Arts de Faire

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Arts de Faire

estuaire de la Loire, territoire en mouvement Jean-Yves Petiteau, Chérif Hanna, Saweta Clouet

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes


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Michel de Certeau « Arts de faire », L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire - Edition 10/18 - 1980

arts de faire 5


Estuaire de la Loire, territoire en mouvement

Equipe Bouguenais :

Borha Chauvet Rossila Goussanou Marion Thomazo Delphine Courroye Bruno Bermudez Casas

Equipe Saint-Jean-de-Boiseau :

Delphine Dion Edouard Eriaud Simon Henry, Justine Poligné

Equipe Temple-de-Bretagne :

Natalya Yankovska Esthel Lenain Audrey Degrende Olivier Robin

Equipe enseignante :

Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Jean-Yves Petiteau, Anthropologue et Urbaniste Saweta Clouet, Architecte

Intervenants :

Xavier Dousson, Architecte Flore Grassiot, Architecte et Artiste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain Pierre Cahurel, Designer Ouvrage édité en 40 exemplaires - Achevé d’imprimer en juin 2014

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Arts de Faire Jean-Yves Petiteau, ChĂŠrif Hanna, Saweta Clouet

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estuaire de la Loire, territoire en mouvement

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Préface

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Estuaire de la Loire : territoire en mouvement import/export

Ricardo Basualdo

Jean-Yves Petiteau et Chérif Hanna

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Méthode des itinéraires

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Anthropologie et projet

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Parler/écrire

Jean-Yves Petiteau

Jean-Yves Petiteau Jean-Yves Petiteau

39 Collages

Chérif Hanna

47 Le projet n’est plus là où il était ! Jean-Yves Petiteau et Chérif Hanna

59 Arts de faire

Jean-Yves Petiteau et Chérif Hanna 9


Préface Une expérience pédagogique partagée Ricardo Basualdo

Depuis sept années la démarche pédagogique : Fragments métropolitains suivi d’Estuaire 2029, Master à l’ENSA de Nantes est d’initier les étudiants à une approche de l’urbain et du territoire fondée sur la reconnaissance de la diversité des interactions des personnes et des institutions de l’Estuaire de la Loire entre Nantes et St. Nazaire. Ce livre tente de restituer le processus de repérage de récits réalisés par les étudiants de l’atelier pour rendre compte des territoires vécus et construits de l’Estuaire. qui sera ensuite décliné et mis en œuvre par les projets des étudiants pour l’Estuaire de la Loire. « La métaphore d’une île », en 2013 et import (un port)/export (ex port), en 2014 sont les dernières thématiques de cette « recherche-action ». Les étudiants sont conviés à réaliser des dispositifs cartographiques les aidant à comprendre les dynamiques géologiques, démographiques, économiques, anthropologiques et d’infrastructure travaillant le territoire de leurs futurs projets. En même temps, ils sont incités à tenir un carnet de bord (mêlant photographies et récits de leur vécu territorial) ; à produire des récits de longue durée résultant d’une écoute approfondie lors d’un parcours élaboré par la personne concernée et d’organiser dans les salles de fêtes, les marchés ou la voie publique, des débats autour des perceptions du territoire.

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Or, l’addition de ces informations ne donne pas à elle seule une « explication » du territoire, ni des forces agissant en son sein. Elle ne fonde pas davantage la « nécessité » d’un projet participant à la construction de l’enjeu métropolitain recherché.


Au contraire. La juxtaposition des cartes, du carnet de bord et des propos des personnes rencontrées creuse la fragmentation des perceptions. Les écarts ainsi produits approfondissent les zones d’ombre. Ils révèlent les hiatus, souvent incommensurables, séparant les données récoltées (sensations subjectives, rhizomes des canaux d’irrigation, trames des voies de transport passées, présentes ou à venir, mobilité des périmètres des rives, itinéraires des personnes traçant au quotidien la singularité de leurs modes d’habiter…) et empêchant de prime abord une lecture globale des enjeux territoriaux. Pourtant, il s’agit bien d’énoncer et de choisir les problématiques en jeu et d’en prendre parti à travers le projet, pour les reformuler, pour les accompagner ou pour les contrer… Ce travail d’énonciation prend racine dans la technique du collage. Celle-ci permet aux étudiants de transposer la pluralité des lectures du territoire. Grâce à l’énonciation graphique des enjeux qui « agissent » le territoire. Le collage amorcera le passage de la pluralité des perceptions à leur diversité. Toutefois, cette énonciation graphique ménage des paradoxes. C’est là que se nouera la dynamique de nécessité du projet, son arête de connaissance et d’expérimentation. Le projet prend corps à travers le processus de reconnaissance des enjeux que les personnes et les institutions mettent en œuvre pour faire ville et territoire. Ce livre présente la philosophie et les apports méthodologiques d’une pédagogie nouvelle. qui ont participé puisse resituer son récit et sa position (et les protocoles des pratiques qui en découlent : l’urbaniste, l’élu, les personnes habitantes…) au sein du territoire et éventuellement, fort de cette nouvelle vision, poursuivre le processus de reconnaissance de la palabre amorcée par l’ENSAN de Nantes, comme moteur du projet d’architecture et d’urbanisme. main sur l’une des tentatives contemporaines pour faire de la ville une condition du vivre ensemble dans la reconnaissance réciproque des personnes.

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L’estuaire de la Loire : un territoire en mouvement Import/export

Jean-Yves Petiteau et Chérif hanna

L’estuaire de la Loire est le territoire de tous les départs, celui des voyageurs, des aventuriers, celui des conquérants, celui des émigrants. Les villes de l’estuaire se sont valeur. Ce territoire instable au rythme des crues, des marées, des glissements du chenal d’un l’espace privilégié d’une immigration. multiples investissements. La valeur de ce territoire repose sur un héritage, celui des mobilités antérieures, dont les infrastructures conservent la mémoire. Elle repose sur les déplacements et mouvements qui les investissent aujourd’hui, multipliant les croisements, liens et coïncidences sur lesquels se jouent de nouveaux rapports de civilité et une nouvelle urbanité. Un monde s’invente au croisement de ces mouvements, une métropole originale se construit sur les liens que les nouveaux et anciens habitants tissent sur un paysage redécouvert donc réinventé. La question du déplacement est indissociable de celle de l’habiter. La métropole estuarienne se construira sur une question délicate ; celle de la qualité de nouveaux 12


Ménager/aménager ? L’échange se fait au bord, c’est un acte et cet acte construit un lieu. La frontière n’est jamais seulement une clôture. C’est un lieu de passage ; celui des corps, celui de la valeur, où l’on négocie. Ces espaces, où se ritualisent les « échanges », deviennent lieux de transactions. les grandes infrastructures industrielles et portuaires ne semblent pas aujourd’hui mobiliser. Nous ne considérons pas ces traces comme les stigmates d’une activité disparue. Les signes qu’elles réactivent au présent sont les ressources d’un avenir. Relever et nommer ces traces, c’est réveiller la mémoire ; celle d’une identité qui s’est cristallisée in situ, sur l’espace et le temps de l’histoire. Ces traces permettent de mobiliser un rituel, celui d’une négociation, entre des Ce territoire devient lieu possible d’une réactivation. Reconnaître sa capacité à réinventer une nouvelle dynamique n’est pas un simple un retour sur le passé. Ce travail de repérage est un ressourcement : l’estuaire est lié à cette redécouverte toujours à la lisière. Retrouver les traces, c’est reconstruire les liens que chaque frontière sous-tend entre ces territoires, lointains ou proches. Cette reconnaissance construit un champ dynamique de force ; le bord apparaît parce qu’il ouvre à une connexion qui articule des Cette reconnaissance en acte des traces qui tissent les relations potentielles d’un bord liens qui placent chaque projet comme l’attente d’une relation ou d’un échange.

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Ce que nous révèle chaque négociation, c’est que ce qui s’échange, déborde ou mobilisent de nouveaux contextes. Ce qui est important n’est pas seulement la fonction première, mais ce qu’elle produit comme rapports sociaux. Ce que l’on échange dans l’échange ; ce n’est jamais ni l’objet lui même ni son usage mais sa valeur qui est totalement relative à la reconnaissance des partenaires de l’échange. Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en œuvre d’une problématique de l’aménagement. Le master 2014 est la 7ème édition d’une démarche centrée sur le même territoire stratégique : l’Estuaire de la Loire. Chaque session est l’occasion d’explorer de nouveaux des arts de vivre, peu ou pas toujours reconnues par les experts et professionnels de l’aménagement. Cette maintenance d’un même territoire sur lequel s’invente chaque année une nouvelle problématique permet à chaque nouvelle intervention, de construire, strate par strate, un projet complexe où chaque expérience tisse entre les lieux et activités, des liens capables de réveiller des ressources occultées et d’inventer de nouveaux échanges et pratiques. Chaque session est donc à la fois un nouveau travail de reconnaissance et l’exploration d’un nouvel espace :

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- Lavau, Bouée, Saint-Étienne de Montluc, Savenay, Couëron, Indre, Cordemais, Donges, Paimboeuf, Rezé, Le Pellerin, … ont été touchées ou traversées par une démarche d’observation et la proposition d’aménager un lieu. Ce travail s’est poursuivi en 2014 à Bouguenais, Saint-Jean-de-Boiseau, le temple de Bretagne. Après « La métaphore d’une île, en 2013 », la thématique retenue pour le projet actuel « import/export » tente de retrouver sur les traces de la mémoire, la dynamique d’un « ménagement » capable d’inaugurer un processus de résilience in-situ.


