Savoir n°47

Page 12

[

rENcoNTrE AVEc...

]

PiErrE-rENÉ sErNA

ISBN : 978-2-13-060935-3

Journaliste et musicographe, auteur de Berlioz de B à Z et du Guide de la Zarzuela, Pierre-René Serna signe un pamphlet contre Richard Wagner (1813-1883), à l’occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur. Ce livre, à contrecourant, constitue « la note discordante » parmi les nombreux ouvrages élogieux sur le sujet annoncés pour 2013. 96 pages • 9,50 e

Parution le 3 octobre

Pourquoi cette mise en pièces de Wagner, au sens propre comme au figuré ?

Et aujourd’hui, le mal empire ? Plus que jamais ! Wagner est dit-on le thème qui a suscité le plus d’ouvrages, après la Bible et Napoléon. Et le mouvement persiste : il n’est que de voir le déferlement de publications récentes ou annoncées. À croire que Wagner nécessite un mode d’emploi, car son esthétique est incompréhensible. J’ai donc écrit un anti-mode d’emploi, où le lecteur pourra puiser tout ce que les autres ouvrages ne disent pas.

Je dois d’abord préciser comment m’est venu cet ouvrage. Je sortais de la rédaction d’un autre livre, sur le théâtre lyrique espagnol (Guide de la Zarzuela, qui paraît du reste au même moment, chez Bleu nuit éditeur), et traînais dans une librairie de grande surface, en quête d’un aperçu des publications sur la musique : nous étions en décembre 2011, et j’ai été alors absolument effaré par l’étalage sur les tables et dans les rayons d’ouvrages de toutes sortes consacrés à Wagner. Juste auparavant, vaquant à mes petites recherches à la Bibliothèque de l’Opéra, j’avais déjà été interloqué par la montagne de références à notre auteur. J’en suis ressorti, les deux fois, me disant que je tenterais bien ce qui manque à ces littératures : un livre incisif qui prendrait le contre-pied d’un culte par trop unanime. J’ai soumis incidemment à un ami cette idée, qui n’était pas encore arrêtée, et c’est à lui que je dois de m’être décidé. Je lui ai d’ailleurs dédié mon ouvrage. Il ne s’agit donc aucunement d’un projet ancien longuement médité, mais d’un opuscule qui m’est venu spontanément – où cependant toutes les références sont méticuleusement vérifiées, rassurez-vous ! C’était aussi une façon de me défouler, en prenant à rebrousse-poil un conformisme généralisé. Avec le recul, je trouve toutefois étrange, sinon significatif, que je sois seul à m’être lancé. Mon livre est ainsi l’unique pamphlet contre Wagner dans l’édition internationale depuis Nietzsche, si l’on excepte le cas particulier de l’antisémitisme qui a souvent été traité.

Pensez-vous pouvoir tout de même convaincre les amateurs de Wagner, sur certains points ? Effectivement, je ne me serais pas attendu à convaincre des personnes entièrement converties à la cause de Wagner, sachant le fanatisme sectaire et irréfléchi qui trop souvent les habite. Je prétends même que le système de Wagner, auquel sa musique participe, explique cette manière non pas de penser mais de ne pas penser. Or, j’ai déjà une réaction, d’un ami jusque-là wagnérien inconditionnel, qui à la suite de la lecture de mon petit livre a radicalement changé d’opinion. J’en suis le premier étonné… J’ai probablement dit tout haut ce que certains, y compris parmi des wagnériens, pensent tout bas. Et que dire Verdi, dont on fête aussi l’anniversaire en 2013 ? L’anniversaire de Verdi, exact contemporain de Wagner, se fait nettement plus discret. On les oppose souvent l’un à l’autre. Si on n’aime pas le compositeur allemand, on se doit, paraît-il, de succomber au musicien lyrique italien. Eh bien ! Ce n’est pas exactement mon cas. Mais là, je ne parle que de musique. Il s’agit de prédilections. Chacun reste libre d’avoir les siennes. Y compris pour Wagner.

Oui, mais que vous a-t-il fait ? À quel âge cette aversion s’est-elle déclenchée ?

Mais finalement, Pierre-René Serna, quel compositeur trouve grâce à vos yeux ?

Curieusement, quand j’étais gamin je me prétendais wagnérien, influencé par mon environnement familial et mes nombreuses lectures musicales, mais sans vraiment connaître Wagner. J’ai complètement changé d’avis à partir de mes vingt ans, à mesure que je prenais mieux connaissance de son œuvre. « Le wagnérisme était d’abord un état de l’ouïe », a dit un ancien et mauvais chroniqueur musical. Il faut croire que je n’avais pas l’ouïe faite pour ça ! J’ai aussi découvert tout ce que cette œuvre sous-tend, et qui ne sent pas particulièrement bon. Il y a donc eu un chemin personnel, qui m’a porté à m’interroger, à démonter la mécanique d’un engouement, d’une idéologie, d’une esthétique et d’une musique que j’ai vite ressentis comme outrés et pernicieux. Mais je connais mon sujet, c’est l’un des reproches que l’on ne pourra pas me faire.

Attachée de presse : Patricia Ide-Beretti • 01 58 10 31 89

Mais tous ! Je suis très ouvert ! J’écoute énormément toutes sortes de musiques. Et dans chaque compositeur, je retrouve une part qui m’attire. Pour Wagner, c’est l’ensemble, la totalité, qui me paraît insupportable. Mais il y a beaucoup de choses musicalement séduisantes chez lui, si l’on sait les choisir. Il est vrai, puisque vous me le demandez, que j’accuse une forme de tropisme vers le soleil, la clarté, la lumière, la Méditerranée : Rossini, Rameau, Berlioz, Bizet, Scelsi, aristocratique compositeur italien de la fin du XXe siècle, la zarzuela… J’adore Mozart – même si ce n’est guère original –, musicien assez latin finalement, ou Haendel qui le serait autant dans son esthétique, ou Moussorgski et Schoenberg, qui ne le sont en l’occurrence plus du tout, ou Stravinsky. Et j’ai une passion pour Sibelius, qui n’est pas vraiment méditerranéen. Je reste éclectique dans mes goûts. C’est peut-être pourquoi je suis rétif aux factions et autres clans exclusifs. n

12


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.