Álvaro Ortiz, Rituels

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Textes et deSsins : Álvaro Ortiz Traduit de l’espagnol par Alejandra Carrasco Rahal Lettrage : Matthieu Rougé ISBN : 978-2-87827-196-6 Dépôt légal : deuxième trimestre 2016 © 2015, Álvaro Ortiz Published by agreement with Astiberri ediciones © 2016 Rackham, pour l’édition française contact@editions-rackham.com www.editions-rackham.com le blog de Álvaro Ortiz: www.veranomuerto.blogspot.com

Achevé d’imprimer en mars 2016 sur les presses de Graficart à Resana (Italie)

Cette bande dessinée a été réalisée pendant mon séjour à l’Academia de España à Rome grâce à une bourse MAEC-AECID. Merci aux boursiers, à ma famille, à Santiago, à Germán pour la typo du titre et à Isabel qui, entre autre, m’a aidé à la mise en couleur et à trouver la chute de l’histoire du kebab.




Le propriétaire n’avait pas l’air très net, comme ils purent le constater en allant signer le bail dans son bureau. Par exemple, il les reçut en pyjama. Vous avez beaucoup de chance.

C’est une affaire, dans le quartier !

Les voisins sont peu nombreux, mais épatants.

(Ce n’est pas parce que j’habite dans l’immeuble, ha ha ha, quoique…)

Et puis, il portait un pyjama à motifs nounours, à son âge… Il arrive couramment que la moitié des habitants d’un immeuble soient borderline…

Borderline… Vous voyez, non ?

BORDERLINE !!


Et sur le mur, à côté de ses diplômes d’administrateur de biens, trônait un portrait de Hitler en slip de bain.

Cela dit, l’appart, au 12 de la rue Banys Nous, une rue d’antiquaires, était…

… grand, loué à un prix raisonnable et de plus situé en plein Quartier gothique de Barcelone.

Sans compter qu’ils ne Le temps de trouver un appart, ils logeaient visitaient que des taudis chez la sœur de Manuel, qui vivait avec depuis deux semaines. son fiancé militaire, cinq chats et trois chiens…

dont un dépourvu de pattes avant qui était assez hargneux.


Voilà pourquoi avoir Ils voulaient juste affaire à un propriétaire signer le bail et néonazi fan de nounours ne emménager au plus vite. les dérangeait pas trop. Et puis vous n’aurez pas de problème de bruit.

Vous êtes au dernier étage.

Personne n’habite en dessous. C’est le dépôt d’un antiquaire de la rue. Ils n’y vont que pour prendre et déposer des affaires.

grat grat

Ils venaient tous deux de Lorenzo allait faire Saragosse, c’étaient de les Beaux-Arts. vieux amis.

Manuel avait trouvé du travail chez un producteur de vidéos.

Ils ne virent pas passer leur première année à Barce- Ils avaient bien capté que le bruit n’était lone, bien remplie entre la fumette et les jeux vidéo. pas un problème dans cet appartement… Y a des potes qui vont passer…

En mode posé, tu vois…


La deuxième année fut Manuel eut une décepplus calme. tion amoureuse qui le plongea dans une profonde dépression…

… et Lorenzo dut commencer à bosser dans un bistrot pour payer ses études.

Ils décidèrent de louer la chambre qu’ils avaient en trop. Les colocs se succédaient.

Il y eut notamment  un dingue de trains miniature.

Un type qui avait une Un dessinateur de ban- Et une fan de black boutique de médica- des dessinées imbuvable. metal. ments illégaux en ligne.

Il n’y en eut aucun de normal, mais au moins ils économisaient un peu de fric.

… Lorenzo prit conscience de quelque chose en montant l’escalier.

Un soir, deux ans après leur installation, alors qu’il rentrait du bistrot…

Depuis tout ce temps, il n’avait jamais vu personne entrer ni sortir de l’appartement censé être loué par l’antiquaire.




... asdlkjaslk nasldknkas… Regarde, maman !

Tais-toi !

Ne sois pas malpolie.


Quelqu’un donna l’alerte.

Mais à l’arrivée du SAMU, il n’ y avait plus qu’une flaque par terre, à côté des habits.

Les clients avaient quitté le café en courant.

À l’époque, il avait de gros soucis d’argent.

… aller jusqu’au tas d’habits gluants et subtiliser le Ce fut un des derniers Et il profita de la à sortir, c’est certain. panique générale pour… portefeuille dans la poche.


Putain ! Devine ce que je viens de voir aux infos !

Un mec a littéralement fondu dans un café du centre ville.

Et tu crois ces conneries ?

