Coueron

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ESTUAIRE 2029

FAIRE LIEU DANS L’ENTRE-DEUX MÉNAGER DES ESPACES DE FRICTIONS

Dérives des rives

Adeline Boulaire (PFE), Nicolas Bodet, Alice Khaled, Margot Moison (PFE) Directeurs d'études : Saweta Clouet, Chérif Hanna, Eric Chauvier ensa nantes - arts de faire

COUËRON


ESTUAIRE 2029

arts de faire - janvier 2016


Estuaire 2029 Estuaire de la Loire, territoire en mouvement

Equipe étudiants : Adeline Boulaire Nicolas Bodet Alice Khaled Margot Moison

Equipe enseignante : Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Eric Chauvier, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte

Intervenants : Jennifer Aujame, Cinéaste

Flore Grassiot, Architecte et Artiste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain Marine Leroy, Architecte

ouvrage originel imprimé en 20 exemplaires en janvier 2016 réimpression et mise à jour en février 2016

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Estuaire 2029 Estuaire de la Loire, territoire en mouvement

Equipe étudiants : Adeline Boulaire Nicolas Bodet Alice Khaled Margot Moison

Equipe enseignante : Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Eric Chauvier, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte

Intervenants : Jennifer Aujame, Cinéaste

Flore Grassiot, Architecte et Artiste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain Marine Leroy, Architecte

ouvrage originel imprimé en 20 exemplaires en janvier 2016 réimpression et mise à jour en février 2016

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PRÉFACE Chérif Hanna

Dérives des rives Ménager, aménager l’estuaire - un territoire en mouvement Le concept de « dérives des rives » évoque à l’évidence l’idée de bord. L’échange par nature se fait à la frontière. Et la frontière n’est jamais seulement une clôture. C’est un lieu de passage dans lequel on négocie. Des lieux de transitions qui deviennent des lieux de transactions. Tous les lieux stratégiques sont à la lisière des centres. Le marché est l’espace fondateur de la ville. Pour ces raisons, Roland Barthes1 rappelle que depuis l’Antiquité, la périphérie précède le centre.

Max Ernst (1891-1976) Le jardin de la France

La rive est au bord et le bord est à la marge. La marge peut aussi expliquer certaines histoires et activités affranchies de contraintes, évocatrices de liberté, d’utopies. (…) un ailleurs où se projettent les phantasmes. « La nappe d’eau a agi comme un trucage réussi mais connu, les hommes ont eu le plaisir de voir des formes modifiées..(…) la crue a bouleversé l’optique quotidienne (…) toute rupture un peu ample du quotidien introduit la fête : or, la crue n’a pas seulement choisi et dépaysé certains objets, elle a bouleversé la cénesthésie du paysage, l’organisation ancestrale des horizons : Les lignes habituelles du cadastre, les rideaux d’arbres, les rangées de maisons, les routes, le lit même du fleuve (…) le phénomène le plus troublant est certainement la disparition même du fleuve (…) l’eau n’a plus de cours, le ruban de la rivière, cette forme élémentaire de toute perception géographique (…) passe de la ligne au plan. »2

Sur les rives de l’estuaire ; principalement sur l’estran, les rives , les bords, les berges, les quais ne subissent pas seulement les mouvements naturels du fleuve ou de la mer, ils sont au bord d’un territoire continental ; lieu par excellence des passages et transactions qui animent, modifient , obligent à réinvestir les espaces où les hommes et marchandises embarquent ou débarquent équipements et formes, sensibles aux grandes mutations économiques inscrites dans un rapport de mondialisation. Ces mutations sociales et économiques accélèrent le rythme historique des mutations qui modifient son urbanisation et son paysage. Ce lieu, croisement des traversées, n’est pas un réceptacle passif sur lequel s’exercent différentes transactions, mais un lieu révélateur du changement, où se mobilisent et se problématisent de nouvelles relations à la valeur.

Relever le défi de ce fleuve, qui paraît délaissé par l’industrie et les grandes activités portuaires, des lieux où des urbanités se sont construites, des lieux où il y a eu reconnaissance de cette urbanité. Paris n’a pas été inondé, in Des mythologies de Rolland Barthes, à propos de l’inondation de Paris en 1955.

Roland Barthes « L’empire des sens » éd. Points coll.essais

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Si le territoire porte une mémoire c’est qu’il y a un potentiel. A ce moment, il y une réactivation possible dans une dynamique nouvelle. Ce qui se passe dans cette relation d’échange est plus qu’un retour sur le passé. C’est la puissance du lieu dans sa dynamique actuelle.

œuvre d’une problématique de l’aménagement d’un territoire en mouvement. L’Estuaire de la Loire L’estuaire de la Loire est, de son origine à nos jours, le territoire de tous les départs, celui des voyageurs, des aventuriers, celui des conquérants et des émigrants. Les villes de l’estuaire se sont greffées sur les quais sur lesquels ont transité les hommes, les marchandises et la valeur. Ce territoire instable au rythme des crues, des marées, des creusements du lit d’un fleuve « sauvage » sur lequel se croisaient émigrants et commerçants est devenu l’espace privilégié d’une immigration. Le mouvement s’inverse, le territoire s’invente au fil de l’imaginaire et devient l’enjeu de multiples investissements.

Travailler sur les traces historiques qui se sont constituées une identité autour de cette idée de négociation de la valeur. Le potentiel de ressourcement de l’estuaire est lié à cette redécouverte des mobilités à travers la révélation des lieux d’échanges. Ce retour sur les traces est une reconstruction des liens que la frontière met en tension avec d’autres territoires, lointains ou proches. Cette reconnaissance construit un champ dynamique de force ; le bord apparaît parce qu’il sollicite ou sous tend une connexion plurielle où s’articulent et se jouent des rapports et des fonctions différentes entre les hommes et les lieux. Cette reconnaissance en acte des traces qui tissent les relations potentielles d’un bord par rapport à ses différents contextes permet d’évaluer, de choisir et de construire les liens qui placent chaque projet en attente d’une relation ou d’un échange.

La valeur de ce territoire repose sur un héritage, celui des mobilités antérieures, dont les infrastructures conservent la mémoire. Elle repose sur les déplacements et mouvements qui les investissent aujourd’hui multipliant les croisements, liens et coïncidences sur lesquels se jouent de nouveaux rapports de civilité et une nouvelle urbanité. Un monde s’invente au croisement de ces mouvements, une métropole originale se construit sur les liens que les nouveaux et anciens habitants tissent sur un paysage redécouvert donc réinventé. La question du déplacement demeure indissociable de celle de l’habiter.

A la quête de ressources qualitatives : des vocations nouvelles, ce qui est important n’est pas toujours la fonction première, mais ce qu’elle induit comme rapports sociaux. Ce qu’on échange dans l’échange. Ce n’est jamais ni l’objet lui même ni son usage mais sa valeur qui est totalement relative à la reconnaissance des partenaires qui sont dans l’échange.

La métropole estuarienne se construira sur une question délicate ; celle de la qualité de nouveaux « espaces-temps » lors la mise en résonance des différents territoires.

Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en 4


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SOMMAIRE 4 5

PRÉFACE AVANT PROPOS

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UNE VILLE TRAVERSÉE

12 14 17 20

Premiers regards Ou sommes nous? En quête de repère Discerner les limites

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AU DELÀ DES PARCOURS

26 28 32 36

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UNE ESCALE A COUËRON

40 Lancer le débat 42 Des lieux, des personnes, des rencontres 47 Ville territoire 48 Pratiques couëronnaises

POINTS DE FRICTIONS

52 54 56 58

Une histoire métropolitaine Une économie en péril Vision métropolitaine L’émergence d’une peur

L’inconscient du territoire Une interface en devenir

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Le projet ne s’arrête pas là

72 Le quai des uns, le jardin des autres Margot Moison (PFE)

Se requestionner Attachement au lieu Territoire ondulant Interaction en réseau

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63 65

59 COUËRON ON Y PASSE, LE TEMPS D’UN ARRÊT 60 Négociations 61 Au croisement de pôles attractifs 6

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Jetée des marais Alice Khaled

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Désir de rives Adeline Boulaire (PFE)

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Quai suspendu Nicolas Bodet

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BIBLIOGRAPHIE

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REMERCIEMENTS


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AVANT PROPOS

« Parcourir le site et ses alentours en tous sens, observer et consigner toutes les configurations, toutes les choses jusqu’aux plus ténues et aux plus négligeables. (...) C’est l’observation, l’investigation, la prise en compte de toutes les circonstances qui tissent, nos rapports aux choses qui feront que vos décisions et vos projets seront inspirés, inspirés par le monde luimême.» Michel Corajoud, Lettre aux étudiants.

C’est ici l’histoire d’une traversée, une grande traversée longue et patiente, de six mois, ponctuée de haltes. Nous sommes allés à la rencontre des récits et des pratiques qui fabriquent un territoire, Nous avons arpenté et nous nous sommes parfois perdus sur un terrain qui nous était à l’origine inconnu. C’est ici le récit d’une expérience, d’abord à quatre puis très vite avec de nombreuses autres personnes. Ces passeurs et passants rencontrés nous ont fait partager leur quotidien, nous ont amenés à découvrir leurs paradigmes. C’est ici la trace d’un passage sur un territoire qui ne nous a pas laissés indifférents, qui déplace notre savoir et construit la matière à projet pour répondre aux nécessités présentes et à venir. C’est enfin la mémoire de longues semaines de travail et d’un enseignement si singulier qui nous a remués et mis en mouvement.

Voici donc la présentation d’une démarche qui explique notre compréhension du territoire depuis nos premiers regards jusqu’aux enjeux et nos propositions pour son futur.

Embarquons pour Couëron !

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UN TERRITOIRE TRAVERSÉ PASSAGES ET INTUITIONS

la longue file d’attente pour le bac au moment du débarquement- embarquement 10


PREMIÈRES IMPRESSIONS Avant d’être fixé, chacun, sur un territoire d’étude, nous sommes allés avec l’ensemble de l’option de projet faire le tour de l’estuaire. Couëron est le premier site que nous visitons pour ce périple qui nous mènera à Cordemais, Donges, Paimboeuf puis Port Lavigne. Cette première visite a joué un rôle important dans notre appréhension du territoire, ce moment a cultivé notre imaginaire et nous a gorgés de récits. bistrot établi au bord du quai.

La première visite commence un matin de septembre, il est encore tôt, l’air est frais et sec. Calés sur le siège de la voiture nous traversons tranquillement Couëron, depuis son bord de Loire et ses quais. Nous filons sans arrêt, en longeant les murs de pierre et la Tour à Plomb puis les maisons du siècle dernier, vers la pointe de la commune, au niveau de l’embarcadère du bac, cette navette fluviale qui traverse la Loire.

Le bac démarre du Pellerin, village de la rive d’en face et arrive vers nous, chargé de voitures, il remue l’eau et ajoute une pointe d’intérêt dans ce tableau. Puis notre attention se fixe sur la zone humide qui s’étend autour de nous, ce sont les marais estuariens. Nous sommes à l’orée de cette “écharpe verte” qui compose la singularité du grand territoire de l’estuaire. Ici les marais se nomment “Audubon” en hommage au peintre naturaliste du XIX ème, Jean-Jacques Audubon, né à Couëron. L’histoire nous emporte à nouveau.

Arrivés à destination, la vue comble nos regards et réveille nos sens. La brume en suspension donne un caractère onirique au lieu. Ce moment particulier marque nos esprits : nous prenons tous la même photo de la cale à moitié immergée.

Cet instant de découverte passé, nous remontons dans nos voitures et reprenons la route en sens inverse. Nous plongeons un instant dans les nouvelles zones d’habitations de la ville : les ZAC. Flambant neuf, ce décor nous excède par son aspect standard déjà obsolète. Nous bifurquons très rapidement pour rattraper la route vers Saint-Etiennede-MontLuc puis Cordemais, le prochain site à visiter.

Les mâts des bateaux qui émergent sur la rive d’en face intriguent, ils rappellent l’histoire. En 1945, les Allemands coulent leur flotte pour bloquer l’accès au port de Nantes créant l’île Bikini. De nombreux mystères planent autour de ce lieu, au nom déjà si singulier, “Le Paradis”. Une des légendes raconte que les noyés de Nantes s’échouaient ici, mais personne ne sait l’explication véritable de ce nom. Son souvenir reste marqué sur la façade d’un petit

Finalement, nous n’avons vu de “Couëronnais” que le bac. L’épaisseur de la ville nous est encore obscure. 11


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OÙ SOMMESNOUS? Territoire étendu entre marais, coteaux et Loire, concentré de

pavillons,

parsemé

de

hameaux, aux clochers perchés sur les collines.

Une complexité intrigante Ville mêlée à la métropole nantaise, située en deuxième couronne après Saint-Herblain, ses limites physiques nous sont incompréhensibles. Sur le chemin nous n’avons pas su juger de ses bords, nous avons l’impression d’avoir traversé plusieurs villes. Mais où commence et où s’arrête ce territoire ? Où se trouve la lisière, le bords ? Quand peut-on dire que l’on est à Couëron ? Les marais seraientils la limite ? Ce sentiment est dû aussi à cette première visite très furtive que nous avons vécue et qui nous a livré une description superficielle. Être perdu et dans le doute attisent notre curiosité, les questionnements fourmillent dans nos esprits. Un rapport à l’eau fascinant C’est un territoire où l’on arrive principalement par les bords de l’eau, soit avec le bac par le sud, soit le long des rives par le nord et les industries. Le bac est un bout de voyage, un événement, qui nous enthousiasme: “on va aller bosser en prenant le bateau”. Il est le premier lieu sur lequel nous embarquons mais aussi le premier lieu sur lequel nous

revenons lors de notre découverte. Si particulier à l’échelle du grand territoire, il est le dernier «pont» entre les rives sud et nord avant SaintNazaire, il apporte une singularité à l’estuaire. Cependant Couëron est située au nord de la Loire et donc pour nous, Nantais, la route est plus courte par cette rive, à 16km du centre-ville de Nantes, 20 minutes en voiture, nous sommes proches. Tout les matins, nous longeons la Loire, elle change de visage au niveau de 13


situation de Couëron à l’échelle de la métropole et du périmètre communal

c’est surtout son rapport à la Loire ! Ici il y a plein d’ambiances de Loire différentes, on ne la voit pas toujours mais on sait qu’elle est là, avec les marais par exemple. J’emmène souvent mes élèves en vélos faire le tour entre les deux bacs en passant par la rive sud» nous raconte Bernard, professeur d’EPS au lycée JeanJacques Audubon, nous emmenant sur ce parcours lors de l’itinéraire à vélo fait ensemble.

Chantenay puis Indre, pour devenir plus portuaire, disparaissant parfois derrière des masses industrielles que nous prenons plaisir à observer dans leur ballet avec les bateaux. La dernière usine passe, Arc-en-ciel, mais le fleuve ne se découvre qu’à peine derrière les arbres, il joue à cache-cache jusqu’au bourg de Couëron où enfin une esplanade le met à nu. «A Couëron ce qui est intéressant 14


premier arrêt au centre bourg de Couëron

passage sur le bac

les marais de la rive d’en face, la tour à plomb au loin

les usines c’est aussi la Loire

L’itinéraire est une méthode d’enquête mis en place par JeanYves Petiteau, consistant à se laisser guider par l’habitant dans des lieux qu’il connaît bien et qu’il affectionne.

caractéristique physique semble définir le «péri-urbain», espace entre ville et campagne, Cependant le dernier point pose question car seulement 0,3 % de la population des actifs est agriculteur exploitant sur la commune. Les pratiques paysannes et agricoles diminuent au profit de modes de vies plus urbains. Notamment lorsque l’on voit les emplois majoritairement tertiaires (services) que les personnes exercent. Ou par l’habitat qui est principalement sous forme de maisons pavillonnaires sans rapport physique avec leur milieu.

Entre rural et urbain? Couëron est un territoire à la confluence entre le pôle urbain de la métropole nantaise et le monde rural des marais estuarien. Des espaces de marais, de champs et de maraîchage couvrent 2/3 de la commune, qui est aussi peuplée d’environ 20 000 habitants. La complexité de cette tension d’entredeux alimente notre intérêt. Cette

Ces dimensions sociales et physiques interrogent sur les contradictions qui peuvent exister sur ce territoire et ses évolutions. Mais aussi sur l’idée de ruralité qui disparaît au profit d’un urbain généralisé : “aujourd’hui, vivre à la campagne est sans doute une des postures les plus urbaines qui soient. Les néoruraux qui se revendiquent comme tels ne sont que des urbains qui empruntent une mythologie urbaine particulière – celle de la campagne et de la ruralité” nous dit Michel Lussault.

catégories socioprofessionnelles des actifs en 2012 (INSEE) 15


EN QUÊTE DE REPÈRES Tours et détours, premières rencontres, premières impressions, des à priori partagés avec les habitants. L’immensité de la commune A notre grande surprise, Couëron est vaste. La superficie de cette commune correspond à l’une des plus étendue de la métropole nantaise. (44 km2) Malgré l’existence de lignes de transports en commun, celles-ci ne couvrent qu’une petite partie du territoire, il est donc nécessaire d’être doté d’un véhicule particulier si l’on veut avoir l’opportunité de se déplacer n’importe où. Ce qui fait que les habitants et les passants circulent beaucoup en voiture. Nousmêmes, lors de nos pérégrinations, nous sommes beaucoup allés d’un endroit à un autre par ce mode de transport. Ainsi, l’expérimentation des états de perceptions variées s’est faite au travers de la vitre. S’arrêter, descendre, marquer un arrêt prend alors une importance plus forte .

A la recherche d’une centralité Nous déambulons entre une ZAC, les zones résidentielles, une autre ZAC (ou peut-être la même, elles semblent si similaires que nous nous y perdons), les champs, des hameaux, un lac, … A la recherche de repère, nous trouvons en ce dernier lieu, une opportunité pour s’arrêter. Nous garons pour la première fois la voiture, sur la grande place du marché près du bourg historique. Nous trouvons quelques magasins ouverts qui persistent mais de nombreux autres ont déjà mis la clé sous la porte. Le bourg, si commun à toutes les villes avec son clocher et le charme de ses petites rues qui serpentent, est frappé, comme tous les autres proches, des centres métropolitains attractifs, par une fragilité et une possible disparition. On devine de nombreuses anciennes devantures de magasins réhabilités en habitations. Quelques-unes ont été folkorisées pour les besoins d’un film d’Agnès Varda, Jacquot de Nantes en 1991, au bonheur des passants. “en terme de commerces, Couëron n’est pas vraiment dynamique, les magasins vivotent,

L’une de nos premières rencontres s’est faite avec Pierre, habitant couëronnais depuis une dizaine d’années. Il nous a emmenés avec sa voiture d’un point à l’autre sans en descendre. «Alors là c’est les ZAC, puis je vais vous montrer le lac Beaulieu où je vais lire quand je m’ennuie ». Cela nous démontre que cette commune ne se découvre pas à pied, que cela n’est pas dans l’habitude des habitants malgré le fait que certains pratiquent les chemins pédestres, comme Pierre, qui descend au lac Beaulieu par les petits sentiers de randonnées depuis sa maison. 16


ils ferment tous. Il ne se passe rien.” Dominique, habitante que nous croisons dans l’église. Les commerces peinent à survivre car ils sont en concurrence avec les grands centres commerciaux comme «Atlantis» (le plus grand d’Europe lors de son ouverture en 1990) situé à 10 min en voiture au nord de la commune, à Saint-Herblain. Ce bourg en perte de vitesse abrite encore un marché tous les jeudis matins, mais il ne contient plus autant de stands qu’avant, au grand regret des habitants. “le marché est tout petit par rapport à celui du Pellerin ou de Basse-Indre, moi je ne vais jamais à celui de Couëron” parole d’atelier public.

denses contrastent avec les endroits vides et inhabités des quartiers résidentiels ou du centre-bourg de Couëron avec ses magasins fermés. Cela n’incite pas à s’arrêter, même pour nous, pourtant en quête de découverte. Les lieux attendus dynamiques comme le bourg, symbole de centralité et de vie active, se révèlent finalement vides. Nos premiers allers et venues sur le terrain, nous les avons inscrits au travers d’un travail vidéo comme si nous réalisions notre propre itinéraire. Cela nous a permis de garder trace de ces premières impressions qui montrent comment nous avons commencé à prendre conscience des problématiques du site et de sa complexité.

