Dh154 4eme trimestre 2016

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4ème Trimestre 2016

ASIP SANTÉ Michel GAGNEUX Directeur de l’agence des systèmes d’information partagés de santé RADIO-PHYSIQUE ET RADIOPROTECTION * * * *

LES ROBOTS AU SERVICE DE LA SANTE

* * * *

L’INSÉMINATION POST-MORTEM

REPORTAGES

Crédit photo © Marc Guillochon

Bourg-en-Bresse Châlons-en-Champagne Nord Mayenne 4 Villes Vierzon

www.dhmagazine.fr

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DH MAGAZINE #154 L E M A G A Z I N E D U DECIDEUR HOSPITALIER

ont participé à ce numéro GRAND DOSSIER ASIP SANTE Michel Gagneux, Directeur de l’Agence des Systèmes d’Informations Partagées de Santé (ASIP Santé) David Boisset, Directeur Régional Côte d’Azur & pays d’Aix, AlmaViva Santé

DOSSIER RADIOPROTECTION Christophe Aubé, Radiologue, CHU d’Angers Djamel Dabli, Radiophysicien, CHU d’Angers Francis Bouchet, Radiophysicien, CHU d’Angers Yannick Tancray, Personne Compétente en Radioprotection, CHU de Caen Michel Blézat, General Manager de la Market-Unit Fresenius Vial, Fresenius Régis Berthier, Directeur Ventes & Marketing Perfusion France, Fresenius Didier Leyman, Vice-Président R&D, Applications Devices, Fresenius

DOSSIER ROBOTIQUE Patrick Locufier, Anesthésiste-Réanimateur, Président de la clinique de l’Anjou Clément Dentraygues, Responsable des services logistiques, CHU de Dijon Bourgogne Josiane Labatut, Directrice de la Logistique & des Transports, CHRU de Montpellier Chantal Scotto De César, Ingénieur conseil en organisation, Direction de l’offre de soin, CHRU de Montpellier Jean-Christophe Lecosse, Directeur Général, Centre National de Référence RFID

Chronique « je choisis mon chariot informatisé » Valérie Simon, Responsable Informatique, CH de Rouvray Vincent Regnault, RSI, Correspondant Informatique & Libertés, CHI de Fécamp

Centre Hospitalier 4 Villes Hubert de Beauchamp, Directeur Élodie Lapeyre, Directrice des finances, de la clientèle & du système d’information Caroline Buno, Directrice des achats de la logistique & du patrimoine Ségolène Lebreton, Directrice adjointe en charge du pôle des personnes âgées Catherine Lizerand, Responsable qualité & gestion des risques Philippe Delatronchette, Président du Directoire, Soderec Paul Belloni, Directeur des opérations hospitalières, Soderec

Véronique Mugnier, Attaché d’Administration Hospitalière au service des Finances Hervé Buatier, Docteur, CH Michel Poisat (Pont-de-Vaux)

Centre Hospitalier Châlons-en-Champagne Danielle Herbelet, Directrice Michel Aumersier, Président de la CME David Petitpas, Médecin référent pour la coordination Véronique Reiter Chenel, Médecin référent, CHU de Reims & Médecin du réseau Champagne-Ardenne de prélèvement d’organes et de tissus Claire Pionnier, IDE référente coordination hospitalière Hervé Grulet, Praticien hospitalier, Responsable de l’Unité d’Endocrinologie, Diabétologie - Nutrition Nicolas Pinoteau, Praticien hospitalier en Chirurgie Générale et Digestive Barbara Taillière, Praticien contractuel en EDN, spécialiste en nutrition, en activité partagée avec le CHU de Reims Naceur Abdelli, Responsable de l’unité d’HGE Stéphanie Decrolière, Cadre de santé Farah Abed Ayed, Patiente ressource

Centre Hospitalier Nord-Mayenne Catherine Creuzet, Directrice Magida Lignel, Présidente de la CME Jean-François Doguet, Directeur des soins de l’IFSI/IFAS, qualité & gestion des risques Christophe Moutel, Directeur-adjoint chargé des services économiques & des travaux & administrateur du GIE IRM 53 Sylvain Pichereau, Cadre de santé du service imagerie médicale du CHNM Jean-Baptiste Perret, directeur-adjoint chargé des affaires financières & de la gestion des patients Henri Robert, Chef du service de chirurgie orthopédique & traumatologique Jaafar Es-Sayeh, chirurgien orthopédique Jean-Claude Lavandier, médecin responsable du DIM, Président du collège médical du GHT, Vice-Président de la CME Centre Hospitalier de Vierzon Florent Foucard, Directeur Marie-Laure Cappe, Directrice adjointe en charge de la politique en faveur des personnes âgées Estelle Marlot, Directrice adjointe des affaires économiques & financières