Les étudiants réalisent sur le terrain avec les habitants et les acteurs qui interviennent à titre divers sur le site, un travail d’écoute et de repérage. Ils confrontent leurs analyses et projets avec les pratiques et avis des personnes rencontrées, sans oublier l’Estuaire de la Loire. prenante de la construction du projet. L’équipe enseignante associe à chaque étape de participation et/ou de négociation une démarche anthropologique à la construction et la programmation d’un projet d’aménagement. Les projets ne sont pas élaborés ici en circuit fermé (enseignants/enseignés). Ils sont adressés et présentés à ceux qui, sur le terrain, ont été sollicités et ont participé à leur élaboration. Cet ouvrage retrace la démarche et les projets proposés sur chaque territoire investi par l’équipe engagée dans ce processus. Ce livre, parce qu ‘il est une reconnaissance de « l’art de vivre » et « l’art de faire » sur chaque espace abordé, est un document lors de cette première « enquête-participation », présentant un repérage et de libres propositions.

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Voilà déjà une ancre qui servait pour mettre les corps-morts, alors c’était attaché ici là avec une grosse chaîne et un corps-mort comme ça, quand ils mettaient leurs toues ça restait bien ancré.

On appelait des rouches ça et on coupait des rouches de façon à faire voir aux gens qui viennent visiter comment c’était avant quand ils coupaient les rouches sur le côté. Alors ils faisaient des “javets”, on appelait ça des javets, des paquets de rouches comme ça.

Voyez-vous y a plusieurs sortes de bateaux de plates, on appelait ça des plates avant... et ça c’est une toue, avec les deux, à l’avant, il y a deux supports pour… et des membrures le long, et les petits anneaux le long c’était pour attacher les bêtes… on les mettait têtes bêches.

Quand est-ce que j’ai arrêté la pêche? en 82? oui en 82 c’était une cale avec les bords inclinés, avec un “piret” et on arrivait avec nos bateaux pour décharger le poisson (...). Donc on utilisait la souille et la souille était entretenue par les pêcheurs avec des “pelles à doue” on appelait ça. Légèrement incurvées, et on creusait et on rejetait toute la vase de l’autre coté… vous voyez, ça c’est rempli vite, mais ça se rempli vite quand même…

Voilà c’est une souille à l’état… bon bah c’est désastreux de voir ça comme ça. Mais à l’emplacement ici sous la vase il y a une toue qui est enterrée. Donc ils sont venus retirer toutes les alluvions qu’il y avait dedans et ils ont pris les modèles pour faire la toue qu’il y a là-bas

Alors là, lors des grosses marées, c’est l’endroit le plus bas ici,(...) il y a au moins déjà ça d’eau dessus et quand vous avez de l’eau sur la route là, y a ça. Aux grosses marées, quand il y a du gros temps, aux marées de 100, 110, ou aux marées d’équinoxes quoi. C’est bien parce

Sur ce terrain-là, il y avait une fourmilière de lapins. Maintenant il y en a plus un seul. On pouvait chasser ici, c’était énorme le nombre de lapins qu’on tuait.

C’est dommage de laisser un espace comme ça à l’abandon. Parce qu’il y a beaucoup de gens certainement l’été qui pourraient venir là, qui pourraient pique-niquer comme il y a les jeux pour les gamins làbas, ça serait quand même pas mal, puis ça fait passer des belles journées quand même au soleil.

Voyez-vous, il y en a encore un là. Alors ça c’était les amarres pour empêcher les barges de bouger, parce que quand même il y avait une entrée de courant assez importante. Et là c’était un endroit où on pêchait le saumon, de la truite saumonée à cet endroit-là… maintenant il y a plus de pêcheurs et y a plus de

pousser quand même.


Extrait de « Mémoires du marais, itinéraire de jacques », Ménager la lisière Èquipe Saint-Jean-de-Boiseau.

Méthode des itinéraires Jean-Yves Petiteau

Lors de la journée de l’itinéraire, l’autre devient guide, il institue un parcours sur un territoire et l’énonce en le parcourant . Le sociologue l’accompagne. Le photographe temps d’arrêt, variation du mouvement ou changement émotionnel perceptible. Le dialogue est entièrement enregistré. Ce dispositif ritualise la journée, l’équipe est repérable, l’expérience sera unique et non reproductible. Quelque chose d’explicite va se livrer dans l’instant. Il s’agit bien d’un rituel qui repose sur l’initiation du chercheur. Le parcours n’est pas seulement le déplacement sur le territoire de l’autre, c’est en même temps un déplacement sur son univers de références. Le territoire est à la fois celui qui est expérimenté et parcouru dans l’espace-temps de cette journée, et celui du récit métaphorique. L’interviewé nous livre en situation une histoire au présent et la mise en scène de cette journée particulière confère à son récit la portée d’une parabole. En acceptant le parcours d’une personne devenue guide, l’intervieweur aborde le territoire Le véritable déplacement consiste à abandonner sa propre lecture et à accepter la rhétorique de l’autre. La transaction, c’est oublier ses repères en gardant la trace de 17


Extrait d’ « itinéraire de Jérémy docker sur l’île Cheviré », équipe Bouguenais.

Vous avez de la chance, vous

L’exportation

arrive en série, mais les conteneurs arrive surtout par routier. Donc le

bateau arrive au port, décharge, là c’est contreplaqué.

Il y a 21 dockers professionnels à Nantes, et après il y en a des occasionnels. On fait ici, à la Roche Maurice, avant il y avait aussi le quai Wilson, mais ils ont préféré faire une boite de nuit.

on du

Ici c’est un bateau russe, donc c’est le langage de signes, on se débrouille. Mais on a demandé pour pouvoir évoluer, mais aussi

échanger sur les conditions de

travail. Parce que l’on côtoie des gens à l’international.

C’est un milieu assez fermé. Avant il y avait plus de monde, mais ça a changé. Quand nos pères ont commencé, ils étaient plus de 400. Il y avait le quai Wilson, le quai de la fosse. Aujourd’hui pour décharger un bateau on est 11, à l’époque il

avez le droit de rentrer là, mais tu vas en Espagne, tu vas à Saint Nazaire, il y a la police portuaire. Sinon il y a des gens qui viennent squatter, regarder ce qu’il y a. C’est une question de sécurité aussi. C’est vrai que le bois, ça coute cher d’une part, et puis ça peut être dangereux.

Les bateaux se retournent dans la zone d’évitage, parfois il sont é n o r m e s c ’ e s t

i m p r e s s i o n n a n t . C ’e s t

dommage, il n’y a qu’un bateau aujourd’hui. On ne connait pas tous ceux qui sont sur la zone, les dockers, les grutiers, ceux qui sont en jaune là… Après il y a beaucoup d’entreprises qui n’ont rien à voir avec le quai. Bon après ça fait travailler des gens, mais

bon ça aide

pas les portuaires.

Lui il habite Nantes, et mo

je me suis exporté à S

C’est un milieu fermé dans le sens ou c’est de père en fils. Notre père était

docker, notre grand père était docker, là le frisé c’est mon oncle, celui qui a le bonnet c’est mon cousin. Il y en a quelques uns qui ne sont pas fils de docker non plus.

Enfin c’est pas qu’on ne les aime pas mais c’est qu’un intérimaire qui vient,

jamais connu, il arrive ici, il y a des charges entre 3 tonnes, 5 tonnes voir plus, c’est vrai qu’il va arriver ici, il est perdu. On le comprend hein, mais c’est vrai que nous on a toujours connu ça avec nos parents, et c’est logique.

C’est vrai que depuis tout

petit

on voit notre père rentrer, travailler...

fallait être 50. Tout va toujours plus vite, c’est mécanisé.

18 C’est vraiment que les petits ports ou tu peux encore venir.

C’est vrai qu’on a tellement été dénigrés dans la presse qu’il arrive un moment ou tu as peur dès que tu vois un appareil photo.

On a nos marque de fringues aussi.Fier

quoi.

qui n’a

d’être docker

On est fiers de notre travail et on est là…

Les ra bouge

vienne

wago

sont d plus fi grues, des ba


Une fois enregistré et photographié, le récit/parcours d’un itinéraire est entièrement transcrit. Les clichés jouent le rôle d’une ponctuation musicale ; celle d’une grammaire dont les articulations ne sont pas intégralement explicites. Restitués dans le texte à la place et dans l’ordre de leur saisie, ils sont les marques de la chronologie du récit.

qui chargent l’expression sensible lors d’une translation orale. Le montage du récit et séquence cinématographique. La parole et l’image sont indissociables de l’appel ou de l’attente qui placent celui qui écoute et regarde, en résonance avec le contexte sur lequel se déroule le chant de l’énoncé. La lecture d’un itinéraire n’est pas un témoignage isolé. Les récits-itinéraires ouvrent à la compréhension d’un « habiter » parce qu’ils mettent en écho sur cette même question, des récits dont la résonance poétique et l’analyse nomment et marquent une

personnes peu ou rarement considérées, celle de pratiques oubliées ou négligées. Elles obligent « ceux qui savent » et « ceux qui décident » à désarticuler pour un temps une perspective trop univoque et se retrouver dans la position de celui qui doit traduire et retrouver la parole de l’autre pour valider la sienne. adressée, un appel « à suivre » une première énonciation, où la parole de l’autre s’empare du récit à son tour.