Des flux incessants et des lieux vides Au quotidien le territoire est traversé par différents flux, soumis aux mouvements pendulaires (travailhabitat). Tout le monde semble aller dans les mêmes directions mais sans jamais se croiser. Ces passages

La cité-dortoir ? “Oh mais qu’est ce que vous venez faire à Couëron? C’est une cité-dortoir, c’est pas dynamique. C’est un cul-de-sac faut vouloir y venir.» patron du bureau de tabac à côté de l’église. Ces paroles revenaient constamment lors de nos rencontres, très vite effacées au fil des discussions, elles étaient quand même leurs introductions. Définie par l’encyclopédie universalis, la cité-dortoir “est une ville avec un marché du travail réduit et dont le principal but est de regrouper des logements. Les habitants sont donc employés dans une autre ville ce qui entraîne des déplacements pendulaires entre la ville-dortoir et le bassin d’emploi.” Couëron avec la construction des nouvelles ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) voit grandir sa population mais décliner son économie locale et le dynamisme de son centre-bourg. Nous constatons qu’elle pourrait 17


s’apparenter à une cité-dortoir. L’attrait, toujours plus grand des citadins pour l’air de la “campagne” reste lié à leur habitat. De nombreux ménages s’installent toujours plus loin des centre-villes pour concrétiser leur rêve d’acquérir une maison individuelle avec jardin, tout en conservant un mode de vie citadin. Ainsi les personnes se croisent moins, prises par leur travail et leurs activités personnelles. “les habitants semblent courir après le temps, il y a beaucoup de circulation” Valérie, directrice du centre Pierre Legendre. Les nouvelles pratiques éclatées de beaucoup d’habitants, délient les interactions sociales.

Story-board de la video (extrait)

«des voitures qui vont toutes dans la même direction, ...

... des frontières de feuillages,

Ce phénomène questionne les fonctions et représentations des communes péri-urbaines, car il ne favorise par leur diversité et l’attractivité de leurs activités. Elles deviennent des extensions de la métropole, en se vidant de leur substance de vie locale et de leurs spécificités.

... mais où courent tous ces gens ?

“Ces lieux situés à mi-chemin entre deux milieux, à cheval entre les réseaux de communications locaux et mondiaux soulèvent des problématiques liées à l’absence d’inscription de ses lieux dans des dynamiques de proximité” nous dit Thomas Sieverts.

Alors que la ville est déserte, ...

Notre première vision se lie parfaitement avec le premier discours des personnes rencontrées. Cette représentation du territoire partagée fait ressortir une problématique latente : celle de la diminution voir disparition des singularités locales et d’une dépendance économique, sociale à une ville-centre dévoreuse d’énergie.

les bords de Loire sont bien calmes , seuls des passants fantômes»

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DISCERNER LES LIMITES

terres bas ses de l abeur

Couëron est en fait une ville qui n’est pas une seule, c’est un

conglomérat, une juxtaposition, un collage de plusieurs entités.

île m

L’immersion sur le terrain, s’est accompagnée d’une étude cartographique. Celle-ci révèle un territoire contraint, aux entités marqués et aux lisières franches.

te

Une composition fragmentée La construction de la ville prend la forme d’un papillon, avec deux entités très distinctes que sont le bourg (historique) et la Chabossière. Ces deux ensembles fonctionnent de manière très indépendantes. Chacune se constitue d’un centre -ville avec son supermarché de proximité, ses boulangeries et bureaux de tabac. Sur le chemin de Nantes, le bourg de la Chab’ est néanmoins plus dynamique.

dérives des îles - cartographie imaginaire

et qu’il y a une appartenance très marquée. Un habitant se déclarera Couëronnais ou Calbossien (« de la Chab’ ») selon son quartier de résidence, selon son aile de papillon.

« Moi je vais faire mes courses au Super U là-bas quand je rentre du travail, parce que Couëron-bourg quand on vient pas de là, il faut vouloir y aller, c’est un cul-de-sac » parole d’une habitante du bourg de Couëron.

«Y’a deux équipes de foot, nous au collège on ne parlait pas aux gens de la Chab, c’était pas nos amis » plaisante une jeune fille de 16 ans pêcheuse rencontrée sur les bords du lac. “les gens de Couëron-bourg sont moins bourgeois que la Chab’ qui sont plus vers Nantes” habitante rencontrée sur la place du marché.

Les deux pôles sont aussi dotés chacun d’écoles, de terrains de sports, d’un centre socio-culturel, d’une mairie ou mairie-relais,... Ce qui fait que les équipements de la commune existent tous en double,

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Ainsi, nous pouvons retrouver les îlots résidentiels de La Chabossière proche de Nantes, du bourg plus proche du sud et des hameaux dispersés dans la campagne. Mais aussi l’île mystérieuse du Paradis avec le quai du bac, les îles de loisirs comme celle du lac de Beaulieu, d’autres culturelles comme celle de la Tour à Plomb avec la nouvelle médiathèque, des îles regroupant des activités économiques comme celle de la zone d’activités des Hauts de Couëron et enfin d’autres plus industrielles au Port Launay ou à l’usine de traitements des déchets

Cette affirmation a été partagée ou démentie plusieurs fois. Personne ne sait vraiment ce qui différencie les deux pôles, ni pourquoi les habitants se moquaient les uns des autres, rien ne définit vraiment l’identité de chaque bourg. Cette bipolarité contribue à donner de Couëron une image de ville fragmentée dont les entités qui la composent sont mono -fonctionnelles et autonomes, une ville riche d’insularités qui se distinguent par leurs programmes et leurs échelles.

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Arc-en-ciel. Ces fragmentations viennent séparer les fonctions de la ville et confirment ce sentiment de cité-dortoir apparu dans le premier discours des habitants. Ces derniers vivent finalement dans des espaces essentiellement résidentiels. Toutes les activités sont détachées de la ville : les usines ne font plus parties de leur quotidien (ce ne sont plus des bassins d’emplois) et les petites entreprises dans les Hauts de Couëron ou les fermes sont détachées physiquement et socialement des poches de vie. Des contrastes autonomes Le territoire bâti est entouré d’espaces ruraux comme la campagne et ses champs, les marais et la Loire qui le délimitent distinctement. Il existe également un contraste fort entre la ville et la campagne. Le bâti semble s’être retourné sur lui-même et tourne le dos aux marais. Par exemple cela se traduit physiquement par l’implantation de maisons aux murs aveugles sur la route des marais dans le quartier de la ZAC Ouest CentreVille. Ce nouveau quartier accueille 1200 logements et de nombreuses nouvelles familles s’y sont installées depuis deux ans et ce jusqu’en 2017. Pour l’instant, entièrement

constitué d’habitats, cet espace s’ajoute comme un collage urbain supplémentaire qui ne dialogue que très peu avec les autres entités. Des rives structurantes La distinction nette entre les différentes entités s’explique au travers de la composition géographique du territoire qui définit différentes limites. Ce territoire au bord d’entités bien distinctes marque des rives singulières, entre coteaux (bords de terres), Loire et marais (bords de mer). Le chenal de la Loire souligne Couëron d’une limite d’eau au sud.

façade sur marais 21


bords-à-bords - des entités géographiques qui fragmentent le territoire

des crues.” Marcel Hénaff, La ville qui vient.

Cette Loire caractérise aussi la forme du territoire par ses débordements liquides et humides avec l’espace de marais situé à l’ouest de la commune. La topographie imposante du milieu avec l’écoulement du sillon de Bretagne au nord vient dessiner deux collines qui cisaillent le territoire et sur lesquelles se perchent les habitations. La genèse de la ville se contraint ainsi, comme beaucoup d’autre sur le territoire de l’estuaire.

Les usines s’établissent en contrebas de la ville au bord de l’eau sur des îles, le Paradis est une ancienne île de Loire, le Port Launay (dont il n’a de port que le nom aujourd’hui) était anciennement sur le bord de l’eau. Ces dispositions continuent d’influencer le développement. de la ville. En 1850, la ligne de chemin de fer Nantes/Saint-Nazaire s’implante le long des lignes géographiques et renforce la frontière d’urbanisation.

“Les villes ancestrales se sont établies le long des cours d’eaux pour faciliter le transport des marchandises mais restaient sur des hauteurs protégées 22


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AU DELÀ DES PARCOURS S’ARRÊTER

les anciens quais du Port Launay : la cale de la Pierre Tamis 24


SE REQUESTIONNER Après nos premiers arpentages expérimentés dans le mouvement, nous avons ressenti la nécessité de faire halte et de reconnaître les discours majeurs. De cette envie nous avons cherché à questionner les évidences et remettre en perspective nos préjugés.

solitudes où le va et vient des voitures ont été notre seule compagnie. L’éclipse de ces bruits se révèle lors de l’arrivée d’une présence humaine, qui, se faisant assez rare, la rend très importante. Nous ne désespérons pas... La possibilité d’interaction sociale est tout de même possible, à l’image de ces enfants qui jouent dans cette rue ou de cet homme qui par le biais d’un chien nous interpelle. Notre présence intrigue les quelques personnes que nous rencontrons. Nous nous retrouvons parfois à écrire sur un rocher, l’espace public étant réduit au trottoir, à la route ou à des jardins publics. Les enfants sont les seuls usagers qui détournent les règles en jouant sur la route.

Nous nous sommes d’abord arrêtés dans les nouvelles ZAC (celle à l’ouest du centre-ville et celle de la Métairie à la Chabossière). Ces zones étaient le symbole au premier abord des problématiques de développement urbain liées à Couëron : espace mono-fonctionnel sans complexité sociale et sans singularité particulière. Tentative d’épuisement d’un lieu Le dispositif littéraire a été un outil pour commencer une narration. Décrire et écrire la flânerie c’est essayer de déconstruire la posture d’autorité que nous pouvions avoir sur les lieux en les jugeant vertueux ou non. Dans cette expérience nous étions à la recherche du détail troublant, de l’inconscient du territoire qui déplacerait nos représentations. En s’inspirant de George Perec, dans son livre Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, nous nous sommes arrêtés longuement, en tentant de prendre en note tout ce que nous voyions. Nous avons tenté de représenter la vie quotidienne d’un lieu, sa monotonie, mais aussi notre perception, le décor, le vivant.

Mise en place d’un mode d’écriture Ce moment nous a permis d’être dans une posture d’observation, pour capter l’essence du moment et la spontanéité des actions, nous avons décrit d’une manière brève, à la volée notre vision du moment. Retenir l’espace qui s’écoule et se dilate dans le temps, en arrachant quelques bribes de ce qui déroule devant nous. “furtif : que l’on cherche à dérober aux regards, qui ne dure qu’un bref instant.” définition CNRTL

Description d’une expérience Nos récits sont bruyants : le bourdonnement des voitures, le crissement des grues, le sifflement du vent ont été nos repères. Nous avons essuyé des moments de

Voici des extraits de trois dispositifs littéraires que nous avons faits chacun seul. 25


MERCREDI 14 OCTOBRE 2015 16h - ZAC OUEST CENTRE VILLE

MERCEDI 14 OCTOBRE 2015 14h15 - ZAC DE LA MÉTAIRIE

Au loin une voiture passe un sirène retentit les oiseaux chantent un chien aboi Je lève la tête car cette ambiance sonore est riche mais autour de moi personne ne passe un vespa une voiture au loin un avion qui vient couvrir les bruits une scie tourne Le bruit des travaux les grues les feuilles bougent de cette légère brise elles sont rouges et vertes en demi teinte ce qui annonce l’automne.

le temps est automnal avec quelques éclaircies. passage d’une voiture grincement de portière claquement de portes au loin une autre voiture sort de son garage le soleil revient. un chien aboie une femme au landau passe sur le boulevard. quelques oiseaux chantent une voiture repasse un léger sifflement de marteau-piqueur une voiture sur le boulevard un jeune homme passe, promenant son chien l’animal s’arrête renifler à mes pieds. “il est sympa votre chien, où allez-vous le promener comme ça ?”. “au lac Beaulieu, ça fait un bout donc j’y vais en voiture”. “vous habitez dans le quartier ?”. “oui mais je vais partir, je fais construire une maison” la discussion continue brièvement sur la pluie et le beau temps puis se termine sur des salutations courtoises il repart dans sa voiture son chien à l’arrière une autre voiture arrive un enfant avec son vélo passe je le perds de vue très vite il est trois heures et quart le caillou sur lequel je suis assise me refroidit une voiture - j’en ai marre d’écrire ce mot - se gare au loin les feuilles des arbres bousculés par le vent sont les seuls mouvements permanents du quartier Pause.

Je m’assois sur un banc deux personnes empreinte un chemin de désir J’ai l’impression quil m’observe Ils ont le choix droite ou gauche La droite mène à l’espace ou je suis hésitation il préfère emprunter l’autre chemin les bruits du chantiers reprennent au loin Pause. DIMANCHE 18 OCTOBRE 2015 14h - ZAC OUEST CENTRE VILLE des enfants jouent au ballon ils crient le ballon est lancé en cloche il est jaune crissement de pneu j’entends les voitures qui passent au loin le vent souffle les enfants continuent de jouer Maman !! bruit de ballon une voiture passe lentement et part il y a plus de voitures que de maisons les stores et les jardins sont fermés toujours les mêmes enfants dans les mêmes jardins sinon il n’y a que moi et mes copines les feuilles Pause.

un caillou comme assise 26


ATTACHEMENT AU LIEU Être à l’écoute c’est amorcer

la reconnaissance de l’autre, ce qui déplace notre vision

et donne de l’épaisseur au territoire.

coexistent

Ces

mais

personnes

elles

ont

la place de la mairie quand j’ai gamine, c’était là la place du marché.

Bah il y avait boulangerie, charc

Ici le jeudi c’était quelque chose d’important, donc c’était vraiment un

avait des opticiens, des bijoutier

centre qui était très animé, moi je venais tous les jeudis matin avec

avoir... Et maintenant il y a une

mes grands-parents c’était un peu la fête d’aller au marché avec eux.

a des magasins qui vivotent et q

C’est réduit de peau de chagrin, il y a plus de marchands même si il y

tellement de vie… pff non on ne

a toujours le marché.

niveau du commerce, ça vivote...

On est sur le boulevard de l’Europe qui est relativement récent en fait.

Alors les marais sur le plan affe

Là il y avait des vignes à l’époque, le grand-père de mon mari avait des

beaucoup parce que quand j’ét

vignes ici. Là c’est le jardin de mes grands-parents. C’était un chemin

on allait souvent le dimanche a

de terre-battu, de chaque côté il y avait des petits ricoulets, c’était de

y avait les grands-parents, les p

l’herbe, c’était creusé, et quand il pleuvait il y avait de l’eau, notre

enfin ça pêchait tout ce monde

petit jeu c’était de faire passer les bateaux dans ces petits ruisseaux.

on vient ici.

chacune une façon d’habiter, une manière particulière d’être

et de percevoir leur lieu de vie. “Le vieux mot bauen auquel se rattache bin, nous répond : “je suis”, “tu es”, veulent dire : j’habite, tu habites. La façon dont tu es et dont je suis, la manière dont nous autres hommes sommes sur terre est le bauen, l’habitation. être homme veut dire : être sur terre comme mortel, c’est-à-dire : habiter” Martin Heidegger Mais que veut dire “habiter” à Couëron ? N’étant que des passeurs d’un temps sur ce territoire, il nous était nécessaire d’aller à la rencontre des personnes, de leurs pratiques et récits qui les définissent et les font habiter véritablement.

transforme au gré de nouvelles constructions, de destructions, de nouveaux arrivants. Malgré la disparition des chemins de son enfance elle retrace leurs lignes et nous emmène dans son univers. Nous avons rendez-vous sur la place de la mairie, puis nous descendons au centre-bourg, fleuron de la vie passée à Couëron. Dominique nous conte la familiarité qu’elle peut entretenir avec ce lieu car chaque boutique même vide aujourd’hui, est marquée d’une mémoire, d’un nom, d’une anecdote. Le parcours est ponctué de nombreux arrêts car les récits ne manquent pas et ils retracent des histoires de génération

Les paysages d’une histoire Nous avons rencontré Dominique, dès nos premiers pas à Couëron, dans l’église. C’est une personne du “coin”, elle habite ici depuis qu’elle est “gamine”. Elle nous a guidés sur les traces de son histoire, animée par cette envie de transmettre et de partager des récits qui ne devraient pas être oubliés. Le territoire se 27


cuterie, tous les magasins de base, il y

dans le centre, il y a la presse qui marche avec les fumeurs, et là une

là vous voyez c’est marqué “propriété privée” on se demande bien

rs enfin tout ce qu’une bourgade peut

boulangerie, c’est la troisième génération de boulangers, j’ai connu

pourquoi parce que l’on n’a pas envie de passer par là. C’est un passage

e charcuterie qui reste... et le reste il y

le grand-père, qui faisait sa tournée dans un vieux Citroën gris à

qui a servi pendant la guerre. C’est un passage qui donne sur la Loire,

qui ferment. On peut pas dire qu’il y a

l’époque, il avait un klaxon particulier à sa petite camionnette, et il

Et je pense qu’ils ont mis «propriété privée» pour ça, maintenant les

e peut pas dire que ce soit très vivant au

s’arrêtait devant chez nous. c’est la troisième génération, le fils qui

nouveaux Couëronnais ils ne savent pas, ils ont dû en avoir marre

.

reprend. Il y a quand même des choses qui durent.

d’avoir des gens qui voulaient aller voir.

ectif, c’est vraiment un lieu qui me plaît

Il y a tout un système d’étiers et d’écluses pour réguler.Mais c’est un

En hiver il y a souvent de la glace, c’est magnifique. Quand les prés

tais gamine mon grand-père péchait et

peu en décrépitude. Là aussi ça me fait mal au cœur car là aussi c’est

sont inondés et qu’il y a un peu de soleil, il y a des reflets magnifiques.

avec les glacières et les pique-niques, il

du patrimoine, c’est vraiment super d’avoir ça à Couëron, car les gens

Quand il n’y pas de vent, l’eau ne bouge pas et ça fait des reflets

parents, le beau-frère, mon grand-père

ils sont de plus en plus déconnectés de la nature

parfaits. Ça me fait plaisir de partager les choses qui me plaisent. Ici

e-là... C’est vraiment le paradis quand

le dimanche matin, il y plein de cyclistes et de coureurs à pied. Comme c’est plat. Nous on vient promener le chien ici.