Centre Hospitalier Bourg en Bresse Corinne Krencker, Directrice Vincent Ory, Directeur adjoint & financier

DOSSIER JURIDIQUE Me Michel Poignard, Cabinet Efficia

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EDITO Merci ! C’est le premier mot qui nous vient à l’esprit ! Lecteurs, décideurs hospitaliers, partenaires... La liste est longue de ceux à qui nous pensons aujourd’hui. 2016 fut une année particulièrement riche pour DH Magazine, riche de projets et de nouvelles aventures. Des aventures dans lesquelles vous allez jouer, vous lecteurs et décideurs hospitaliers, un rôle toujours plus actif. En 2017, DH Magazine fait sa mue. Grâce à votre implication et vos témoignages, il entend bien rester ce que vous en avez déjà fait : le journal le plus vivant de la profession ! Ce numéro 154 a une saveur particulière. C’est le fruit d’une nouvelle équipe. De nouveaux rédacteurs, issus du monde hospitalier, nous ont rejoints, pour servir une ligne éditoriale constante ; toujours axée sur le retour et partage d’expériences, ainsi que les grands reportages. DH Magazine évolue dans sa forme. Il fait la part belle aux images et aux illustrations. Une bande-dessinée « interactive » ouvrira dorénavant chaque numéro. Elle vous permettra d’illustrer vos expériences terrain sous une autre forme, plus accessible et plus ludique. D’autres outils suivront en 2017, avec la mise en place d’une web TV, et la refonte complète de notre site internet. Dans ce numéro 154, vous découvrirez de nombreuses innovations, dans les domaines de la robotique, de la télémédecine et de la radioprotection ; dans les dispositifs mis en place par l’ASIP pour encadrer l’informatisation du dossier patient, avec l’interview de Michel Gagneux, Président de l’ASIP Santé. Autant d’avancées qui permettent de concevoir l’hôpital de demain. Un hôpital numérique, à la pointe de la technologie et de l’information, mais toujours ancré sur un socle éthique, humaniste et de proximité ; fidèle aux valeurs du service public.

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SOMMAIRE GRAND DOSSIER DH ASIP SANTé 10 - 25

DOSSIERS DH

ARTICLES DH

RADIO-PROTECTION Particules hospitalières 28 - 45

LES ROBOTS AU SERVICE DE LA SANTé 50 - 59

CHRONIQUE DH Je choisis Mon chariot de soin informatisé 60 - 61

PAROLES D’EXPERTS Harmoniser efficacement son SI SOFTWAY MEDICAL 12 - 13

Investir en France PENTAX MEDICAL 26 - 27

La radioprotection EDM 30 - 31

L’innovation au service de la santé FRESENIUS 46 - 49

Une maîtrise d’ouvrage forte au service des hôpitaux SODEREC 64 - 67

REPORTAGES HOSPITALIERS 4 VILLES 62 - 79

BOURG-EN-BRESSE 80 - 93

CHALONS-ENCHAMPAGNE 94 - 109

NORD MAYENNE 110 - 121

VIERZON 122 - 137

DOSSIER JURIDIQUE Insémination post-mortem 139 - 142

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Grand Dossier DH Grand Dossier DH

ASIP santé PAR DH MAGAZINE

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N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - GRAND DOSSIER DH


L’ agence des systèmes d’information partagés de santé N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - GRAND DOSSIER DH

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Parole d’expert

Harmoniser efficacement son SI 24 établissements composent aujourd’hui AlmaViva Santé, Groupe de cliniques

MCO et SSR créé en 2007 par Bruno Marie, son actuel Président. Initialement présent en région marseillaise, le Groupe s’est étendu fin 2012 aux Alpes-de-Haute-Provence et à l’Ile-de-France avec pour but de créer des pôles régionaux d’excellence.