« Expérience n’est pas savoir ni non-savoir. Expérience est traversée, transport de bord à bord, transport incessant d’un bord à l’autre tout le long du tracé qui développe et qui limite une réalité. Penser n’appartient pas non plus à l’ordre du savoir. La pensée est l’être en tant qu’il pèse sur ses bords »1

1 Jean-Luc Nancy - Corpus, Paris, Métailié (L’Élémentaire), 1992.

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Anthropologie et projet Jean-Yves Petiteau

Depuis sept ans, nous avons construit ce master sur une interaction entre deux démarches : une expérience anthropologique et la mise en oeuvre d’un projet d’aménagement. Cette interaction dépasse la durée des phases sur lesquelles se construit d’ordinaire un projet pluridisciplinaire. Pour répondre aux commandes d’aménagement, l’équipe chargée de réaliser un projet formes ; de recueillir des informations sur l’histoire, la composition sociale d’une population, les activités économiques, le jeu des acteurs responsables du processus de décision. En deuxième temps elle mesure, évalue, hiérarchise, programme les éléments qu’elle propose, en traduisant sur un plan, l’échelle et la forme des éléments constitutifs du propose plusieurs scénarios qu’elle teste auprès d’un « échantillon représentatif » de la population et des acteurs concernés. Dans notre expérience pédagogique, l’interaction entre la démarche et la conception du projet se joue en permanence, c’est à dire se rejoue à chaque étape de sa réalisation. Les habitants et personnes concernées ne sont pas simplement sollicités pour évaluer les propositions du chef de projet. Ils sont rencontrés et écoutés dans le contexte de leurs responsabilités ou celui de leur vie quotidienne. Leur récit n’est pas un simple commentaire du projet présenté ; il fait surgir des pratiques inconnues ou des intuitions pratiques héritées d’une mémoire oubliée. Ces va-et-vient entre la table à dessin et le terrain de vie où se jouent les enjeux des personnes concernées (habitants ou acteurs) interactions dépassent le rôle habituel d’une évaluation ou d’une analyse. Ils deviennent progressivement les lieux de l’invention, de nouvelles propositions capables d’alimenter 21


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Parler/écrire Jean-Yves Petiteau

D’ordinaire, le travail d’écriture ; livre de bord ou carnet de voyage est présenté comme un exercice d’apprentissage : celui d’une « maîtrise de la langue pour apprendre les Si nous proposons aux étudiants et enseignants du master « arts de faire » de se retrouver régulièrement pour exprimer par la parole ou l’écriture les repères ou percepts qui accompagnent l’espace et le temps de leur projet pédagogique ; c’est pour les mettre en situation de « prendre la main », en échappant pour un temps aux modèles L’atelier « parler/écrire » n’est pas dissociable de la démarche de projet ; il se présente comme un rituel jalonnant le processus pédagogique, en permettant aux personnes engagées d’exprimer, reconnaître, se reconnaître en partageant leurs doutes et perceptions sensibles. permette de reconnaître, parce qu’il les nomme, ses tâtonnements et perceptions, comme la clé avec laquelle il construit sa méthode. Cet ouvrage ne peut retracer l’ensemble des propositions, dialogues, interactions sensibiliser à ces échanges et expressions vives, nous restituons, la retranscription texto d’un long fragment des deux séances réalisées pendant et après un voyage pédagogique à Bilbao.

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Le vendredi 25 Avril 2014 Bar Zubi Buru - Bilbao Parler/écrire #3 Edouard : Ricardo Basualdo au rendu a soulevé la notion de référentiel : Retrouver le référentiel : qui est-on par rapport à ce territoire d’étude? Que nous renvoie ce territoire-là? C’est ce que j’avais dessiné comme un prisme dans mon collage, savoir à qui l’on s’adresse lorsqu’on travaille sur ce territoire et sur quels usages s’accrocher. Je m’accroche, sur les trois sites que j’avais récupéré, aux pratiques qui ont disparu ou qui disparaissent avec les ports de pêche, le chantier de réparation. Je m’intéresse aux personnes qui y travaillent pour essayer de cerner pourquoi ils continuent à faire vivre ce lieu. Une chose qui me paraissait intéressante c’est la revalorisation de la matière même du lieu, la vase et la fabrication de brique. La revalorisation du territoire via ces lieux qui sont un peu cachés. Ce qu’on avait dit des aménités cachées, ça me parait intéressant et c’est ce sur quoi je veux travailler. Jusqu’où on veut aller, à qui on s’adresse? Jean-Yves : Mais, à qui poser cette question? Edouard : A qui poser cette question? Peut-être aux premiers usagers, à ceux qui un lieu, on doit l’inscrire dans une optique « économique » à très grande échelle? Ça me pose aussi cette question lorsqu’on me dit de faire une PME de fabrication de vase. Jean-Yves : Il y a une question d’échelle. La première question c’était qui est-on dans ce territoire, quelle référence? C’est un déplacement du projet ; on l’interprète par rapport à des références, ou par rapport à une commande. La deuxième question : « jusqu’où aller? ». Le plus important c’est l’énigme et ce qui n’est pas encore révélé, ce qui existe derrière une question mais qui n’est pas encore clair.

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Edouard : pépinière d’entreprise? D’un côté, il reprend ce qu’on avait dit sur les aménités cachées


et d’un autre côté il me dit de faire une pépinière d’entreprise. Cest-à-dire de donner une visibilité complète du territoire à une échelle autre. Pour moi, il y a quelque chose de contradictoire là-dedans. Jean-Yves : Audrey : Pour moi c’est encore cette question de reconnaissance : comment tu reconnais ces aménités cachées? Est-ce que tu les reconnais comme une force que ce soit caché et que tu décides de garder ce côté de petite échelle, que ce soit local et de l’ordre de la transmission ou est-ce que tu décides de l’ouvrir ? Implanter une pépinière d’entreprise, c’est nous qui décidons le programme, mais peutêtre que même si tu décidais de le faire, ça se ferait par étape. C’est peut-être un processus plus dans la durée.» Jean-Yves : Ricardo a envie de lire la suite et c’est un interlocuteur valable, justement parce qu’il n’est pas là, et puis il y a l’engagement que vous prenez par rapport à des personnes, ou des groupes de population que vous situez comme prioritaire. Un choix d’ordre politique et personnel c’est de se dire c’est cette activité là et ces gens-là qui sont prioritaires. Ça ne veut pas dire qu’ils sont les seuls mais vous choisissez de les privilégier dans cette reconnaissance. Si vous choisissez de répondre à un mode de vie ou à une demande implicite ou explicite d’une population, ce n’est pas répondre tout de suite à leur demande et la réaliser, il y a une stratégie. Ce n’est pas la même chose de répondre à la commande d’une municipalité, d’un groupe de profs, ou d’une société d’aménagement ou de répondre en disant que cette commande intéresse d’abord ceux que vous considérez comme prioritaires. Chérif : Il y a un vrai problème avec la question d’aménagement du projet avec le côté d’un côté je travaille avec des gens à qui je m’adresse qui sont là et en même temps c’est une super fabrique médiatisée, communiquée, je pense que c’est peut-être un vrai piège qui est qu’à chaque fois que j’installe le projet quelque part, je cherche à ce que ce soit géré … aménagé, organisé… Je pense qu’il y a une double-déformation, … Ça pourrait évoluer, ça pourrait prendre telle ou telle forme, mais je ne crois pas que tu es

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Jean-Yves : La question qui était posée par Ricardo lors de son intervention, c’est : à globale C’est une façon de privilégier des personnes… C’est important et c’est souvent cru, qu’il soient pêcheurs ou travailleurs, et une nouvelle population, ou des touristes. Savoir ce que vous vous visez comme prioritaire dans ce projet, … Ça n’empêchera pas a ce chantier, cette activité ». Là, ça vaut le coup de ne pas conceptualiser en général tout de suite, et de se dire : « là, il y a cela, et il y a ceux qui font ça. Est-ce que je leur Edouard : c’est pour ça qu’il faudrait que je retourne voir ces personnes là… Après je pense que ça s’adresse aussi à tous les Boiséens entre guillemets, à tous ceux qui ont au marais, ce type de pratiques… Jean-Yves : Ça veut dire s’appuyer sur ceux qui sont impliqués aujourd’hui. C’est presque les élire comme des guides ou des passeurs. Ça s’adressera peut-être à tous les Boiséens, mais la reconnaissance, c’est autant écouter ce qu’ils savent, que de les rencontrer pour ce qu’ils peuvent faire passer. C’est un peu les passeurs dans notre société…[silence]… Edouard : Je ne sais pas si je peux dire beaucoup plus … Jean-Yves : J’ai envie de savoir quelles sont les personnes où les groupes … ceux du chantier.

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Edouard : Ouais le chantier, l’association qui répare les toues… Je pense qu’il faut aussi que j’aille voir ceux qui font vivre le marais, il faut que je retourne voir Ardois. Je pense que ce sont peut-être les trois premiers interlocuteurs qui sont en lien avec les trois


lieux d’accroche que j’ai choisi : la petite cale, le chantier de réparation et le chantier Marlo. Jean-Yves : Edouard : Ouais, et puis des traces passées, parce qu’il y a eu des aménagements aussi… je pense que pour moi c’est le point de départ. Jean-Yves : En les rencontrant, il y a plusieurs récits ; Ce qu’ils sont, ce qu’ils font, il y a leur histoire, et savoir ce que ça veut dire aujourd’hui, parce que ce n’est pas la même présents de ce qui revient ; une sorte de résilience… Avec Ardois, on sort de la thématique de pêche, c’est une nouvelle problématique : ceux qui sont dans le marais, ceux qui sont au bord, ceux qui sont dans la Loire… Edouard : ils travaillent avec la petite rivière aussi… Ils sont au niveau de la petite cale, ils étaient en lien avec tout ce qui se passait ici… C’est pour ça que j’aimerais bien leur parler, savoir comment ils se placent par rapport aux autres. Ça peut être révélateur de la place de ce territoire et de ses usages, au travers de ce que eux,ils ressentent… Jean-Yves : Ça donne une reconnaissance de leur parole, et l’amorce d’un projet… C’est pas pour rien que tu dis : « leur parler, et les écouter ». Ce n’est pas simplement un témoignage, c’est en acte. Eux disent que le lieu existe, sur lequel quelque chose peut Edouard : Les autres ont peut-être quelque chose à dire ? Simon : Tu veux que je relise ce que j’ai écrit ? [rires] Jean-Yves : Tu peux redire ce que tu ressens fort. Écouter, c’est toujours déformer. Il n’y a rien d’exact dans une écoute, et heureusement, c’est une résonance… de ce qui se transmet. C’est pour ça que ça permet d’expliciter… 27


