali, My plan, of course, is milking points of reference. 11 Pierre Bernard, Restore the questions. 12 Heinz Waibl, ON and OFF. 13 Niklaus Troxler, From the Brief to the Sound.

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avérée fondamentale pour le projet. Il est possible de trouver une solution graphique qui, avec plus ou moins d’humour, plus ou moins de rigueur, représente les aspects conscients du process créatif. Ces affiches en sont la preuve : elles dévoilent des systèmes composés en couches successives, des chronologies sous-jacentes dans des phases séquentielles ou alternées ; elles évoquent pléthore d’informations sans rapport les unes avec les autres, des influences et des références concrètes ; elles établissent des liens entre des éléments apparemment étrangers les uns aux autres et suggèrent des mécanismes de traitement. Ces représentations ne se limitent pas systématiquement aux process de travail de

leurs auteurs. Des plus obsessionnellement exclusives, souvent énigmatiques, aux plus radicalement inclusives (qui ressemblent souvent à un labyrinthe), elles font corps avec une double dimension visuelle et digressive qui offre aux observateurs la possibilité de naviguer librement. Ainsi, elles constituent tout un monde d’éléments qui oscillent entre contexte social et contexte culturel, entre l’environnement professionnel et la vie personnelle de leurs auteurs.

La douleur et le labyrinthe De nombreuses affiches révèlent que la douleur et l’angoisse du designer sont à la base de son process de travail. Cérébrale ou

physique, cette douleur est confondue avec une conscience aiguë de l’imprévu, le besoin de rationaliser l’irrationnel, les conflits intérieurs intrinsèquement liés au moment crucial du choix entre différentes options possibles. La contrariété est si présente, si constante qu’elle en devient douloureuse. Comprendre où et comment naissent nos choix signifie trouver le point nodal de cette douleur. La découverte du trésor correspond dans ce cas au soulagement physique d’avoir accompli la mission. Une alternative à la douleur est l’égarement. Si l’image du labyrinthe évoque le cheminement possible (par opposition au cheminement impossible), alors ce dédale

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est synonyme de désespoir. Insister, insister, insister, chercher, revenir en arrière, avancer à nouveau, inlassablement. Ce labyrinthe implique une multitude de procédures, que seules l’obstination et la persévérance, voire parfois la chance pure permettent de maîtriser. Le process de travail du designer consiste avant tout à maintenir le cap, à persister, à s’assurer que le projet ne se perde pas avant d’atteindre la sortie du labyrinthe.

Le créateur et sa création Dans de nombreux cas, le designer n’est pas dissocié de sa création, le process créatif fait tellement partie intégrante du process de travail et de production qu’il devient

difficile de distinguer le résultat du process de travail même, ce dernier se confondant même avec son auteur. Le projet est habité par son créateur. Cette dimension introspective est la dernière trahison qui transforme la carte en un objet rigoureux, à la fois imprécis et subjectif. Ce qui reste dans la cartographie d’un projet, c’est la plupart du temps le souvenir sélectif d’un process incertain. C’est dans cette approche synthétique claire mais imparfaite qu’apparaît notre façon de traduire et d’organiser ce souvenir, les choix que nous faisons en fonction de ce que nous souhaitons mettre au jour ou oublier. Avec toujours, en proportions variées, une bonne dose de réalité.

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Transfert Comment expliquer par une carte-affiche un process de travail ? Loin d’essayer d’établir une théorie de la vérité (ou même diverses théories), ni encore de proposer des recettes de process, cette question piège peut être entendue, et a été développée, sous la forme d’une autre question : et maintenant, que faire de ces cartes ?

14 Stefan Sagmeister, The happy film mind map. 15 Paula Scher, Brief + Politics + Money x Head = Solution. 16 Cao Fang, Journey of Design. 17 Jean-Benoît Levy, Each design process is a personal psychoanalysis but only in visual.

Texte tiré d’une conversation entre Lizá Ramalho, Artur Rebelo et André Tavarès. L’exposition “Mapping the Process” se tient jusqu’au 10 novembre 2010 à Porto. www.agiopen2010.com/exhibitions.html 11.2010 : 37


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Le process, c’est le projet

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Le process est un élément clé, intense, de chaque projet. Il peut varier du tout au tout d’un projet à l’autre et implique un grand nombre de facteurs déterminants pour le résultat final. La création est selon nous un process qui consiste à recueillir des fragments d’idées suivant des cheminements de pensée différents, qui permet aux projets de prendre forme. Plongés dans un projet, nous prenons le temps nécessaire pour tirer de nos recherches et de nos expériences les idées qui constitueront les fondations de différentes approches possibles, ajoutant intuition et rationalité en différentes proportions. Tous les différents facteurs, intrinsèques ou extrinsèques, jouent sur le produit final. Le contexte imprègne notre travail et nous ouvre de nouvelles perspectives. Fruits du hasard ou de nos recherches, même les objets les plus ordinaires, les événements les plus inhabituels ou les coïncidences les plus fortuites peuvent parfois devenir en soi une partie intégrante du process ; des fragments recueillis et analysés, des objets décontextualisés, transformés, adaptés ou détournés, qui donnent parfois même naissance à un tout nouveau process. Être designer, c’est avant tout être passionné. Aussi notre travail influe-t-il inévitablement sur notre vie au-delà de notre profession. Il change notre regard sur le monde, il nous permet de grandir. Le process, c’est le métier même, au même titre que le contexte, les clients, les choix, les recherches, les expérimentations, et les éléments découverts en chemin qui ne parlent qu’à nous. Les coulisses du monde de la création offrent un trésor d’histoires secrètes que nous font partager à Porto des designers d’exception. C’est pourquoi, en accueillant à Porto tant de designers pour échanger nos connaissances, la question du process de création s’est imposée comme le meilleur sujet de discussion. LR et AR.

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18 Kiko Farkas, No title. 19 Henning Wagenbreth, The Wagenbreth Illustration Plant. 20 Paul Davis, You. It. 21 Finn Nygaard, The Process. 22 Stanley Wong, Why not. 23 Lucille Tenazas, Purposeful purposelessness. 24 Shin Matsunaga, Mapping the Process “HIROSHIMA APPEALS 2007”. 25 Alain Le Quernec, Target. 26 Giorgio Pesce, Talk. Ask. Listen.

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Je t’ai dans la peau Pour Jean-Louis Frechin, la technologie intégrée peut transformer des produits en objets de désir. Son approche du design est avant tout optimiste et interdisciplinaire. Par Véronique Vienne WaDoor. Objet hybride destiné à la maison, comme tous ceux de la série “Interface(s)”, Carte blanche du VIA en 2008. Cette porte-écran pour la maison et les espaces publics est connectée à un logiciel, pour charger ses choix visuels. Le propriétaire peut ainsi postproduire l’affichage, et donc personnaliser son ambiance avec des images, des motifs, ou des messagestextes. Le système est interfacé. Petite touche ludique, la porte est également reliée à une interface gestuelle, pour des interactions directes.

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Si Platon revenait parmi nous aujourd’hui, il serait sans doute tenté de revoir sa célèbre allégorie de la caverne. Dans cette version revue et corrigée, les silhouettes projetées sur les murs de sa caverne ne seraient pas dues à un feu de camp mais plutôt à la lueur créée par des millions d’iPhone tenus en main. Dans sa parabole d’origine, ce que les humains nommaient la vie réelle n’était que des ombres. Dans l’adaptation contemporaine, ce qu’ils appellent la vie réelle serait des interfaces. En effet, pour beaucoup d’utilisateurs d’iPhone, leur appareil Apple est la nouvelle Réalité avec un R majuscule. Pour ces utilisateurs, rien n’existe si on ne peut pas en faire l’expérience sur un écran retro-éclairé multi-tactile. Parmi les pionniers de cette nouvelle Réalité se tient Jean-Louis Frechin. Il est en effet l’un des premiers designers français de produits à avoir été convaincu que les objets pouvaient être considérés comme des interfaces – comme des portails graphiques pour partager des expériences. Alors que dans l’ancien paradigme l’objet avait une fonction, il affirme qu’à l’ère numérique, l’objet est simplement le véhicule d’une technologie intégrée. Les produits en trois dimensions qu’il aime créer, souvent avec une équipe de programmeurs et d’ingénieurs, sont à la pointe de l’interactivité et pourtant, ce ne sont pas d’astucieux gadgets ciblés pour séduire un public particulier. Architecte et consultant en nouvelles technologies, Frechin déteste le marketing.

Pourquoi le marketing est-il une malédiction ? expliquait-il récemment. Parce qu’il réduit l’objet à une série de fonctions préétablies, alors que, comme nous l’ont montré Baudrillard et Barthes, les objets ont d’autres fonctions que celles qu’on leur assigne : ils existent aussi comme symboles et comme déclencheurs de rêves et de fantasmes. Il donne en exemple un épisode de la série télévisée américaine Mad Men, dans lequel le héros, Don Draper, directeur de création dans une agence de publicité, nomme Carrousel le projecteur de diapositives de forme circulaire mis au point par Kodak. Draper entreprend de décrire cet objet comme un manège à souvenirs. Le Carrousel a été créé en 1964 par le designer industriel Hans Gugelot à l’école de la rue d’Ulm, observe Frechin. Il a été conçu dans la pure tradition européenne, comme un produit qui dit ce qu’il fait et qui fait ce qu’il dit. Il n’avait pas besoin qu’on rajoute des arguments de vente pour avoir du sens. Frechin est également un ennemi de l’une des dernières disciplines à la mode en matière de design, le Design Thinking, qu’il prononce, avec son accent français, Design Sinking (littéralement “le design sombrant”, ou “le design naufragé”). La première fois qu’il a mentionné le Design Sinking dans une conversation, j’ai cru qu’il parlait d’un design dont la spécificité était qu’il disparaissait sous la surface des choses. Son agence de design numérique s’appelle en effet NoDesign et se propose de rendre le design invisible, de le dissimuler sous la peau de l’objet de sorte qu’il n’interfère pas avec les désirs des utilisateurs. Le Design Thinking, importé des États-Unis, est en fait une méthodologie qui tente d’allier rationalité et créativité afin d’obtenir des solutions innovantes en design. Je n’ai aucune patience envers l’approche du Design Sinking qui a un discours pseudo-scientifique mais qui n’offre finalement que très peu de pensée nouvelle, affirme Frechin. Le psychanalyste français Jacques Lacan aurait dit que l’inconscient de Frechin est aussi éloquent que son esprit rationnel. Les mots qu’il emploie sont, à son insu, à l’image des objets qu’il crée : d’une façon ou d’une autre, ils ont toujours du sens, ils révèlent une expérience unique et ont une vie bien à eux. 11.2010 : 41


Un système “écologique” de réseaux sociaux

Ci-dessus. WaNetLight. C’est une suspension composée de 25 chandelles en verre soufflé, abritant un maillage de 125 leds. Cette disposition construit un objetécran tridimensionnel lumineux. Chaque led est pilotable individuellement, ce qui permet, par réactions programmées aux gestes, de dessiner des compositions lumineuses dans l’espace. 2008.

Ci-dessus. FabWall. Prix du musée des Arts décoratifs du WallPaperLAb 2010, le projet de J.-L. Frechin et U. Petrevski est à la fois un papier peint “augmenté” et une application iPhone.

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FabWall contient tous les ingrédients d’une bonne recette design numérique pour NoDesign : renouveau d’un process industriel, personnalisation par l’utilisateur, innovation technologique. 2010.

Ci-contre. WaPix. Dispositif dual de défilement de flux photographiques d’un cadre à l’autre dans une continuité. Translucide, et sensible à la lumière ambiante. 2008.

Ci-contre. L’interface mobile Taxipartage, pour optmiser le coût et l’impact en C02 du transport au départ des aéroports. 2010.