David Boisset

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C’est chose faite, avec 7 cliniques du Groupe présentes dans le classement 2016 du Point qui distingue les meilleurs établissements publics et privés de santé. Après avoir structuré le Groupe autour de sa Direction Qualité, AlmaViva Santé harmonise son système d’information autour d’HOPITAL MANAGER de Softway Medical. Entretien avec David Boisset, Directeur Régional Côte d’Azur et Pays d’Aix du Groupe AlmaViva Santé.

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Parole d’expert

DH MAGAZINE – Le groupe AlmaViva vient d’acquérir l’ensemble de la solution HOPITAL MANAGER. C’est un projet extrêmement ambitieux dont le déploiement durera au moins 3 ans. Quel était l’objectif de votre démarche ? David Boiset - Nous représentons aujourd’hui environ 2 000 salariés, plus de 200 000 patients pris en charge, pour plus de 200 millions de CA. Il n’était pas possible de piloter de façon isolée les établissements et nous ne souhaitions pas non plus un « hypersiège » ou une « hyper structure » trop centralisatrice. Cependant pour se développer, il faut se structurer ! Aussi, notre Comité d’Orientation Stratégique a souhaité une harmonisation et une urbanisation bien pensées du système d’information. DH – Pourquoi avoir fait le choix de la solution HOPITAL MANAGER ? D.B. - Selon nous, HOPITAL MANAGER est le produit le plus intégré du marché. Il correspondait à notre cahier des charges et couvrait tout ce que l’on souhaitait, notamment la gestion administrative avec HM GAP (admission, facturation, identitovigilance) et la partie dossier médical avec HM Medical. Nous souhaitions le moins d’interfaces possibles et le moins d’éditeurs possibles pour limiter les briques d’assemblage et les interlocuteurs. Softway Medical se distinguait de ses concurrents sur ce point-là. Un autre critère était l’hébergement sécurisé des données médicales au travers de leur datacenter et de leur agrément HDS.

n’est pas notre métier ! Nous souhaitons nous concentrer sur notre cœur de métier : le soin, la prise en charge des patients, les innovations médicales… La politique du groupe est de sous-traiter ce qui n’est pas directement de notre domaine et de nous entourer des meilleures expertises sectorielles. DH – Où en êtes-vous du déploiement ? Et en quoi la méthodologie de déploiement de Softway Medical reposant sur une équipe projet et des établissements pilotes vous a-t-elle séduit ? D.B. - Trois sites pilotes ont commencé leur déploiement. Avec Softway Medical, nous nous inscrivons en mode partenariat, avec l’objectif d’un transfert de compétences progressif. Nous avons constitué à l’heure actuelle une équipe « projet groupe » de 4 personnes à plein temps qui a pour objectif d’acquérir les compétences de paramétrages et d’intégration pour, à terme, assurer le déploiement. DH – Quels bénéfices voyez-vous à uniformiser les pratiques autour d’un système d’information intégré ? D.B. - Le bénéfice premier est précisément d’harmoniser nos pratiques. Qui dit harmonisation des pratiques dit cohésion et entraide entre les établissements. Cela est rassurant pour l’organisation du Groupe et donc pour la qualité générale des processus de soins.

DH – Pourquoi avez-vous choisi ce modèle hébergé ?

DH – Quelle est la valeur ajoutée d’un système d’information multi-établissements ?

D.B. - Pour plusieurs raisons. Etre hébergeur ne s’improvise pas. Il faut avoir les compétences, les qualités et une structure adaptée. C’est ensuite quelque chose de récent et de très mouvant. Il faut pouvoir suivre les évolutions et les nouvelles contraintes techniques et cela

D.B. - Nous pouvons suivre l’intégralité du parcours de soins d’un patient, à la fois en établissements MCO et SSR. C’est la garantie pour nos patients d’une meilleure prise en charge et d’un meilleur suivi du parcours de soin.

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Grand Dossier DH

La santé à l’ère numérique

Entretien avec Michel Gagneux – Directeur de l’ASIP Santé. DH MAGAZINE – Avant de devenir directeur de l’ASIP Santé, quels ont été les points marquants de votre carrière largement axée sur les problématiques de santé ?