Le vendredi 23 mai 2014 Ensan - Nantes Parler/écrire #4 Bohra : du passage fait-elle sens pour le piéton contemporain? Le quartier Madeleine Champ de Mars qui est le quartier dans lequel j’habite et dans lequel je connais pas mal de monde, était une zone d’aménagement concerté. L’idée était de revaloriser le patrimoine, ils ont réactivé tous les passages qui étaient privés. Il y a eu tout un jeu de négociation entre les propriétaires de ces passages et la ville. Peuvent-ils être une réponse spatiale aujourd’hui ? On parle de la marche en ville et de faire la ville des proximités. Qu’est-ce que la ville des proximités ? Est-ce que ces passages n’ont pas des qualités qui répondent à cela ? Qu’est-ce que le piéton contemporain ? Est-ce que l’on marche pour faire des promenades urbaines ou est-ce que marcher aujourd’hui est-ce un problème ? … Justine : Je ne connais pas les passages du Champ-de-Mars, moi c’est Trentemoult. C’est un lieu que je ne saurais décrire mais c’est un lieu dans lequel je vais seule des fois respirer, me perdre. Je ne sais pas pourquoi mais j’adore me perdre. J’ai ma petite place que j’aime bien mais je n’emprunte jamais le même chemin parce que je me paume tout le temps. Ce sont des petits passages, où parfois j’arrive chez des on se demandait si c’était une idée de franchissement, de seuil ou bien de venelles… Bohra : Est-ce que les espaces où il y a du mouvement en ville doivent être considérés comme des lieux ? Tu parlais des seuils, c’est comme si tu entrais dans un espace mais c’est un espace en mouvement, un espace public ? 28

Jean-Yves :


lieu. J’ai l’impression que le seul moment où l’on dit : un lieu existe. C’est quand il s’agit d’un lieu emblématique, ou reconnu par des personnes médiatisées. « Passages », les passages du XIXème de Walter Benjamin, c’est à Paris. C’est à la fois la reconnaissance d’une capitale avec la Culture et ç’est un assemblage des fantasmes, des attentes de ce que peut être la ville. Madeleine Champ de Mars à Nantes ou Trentemoult à Rezé, c’est plus discret, dans un rapport d’ intimité, reconnu, qui a un intérêt, qui peuvent-être de symboles ou de lieux de mémoire. Bohra : Du coup cela nous pose question : Comment concevoir le vide et les espaces en mouvement ? Est-ce un chemin, une route et qu’y fait-on ? Nous n’avons pas beaucoup Je voulais savoir comment chacun, dans son projet, prenait cela en compte et est-ce tisser le projet ? Olivier : C’est vrai que dans notre projet on avait l’idée de développer des cheminements alternatifs qui seraient là pour donner la possibilité aux piétons de s’écarter de la route hyper passante et créer des espaces plus intimes qui auraient une atmosphère

Bohra : Mais du coup, d’où viennent nos choix ? On a eu tendance à toujours mettre les piétons à côtés des voitures et c’est un schéma qui se répète. Alors pourquoi en vienton à cela maintenant ? J’ai l’impression qu’il y a une envie d’autre trajectoire en fonction Olivier : Nous concernant, c’est vraiment un truc qui est ressorti des ateliers publics. voitures. Du coup, ils avaient envie de se rendre aux mêmes endroits mais par d’autres chemins. Ils étaient vraiment gênés car c’est l’une des raisons qui les empêchent de sortir.

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Audrey : Par rapport à ça, la ville s’est vraiment organisée autour d’un axe, où très vite on voit la campagne derrière, on nous a parlé d’un lavoir, de petits trésors qui sont cachés sur les côtés, on voulait aussi travailler sur la lisière avec les champs. Olivier : C’est ce qui liait nos projets. Une sorte de connexion qui permettait de recréer du mouvement dans un bourg qui a été privé de l’échelle piétonne. Bohra : Oui c’est une question d’échelle aussi. Simon : Dans mon site, c’est un petit peu pareil. À l’arrière des parcelles il y a un l’entrée principale sur la rue qui permet de faire des choses. Ils sont un peu plus ; lieux

Justine : J’ai eu l’impression d’arriver dans le jardin d’un monsieur, je ne savais pas où j’étais, j’ai continué le chemin et je suis tombée face à une porte mais comme une porte de sortie mais je n’ai pas trop compris et je me suis dit « mais j’ai pas vu d’entrée » et j’ai l’impression qu’il fallait la clef pour sortir sauf que je ne me suis jamais vu arriver quelque part. C’était très bizarre comme sensation. C’était intéressant, avec Delphine. Simon : Il y a un côté indéterminé. On sait jamais ni où on va, ni où on est, ni le statut de l’espace dans lequel on est. Borha : Du coup si c’était plus créé, plus aménagé, tu penses que ça perdrait toutes ces pratiques ?

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Simon : Je ne pense pas forcément. La richesse, elle vient du fait qu’ils sont cachés, pas forcément qu’ils sont sauvages. Certains qui ont été viabilisés par la mairie, dans lesquels maintenant ils peuvent amener leurs voitures et il y a quand même des usages qui continuent à se développer, c’est lié à la voiture et au vélo. Je pense que ce qui est important c’est le fait qu’il n’ y a pas cette frontalité qu’il y a dans la rue.


C’est pas la façade de leurs maisons, du coup c’est plus dur. Borha : C’est aussi derrière la maison, c’est ce que tu ne caches pas ; ce que tu montres. Simon : Et du coup ce que tu montres plus facilement, parce que c’est très facile de voir dans le jardin des gens, il y a beaucoup de parcelles où il n y’a pas de clôtures. Jean-Yves : Il y a votre expérience. Là ça m’évoque le bouquin de de Certeau : « Art de faire » ; Au sommet du World Trade Center, il dit : là on voit la ville. On voit les échelles, les orientations, les buildings, les monuments, l’espace public, l’espace privé. On voit tout, on peut superviser, et on peut savoir où on est et on peut hiérarchiser la représentation par le vide. En général, c’est ce qu’on donne à voir. Il dit : la ville commence aussi quand on descend en bas et quand on marche, il dit : on ne voit plus parce que tout bouge. On voit des évènements multiples, bordéliques, dans tous les sens. Il y’a une multiplicité de sollicitations, on perd l’unicité du sens. Par contre : on marche et la marche nous fait découvrir autre chose que ce que l’on croît accessible par la vision perspective. L’idée d’avoir à découvrir, c’est quelque chose qui est lié à progressive en termes de processus. Quand vous êtes en train de faire un projet. On se alors que c’est le processus même qui crée le lien qui fait lieu par la progression et l’attente. La question, n’est pas le problème de se perdre ou de savoir où l’on va, c’est de donner à voir des liens entre un espace et un autre, un lieu et un autre. L’imaginaire, l’attente est aussi importante ; c’est elle qui construit l’évènement. Cette perception du temps permet de lier une chose à l’autre. On le repère, on en parle presque quand on marche, on vit cette expérience comme une aventure, mais de là à récupérer cette expérience pour problématiser un projet ? Borha : C’est comme ton expérience : chaque fois que tu vas à Trentemoult, je suis pas sûre que tu puisses vraiment faire un plan. Pourtant on est un peu sensibilisés à ça, arrives vraiment à capter cette systémique.

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Justine : Qu’est-ce que tu entends par faire un plan ? Borha : Comme tu y es retournée plusieurs fois, comment sont les rues, l’espace public ? Justine : Je le vis vraiment. Après je ne sais pas pourquoi je l’explique comme ça. Borha : On a l’impression de mieux le connaître aussi. On l’a vécu. Il y a plein de choses dont on se rend compte comme les échelles… […] Des choses qu’on n’arrive pas du tout à repérer en plan. Jean-Yves : Quand on va sur des territoires qui ne sont pas tout à fait normalisés, exemplaires ou modélisables. Au début est ce qu’on s’emmerde, est ce que c’est intéressant, est ce que ça va donner quelque chose… Et en même temps, c’est à cause de cette inquiétude, de ce doute, que quelque chose peut apparaître. Cette globale, panoramique ou perspective, c’est autre chose qui se met en route dans une perception d’ensemble. On a du mal à se dire, à revenir sur ce que l’on a perçu, ce qui nous fait donner une valeur à quelque chose que l’on a reconnu pour le traduire en processus d’aménagement. Madeleine Champs de Mars ; je me souviens d’un architecte qui m’a fait découvrir un petit passage : « J’ai découvert ça. j’étais le premier à avoir acheté ça » disait-il. « Et puis j’aime bien qu’il y ait des amis, des gens que j’estime, qui partagent cette découverte. » Et il me disait « Ça me fait chier de voir des architectes qui systématisent cette découverte des cheminements parallèles, à ce moment-là, il n’y aura plus de découverte ». Le côté privilégié, qu’il veut garder pour lui qui n’est pas visible, qui est de l’ordre de l’initiation partagée … , le paradoxe, si on veut trouver l’intérêt de ces cheminements, oblige à repenser ce qu’est le processus d’une marche, d’une promenade libre, non déterminée par un objectif, là où on commence de l’ordre du savoir, pour reconnaître et faire apparaître quelque chose. Le paradoxe c’est que si c’est marqué noir sur blanc dans un bouquin ; comment se passe ce type 32

une problématique, l’inconnu est relatif, essentiel à cette découverte. Il faut pas que


quelque chose soit spectaculaire. Il faut que quelque chose soit perceptible dans une démarche. Bohra : Après j’ai la sensation que nous à l’école d’archi on ne nous a pas donné les outils pour exploiter à fond ces éléments là... qui sont les chemins mais jusqu’à très exactement le type de cheminement qu’on veut… Comment on en parle. On dit je veux des chemins… je sais pas, de traverse… mais c’est hyper vague en fait. (...) Y’a un million de façons de le faire. C’est des questions que je me pose personnellement en ce moment (dans le projet). C’est parce que justement, faut que ce soit vu, et en même temps c’est pour qui, et si ce n’est que pour une certaine population dans le quartier, ce n’est plus un espace public et démocratique. (…) Rien que la taille du passage va venir conditionner le fait qu’il y ait beaucoup de gens ou pas. Jean-Yves : Oui. Bohra : En fait, ces espaces-là, et les façons dont on les aménage, conditionnent énormément les gens parce qu’on conditionne la marche et parce que la marche, c’est une chose qui a toujours été conditionnée ou pas, mais voilà. Et je trouve qu’on n’a pas du tout conscience de ça en architecture. On parle de promenade sur les quais, ou du design du mobilier urbain mais ce n’est pas que ça quoi. Chérif Hanna : Si il faut ! Il y’a des sociologues dans cette école… (rires) Bohra : Oui mais comme on n’a pas beaucoup de cours non plus avec les sociologues… Chérif Hanna : Après les sociologues vous donnent des cours sur le logement social, sur la question des politiques sociales, des enjeux… Bohra : Mais ça je dis pas qu’on ne l’a pas eu. Justement, on l’a eu, mais ce n’est pas possible de tout faire. On n’a pas le temps de tout avoir quoi…