On m’avait dit que Jean-Louis Frechin était la personne que je devais rencontrer pour explorer plus avant une idée qui, j’en étais sûre, allait faire ma fortune. J’avais envie de développer et de commercialiser un gadget intuitif et interactif qui m’aiderait à retrouver mes livres, dont beaucoup étaient entassés dans ma bibliothèque un peu en désordre ou bien empilés ça et là dans mon appartement. Ce BookBeeper (“dénicheur de livres”), comme je l’avais nommé, serait capable de signaler un livre mal rangé grâce à un bip, de la même façon que certains appareils nous aident à retrouver nos téléphones, télécommandes ou clés égarés. Pour que votre appareil soit intéressant, il faut qu’il s’adresse à un public aussi large que possible, me répondit Frechin, lorsque je suis allée le voir. S’il ne vous parle qu’à vous, c’est une prothèse, pas un produit. Il m’expliqua qu’une prothèse était un objet qui répondait à un problème spécifique, alors que les produits qu’il aime développer font bien plus qu’offrir des réponses, ils créent de la valeur et s’inscrivent dans un système “écologique” de réseaux sociaux. Vous avez deux options pour votre appareil, a-t-il continué, soit vous créez un système autonome chez vous OU vous créez un service internet accessible de chez vous, mais aussi de chez d’autres amateurs de livres. Seule la seconde option pourrait me permettre de trouver des solutions de financement. Financement sans lequel je ne pourrais résoudre les problèmes techniques que j’allais rencontrer pour créer de la valeur ajoutée avec des fonctions “augmentées” telles des marque-pages, de l’interactivité ou un moteur de recherche de citations. Frechin me confia que mon idée de Bookbeeper entrait tout à fait dans le cadre des produits qu’il a développés en lien avec le programme Carte blanche de la VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement). Cette organisation française de design a parrainé bon nombre de ses projets et a aidé à financer la mise au point de prototypes. Mon propre concept ressemblait beaucoup à celui qu’avait conçu Frechin en 2008 : Waaz, un système audio relié à Internet via iTunes. Waaz ressemble à première vue à une étagère. Pour déclencher le son, il suffit d’y déposer le boîtier d’un CD, une disquette, une cassette audio ou même une pochette de 33-tours vintage. Automatiquement – miraculeusement –, l’étagère joue la musique ainsi sélectionnée. Le secret ? Ça marche avec des étiquettes RFID que l’on programme pour activer les fichiers musicaux correspondants sur iTunes, explique Uros Petrevski, un programmeur/auteur et ancien élève de Frechin, aujourd’hui un associé de NoDesign. Et puisque vous avez acheté la musique une première fois, vous avez le droit de la réécouter gratuitement.

Si les murs pouvaient parler Toujours au fait des dernières avancées dans les technologies interactives, Uros et Jean-Louis partagent une même passion pour les rouages du processus de fabrication. Lorsque le musée des Arts décoratifs les a invités en 2008 à participer à un concours prestigieux pour créer du papier peint, ils ont d’abord passé beaucoup de temps dans les usines de fabrication de la marque Lutèce, l’un des sponsors du concours. J’étais convaincu que les arts décoratifs étaient futiles, avoue Frechin, mais j’ai appris à respecter et à admirer le métier et le savoir-faire des artisans et ouvriers qui ont maîtrisé les techniques du papier peint. Avant, je me disais que l’esthétique du Bauhaus était la seule voie possible. Mais aujourd’hui je me rends compte que je refusais la réalité. Le design français ne peut pas ignorer la décoration. C’est dans nos gènes, dans notre ADN. Ce qui a le plus impressionné Frechin et Petrevski a été le mélange très inspiré de méthodes archaïques et de techniques innovantes nécessaires à la fabrication des motifs. Ils étaient tellement fascinés par la créativité de cette cuisine (un terme technique) qu’ils n’ont pu résister à l’envie de réinventer à la fois la façon dont leur papier peint 11.2010 : 43


Ci-contre. Ventilo. Mur programmable de ventilateurs, qui simule le passage sonore et visuel du vent. 2008. Ci-dessous. WaSnake. Cette étagère configurable fait défiler sur sa tranche, après programmation, des SMS ou flux RSS, ou des “chorégraphies” lumineuses créées par ses propriétaires. 2008. Page de droite. Walina. Présentée à l’Institut français de Bucarest, lors de la Nuit des instituts, Une fois programmée en processing, l’installation (un écran 3D composé de tubes en PVC avec vidéo-projection) réagit aux mouvements de la foule. 2010.

allait être imprimé mais aussi la manière dont il allait fonctionner. Véronique Delahouge, conservateur en chef du département des papiers peints au musée des Arts décoratifs avoue avoir été tout d’abord un peu inquiète : Nous étions dans l’obligation d’exposer et de produire commercialement les meilleures propositions de nos candidats. Finalement, le risque en valait la peine : NoDesign a obtenu le premier prix à l’unanimité. Leur produit gagnant est FabWall, une ligne de revêtements muraux à réalité augmentée, dont les motifs décoratifs sont en fait des étiquettes optiques, un peu à l’image des motifs géométriques qui sont imprimés sur les billets de banque afin de déjouer la contrefaçon. Une fois qu’une webcam ou un iPhone ont identifié ces étiquettes, on peut voir sur leur écran des images ou des vidéos. Les propriétaires peuvent programmer et reprogrammer les étiquettes comme bon leur semble. Un motif peut être associé à la météo, un autre aux photos de famille, un troisième à ses citations favorites ou à ses chansons préférées. Théoriquement, des clips vidéo, des podcasts ou même des vidéos personnelles pourraient également être visibles en un clic. Le papier peint devient l’affiche virtuelle de l’univers personnel de l’utilisateur, dit Delahouge. Les murs peuvent être programmés pour raconter des histoires ou illustrer des événements familiaux.

Des hybrides à l’infini

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Plutôt que de dire programmer, Frechin préfère dire engendrer. Les produits qu’il crée sont le résultat d’une insémination digitale minutieuse. Une fois la matrice de base créée, il espère que les utilisateurs y entreront leurs propres codes visuels. Les concepts de Frechin sont souvent d’étranges hybrides : un miroir qui possède un compte Twitter (WaNoMirror), une porte qui ressemble à une lanterne magique (WaDoor) ou bien une étagère souple qui affiche des messages télégraphiques (WaSnake). Objets poétiques, ils sont prêts à être adoptés, comme on adopte des animaux de compagnie. Le préfixe Wa-, comme dans WaDoor est en lui-même une forme hybride du mot japonais wa, qui signifie “harmonie”, et du mot anglais what, qui signifie “quoi”. Car non seulement Frechin implante des composants électroniques sous la peau de ses produits, mais il introduit également des codes sémantiques dans les noms qu’il leur choisit. Capable de transformer du papier peint, des portes et des miroirs en objets ludiques, Frechin fait de même pour les cartes, plans, diagrammes et tableaux. Lorsque la RATP, en partenariat avec la Fondation Internet nouvelle génération (FING) lui a demandé de développer un réseau interactif de plans de rues afin de fluidifier les connexions entre les lignes de métro et de bus, il a proposé de transformer les anciens panneaux d’information fixes en surfaces tactiles interactives, intelligentes et agréables au toucher. À l’occasion d’un autre partenariat, avec Orange et SENDA (une start-up dédiée aux technologies du transport), il a conçu une application d’iPhone pour aider les gens à partager un taxi dans les aéroports. Les usagers peuvent calculer ce qu’ils économisent sur un trajet, mais également évaluer la réduction de leur empreinte carbone après avoir partagé un taxi. NoDesign invente aussi de nouveaux produits indépendamment de tout sponsor. Frechin pense que les terminaux interactifs peuvent grandement contribuer à la qualité de l’environnement urbain. Plutôt critique envers les designers graphiques qui préfèrent travailler à des projets culturels ou institutionnels, il est convaincu que les opportunités les plus intéressantes en termes d’excellence et d’innovations graphiques se trouvent dans le secteur industriel. Bien qu’il admette trouver l’apprentissage souvent ardu, même pour lui, il est toujours prêt à se confronter aux difficultés les plus complexes en programmation. 11.2010 : 45


trielle), Frechin prépare ses étudiants à devenir de vrais innovateurs et pas simplement des personnes qui résolvent des problèmes. Il souhaite qu’ils soient prêts à collaborer avec des scientifiques, des universitaires, des philosophes et des intellectuels. Son propre travail avec un groupe de chercheurs du prestigieux IRCAM (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique), une branche du Centre Pompidou, lui a ouvert de nouvelles perspectives. Les designers peuvent aider tous les membres d’une même équipe à progresser dans leurs recherches. Les projets les plus complexes peuvent faire un grand bond en avant lorsqu’un designer fait vraiment son boulot et intervient au bon moment, dit-il. Frédéric Bevilacqua, qui a invité Frechin à faire partie de son équipe de recherche à l’IRCAM, est d’accord. Directeur du projet Interlude, il est responsable d’un groupe de six personnes qui étudie les nouveaux paradigmes interactifs entre le geste et le son. Il est très rare que des designers soient inclus dans des projets de recherche hautement scientifiques comme l’est Interlude, dit-il. Mais Jean-Louis a un esprit d’analyse. Par exemple, il comprend parfaitement la différence entre utilisation et pratique. Les jeux vidéo, explique-t-il, offrent déjà un mélange entre le son et le geste, mais ils se concentrent surtout sur l’utilisation – obtenir des résultats – alors que les chercheurs d’Interlude s’intéressent au geste et au son en relation avec une pratique telle que la danse, le chant ou la musique. Le genre d’instruments de musique que Frechin nous aide à mettre au point donne plus de poids au fait de jouer de la musique électronique, car il donne à l’utilisateur tout un nouveau panel de gestes pour moduler le son.

Designer de produits ou agent provocateur ?

En haut, ci-dessus et à droite. Interlude. Projet de recherche pour renouveler les manières d’interpréter les musiques électroniques. Interlude permet d’explorer les nouveaux principes d’interaction utilisant les gestes, les mouvements, le toucher, en privilégiant des usages collaboratifs. Avec l’Ircam, 2010. Ci-contre et ci-dessus WaBlog. Via ce dispositif low tech, extension nomade d’un ordinateur, deux individus interconnectés échangent des signes ou l’image de leur avatar. 2008.

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Pour preuve, ce prototype qu’il a conçu pour un agenda numérique qui tient dans la main, le WeMe, dont l’ambition est d’encourager les jeunes à créer des liens entre eux et ainsi faire l’expérience du We (“nous”) et Me (“moi”). WeMe, superbe passeport urbain, est un mélange d’iPad, d’organiseur personnel type Palm-Pilot et de carte Pass Navigo.

La fin de la culture du problem solving Quel va être le rôle du design au XXIe siècle ? Jusqu’à présent, Apple est la seule entreprise qui semble avoir une réponse claire. Toutes les autres ne font que des suppositions. Frechin est inquiet de l’avenir de sa profession. Si on se contente d’attendre, il n’y aura bientôt plus que dix designers en France, dit-il. Les programmeurs et les responsables marketing seront les seuls décisionnaires. En tant qu’enseignant d’un cours de design des produits et des interfaces à l’ENSCI (École nationale supérieure de création indus-

Frechin est un personnage controversé dans le paysage français, car il essaie de combler le vide entre le design de produits et le design d’interfaces. Michel Bouisson, le directeur du programme Carte blanche de la VIA, a apporté son soutien à bon nombre de ses projets. Il apprécie en particulier ses prises de position radicales même si elles le dérangent aussi parfois. Jean-Louis est convaincu que la révolution numérique a le pouvoir de changer le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui, dit-il. Il refuse tout le reste. Il est passionné par ce qu’il nomme notre destin. Designer de meubles français primé à plusieurs reprises, JeanMarie Massaud, lui, se félicite que Jean-Louis Frechin soit un agent provocateur, quelqu’un qui remette en question les hypothèses existantes, mais j’aimerais voir ce que Jean-Louis ferait s’il vivait à San Francisco, dit-il. Il s’impatiente ici à Paris. Il a besoin de clients qui ont un temps d’avance dans leur réflexion. Vincent Perrottet, graphiste dont Frechin admire le travail, est également d’avis que : le meilleur est à venir. Frechin est un pionnier dans un domaine où le graphisme a de gros progrès à faire. Il faut bien dire que la qualité de design de la plupart des applications sur le Web laisse encore beaucoup à désirer. Frechin est le premier à reconnaître que sa sensibilité esthétique n’est pas aussi maîtrisée que ce que l’on pourrait attendre d’un designer français. Mais son approche sans fioritures est totalement assumée : le nom de son bureau de consultants, NoDesign, est un vrai manifeste. Je me suis disputé avec bon nombre de designers car je conteste la formule Form Follows Function (“la forme suit la fonction”), explique-t-il. Je crois qu’un objet est bien plus que sa fonction. Il est, d’abord et avant tout, le vecteur d’un sens symbolique et sémantique, c’est ça qui le rend contemporain.

Le titre est une référence à I’ve Got You Under My Skin, l’une des chansons préférées de Jean-Louis Frechin, surtout lorsqu’elle est interprétée par Frank Sinatra, dont les paroles ont été écrites par Cole Porter. 11.2010 : 47


Faire bouger le monde est pour le graphiste autrichien Erwin K. Bauer un champ d’intervention légitime de la profession. Il explique pour Étapes ses initiatives utilisant ses compétences en design pour toucher le grand public, et revient sur celles d’autres graphistes. Par Erwin K. Bauer

De quoi le monde a-t-il besoin ? First Things First est le premier manifeste (auto)critique de cette discipline encore jeune qu’est le design graphique. Publié en 1964 à Londres par Ken Garland et ses collègues designers des secteurs de la communication, de l’art et de la culture, ce manifeste protestait contre l’instrumentalisation de l’énergie créatrice, reléguée au rang de banal accessoire, dans la commercialisation aveugle de produits. Les designers graphiques ne devaient pas être des esclaves soumis de la machine à consommer, mais des créateurs actifs de leur environnement direct.