Michel Gagneux – Une grande partie de ma carrière a effectivement été vouée aux questions

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de santé, mais aussi à la protection sociale et, plus largement, aux politiques sociales. Au-delà, je dirais que mon itinéraire est marqué par une double dualité. D’une part, l’exercice en alternance de fonctions d’audit et conseil et de fonctions de gestion et management, c’est-à-dire le passage du conseil à l’action,

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de la réflexion à la prise de décision ; ces deux types de fonctions se sont « nourries » l’une l’autre, et m’ont amené à chercher à concilier en permanence réflexion stratégique et efficacité opérationnelle. D’autre part, alternance de responsabilités dans l’univers de l’administration publique et dans celui “ Concilier en permanence de la gestion d’entreprise ; j’ai tiré de ce réflexion stratégique et parcours une double efficacité opérationnelle ” culture, publique et privée, administrative et managériale, qui me pousse toujours à concilier le service public et la performance, l’économique et le social, le service de l’Etat et les exigences du management d’entreprise. DH : Quels sont les postes les plus importants que vous avez occupés ?

Peut-on en parler en termes d’importance ? De toute activité, on tire bénéfice. J’ai travaillé dans plusieurs cabinet ministériels, j’ai dirigé des organismes, assuré des responsabilités d’entreprise, connu le secteur public et le secteur privé et, bien sûr, j’ai travaillé au sein de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), mon corps d’origine, pour des activités de contrôle aussi bien que de conseil. L’essentiel, c’est d’avoir conservé de chaque expérience un enseignement. DH : S’agit-il d’une trajectoire déterminée par avance

tion sociale. Lorsque j’ai choisi l’IGAS il y avait une sorte de fond culturel. Finalement, cela a peut-être été une manière assez conformiste de commencer ma carrière ! DH : Les journalistes parlent souvent de la fameuse « promotion Voltaire » à laquelle vous appartenez comme l’actuel Président de la République. Quelles réflexions vous inspirent cette imbrication entre la haute administration et la politique ? Est-ce un mal nécessaire ou une organisation républicaine ?

Toute promotion de l’ENA a son volant d’hommes politiques qui en sont issus. La question que vous posez va au-delà de cette promotion, même médiatiquement exposée. C’est celle du rapport entre la politique et la technostructure administrative. C’est un sujet complexe qui mériterait en soi bien des pages. L’ENA est un moule de fabrication « d’élites », une école qui de fait, prédestine aux hautes fonctions de l’État et qui fournit un des plus gros bataillons du personnel politique. Cette endogamie est sans doute un des freins structurels à la réforme de l’Etat. « L’autoréformation » n’est pas chose aisée. DH : Vous avez été le collaborateur de plusieurs Ministres de la Santé et/ou des Affaires sociales : Pierre Bérégovoy, Georgina Dufoix, Nicole Questiaux, Roselyne Bachelot… Que conservez-vous de ces relations (de travail et/ou personnelles) au plus haut niveau de la politique ?

ou le résultat de « la force des choses » ? Je n’ai jamais su construire de plans de carrière. Les concours de circonstances ont joué un grand rôle. Prenons un exemple… En 2007, je participe à une mission interministérielle sur le Dossier Médical Personnel (DMP). Le rapport entraîne une nouvelle mission sur la relance du DMP, qui me conduit à réfléchir à l’ensemble de la politique de e-santé, dont je suis devenu, sans y avoir été prédestiné, l’un des acteurs. Tout s’est fait par enchaînement de circonstances, mais dans une trajectoire d’emblée placée sous le signe du social et du management stratégique. Si prédétermination il y a eu, elle serait plutôt générationnelle, sociologique, voire « subconsciente ». Je suis en effet d’une génération arrivée à l’âge adulte dans les années 1970, dans une période culturellement marquée, après la rupture de « mai 68 », par l’intérêt pour la chose publique, les questionnements de société, les interrogations économiques, la ques-

Je n’ai pas été un collaborateur direct de Roselyne Bachelot, même si j’ai été conduit à lui remettre plusieurs rapports dans le domaine de la e-santé, comprenant des propositions de réforme dont elle a décidé la mise “ Le rapport entre la en œuvre. Quand on a la chance de travail- politique et la technostructure ler auprès ou au service administrative. C’est un sujet de personnalités d’encomplexe qui mériterait vergure, on apprend beaucoup. Au-delà des en soi bien des pages.” personnalités que vous citez, je citerais aussi Philippe Seguin, Michel Rocard… J’ai appris de tous... De Nicole Questiaux, par exemple, j’ai pris des leçons de rigueur morale et d’éthique. De Pierre Bérégovoy, le sens de l’exigence avec soi-même et avec son travail, qu’il poussait très loin. Grâce à Michel Rocard, j’ai participé à des réflexions initiales sur de grands projets de