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Chérif Hanna : Oui ce n’est pas possible. Bohra : … C’est pour ça. Et puis on n’a pas eu beaucoup d’urbanisme… Chérif Hanna : Oui mais c’est aussi une approche sensible de l’espace. Borha : Oui. Mais moi je me sens un peu naïve par rapport à ces questions là. Même quoi! (rire général). Non mais, je penses qu’on a tous eu ce truc où on aime bien notre bâtiment et bah l’espace public… on a fait ce qu’on pouvait. Chérif Hanna : Mais quand est-ce qu’on vous a parlé de Georges Perec par exemple ? Justine : Tout le temps, mais on ne le lit pas. Simon : Ça dépend… En première année avec Macian… mais plus sur le logement. Sur «Espèces d’espaces», la relation aux pièces… Justine : On en entend souvent parler mais après… On entend son nom je veux dire. C’est vrai! C’est une des références ? (silence) Jean-Yves : C’est un peu le paradoxe. Dans un état de révolte, d’abord de dire : toutes les représentations classiques qu’on nous distribue, c’est des plans, des modèles hiérarchiques, qui reproduisent un ordre social, un ordre qui nous empêche de voir, de nous immerger dans le fond, de percevoir des émergences de sens et de rapport à l’autre et au lieu qui sont le plus souvent éteintes, censurées, rejetées, dévaluées… Donc, toute la démarche, c’est d’essayer d’apprendre à se perdre soi-même, se mettre

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multiplicité émotionnelle de sensations qui nous permettent d’obliquer, de changer d’avis, de douter de soi, et d’accepter, de ne pas dominer tout de suite la situation.


Être pris, se laisser prendre. Le situationnisme a eu un sens parce que ça permettait de pouvoir dénoncer l’ordre hiérarchique habituel, et rêver de réinventer une société subtil, dans l’approche d’un lieu ou d’une démarche pour que les sociétés s’écroulent, comment, en étant professionnel valoriser ou inventer des rapports de proximité des lieux ou des espaces qui peuvent être parcourus ou redécouvert sans que cela ne devienne un nouveau modèle. Comment inventer, des rapports entre les lieux, les espaces et les gens autrement que ce qui est univoque, permis, exemplaire dans un modèle social reconnu ? Le problème c’est de passer de la construction des modèles justement, à d’autres personnes de retrouver cette liberté. Borha : Permet… quoi ? Jean-Yves : Que chacun puisse faire son agencement. Et pas seulement en marchant. En marchant il peut penser, penser à autre chose. Construire un enchaînement autre des événements et des éléments qui donnent sens. Un travail qui consiste à ne pas se contenter des formes qui reproduisent et accepter des formes qui permettent un décalage ; c’est pas évident. Borha : Ah, je pense qu’on n’est pas capables… On n’a pas les outils aujourd’hui pour faire ça . Jean-Yves : On est dans ce paradoxe, en ce moment. Borha: Oui, oui. (silence) Jean-Yves : Je ne vois pas comment en parler autrement qu’ en parlant de nos expériences là où elles sont, et au moment où on les vit. Pour reconnaître un espace, un lieu, il faut que ça fasse écho à la reconnaissance d’autres personnes. Ce qui ne veut

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pas dire que ce soit des modèles. Être reconnu, ça ne veut pas dire que l’autre ait envie de faire exactement la même chose. Ça fait écho. (silence) Jean-Yves : Ce que j’entends, dans la découverte, des trois lieux où vous avez travaillé, c’est pas la découverte anecdotique d’un endroit, d’un espace privilégié. Le fait de prendre un temps, une durée dans sa mise en mouvement, que vous ne lâchez pas prise et que vous vous laissez emmener dans une aventure, telle que, le sens de ce que vous avez découvert n’est pas immédiatement perceptible. Il y a un décalage temporel : j’ai pris trois heures pour aller quelque part et que je me suis perdu, mais pas complêtement, et d’un coup me sont apparus un certain nombre d’éléments qui me permettent de dire il y a une qualité ou un écho ou un sens qui apparaît entre ces éléments dont la lecture n’est pas immédiate. qu’il y a un décalage entre le temps du recueil et ce qu’on a compris des rapports entre les éléments dans le mouvement de la découverte. moyens avec lesquels on peut représenter et donner à lire ces choses, ce n’est pas pour rien que Jacques Lévy parle de faire du cinéma avec la géographie… C’est trouver des moyens parallèles pour établir des transferts, construire une représentation autre

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Bohra : Du coup dans son projet, Natalya parlait des jardins des pavillons et d’une action publique qui pouvait venir changer le privé aussi. La question que je me pose c’est : est-ce que à l’heure d’aujourd’hui, un espace qui n’est pas complètement public mais justement, parce qu’il est en négociation avec le privé, cela ne lui donne pas plus de qualité et plus de capacité d’appropriation ?… est-ce que c’est quelque chose qui fait sens dans vos projets aussi ? Parce que je me demandais pour toi Simon, tu dis : « c’est aussi parce que c’est caché et qu’il faut que ça reste aussi caché »… mais alors c’est quoi ? c’est un espace public ou c’est vraiment des passages privés ?


Simon : tous donc qui ont un statut un peu public… mais comme ils restent cachés… Bohra : Oui, ils n’appartiennent qu’à ceux qui les connaissent. Jean-Yves : Comme un secret qui se dévoile. Une distorsion entre être dans un espace dit public et pouvoir avoir des pratiques très intimistes qui sont des surprises ou l’inverse. Bohra : C’est le cas vraiment à Trentemoult, tu te demandes toujours si tu es chez les gens dans leurs cours, ou si tu es dans une rue. Et ça met mal à l’aise et en même temps c’est très excitant. C’est ça qui donne tout son charme. Et du coup c’est comment nous en tant que concepteurs de la ville on joue avec ça ? Jean-Yves : Ce qui est cinématographique, c’est l’histoire de cette porte, trouver la porte de sortie en se disant comment je suis rentré là. L’évidence ou l’identité, ça reste une énigme. Quand l’identité n’est qu’ un monument, c’est mort. Ces petits moments de la découverte, quelle que soit l’échelle, ce n’est pas rien. Ça a voir avec les démarches de Perec, ou de de Certeau. Le jalonnement de ces moments sensibles qui nous déplacent, qui nous décalent, c’est t un travail de reconnaissance. Cette reconnaissance peut être un travail de construction, un assemblage, capable de faire lieu. Ce qui nous étonne ne renvoie jamais à un sens univoque, ça nous renvoie à une multiplicité de résonances et d’échos. On ne peut pas dissocier la perception, de la découverte, de la séduction de ce qui nous plait, de ce qui nous déplait. C’est le premier temps de l’approche qui nous permet de réagir. Ce qui nous étonne ne peut pas être maîtrisé d’entrée de jeu. Et le paradoxe, c’est que ce qui nous déstabilise,ce qui nous rend faible et fragile, c’est ce qui a un sens. Audrey : « Public, privé et ce côté caché, que je trouve assez amusant. On se demande si on est dans le jardin des gens ou pas. C’est un endroit où on ne va pas comme ça. Pour revenir sur ton idée de passage, ce qui est marrant c’est quand tu es sur le 37


lorsqu’on est dans cet entre-deux parce qu’il y a cet aspect de jardin privé. Le fait qu’il y ait des jardins privés d’un côté et des potagers de l’autre. Cet endroit apparaît comme appartenant à tout le monde. Le côté passage, chemin, reste dans l’esprit public ; tu te sens moins chez quelqu’un en particulier, c’est moins dérangeant. esprit c’est davantage cloisonné et marqué. Ici ça ne fait pas chemin, c’est serré entre des choses. Ici, c’est séquencé je trouve. Borha : Après, dans le projet il y a aussi des passages dans des nouvelles constructions publiques et tu comprends bien que ces passages sont pour amener à ces constructions là, donc personne ne les prends. C’est important de voir comment est perçu l’expérience sensorielle. Quelle liberté est donnée dans ces espaces là. Sensoriel, deux mondes. Dans la gare, il passe à travers un mur pour accéder à un autre monde. Jean-Yves : Cela me fait penser à Jacques Levy qui disait : « moi je vais faire du cinéma sur l’espace ». Mais faut faire attention car parfois c’est mal fait. Il y a un paradoxe ; enchaînement est donné à voir sur une interaction complexe. Les lieux ont du sens parce que l’homme y est. Dans votre l’itinéraire, il y quelque chose de répétitif, comme une sorte de chanson dont les couplets, en répétition et en résonance, peuvent révéler ce qui se passe autour. La question, c’est d’articuler ces moments de découverte première aux moments de l’écriture du projet. Cela permet de faire d’autres liens ; une autre construction par le parcours, un nouvel agencement. On n’a pas les mêmes perceptions de l’espace ou du parcours suivant les moments où on est seul à l’arpenter ou lorsqu’on est ensemble. C’est parfois la première approche lorsqu’on est ensemble, mais seul qu’on est plus

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de choses nous apparaissent parce qu’on est sensible et vigilants à tout ce qui peut nous surprendre. Il y a autant de moments où on est seul que de moments où on est


l’attention portée. La question n’est pas d’être seul ou non. Borha : C’est marrant parce que c’est vrai qu’en marchant… moi je me sens très vulnérable en marchant. Alors qu’en vélo il y a à peu près les mêmes espaces et je me sens pas vulnérable. Justine : C’est une question de temps. La manière de marcher aussi… la tête basse ou la tête haute. Jean-Yves : C’est intéressant les lieux où l’on se met à ralentir, à faire attention ou à accélérer c’est même une résonance du lieu. Les souvenirs que j’ai déclenchent une analogie avec les moments ou les lieux que j’ai découvert. C’est reconnaître un espace… en écho. J’ai en mémoire ces moments où j’ai marché longtemps de nuit dans la ville. Quand il y a une tension émotionnelle on voit des choses. C’est souvent des situations de décalage.