Une nouvelle image de la profession Garland publia son appel dans des magazines de design. Il éleva la voix dans une période de croissance, alors que la génération d’après-guerre jouissait d’une nouvelle prospérité. Depuis, les idées révolutionnaires de l’époque ont fait leur temps. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des défis aussi inédits que complexes posés par l’immigration, le développement durable, le turbocapitalisme et la mondialisation. Le design ne constitue plus un domaine exotique, dans lequel des spécialistes effectuent un travail difficile à expliquer. Le design est le principal médium créatif de la communication, par-delà les limites inhérentes à cette communication.

Projets libres

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L’image de la profession de créateur graphique s’est radicalement transformée. Aujourd’hui, les créateurs graphiques détectent les enjeux de développement social, abordent les problèmes cruciaux, proposent des solutions, inventent de nouveaux concepts de produits et se posent comme modérateurs des processus d’innovation. Dès lors, les designers ne confrontent pas uniquement leurs idées au sein de leur propre communauté, mais s’adressent au grand public. Les designers travaillent à des projets personnels, qui leur permettent de thématiser non seulement leur propre champ d’intervention mais aussi des enjeux de société.

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Typopassage Erwin K. Bauer cible un public tout aussi large avec son Typopassage, littéralement “passage de la typo”, lorsqu’il installe, dans un passage situé entre deux cours du quartier des musées de Vienne, son micro-musée du/pour le Caractère. Dans des vitrines éclairées, les passants peuvent admirer les créations de typographes expérimentaux – à ce jour Alex Trochut (Barcelone) et Ariane Spanier (Berlin) – et, moyennant deux euros, se procurer dans un automate des années 1950 un petit catalogue de soixante-quatre pages au format carré.

Ci-contre et page de gauche. Le micro-musée du/pour le Caractère, nouvel espace d’exposition de Vienne consacré à la typographie expérimentale, invite tous les passants à réfléchir à ce domaine spécifique de la création graphique. Le passage est ouvert sans interruption et le catalogue de l’exposition est disponible au prix de deux euros dans un distributeur.

www.TyPoPASSAGE.AT

Ci-dessous. Un laboratoire vivant installé dans l’espace ouvert et vitré de la Kunsthalle de Vienne, au centre de la ville, invite à suivre en temps réel le processus de création. Des designers industriels et graphiques venus de toute l’Europe travaillent selon une approche interdisciplinaire, créent, développent et exposent sur place leurs créations, en constante évolution.

Schaulabor Une fois par an, la première semaine d’octobre, il est possible de venir voir travailler les créateurs graphiques à la Kunsthalle de Vienne. Lors de ce Schaulabor s’inscrivant dans le cadre de la Vienna Design week, des concepteurs industriels et graphiques sont invités à participer à un projet interdisciplinaire et à travailler en direct à partir des matériaux mis à disposition sur le site. L’année dernière, Erwin K. Bauer avait convié, entre autres designers, ovidiu Hrin (Roumanie) et Vandasye (Vienne) ; cette année, c’est au tour de Hess / Merz (Zurich) et Pixelgarten (Francfort). Sous le titre Papermania, ce laboratoire ouvert a pour thème la redécouverte de papier comme moyen d’expression universel. Papiers, emballages, carton nid d’abeille et cartons sont stockés, prêts à être utilisés, sur des palettes – dans un agencement brut évoquant la disposition d’un atelier. Mais l’espace d’exposition de verre se transforme vite en vitrine dans laquelle émergent des ébauches, des objets petits et gros, et les journalistes spécialisés, les invités et les visiteurs se retrouvent vite impliqués comme acteurs dans ce laboratoire à la créativité bouillonnante.

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Was braucht die Welt ? Au printemps 2009, Erwin K. Bauer a appelé les designers du monde entier à soumettre sous forme d’affiches leurs idées pour changer le monde. Was braucht die Welt ?, littéralement “De quoi le monde a-t-il besoin ?”, s’inscrivait dans la lignée de l’appel de Ken Garland tout en constituant une initiative personnelle et ouverte. Parmi les nombreuses propositions, un jury sélectionna les dix meilleures créations, publiées pleine page dans le quotidien autrichien Die Presse. Les nombreuses contributions allaient des commentaires critiques sur la répartition inégale des richesses dans le monde aux problèmes écologiques, en passant par une réflexion sur la discipline du design graphique. Elles ne touchaient pas uniquement la communauté des concepteurs, mais surtout et avant tout le lecteur “normal”.

Ci-contre et page de gauche. Les travaux des designers en réponse à la question ‘‘De quoi le monde a-t-il besoin ?’’ s’attachaient à des thèmes écologiques, sociaux et politiques, comme la gestion des ressources, l’intégration, la mondialisation, la crise et la pauvreté, mais proposaient aussi une réflexion autour du travail de designer.

www.wASBRAUCHTDIEwELT.NET

Ci-dessous. Il peut être parfois très simple d’apporter sa contribution à un monde meilleur : les quatre affiches composant la boîte de recettes recèlent une mine de conseils. Humoristique et intelligemment illustrée, la version pour enfants contient des informations et des illustrations adaptées à une mise en œuvre dans un cadre scolaire.

Gebrauchsinformation für den Planeten Erde (Mode d’emploi pour la planète Terre ?) Tout a commencé par une thèse de doctorat à l’université des arts appliqués de Vienne, lorsque la graphiste Angie Rattay créa, sur le plan visuel comme sur celui du contenu, un mode d’emploi pour la planète Terre. Quatre affiches dans une petite boîte, conçues comme des notices de médicament, illustrent avec des conseils et une iconographie ce que nous pouvons faire pour la biosphère, la lithosphère, l’atmosphère et l’hydrosphère. Désormais utilisée comme outil pédagogique, il en existe une version destinée aux enfants ; le mode d’emploi a été traduit en plusieurs langues et largement diffusé. Le réseau de distribution ne cesse de croître. Et chaque année se tiennent les Erde-gespräche (Assises de la Terre) autour des thèmes du développement durable et de l’écologie, avec plus de cinq cents visiteurs en 2010. Le Neongreen Network (association pour la mise en œuvre de projets liés à l’environnement) s’est constitué en mouvement. Récemment, Angie Rattay a fondé sa propre agence de création éco-sociale, preuve que les initiatives personnelles, qui émergent comme pendants aux prestations commerciales, sont non seulement engagées sur le plan social mais peuvent aussi s’avérer économiquement viables. Ce nouveau développement, c’est à nous, concepteurs graphiques, de l’imposer et de le faire advenir par la force de nos idées. www.NEoNGREEN.NET

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+rosebud Depuis 1998, le studio de design viennois +rosebud publie un magazine du même nom. L’équipe dirigée par Ralph Herms et Fritz Magistris s’est donné pour tâche d’explorer la conception éditoriale sur un mode expérimental. Avec son magazine monothématique, ce studio sonde différents concepts parmi lesquels le “faux texte”, le “mystère”, “l’idéal” ou, plus récemment, “le drôle”. Bien que les numéros se présentent comme des livres, ils constituent en fait des portfolios de travaux expérimentaux réalisés par des photographes, des écrivains, des illustrateurs ou des artistes, qui créent pour chaque numéro des œuvres originales. Rosebud convie les artistes et prend en charge le processus, créant de véritables collectors pour graphistes.

Ci-contre et page de gauche. Aperçus des n° 7 “Funny” (page de gauche), et n° 3 “Blind Text” (ci-contre), de la revue dont contenu et DA changent à chaque parution. Ci-dessous. Une autre vision de la ville : dans la Neubaugasse de Vienne, toutes les enseignes publicitaires ont été recouvertes d’adhésif jaune.

No logo L’artiste Christoph Steinbrener et le graphiste Rainer Dempf interviennent eux aussi dans la sphère publique. Avec leur initiative intitulée Delete !, ils ont débarrassé de leurs marques publicitaires l’une des plus grandes artères commerçantes du centre de Vienne et recouvert pendant deux semaines tous les logos et les messages publicitaires d’adhésif jaune. Aux habituelles sollicitations se substituait dès lors un horror vacui, ouvrant de fait un espace pour la pensée et la réflexion autour de la question suivante : quelle influence la publicité exerce-t-elle dans l’espace public ? À qui appartient l’espace public ? L’initiative de Steinbrener et de Dempf ne ciblait pas uniquement les passants, les commerçants eux aussi montrèrent un vif intérêt pour la participation à cette action. www.STEINBRENER-DEMPF.CoM

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Kazunori Sadahiro TokYo, CArrEfour dE ShibuYA, 41 AnS www.SAdAhirokAzunori.CoM

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Quelles sont vos principales sources d’inspiration? C’est principalement mon enfance à Yamaguchi. Je vivais dans les montagnes, dans un petit village. J’ai tous ces souvenirs, ces odeurs en tête, du temps où je grimpais aux arbres, où je touchais les pierres et les feuilles, où je jouais aux cubes et regardais des mangas. Tous mes sens en sont encore imprégnés et cela influence considérablement mes travaux. C’est une approche nostalgique, très mélancolique.

Vous utilisez rarement la photographie dans vos travaux, pourquoi ? C’est vrai. Même si j’ai toujours un appareil sur moi, et que je prends énormément de photos, je ne les utilise pas dans mon travail. C’est plus par goût que par sens. J’aime tout ce qui est illustré et j’aime dessiner en deux dimensions. La photo évoque trop la réalité. Elle a cet effet de relief, de profondeur, de 3d qui est un peu plus éloigné de mes intérêts. Effectivement, tout ce qui est très schématisé, ainsi que les jeux de construction, de superposition ressortent beaucoup dans vos travaux. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Tout ça c’est par goût ! J’aime schématiser tout spécialement le corps humain, représenter l’humanité de façon générique, en retenir l’essentiel, qu’on ne se dise pas qui est cette personne ? mais plutôt que l’on réfléchisse à ce qu’elle représente. J’aimerais que l’on regarde le corps humain en prenant de la distance. Car si l’on voit un visage, on y associe directement une identité et l’on imagine son histoire instantanément. J’essaie d’avoir un regard plus détaché, de m’éloigner des sentiments humains et d’avoir une vision objective du corps. Tout y est schématisé, mais l’outil de représentation reste la main. La dimension humaine intervient avec le trait, l’illustration ou les couleurs qui

réinjectent de la chaleur et redonnent une autre humanité à l’image finale. Je reviens à des créations “à la main” car je trouve qu’au final, les logiciels du type Photoshop ou illustrator ont toujours la même facture. Vous travaillez également au pinceau, vous prenez garde aux papiers, aux encres… Vous inscrivez-vous dans une tradition japonaise ? d’une certaine manière, oui, mais je m’en éloigne, j’y reviens, je la revisite. J’aime beaucoup assembler, coller deux concepts ou choses diamétralement opposés. Je travaille sur la dichotomie et j’aime créer des œuvres hybrides, poétiques, qui concilient tradition et modernité. Je suis également fasciné par les gribouillages, et les choses qui ne sont pas censées être “correctes”. il y a beaucoup de gens qui disent que mon travail résulte de la superposition de calques différents, et c’est vrai en un sens. J’aime jouer sur les différents plans d’une image, et tout ramener en deux dimensions. (C’est comme fusionner tous les calques sur Photoshop !) Rires… C’est une pensée assez cyclique, la nouveauté devient la tradition, remplacée elle aussi par la nouveauté : un système de calques perpétuellement recouverts… Quand j’étais petit, je jouais dans la nature et souvent il n’y avait pas de second plan : je devais retirer les feuillages pour découvrir de nouvelles choses, c’est un peu le même principe

avec les calques. J’habitais près de la mer… Je suis intimement convaincu que nos origines, notre culture et notre environnement influencent en grande partie notre design. Même si, lorsqu’on me passe commande, j’essaie de retranscrire au mieux la volonté de mon client, se glissent souvent dans mes travaux une certaine nostalgie, un plaisir d’illustrer et de toucher. Je n’y mets pas plus de message que ça. Le fait de ne pas avoir de message permet à mes productions de ne pas correspondre à des critères et d’être plus vivantes. C’est la personne qui les regarde qui les interprète. Ce doit être une démarche contemplative, très orientale… Travaillez-vous avec d’autres personnes, qu’ils soient graphistes ou non ? oui. J’ai travaillé avec un musicien qui a créé la partition de la boîte à musique. J’ai fait aussi du live painting en écoutant un orchestre. Je représentais l’action de tirer sur des cordes, comme des enceintes graphiques. J’ai essayé de représenter cette abstraction, ce rythme, ces émotions. Encore une fois, tous les titres des morceaux ont des noms d’éléments naturels, donc j’ai également tenté de combiner musique et paysages… Créer un univers pratiquement organique. il arrive aussi que l’on se regroupe avec des amis en se disant : Tiens, on va faire une expo. Et il y a également des commandes.