Guidés par ses récits, nous parcourons la commune dans sa voiture, où elle nous raconte l’importance de la famille dans son attachement au territoire. Quand elle était plus jeune, elle ne pensait pas rester ici. Et pourtant aujourd’hui elle est très ancrée dans sa commune car sa famille, celle de son mari, habitent ici depuis cinq générations. Pour finir, elle nous emmène dans les marais, qu’elle affectionne particulièrement parce que ce lieu est un paysage à la fois ressourçant et source d’un certain art , mais également l’endroit de tout les souvenirs familiaux qui conditionnent son attachement au territoire.

en génération. Les commerces, le chantier Fouchard, se léguent de père en fils, de mère en fille. La transmission conditionne son choix à nous montrer le territoire, car il est essentiel que cela continue. “J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, enracinés (...) de tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être évidence, cesse d’être incorporé. l’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête” Georges Perec 28


ho

Les gens sont J'ose même plus pas mal au cœur de voir

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LES MARAIS

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là une boulangerie c'est la troisième génération de boulangers, j'ai connu le grand-père, qui venait, il faisait sa tournée dans un vieux Citroën gris à l'époque, il venait faire une tournée dans la campagne, il avait un klaxon particulier à sa petite camionnette, et il s'arrêtait devant chez nous… c'était toujours « ah il y a le pain »

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... , car je vous emmène au Port Launay

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il y avait les grands-parents, les parents, le beau-frère, mon grand-père enfin ça pêchait tout ce monde-là... On emmenait le scrabble,

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quand j'étais gamine

parce que mon grand-père péchait et on allait souvent le dimanche avec les glacières et les pique-niques,

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Alors les marais sur le plan affectif, c'est vraiment un lieu qui me plaît beaucoup

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lieu de souvenir lieu d’émotion lieu conventionné lieu de rumeur


Bourellet «protecteur»

TERRITOIRE ONDULANT

Ligne de rives

“Si on disait ça à quelqu’un qui n’est pas de Couëron il ne nous

croirait pas, mais ici c’est une terre qui ondule” Yannick

Cet agriculteur local nous a beaucoup inspirés dans notre démarche et a déclenché de nouvelles perspectives. Ce territoire ondulant est une association métaphorique inventée de plusieurs phénomènes qui forment les singularités de Coüeron. Il prend sens car il exprime à la fois le paysage changeant, entre les marées journalières et saisonnières, mais aussi les mouvements d’immigrations sociales, ces marées humaines qui constituent une des spécificités du territoire.

Prés de Loire

Un paysage en mouvement La Loire n’a pas qu’une rive mais des rives. Au rythme de ses débordements elle essuie les terres le temps d’une heure, d’une journée, d’une saison. Les îles de Loire sont fréquemment inondées par le fleuve à marée haute. Les prés et les marais internes quant à eux ne sont submergés que lors des grandes marées d’hiver. Les marais de la vallée de la Musse se situent dans une cuvette marquée par un bourrelet “protecteur”qui les séparent des prés de Loire. Ces espaces sont donc en perpétuelle recomposition au fil des saisons et des marées. Ils sont considérés comme des zones fragiles à préserver pour la riche biodiversité

septembre

novembre

qu’ils accueillent.

31


Vallée de la musse

usines de la Tour à Plomb

usines de basse-indre

Un territoire modelé par l’homme Ce fonctionnement est en grande partie contrôlé par l’homme. L’évacuation des eaux est régulée par des étiers et des digues, systèmes façonnés au XIIème siècle par les moines pour les besoins de l’agriculture. Le marais est donc un paysage fabriqué par la main de l’homme et ce encore aujourd’hui. Le système hydraulique est géré par le syndicat des marais de Saint-Etiennede-Montluc/Couëron mais aussi par les agriculteurs. Ces aménagements sont indispensables à l’exploitation agricole et donc à la préservation du marais. L’entretien par le pâturage et

fonctionnement des marais et du système d’irrigation (coupe GIP Loire)

32


Des vagues d’immigrations Lors de nos rencontres, il nous a souvent été relaté que “Couëron est la ville la plus cosmopolite de l’ouest, il y a eu jusqu’à 21 nationalités différentes”. Cette diversité culturelle s’explique à travers son histoire ouvrière et encore aujourd’hui par des politiques publiques favorisant l’accueil de nouveaux arrivants.

le fauchage conserve la biodiversité de cet espace. “Il faut dire aux gens que les marais sont un lieu de travail” nous dit l’agriculteur. Chaque élément est le fruit d’un aménagement par l’homme, jusqu’aux arbres-têtards caractéristiques du milieu qui ont une forme particulière due à la récolte traditionnelle de leurs branches pour le feu de bois. Aujourd’hui ces arbres abritent une faune exceptionnelle. Les marais sont un lieu d’activités singulières en relation avec l’eau, l’entreprise Fouchard abritée le long d’un étier fabrique des bateaux. “Il y a une culture traditionnelle, ils créent de vieux gréements, des bateaux en bois, c’est une menuiserie” Dominique. La question du mouvement dans ces espaces est un réelle richesse “On a jamais une année qui ressemble à l’autre, il faut s’adapter et savoir bien observer” Yannick l’agriculteur.

Un peu d’histoire Le développement de son parc industriel sur les bords de Loire au XIX et XXème siècles a participé à la constitution d’une histoire sociale et de la construction de la ville. En 1914, lors de la première guerre mondiale, les usines, en quête de main d’oeuvre, ont recruté de nombreux ouvriers étrangers. Entre 1921 et 1926 la population a augmenté de 30% on notera dans les registres de la mairie 24% d’étrangers (dont 57% Polonais, 22% d’Espagnols). Ces afflux de populations ont fortement conditionné l’urbanisation de la ville. Les forges de BasseIndre ont notamment déterminé le développement de la Chabossière et les usines Pongibaud, l’implantation des cités ouvrières du Bossis et Bessonneau. Les traces de cette culture de métissage sont encore aujourd’hui très présentes dans les discours et le patrimoine (église polonaise, cité ouvrière).

Ce territoire évolutif se comprend aussi autour de son histoire sociale.

Arbre Tétard

Dans sa proximité avec Nantes, Couëron s’est continuellement construite autour de l’accueil des nouvelles populations qui avaient besoin d’être logées pour travailler. Avec l’attractivité des villes, depuis les années 1950, la commune n’a cessé de croître, de s’étendre. Dans les années 1980, on note une explosion du tissu pavillonnaire et aujourd’hui

Chantier Fouchard

33


encore avec la construction des ZAC, nouveaux quartiers dans la ville. La diversité sociale, une force pour bâtir ensemble Cette histoire est importante à rappeler car elle est l’amorce d’une ville qui a pour coutume l’accueil de nouvelles populations. Ces vagues d’immigration ont été la naissance d’une force et d’une certaine tolérance au sein de la commune.

Les forges de Basse Indre 1940

Nous avons rencontré Régine, Vasyl et Carlos autour d’une part de gâteau, un mercredi après-midi. Tous trois issus de l’émigration polonaise ou espagnole, ils nous ont conté comment l’histoire ouvrière fut mère d’une importante solidarité sociale. “Il y a eu des périodes délicates de cohabitation, mais l’intégration s’est faite rapidement. Le travail à l’usine c’était très dur. Comme tout le monde allait y travailler, comme tout le monde était dans le même bateau, il y avait une grande solidarité sociale et de l’entraide.” Ils nous décrivent un certain dynamisme de la vie à cette époque. “Entre Polonais, Espagnols, à Couëron on faisait la fête… Le bal c’était sortie obligatoire, on allait au Pellerin danser, voir les filles. On avait pas le choix, il n’y avait pas de transports alors on se retrouvait toustle dimanche pour faire un foot”.

Les usines Pontgibaud début du XXème

La cité ouvrière Bessonneau

Les maisons Castors

“Les modes de vie ont évolué c’est complètement différent maintenant” mais les Couëronnais s’investissent encore pour essayer de préserver la vitalité de ce réseau social. Il persiste encore aujourd’hui: les nouveaux arrivants qui s’installent nombreux avec l’urbanisation intense de la ville, s’inscrivent souvent dans les associations et apportent de nouvelles dynamiques.

L’église polonaise 34


INTERACTIONS EN RESEAUX Plus nous avançons dans l’expérience, plus il nous est difficile de ne

pas reconnaître un visage, d’esquisser un bonjour, ou bien d’être nous-même reconnus dans la rue.

associatifs se sont des endroits de rassemblement” nous explique Carlos. Les habitants regorgent d’initiatives toutes plus créatrices les unes que les autres, de l’association protectrice des pigeons aux tricoteuses d’arbres, ce sont surtout des prétextes pour faire ensemble.

Nous découvrons petit à petit les parties cachées de l’iceberg. De nos premières impressions d’une ville où peu de choses dialoguaient entre-elles, nous avons maintenant l’impression qu’ici, tout le monde se connaît. «Quand on va quelque part on sait à quelle heure on rentre mais on sait pas à quelle heure on en sort» nous lance la maire. «Des fois, il vaut mieux rester caché plutôt que de sortir de chez soi et ne pas pouvoir marcher tranquillement » nous déclare une autre habitante du Bourg d’Aval. Notre rencontre avec l’ancien postier nous fait également sourire: à Couëron il y aurait un canal radio nommé “radio qui-baise-qui” . Nous remarquons que la plupart des personnes se connaissent presque déjà toutes entre-elles, par le biais d’une association ou d’une autre personne. C’est une ville de 20000 habitants mais nous avons l’impression d’être dans un petit village où tout se sait. «oh il paraît que vous avez fait un stop au bac?» nous réplique un habitant que nous rencontrons suite à notre atelier.

La volonté de faire ensemble Nous avons commencé à découvrir quelques-uns de ces lieux mais il y en a certainement bien d’autres, ce sont J’ai écrit un article sur les femmes qui tiennent un bar à Couëron. Le Paradis , c’était mon rêve de gosse.

Christelle du Paradis (patronne du bar)

Le C Lo

En attendant le bac, les gens viennent prendre un verre. Le bac ça fait partie de la ville.

Couëron, c’

Bernard (Prof. de sport à Couëron)

Nathalie (Habitante) Tous les dimanches, c’est parc du bord de Loire.

Les bords de Loire ont été aménagés avec une esplanade et un square

J’emmène souvent mes On se retrouve entre mamans à l’aire de jeux. enfants au square et je rencontre mes copines.

Ce réseau s’explique également par un tissu associatif dense (plus de 140 associations). On compte également deux centres socioculturels et beaucoup d’équipements publics relatifs au sport, à la culture et à l’enseignement. “Les lieux

Un réseau invisible

Audrey

Jocelyn

(Habitante)

(Habitante depui

Logan (Collégien)

35


des trésors bien gardés. Il y a la “Cab à Lulu”, où l’on s’est arrêté par hasard. C’est une baraque à frites posée près du rond point du Carrefour Market. Il parait que c’est le repère des Couëronnais nous dit le chef. Les ouvriers qui travaillent à Arcelor Mittal vers Indret viennent jusqu’ici pour déjeuner car l’ambiance est là, tout le monde se connaît. En questionnant Lulu, il est plutôt fier du lieu qu’il a créé, “j’ai transformé un champ de patates en champ de foire”, la pérennité de son activité n’était pas assurée, mais aujourd’hui ça marche et ça fait du lien social. «Lulu c’est trop bien qu’il soit ici parce qu’il met de l’animation ça fait des réunions tous les jours. Quand il fait beau c’est blindé” client de Lulu.

Thierry (ancien postier) Je connais tout le Dans le Bourg d’Aval, monde dans le Bourg. il y a beaucoup d’entraide. Avec mes voisins, on s’occupe d’un petit jardin.

Floriane (habitante depuis 20 ans)

es nouveaux arrivants aiment Couëron pour sa proximité à la oire. Couëron, on est à la mer, il y a une appartenance à la ’est la Loire. Loire. La première chose que je voulais faire, c'était de rebaptiser la ville Couëronsur-Loire.

té e e.

s e .

Patrick Naizin

Pierre (habitant du Bourg d’aval)

Didier de la médiathèque

Kévin

(nouvel arrivant)

(Habitant depuis 22 ans) La “maison en plastique”, C’est vraiment un délire de l’architecte.

J’ai fait partie J'ai monté une d’une liste liste électorale. électorale.

(Adjoint à l’urbanisme)

Les ZAC, je ne connais pas un Couëronnais qui aime Pour ces nouvelles ça. constructions, bravo, l’architecte s’est fait plaisir!

DOMINIQUE (Habitante depuis cinq générations)

Nous allons créer des aires d'accueil pour les gens du voyage. Je travaille avec des enfants roms.

Yannick

Il faut du temps pour faire des choses avec eux mais le lien c’est à toutes les échelles.

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Quentin

is 4 ans)

(membre de l’AJAM)

Je vais manger chez lui assez souvent. Y a plein de kebab comme la “Cab à Lulu”. Tout le monde vient manger ici : des ouvriers, des lycéens, des banquiers,...

Lulu (baraque à frite)

D’autres rencontres nous ont marqués, comme celle de la JAM (Jardin Animé des Marais), une association qui utilise le “jardinage comme prétexte pour renforcer le lien entre les personnes”. Ils sont actuellement en train de construire leur lieu de rencontre à la lisière des marais. “la JAM ensemence de nombreux autres lieux comme les cours d’écoles qui se transforment en potager, en lieu de vie, de rencontre. On travaille aussi avec les agriculteurs en faisant connaître leurs activités aux habitants, pour qu’il y ait du lien”. Derrière ces visages, ces actions, il y a une réelle volonté de retisser le territoire autour du lien social. “la vertu urbaine, l’urbanité est la construction collective de relations sociales”. Henri Lefevre. Ces attitudes habitantes envers leur territoire exprime donc un degré d’urbanité important, que nous percevons comme une véritable force pour élaborer la ville de demain.

Alors les marais sur le plan affectif, c’est vraiment un (Agriculteur) lieu qui me plaît beaucoup. La majorité de l’année, mes vaches sont dans les marais. L’AJAM travaille dans les marais. Le marais, c’est dangeureux, je n’y vais jamais.

Régine (habitante d’origine polonaise) On se retrouvait au bal. Les bals, c’était quelque chose. Ah, si on regardait les polonaises, gare à 36 la castagne.

Wasyl dit Piste-A-Poux (habitant d’origine ukrainienne)

Carlos

(habitant d’origine espagnole)


37


UNE ESCALE A COUËRON S’ANCRER

le passage d’un bateau un dimanche après-midi est un évènement pour tous, le temps s’arrête 38


LANCER LE DEBAT Les

rencontres

ATELIER PUBLIC

Partageons

sur couËron du 4 au 8

novembre 2015

IL PARAIT QUE ... Couëron est un village des bords de Loire

fortuites,

entretiens longs ou moments intenses effectués lors de nos

Partageons

sur couËron

ATELIER PUBLIC du 4 au 8 novembre 2015

arpentages, nous ont permis d’être plus proche de ce que

IL PARAIT QUE ...

veut dire “habiter à Couëron”.

Couëron est au bord de la mer

Pour continuer à saisir ce sens, nous sommes entrés en immersion durant cinq jours en organisant des ateliers publics sur le terrain. Lors de nos rencontres avec les habitants, notre attention s’est arrêtée sur des points sur lesquels les discours divergeaient. Nous nous sommes appuyés sur ces éléments pour tenter de lancer le débat et inciter les habitants à prendre position et se répondre. Pour cela, nous avons voulu interpeller en utilisant un mode d’expression que nous avions préalablement découvert lors de nos premières rencontre : la rumeur. A Couëron, les gens parlent et les nouvelles vont vite, très vite. “il parait que …”

le débat. Il s’agissait également de questionner à nouveau Couëron sur certaines évidences que nous avions déjà commencées à déconstruire. Les cartes postales et des affiches ont été distribuées dans les boutiques et équipements de la ville. Ainsi que dans quelques boites aux lettres individuelles.

Le mot rumeur vient du latin “rumor” qui signifie “bruit vague, bruit qui court, nouvelle sans certitude garantie”. La rumeur est sans doute le plus vieux média du monde. Pour communiquer cet atelier public, affiches et flyers sous formes de cartes postales ont été utilisés. Chacune avait une phrase d’ accroche et une photo en décalage afin de stimuler

La distribution des tracts a été une étape clé. En effet, ce fut l’occasion d’inviter un passant qui ne nous 39


emporter la carte chez soi et commencer à discuter pour venir ensuite poursuivre le débat

promettait pas forcément de venir mais au moins d’essayer, ou bien d’obtenir nos premiers échanges sur les comptoirs des commerçants qui en voyant nos cartes postales déclenchaient déjà le débat. Dans nos arpentages nous découvrions des lieux et des personnes comme le relais-mairie de la Chabossière, par exemple, invisible à nous jusqu’alors, Pousser la porte nous a permis de faire la connaissance de son employée. Nous nous sommes assis

plusieurs heures pour discuter et découvrir plein de nouvelles choses sur ce quartier de la ville. “C’est convivial ici, on peut discuter autour de cette table, souvent les gens restent comme vous. J’ai aussi un rôle d’assistante sociale, j’écoute, j’aime beaucoup ça.” Au delà d’un simple média ce moment fut un véritable outil de reconnaissance auprès des Couëronnais. 40


DES LIEUX, DES PERSONNES, DES ÉCHANGES A Couëron, encore une fois nous avons été guidés. Lors de notre

premier itinéraire nous a été émis l’idée du centre socio-culturel pour notre atelier. Ici c’est un peu la ville idéale, toutes les portes se sont ouvertes à nous.

Nous avons décidé de contacter la municipalité pour se faire connaître, et présenter notre démarche. Cette volonté à été précédée par la rencontre fortuite avec l’adjoint à l’urbanisme Patrick Naizain. Très intéressé par notre démarche, il donnait son accord pour organiser les ateliers publics dans une salle municipale mais nous soumettais plutôt de trouver un lieu sans attache politique afin de favoriser une certaine liberté de parole. La maire, rencontrée plus tard, s’est elle aussi montrée enthousiaste et nous a très bien accueillis.

deux bourgs distincts, nous nous sommes très vite posé la question de la pertinence d’un atelier fixe. En effet, nous avions peur de récolter des paroles d’habitants que d’un pôle de la commune. C’est pourquoi, nous avons aménagé un quartier général fixe pendant deux jours au centre socio-culturel Pierre Legendre à Couëron-bourg puis nous nous sommes déplacés. Sur les deux marchés de la ville mais aussi devant la médiathèque et sur les bords de Loire. Pour les ateliers mobiles, un barnum nous a très facilement été prêté par la mairie. Pour l’atelier fixe, après vérification des disponibilités, nous avons été invités à investir le forum, lieu central du bâtiment.

Le choix du lieu Par l’étendue du territoire, avec ces

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assez émancipateur en ce qu’il nous permettait de sortir du cadre pédagogique, nous a aussi permis de se fédérer collectivement. Ces cinq jours n’étaient pas seulement l’atelier mais aussi un moment que l’on partageait à quatre, qui nous a réunis autour de débats parfois houleux sur l’architecture, la ville, notre futur. Les ateliers continuaient le soir en rentrant chez nous autour de table de discussions et de feuilles de papiers griffonnées qui ont été de bons supports pour synthétiser les journées.

Par ailleurs, le centre socio-culturel a été intéressé par notre démarche car il se trouve actuellement dans l’élaboration de son projet social qu’il renouvelle tous les quatre ans afin d’avoir l’agrément de la CAF et ainsi obtenir des subventions. Ce projet consiste à comprendre les besoins et désirs des habitants inscrits ou non au centre pour ensuite proposer un panel d’activités qui leur correspond. Ainsi, notre volonté d’atelier permettait au centre de commencer à récolter des informations. Dans cette relation d’échange, nous avons été invités à partager notre expérience et nos premières analyses suite à nos ateliers publics lors d’une réunion devant les membres du centre socioculturel. Nous sommes amenés à poursuivre cet échange suite à l’écriture de ce mémoire.