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Collage d’Yves Brunier, Paysagiste.

Collages Chérif hanna

Agencements

La technique du collage consiste à prélever un certain nombre d’éléments dans des œuvres, des objets ou des messages déjà existants et à les intégrer dans une création nouvelle pour produire une totalité originale où se manifestent des ruptures (discordances) de types divers. Les éléments prennent une valeur dans la mesure où ils sont isolés de leur contexte habituel et participent à un montage original. Une activité plastique qui permet de réaliser des agencements d’éléments disparates sans que les parties soient liées dans des rapports « organiques » dans une formation close.

Ready made

Louis Aragon fournit, à propos des papiers découpés de Matisse, une analyse du processus du collage : « Dans la peinture traditionnelle l’artiste part de zéro, du blanc, du vide, mais dans le collage, le point de départ, c’est l’objet donné, l’objet non peint sans doute, mais qui se

l’objet initial, l’objet réel, emprunté au monde extérieur semble peint…,… une manche retournée demeure une manche. » « Chez Max Ernst, il en va tout autrement. Les éléments qu’il emprunte sont surtout des éléments dessinés, et c’est au dessin que le collage supplée le plus souvent. 41


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Collage collectif « faire lien » : Borha Chauvet, Marion Thomazo, Bruno Bermudez, Rossila Goussanou, Delphine Courroye, équipe Bouguenais.

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collage cubiste dont l’intention est purement réaliste. (…) Tous ces éléments serviront à Ernst pour en évoquer d’autres par un procédé absolument analogue à l’image poétique. Toute apparence, notre magicien la recrée. Il détourne chaque objet de son sens pour l’éveiller à une réalité nouvelle. » « Et si tout ce qui est ainsi extraordinairement ordinaire trouve par hasard quelqu’un pour en ressentir l’insolite. » « Il est certain que le merveilleux apparaît à celui qui peut le considérer avec lenteur comme une instance dialectique née d’une autre instance perdue. Le merveilleux s’oppose à ce qui est machinalement, à ce qui est si bien que cela ne se remarque plus, et c’est ainsi qu’on croit communément que le merveilleux est la négation de la réalité »1.

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Comment instaurer une tension entre des objets dessinés et des fragments matériels du monde réel? c’est-à-dire valorisé pour ses propriétés qui n’étaient pas explicites au préalable. Le collage n’est pas seulement un procédé technique mais surtout une structure lieu où s’inventent des structures de pensées alternatives. Le collage est une procédure de conjonction de type et/et (opposée à la disjonction exclusive de type ou/ou). Il permet d’explorer toutes sortes de combinaisons inédites, qui elles mêmes, en fonction des résultats solliciteront des reprises et d’autres métissages imprévisibles. Un désir d’expérimentation sans certitudes absolues. 44

1 Aragon Louis, les collages, collection savoir, Hermann, Paris, 1980 (1965)


Plan game

« Le plaisir du jeu résidait plutôt dans la transgression du tabou éclectique. A une époque où le fonctionnalisme ambiant ne tolérait pas qu’une composition spatiale puisse exprimer d’autres conditionnements que ceux de ses contenus programmatiques, des techniques constructives et de l’« esprit du temps », cette manière de façonner des espaces avec des systèmes constructifs hybrides, des plans indéterminés en canaillerie. Pourtant, ce jeu avait un fondement sérieux : Il postulait que la relation d’une une puissante ressource d’expression et d’innovation, dont l’histoire de la langue et des Si les formes disposent d’un réservoir de polysémie qui les immunise contre le passage du temps et leur permet à tout moment d’accepter de nouveaux contenus, de nouveaux usages, d’être acclimatées dans de nouveaux environnements, le procédé du collage et d’initiation à la poésie d’espaces joyeusement et savamment désordonnées. »3 3 Malfroy Sylvain, EPFL, Lausanne, Laboratoire d’histoire de la ville et de la pensée urbanistique, in présentation de Collage City, Rowe Colin, Koetter Fred, collection Archigraphy, In Folio éditions, CH, 2002.

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« Le renard sait bien des choses, mais le hérisson sait une grande chose »4 L’hérisson pose la primauté d’une seule grande idée, le renard s’expose à une multitude de stimuli. « La pratique collagiste, telle qu’elle se présente aussi bien dans un papier collé que dans une composition de ‘sampling’ musical, opère des resémantisations de formes existantes. Elle insère et retravaille des corps étrangers dans un contexte représentationnel donné, non seulement pour troubler le rapport entre le réel et sa obligée de tenir compte de mécanismes d’intégration et d’introjection d’habitus de lecture, de décodage et de perception exogènes. (…) Au delà, il est possible de dire que qui procède par des gestes circonscrits de liaison et de déliaison entre les éléments qu’il met en jeu. »5

Le collage : un dispositif de synthèse de l’hétérogénéité

La dimension philosophique du collage (déjà annoncée par Aragon en 1965 dans Les Collages, Paris, Hermann) mérite donc d’être considérée comme phénomène propre à la modernité : O. Quintyn considère qu’il recouvre une « opération de symbolisation qui prend nécessairement une dimension cognitive » (p. 21). Il s’agit de démonter un problème épistémologique majeur dans la représentation du monde à partir du collage, s’appuyant sur la théorie de l’incommensurabilité6 énoncée par Paul Karl Feyerabend pour tenter de démontrer que le collage en est la manifestation plastique. qui les englobe de façon plus large, peut leur ménager un sens, même si ce sens dénonce l’absurdité des assemblages. « Cette logique implique qu’il n’y a pas un seul monde vrai, mais plusieurs modes de construction de mondes possibles simultanés, en postérieurs peuvent articuler » conclut O. Quintyn (p. 25).7 4 Berlin Isaiah, The Hedgehog and the Fox, Londres, 1953 5 Quintyn Olivier, Dispositifs/dislocations, Lyon : Al Dante / Questions théoriques, coll. « Forbidden beach, », 2007, 144 p., EAN 9782849571156. 6 Quintyn emprunte à l’épistémologue Paul Feyerbend la notion d’incommensurabilité. Sont incommensurables des vocabulaires dont les

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7 In Magali Nachtergael -»Le collage : une lecture épistémocritique du réel», Acta Fabula, Notes de lecture, 2010


Collage de Natalya Yankovska, ĂŠquipe du Temple de Bretagne.

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Le projet n’est plus là où il était ! La réinvention de la notion de projet déplace le rôle de l’architecte : arts de vivre et arts de faire… Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau

Le métier d’architecte, s’il est devenu une profession hybride entre architecture et urbanisme, n’est plus seulement reconnu comme celui de l’auteur d’un bâtiment ou Son rôle est moins celui d’un acteur dominant, chef d’équipe ou le responsable d’une hiérarchie des valeurs ou fonctions culturelles, que celui d’un écoutant, capable de mettre en relation des connaissances et des hommes dans des situations paradoxales ou énigmatiques, révélatrices d’une évolution ou d’un changement.

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Son rôle est multiple : - Celui d’un négociateur permanent : Entre ceux qui détiennent les clefs d’une compétence et les représentants d’un pouvoir décisionnel. - Celui d’un technicien/artiste capable d’élaborer et coordonner la réalisation d’un projet «en dur» avec son expérience, savoirs et savoirs faire. - Celui d’un metteur en scène, capable de reconnaître et mettre en récit les pratiques et arts de faire que les habitants énoncent ou expérimentent à la fois «in» et dans le processus de réalisation du projet.

Crise de la technocratie ?

Le projet participatif aujourd’hui n’est pas seulement un soin palliatif ou un pansement qui accompagne un projet urbain, mais bien une dynamique constructive qui sollicite la mise en œuvre d’une intelligence collective. La participation surgit au sein d’un processus d’aménagement, comme la nécessité d’une reconnaissance capable de valider un lieu par l’art de faire ou le dire des personnes qui l’habitent. La reconnaissance d’un territoire, qu’il s’agisse d’un espace public, privé ou d’un bâtiment nécessite la ritualisation concrète d’un rapport d’échange. Les pratiques ou récits habitants ne sont pas une simple évaluation « après coup » d’un bâti, mais l’énonciation et la mise en scène d’un rapport à l’habiter, le rite de passage d’un projet à l’épreuve d’une réalité.

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La participation n’est pas, après coup une assurance sociale pour les « auteurs » d’une politique de la ville. Elle est « stigmate » d’une crise de la technocratie. Les hommes politiques, lorsqu’ils présentent un projet de ville, imposent leur rhétorique. Pour échapper à toute emprise subjective, leur récit entretient au nom de la fonctionnalité et au service de la rationalité, avec l’abstraction, un rapport pervers parce qu’il dissocie le projet de ville du « projet de vie » de chaque habitant. Cette langue de bois recouvre tout échange et dialogue capable de négocier un projet dont le sens repose sur l’ouverture de chaque interaction. Aucun modèle ne nous livre une méthode assurée pour appréhender, construire avec


des pratiques éprouvées, une « fabrique de la ville ». Les citoyens sont aujourd’hui des « personnes ressources » incontournables pour établir un bilan critique de la ville. Ils posent in situ une question concrète ; celle de l’habiter. Après l’évaluation des compétences professionnelles, sociales et politiques des acteurs reconnus, un dernier bilan est nécessaire : celui de reconnaître les paroles et pratiques citoyennes pour produire un projet de ville.