Vous travaillez pour la mode aussi… oui, j’ai créé des kimonos, deep forest et des pantalons pour une exposition. Je n’aime pas les cadres, les choses figées, donc le vêtement se révèle être une excellente solution. Quand on met un cadre, on met l’image au-dessus du reste, on ne peut plus la toucher. Cette sacralisation de la création me dérange. Et puis travailler sur des tissus, c’est fascinant. D’autres domaines ? J’ai pas mal travaillé pour l’édition, mais je n’aime pas me restreindre à un seul secteur d’activité, je suis polyvalent ! Je travaille aussi sur des décors pour la télévision. Parfois ils s’étalent sur plus de 5 m, et, pendant la phase de fabrication, je ne sais même plus où dormir ! Je réalise également beaucoup d’identités visuelles, j’adore le lettrage et la typographie, mais je ne pratique pas la calligraphie !

Kazunori Sadahiro

Pouvez-vous vous présenter brièvement ? Je suis originaire de la région de Yamaguchi, près de la mer, et je suis monté à Tokyo pour suivre des cours à l’école d’art de Musashino. Après mes études, j’ai travaillé directement en tant qu’indépendant. J’ai toujours voulu travailler par moi-même et produire à mon rythme. Je ne voulais surtout pas me plier aux contraintes de l’entreprise japonaise, et notamment celle du secteur du design graphique. La pression y est telle que certains travaillent jusqu’à l’épuisement. Et puis j’ai voulu concilier travail et vie privée : je n’ai pas d’atelier, je travaille chez moi. C’est très difficile d’avoir de l’espace à Tokyo, souvent, on déniche une micro-place dans un de ces grands open spaces où on peut tout juste poser un ordinateur et un téléphone. En plus, je me lève tard, et je travaille tard. Je suis un solitaire...

Si votre travail était une langue / un langage ? Ce serait le silence.

Par Marie Aumont

Quel goût a le Japon aujourd’hui ? En ce moment, le Japon a un goût amer, les gens se sentent seuls.

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Ci-contre. Labyrinth. Illustration pour Internet Magazine, Impress Group Company, Tokyo. En haut, page de droite. Chain Form. Exposition de groupe de “6th Asian Art Biennale Bangladesh 1993”, Dacca.

Kazunori Sadahiro

Si votre travail était une forme ? Ce serait un rond.

Ci-contre. Yellow Stone. Affiche pour “The 9th Koizimi International Lighting Design Competition for Students”.

Kazunori Sadahiro

Si votre travail était un végétal ? Ce serait un pin.

Ci-dessous. Cut Out. Exposition de groupe au Jean Shop Ginza, Tokyo.

Totem Pole. Exposition de groupe “Kunitachikoku 2005”, Tokyo.

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Lay Figure. Illustration pour le magazine Suntory Quarterly no 77, 2005.

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Jiyuu na ShinseikiFujiyuu na anata. Couverture du livre de Shinji Miyadai.

Kazunori Sadahiro

Si votre travail était une odeur ? Ce serait l’odeur de la forêt et de la montagne, la nostalgie de ma région.

Ci-contre, à droite. Shape. Exposition solo à la galerie Nikko, Tokyo.

Remote Island. Illustrations de couverture pour le journal Mainichi Junior High School Student Newspaper, Tokyo.

Kazunori Sadahiro

Si votre travail était une boisson ? de l’alcool et de l’eau que je boirais l’un après l’autre. Sobre et saoul en même temps.

Ci-dessus. Gassan. Exposition de groupe “Toko Kite” au Guardian Garden, Tokyo.

Installation Old Forest, Exposition de groupe “Recycl’art” au Nippon Sport Science University, Kanagawa.

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Page de gauche. En attendant Godot. Samuel Beckett. Affiche et illustration pour le théâtre Shouji Kougomi, Tokyo. Ci-contre. Green Forest. Exposition de groupe “Totteoki no Sensu Exhibition #4”, Living Design Center Ozone Tokyo. Ci-dessous. Heisei Tom Sawyer. Couverture du livre de Munenori Harada. Shueisha Inc, Tokyo.

Kazunori Sadahiro

Kazunori Sadahiro

Si votre travail était une année ? L’an 1 et l’an 1000.

Si votre travail était un son ? Cela ferait pong, sur une sorte de petit gong.

Human Body. Poster et illustration pour les magasins Muji

Ci-contre. Sunrise. Art Work. Ci-dessus. Deep Forest. Exposition de groupe “Fashion Drawing Biennale 2004”, prix du sponsor, Wakita Museum of Art, Nagano.

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typographie

Futurgrafía, la calligraphie et les caractères typographiques du futurisme italien Le futurisme posa les bases d’une littérature d’un genre nouveau en sublimant la fonction typographique dans l’écriture de “mots en liberté” calligraphiés ou composés en caractères peints. De 1912 à 1914, articulés sur ce nouveau concept littéraire, les textes se succèdent : Manifeste technique de la littérature futuriste, Supplément, Destruction de la syntaxe, Imagination sans fils et Mots en liberté. Rompant avec la tradition, la typo-graphie se charge d’y imprimer les sensations de la vie moderne.

Kazunori Sadahiro

Si votre travail était une coupe de cheveux ? Ce serait des cheveux très longs.

L’esprit de transgression des futuristes italiens voulait tourner le dos aux réalisations du passé pour créer des œuvres en résonance avec cette nouvelle civilisation dont ils se disaient les premiers représentants. Mais, loin de s’aventurer dans la modernité qu’ils préconisaient, c’était avec des formes traditionnelles qu’ils allaient bâtir l’avenir. Ils puisèrent dans le primitivisme leurs premières tentatives de libérer la typographie des usages de l’imprimerie du XIXe siècle et des tendances des publications fin de siècle. Ce retour aux origines, ce goût de l’irrationnel et l’exaltation de la folie poussèrent les écrivains et les peintres futuristes à dédaigner l’espace littéraire traditionnel pour le convertir en une représentation fondée sur la verbalisation du mot et la phonétique. L’attaque portée à la tradition typographique de l’imprimerie se matérialisa dans des textes écrits à main levée et des jeux de calligraphie. Ces nouveaux modèles d’écriture s’imposèrent pendant plus de trente ans et firent émerger l’une des productions d’avant-garde les plus audacieuses qui marqua les -ismes littéraires et artistiques de son époque et bien au-delà.

Haut de page. Progressivism #2. Vitrine pour le magasin Seitathu-Souko, Nagoya. Ci-contre. Shape. Exposition solo à la galerie Nikko, Tokyo.

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Ci-dessus. Identité visuelle pour le café librairie Kunitachi Honten. Logo pour l’exposition de groupe “Chou Neko”. Identité visuelle pour le Central Line Design Club.

Mots en liberté. Zang Tumb Tumb Le futurisme naquit dans la solitude de son premier Manifeste, le 20 février 1909. Les consignes irrévérencieuses de Marinetti ne convainquirent personne, à part lui-même, et il fallut attendre trois ans pour retrouver les idées esquissées dans Le Figaro chez quelques artistes rattachés au mouvement, davantage pour la communion de leurs idées que pour l’impertinence de leurs œuvres. La révolution typographique futuriste commença en 1912, avec l’invention des mots en liberté par Marinetti, qui assignait à la poésie un rôle unificateur appelé à gommer les différences entre les arts, notamment la peinture et la musique. L’anthologie I poeti futuristi (1912) mit fin à l’expérimentation futuriste liée au vers libre, c’est-àdire aux modèles symbolistes qui avaient marqué les origines de l’avant-garde italienne, pour adopter, avec les mots en liberté, des expressions plus percutantes et plus

modernes1. L’architecture typographique traditionnelle fut balayée ou intégrée de manière anecdotique à de nouveaux mécanismes créatifs. Le poète publia directement en français son Manifeste technique de la littérature futuriste (1912) où il prônait l’abolition de la grammaire et de toute construction syntaxique. Puis, dans Supplément (1912), il concrétisa ses innovations en y insérant un exemple de mots en liberté avec Bataille poids + odeur (1912), un poème incisif où il exalte le bellicisme, la violence, la ville, la machine et l’irrévérence. La libération des mots y acquiert une dimension automatique semblable à celle que préconisera André Breton en 1919, et devient une création pure, dégagée des contraintes de la grammaire et de la syntaxe. En octobre de la même année, Marinetti reprend l’écriture de Zang Tumb Tumb dans un genre similaire aux innovations visuelles de Braque et de Picasso. Il publie aussi Destruction de la syntaxe, Imagination sans fils et Mots en liberté (1913), où il professe une révolution typographique fondée sur la destruction de l’harmonie des couleurs et des différents corps de caractères2. La littérature sans fil, radiotélégraphique, devait être capable de transmettre des messages en abolissant le support et les différences entre les modes d’expression. La lettre devient objet, devient signe et traduit l’idée d’une nouvelle conception de la page typographiquement picturale qui condamne le symbolisme et les innovations de Stéphane Mallarmé. La nouvelle typographie devait partir d’éléments visuels modernes, d’images télescopées, d’aéroplanes, de dirigeables, d’automobiles, de trains, d’énergies et d’explosions, et même, selon Marinetti, de molécules et d’atomes3. La publication de Zang Tumb Tumb en 1914 surpasse le livre traditionnel par le côté visuel de la page où les caractères semblent respirer comme des êtres vivants4. Tout en étant essentiellement composé en caractères d’imprimerie, le livre fait la part belle à la lettre dessinée dans des esquisses comme le Bombardement d’Andrinople (1913) sur laquelle il s’articule, et joue sur des éléments de composition très personnels.

F. T. Marinetti, Zang Tumb Tumb : Adrianopoli Ottobre 1912, Parole in Libertà, Milan, Edizioni futuriste di poesia, 1914. Museo d’Arte Moderna e Contemporanea di Trento (MART), Rovereto, Archivio di Nuova Scrittura, collection Paolo Della Grazia, Milan, 1914.

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Ci-contre, à gauche. Francesco Cangiullo, Poesia pentagramatta. Gaspare Casella, MART, Rovereto, Archivio di Nuova Srittura, collection Paolo Della Grazia, Naples, 1923. Ci-contre, à droite. Paolo Buzzi, L’Ellisse e la Spirale. Film + Parole in Libertà, Edizione futuriste di poesia, p. 345. MART, Rovereto, Archivio di Nuova Scrittura, collection Della Grazia, Milan, 1915. Ci-dessous. Paolo Buzzi. Pages de Poema dei quarantanni, Edizioni futuriste di poesia, Milan, 1922.

À gauche. Pasqualino Cangiullo, Treno sul ponte, encre sur papier, 48,5 x 68,5 cm, collection privée, Milan, 1915. À droite. Francesco Cangiullo, Bello. Lettere umanizzate, crayon sur papier, 27,6 x 21,4 cm, collection Calmarini, Milan, 1914.