Cet atelier public a été très riche, beaucoup d’habitants se sont prêtés au jeu. “Apparemment vous avez fait de l’effet.” nous a écrit Dominique dans un sms suite aux ateliers.

Se poser des questions et être à l’écoute Ce moment nous a permis de prendre une posture d’écoute, pour recevoir les récits, les émotions, les souvenirs des habitants sur leur territoire. Beaucoup passaient sans avoir la volonté de livrer énormément mais finissaient parfois par rester plus d’une heure en notre compagnie. Chacune des rencontres fut singulière, tant de rencontres nous ont plongés en état d’effervescence où nous avions le sentiment de progressivement habiter le territoire et d’acquérir une connaissance plus fine bien que restante subjective. Le temps des ateliers publics a été une expérience intense de notre immersion dans le territoire. Un temps d’arrêt nécessaire, qui a marqué une étape dans notre réflexion et surtout une opportunité de se poser des questions. Ce moment

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Les dispositifs des ateliers

baladaient. De la même manière, le hors-cadre était posé pour à priori ne pas être rempli, car nous attendions des lieux spontanés et inattendus au sein de la commune.

Ces moments de négociations ont avant tout permis d’établir un dialogue commun, un véritable espace d’échanges avec ceux qui pratiquent et connaissent le territoire. 1. Couëron, on y passe… et … on y reste Deux premiers ateliers ont été pensés de manière complémentaire : à l’image des discours binaires que nous avions décelés, entre une vie à grande échelle et une vie locale. Le premier atelier visait à questionner les trajets quotidiens à grande échelle. Nous cherchions à infirmer ou confirmer la problématique de la cité-dortoir. Il se présentait sous la forme d’une carte à l’échelle métropolitaine avec un cadre désopacifié pour sous-entendre le horscadre sur lequel les participants dessineraient probablement la plupart de leurs trajets.

Cet atelier a surtout été un support pour parler spontanément des pratiques. Nous l’avons fait évoluer lors des ateliers itinérants, en le transformant en une question: “Couëron, la ville idéale?”. Un débat s’est alors construit entre les habitants, ville idéale pour certaines tranches d’âges de la population elle l’est moins pour d’autres, notamment pour les jeunes.

2. Couëron demain L’un des ateliers se composait d’une grande feuille blanche sur laquelle les habitants pouvaient écrire, dessiner et coller des images. Il s’agissait de les questionner sur l’avenir de Couëron, comme ils l’imaginaient ou ce qu’ils souhaitaient pour leur ville. Les gens pouvaient rajouter des éléments ou bien répondre aux souhaits des premiers habitants.

Le second atelier quant à lui, interrogeait les lieux de vies à l’échelle locale. Les participants indiquaient sur une carte à l’échelle de la commune les endroits où ils faisaient les courses, où ils se

Ainsi, à l’issue de la semaine, se sont engagées sur cette feuille de papier, des discussions. Les personnes ont 43


3. Suivez le guide Le troisième atelier était intitulé “Suivez le guide - Moi étranger, où m’emmènerais tu à Couëron? “. Sur une feuille blanche, les participants avaient la possibilité de dessiner ou bien d’écrire sous forme de liste les endroits qu’il était important pour eux de nous montrer. Les enfants ont été les premiers intéressés par cet atelier, nous racontant où ils se posaient. La rencontre marquante avec Ilhan et ses copains, jeunes Couëronnais de 12 ans nous a appris qu’ils prenaient le bus simplement pour faire des allers-retours sans se soucier de la destination mais pour être au chaud, nous racontant où ils allaient jouer, qu’ils aimaient la Loire, acheter des bonbons au Carrefour Market.

fini par se répondre entre-elles, complétant les dires de chacun acquiesçant ou contredisant ce qui venait d’être écrit. Ce qui est ressorti principalement est que l’avenir de Couëron s’est révélé être source d’inquiétude.

Cet atelier a donc permis de faire émerger un débat, une volonté inconsciente ou latente de la part des habitants d’engager une discussion autour de la problématique que nous avons nommée : “Nantes, la métropole et nous” (en clin d’oeil au débat “Nantes, la Loire et nous” proposé par la Métropole en 2015). Cela marque une envie des habitants d’être intégrés dans le dynamisme d’évolution de leur cadre de vie, d’être considérés comme des acteurs inhérents aux prospectives territoriales.

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4. La boîte à rumeurs Sur une table, nous avions créé une boîte avec une fente à travers laquelle les habitants pouvaient y glisser des réponses aux flyers “Il paraît que …”. Nous les invitions à se positionner par rapport aux rumeurs que nous avions lancées et à nous raconter d’autres histoires. Certaines réponses ont été surprenantes. A la rumeur “Couëron, c’est dynamique”, beaucoup de personnes ont souligné le manque de commerces mais ont noté le dynamisme associatif. 5. Stop-bac Le bac, lieu de fascination pour tous, autant pour nous qui a éveillé notre imaginaire dès le premier jour, que pour les habitants qui nous en parlaient toujours avec des étoiles dans les yeux. Ce lieu émerveille parce qu’il est un évènement dans le quotidien des gens. Beaucoup le prennent comme alternative au pont de Cheviré: “prendre le bateau relaxe et est un moment de pause dansVers lala Mer Saint-Michel journée, on préfère ça plutôt que La Bernerie Pornic d’être coincé dans les bouchons à Cheviré” couple habitants du Pellerin. Au-delà de savoir où les personnes venaient et dans quel but, nous étions intrigués de jouer avec eux ce moment d’attente que provoque le

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bac. Une longue file patiente chaque soir avant de monter. Nous avons organisé une performance sous la forme d’un stop, une expérience dans l’expérience : “vous avez le temps d’attendre, et si nous prenions ce temps ensemble?” proposionsnous. Des portières se sont ouvertes, et nous avons partagé ce temps de traversée avec des personnes. Le but était de susciter l’imaginaire par une Saint-Etienne-de-Montluc discussion banale: “merci de nous Super U avoir pris, il fait vraiment froid dehors, mais ce bac c’est vraiment super, vous en pensez quoi?” Intriguées Balade du dimanche autour du lac de Beaulieu par notre présence, les personnes qui avaient accepté se Centre sontSocio-Culturel prises Pierre Legendre Carrefour market au jeu et ont décrit leurs sensations Promenade dans les marais Audubon de ce moment. Nous sommes Couëron bourg La Ch même montés dans la cabine du Marché jeudi Sup bateau où les marins nous ont raconté leur quotidien quelque peuBords de Loire Cap vers le Sud monotone Canal de la mais Martinière “aucune traversée I ne se ressemble avec les marées et le Mar bord passage d’autres bateaux, Le Pellerin même si le Marché dans les Halles le samedi temps peut paraître long”.


VILLE TERRITOIRE Avec la diminution de l’attraction locale en terme de travail et de commerces, les habitants ont tissé, au fil du temps, une vie dispersée. Une attractivité mitigée L’aménagement des quais de Loire en 2004 et la réhabilitation du site de la Tour à Plomb ont créé des points d’attractivité. Il n’est donc pas surprenant de voir des personnes, provenant d’autres communes, venir se balader sur les bords du fleuve le week-end. Cependant, les gens viennent mais ne font que passer: “on ne monte pas dans la ville quand on vient se balader là, il n’y a rien dans le bourg” promeneurs sur les quais.

A travers les ateliers, Couëron nous est apparue comme un territoire qui se pratique à grande échelle. L’attraction de Nantes est forte notamment concernant l’emploi et les commerces. Les mouvements pendulaires sont intenses. Au quotidien le territoire est donc constamment emprunté. Aussi par les habitants de la rive sud qui prennent le bac pour aller travailler sur Nantes.

Atlantis

habossière

per U

Porte vers le sud La ville est en effet très connectée au sud grâce à ce bac qui permet en moins deOrvault 20 minutes de traverser la Loire. Cet espace est décrit par les habitants à travers les lieux de loisirs Saint-Herblain comme le Canal de la Martinière propice aux balades ou la mer vers Pornic. La notion de proximité s’étend alors bien au-delà de la métropole nantaise.

Ville traversée Couëron aurait pu devenir un cul-desac car elle est bornée par la Loire et les marais. Cependant, la connexion au sud par le bac la désenclave. Les pratiques s’y effectuent à l’échelle métropolitaine dans une relation économique et plus largement à une échelle estuarienne dans une relation de loisirs.

Nantes Saint-Etienne-de-Montluc Super U

rché le dimanche en d de Loire

Orvault

Atlantis

Indre

Travail

Saint-Herblain Balade du dimanche autour du lac de Beaulieu

Commerces Marché Activité du centre Aux bords de l’eau

Promenade dans les

marais Audubon

Promenades

Centre Socio-Culturel Pierre Legendre Carrefour market

Couëron bourg

La Chabossière

Marché jeudi

Super U

Nantes Bords de Loire

Canal de la Martinière

Cap vers le Sud

Indre Marché le dimanche en bord de Loire

Le Pellerin Marché dans les Halles le samedi

Vers la Mer Saint-Michel La Bernerie Pornic

Travail Commerces Marché

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Activité du centre Aux bords de l’eau Promenades


PRATIQUES COUËRONNAISES Les sphères d’influences de cette vie satellite se réduisent pour les moments de détente. La commune se pratique alors principalement à pied autour d’espaces de proximités. Des repères communs L’étendue du territoire des habitants, se concentre particulièrement dans un rapport incontournable à l’eau. Il est important dans le quotidien des Couëronnais surtout pour les moments de détente et de loisirs. La plupart des habitants font leur jogging ou se baladent autour du lac de Beaulieu ou sur les bords de Loire. Beaucoup traversent le fleuve pour aller au Canal de La

Martinière. Et certains prennent simplement le bac pour faire des allers-retours. La Tour à Plomb et le lac de Beaulieu sont des éléments marqueurs autant pour les habitants que pour les passants. Ils sont inscrits comme participants de l’identité de Couëron. Le besoin d’espaces verts “Les moments de pause manquent”, “pas assez de bancs”, d’”espaces

Cette carte a été déduite des paroles récoltées lors de nos rencontres. 47


remarquable que la maison dans l’eau” père de Kévin, rencontré au club de billard.

verts”. Cette dernière remarque nous a beaucoup surpris sachant que la ville est entourée de champs, de sentiers, ... Les habitants regrettent en fait plus de lieux de rencontres associés à des lieux de verdures. Cependant, certains pratiquent les espaces ouverts des champs et des marais par les nombreux chemins de randonnées : “on vient de faire 2h de balade à pied sans prendre une seule route avec des voitures” habitants rencontrés un dimanche aprèsmidi. Couëron est alors pratiquée à pied, certaines personnes nous ont expliqué qu’elles avaient l’habitude de se balader dans la ZAC Ouest Centre-ville. “Avec ma femme on continue de rejoindre les marais par là, même si il y a la ZAC, on garde des repères avec la grange en pierre qu’ils ont conservée, mais on passe toujours devant la maison en plastique, un délire d’architecte qui nous fait marrer et qui est plus

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Court-circuits Ces pratiques marquent aussi des contre-usages dans le territoire. Les personnes à la mobilité réduite, qui sont aussi les personnes âgées, parcourent la ville principalement à pied ou en transport en commun et vivent à une échelle plus réduite. Leur maison, leur rue et le quartier prennent beaucoup d’importance. Les habitants des hameaux, isolés, ont des tactiques similaires pour être indépendants., Ils s’organisent en association de quartiers pour se fédérer entre-eux, du fait de leur difficulté de se joindre à la vie locale des centres urbains. Si la commune de Couëron garde encore des pratiques locales, elles rentrent en concurrence avec une vie métropolitaine à plus grande échelle qui délie et dissout les rencontres de proximité. Le rapport de complémentarité entre les deux échelles entre en frictions/tensions.

eu

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49


POINTS DE FRICTIONS MISE EN DÉBAT

au loin le pont de Cheviré émerge de l’horizon 50


L’estuaire de la Loire un chapelet d’îles

UNE HISTOIRE METROPOLITAINE La situation de Couëron sur le fleuve fut constamment une source de richesse, mais aussi de convoitise à l’échelle d’une métropole.

IV av JC Couëron est la grande place commerciale gauloise sur le Liger

Au départ, Couëron est un petit village des bords de Loire avec une culture et des métiers liés au fleuve: artisans, pêcheurs, gabariers, tonneliers, marchands et négociants peuplaient la ville. C’est en 1620 que Couëron, avec sa rade bien abritée du Port-Launay devient l’un des avantports de Nantes. Elle est déchue de son rôle au profit de Paimboeuf plus proche de l’embouchure de l’estuaire. Avec les travaux de chenalisation du fleuve, les ingénieurs nantais destituent la ville de son rapport au fleuve. C’est au XIXème siècle que le développement de la ville s’industrialise en s’inscrivant dans le complexe industrialo-portuaire de l’estuaire de la Loire. La ville s’agrandit avec les maisons-Castors ou les constructions pavillonnaires qui ont connu un essor dans les années 1960. Aujourd’hui, l’extension de la ville se poursuit, Couëron est un lieu de résidence recherché pour sa proximité à Nantes. Ainsi l’urbanisation se pose principalement sur une typologie résidentielle. Cette vocation questionne l’évolution de Couëron, comme expansion spatiale de Nantes dans un rôle de couronne péri-urbaine.

Un traité du comm Castille, les pêcherie essor considérable, le

1620 Couëron devient un des avantports de Nantes une relation d’appartenance

Couëron

1750 Le pouvoir des ingénieurs Nantais Couëron voit son rapport à la Loire modifié.

Couëron devient la banlieue de Nantes ?

Cette cartographie illustre à travers des anecdotes, des faits politiques, ce rapport de frictions entre des intérêts locaux et ceux de la métropole.

Coueron avant port de Nantes

1620 51

Forges de Basse indre

1822

Comblement de l’ile neuve port launay

1837

Usine de Coueron

1860


Couëron

1400 Charles Blois interdit «que l’on fasse forteresse en notre ville de Coyron» car les bourgeois nantais craignaient que de telles forifications puissent être conquises et se retourner contre eux..

1399 merce fut passé avec le roi de es de la basse Loire prirent un es lamproies étaient réputées...

1500 Anne de Bbretagne autorisa la destruction des pêcheries qui gênaient la navigation, au détriment des pêcheurs de Couëron

1860 Construction de l’usine de Couëron au lieu dit du « Bourget» à l’emplacement du port ensablé de la canche un endroit ou s’assemblait la population couëronnaise.

1789 Il règne encore une forte activité, les navires embarquent ou débarquent les marchandises, le fleuve est silloné sans relâche, les canots et les gabares descendent le courant.

1866 CONTESTATIONS Les ingénieurs des Ponts et Chaussées proposent de compléter l’endiguement et d’augmenter la taille de l’île Neuve. Le Port Launay est définitivement coupé du fleuve. Les intérêts couëronnais sont secondaires par rapport aux intérêts du commerce maritime nantais. «Il a bien fallu que Couëron en prit son parti»

Couëron

Tour à plomb

1877

Association avec l’ETS Pongibaud

Les prémices d’une métropole Groupe urbain de 15 communes

ACRN

1879

1961

1967

Fermeture de l’usine Pontgibaud

1980 52

Usine Arc en ciel

Communauté urbaine

1994

2001

Nantes métropole

2015


UNE ÉCONOMIE EN PÉRIL Les industries pratiquement disparues posent la question du dynamisme économique et des ressources locales du territoire. Arcelor Mittal, Arc-en-ciel, DCNS, Lambert-Manufil,… autant de mots qui n’ont que très peu résonné dans les paroles des habitants. Ces usines ne font plus parties du quotidien des Couëronnais. Elles ont pour nous très peu fait partie de la découverte du territoire. En effet, un pourcentage très faible de la population locale est ouvrière ou employée dans les industries qui persistent encore aujourd’hui.

importante des petites et moyennes entreprises de la commune. Seulement, son emplacement physique éloigné des centralités bâties de Couëron ne la marque pas comme partie intégrante d’une dynamique locale pour les habitants. Cela la situe plus en rapport avec la zone d’activité d’Atlantis et donc plus rattachée à Nantes.

L’économie locale se situe principalement dans la zone d’activités des Hauts de Couëron au nord près du périphérique nantais. Cet espace concentre une part

Derrière les murs, ça fume toujours “quand une industrie fumait c’est que tout allait bien, il y avait du dynamisme et de l’emploi” nous raconte un habitant. Aujourd’hui les usines ne fument plus mais elles fonctionnent quand même. Nous avons rencontré

certaines machines de l’époque sont encore utilisées

derrière la porte on fabrique des vis et des pointes

des bâtiments vétustes, patrimoine industriel

les cheminées : seul indice de la présence des usines

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cependant fragile. “Aujourd’hui il n’y a plus qu’un agriculteur pour cent hier, les fermes sont plus grandes, autour de la mienne il y en avait treize maintenant je suis tout seul” nous dit l’un des agriculteurs de la commune.

Grégory qui travaille à l’usine Lambert-Manufil. Il nous a emmenés parcourir son usine. Située dans les anciens bâtiments de Tréfimétaux, encore debout malgré l’état quelque peu vétuste, l’espace ne manque pas. “On pense à diversifier notre activité pour continuer à exister mais la concurrence est rude” nous dit Grégory. Cette visite a confirmé la fragilité et le détachement de l’économie locale au vu de la ville.

Grâce à la qualité particulière des terres marécageuses, l’agriculture est préservée d’une production vertueuse, sans engrais chimiques. Les alluvions du fleuve qui sont déposés sur cette terres l’enrichissent tellement que tout au long de l’année, l’herbe pousse. Il ne sert à rien d’ajouter quoi que ce soit, la production intensive viendrait détruire l’écosystème de ces espaces. Le rapport à l’eau constitue encore aujourd’hui une véritable ressource pour préserver quelques activités et un dynamisme local. Cependant leur ancrage social au terrain s’appauvrit du fait de leur manque de visibilité et d’interactions à la vie locale.

“Aujourd’hui les gens ne voient pas qu’il y a une usine ici, les hauts murs ne laissent pas deviner ce qu’il se passe derrière, on voit simplement les cheminées, notre production est silencieuse, les machines ne s’entendent pas quand on ferme les portes, ce qui fait que l’on est invisible au yeux des habitants qui ne remarquent pas notre présence”. Un artisanat en voie de disparition L’artisanat persiste avec la construction de bateaux en bois des chantiers Fouchard situés dans les marais, mais les normes européennes réduisent leur marché, et ne leur permettent que d’effectuer des réhabilitations. Les pêcheurs quant à eux ne sont plus que six. “moi j’ai vendu mon bateau à un gars de Paimboeuf y’a quelques années” Roger, ancien pêcheur d’anguilles. Cependant les chantiers navals d’Alu Marine sont venus s’installer sur la zone du Port Launay depuis quelques années et profitent de cet emplacement privilégié sur la Loire. L’agriculture quant à elle est considérée comme ressource future à préserver pour une alimentation de proximité à l’échelle de la métropole. Sa qualité d’agriculture raisonnée (sous forme de petites exploitations à production écologique) est

le port de Couëron

les bêtes sont encore dehors au mois de décembre

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VISION MÉTROPOLITAINE Aujourd’hui encore Couëron

est très liée, au niveau de sa politique, à la métropole

nantaise, inscrite dans le SCOT Nantes/Saint-Nazaire, son PLU va devenir métropolitain. L’avenir s’engage en commun, le territoire métropolitain Nantes/SaintNazaire envisage l’accueil de 300000 nouveaux habitants d’ici 2030. La construction d’un PLU-Métropolitain pour l’agglomération nantaise en 2017, rassemble ses 24 communes et s’établit dans la volonté d’accueillir ces nouveaux habitants (+100 000 habitants). Dans le respect de ces volontés politiques, la commune se place donc dans une perspective de croissance démographique qui entraîne un besoin de logements.