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Grand Dossier DH réforme tels que le RMI et la CSG, et appris à m’interroger toujours sur le bon compromis entre la réforme à faire et la méthode pour la conduire. J’ai exercé tôt dans mon itinéraire des fonctions en cabinet ministériel, on m’a fait confiance très jeune et j’ai été très vite confronté aux enjeux, aux difficultés, aux pièges de l’action publique, à la fois de la politique et de la gestion. Cela me sert grandement aujourd’hui…

plus largement d’une politique nationale de santé numérique. De ce rapport sont nés en particulier une nouvelle agence chargée de promouvoir les systèmes d’information de partage et d’échange des données de santé, l’ASIP Santé, puis, au sein du ministère, une délégation à la stratégie des systèmes d’information de santé (DSSIS) chargée de coordonner et d’animer l’action publique en e-santé.

DH : Pouvez-vous évoquer la genèse de l’ASIP Santé ?

DH : Les critiques que vous évoquiez tout à l’heure

Après la remise, en novembre 2007, par la mission interministérielle de l’inspection générale des finances, l’IGAS, et du Conseil des technologies et de l’information, de son rapport d’audit – très critique - du projet

restent globales. Plus concrètement, quels sont les points critiqués qui ont fait échouer le premier DMP ? Le projet initial était un bon projet quant à ses finalités, mais c’était un projet structurel, il postulait un chan-

“ J’ai appris à m’interroger

du DMP créé en 2004, Madame gement de culture, de mentalités, Roslyne Bachelot m’a demandé toujours sur le bon compromis d’organisation, de pratiques, qui un deuxième rapport, destiné à entre la réforme à faire et la ne pouvait s’inscrire que dans le définir les conditions à réunir pour long terme… Malheureusement, méthode pour la conduire. ” il est vite devenu un sujet de relancer le DMP. C’est à cette époque, vers 2008, que j’ai pu surenchères et d’annonces poliapprofondir la réflexion sur l’ensemble des freins tiques irréalistes : généralisation en trois ans, quand structurels ou conjoncturels qui pouvaient rendre la on savait qu’il faudrait une décennie pour parvenir à sa conduite d’un projet transversal numérique difficile généralisation ; affichage d’économies importantes et en France. rapides - 7 milliards ! – impossibles à obtenir à court et moyen termes. C’est dans cet esprit que j’ai suggéré une série de réformes qui me semblaient nécessaires pour réussir Ces annonces ont dénaturé le projet, conçu d’abord les grands projets numériques, dont le DMP n’était pour moderniser les pratiques, améliorer la coordinaqu’un élément parmi d’autres. Entre autres proposition des soins et la coopération interprofessionnelle, tions, j’ai recommandé la constitution d’une agence et par là-même la qualité de la prise en charge des chargée de mettre en œuvre l’ensemble des leviers patients… et devenu le symbole d’un outil à faire des nécessaires à la réussite non seulement du DMP, mais économies ! Cela a braqué de nombreux acteurs de

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santé, notamment parmi les professionnels de santé libéraux, et a perturbé le management du projet, qui a été guidé davantage par le souci de paraître conforme aux annonces que par “ Il faut d’abord les nécessités d’un pilotage professionnel. rassembler et fédérer Résultat : trois changel’ensemble des acteurs, ments de stratégie en « construire du consensus »… ” trois ans, des expérimentations lancées en début 2006 puis arrêtées avant la fin 2006. Bref, beaucoup d’argent perdu, beaucoup d’énergie dépensée, beaucoup de polémiques… Un projet de ce

type exige des prérequis ! Il faut d’abord rassembler et fédérer l’ensemble des acteurs, « construire du consensus », avoir une vision - un cap à long terme - une politique stable… Rien de tout cela n’était au rendez-vous. DH : Comment fonctionnent vos relations avec les ARS ?