Nouveaux enjeux de la participation

La situation actuelle n’est pas le simple produit d’un héritage ou d’une reproduction. La question de la mobilité concerne l’ensemble des territoires. Elle le contamine à toutes les échelles. On a longtemps opposé grandes métropoles et monde rural. territoires métropolitains. Si la mobilité et le déménagement sont, sur l’ensemble du territoire, devenus rituels du processus de « ménagement » ; les termes d’adaptation et d’assimilation sont incapables de rendre compte des échanges et interactions sur lesquels se construit chaque fois un rapport de citoyenneté. La reconnaissance de l’autre, par l’échange ou la parole, implique sur l’ensemble du territoire, l’instauration de nouveaux rapports d’hospitalité. La mise en scène de la ville passe aujourd’hui par la reconnaissance et l’instauration de ces nouveaux rites d’hospitalité.

Pédagogies

L’expérience pédagogique menée par Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau, dans le cadre de l’enseignement d’un master successivement intitulé : « Fragments métropolitains », puis « Estuaire 2029 » tente sur des terrains concrets, de problématiser ces questions. Ce master a été, depuis 2007, le lieu d’une démarche pragmatique articulant récits et arts de faire de personnes et compétences d’ordinaire distinctes. L’objectif pédagogique, ou la réalisation objective d’un projet.

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Expérience et reconnaissance

La démarche est établie sur le déroulement d’une expérience partagée : - Entre étudiants et intervenants partageant leurs compétences et savoir-faire, - Entre un collectif, à l’écoute et à l’observation d’un territoire, et ceux dont la vie Cette expérience met en dialogue deux aventures ; celle de l’écoute et celle de l’habiter sur laquelle se négocie un projet. La reconnaissance par chaque étudiant de sa démarche, autrement dit sa capacité à faire méthode en problématisant son expérience, dépasse la performance d’une proposition urbaine ou architecturée. Cette pédagogie, repose sur l’articulation permanente de compétences ; celles des et celle des artistes, chercheurs et acteurs ; ressources sur des territoires concernés par l’aménagement ou le ménagement. Par rapport aux références habituelles ; cette pédagogie est paradoxale : sa mesure est le temps d’une expérience. Une intervention fondée sur la reconnaissance ; celle des interactions entre « les passants considérables » d’un lieu et ceux que l’on reconnaît d’ordinaire comme acteurs, et la mise en rapport des récits de ces expériences.

« Ainsi, éliminer l’imprévu ou l’expulser du calcul comme un accident illégitime et casseur de rationalité, c’est interdire la possibilité d’une pratique vivante et «mythique» de la ville. Ce serait ne laisser à ses habitants que les morceaux d’une programmation faite par le pouvoir de l’autre et altérée par l’événement. Le temps accidenté, c’est ce qui dans la technocratie fonctionnaliste. » 1 énoncés. Tant qu’ils ne subissent pas la hiérarchie d’un ordre, ils gardent en mémoire la possibilité d’un jeu, celui d’une lecture et relecture patiente de la complexité. 52

1 Michel de Certeau « L’invention du quotidien 1/Arts de faire » éd. 10/18 Paris 1980


C’est pourquoi le temps d’une intervention articulant une écoute et des propositions d’intervention sur un territoire est celui même de la pédagogie. L’analyse est inscrite et partie prenante de l’expérience.

Collages et agencements

Cette pédagogie situe le projet à l’articulation de trois récits : le récit du lieu, le récit des autres et le récit de l’architecte. des autres ; récit du vivant, des habitants et le récit sensible et intuitif de l’architecte. conjuguent les hétérotopies. Le collage, à mi-temps de l’expérience pédagogique, est une méthode permettant de faire jouer entre les contextes révélés, des rapports alternatifs de déterritorialisation2/reterritorialisation. Le collage autorise la création de nouveaux agencements.3 L’estuaire de la Loire de par son histoire et celle des échanges économiques et sociaux qui l’ont progressivement investi, est par excellence « un territoire en mouvement ». L’expérience pédagogique renouvelle chaque année, depuis 7 ans, une démarche d’exploration de nouveaux espaces sur cet estuaire, dont l’identité relève essentiellement

Les échanges entre enseignants, habitants, acteurs et personnes ressources ont fait reconnaître cette pédagogie comme une expérience exemplaire d’un travail associant pratiques et participations à l’élaboration d’un projet. Si l’expérience joue le rôle d’un passage initiatique, sur le territoire « professionnel », Le dialogue devient, devant les acteurs concernés par chaque situation, une démarche 2 Gilles Deleuze, « Mille plateaux » éd. Minuit, Paris 1980 3 La notion de collage s’entend comme démarche et non comme technique de représentation achevée, dans l’apport surréaliste tel que Louis Aragon l’énonce dans (Les collages, Hermann, 1965), aussi, la dimension philosophique du collage comme dispositif de synthèse de l’hétérogénéité tel que Olivier Quintyn le développe dans (Dispositifs/dislocations, Al Dante, 2007)

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pragmatique où l’apprentissage du «métier d’architecte» est le fruit d’une négociation résultant d’une « expérimentation concrète, in situ ». Cette expérience déborde l’espace-temps du processus pédagogique au point de voir des architectes récemment diplômés interroger les enseignants et chercheurs participative. L’assistance à ces collectifs, outre l’expérimentation méthodologique, a porté sur la mise en débat de leur problématique, par l’invitation de groupes ou personnes acceptant de et la communication qui s’y rattache.

Expériences

Les collectifs et jeunes architectes nantais étaient réunis autour de Simone et Lucien Kroll, avec la participation de Ricardo Basualdo, le 27 septembre 2013 à l’ENSAN et le 29 novembre 2013 au Lieu Unique. Les collectifs et les associations ont relaté leurs expériences achevées ou en cours. Ces rencontres ont permis de mettre en lumière les paradoxes de la participation entre partenaires concernés.4 associant performances artistiques, entraides et bricolages, à l’organisation de fêtes, débats, réunions permettant de recueillir l’avis des habitants et d’engager une action revendicative. 4 Sur le Bas Chantenay, le collectif Fertile s’invente comme un laboratoire d’actions sur les transformations de nos environnements. L’expérimentation in situ, inspirée par les lieux, avec des moyens simples, dans le partage et la rencontre est baptisé « l’événement aménageur ». réalisation du projet urbain. Sur le Vallon des Dervallières, les habitants et le collectif Dérive, réalisent, avec C. Hanna, une nouvelle typologie de jardins d’échanges et de partage, nommés « jardins d’usages ». Des collectifs, tels : Ecos, ETC, Flexible, Cochenko, Fichtre, Egrainage et d’autres, participent aux échanges et débats dans le cadre de ces rencontres.

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Chaque terrain porte la marque d’une compétence originale. Cet ancrage sur un espace construit l’identité de chaque collectif. Chaque groupe entretient avec d’autres à l’échelle nationale un dialogue et une relation d’échange qui, au cours des réalisations, construisent un réseau de compétences. Ces actions parallèles, ou, à-côté des projets programmés, répondent à une commande ou gardent leur indépendance. Elles conquièrent auprès des habitants sollicités une reconnaissance qui leur fait jouer un rôle de passeur dans le processus d’aménagement. Ces expériences concrètes qui, à Nantes, touchent à l’espace public, esquissent des mutations professionnelles où le statut juridique d’une part, les pratiques et compétences d’autre part, déplacent la lecture d’un projet, le rôle et la compétence profession.

Crise de légitimité distinctes pour l’ensemble des acteurs d’un projet : les associations militantes, les élus, les Sociétés Publiques Locales en charge d’un projet d’aménagement et les personnes qui tentent d’être reconnues comme citoyennes à part entière. La première contradiction porte sur la légitimité et la reconnaissance des personnes ou des groupes qui engagent un processus de participation. action militante ; en France la « participation » reste dans l’opinion publique l’héritière d’une utopie des années 60. Dans la mesure où les initiatives de l’époque n’ont guère été reconnues sur l’ensemble du territoire, les militants capables de proposer une démarche participative portent la mémoire d’un échec ou d’une nostalgie qui tend à démarquer leurs revendications d’une pratique légitime ordinaire. Cette crise de légitimité contribue à associer aujourd’hui la participation à une pratique réservée soit aux professionnels du travail social, soit aux représentants d’associations « engagées » ou à des minorités marginales.

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Le paradoxe, c’est de voir aujourd’hui, à Nantes, et dans des agglomérations d’une échelle comparable, les organismes chargés de l’aménagement des nouveaux quartiers ou de la réhabilitation des anciens faubourgs passer commande sur des « projets incitant à la participation ». Reste à savoir si ces appels à la participation témoignent d’un manque dans le processus de programmation. S’agit il de la prise de conscience d’un vide social ou démocratique ?, de la nécessité d’un accueil inscrivant chaque nouvel arrivant dans un rapport d’hospitalité, ou de son simulacre : un simple signe, rappel symbolique de l’ordre de la « communication » ? Ce déplacement de l’initiative citoyenne à celle des organismes publics chargés de l’aménagement urbain, engendre, dans la pratique, des hiatus et disfonctionnements Quelle qu’en soit l’engagement démocratique, les rythmes et la durée d’une « commande », formulée par une institution responsable d’une programmation ou livraison d’un projet. Le récit des acteurs (élus, responsables des SPL, architectes…) est médiatiquement indexé à celui des expressions « citoyennes », comme si la pratique ou la participation des habitants n’était qu’une évaluation de la qualité de l’œuvre ou des objets présentés. Il y a aujourd’hui une reconnaissance des démarches participatives. En témoigne le rapport Bacqué-Mechmache, mettant la participation des habitants au cœur de la réforme de la politique de la ville, et qui entend multiplier les actions participatives. Cette institutionnalisation des pratiques participatives risque, en outre, d’accroître la part de contrôle de démarches aujourd’hui presque « à la marge ».