SCoT Pays de Retz

Nantes Métropole

“reconstruire la ville sur ellemême” c’est-à-dire de densifier les centralités bâties déjà existantes. La construction de la ZAC Ouest Centre-Ville a reproduit un schéma d’urbanisation mité (peu dense) qui posait déjà problème avant “il convient de ne pas se tromper pour les prochains projets” nous dit l’adjoint à l’urbanisme. La construction dans les hameaux quant à elle est très limitée, afin de préserver les entités déjà formées et conserver ainsi l’espace agricole, grenier de la métropole. Les textes exacerbent une opposition ville/campagne mais sans jamais parler d’un quelconque dialogue entre ces entités, les enfermant dans leurs limites. “On se sent la zone de

Le bon élève de la métropole La proximité politique de Couëron avec Nantes (l’ancien maire PS JeanPierre Fougerat a été le suppléant de Jean-Marc Ayrault) fait de la commune le “bon élève” de la métropole, qui respecte le “quota”1 des 174 nouveaux logements par an établis par la politique métropolitaine et inscrit dans le PLU de la commune. Pour y répondre, la commune urbanise des zones sous la forme de ZAC. Une urbanisation contrôlée Les élus locaux parlent aussi de

1 nommé ainsi dans le PADD et le PLU 55


C.C Coeur d’Estuaire

Nantes Métropole

non-droit, à l’écart de la commune” nous dit un habitant des hameaux.

et de promenade. Un dynamisme local à renforcer ? Le rapport à la densité est aussi lié à la diversité, “promouvoir une urbanisation diversifiée ajoutant des commerces et des équipements” selon le PLU communal. Cependant cette volonté n’est pas clairement définie, d’autant que les commerces déjà existants s’essouflent. La proximité à Nantes quant à elle est renforçée avec la création d’un nouveau pôle gare à la Chabossière et la restructuration de l’actuelle gare de Couëron-bourg. Les volontés politiques tendent à reproduire un schéma déjà en place de dépendance à l’attractivité métropolitaine.

L’image de marque des marais Les espaces de zones humides sont protégés par les réglementations environnementales (Natura 2000, ZNIEFF). Cet espace abrite une sorte de réseau de promenade permettant d’accueillir un projet de Loire à Vélo nord soutenue par la communauté de commune Coeur d’Estuaire. Cet itinéraire bis par rapport à celui existant, traverserait les marais et semble être stratégique pour la reconquête et la valorisation paysagère de ce territoire. Rebaptiser les marais “Audubon” il y a quelques années, a été la première pierre pour repenser cet espace en lieu de loisir 56


L’ÉMERGENCE D’UNE PEUR La “métropolisation” se définirait par la peur de l’anonymat, de

l’individualisme, d’une perte de singularité, et d’une uniformisation des modes de vies sur le territoire. maisons où l’on sent qu’elles ont une histoire disparaissent” parole d’atelier public. Les habitants s’inquiètent de la pérennité des singularités. Les nouvelles pratiques métropolitaines, où les habitants n’habitent pas la ville mais un territoire à grande échelle, fragilisent la vie locale. Beaucoup sont inquiets de ne pouvoir maîtriser l’évolution de leur ville : “on ne sait pas si on pourra continuer à accueillir comme on l’a toujours fait, on a moins

Les habitants sont pris entre la volonté de se rapprocher de plus en plus de la grande ville (et d’accéder à ses services, ses emplois) et celle d’être proche d’un paysage de marais, de champs: “la ville à la campagne”. Cet entre-deux est mis en bascule aujourd’hui notamment par l’urbanisation intense de la ville. “Les immeubles poussent de terre, on rase des quartiers entiers pour construire d’autres bâtiments. Des

collage qui est ressorti de l’atelier «Couëron demain» :

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de moyens pour permettent aux gens de se rencontrer” s’inquiète un membre du centre Pierre Legendre. C’est une grande inquiétude de ne pas pouvoir répondre à l’accueil des nouveaux arrivants et de ne pas leur offrir une place “je n’ai pas le temps de connaître mes voisins, ils changent trop souvent” Jocelyne. Enfin une phrase marquante est ressortie : “on se fait métropoliser” décrit la JAM. Comme une sorte d’envahissement incontrôlé, les habitants ont la sensation de subir plus que d’être intégrés dans les changements du territoire. Cette inquiétude face au développement de la ville démontre que les habitants se sentent dépossédés de leur lieu de vie.

Quentin de la JAM qui sème des jardins

singularités par l’uniformisation des pratiques et vers une non reconnaissance des récits. Des habitants qui se mobilisent Cependant l’évolution de la ville et des modes de vies amènent aussi à de nouvelles interactions. La mise en place de ventes directes ou de chantiers d’insertions à la ferme par les agriculteurs offre un nouvel espace de partage entre exploitants et habitants. Ce type d’échange s’effectuent aussi par l’arrivée de jeunes associations, comme la JAM ou l’association Jardin’âge qui renforce aussi des rapports de solidarité en proposant de partager des jardins privés entre ceux qui ne peuvent plus s’en occuper et ceux qui en recherchent. Dans cette volonté de faire lieu pour faire lien, de nouveaux espaces de vies sociales se créent avec la Cab’à’Lulu qui rallie ouvrier, jeunes ou retraités. La richesse des interactions en lien avec le territoire, persistent et montrent une volonté de continuer à “faire ensemble”, le lien social apparaît comme source de solution permettant la mixité des usages et des groupes. Malgré leur force et la multiplication des exemples, ces pratiques n’effacent toutefois pas l’impression de manque de lien dont beaucoup nous ont fait part.

Des conflits d’usages Du point de vue paysager, l’extension de la ville tend à recouvrir de plus en plus de terres agricoles. “La ZAC! je n’ai rien vu venir, on ne m’a pas prévenu, j’ai perdu plusieurs terres qui me sont nécessaires pour mes vaches, ce sont des terres de repli pour que mes troupeaux n’aient pas les pieds dans l’eau en hiver” Yannick. De plus, l’espace rural se définit, par une majeure partie des habitants, plus par le cadre qu’il offre que par ce qu’on y fait «on est venu habiter ici pour être au calme, proche de la campagne». Un décalage se crée entre la campagne telle qu’elle est perçue et telle qu’elle est appropriée par ceux qui y vivent de leur activité de production “On essaye d’être fair-play, quand des promeneurs se baladent dans les marais je ralentis mon tracteur, mais les gens ne comprennent pas le bruit des machines et une vache qui meugle”. Tout cela raconte bien une inquiétude par rapport à l’écologie sociale du territoire, à une possible perte des 58


COUERON ON Y PASSE, LE TEMPS D’UN ARRET STRATEGIE GLOBALE

l’embarcadère du bac devient un lieu de rencontre pour l’association A.L.O. (Aviron Loire Océan) 59


NÉGOCIATIONS Les rencontres et allers-retours sur le terrain, ont suscité chez nous un rapport empathique aux lieux et aux personnes, induisant un engagement. S’engager pour nous, pour continuer à être accueillis, notre présence n’a pas suscité l’indifférence, il paraît “qu’on fait de l’effet ”. S’engager pour cultiver cette reconnaissance de l’autre. S’engager pour les agriculteurs de l’eau comme Yannick, qui par une pratique ancestrale, construisent un savoirfaire, gage de qualité favorisant une économie locale. S’engager contre l’uniformisation des modes de vies, il ne faut pas oublier les récits singuliers comme celui d’Ilhan et ses copains qui prennent le bus simplement pour se retrouver, qui détournent les fonctions du lieu pour des usages créatifs et personnels. S’engager pour un environnement qui change de visage chaque jour et nous transmet son histoire, sa sagesse et son savoir. C’est une apologie et une reconnaissance des marais et des marées qui nous permettent de voyager. S’engager pour Pierre qui cultive les pieds dans l’eau, “je suis ici et pas là-bas”, prendre conscience de son territoire et de sa richesse, de son caractère ondulant qui nous évoque la tolérance de l’autre. Alors comment projeter tout en conservant des attitudes de reconnaissance ? La réponse pourrait être donnée par Lucien Kroll : “L’architecte ne devrait pas chercher à inventer, mais seulement à être à l’écoute de la complexité”. Et donc à mettre en mouvement, à impulser, des usages nouveaux ou non. 60


AU CROISEMENT DE PÔLES ATTRACTIFS Il est nécessaire d’accompagner Couëron comme une partie spécifique de la métropole qui soit en mesure de conserver ses singularités et ses richesses tout en s’adaptant aux évolutions. Au bord de l’estuaire, aux abords de la métropole Le territoire de Couëron tient une position particulière à l’échelle de l’estuaire. Très contrasté, il se situe à la croisée de la métropole et des marais. Il a donc une situation géographique d’entre-deux privilégiée. Il est aussi l’une des seules communes au bord de l’eau et très connecté au sud. Ce statut particulier confère à cette zone des forces que nous souhaitons développer, mais aussi des faiblesses. En effet, cet espace d’entre-deux est marqué par un déséquilibre entre

les entités : l’urbanisation de la métropole se développe et empiète sur des richesses du site. Comme nous l’avons vu précédemment, c’est un territoire menacé par une dissolution de ses singularités et une dépendance à la métropole. L’arrivée intense de nouveaux arrivants induit une perte de contact social et un manque d’appropriation du lieu. Ceci fragilise l’écosystème environnemental et social de ce milieu. La mémoire et les pratiques de la région tendent à s’effacer à travers une homogénéisation

bord d’eau

Bac bord d’eau

61

pont de Cheviré


SAINT ETIENNE DE MONT LUC

LES HAUTS DE COUERON

LES MARAIS

SAINT HERBLAIN

NANTES

INDRE CHANTHENAY

VERS LE SUD

CHEVIRE

LE PERIPHERIQUE

Un territoire de traverses

par des habitants qui la vivent à grande échelle. Sa proximité à Nantes est un atout mais les modes de vie éclatés qu’elle entraîne déshéritent le territoire de sa vie locale. En effet, elle n’est bien souvent qu’un espace de passage, entre la rive sud et nord, dont la vie locale ne tire que très peu parti. Comment penser ce territoire autrement que comme un espace de passage et de connexion ? Comment peut-il être envisagé comme un espace de rencontre porteur de dynamique locale ?

des modes de vie et une perte de contact entre les acteurs des lieux. Aujourd’hui ces entités sont donc dissociées, sans réel dialogue entreelles. “Il n’y a de vivre ensemble que là où l’ensemble ne se forme pas et ne se ferme pas, là où le vivre ensemble conteste la complétude, la fermeture d’un ensemble clos, identique à soi.” Jacques Derrida Couëron par sa situation, pourrait se révéler charnière entre les entités. L’idée est de faire émerger cette position géographique comme une interface entre les systèmes qui se côtoient.

Une volonté de faire ensemble Un autre potentiel est à faire valoir sur ce territoire : c’est la capacité des habitants à se regrouper, former des associations, coopérer, réinventer de nouvelles manières de faire ensemble ou coloniser l’espace public pour réveiller des lieux en attente. Il est un atout à ménager pour construire la ville de demain.

Paysages traversés Par sa proximité à la ville-centre et l’ouverture des mobilités, Couëron est peu enclavée, très connectée. Comme nous avons pu le constater par nos premières intuitions et nos rencontres, Couëron est traversée 62


ZAC ouest centre ville

le soleil revient

passage d’une voiture

la postière passe dans la rue

ah

c’e s

t la nou velle po stière, e lle

m

. tout .. du monde p ar a y l i

e rem salut Floriane ! tu tombe p la s bien ... ce

eh la

prio rité !

c’é t

. Salut !! ur ! pote o j n n mo bo ait

jour bon

63

radio «qui baise qui ?»

une seule personne a souvent plusieurs casqu les gens ont beaucoup de liaisons.


L’inconscient du territoire Ce titre évoque ce qui échappe aux analyses, ce qui se cache dans les espaces habités : les relations spontanées. Nous avions rendez-vous à la Tour à Plomb afin d’y retrouver Floriane, historienne et coordinatrice Ouest France. Elle voulait nous emmener sur les traces de la balade KMK (en gris). C’est un parcours commenté qui a été imaginé par des artistes entre le centre-bourg et la ZAC en 2015. Il avait pour objectif de susciter la relation entre ses anciens et nouveaux quartiers, par le biais de l’imaginaire, invitant à redécouvrir ces lieux sous un autre regard. Nous l’avons donc suivi, mais l’itinéraire tel qu’il était prévu n’a jamais eu lieu. Nous avons parcouru à peine 200 mètres (en noir), nous sommes allés à côté de l’église et de la boulangerie. Nous nous arrêtons à la rencontre d’une connaissance de Floriane, puis deux, puis Thierry l’ancien postier qui connaît tout le monde. Nous étions là, sur ce trottoir sans forme, nous lançions des bonjours par-ci, des bonjours par-là... Ce fut un feu d’artifice de rencontres et de paroles. “ On va essayer d’aller au Bourg d’Aval” lance notre guide amusée, mais en vain, nous sommes restés là, et nous en avions envie. L’horloge de l’église sonne, cela fait presque deux heures. Il est temps de partir car nous avons respectivement des impératifs. “Ce sera pour la prochaine fois la balade KMK…”

passage d’une voiture

passage d’une voiture

passage d’une voiture DOong, DOong, il est midi, l’heure sonne toujours au bourg

vero ! alut .. ça va s va ?. h a ç

e

!

le temps est plus lent ouh la il va se p

rend re un PV l ui

une voiture

uettes, mariage entre cousins

...

un jeune homme traverse la route une jeune fille longe le trottoir pour rentrer chez elle

Tour à Plomb

Ce moment a été très important pour nous car il a déplacé notre regard. En repartant nous est venue cette idée : “ la mobilité crée la connexion, mais l’immobilité permet la rencontre.” 64


UNE INTERFACE EN DEVENIR Comment penser l’évolution du territoire de Couëron dans un équilibre entre une tension locale et métropolitaine ? Comment

favoriser le dialogue entre ces différents éléments tout en préservant leurs qualités ? des terres agricoles.

A l’horizon 2030, environ 7000 personnes sont attendues à Couëron. Il faut donc créer les conditions pour les accueillir au mieux, offrir une place hospitalière pour ces personnes tout en ménageant les richesses et singularités du territoire.

Mais conserver la singularité des entités dans leurs limites actuelles ne suffit pas, car cela persiste à créer des mondes introvertis. Notre volonté est de mettre en place des lieux d’interfaces qui tendent à rendre les limites plus poreuses et ainsi de valoriser une dialectique de reconnaissance mutuelle entre les pratiques, les acteurs et leur milieux.

Comment passer de la ville résidentielle à la ville intense, aux usages multiples, sans perdre la qualité de ces entités? En accompagnant le territoire par la mise en place de lieux où la vie locale peut prendre place, où les spécificités peuvent être mise en valeur, lieux de croisement de la vie à grande échelle et vie locale dans une inter-dépendance. Notre stratégie s’appuie sur trois orientations principales qui permettent une action cohérente sur l’ensemble du territoire. C’est à partir de ce processus que les projets prennent forme.

La porosité de ses lisières permet d’ancrer les modes d’habiter avec leur territoire au sens où l’habiter, s’inscrit dans un lien physique et social avec le milieu auquel il appartient. C’est l’idée de retourner la ville sur les pratiques et l’environnement qui l’entoure et mettre en avant la richesse de son rapport à l’eau et des pratiques agricoles. En agissant de part et d’autre de ces bords, c’est avant tout relier des actes et des personnes.

1. des lisières poreuses (prérogatives) Il convient de trouver des alternatives au mitage des terres arables engendré par l’extension du pavillonnaire et l’urbanisation par les ZAC. Notre stratégie se base dans la continuité des volontés politiques inscrites dans le PLU qui prônent la “reconstruction de la ville sur ellemême” et restreignent l’urbanisation

2. créer des haltes pour faire lieu (de la traverse à l’escale) Afin de ménager des espaces de dialogue, notre stratégie se teinte de l’expérience vécue à travers l’itinéraire avec Floriane, qui a révélé l’arrêt comme potentiel de rencontre et générateur de lieu. Cela nous permet d’affirmer la volonté de proposer des dispositifs de haltes 65


les mouvements et amorcer de nouvelles dynamiques. Ces endroits de passages révèlent la connexion comme outil pour créer des arrêts. Les interventions viennent donc ponctuer le territoire et révéler des points de dialogue potentiels.

qui se lisent comme des points d’accroches au territoire,points de rencontres physiques entre les différents acteurs et leurs usages. Ces haltes s’intègrent sur des passages inscrits, sur des parcours quotidiens ou momentanés. Ces passages s’entendent à la fois physiquement par les mouvements pendulaires qui entraînent des flux journaliers ou par les mouvements temporaires des promeneurs du dimanche, mais aussi socialement par les “vagues” d’installation des nouveaux habitants. Sur ce territoire traversé la densité du passage est un potentiel pour capter

Comme le dit Christopher Alexander “la ville n’est pas un arbre mais un réseau de noeuds, chacun tendant à la spécialisation de ses activités.” La multiplication de ces espaces spécialisés apparaît comme un gage d’inter-dépendance entre-eux à l’échelle locale mais aussi par rapport à la ville-centre à l’échelle territoriale.

des haltes qui ponctuent les passages au bord des entités 66


3. ménager des espaces de frictions

Ces interfaces viennent se définir par rapport à des frictions qui existent aujourd’hui sur le territoire. Ces frictions caractérisent des conflits d’usages et de représentations entre les échelles métropolitaine et locale. Ces rapports de force s’expliquent par cette volonté métropolitaine de valoriser des singularités du territoire mais qui ne servent pas à impulser de nouvelles dynamiques locales et parfois génèrent même des mises à distance.

prairies humides

Nous allons nous intéresser particulièrement à des dissenssus que nous avons repérés sur le territoire.

vue

Jetée des marais ZAC coulée

Tout d’abord, celui lié à la figure du bon élève que représente Couëron dans sa capacité de ville d’accueil en supportant une pression d’urbanisation importante. Mais cela est vécu par les habitants comme une peur face à la saturation des moyens en terme d’équipements ou de vie associative.

berges jardins

Il y a aussi le rapport à l’eau notamment les marais qui est une image de marque fabriquée pour des pratiques de loisirs et de détentes aux détriments d’une reconnaissance de l’activité agricole et ne favorisant pas l’activité locale. Et enfin, le monde agricole qui doit être conservé, est considéré comme le grenier de la métropole, un potentiel nourricier mais dont la production extensive de qualité à paradoxalement du mal à persister en tant que telle.

des lieux de frictions

Notre volonté est de requestionner ces frictions comme des potentiels de développement parce qu’elles portent un intérêt à la fois à l’échelle de vie locale mais aussi métropolitaine. Notre stratégie est de ménager ces frictions comme des espaces de mises en relation, de dialogue à différentes échelles. Il semble nécessaire de 67


fermes cultures

Gare maraîchère les pavillons potagers

quartier de la verrerie point de vue

Désir de rives innondabilité

habiter

Quai suspendu tour à plomb

interactions. Ils s’inscrivent sur les haltes et ponctuent le territoire. Les interventions se répondent sans lien hiérarchique mais dans une logique commune de réciprocité.

construire des espaces de partage qui permettent l’interaction sociale entre les habitants, les inscrivants ainsi dans un projet commun qui favorise l’intégration. Ces espaces de frictions sont pensés comme des points de rencontres entre les acteurs, leurs pratiques et le territoire. Ils rendent compte des spécificités locales et génèrent des

Faire lieu c’est aussi faire repère Ces lieux de rencontres s’inscrivent comme des nouveaux repères, des nouvelles polarités sur le territoire. 68


LE PROJET NE S’ARRÊTE PAS LÀ L’HISTOIRE CONTINUE

69


ET APRÈS...