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Edizione di poesia, Lacerba, L’Italia futurista. Les caractères dessinés De la publication de Zang Tumb Tumb à la fin du mouvement, au milieu des années 1940, les artistes et les écrivains furent nombreux à préparer leurs planches de mots en liberté avec des caractéristiques communes tout en offrant des solutions différentes. Les revues florentines Lacerba et L’Italia futurista deviendront les organes de publication des mots en liberté de Boccioni, Cangiullo, Marinetti, Buzzi, Carrà et bien d’autres. Les recherches typographiques des écrivains se développèrent selon des paramètres de décomposition de lettres peintes à l’aide d’une gestuelle dont Marinetti disait qu’elle était l’expression graphique des nerfs. Chez Marinetti, le jeu typographique élimine le message du poème. L’écriture, qui marie indistinctement majuscules et minuscules pour traduire l’intensité et la sonorité des éléments, et la profusion des collages de coupures de journaux et de pages de livres distinguent le jeu typographique de l’exercice du mot en liberté de 1913 et 1914. Ce jeu consiste à combiner la typographie avec toutes sortes d’éléments qui évoquent la vitesse et la poétique de la performance. Les caractères et leurs compositions se situent aux confins de la peinture, aux frontières de la textualité. Le caractère peint : Carrà, Severini, Balla. Depero à ses débuts Les poèmes-objets étaient des variations hybrides qui tenaient à la fois de la poésie et de la peinture, de l’assemblage desquelles naissaient des solutions graphiques. Severini et Carrà signèrent plusieurs tableaux dans cet esprit. La structure de Festa patriottica, publiée dans Lacerba en août 1914, est particulièrement remarquable. Conçue en cercle, elle se compose de collages et de caractères dessinés. Les morceaux sont recomposés pour suggérer le mouvement de la ville et sa force centripète. Severini parlait d’une tentative de littérature picturale5. Pour la couverture de Per la coscienza della nuova Italia (1914) de Francesco Penazzo, Carrá avait combiné les carac-

tères dessinés et les collages, mais ce n’est qu’avec 8 tipi di critica imbecille (1914), Tredici introspezioni (1914) et Guerrapittura (1915), dont les lettres dessinées donnent à la page de couverture l’allure d’un document militaire, que son travail sur le mot en liberté devient réellement intéressant. Dans Guerrapitturra (1915), Carrà conjugue graphisme et lettres peintes en créant des formats proches du cubisme, où collages, mots en liberté et éléments typographiques s’épurent jusqu’à se réduire à l’essentiel. Dans d’autres poèmes, c’est la calligraphie qui a la vedette de l’action narrative et en structure le découpage séquentiel. On retrouve le même principe dans les planches de Gino Severini, par exemple la Danza serpentina, créée en hommage à la chorégraphie homonyme de Loïe Füller et publiée dans Lacerba en 1914, où Severini utilise des typographies dessinées. Dans les poèmes de Balla, ce sont les lettres qui semblent déformées par des ondes expansives. Principalement composées en couleur, elles traduisent le mouvement et restituent l’énergie du paysage comme dans Dopo l’operazione (1918). Dans d’autres compositions, c’est l’abstraction qui domine avec les reflets dynamiques de la vitesse et des chemins conceptuels (comme dans Partenza de Sironi per Milano [1914]). Créateur de l’onomalangue – une poésie sonore interdisciplinaire, visuelle, gestuelle et musicale –, Depero élabora une typographie caractérisée par un tracé plus ferme qu’il expérimenta sur des affiches et des tracts dans les années 1910. Le mot participe des forces qui forgent l’identité du poème et s’adapte à une composition qui ne s’articule pas séparément, mais globalement pour faire corps avec la page. Sa qualité sonore s’y imprime aussi pour les mêmes raisons de composition.

Calligraphie et caractères dessinés. Mots en liberté d’écrivains Les écrivains suivirent le sillage de Zang Tumb Tumb, avec le même esprit de transgression. Ainsi, pour la composition de la typographie de son Ponti sull’oceano,

Luciano Folgore donna-t-il des instructions très précises en ce sens à Antonio Sant’Elia. On parle aussi de psychotypographie pour nommer la typographie des poèmes et des essais publiés par L’Italia futurista, qui s’inspire des recherches sur le cerveau que dirigeaient les frères Ginanni-Corradini. En 1917, Arnaldo Ginna signa pour les éditions de L’Italia futurista plusieurs couvertures où la typographie se prête à des interprétations ésotériques. Un an auparavant, Bruno Corra avait composé pour ces mêmes éditions Con mani di vetro (1916) avec des lettres dessinées faisant écho à la géométrie du cristal. D’Angelo Rognoni, on retiendra les lignes nerveuses de ses sculptures de caractères typographiques6 et ses typographies colorées en décomposition géométrique renvoyant à des images narratives. Buzzi, dans L’ellisse e la spirale / Film + parole in libertà, esquisse une construction cinématographique en enchaînant les chapitres comme les séquences d’un film, avec des éléments abstraits et géométriques. Dans Conflagrazione, epopea parolibera, racontée comme un journal et écrite à la main, il intercale les compositions de mots en liberté de collages de cartes d’état-major avec les formules des explosifs, des signes graphiques et plastiques, en explorant la calligraphie, le dessin, la typographie et l’écriture en tant qu’élément pictural. Ici véritablement, écrit Buzzi, le mot est isolé dans l’espace comme une étoile. La partie graphique et la partie picturale, tout comme les onomatopées, appartiennent à la musique7. En calligraphiant ses poèmes, Govoni questionne le texte. Son travail sur le mot en liberté présente des solutions sous forme de récits en images et ses compositions sont métaphore et mémoire, analogie et souvenir qui s’interpénètrent en magnifiant la capacité sémantique du dessin. Son œuvre la plus radicale, Rarefazioni e parole in libertà (1915), arbore un graphisme enfantin et ironique et une esthétique irrationaliste qui culminent dans un autoportrait dont les lèvres laissent échapper cette séquence : machine à écrire des mots8. On trouve d’autres exemples de mots en liberté qui combinent les lettres des-

sinées et la calligraphie chez Umberto Boccioni, Ardengo Soffici, Francesco Meriano, Armando Mazza, Mario Carli et le premier Pino Masnata. Commentant la publication de Firmamento de Mazza, Marinetti écrivait : Quant à nous, nous réservons les Edizioni futuriste di poesia aux œuvres absolument futuristes qui, en raison de la violence, de la pensée extrême et de la difficulté typographique qui les caractérisent, ne peuvent être publiées par d’autres maisons d’édition9.

Les caractères typographiques de Francesco Cangiullo Celui qui osa les réflexions sur le mot en liberté les plus audacieuses fut le Napolitain Cangiullo. Pour lui, la typographie est le code originel avec lequel la page doit être composée. En s’intéressant de près à la lettre et à la composition, il plaça la création de caractères dessinés au centre des expériences de son laboratoire particulier et transposa les états d’âme et le dynamisme des villes italiennes en jouant sur différents corps et couleurs. Les villes sont d’ailleurs en vedette dans Grande folla in piazza del Popolo (1914), Pisa (1914) et Milano-Dimostrazione (1915) où il explore des typographies à main levée et des signes alphabétiques. Les mots en liberté l’incitent à imaginer, avec son frère, de métamorphoser les caractères en objets ou en sensations, comme dans Pomepe Cerpelli (19161918) ou Passaggio a livello + uova di Pasqua (1915), où une longue séquence de O forme le panache de fumée de la locomotive. Dans Marinetti ferito (1916), la typographie configure le visage du poète en transmettant sa capacité visuelle, sonore et épistémologique. Le train devient le héros du poème Treno sul ponte (1915), peut-être l’une des plus belles compositions typographiques visuelles du futurisme, où les lettres façonnent l’image. Parmi les œuvres les plus reconnues pour leur typographie et leur conception éditoriale, on retiendra trois livres emblématiques : Piedigrotta, poème qui s’inspire de la fête napolitaine du même nom ; Caffeconcerto : Alfabeto a sorpresa et Poesia pentagramatta. Piedigrotta

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À gauche. Corrado Govoni, Autoritratto : Rarefazione di Govoni, Lacerba 3, nº 9 (28 février 1915), MART, Rovereto, Archivio di Nuova Scrittura, collection Paolo Della Grazia. À gauche. Fortunato Depero, couverture pour la revue Vanity Fair, MART, Rovereto, juillet 1930.

À droite. Francesco Cangiullo. Piedigrotta : parole in libertà. Couverture de l’auteur, Edizioni futuriste di poesia. Manifesto sulla declamazione dinamica sinottica, collection Marinetti, Milan, 1916.

À droite. Fortunato Depero, Subway, MART, Rovereto, Milan, 1929.

(1916) se compose de mots dont la forme évoque le carnaval de Naples. C’est un tour d’horizon ludique des préceptes du groupe où la typographie devient matière à créer des images violentes. Les onomatopées y sont forgées à partir de sons populaires : cris, tarentelles, chansons et gros mots y forment une composition libre. Les lettres débordent de la page, passant du poème à l’ objet qui caractérisera la dernière étape des typographies peintes. Si les livres-objets furent une constante du second futurisme, c’est principalement grâce à l’édition de Caffeconcerto (1919), composée à l’atelier Pierro à Naples, dont Marinetti fit l’éloge dans Alfabeto a sorpresa (1918). Caffeconcerto est un spectacle de variétés typographiques, un programme de salle dans lequel chaque page met en scène un moment du spectacle, une composition sur l’espace et une action cinétique construite à partir du mouvement des lettres qui passent de l’écriture à l’abstraction à mesure que la lecture avance. Le recueil Poesia pentagramatta (1923) réunit plusieurs poèmes qui prétendaient gommer les différences entre les arts à partir de la typographie, la simultanéité graphique de la poésie et sa musique naturelle donnant à la première un nouveau champ à explorer10 où les lettres calligraphiées ressemblent à des notes musicales. Comme l’explique Luciano Caruso, cet ouvrage résout le problème crucial de la polyphonie actuelle dans la poésie du mot en liberté, et donne le tempo aux onomatopées et au bruitisme, le pouvoir d’écrire sur le pentagramme de la poésie actuelle11.

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68 11.2010

Le second futurisme Mots en liberté futuristes (1919), qui revendiquait les expériences futuristes et l’“italianité” de la poésie contemporaine, fut publié en français. Il réunit certains exemples parmi les plus significatifs de mots en liberté, et ses pages, en épousant divers formats, annoncent le déclin de la conception statique du livre. À la fin de la guerre, Marinetti considérait le livre quelque peu dépassé pour la

création poétique avec des mots en liberté. Des futuristes comme Volt inventèrent des mises en pages hardies où les caractères, en débordant de la page, exigeaient un nouveau format de papier, replié dans le livre, qui s’ offrait à une lecture essentiellement dynamique en invitant le lecteur à le déplier. Ces recherches se poursuivront avec la publication du Tactilisme (1921), qui rassemble des planches tactiles de mots en liberté. Au milieu des années 1930, la rénovation typographique futuriste se poursuivit avec le manifeste de Marinetti, Trimarco, Scrivo et Bellanova, intitulé L’arte tipografica di guerra e dopoguerra (1940). Le mouvement omniprésent, écrivaient-ils, a éclairci les pages et projeté les caractères typographiques dans toutes les directions, en jets d’encre colorés et en plages prospectives spirituelles et matérielles12. La typographie devait composer avec les éléments dynamiques et la modernité.

Depero : typographies et expériences Dix ans plus tôt, le futurisme était entré dans sa période mécanique et les œuvres créées en résonance avec la politique de fer qui dominait le paysage italien furent inégalement accueillies. Il s’agissait de livres en métal, peu maniables, chers, lourds et à tirages limités 13. Depero futurista (1927) s’en distingua par ses innovations typographiques fondées sur l’oblique et le cercle, et l’utilisation presque exclusive de caractères d’imprimerie. Cependant, au cours de sa carrière, Depero s’intéressa aussi au caractère typographique peint. Il mit son expérience futuriste au service de travaux publicitaires où les lettres constituaient l’élément essentiel de l’illustration, et il collabora avec Davide Campari pour qui il signa des illustrations faisant la part belle aux caractères 14. Ce travail à mi-chemin entre la publicité et la création artistique prit forme dans des revues financées par des entreprises et Depero s’y employa en toute liberté. Avec la participation du poète Giovanni Gerbino et du musicien Franco Casavola, il conçut Numero unico futurista Campari (1931) comme un imaginaire typographique ;

Depero y exposa sa théorie sur les rapports entre le futurisme et l’art publicitaire 15. Des illustrations comme Cordial Campari et Paesaggio quasi tipográfico – soustitrées Joute typographique – deviennent d’authentiques grammaires publicitaires. Quant au caractère dessiné, il apparaît dans Un triplice sorso, L’ora del bitter, Il semaforo ideale, Cordial Campari Liquor, Bitter Campari, etc. La typographie est un élément important de la composition dans Discorso aritmetico alla fidanzata, Viale delle esclamazione ou Il faro d’oro, où les points d’exclamation font partie de l’image. Le caractère dessiné servit de base pour la création de pavillons publicitaires, conçus à l’extérieur comme à l’intérieur avec des lettres et où la typographie se métamorphose en architecture16. La typographie est également au cœur de ses poèmes métropolitains. Dans Futurismo 1932, il inclut Subway (1929) – dans le même esprit que Montagne russe. Tavola parolifera (1929) –, où la lettre se fond dans l’architecture du métro de New York. Ces poèmes appartiennent à une série de planches destinées à New York – Film Vissuto, livre cinématographique resté inachevé qui devait résumer ses deux années passées à New York. Cette expérience aboutit à la composition de lettres peintes et découpées pour les couvertures du New Yorker, d’Emporium, Vogue, Movie Makers et House & Garden, entre autres, qui rappellent le monde fantastique du théâtre plastique et de ses personnages mécaniques. Dans Dinamo futurista (1933), il publia son “ABC du futurisme” qui résumait ses expériences typographiques : Les Mots en liberté, Une imagination sans fils, la logique de l’imprévu sont des outils au service d’une révolution typographique qui dotera la poésie d’une nouvelle beauté picturale. Ces principes typographiques reviennent fréquemment dans les affiches de Veramon, Radi, Cavazzani, Komarek et Bianco e Nero, entre autres, aux côtés de nouvelles expériences publicitaires futuristes comme celles de Nicola Diulgheroff, Bruno Munari, Giovanni Acquaviva, Marcello

Dudovich, Giacomo Balla, Arnaldo Ginna, Vinicio Paladini, Ivo Pannaggi, Ugo Pozzo, Antonio Marasco, Prampolini, Tullio Crali ou bien du Français Delmarle.