Il s’enferma dans sa chambre et commença à vider méthodiquement le portefeuille. … et un tas de es… merdes. ball 40

Ben ouais ! C’est le JT, putain !

Parmi les merdes, il y avait :

La photo d’identité d’une jeune fille.

Les témoins disaient que c’était dégueulasse.

Qu’il avait fondu comme une vulgaire glace à la pistache !

La gueule du butin !

… un peu de ferraille…

La classique carte de Gr and Mé di um m ba marabout Pro fe sse ur Ku africain qui ine plusoigne un Docteur en Magie Africae guérit tas de trucs sieurs années d’expérienc et du ps toutes maladies du cor femme bizarres. ur si ton mari ou bien ta cœ il guérit est parti il va revenir et t’aide il gue dro de s me les problè ennemis à te débarrasser de tes cher. s pa ur po ns et tes démo

Un calendrier publicitaire.

Un ticket de sex-shop.

Et une clé.


Le plus bizarre, c’était Il n’avait pas grand-chose à faire, il dîna d’un reste qu’il n’y avait ni carte de pizza péchée dans le frigo et il sortit faire un tour pour profiter de la douceur de la nuit. d’identité ni permis de conduire, rien qui permette d’identifier l’homme fondu.

Il avait identifié la clé : elle venait d’une consigne de la gare routière, Un détail avait en ayant utilisé une quelques mois plus tôt. aussitôt attiré son attention : plus les jours passaient, plus on payait pour récupérer  ses affaires.

Chaque fois qu’il passait par là, il s’arrêtait pour voir les chiffres et s’amusait à imaginer ce que les gens y avaient déposé.

Heureusement, le casier Quand il voyait un casier avec un chiffre 21 n’était pas fermé mirobolant, il se depuis longtemps. demandait si les gens viendraient récupérer leurs affaires un jour.

Eh ! Pepe !


C’était une ancienne colocataire.

Laura… Salut.

Je la hais…

Ça va ?

Rien, je me balade.

Dans la gare ? Ben oui… Et toi ?

Je suis venue chercher un pote, mais il vient de me prévenir que son bus est tombé en panne et qu’il aura pas mal de retard.

T ’es pressé, là ?

Euh…

Mais depuis qu’ils ne faisaient que se croiser aux concerts, ils s’entendaient bien mieux. Qu’est-ce que tu fais là ?

Je t’invite !

On va boire un verre ?

Ils commencèrent à siffler des bières au sinistre bistrot de la gare. Elle lui raconta qu’elle était devenue lesbienne et qu’elle avait adopté un chat borgne. Putain ! T’étais au courant ?


Quoi ? Le type qui as fondu ?

… c’est ça, un épisode de X-Files…

À un moment, elle se leva pour aller aux toilettes et son téléphone sonna…

Oui, on dirait un épisode de X- Files, non ? Allô…

Oui…

La police ? Ben non… Pourquoi ?

raccroche

Dis donc, t’es mêlé à un truc louche ?

T’as reçu la visite de la police.

Mon pote vient de m’appeler, il dit que le bus est foutu, ils vont être logés à l’hôtel. Aïe…

J’en sais rien. Te parler.

Merde ! Ils voulaient quoi ?

Ça te dit de venir chez moi ? J’ai de la bière. Chais pas…

Ah… Je vois pas… Merci de m’avoir prévenu.

T’as reçu la visite de la police.


Oui ! Pourquoi pas ?

Si on va chez toi, c’est moi qui invite. Tiens, paie avec ça. Attends-moi une minute, je reviens.

tling

CLAC !

? tling

Voilà. On y va ?

Où t’étais passé ? Je vérifiais juste un truc.


Je croyais que t’étais lesbienne. Hi, hi.

Ah non… Du tout.

Bon, alors…

Tais-toi !

Ça te dérange ?

Du temps où ils étaient colocataires, il avait beaucoup fantasmé sur elle.

Et maintenant que ça se réalisait, il avait du mal à se concentrer tant il était intrigué par le contenu de cette fichue boîte.


C’est quoi, ce truc ?

Une statuette. Il a un de ces engins !

Oui, hi hi.

Je l’ai trouvée. Tu la veux ? Je te l’offre.

Ha, ha ! Ok. Merci !

Je vais le poser sur la télé.

M. Quéquette trônera dans le salon !


Putain ! C’est qu’il l’a presque plus grosse que toi…

Ils fumèrent une cigarette et retournèrent au lit.

Le lendemain, il irait au commissariat…

… et avouerait le vol du portefeuille.

pas la peine de s’attirer des emmerdes pour si peu.



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