Nous présentons les projets dans le cadre de l’option de projet en ce début d’année et c’est une étape importante. Cependant, notre démarche ne s’arrête pas à ce rendu. Il nous est nécessaire ensuite d’organiser un retour auprès des habitants. Ce moment permettra de poursuivre les questionnements sur nos projets. Ainsi la parole de l’habitant que nous avons écouté ne soit pas qu’un matériau mais bien un échange continu. Nous préparons cet atelier dans un rôle pédagogique dans une notion de lien. Et ce afin de se sentir acteur pour savoir partager au même titre qu’un citoyen notre vision du territoire.

Nous attendons donc cet atelier auprès des habitants que nous ferons au mois de mars.

70


71


LE QUAI DES UNS, LE JARDIN DES AUTRES MARGOT MOISON

Quai, n., m. : lieu où l’on arrive, attend, se rencontre, observe pour mieux repartir. Jardin, n., m. : lieu harmonieux que l’on apprécie, où s’épanouit certaines richesses et dont on dispose comme si l’on était chez soi.

la gare ensommeillée laisse passer les trains 72


POINT DE CROISEMENT Dans les mouvements incessants qui traversent le territoire, où trouver un lieu d’hospitalité ? Un lieu qui permet une porosité entre différents milieux en invitant à l’interaction et à l’accueil ? que tout le monde vit au quotidien ? Couëron ne porte t-il pas déjà ces réponses jusque là endormies ou indistinct aux yeux de tous ?

A Couëron on y vit, on y dort, on y travaille aussi, comme agriculteur pour Yannick, comme professeur des écoles pour Dominique, … Mais pour la plupart des autres personnes, on y travaille peu en fait. On prend surtout sa voiture tous les matins, et on file sur Nantes, dans la même direction que les autres, sur les mêmes routes. Cette situation assez univoque tend à se renforcer, l’installation croissante de nouveaux arrivants à Couëron convoque de plus en plus ce mode de vie. Pouvoir habiter ici implique la possibilité d’être propriétaire d’une maison avec jardin, grâce au foncier encore attractif, tout en étant proche de la ville-centre qui offre travail, services et cultures. Cette situation qui au fond se complémente bien a aussi ses limites quand on observe que le lien entre les habitants et leur territoire s’étiole peu à peu. Et que cela risque de réduire la commune à sa fonction résidentielle de satellite : qui ne survivrait que par sa proximité à la métropole. L’intense expérience de terrain nous montre qu’il existe une diversité de quotidiens et pourtant le trajet le plus banal qui est celui de rejoindre son travail n’a que très peu d’alternative sur Couëron. “Quand je vois le nombre de gens sur les routes, tout le monde va travailler sur Nantes, je me dis qu’il y a un moment ça va saturer, comment on va circuler ? ” parole d’atelier public. Comment répondre à cette histoire

Une gare comme lieu d’hospitalité Dans ce scénario saturable quelque chose d’autre peut s’inventer pour retrouver le rapport à l’autre et au territoire dans un parcours quotidien. Il existe à Couëron une gare qui relie Nantes et Saint-Nazaire en peu de temps. Elle est un potentiel pour s’intensifier mais aussi pour être un carrefour d’hospitalité et de rencontre. La gare représente dans son principe même un lieu d’arrivée et de départ mais aussi ce temps de repos interrompant une activité de déplacement. Elle est un lieu d’hébergement permettant l’interruption d’un mouvement où le voyageur peut y trouver refuge. Elle représente l’occasion d’un nœud de contact entre plusieurs pratiques du territoire, entre les voyageurs et les autres ouvrant la possibilité de créoliser les différentes subjectivités. Cette expérience de rencontre devient possible dans la qualité même du mouvement qui induit le déplacement vers l’Autre. De cette expérience peut naître des points de sociabilité en tirant profit du moment d’attente. La gare, ce point d’arrêt, devient un lieu privilégié de la découverte. 73


collage - au cœur de l’accident

RENTRER DANS LE PAYSAGE

vie. Ces éléments s’imbriquent et se reposent sur les marais. Cet espace est une richesse commune à tous et il est la source d’un rapport particulier au territoire. Lieu de rêverie, de ballade mais aussi de labeur, il est aussi fragile. L’accident de voiture symbolise l’arrêt, la rencontre, la dérive au chemin et la découverte d’un ailleurs. Son immobilité forme un lieu et pose un poids dans le mécanisme qui alors s’alourdit. La voiture s’ancre progressivement dans le terrain et prend ses couleurs. Les travailleurs en costard cravate attendent dans les rouages de leur quotidien, et observent alors autour d’eux le paysage. Derrière cette brume indicible se cache une partie du territoire qu’ils ne connaissent pas mais dont ils commencent à en percevoir l’intérêt. Ce collage exprime l’intérêt d’un espace de rencontre invitant à tisser de nouveaux liens pour ne pas laisser disparaître les spécificités du territoire.

L’expérience du collage constitue un point charnière dans la démarche du projet. La volonté de mettre en place des lieux de haltes et de rencontres se joue aussi ici. Ce collage a été fait suite aux ateliers publics, toute sa structure est basée sur un mécanisme de roulement infini, sur lequel se pose différents éléments. Cette machine infernale qui symbolise aussi le temps qui passe, fonctionne à la fois sur des aspects palpables comme sur d’autres plus immatériels. L’équilibre semble fragile : Nantes avec ses tours symboliques, les nouvelles maisons des ZAC, prennent un poids différent de la vieille bâtisse des siècles passées, reléguée, par lequel se murmure les histoires d’autrefois qui s’envolent avec l’oiseau vers les nouvelles constructions. La volonté de transmission et de partage est un lien fort que les habitants tentent de conserver pour prolonger les récits et les ancrer dans leur lieu de 74


RENDRE VISIBLE Aujourd’hui la gare est un lieu géographiquement en lisière et enclavé, comment pourrait-elle être placée au cœur des mobilités quotidiennes ?

champs, marais

pavillons

bourg historique

Le terminus de la métropole Le train au quotidien peut ne pas être considéré comme avantageux car il est contraire à un idéal de mobilité individualisé qui permet une plus grande liberté de mouvement. Mais ici la proximité de Nantes, 1/4 d’h, permet une connexion rapide. De plus, intégré dans la métropole nantaise la gare offre la possibilité de prendre le train au prix d’un ticket de transport en commun TAN (1,7 €).

Loire

trois ou quatre passages du TER en direction de Nantes. Quelques minutes avant son arrivée les travailleurs descendent du bus, 91 qu’ils ont pris depuis chez eux, et se dirigent sans attendre sur le quai. Le train arrive avec quelques minutes de retard, les passagers grimpent à bord, un groupe de jeunes descendent pour aller rejoindre à pied le lycée Jean-Jacques Audubon. “Je n’ai pas de clientèle de la gare, on me dit que j’ai de la chance d’être proche d’une gare mais ça ne m’apporte rien, je fonctionne

Au quotidien, un simple passage Un matin à la gare se ponctue de

«en 15 minutes pour 1,5 euros je suis à Nantes» parole d’atelier public 75


plutôt avec les habitués du quartier” barman du café de la gare Ce que sous entend l’expérience c’est que ces voyageurs ne représentent que 7% des actifs couëronnais qui vont travailler pour 80% avec leur véhicule personnel. Au cours de nos rencontres et lors des ateliers publics on nous a peu parlé de ce lieu sauf pour y maugréer quelques remarques décriant par exemple sur manque d’accessibilité. “C’est n’importe quoi, je ne peux même pas monter dans le train avec mon vélo car la passerelle en escalier ne me permet pas de le transporter.” parole d’atelier public

marchandises, on trouve sur place un vieux hangar de stockage et un quai surélevé qui servent aujourd’hui à la SNCF pour ranger le matériel des techniciens de la ligne. “On vient une fois par jour par équipe de deux pour entretenir la ligne. On a dans des algecos qui ont toujours été là, un espace pour manger, se changer et se reposer.” décrivent deux employés SNCF rencontrés avec chance, car leurs activités sont très discrètes. Le guichet d’accueil de la gare quant à lui, n’ouvre que le matin, il est situé dans le bâtiment d’époque en partie désafecté. Le reste du site est en friche et tient lieu de parking sauvage.

Une gare invisible La gare est construite à la fin du XIXème siècle lors de la mise en place de la ligne ferroviaire Nantes/ Saint-Nazaire. Elle s’implante le long de la topographie du terrain. Cette position géographique contrainte la rend excentrée des centralités de bourg ou d’équipement mais aussi de la Loire. Elle tient une position très discrète au sein du paysage de la commune. Aux limites du bâti, son accessibilité est limitée, la gare se situe dans un cul-de-sac. Une friche qui discrètement remue Anciennement gare de

“Le soir à 18h c’est vide alors il y a de la place pour ma clientèle, notamment pour la voiture de Bernard qui reste jusqu’à 1h” plaisante le barman du café de la gare. Ce point d’intensité qu’est le café sert de lieu de rencontre pour le club de fléchettes ou celui de cartes de la commune, les membres se réunissent ici toutes les semaines et bondent la petite salle du café. Au fond un billard offre des parties endiablés jusque tard dans la nuit pour les connaisseurs. C’est aussi un refuge où se côtoient les jeunes qui prennent à manger le midi et les plus âgés qui viennent tenir le bar.

la friche des anciens réseaux ferrés de France

une gare dissimulée derrière un parking 76


physique, qui requestionnent notre rapport au monde, aux autres et à nous-même. Il convient donc d’accompagner le lieu de la gare comme un carrefour de parcours et d’usages qui interagissent entre eux. Il est le point stratégique qui ne tend qu’a être révélé pour s’adapter à cette nouvelle façon de penser les transports et nos quotidiens comme lieux de frictions social. Cela pose la question plus globale du devenir des gares françaises dans les petites communes qui aujourd’hui ferment les unes après les autres alors que la population vit de plus en plus dans ces milieux tout en se déplaçant quotidiennement dans les grandes villes.

STIMULER Pratiquer la gare comme lieu de vie au quotidien pour réactiver le quartier et apporter une dialectique entre champs, marais et pavillons. Une routine enrichie “Sur le chemin après le travail, je m’arrête à Atlantis à Saint-Herblain, c’est pratique après je suis à 10 minutes de chez moi“ parole d’atelier public. La faible fréquentation du train se lit à travers l’efficacité de la voiture qui offre la possibilité de coupler déplacement au travail et arrêt au supermarché pour faire les courses le soir avant de rentrer chez soi. Les trajets sont efficaces, on ne perd pas son temps à faire des aller-retours. Seulement ce schéma a un impact écologique élevé qu’il semble de plus en plus urgent de réduire. Mais aussi un impact économique pour les familles qui, de ces déplacements, connaissent de nombreuses dépenses. De plus, dans ces logiques implacables la ville est individualisée et les rencontres spontanées se font plus rares. Il semble évident que pour ranimer la dynamique du train dans le quotidien pour réduire l’impact des déplacements pendulaires individualisés ne pourra se faire sans proposer une “plus-value“ dans les parcours. L’évolution de la gare doit s’inscrire dans la recherche d’une écosophie qui est définie par Félix Guattari comme une articulation des écologies sociale, mentale et

Ouverture d’une gare sur son milieu Sur cette commune encore rurale (76% d’espaces naturels), notre rencontre avec Yannick, exploitant agricole des marais, fut décisive. Il nous a révélé sa volonté de promouvoir la production mais aussi les pratiques liées à son métier. “Les gens qui viennent à la campagne

aujourd’hui

demain ? Une efficacité à accompagner 77


un fort réseau de vente directe à la ferme, donner une visibilité aux capacités de production locale

ne comprennent pas le bruit des moteurs de tracteurs et les vaches qui traversent les routes. J’essaye d’être le plus fair-play possible, je fais de belles rencontres avec les joggeurs qui me parlent de mes vaches ou des marais mais il manque d’espaces pour se rencontrer et qu’il y ait du dialogue.”nous dit-il. Cet agriculteur comme de nombreux autres sur la commune a vu s’installer près de son lieu de travail, des familles citadines qui recherchaient calme et verdure mais ce sont retrouvés confrontés au vacarme des champs. Sans aucune animosité et pour au contraire multiplier les rencontres et faire prendre conscience de la richesse de sa production, une quinzaine de fermes organisent des ventes directes régulières. “On vend une partie de nos produits en direct, c’est ce qui nous sauve, on arrive à vivre de l’agriculture extensive car les gens recherchent de la qualité, ils sont prêt à venir de loin, j’ai des clients de SaintLuce-sur-Loire. Surtout c’est le rapport humain que les gens recherchent”. Bien conscients des enjeux de demain, ces producteurs s’engagent pour une meilleure alimentation mais aussi pour favoriser le lien entre

des mondes qui communiquent très peu, voire plus du tout. Certains agriculteurs s’organisent aussi autour d’une AMAP (rassemblant une dizaine de fermes) qui a lieu sous le préau de l’école à la Chabossière. Ces stratégies collectives sont multiples. Un chantier d’insertion autour du maraîchage bio tient une place importante au sein de la commune. Il y a aussi la ferme autogérée de la Coutelière qui depuis quelques années est engagée autour d’un projet politique et social pour mettre la terre en commun entre chômeurs et paysans. Si on soutenait ces initiatives, ces potentialités pour faire ensemble, qui existent déjà au travers d’une mise en coopération ? L’idée est de penser la gare comme un support de valorisation des circuits-courts entre producteurs et acheteurs en y inscrivant alors une «coopérative» agricole avec un lieu de vente. Ainsi s’ajouterait au quotidien des travailleurs la possibilité de rentrer chez soi chaque jour un panier de légumes frais à la main. Ce lieu serait aussi l’occasion de tisser des liens et d’être source d’événements permettant de développer de nouvelles solidarités. 78


une gare à rêver (collage d’idées)

collectif pour tuer eux-mêmes leurs bêtes, l’idéal serait ça ” nous glisse Yannick, agriculteur. “Il y a pas mal d’agriculteurs qui vont plus loin que la vente directe avec une autonomie des semences et une transformation sur place de leurs produits, la ferme du GAEC des Roches par exemple ils sont au top dans cette dynamique ! ” membres de la JAM. Ces initiatives pourraient se multiplier pour favoriser une grande proximité dans la production.

Favoriser la filière courte Le mode de distribution s’organiserait sur un terreau de volontés citoyennes déjà fertiles, qui montrent une envie de faire émerger des circuits de proximité. “Je voulais ouvrir une épicerie locale dans cette maison du bourg mais la commune va la détruire.” parole atelier public. “Nous on veut monter un micromarché des producteurs où l’on proposerait des plats préparés” les membres de la JAM. Ces énergies pourraient permettre de porter la plate-forme de vente en agissant comme prestataires de services au quotidien. Où les producteurs fixeraient leur prix librement et ces acteurs ponctionneraient un pourcentage du prix de vente pour créer des emplois sous la forme d’une entreprise sociale et collaborative. Le système n’ouvrirait ses portes qu’aux producteurs de la région. Ainsi développer les circuits courts, c’est réduire le nombre d’intermédiaires avant la vente mais c’est également réduire les distances de transports des produits eux-mêmes. L’impact environnemental et financier de la livraison d’une marchandise à sa production est a réduire, tout autant que le transport des consommateurs vers le lieu de vente. “A Puceul, les agriculteurs ont montés un

Ré-ancrer son alimentation Cette démarche pose la question de l’agriculture et du lien avec ce qui nous entoure. Couëron possède une culture agricole forte, comme de nombreuses communes autour de l’Estuaire. Principalement orientée autour de l’élevage bovin ou laitier, il existe également une tradition de culture maraîchère. Beaucoup moins forte qu’avant, où chaque ouvrier avait son lopin de terre pour cultiver, elle réapparaît néanmoins mais sous de nouvelles formes. Nous pouvons voir des jardins collectifs naître dans la commune, le dernier en date se situe au cœur de la ZAC. Mis en place dernièrement par l’amicale laïque de Couëron il propose des parcelles à cultiver aux habitants. Autour de ce projet pourrait donc s’inscrire un investissement de la friche ferroviaire autour de dispositifs de cultures. 79


DIALOGUER Une mise en connexion qui se lit à la fois à une échelle métropolitaine et locale. système de fret (ex: le city cargo d’Amsterdam)

Ce modèle serait reproduit dans différentes gares de l’Estuaire et desservirait ainsi la production alimentaire à l’échelle du pôle intermétropolitain Nantes / Saint-Nazaire. Ainsi les gares autrefois appelées «embarcadères», lors de la révolution industrielle et de l’organisation des villes du XIXème siècle, renouent avec leur ancien langage.

Une distribution augmentée L’opportunité du train et de son intensification offre la possibilité d’associer à cette démarche un processus de transport de marchandises. Cette initiative s’appuie sur l’exemple du tramway de transport de fret à Dresde (CarGoTram) qui approvisionne l’usine Volkswagen pour les pièces automobiles. A l’échelle de la production locale, un train entier serait démesuré mais le compartiment d’un wagon du TER pourrait être habilité à recevoir de la nourriture. Le système s’établirait sur un standard de container qui viendrait se caler dans le gabarit du train. Ainsi la gare de Couëron pourrait accueillir un quai de fret.

A portée de train La gare se déploie comme un point de départ, elle attise le désir d’un ailleurs. Elle s’ouvre alors comme une fenêtre sur la ville. Le projet entre en connexion avec la future zone de loisir prévue dans l’actuelle carrière ainsi que le lac Beaulieu situés au nord de la ligne. Et s’inscrit dans des cheminements doux qui plongent dans les champs et les chemins de

mise en réseau au niveau local à l’échelle de la ville

80


une gare comme nouvelle centralité et repère dans le paysage

elle viendrait surplomber le paysage et se démarquer à l’horizon. Depuis cette passerelle, la gare prend part à un système d’échanges visuels et de communications à travers le territoire local et métropolitain. Le projet est un point de contact physique, en cherchant à qualifier la lisière, un nouvelle dialectique s’installe entre entité bâtie et entité rurale. C’est une réelle porte vers un métissage des usages de ces milieux. La volonté porte ici à induire une relation plus longue avec le lieu. Le passage s’allonge et accorde une mise en relation au cœur des pratiques. Lieu de coopération, il permet aux habitants de former des initiatives. Un espace appropriable au gré des envies le café de la gare organise un tournoi de pétanque, le chantier d’insertion propose des cours d’horticulture etc ...

randonnées d’un côté ; et vers la coulée verte de la ZAC de l’autre pour ensuite s’immerger dans les marais. Le futur projet de la Loire à Vélo Nord suit ce dernier tracé. Enfin la gare est un point d’accroche pour rejoindre le bourg historique et les bords de Loire. Ces relations locales offrent une opportunité de visibilité sur le territoire. Et permettent des propositions alternatives aux parcours par des traversées piétonnes et cyclables afin de rejoindre le centre-ville, le lycée professionnel ou les bords de Loire. Un repère commun Dans ce schéma d’inter-relation le point de gare fonctionne comme un nouveau repère, un possible point de rendez-vous. Le but est d’y adjoindre une nouvelle passerelle pour permettre le passage à tous,

Future place de la gare ? 81


LIEUX COMMUNS Le coeur du projet c’est aussi un faire ensemble, une entente collective qui génère des mises en partage et promet une intensification du quartier.