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S’il est légitime, après Henri Lefèvre, de rappeler le «droit à la ville» des citoyens, c’est parce que leur pratique de la ville et sa reconnaissance est un processus culturel et démocratique dont le sens dépasse et traverse chaque réalisation. Les pratiques et perceptions citoyennes réinventent au présent des liens entre des espaces qui deviennent lieu parce qu’ils donnent sens à l’expérience dont chacun réactive la mémoire.


Le temps et la durée sur lesquels se construit le récit des aménageurs et celui des citoyens ; habitants et/ou militants, n’est jamais identique. C’est pourquoi la programmation des rituels, sur lesquels ils se rencontrent, institue un décalage sur lequel le dialogue et l’expression de chaque partenaire se trouve parasitée. Dans la participation comme dans tout rapport de négociation, la reconnaissance de l’autre est d’abord celle des lieux et temps où chaque partenaire peut développer son Si nous rapprochons ici la question de la participation de celle du projet, c’est bien parce ce qui « se négocie » dans un rapport de participation est cette reconnaissance pertinence d’un déplacement des enjeux, des priorités et des objectifs qu’un projet mobilise ou éveille. Ce que les uns nomment contexte ou incidence peut devenir l’objet central d’une relecture.

« Le rapport premier générateur de la valeur n’est pas celui qui s’établit entre un sujet et un objet, entre lui et la chose -« la valeur d’usage »- qui lui apparaît comme « indispensable », « utile » ou « pleine d’agréments » et convoitée comme telle par lui, il est celui qui se noue entre deux sujets engagés dans une relation sociale réciproque et personnelle d’échange. Dans l’émergence de la valeur la relation des hommes entre eux précède -car elle la fonde et la conditionne- la relation des hommes aux choses.»5 Le déplacement du projet est aussi, dans ce jeu de reconnaissance, celui des commanditaires. Une expérience, « à long terme », de participation, n’existe que si les citoyens concernés reconnaissent la compétence de ceux qui ont la responsabilité de bâtir. Et si alternativement, ces derniers sont capables d’écouter et «prendre au mot» les paroles et pratiques habitantes en les reconnaissant comme commanditaires légitimes des aménagements et espaces correspondant à une mise en scène de leur vie quotidienne. L’architecte n’existe que dans cette relation avec des interlocuteurs. Il y a une ressemblance avec le métier de metteur en scène dans ce rôle de porte parole et d’écoute. Quand l’architecte, dans un autre niveau de la reconnaissance, trouve lien 57


avec des partenaires qui travaillent soit le matériau soit la relation, dans une articulation du projet, c’est d’articulation en articulation, d’interaction en interaction, que l’architecte existe. Il n’existe pas tout seul, il est fondé par cette emprise, cette dynamique de l’emprise.

« Dès lors que l’architecte n’aurait plus seulement pour visée d’être un plasticien des formes bâties, mais qu’il se proposerait d’être aussi révélateur des désirs virtuels d’espace, de lieux, de parcours et de territoire [...] un intercesseur entre désirs révélés à eux-mêmes et les intérêts qu’ils contrarient, ou, en d’autres termes, un artisan du vécu sensible et relationnel [...] il pourrait constituer un relais essentiel au sein d’agencements d’énonciation à têtes multiples.»6 Arts de Faire : Un atelier permanent : « recherche-action », au sein de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, pour valoriser et reconnaître les expériences nouvelles des architectes et nouveaux collectifs. Ce projet n’est pas seulement un rite de passage introduisant à un rôle professionnel dont les règles du jeu sont reconnues et simplement répétitives. Mais d’ouvrir un champ de compétences sur l’innovation, en mobilisant des personnes ressources dans le cadre d’interventions concrètes, ici et ailleurs. C’est un lieu de reconnaissance de ces nouvelles initiatives et pratiques professionnelles. Lucien Kroll , dont l’œuvre est une longue expérience de participation, rappelle le rôle et la compétence de l’architecte :

« La participation ne fait pas un projet ! Le projet n’est pas l’addition de «briques» au hasard mais une œuvre complète qui entretient des rapports harmonieux avec ses composantes. Le métier de l’architecte n’est pas l’ennemie de la participation. La participation ne résoud pas tout. On se rencontre, on s’écoute, on discute et on enregistre tout cela. Mais ça ne fait pas un projet. Les architectes conservent une autorité ou un devoir de donner une forme générale. »7

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6 Félix Guattari, « Cartographies schizo-analytiques » 7 Lucien Kroll (Conférence du 29 novembre au Lieu Unique à Nantes.)


« J’ai une petite déclaration : J’ai personnellement décidé de ne plus ressentir d’émotion devant aucune architecture, objet ou paysage qui ne procède pas de l’écologie, de l’éthologie, de l’ethnologie, du communautaire, de la complexité populaire, de l’auto-organisation des groupes ou bien qui ne soit en relation avec des convictions désordonnées et unanimes de personnes indépendantes. Malgré quelques complaisances inavouables devant toute « chose bien faite… » J’ai aussi décidé de ne plus croire un mot des discours de responsables lorsque ceux-ci se proposent de refourbir des quartiers ou d’en construire des neufs sans le minimum d’action participative d’habitants. Ou encore sans une complicité chaude, même discrète et désordonnée, d’habitants réels, et laïcs. C’est- à- dire sans leur complexité, sans leur évolution, sans relation avec leur culture, leur réseau social, leurs aspirations personnelles, etc. Ou au moins, de tout concevoir en leur nom, à leur façon. » Lucien Kroll « Tout est paysage » éd. Sens et Tonka. Cycle de conférences : ‘Arts de faire : négocier, habiter, bâtir’, Septembre 2013 - ENSAN

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Natalya Yankovska, ĂŠquipe du Temple de Bretagne.

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Arts de Faire Présentation de L’atelier • Un lieu de pédagogie nouvelle ouvert aux architectes récemment diplômés qui expérimentent une pratique innovante de participation. • Un espace de mise à l’épreuve des savoirs confrontés à une dimension réelle. • Le lieu d’une écoute particulière : un espace de dialogue, de confrontation, de reconnaissance et d’énonciation d’expériences. L’atelier est le lieu d’expression de livres et feuilletons périodiques). • Une structure qui fédère toutes les associations et collectifs périphériques tournées vers des démarches de faire ensemble, avec les autres et dans les lieux habités. Ce travail d’écoute a pour vocation, d’ouvrir et reformuler à partir de leur reconnaissance, de nouvelles expériences, le rôle de l’architecte dans la société. • Un espace de soutien et de mise en rapport avec le mécénat pour obtenir des Cette structure, centrée sur l’accompagnement à partir de l’expérience, est obligatoirement une mise en résonance de compétences internationales. Elle s’appuiera sur des expériences exemplaires issues de cultures et de territoires à des La structure « Arts de Faire » ambitionne une mise en connexion des initiateurs d’expériences citoyennes à l’échelle internationale. Contact : artsdefaire.nantes@gmail.com

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Remerciements à : M. Christian Dautel, Directeur de l’ENSAN, M. Johanna Roland, Maire de Nantes et présidente de Nantes-métropole, M. Philippe Guillotin, Directeur de l’Auran, M. Pascal Pras, Maire de Saint-Jean-de-Boiseau, M. Eric Périchet, Directeur de cabinet du maire de St-Jean-de-Boiseau, M. Pascal Martin, Maire du Temple de Bretagne, Mme Michèle Gressus, Maire de Bouguenais, M. Franck Savage, directeur de Nantes-métropole aménagement, M. Bernard Prud’homme Lacroix, directeur du GIP estuaire, M. Jean-Pierre Chalus, directeur du port Nantes/Saint-Nazaire, M. Philippe Léon, Chef du service de l’aménagement et du développement territorial du port Nantes/Saint-Nazaire, M. Stéphane Bois, directeur du pôle métropolitain et du SCOT Nantes/Saint-Nazaire, M. Stanislas Mahé, ancien responsable du pôle métropolitain et SAMOA, M. Jean-Luc Charles, Directeur de la SAMOA, M. Alain Bertrand, Directeur adjoint de la SAMOA, Mme Cécilia Stéphan, directrice de l’Estuarium, M. Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire, M. Philippe Grosvalet, président du conseil général de Loire Atlantique, Et tout particulièrement Simone et Lucien Kroll, Paysagiste et Architecte, Nous remercions également les Maires de Bouée, La Chapelle-Launay, Cordemais, Couëron, Donges, Indre, Lavau, Paimbœuf, Le Pellerin, Saint Etienne-de-Montluc, Rezé, Savenay. Un très grand merci à Mme Evelyne Thoby pour ses précieux conseils.

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Achevé d’imprimer à l’ENSAN en Juin 2014

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Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Depuis sept ans, nous avons construit ce master sur une interaction entre deux démarches : une expérience anthropologique et la mise en oeuvre d’un projet d’aménagement. Cette interaction dépasse la durée des phases sur lesquelles se construit d’ordinaire un projet pluridisciplinaire. Dans notre expérience pédagogique, l’interaction entre la démarche et la conception du projet se joue en permanence, c’est à dire se rejoue à chaque étape de sa réalisation. Les habitants et personnes concernées ne sont pas simplement sollicités pour évaluer les propositions du chef de projet. Ils sont rencontrés et écoutés dans le contexte de leurs responsabilités ou celui de leur vie quotidienne. Leur récit n’est pas un simple commentaire du projet ; il fait surgir des pratiques inconnues ou des intuitions pratiques héritées d’une mémoire oubliée. Ces vaet-vient entre la table à dessin et le terrain de vie où se jouent les enjeux des dialogue. interactions dépassent le rôle habituel d’une évaluation ou d’une analyse. Ils deviennent progressivement les lieux de l’invention, de nouvelles propositions mise en oeuvre.

2014


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