L’expérience du mot en liberté de Pino Masnata Quant à la pratique de la seconde période du mouvement, il faut citer Pino Masnata comme référent dans l’usage des fontes et des lettres peintes pour quelques travaux remarquables réalisés dans la période héroïque. Il ne fut consacré pour son originalité que dans la période suivante. Pour les années 1920, on retiendra des pièces comme Vida goliardica (1921) ou Tramonto (1924) où les caractères typographiques forment des calligrammes, et pour les années 1930, une série sur les états d’âme, un défi à la littérature lancé par les arts plastiques, qu’il définit comme une synthèse poétique et graphique faisant vibrer le spectateur. Sont également exemplaires de cette période les paysages et les dessins typographiques où le mot rappelle sa fonction sonore et plastique, comme Desiderio (1930), le dynamisme des forces dans Centrale (1930), dont la typographie s’adapte aux pièces d’une hélice, ou Amore (1930), qui souligne une partie du dessin. Si les typographies peintes et la calligraphie furent des constantes dans la littérature futuriste, elles constituent aujourd’hui un champ d’investigation peu exploité. Le futurisme inspira d’innombrables variantes et adaptations dans le monde, comme le cubofuturisme russe ou les expériences futuristes japonaises, et son influence est également visible en Espagne, en Angleterre, en France et en Amérique latine17. Quelques recherches basées sur une nouvelle analyse de l’influence italienne commencent à voir le jour, mais elles restent anecdotiques comparées à la diversité des constructions historiographiques. Pour Giovanni Lista, Le mot en liberté futuriste n’a pas été un projet défini ni en quoi que ce soit fermé […], mais, au contraire, une expérience constamment ouverte à de nouvelles hypothèses de travail18. Une manière de commencer parmi d’autres.

1. L. Sansone, F. T. Marinetti = Futurismo, Federico Motta, Milan, 2009, p. 34. 2. À cet effet, nous utiliserons dans la même page, trois ou quatre encres de couleurs différentes et aussi 20 caractères typographiques s’il le faut. […] je me propose de démultiplier la force expressive des mots. F. T. Marinetti, L’Immaginazione senza fili e le parole in libertà – Manifesto futurista, Direzione del Movimiento futurista, Milan, 1913. 3. Avec cette révolution typographique qui me permet d’imprimer aux mots […] toutes les vitesses, celles des astres, des nuages, des aéroplanes, des trains, des vagues, des explosifs, des bulles de l’écume marine, et celles des molécules et des atomes. Ibid. 4. Marinetti F. T., Zang Tumb Tumb, Edizioni futuriste di poesia, Milan, 1914. Fac-similé in L. De Maria, Marinetti. Teoria e invenzione futurista, Mondadori, Milan, 1968, p. 639-779. 5. Severini in G. Lista, Le livre futuriste. De la libération du mot au poème tactile, Panini, 1984, p. 40. 6. G. Lista, “Dal paroliberismo al libro-oggetto” in G. Lista et A. Masoero A., Futurismo 1909-2009, Velocità + Arte + Azione, Skira, Milan, 2009, p. 304. 7. P. Buzzi, in G. Fanelli et E. Godoli, Il futurismo e la grafica, Comunità, Milan, 1988, p. 36. 8. C. Salaris, Storia del futurismo. Libri, giornali manifesti, Riunitti, Rome, 1992, p. 46. 9. F. T. Marinetti in G. Fanelli et E. Godoli, op. cit., p. 17. 10. F. Cangiullo, Poesia pentagramatta, Gaspare Casella, Naples, 1923. Réédité par L. Caruso, SpesSalimbeni, Florence, 1979. 11. L. Caruso, Francesco Cangiullo e il futurismo a Napoli, Spes-Salimbeni, Florence, 1979, p. 10. 12. E. Crispolti, Ricostruzione futurista dell’Universo, Museo Civici, Turin, 1980, p. 353-354. 13. C. Salaris, Edizioni Elettriche. La revoluzione editoriale e tipografica del futurismo, De Luca, Rome, 1995. 14. M. Scudiero et D. Leiber, Depero futurista & New York, Rovereto, 1986 ; Depero, istruzione per l’uso, Trente-Rovereto, 1992 ; Depero per Campari, Milan, 1989 ; et Depero futurista. L’arte pubblicitaria, Modène, 1988. 15. Version en espagnol dans F. J. San Martín, La mirada nerviosa. Manifiestos y textos futuristas. Arteleku, Saint-Sébastien, 1992, p. 281-289. 16. J.A. Mancebo Roca, Arquitectura futurista, Síntesis, Madrid, 2008, p. 201-213. 17. P. Hulten, Futurismo & Futurismi, Bompiani, Milan, 1988. 18. G. Lista, “Dal paroliberismo...”, op. cit., p. 193. 11.2010 : 69


design

par laetitia wolff

Donner sens et forme aux technologies transparentes Rendre les choses visibles, voilà le pari que se donnent souvent les designers, mais aujourd’hui leur défi d’intégrer des technologies transparentes, qu’elles soient micro ou nano, analogiques ou numériques, rend la tâche des créateurs de formes bien compliquée. Quelle forme doit-on alors donner à des choses invisibles ? Quel sens accorde-t-on aux formes dont la fonctionnalité est imperceptible à l’œil nu ?

Cathode Ray Tube de Jonas Damon, mi-tv, mi-iPad.

Des champs vertigineux À l’heure où le président Obama se lance dans une campagne un tantinet idéaliste pour la rénovation des infrastructures américaines, les avancées technologiques riment avec dématérialisation, miniaturisation et la prédominance de produits devenus interfaces sensibles, interactifs et hyperconnectés. Alors que l’on est décidément passé de la mécanique à la puce et que les nouvelles technologies changent avec une rapidité qui dépasse l’entendement, les designers voient questionner leur rôle de créateurs de formes. L’adage moderniste la forme suit la fonction ne semble plus de mise. Quels sont alors les nouveaux défis de communication et de visualisation que nous réservent ces croisements nécessaires entre forme, fonction et nouvelles technologies ? Sont-ils des ingrédients à importance égale ? Certains y voient une proposition vertigineuse, d’autres un riche potentiel pour le design, qui se libère de ses contraintes obligatoires (de forme, de taille, de mode d’activation) pour s’ouvrir à de nouveaux champs d’interprétation et d’expression, dépassant des catégories jusque-là distinctes : objet/ interface. Si les produits du xxie siècle ne sont plus seulement des objets finis en soi, mais des dispositifs par définition ouverts et connectés, quelles sont alors leurs nouvelles dimensions esthétiques et, au fond, leur sens ?

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Le cadre de la soustraction Avant, les produits avaient des formes distinctes parce que dictées par leurs composants internes et leur fonctionnalité mécanique. Les designers ont aujourd’hui beaucoup plus de liberté formelle : l’ergonomie et l’expression n’ont plus désormais besoin de se compromettre, explique Jonas Damon dans un récent numéro de DesignMind, la publication de l’agence Frog Design New York, dont il dirige le département créatif. Avec des technologies de moins en moins intrusives et souvent miniaturisées – comme par exemple les systèmes d’éclairage à

leds, les cellules solaires flexibles ou les capteurs GPS – les objets se dématérialisent pour devenir surfaces actives et non plus réceptacles. Le problème de la forme en design semble désormais secondaire, les formes sont devenues génériques (pensez au phénomène Google du design par défaut), comme neutralisées dans un désir prétendument universaliste pour mettre avant tout en valeur leur faculté performative. Pourquoi sommes-nous entourés d’objets à coins arrondis, demande Matt Cottam, co-fondateur de Tellart, une agence de design interactif basée à Providence, San Francisco et Amsterdam. Pourquoi l’écran rectangulaire est-il devenu le dénominateur commun, la forme par défaut ? C’est comme si l’on pouvait se glisser dans le verre, désincarné, autorisé à toucher l’écran pour mieux y plonger, polémique l’Anglais Russell Davies, co-fondateur de RIG, un collectif de design qui explore les frontières critiques entre objet et interface. Les objets digitaux ont tendance à s’aplatir et à se miniaturiser pour laisser plus de place à l’écran rectangulaire. En cela, la boîte-télévision rétro intitulée CRT (Cathode Ray Tube) de Jonas Damon, réceptacle idéal et humoristique pour son iPad, propose une friction analogique comme le suggère Davies. Pure provocation ou réelle réflexion sur l’épaisseur des objets totémiques ? Dans l’esprit de McLuhan, qui annonce la fusion symbiotique et symbolique entre média et technologie, notre appréhension de l’écran devient elle-même formatée : la boîte devient le cadre visuel cliché et conditionnant de nos perceptions numériques. Le grand défi des communicateurs visuels contemporains est d’ aller au-delà de la boîte. Que ce soit pour les designers de produits, de systèmes ou de communications, les territoires familiers sont brouillés. La tyrannie de la forme de la boîte nous empêche de comprendre la complexité du monde, avance Dave Carroll, chercheur et professeur en médias interactifs à la Parsons School of Design. La carte est le mode visuel alternatif qui permettrait d’appréhender nos réseaux connectés et d’apprendre à y naviguer, ajoute-t-il, prenant l’interface de Facebook comme modèle type construit autour de boîtes hiérarchisées, incapables d’aider son utilisateur à visualiser sa position, mesurer les effets de sa participation, volontairement désorientant, comme dans un casino de Las Vegas.

La métaphore des gestes Le cadre ferme, la carte ouvre, territoire pionnier. L’écran tente de circonscrire notre vision du monde, de l’organiser en unités d’information. De même, les ordinateurs, depuis leur conception, ont été conçus autour de la métaphore du bureau, autrement dit des rectangles, des fichiers, des écrans dans l’écran. Si l’on imagine une nouvelle forme de rapport physique avec des objets construits autour de tech-

nologies radicalement nouvelles et interactives, (comme par exemple la réalité augmentée) un nouveau langage doit être imaginé, et un nouvel ensemble de gestes reste encore à inventer, surtout quand on passe à l’interaction en trois dimensions. Comme avec la métaphore du bureau – qui semblait la transposition évidente d’un environnement de travail réel à un environnement virtuel –, ces nouvelles gestuelles se doivent d’emprunter à des notions, références et comportements familiers et appropriés au champ d’investigation. On est bien loin de la souris et de la petite flèche avec les computations gestuelles 3D du MIT Media Lab : dans leur projet d’écran intelligent1, les capteurs optiques transforment les écrans bidirectionnels en appareils photo géants, sans téléobjectif visible. Les degrés d’interaction y sont plus libres, les gestes qu’ils invitent plus expressifs mais souvent moins précis et plutôt surprenants. Minority Report, version année 2025 ? La métaphore du monde physique comme méthode de création permet en effet à l’utilisateur de s’approprier ces nouvelles interfaces avec plus de fluidité, sans tomber dans la nostalgie. La cohérence entre gestes nouveaux et support physique est l’ingrédient indispensable à une parfaite fluidité esthétique, avance Nicolas Henchoz, directeur de l’EPFL+ECAL Lab, un centre suisse de recherche à la frontière du design et de l’ingénierie. Ce laboratoire a lancé ces deux dernières années une série de projets fascinants autour de la réalité augmentée, en collaboration avec la jeune designer

Empruntant aux qualités formelles des gadgets d’aujourd’hui, Père Ubu est un objet virtuel réactif, photoréaliste. Les spectateurs peuvent interagir avec lui en approchant la vitrine, mais trop de stimulation l’incite à se replier, laissant seulement visible son œil-objectif. Création Carla Diana, 2008.