éléments de programmes (plan schématique)

Tisser les liens Dans le but d’impulser une nouvelle dynamique, le programme multiplie les rencontres et un récit collectif commence. Le foyer des ouvriers de la SNCF quitte ses algecos actuels pour se mutualiser à la coopérative. Ce lieu s’ouvre parfois pour des événements ponctuels lors des fêtes de quartiers gérées par l’association du “quartier de la gare” déjà en place. Le guichet actuel se mutualise à la coopérative et permet ainsi une ouverture du bâtiment au quotidien. Les services de la SNCF gardent le même rythme tout en offrant la possibilité aux voyageurs d’accéder à une borne et un espace d’attente à l’abri. Mutualiser les ressources et créer du collectif s’articule aussi dans une plus claire articulation entre les champs, marais et les habitations situés sur les reliefs. Le quai de fret se place face au grand paysage et

des fermes perchées sur les collines avoisinantes. La gare s’inscrit dans une traversée transversale qui découle vers des atmosphères différentes. L’enchaînement entre les deux milieux propose une progression douce, une gradation, des champs vers les habitations et vice-versa. Ainsi le projet va tenter un travail sur des percées visuelles, des avancées, qui seront tous autant un jeux de regards, de visions que de véritables connexions. L’attractivité du quartier est grandissante avec ce nouveau dynamisme de la gare. Les cadences de bus et de train augmentent. Mais surtout le quartier prend une nouvelle ampleur. Le projet de la gare opère comme une action incitative pour stimuler le tissus pavillonnaire existant et qu’il soit amené à se reconstruire sur lui-même. 82


de la lisière au cœur du quartier

De la gare à la Jaunaie La municipalité soutient des actions d’espaces partagés pour accompagner le processus de densification et ainsi répondre à la demande d’habitats édictée par les volontés politiques métropolitaine de 140 nouveaux logements par an. Ces espaces forment alors un réseau au sein du quartier et constituent un nouveaux parcours, support d’activités en commun. Ces actions sont des déclencheurs publics d’un jeu d’intensification et de mise en partage. Tout d’abord, la place basse

en lisière du bâti au niveau de la gare agit comme une scène urbaine qui vit aux différentes temporalités de la gare et de ses voyageurs. Dans un deuxième temps, une place haute est constituée au niveau des logements HLM de la Jaunaie. Ces deux espaces viennent en résonance physiquement par des venelles existantes, prolongés ou créées, mais aussi dans leurs qualités pratiques. La place de la Jaunaie devient un espace commun de jardins qui pourrait prendre place autour d’une initiative associative avec l’amicale

83


avec le bailleur social et y initier des installations de jeux pour enfants par exemple. Ainsi une partie du jardin de la Jaunaie serait aménagé et l’autre serait mis en négociation habitante pour différents usages. Mettre en jeu cet espace c’est offrir une valeur ajoutée au sein du quartier et déclencher alors une intensification.

laïque et serait soutenue par la coopérative de la gare. Dans cette dernière on trouverait des graines que les agriculteurs vendent et produisent en auto-gestion (ferme du GAEC des Roches), on pourrait avoir des conseils, etc ... Ce lieu où se déplacerait les maraîchers mais aussi les étudiants du lycée agricole et qui permettrait d’enseigner, transmettre, de montrer et raconter l’agriculture en la pratiquant. L’enjeu même d’acheter une nourriture plus saine est enrichie, et la relation au producteur prime.

Fils rouges Ainsi, dans un troisième temps, le projet porterait une densification d’habitats. Les venelles existantes ou celles créées deviennent des supports de l’intensification et de la stimulation du quartier résidentiel. Dans ce jeu d’intensification, la mairie est amenée à modifier ses outils techniques, et donc le PLU communal. Tout en continuant de fixer des règles, les réglementations doivent permettre la dynamique. Ainsi les parcelles, différentes typologies d’habitats pourraient se développer. Le processus proposé peut donc s’incrémenter et proposer d’autres usages qui détournent les propositions. L’essentiel réside dans la dynamique que provoque cet espace.

1+1= 3 Les zones pavillonnaires du quartier sont caractéristiques d’une urbanisation individuelle sans prise collective. Ce quartier reste dans l’attente d’un véritable projet d’ensemble, il devient nécessaire pour accueillir de nouvelles populations de bâtir ces zones dans la concertation au travers de nouveaux espaces de mise en dialogue. Pour construire ensemble ces îlots communs il est envisageable de mobiliser des associations de la commune, comme Jardin’âge qui colonise les fonds de jardin pour proposer un espace de partage autour du potager entre ceux qui en ont trop et d’autres pas assez. Dans ce quartier où il n’y a que très peu d’espaces publics, la mairie pourrait préempter ce lieu en coordination

“C’est par la mise en place d’un “sujet“ que l’architecture peut nouer ou renouer un sentiment de complicité avec le milieu“ Lucien Kroll.

des venelles qui se dessinent

des espaces verts en attentes 84


85


JETテ右 DES MARAIS ALICE KHALED

depuis le bord des maisons la brume du matin dテゥvoile des marais mystテゥrieux 86


TRAVERSER Les marais, une fois qu’on y a mis les pieds, on ne peut plus s’en

passer. En vélo ou à pied, pour un pique-nique ou simplement pour voir les vaches, on y retourne. Ce paysage façonné par l’homme évolue selon les saisons et n’est jamais identique d’après

Dominique. Pourtant, Couëron vit à côté, sans vraiment en profiter, sans vraiment se rendre compte de toutes ses opportunités. La ZAC Ouest Centre-Ville, ce nouveau quartier Depuis 2012, un nouveau quartier s’érige à l’ouest du centre-ville et est borné par les marais avec lesquels il ne dialogue pas. La ZAC s’articule autour d’une coulée verte piétonne qui permet de connecter la gare au centre-bourg. Là encore, les

habitations sont tournées sur les rues, n’offrant aucune connexion directe avec cet immense espace vert. Et pourtant, les Couëronnais apprécient s’y promener et traverser la ZAC s’en s’arrêter.

une proximité à la gare et au cetre-ville, à la lisière des marais et de la ZAC Ouest Centre-Ville

La gare La Jetée des Marais

87


Cordemais Saint-Etiennede-Montluc

ir e Lo élo àv

N or d

Lo ire

àv élo

Su d

Couëron

Le Pellerin

richesses des marais et de la Loire, entre artisanat, histoire et biodiversité

La Loire à Vélo Nord, une reconnexion avec la rive nord La communauté de communes Cœur d’Estuaire cherche à créer une Loire à Vélo Nord. Aujourd’hui, celleci traverse Couëron, mais rejoint le sud par le bac en évitant les marais Audubon. Avec l’aménagement de la gare et la réhabilitation du quartier Bel Air, la coulée verte de la ZAC Ouest Centre-Ville pourrait devenir support de cette Loire à Vélo. Par un bras de la coulée, le parcours quitterait la ZAC pour se poursuivre à travers les marais et rejoindre Cordemais. Ainsi, les cyclistes pourraient découvrir les richesses des marais comme son système d’irrigation, sa biodiversité et ses pratiques liées à l’agriculture, à l’artisanat et d’autres plus intimes liées à la famille.

photographies de marais au niveau de la cale de la Pierre Tamis

88


SE RENCONTRER Vue du site vers les marais

Le projet vient s’inscrire entre

les espaces de la ZAC et des

et de leurs groupes plus informels et d’un café/restaurant. Les deux

rencontre entre les habitants

Jeux de cadrage Afin d’attiser la convoitise des habitants et voyageurs, des cadrages sur les marais sont aménagés grâce à des jeux de passerelles, chemins singuliers de Couëron, de pentes de toit et de tailles de fenêtres. Le regard est alors guidé vers ces espaces humides invitant l’habitant à aller plus loin, à les rejoindre pour les découvrir davantage. A la manière d’une jetée qui amène vers la mer sans vraiment la toucher en offrant des points de vue, le projet l’invite vers les marais pour découvrir cette ambiance de Loire humide.

marais afin de créer un lieu de du nouveau quartier mais aussi

d’ailleurs et ceux de passage. Il s’agit d’une halte au bord des marais, étape invitant à poursuivre son chemin.

L’avant-goût Le projet vient se positionner au bout de l’axe reliant les commerces et la nouvelle école primaire, en limite de la ZAC bâtie. Il devient une étape sur le trajet de la Loire à Vélo, une halte pour les promeneurs de la coulée verte ou bien une envie de s’échapper de la réalité urbaine. A l’image d’une jetée, il invite à contempler non seulement les marais mais aussi la ZAC. Il est pour tous, habitants résidents ou bien simplement de passage, un avantgoût des marais. Il est composé de salles associatives de tailles diverses afin de répondre aux besoins des Couëronnais, de leurs associations

Vue du site vers la ZAC et sa coulée verte

Le toit ondulant 89


Passerelle, Au Bossis, à la Combe ou ailleurs dans Couëron, ces étroits chemins étaient empruntés par les ouvriers pour se rendre à l’usine. Réseau parallèle aux grands axes, elle est parfois malmenée par les nouvelles voies automobiles ou revalorisée dans les nouveaux quartiers. Pour certains, elle court-circuite les routes et facilite l’accès au centre-bourg. Pour moi et tant d’autres, elle est le lieu de balades extraordinaires hors des trottoirs goudronnés, un voyage à travers cette architecture ondulante.

Passerelle du Bossis

Passerelle dans la ZAC

Passerelle du Plessis

Passerelle le long de la voie ferrée

Le dispositif littéraire sur les passerelles est présenté ci-dessus. Il a été réalisé selon la méthode d’Eric Chauvier.

Les marais au loin 90


91


DÉSIR DE RIVES ADELINE BOULAIRE

les maisons de la verrerie ont parfois «les pieds dans l’eau» 92


DES DESIRS DE RIVES

collage «le désir de rives»

Marc Desportes

«Longtemps les hommes ont entretenu un dialogue étroit avec le monde qui les entourait.Le changement des saisons rythmait le cours de la vie ; le relief, la force des vents, les matériaux disponibles inspiraient la disposition de l’habitat, qui elle même reflétait une conception de l’univers ; les vêtements, les objets usuels répondaient à l’environnement par leur forme, leur couleur, leur décoration. Un relation affective unissait l’homme au sol qu’il foulait »

Simple

comme si

et extr aordin

aire

le titre ne suffisait pas One of the bes t and most unexpecte d delight

Dépaysement assuré comme quoi le dépaysement existe bien

Magique

Le paradis

Content

au

bate

tu réfléchis Esprit de partir un détour Rêve Ambiance couché de soleil occasion agréable

le pa

Un lieu qui peut ne pas être remarquer, qui est ouvert que le midi mais qui permet de voyager dans le monde entier sans quitterla région

radis

exis te

Suite aux ateliers publics,ce collage exprime le désir d’interroger la lisière comme potentiel d’interaction entre deux milieux : les bords de Loire et l’espace d’habitations. Cette perspective interroge cet espace comme potent La vague symbolise le territoire ondulant, si caractéristique à Couëron dans son rapport quotidien aux marées. Ce Les paysages dessinés par ce mouvement fascinant

Un endroit ou il

fait bon se

poser Aujourd’hui un peu de Jazz beaucoup de soleil et de gentillesse merci le paradis

93


nous invite au voyage,laisse libre cours à l’imagination,l’évasion. Extraordinaire,ce rapport à l’eau nous transporte et invite toute personne qui y passe à voyager. Sur ce dessin, on observe une personne marchant au bord de la rive,symbole d’un espace entre deux milieux : l’eau et la terre. L’équilibre du personnage semble fragile,son pas doit être sûr sous peine de tomber,et passer cette limite dangeureuse. Le rapport à l’eau. ,envoûte,interroge et se pose alors l’envie et la volonté de mettre en valeur cette singularité du territoire : les rives du bord de Loire..

«Pour le futur moi je vois une loire vivante» président de l’association ALO Les bords de Loire sont un lieu de rendez-vous. Ils sont vecteur de lien, un espace de bien commun. Cette rive du bord de Loire est un potentiel de pratique à mettre en valeur. Le long de cette rive de bords de Loire, nous pouvons remarquer différents points d’intensité sujet d’enchantement des Coueronnais.

Un désir partagé par les habitants Cette relation très forte entre les habitants et le mouvement fluctuant de l’eau ,des marées est ressentie comme une grande richesse. Les bords de l’eau sont également des lieux support d’interaction sociale. Chacun est libre de venir, s’y arrêter, s’y retrouver spontanément.

Le lieu dit du paradis situé près du BAC où l’impression de voyage emporte les passagers du bateau, est un moment d’exception qui marque le quotidien. Mais également le quartier de la verrerie dont nous parle Jacqueline dégage un parfum de mystère. «les jardins de la verrerie inondés par l’eau au grés des marées, c’est mon vietnam à moi, des rizières, des jardins inondés au grès des marées».

des jeunes qui se donnent rdv sur les quais Ici c’est mon rizières

petit VIETNAM

retrouve Loire on s’y les bords de nager dans la loire j’ai appris à

pour de

sévènem

utiliser la loi

re comme

ents spor tifs, cultu rels moyen po ur relier à nantes

Carte des paroles enchantées par ce rapport àl’eau 94

les bords de

Loire on s’


UN ELOIGNEMENT DE L’EAU

carte ancienne 1825

1837

Ce rapport à l’eau a été « malmené » au cours de l’histoire, on observe à travers les cartes anciennes cet éloignement de la rive. Couëron a été un des avant-ports de Nantes. Ce rapport de proximité de la ville assez particulier dans l’estuaire dans le sens où la ville a (avait) une relation directe et frontale avec l’eau.

1857

Au milieu du XVIII ème siècle, les difficultés de navigation dans l’estuaire font de Paimboeuf, le nouvel avant-port de Nantes, au détriment du Port Launay. Au XIX ème siècle, les travaux de Chenalisation de la Loire ont déconnecté le Port Launay du cours principal. Il va devenir un port d’intérêt local et ne va plus être baigné que par un bras de Loire.

Port de couëron

1949

Ce bras de Loire va progressivement s’envaser et se combler intégralement. Aujourd’hui le Port launay n’a de port que le nom, le port de Couëron s’implante dans le dernier bras de Loire.

1999

Ce traumatisme a connu son « point final » lors de la fermeture des usines Pontgibaud sur le bord de Loire

2015

Aujourd’hui cet éloignement de l’eau est également marqué par les nouvelles normes PPRI (Plan Prévention Risque Innondations) qui limite l’urbanisation au niveau des bords de Loire. 95


A LA RECONQUETE DES BORDS DE LOIRE des Coueronnais avec les bords de Loire ». Entre l’étier de la Bouma et le centre bourg c’est un lieu de traverse, un boulevard de mobilité où la route, les vélos et les piétons se juxtaposent, «il n’y a pas vraiment d’endroit pour s’arrêter d’espace pour se retrouver» nous dit l’ancien postier.

Aujourd’hui, à l’échelle métropolitaine, il y a une certaine volonté de reconquête des bords de Loire. La ville de Couëron soutenue et financée par Nantes métropole a engagé la réhabilitation des quais en 2003. Comme nous dit l’adjoint à l’urbanisme s’il faut retenir une chose des volontés de l’ancien maire c’est qu’il a « impulsé la réconciliation

réhabilitaiton des quais

Des prospectives territoriales L’histoire se poursuit avec une volonté métropolitaine de créer deux nouvelles infrastructures au niveau de l’île de la liberté et du quartier de la verrerie, en continuité de ses bords de Loire. Le premier projet serait d’achever l’itinéraire de la Loire à vélo entre le port et le Paradis en un chemin piéton, vélo qui traverserait ces zones inondables. Le deuxième projet serait une route digue au niveau du quartier de la verrerie qui vise à améliorer la circulation et de prévenir des futurs

inondations qui menacent le quartier d’habitat situé dans une cuvette topographique. Nantes métropole a déjà fait l’acquisition de la majorité des parcelles et des maisons qui se trouvent sur ce tracé. Ces deux infrastructures caractérisent deux enjeux importants pour le développement de cette rive : la volonté de la métropole de relier les territoires à travers l’itinéraire de la Loire à vélo et du tourisme, ainsi que les risques dus à sa proximité avec l’eau.

risque d’aléa fort 1m Tracé de la loire à vélo 96

Route digue


REQUESTIONNER SES INFRASTRUCTURES « La route ? Ça va servir à quoi, c’est pas parce qu’il y a un virage à la con qu’il faut tout défoncer pour faire une route ».(Yves du quartier de la verrerie) Ce morceau de ville entre terre et eau avec toute la poétique qu’il nous amène caractérise également ce lien fort que peuvent entretenir les personnes avec leur milieu. Ce futur projet ne marquera t-il pas une frontière définitive entre l’habitat et cette rive, ne privera-t-il pas une nouvelle fois les Couëronnais de ce rapport à l’eau? Une route dangereuse ? «Quand je veux aller sur les bords de Loire c’est compliqué parce que la Rue Waldeck Rousseau il y a de quoi se faire tailler un short » habitante du port Launay Le problème principal de cet axe de mobilité vient de la superposition des mobilités entre piéton et voiture parce qu’il n’y a pas de trottoir.

Ceci n’est pas un boulevard.. La collectivité a engagé, avec l’arrivée des nouveaux habitants, la construction d’infrastructures de mobilité structurant la ville par un système efficace de boulevard ( de l’Europe, l’océan, la libération). La création de cette nouvelle portion de route en bord de Loire établierait une nouvelle frontière entre la ville et son rapport à l’eau. La rive est un lieu excpetionnel à ménager comme un potentiel de vie et non comme un espace de flux ou il ne serait pas possible de s’arrêter. Il s’agit de miser sur le plaisir de ressentir le fleuve, de s’éloigner du bourdonnement urbain et d’apprécier des événements temporaires qui pourraient y prendre place.

Projet de la route dans le quartier de la verrerie 97


Rue waldeck rousseau

Une route digue ? Le quartier de la verrerie qui est aujourd’hui soumis aux réglementations PPRI (Plan de Prévention Risque Inondable) se situe en Zone d’aléa fort soit avec un risque de montée des eaux de 1m. Cette infrastructure pose question. Dans la gestion du risque il faut mentionner plusieurs stratégies fondamentales : S’en éloigner (stratégie normes PPRI : ne pas construire et limiter l’urbanisation), Résister ou laisser passer l’eau. Dans notre situation, le quartier est une zone principalement d’habitat qui est d’autant plus fragilisée qu’il se situe dans une cuvette

topographique qui le rend encore plus vulnérable. Il s’agit donc de prendre en considération cette contrainte mais comment pourraitelle devenir un atout pour de nouvelles stratégies d’urbanisation? Une berge en devenir En arpentant le site et en échangeant avec ses habitants je me suis rendue compte que le quartier dans sa morphologie amorçait déjà une résilience avec ce rapport à l'eau. Le front bâti déjà existant composé d'habitations et de murs endosse ce rôle de protection. Cependant il est aujourd'hui incomplet et est une opportunité à révéler.

98


UNE INTERFACE ENTRE LA TERRE ET L’EAU d’échange entre la population locale et le voyageur. Il nous révèle également les anciens jardins de la verrerie comme un nouvel espace à investir, à se réunir autour de la culture de la terre.

