Javier de Isusi, Ometepe

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L’île aux deux volcans et aux mille histoires

textes de dessins

Luciano Saracino de Javier de I susi

Traduit de l’espagnol par Alejandra Carrasco Rahal


Titre : Ometepe, l’île aux deux volcans et aux mille histoires Titre original : Ometepe, la isla de los dos volcanes y las mil historias Textes : Luciano Saracino Dessins : Javier de Isusi Traduction : Alejandra Carrasco Rahal Lettrage : Amandine Boucher ISBN : 978-2-87827-162-1 Depôt légal : deuxième trimestre 2013 © 2012 Luciano Saracino et Javier de Isusi Published by agreement with Astiberri ediciones © 2013 Rackham pour l’édition française contact@editions-rackham.com www.editions-rackham.com Achevé d’imprimer en mai 2013 sur les presses de Grafiche Milani à Segrate (Italie)


Il fut une époque où les histoires vivaient librement sur la face de la terre. Où que l’on se tourne, il y avait une histoire vivante à regarder. Car les choses se produisaient sans que l’on se soucie particulièrement des concepts rigides de « possible » et d’« impossible ». La science se délectait de transformer en or les métaux les moins nobles et de créer la vie à partir d’une boule de glaise. La géographie ne craignait pas d’intégrer dans ses cartes des terres aussi enchanteresses qu’improbables. Et la cryptozoologie était tout simplement la biologie qu’étudiaient les aventuriers. C’était un bien joli monde. Mais un jour tout cela changea. Nous ne savons pas exactement pourquoi ni quand. Fut-ce à cause d’une pomme, d’une guerre mondiale, de l’arrivée de la télévision, des universités… ? Toujours est-il que la plupart des choses intéressantes furent bannies, éradiquées et reléguées dans la sphère de la fiction. Autrement dit : « Ici n’existe que le possible. Le reste n’y étant plus, nous le racontons. Le reste est dans les contes, dans les films et les livres. Mais pas ici. » Encerclée par la réalité, la fantaisie est depuis un certain temps confinée à l’intérieur de son enceinte… Excepté à certains endroits déterminés… et encore, pas pour tout le monde. Ometepe est la grande île située au milieu du lac Cocibolca (également dénommé Grand Lac Nicaragua). Elle s’étend sur 276 kilomètres carrés et ce sont en réalité deux seins de femme émergeant des profondeurs. L’un est le volcan Maderas, l’autre, le Concepción. Ce n’est pas là un détail mineur. Pas plus que la rumeur selon laquelle le lac est infesté de requins. Des requins dans un lac. Oui. C’est impossible. Et pourtant, c’est parfaitement réel. Nous allons justement nous pencher de plus près sur ces notions d’impossible et de réel.


L’île d’Ometepe est un de ces lieux où la frontière entre le réel et l’impossible semble inexistante. Oscillant entre l’un et l’autre, les histoires y jaillissent à gros bouillons. Car il est vrai qu’au cœur de l’île s’étend le Charco Verde, lagune dans les profondeurs de laquelle existe une colonie d’êtres sous-aquatiques appelée El Encanto. Il est vrai qu’il y a un lutin protecteur à la morale étrange du nom de Chico Largo, qui fait le bien et le mal à parts égales. Il est aussi vrai que si l’on a le malheur de ramasser quelque chose dans les environs du Charco Verde, l’on disparaît à jamais. Un bien bel endroit, celui où les histoires ont réussi à demeurer en vie. L’île d’Ometepe inspira de belles lignes à Mark Twain. Sur le long chemin qui mène au sommet d’un des volcans, nous étions deux jeunes gens venus de deux continents différents et nous avons été soumis à un même sortilège qui nous a conduits à consacrer notre vie aux histoires. Nous sommes retournés l’un comme l’autre à Ometepe à plusieurs reprises, pas physiquement, bien sûr, mais à travers nos récits, conscients de la dette que nous avons envers cette île. Elle est apparue plus d’une fois dans nos œuvres, parfois en tant que simple source d’inspiration, parfois sous la forme d’un authentique hommage à cet endroit qui nous a tant donné. L’ouvrage que vous tenez entre vos mains est une tentative de nous acquitter de cette dette contractée alors. C’est une compilation de différentes histoires en lien avec l’île, élaborées – presque toujours par pur plaisir – tout au long de huit années. Quelques-unes nous furent narrées sur place, d’autres sont le fruit de notre imagination captivée par le charme des lieux. Il a fallu en redessiner certaines par souci de cohérence graphique. Pour d’autres, c’est le texte qu’il a fallu retoucher. Au moment de les assembler et les agencer, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que les six histoires étaient reliées entre elles depuis le début. Un des lutins de l’île nous avait sans doute accompagnés durant le processus. Parfois, quand le monde devient trop tangible, réel à l’extrême, cela nous fait beaucoup de bien de repenser un moment à Ometepe. Avoir la certitude – fût-elle onirique – qu’il existe un lieu où, à cet instant précis, un lutin se promène allègrement. Et où les riverains ne s’enfuient pas sur son passage mais au contraire le saluent.

Luciano Saracino et Javier de Isusi






















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