Camille Scherrer. Le premier projet, intitulé Le Monde des montagnes2, proposait la réconciliation des médias livre et écran. Un dispositif apparemment anodin présente un album illustré début de siècle où sont projetés des papiers découpés (technique d’expression typique des montagnes suisses romandes) qui s’animent à chaque fois que la page

Wall Piercing, 2010, de Ron Gilad pour Flos. Autres temps, autres lampes. Designer : Ron Gilad.

est tournée – la webcam est cachée dans une lampe d’architecte ordinaire. Le logiciel de cette réalité augmentée a été développé par la Computer Vision Laboratory (CVLab) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), avec la particularité de ne pas inclure de tags (“machine-readable markup”), et d’opérer en temps réel et sans aucun délai. L’effet est bluffant et l’animation virtuelle fait sens grâce à la cohérence totale avec le support physique du livre, ce qui lui a valu le prix Bergé l’an dernier. Une fluidité esthétique similaire est perceptible dans Give me More, une installation présentée au festival de design DMY de Berlin en juin 2010. Cette fois, c’est la surface flexible d’un coussin brodé qui fait le lien conceptuel et visuel entre le point de croix traditionnel qui s’anime et se transforme en pixel sur l’écran. L’utilisateur novice n’appréhende sans doute pas totalement la complexité de la réalité augmentée, mais il est pris par le rêve proposé par la technologie. C’est ça qui compte, renchérit Henchoz, du moment que le langage d’utilisation est compréhensible, qu’il véhicule des émotions, une texture, une épaisseur à cet objet. Et même si taper dans ses mains pour allumer la lumière ne fait toujours pas partie des réflexes domestiques, la génération Y a bien des fois démontré qu’elle apprend à maîtriser de nouvelles technologies en moins d’une demi-décennie, et à adopter les nouveaux rites qui y sont associés. Est-ce simplement un phénomène générationnel qui consiste à admettre l’idée de ne pas avoir à interagir physiquement avec un objet pour le faire fonctionner ? Comment se fait-il qu’un enfant de 3 ans sache mettre intuitivement en marche un iPhone ? Ces preuves d’intuition suffisent-elles à justifier la disparition des éléments “communicants” d’un objet pour une dérive high-tech et abstraite parfois ostentatoire. Mais où est ce bouton de mise en marche ? demandait Russell Davies, qui a fini par en créer un énorme, rouge, rond, surdimensionné comme dans un dessin animé, pour lancer sa propre présentation Powerpoint. Pour un designer, il est crucial de ne pas impressionner son utilisateur avec la technologie. On est facilement tenté par l’abstraction, les capteurs plutôt que les boutons, confesse le designer new-yorkais Ron Gilad,

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livres

Radio Helio, de Léa Longis, 2009, l’EPFL+ECAL Lab. Des cellules qui se voient.

auteur des nouveaux luminaires Wall Piercing pour la collection “Soft Architecture” de Flos. Dans son cas, les anneaux du Wall Piercing n’auraient pas pu exister sans les semi-conducteurs leds. Non seulement ceux-ci lui permettent d’incorporer tous les composants techniques derrière le mur, mais les ampoules à leds ont plus de 40 000 heures de durée de vie. Cette technologie transforme radicalement la manière de capter la lumière (oublions l’ampoule) qui ne demandera plus le même type d’interaction, d’ouverture, d’accès, ni d’entretien, qui donc propose un langage visuel associé au luminaire complètement différent. Avec les Wall Piercing, changer l’ampoule de sa lampe prend désormais un tout autre sens, peut-être moins romantique. La beauté de “Soft Architecture” est que le designer a finalement moins de choses à dessiner, plaisante à moitié Gilad. Cette liberté nouvelle permet de créer des formes encore plus épurées, conclut-il, inspiré par les ramifications naturelles de ce projet avec ses travaux antérieurs conçus dans l’esprit de la soustraction.

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Le sens des relations et l’épaisseur des objets Pureté totale ou abstraction extrême, les objets-dispositifs envahissent nos maisons, nos bureaux, notre vie de leurs surfaces communicantes et connectées, laissant moins de place et d’importance aux objets “finis”, simples et à une seule fonction. C’est le design d’interaction, la création de relations, qui est en train de devenir le design industriel d’aujourd’hui, affirme Jean-Louis Frechin, de l’agence interactive parisienne NoDesign (voir p. 40). Si le produit du xxe siècle est par définition connecté et propose différentes clés d’analyse (ce que l’on voit, ce que l’on perçoit et ce que l’on fait avec cet objet), sa fonction est devenue essentiellement servicielle, en tout cas toujours multiple. Pour le designer, construire des relations éthiques entre ce que le produit fait (service) et ce à quoi il ressemble est le défi du designer de demain. En réponse à ce phénomène d’abstraction des dispositifs, certains designers tombent dans la dérive matérielle pseudo-

nostalgique (la télé rétro de Damon, le bouton rouge et les cassettes USB de Davies), façon de se réapproprier les formes d’ antan et de casser les barrières entre analogique et numérique. D’autres creusent là leur sillon, comme Leica, qui exploite la forme iconique de son boîtier 35 mm et du corps en laiton joliment patiné par le temps pour communiquer la pérennité de la marque, alors que la composition électronique interne de l’appareil numérique n’exige plus de formes spécifiques. À la recherche d’une épaisseur tactile perdue, d’une présence sculpturale, presque totémique, les producteurs de produits / plate-formes, comme les disques durs et routeurs de LaCie, eux aussi s’interrogent sur ces correspondances. Le conteneur de données est un modèle important qui nous aide à vivre avec ce manque de tangibilité de nos possessions virtuelles, précise Carla Diana, senior designer chez Smart Design, bloggeuse et créatrice d’interfaces robotiques. Mais cette tendance à revenir à une friction analogique, pour citer Russel Davies, ne se limite pas aux objets, en tant qu’enveloppes concrètes de flux de données dynamiques et d’interactions intangibles. Aujourd’hui on voit un regain d’intérêt étonnant pour le bricolage low fi / low tech. Comme si les designers interactifs revenaient à une matérialité conceptuellement confortable. Retour au mythe du garage, où toutes les grandes inventions ont commencé, d’Apple à Facebook. La déconstruction de l’objet-dispositif et, par la même occasion, le décuplement de son instrumentalisation n’en font plus que des caisses à outils de taille miniature – pour preuve, les iPhone trafiqués du projet Nada3 de Tellart ou les lunettes intelligentes de Zach Lieberman (é : 177). Le portable est transformé en boîte de contrôle de lumière, en télécommande, en capteur GPS, véritable couteau suisse électronique. Infrastructure (ou ce qu’il en reste) et information se confondent alors, objets connectés rendus esclaves et déclencheurs de supersystèmes invisibles, que ce soit Internet, la production d’énergie, ou le flux d’open data. Les portables peuvent devenir plates-formes d’ action directe sur nos villes, nos habits, nos jouets, notre environnement ajoute Matt Cottam de Tellart. “Talk to Me”, la prochaine exposition design conçue par Paola Antonelli au MoMA, explorera ce sujet de la communication entre les gens et les objets. Ainsi, en revenant aux sources du bricolage fait main (approche Do It Yourself), les tinkerers (“bricoleurs”) des fab labs du xxie siècle dépassent le culte de l’objet, pour apporter une définition commune (et une dimension plus humaine peut-être) au design industriel et au design interactif. 1. http://vimeo.com/8116769 2. www.youtube.com/user/LABcamille 3. www.tellart.com/work.php#-nadamobile

Ich&Kar, Ian Wright, Stéphan Muntaner | C-Ktre Collection “design & designer” Pyramyd 15 x 16 cm – 120 pages Français et anglais – 13 ¤ Un format carré, des couvertures colorées qui laissent apparaître un regard et un morceau d’image significatif, un dos numéroté. Il s’agit bien d’un design & designer des éditions Pyramyd. Depuis 2002, chaque ouvrage de la collection s’attache à présenter les travaux d’un studio ou d’un collectif explorant à sa manière le champ du design et des arts visuels. La collection “design & designer” s’enrichit de trois nouvelles références. Trois approches au caractère fort, avec Ian Wright, Stéphan Muntaner/C-Ktre et Ich & kar. Choisi pour faire la couverture d’Étapes international 18, Ian Wright est un illustrateur britannique reconnu, qui a étudié le design graphique à Londres dans les années 1970, avant de fonder son propre

studio en 1981. Son portfolio s’articule autour du portrait, devenu l’élément central d’un travail sans cesse en exploration de matériaux nouveaux. Straight on the rocks, please. Si Ich&Kar était un alcool, il ne serait pas un cocktail sucré et dilué, mais un alcool fort et fin. Le tandem français, composé d’Héléna Ichbiah et Piotr Karczewski, se dévoile en deux ouvrages, entre travail d’identité pour des bars et hôtels de luxe et recherches dans le design, toujours à l’affût d’extravagances. Moins connu, mais tout aussi singulier, Stéphan Muntaner est un personnage touche-à-tout, à la fois plasticien, illustrateur, affichiste, qui dirige depuis dix ans le studio C-Ktre dans une ville à son image, Marseille, la cité aux langages multiples. IM

Graphisme en France 2010-2011. À l'épreuve du temps Centre national des arts plastiques 17 x 24,5 cm – 20 pages Français et anglais – Gratuit Inscrire les objets du graphisme dans le temps, voilà la question du 17e annuel du CNAP. Les professionnels interrogés s’y défendent, pour la plupart, de toute fétichisation de leur travail et vont même pour certains jusqu’à dénoncer la notion d’œuvre graphique. Le décryptage de certaines identités durables – celle du Centre Georges-Pompidou et de la RATP notamment – donne les clés de leur pérennité, et des exemples – essentiellement à New York et à Londres – montrent les modes de constitution d’une collection de design graphique. Le pragmatisme anglo-saxon, qui fait cette année entrer l’arobase de Ray Tomlison (1971) dans la collection du MoMA, a permis de préserver et d’exposer des formes ici trop souvent considérées comme éphémères. L’Atelier 25, fondé par deux anciens de l’ESAD Strasbourg, signe la maquette, maline, qui niche les images au creux des pages à déplier, laissant la première vision aux textes, à une sélection d’ouvrages, une liste de prix et un calendrier de manifestations. À télécharger sur www.graphismeenfrance.fr. VD 11.2010 : 73


En jaune et noir. 8 saisons. Théâtre Nanterre-Amandiers

Iconologie, image, texte, idéologie

A New Kilo of KesselsKramer

1000 affiches de 1890 à nos jours

Collectif (E. Hervy, V. Pinter, Vincent Perrottet, Adrian Shaughnessy, Véronique Vienne…) Pyramyd 20 x 25,5 cm – 120 pages Français – 23,27 ¤

W.J.T. Mitchell Les Prairies ordinaires 14 x 21 cm – 318 pages Français – 24 ¤

Pie Books Japan 14,8 x 25,7 cm – 428 pages Anglais et japonais – 24 ¤

Cees W. de Jong, Alston W. Purvis, Martijn F. Le Coultre Hazan 19 x 23 cm – 568 pages – Français – 35 ¤

Un livre qui s’attache à la commande, à la relation entre commanditaire et graphiste. Une collaboration d’exception avec le théâtre NanterreAmandiers, initiée en 2003 par Labo matic, et prolongée par Pascal Béjean et Nicolas Ledoux, après le départ de Frédéric Bortolotti en 2009. En jaune et noir, la règle graphique suit huit saisons théâtrales, la singularité du tandem chromatique suffisant à tenir une ligne identitaire. Une constante : les codes conventionnels de l’affiche ont sauté. Labomatic utilise les clichés flous, griffés ou déchirés de la photothèque Grore Images, extraits de quotidien qui heurtent la bienséance du monde du spectacle mais ressuscitent le vivant et l’intime avant que la photographie ne cède la place aux dessins de Gosia Galas. Le traitement typographique prend alors de l’ampleur, le jaune s’étend avant une nouvelle pirouette graphique. Repoussant sans cesse les esthétiques attendues, allant jusqu’à mettre des friches industrielles en lieu et place du spectacle vivant. L’impact et la surprise l’emportent

Chez Mitchell, l’image participe de l’intégralité de la sphère sociale. L’auteur propose d’interroger la relation entre l’image et le texte, la force du discours porté sur l’image à travers les relectures de textes de Burke, Goodman, Gombrich ou Lessing. Professeur de littérature et d’histoire de l’art à l’université de Chicago, W.J.T. Mitchell est un des principaux instigateurs des visual studies. Entre l’histoire de l’art, l’esthétique, la théorie littéraire et les cultural studies, cette discipline, née sur le continent américain, inaugure une nouvelle pensée de l’image qui a vu le jour en 1986 à travers Iconologie, image, texte, idéologie, véritable enquête sur le sujet et premier livre de l’ auteur traduit en français. IM

Flanqué d’une couverture vert fluo qui rappelle les pesticides industriels, A New Kilo est inévitable en librairie. Nouvelle publication de KesselsKramer, l’ouvrage accompagné d’un CD -Rom, présente une sélection des commandes publiques et privées auxquelles l’agence néerlandaise a répondu entre 2005 et 2010. Packaging, affiches, identités de marques, projets éditoriaux, publicités ou spots télévisés forment la deuxième partie du testament visuel de KesselsKramer qui succède à 2 Kilo, précédente parution des projets réalisés durant les dix premières années de l’agence entre 1996 et 2005. IM