Le projet de ces nouvelles infrastructures viendrait aujourd’hui accentuer l’éloignement de la population dans son rapport à l’eau. Mon projet propose une réinterprétation de ces infrastructures métropolitaines en affirmant que les rives des bords de Loire sont à envisager comme un espace de vie permettant des interactions entre les personnes et leur milieu. Cependant ce nouveau projet urbain est motivé par la menace de la montée des eaux mais surtout par cette envie de retrouver un rapport à l’eau en venant l’habiter.

Mise en réseau Cette nouvelle traversée va également permettre une mise en réseau à échelle locale de plusieurs mobilités. C’est une colonne vertébrale d’intermodalité entre des pôles déjà existants (arrêts de bus, espaces de covoiturages, la future navette fluviale entre Nantes et Couëron) En permettant la connexion entre le centre bourg et le port Launay cette infrastructure se veut être une alternative au souci de la dangerosité de la rue Marcel Provost. Depuis le bourg le chemin de la Loire à vélo est une invitation au marais, depuis le port Launay cela permet d’accéder au bourg et au bords de Loire en toute tranquillité.

Stratégie Dans un premier temps, il s’agira d’amorcer une densification dans les dents creuses du front bâti existant. Ceci permettra d’offrir de nouveaux habitats, des espaces publiques, un nouveau lieu de halte pour la Loire à vélo en rapport avec les marais et ses jardins tout en permettant la réhabilitation d’un espace de protection. Il faut garder à l’esprit que « Le risque zéro n’ existe pas », même s’il présente un danger spécifique il peut être aussi la raison de l’amélioration d’un territoire. Favoriser la culture du risque en proposant de rendre cette rive habitable c’est amorcer une démarche de résilience avec ce rapport à l’eau. Le dessin de cette nouvelle rive s’accompagne d’un nouveau tracé de la Loire à vélo qui n’est plus pensé comme une simple infrastructure de connexion mais comme un potentiel 99


Temporalités Le nouveau tracé de la Loire à vélo est pensé comme un parcours ponctué de haltes et de nouveaux espaces publics : nouveaux espaces de pique-niques face aux jardins de la verrerie ainsi que de nouveaux espaces ludiques.

nouvelle rive est une opportunité pour l’implantation de nouveaux logements en relation directe avec l’espace de marais. Dans un troisième temps, il s’agira de tirer profit du passage de la Loire à vélo et de l’attractivité touristique pour en faire une nouvelle force du développement des bords de Loire. L’implantation d’un nouveau programme hébergements associatifs sur les bords de Loire va permettre d’impulser une nouvelle dynamisme économique et d’apporter de nouveaux espaces de sociabilité entre les habitants, les associations et les personnes de passage.

Ce nouvel espace public dans les marais va permettre d’accompagner la densification du quartier environnant parce qu’il sera l’espace plus, un nouveau jardin commun. Il va participer à l’attractivité et entamer une intensification du tissu urbain. Face à la pression de demande de logement de la commune , cette

Développement d’une nouvelle économie

Accueil nouvelle population

Loire à vélo EAU

T2 T1

parc urbain

Nouveaux espaces de sociabilités

Nouveau tracé de la Loire à vélo

100

T3


HABITER LA RIVE En continuité des aménagements des bords de Loire, ce nouveau tracé est pensé comme un parcours ponctué de nouveaux petits évènements qui vont favoriser l’arrêt. Leur formes aura pour double usage de renforcer le système de protection. Espace ludique

Redonner vie aux Jardins Les espaces de marais sont des terres exceptionnelles pour la culture et le maraîchage du fait qu’elles soit essuyées temporairement par les marées. Les alluvions de la Loire rendent ces terres fertiles et propices à des espaces de jardinage. « Quand j’étais gamin j’ai connu les parcelles de jardin de la verrerie jusqu’au champ, car dans le temps il y avait des vaches.. Le père Martin il passait ses vaches dans la ville, il était emmerdé, pour pas que ces vaches aillent foutre le bordel autour de l’église. Moi j’ai connu çà c’était à celui qui avait la plus belle parcelle.. Après l’usine tout le monde se retrouvait dans le jardin, ils discutaient, prenaient l’apéro.. Quand il y avait les ouvriers de Treffimetaux, tout était superbement entretenu, mais maintenant comme personne entretient c’est la Pampa.. » Habitant de la verrerie

Collage intention - redonner vie aux jardins

verrerie c’est le plaisir et l’imaginaire d’une consommation d’aliment presque comme s’il venait d’être récolter. Des espaces ludiques « L’espace de jeux sur les bords de Loire c’est le repère des petits Couëronnais qui n’ont pas de jardin, il est très prisé»

Permettre l’arrêt « Sur les bords de Loire on manque d’espaces pour se poser » jeune rencontré à la médiathèque « Les bords de Loire c’est un espace conçu pour les vélos, on ne peut pas vraiment s’y arrêter »

Avec la densification envisagée sur l’îlot des tourterelles et l’arrivée de nouvelles populations ainsi que la proximité du complexe sportif on pourrait imaginer la création d’un nouvel espace ludique pour les enfants.

Sur le parcours un nouvel espace de pique-niques face aux jardins de la 101


Densification future envisagé

Habiter Habiter la la rive rive

la halte pique- nique vue sur les jardins

auberge associative Jardiner dans la verrerie

Habiter en bord de rive Face à la pression de demande de logements, le dessin de cette nouvelle rive est l’opportunité pour participer rien qu’un tout petit peu à l’accueil de ces nouveaux arrivants.Couëron est aujourd’hui très attractive pour les familles car son cadre de vie est à la fois proche de la «campagne» et proche de la métropole mais aussi pour son dynamisme au niveau des équipements.

où le stress, l’agitation font contraste avec le retour chez soi. C’est pouvoir pratiquer des activités en extérieur, dans un cadre exceptionnel. Habiter les rives offre un espace de vie qualitatif en renforcant le lien entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’eau.

Habiter sur la rive est un mode de vie, un moyen de se retourner sur La loire. C’est jouir au quotidien des couleurs et de la sérénité d’un estuaire, lieu apaisant après une journée de travail

Photo du site «habiter la rive» 102


LE TOURISME UNE FORME D’ESCALE Un lieu stratégique, la croisée du bourg, de la Loire et des marais

Des volontés partagées Aujourd'hui il y a une volonté communale et métropolitaine de développer le tourisme en favorisant l'implantation de nouveaux espaces d'hébergements temporaires sur le parcours de la Loire. Cette envie est partagée par les habitants et des associations locales (UTAN) qui cherchent à faire partager les richesses de leur territoire.

Un dimanche après-midi, nous nous baladions sur les bords de Loire à Couëron, j’ai été surprise tant il y avait de monde qui se promenait sur les quais. En discutant avec quelques passants, je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de Nantais, mais aussi des personnes d’un peu partout.. Une contradiction assez marquante, malgré cette grande attractivité on remarque un centre bourg qui se meurt, « les passants qui ne remontent pas» nous dit la maire.. Comment Couëron pourrait tirer parti de son attractivité touristique pour permettre le développement d’une vie locale? En proposant l’implantation de l’auberge associative dans le quartier de la verrerie, c’est une position stratégique qui permettrait de redynamiser le centre bourg, un point d’arrêt et d’interface entre la ville, la Loire et les marais. Au point de départ de cette nouvelle berges les passants pourront emprunter ce nouveau chemin inondés au grés des marées.

«Couëron, on y passe, parfois on y reste et on s’y attache. Beaucoup y passent mais voudraient s’y arrêter au moins pour une nuit sans y trouver des lieux d’accueils » un habitant pendant les Ateliers publics Le développement du tourisme est une opportunité pour construire de nouveaux espaces de partages, d'échanges entre des populations qui ne se croisent pas toujours: entre le voyageur et la population. La richesse du voyage ne s'inscrit pas seulement dans la découverte d'un territoire mais surtout dans l'expérience qu'il est possible d'en tirer et des rencontres sur le chemin. C’est une expérience que nous avons vécu lors de notre passage à Couëron, où les habitants nous ont transmis des histoires singulières, des secrets et la naissance d'une certaine amitié.

Le centre bourg

Les marais

Loire à vélo

La Loire

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Auberge associative C’est sur un modèle associatif fort à Couëron que l’auberge associative se veut être un nouveau lieu de vie à l’échelle du quartier et un lieu d’hospitalité pour le voyageur. Il existe aujourd’hui à Couëron cette forte volonté d’entreprendre en alliant à la fois une activité et un développement social.

Maison du XIX ème à réhabiliter

Le deuxième pôle se situe à l’entrée du marais, dans une des dents creuses de la rive. Cet espace serait un espace de halte et d’hébergement , vue sur les marais, composé d’un café associatif permettant à la fois un lieu de rencontre entre les associations, les habitants et les voyageurs. Cet espace permettra d’accueillir des évènements à la libre imagination des associations et des habitants. Coté rue il y aurait des espaces mutualisable avec les personnes du quartier comme des locaux vélos, un espace buanderie. Coté marais des espaces de stockage pour jardiner et faire revivre les jardins de la verrerie comme un nouvel espace de vie.

Comme nous l’avons dit auparavant, Nantes métropole, avec son projet de route possède des maisons du XIXème sur le port qui sont aujourd’hui abandonnées, ainsi qu’une partie des terrains situés sur ce chemin. L’auberge s’établierait en deux pôles : le refuge maritime sur les bords de Loire, qui permettrait la revalorisation des batisses sur le port. Le programme comprendrait un espace pour l’association Aviron Loire ocean qui aujourd’hui n’a pas de locaux et lui permettrait donc un accès direct sur la Loire, un commerce ainsi qu’un logement de fonction, et des hébergements.

104


105


QUAI SUSPENDU NICOLAS BODET

une friche en attente 106


Autrefois le théatre d’une activité industrielle foisonnante, les bords de Loire se sont peu à peu désolidarisés de Couëron. Cette insularité s’est définie par la Loire au Sud et une résurgence du Sillon de Bretagne au Nord. Il y a donc un travail de remaillage du territoire. Pour tisser le haut et le bas, le nord et le sud, les industries et le résidentiel, Couëron avec la Loire.

Site de projet

Centre Bourg

+ 20m Falaise

+ 5m Future Zac rives de Loires Médiathèque

+ 0m

Enjeux du site

107

Bord de Loire


Section Nord - Sud, poétique

de Loire et il possède une orientation plein sud. C’est un endroit privilégié. L’emplacement de la futur ZAC revêt donc un intérêt stratégiques. Tout d’abord elle permet d’assurer une continuité dans le front bâti du bord de Loire. Actuellement, le site industriel avec le pôle culturel de la médiathèque apparaît comme un ilôt désolidarisé du reste du bourg. Il s’agit donc de venir compléter la séquence urbaine en bord de Loire, pour assurer une cohérence à l’ensemble et de reconnecter le pôle culturel avec le reste du tissu urbain. Une autre particularité de ce site, est la falaise qui forme une limite physique aujourd’hui infranchissable. Le projet propose une balade d’est en ouest pour relier visuellement et symboliquement Couëron avec la Loire et donner à voir les industries qui la bordent. Cette balade comprendra des dispositifs de franchissements entre le haut et le bas de la falaise. Sur le collage ci-contre, On lit les différentes séquences qui marquent cette espace. Tout d’abord le haut de la falaise qui est aujourd’hui vécu comme une limite, une frontière mais qui possèdent un fort potentiel, puis l’aire industrielle, la route qui borde la Loire et la Loire elle-même.

Un site à la croisée des bords La ville de Couëron est très marquée par son passé ouvrier. La tour à plomb est le symbole de cette histoire singulière. Située en bord de Loire, l’activité industrielle a façonné tant le paysage bâti que le tissu social de Couëron. Avec la fermeture des usines en 1986, Couëron perd un fort vivier d’emplois ainsi que sa relation privilégiée au fleuve. Actuellement pris entre la falaise au nord et les bords de Loire au sud, le site industriel semble comme isolé de Couëron. La réhabilitation en médiathèque d’une partie du patrimoine industriel illustre une dynamique de réconciliation de la ville avec son passé, qui part à la reconquête des bords de Loire. Cependant un vide marque la rupture entre le bourg et le site industriel. Il s’agit de l’emplacement de la future ZAC Loire. Ce projet vise à proposer une vision d’aménagement de cette ZAC dans sa relation plus large avec le fleuve, le patrimoine industriel, le bourg mais aussi certaines pratiques métropolitaines. La première carte illustre l’emprise du projet. Ce site présente deux caractéristiques exceptionnelles. Il est situé en bord 108


Des flux parallèles

Aujourd’hui

Des flux qui se rencontrent

industries sont une des spécificités de Couëron et sont la marque d’une histoire chargée de sens et de l’énergie des ouvriers qui y ont travaillés. Ce projet en reconnectant visuellement et physiquement le site industriel avec le bourg, vise à favoriser une reconnaissance de la valeur de ce lieu. De plus ce site possède de nombreux équipements tel que la médiathèque, aujourd’hui isolée, la salle Estuaire et des terrains de sports. Il est donc à la croisée d’éléments architecturaux revêtant une importance à grande échelle. A travers la construction des logements coopératifs et la constitution d’un jardin commun, le projets permet d’articuler, de mettre en relation ces différents éléments. Le jardin s’étend sur la partie nord, en hauteur permettant de relier la futur ZAC avec les anciens habitants. Conçu comme un jardin partagé, il permet aux habitants de s’approprier cette espace. C’est donc un espace de dialogue qui permet aux nouveaux habitants de se familiariser avec le lieu et de rencontrer les anciens. C’est aussi un lieu de passage pour permettre au passant d’un jour d’aller à la rencontre du passant de tous les jours.

Après réalisation du projet

Relier pour exprimer les potentialités du lieu Aujourd’hui, des flux bordent ce site au nord et au sud mais n’y pénètrent pas. Ces flux périphériques participent à l’enclavement du lieu. Le projet souhaite proposer un lieu de croisement, de rencontre de ces flux pour ouvrir un dialogue entre les différents espaces et acteurs qui participent à la vie de ce territoire. D’un côté les promeneurs du dimanche qui viennent apprécier le cadre des bords de Loire pourront prendre de la hauteur pour vivre le territoire de Couëron à travers son rapport à la Loire, mais également les couëronnais pourront entretenir un lien plus quotidien avec le fleuve à travers une plus grande porosité entre «ville basse» et «ville haute». Les deux photos témoignent d’une volonté d’appropriation du lieu. C’est un endroit de désir, qui laisse entrevoir son charme, et appelle le passant. Le projet propose également de mettre en valeur les industries. Celles-ci fonctionnent actuellement à un régime moindre, ce qui laisse penser qu’elles ont disparu du paysage. Cependant ces 109


Un lieu au potentiel stratégique

Jardin suspendu

Front bâti

Intentions projectuelles

Panorama sur la loire estuairienne

Exemple d’appropriation du lieu 110


BIBLIOGRAPHIE

DOCUMENTS SUR COUËRON Gaston Boucault, La Chabossière de Couëron et ses environs, 1986, Nantes Raymond Briant, Histoire de Couëron et de la Loire Armoricaine, 1982, ouvrage familial Raymond Briant, Couëron en carte postale anciennes, Zaltbommel, 1976 Raymond Briant, Au pays des nanmètes: histoire de couëron et de la Loire armoricaine, Nantes 1982 Peter Dontzow, La Citouche : regard sur la « Navale », Centre d’histoire du travail, Nantes, 1997 Roger Guérin, Ce que je n’ai pas oublié, de 1926 à 1950, ouvrage familial imprimé par Ampage , mai 2012, Couëron

OUVRAGES Michel Corajoud, «Le projet de paysage, Lettre aux étudiants», in Jean-Luc Brisson, Le jardinier, l’artiste et l’ingénieur, 2000. Marc Desportes, Paysages en mouvement. Transports et perception de l’espace XVIIIe-XXe siècle, Editions Gallimard, Paris, 1970. Félix Guattari, Les trois Ecologies, Editions Galilée, Paris, 1989 Evelyne Grossman, « Appartenir, selon Derrida », Rue Descartes 2006/2 (n° 52), p. 6-15. Martin Heidegger, Batir, Habiter, Penser, essais et conférence, 1951. Marcel Hénaff, La Ville qui vient, Editions de l’Herne, Paris, 2008 Lucien Kroll, Tout est paysage, Editions Sens et Tonka, Paris, 2001 Michel Lussault, L’avènement du monde. Essai sur l’habitation humaine de la Terre, Editions du Seuil, 2013. Michel Marié et Jean Viard, La Campagne inventée, Actes Sud, Paris, 1988 Georges Perec, Espèce d’espaces, Galilée, 1974. Georges Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Christian Bourgois éditeur, Paris, 1975. Thomas Sieverts, Entre-ville : une lecture de la Zwischenstadt, Editions Parenthèses, Marseille, 2004.

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REMERCIEMENTS Merci à Carole Grelaud, maire de Couëron, et Patrick Naizain, adjoint à l’urbanisme de la ville de Couëron, pour le temps qu’ils nous ont accordé et la vision du territoire qu’ils nous ont partagée ; Valérie Le Calvez et toute l’équipe du centre socio-culturel pour nous avoir accueillis pendant trois jours au sein de leurs locaux ; Dominique Brétécher, Floriane Corre et Bernard Boulaire pour nous avoir fait partager leurs pratiques lors d’itinéraires ; Yannick Radigois, Kévin et son père ainsi que Régine, Vasyl et Carlos pour leur disponibilité et la richesse de nos entretiens ; Lulu pour son accueil à sa Cab’ et ses bonnes frites ; Quentin et Quentin de l’association JAM, pour nous avoir fait découvrir leurs jardins ; Michel Prampart, pour les cartes postales plein de “m” ; L’intégralité des habitants ayant participé aux ateliers publics et qui nous ont aidés à comprendre un peu plus ce territoire ainsi que toutes les personnes que nous avons rencontrées au cours de notre présence sur le terrain ; Eric Chauvier, Saweta Clouet et Chérif Hanna, enseignants à l’ENSA Nantes, pour leur soutien dans notre démarche et leurs conseils avisés ; Jennifer Aujame, cinéaste, pour sa collaboration de notre traversée filmée ; Flore Grassiot et Antoine Mialon, architectes DPLG et urbanistes, pour nous avoir fait partager leurs savoir-faires afin de mener à bien les ateliers publics ; Margaux Vigne, paysagiste, pour avoir donné à voir nos travaux réalisés en studio ; Ricardo Basualdo, artiste et scénographe urbain, pour sa clairvoyance ; Marine Leroy, architecte, pour son regard neuf porté sur notre démarche ; Borha Chauvet, Rossila Goussanou et Pierre Guérin, moniteurs au sein du studio, pour leur aide précieuse, Pierre Cahurel, graphiste, pour son aide pour la réalisation de cet ouvrage ; Evelyne Thoby, responsable de la reprographie de l’ENSA-Nantes, pour son travail. Merci enfin à nos collègues de studio, pour avoir partagé ces quelques mois à nos côtés.


ESTUAIRE 2029

Dérives des rives

L’arrivée à Couëron s’est faite doucement, paisiblement, comme au gré du courant. Cette arrivée, marquait le début d’une aventure. Celle qui, pendant ces quatre derniers mois, nous a habités. En fil rouge, la démarche projectuelle d’Estuaire 2029 guide nos pas. Petit à petit, au gré de nos arpentages, de nos dérives et de nos rencontres, le portrait d’un territoire qui nous était autrefois étranger s’esquisse. De cette lecture, nous construisons une narration à la croisée de la matérialité du terrain, des subjectivités, des différentes échelles et de la synthèse projectuelle. C’est cette narration qui se tisse au fil de l’Autre que nous vous partageons.

arts de faire - janvier 2016


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