À qui s’adresse ce livre ? 1 000 affiches du xxe siècle, classées dans l’ordre chronologique, avec titres et crédits pour seules explications. Les parties, initiées par une courte introduction relatant le contexte historique et social de la décennie de création, avancent sans tenir compte des formes, pays, influences ou mouvements… Aucune voie d’accès n’est donnée au grand public pour l’aider à plonger dans l’image. L’œil averti trouvera un catalogue à parcourir d’affiches inédites sans se satisfaire de la qualité moyenne de reproduction des affiches. CB

Typo Lyrics est un ensemble de chroniques issues de Slanted, un webzine qui invite des graphistes à proposer une image sur les paroles de morceaux cultes. L’exercice ayant suscité l’engouement des lecteurs, Slanted lui consacre une publication

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sur la fonction du lieu et président une communication idéale. Pourtant, comme l’analyse Étienne Hervy dans l’introduction, les affiches de Nanterre-Amandiers ne sont pas tant détachées de l’univers théâtral. Leur expressivité, leur vibration qui passe autant par le choix et le traitement d’images que par l’adoption d’écritures expressives (les choix typographiques se tournent, par exemple, vers Jonathan Hoefler, Morris Füller Benton ou Tobias Frere-Jones), leur composition inattendue ou leur métamorphose constante font spectacle dans les stations de métro parisiennes. Le format de l’affiche est le lieu de la scène, côté jardin ou fer à gauche, la représentation qui se joue ici est livrée aux yeux de tous, objet public pour spectacle de rue. Il appartient désormais à chacun d’en doter son étagère. CB

Typo Lyrics. The Sound of Fonts

Prix Fernand-Baudin 2009-2010. Les Plus Beaux Livres à Bruxelles et en Wallonie

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qui comporte des interviews et les travaux de 175 graphistes internationaux. D’Édith Piaf et Aphex Twin à Ella Fitzgerald, Duran Duran et Lady Gaga, la sélection musicale de F. Wiedemann (du label berlinois Innervisions) organise l’ouvrage par analogie avec la classification typographique traditionnelle, associant un style musical à chaque style de caractère : le krautrock à du monospace, le classique à une serif, ou le punk à une typographie stencil. Imprimé en monochrome, chaque livret recèle une association d’encres et de couleurs de papier différentes, offrant une belle tranche multicolore, parfois au détriment du contraste de certains visuels. MP

La seconde édition du prix FernandBaudin laisse trace dans un superbe ouvrage dont la direction artistique est assurée par Alexia De Visscher, co-organistrice du concours et membre de Speculoos. Sur la

couverture, des textes épars, les impressions d’Arianne Bosshard sur la sélection annuelle. Les alternances de papiers distinguent les contenus : données, photographies, scans ou témoignages accordant à l’objet une haute valeur tactile. Malgré la taille de la région convoquée, la sélection atteste d’une qualité de production entre rigueur, intelligence graphique, créativité et maîtrise technique, comme le démontrent P. Huyghebaert, Salut public ou M. Dechamps Otamendi. Choix de l’expérimentation, d’une logique implacable ou d’un parti pris sans compromis. L’édition belge fait entendre sa voix. Avec humilité, elle rappelle que le livre est un objet à manipuler, pas une pièce d’exposition. CB 11.2010 : 75


i manifestation 1 concours p conférence b exposition

agenda

> 21/11

i Biennale d’architecture de Venise Venise www.labiennale.org

> 28/11

b Archi & BD

Paris Cité de l’architecture et du patrimoine

Du 23 novembre au 7 décembre

Jusqu’au 23 décembre

Jusqu’au 13 février 2011

p Good design, Good business

b Graphisme… Architecture

b Art pour tous

Dans le cadre de l’exposition “Good design, Good business”, le Lieu du design organise trois conférences dédiées au design graphique et à l’identité visuelle : Design graphique, appellation d’origine contrôlée, mardi 23 novembre, 18 h-20 h. Good Design = Good Business ?, mardi 30 novembre, 8 h 30-10 h 30. Existe-t-il un graphisme français ?, mardi 7 décembre, 18 h-20 h.

à l’heure où l’image fait partie intégrante de notre environnement architectural, l’exposition ouvre une réflexion sur les rapports complexes, mais indissociables, qu’entretiennent le graphisme et l’architecture aujourd’hui. à travers une série de modules, la scénographie de Guillaume Grall fait apparaître un choix rigoureux de créations graphiques contemporaines. Avec des publications consacrées à la signalétique, l’architecture, les lettrages en façade, les interventions dans l’espace public ou les identités visuelles, la diversité des projets sélectionnés par Étienne Hervy et Vanina Pinter montre la nécessité d’ouvrir des voies de travail communes entre les professions d’architectes, graphistes et urbanistes.

L’exposition propose une sélection de créations graphiques commanditées par les sociétés de transports en commun. Soixante-dix affiches britanniques conçues entre 1908 et 1960, issues des collections du Yale Center for British Art, côtoient les travaux réalisés pour les soixantedix ans de la SNCF. Dans le cadre de l’exposition, le musée organise deux conférences sur la campagne novatrice du London Transport et sur l'affiche comme œuvre participative.

le lieu du design 74, rue du faubourg-saint-antoine, 75012 paris

www.citechaillot.fr

Jusqu’au 18 décembre

> 28/11

b Macadam, au Studio 13/16

b Bernard Villemot Paris Bibliothèque nationale de France www.bnf.fr

> 10/12

b Letters Only – Typographic posters

© dr

Zurich Museum für Gestaltung

Jusqu’au 17 novembre

www.museum-gestaltung.ch

b Pierre Vanni “Ruines”

> 11/12

b Flavia Cocchi Paris Galerie Anatome www.galerie-anatome.com

> 12/12

Pierre Vanni élabore des images de synthèse à partir desquelles il construit des productions tangibles en trois dimensions. Au gré de ses recherches plastiques, l’image “s’incarne” littéralement dans des sculptures de papier. Pour son exposition à la galerie rennaise Delko, le graphiste propose une série d’expérimentations autour de la ruine et de ses représentations. galerie delko, 28, place des lices, 35000 rennes

Espace exclusivement réservé aux adolescents, le Studio 13/16 du Centre Pompidou est principalement axé sur la découverte des champs artistiques contemporains. Pour sa première exposition, “Macadam”, dédiée aux milieux urbains, le studio propose aux adolescents une relecture de la rue, avec le studio 21bis (é : 177), les œuvres de Florent Lamouroux, Elsa Mazeau, Jean Faucheur, Benjamin Sabatier et Pierre Vanni.

Jusqu’au 28 novembre

www.ccsparis.com

i Brion Gysin : Dream Machine

Bordeaux Centre Arc en rêve www.arcenreve.com/pages/pages.htm

2/1

b Mobi Boom Paris Musée des Arts décoratifs

> 8/1

Du 20 novembre au 5 décembre

www.paris-bibliotheques.org

> 8/1

b Good design, good business Paris Le Lieu du design www.lelieududesign.com

>29/1

b J’veux pas grandir Issy-les-Moulineaux Le Cube www.lesiteducube.com

i Biennale du design à Saint-Étienne Pour sa septième édition, la Biennale internationale du design de Saint-Étienne propose un panorama du design international contemporain sur le thème de la téléportation. Avec une scénographie de 12 000 m2 conçue par Constance Rubini, l’événement place au cœur de sa problématique les questions de la mobilité, de la fluidité des déplacements, l’amélioration du quotidien et l’environnement dans la ville. La biennale invite à la confrontation des points de vue à travers des expositions de projets et des workshops réunissant des professionnels comme les 5.5 Designers, Designers+, Ronan et Erwan Bouroullec, le MIT, le RCA, NoDesign, Pierre Favresse, Marie de Lignerolles et les plus grandes écoles d’art nationales. www.biennale2010.citedudesign.com

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76 11.2010

© guillaume grall

Jusqu’au 30 janvier 2011

b Liberation of Light Le festival Liberation of Light d’Eindhoven (Pays-Bas) se pose comme le rendez-vous des nouveautés et des innovations dans les formes, les matériaux et les fonctions de la technologie des leds. Une robe de soirée qui s’éclaire selon le taux de CO ² dans l’air, un mur de lumières interactif comme jouet éducatif pour enfants, ou encore les installations vivantes de Daan Roosegaarde, les projets présentés, conçus par des artistes et des designers, sont autant d’oppor tunités de plonger dans un univers poétique, onirique mais pourtant bien réel.

© dr

L’exposition “Rehab, l’art de re-faire” rassemble une quinzaine d’artistes français et internationaux, engagés politiquement en faveur de l’écologie ou attentifs aux évolutions de nos sociétés postindustrielles, et dont les œuvres réemploient ou détournent les objets du quotidien. De la table en formica aux cartons d’emballage, les matériaux utilisés, pluriels et hétéroclites, tiennent tous du déchet, un matériau résolument contemporain aux propriétés physiques ambitieuses, selon Bénédicte Ramade, et en parfaite adéquation avec les problématiques sociétales contemporaines. espace fondation edf, 6, rue récamier, 75007 paris

Du 20 novembre 2010 au 31 janvier 2011 Jusqu’au 31 décembre

b Édition bretonne

institut d’art contemporain 11, rue du docteur-dolard, 69100 villeurbanne

Paris Bibliothèque Forney

b Rehab, l’art de refaire

place françois mitterrand, 59777 euralille

centre georges-pompidou, forum, niveau -1, 75004 paris

Artiste précurseur inclassable, peintre, poète, écrivain et aventurier de la performance multimédia, Brion Gysin influence encore aujourd’hui de nombreux artistes. Cette rétrospective, conçue par le New Museum de New York, présente plus de 300 dessins, livres, peintures, photocollages, films, et réalise une projection de diapositives et d’œuvres sonores à l’IAC de Villeurbanne, avec pour pièce maîtresse la Dreamachine (1961), inventée en collaboration avec le mathématicien Ian Sommerville.

www.lesartsdecoratifs.fr

b Cent pour cent bande dessinée

Jusqu’au 20 février 2011

www.designhuis.com

Paris Centre culturel suisse

b BIG

13, rue de la poulaillerie, 69002 lyon

la maison de l’architecture et de la ville,

b Les plus beaux livres suisses

> 19/12

musée de l’imprimerie de lyon

© dr

Motivés par la réédition de bois gravés de Louis Garin et de Géo-Fourrier, les éditions Asia expose au musée de l’Imprimerie de Nantes, une série de livres des années 1920 et 1930 utilisant les techniques du pochoir et de la gravure sur bois. à l’heure du numérique et de l’impression offset, “Édition bretonne” revient sur les processus de fabrication des anciennes techniques d’impression grâce un travail de réédition conséquent. Sont notamment exposés : Louis Garin, Géo-Fourrier, Charles Le Goffic, Anatole Le Braz et Gabriel Vicaire.

i Le Mois du graphisme De retour à Échirolles pour sa vingtième édition, le Mois du graphisme s’interroge sur le rôle du graphisme et de l’art dans la société. L’événement, commissionné par Michel Bouvet, célèbre la création graphique à partir du travail de trois designers internationaux : Carin Goldberg aux États-Unis, Yuri Gulitov en Russie (é : 107) et Mitsuo Katsui au Japon (é : 36). Conférences, workshops et visites guidées sont également au programme. www.graphisme-echirolles.com/francais.html

© sanghon Kim

musée de l’imprimerie de nantes 24, quai de la fosse, 44000 nantes

Du 10 décembre 2010 au 30 avril 2011

i Futuréalismes

Jusqu’au 30 janvier 2011

Electronic Shadow (é : 183) prépare, pour ses dix ans, une exposition-manifeste au musée Granet d’Aix-en-Provence. Rétrospective du travail des designers Naziha Mestaoui et Yacine Aït Kaci, “Futuréalismes” présente une sélection d’installations interactives, de prototypes et de projets inédits, où réalité et fiction s’enchevêtrent constamment. Le visiteur, immergé dans un milieu énigmatique, devient le spectateur-acteur d’un monde réseau en perpétuelle évolution. Seront notamment exposées les dernières créations du tandem : Le Cristal de personnalité et Le Pavillon des métamorphoses.

b Le design cellulaire Poursuivant son travail de mise en relation des savoirs entre professionnels de l’expérimentation, le Laboratoire invite le designer François Azambourg et le scientifique Don E. Ingber à développer des productions autour du design cellulaire. Ce projet a pour origine la réalisation et l’aboutissement d’une bouteille dont les propriétés se rapprochent au plus près de celles de la nature. L’exposition, scénographiée également par François Azambourg, présente différentes étapes du projet et invite le spectateur à participer à son tour à une recherche active. le laboratoire, 4, rue du bouloi, 75001 paris

musée granet © michel batory

place saint-Jean-de-malte, 13100 aix-en-provence

11.2010 : 77


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