Elles sont permanentes, pratiques et concrètes. En gros, les ARS ont été constituées à la même époque que l’ASIP Santé. D’ailleurs, une des recommandations de mes rapports consistait à doter les ARS de structures de maîtrise d’ouvrage en matière de systèmes d’information.

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Grand Dossier DH Une des premières actions de l’ASIP Santé a été d’aider les ARS à se doter d’une capacité de maîtrise d’ouvrage en système d’information pour pouvoir déployer les services numériques dans leurs territoires. L’ASIP Santé a ainsi lancé des appels à projets en coopération avec les ARS dès 2009-2010-2011. à

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l’exception de quelques-unes - comme Rhône-Alpes, Franche-Comté, Alsace par exemple… - les ARS ne disposaient pas de véritables structures de pilotage des systèmes d’information de santé. Aussi, l’ASIP Santé at-elle facilité le déploiement des services numériques dans les territoires, pour qu’elles deviennent le relais

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de la politique nationale et aident également à faire émerger des initiatives locales. Avec le temps, les choses ont bien et beaucoup évoluées. Aujourd’hui, par exemple, l’ASIP santé été chargée par le Ministère de contribuer à poser le cadre d’urbanisation des systèmes d’information régionaux de santé, à définir le cadre d’ac“ L’ASIP Santé a facilité le tion commun déploiement des services des ARS et de numériques dans les territoires, leurs structures de maîtrise d’oupour qu’elles deviennent le vrage régionales, relais de la politique nationale et d’appuyer les ARS dans la mise et aident également à faire œuvre du émerger des initiatives locales. ” en volet numérique des plans régionaux de santé. C’est un travail mené en commun avec les représentants des ARS et les représentants de leurs structures de maîtrise d’ouvrage en e-santé. Au fond, l’ASIP Santé doit être un guichet d’appui permanent pour les territoires en matière de santé numérique. DH : Les ARS ont-elles toutes le même système

informatique ? Il n’existe pas de système d’information régional type. Les ARS ont notamment pour mission, dans leurs territoires respectifs, de mettre le numérique au service de la stratégie régionale de santé. A ce titre, elles doivent veiller à « l’urbanisation », à l’interopérabilité, à la sécurité et à la facilité d’usage de systèmes d’information nombreux et fort différents, de façon à ce que tous les acteurs (établissements de santé, publics et privés, professionnels de santé libéraux, profession-

nels du médico-social…) participent à la mise en place de parcours de soins au bénéfice du patient. L’enjeu de la e-santé est de mettre en service de nouveaux outils qui favorisent l‘évolution des pratiques professionnelles : coopération médicale, coordination ville-hôpital, coordination généraliste-spécialiste, coordination infirmier-médecin, etc. DH : Aujourd’hui, quels sont les grands projets que l’ASIP

Santé met ou va mettre en œuvre ? Dans quelles conditions ? Dans quels délais ? Et avec quel financement ? L’ASIP Santé, qui joue maintenant le rôle d’une véritable agence nationale de santé numérique, repose sur trois missions fondamentales : définir “ Au fond, l’ASIP Santé doit être les prérequis nécessaires au développe- un guichet d’appui permanent ment de la e-santé, pour les territoires en matière assister les pouvoirs de santé numérique. ” publics dans la mise en œuvre de systèmes d’information de portée nationale et accompagner les acteurs. Première mission : créer un espace de confiance et un cadre d’interopérabilité permettant à l’ensemble des acteurs de santé, dont les systèmes d’information sont fort différents, parce que conçus à l’origine pour d’autres finalités, de communiquer, d’échanger et de partager des données de santé dans des conditions

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Grand Dossier DH garantissant la confidentialité de ces données et la facilité d’usage des professionnels. La mise en place de ce cadre de régulation est un prérequis indispensable ; c’est l’une des raisons fondamentales de la création de l’ASIP Santé. Deuxième grande mission : assister les pouvoirs publics pour la mise en œuvre de systèmes d’information numériques complexes dans lesquelles il est besoin d’un maître d’ouvrage puissant. C’est à ce “ On ne fabrique pas des titre que l’ASIP Santé systèmes d’information pour une a construit le DMP, mis en place le sysfinalité technique, mais pour tème des messageries créer de la valeur « métier », de sécurité de santé, pour faciliter le travail qu’elle conduit le projet de refonte des sysdes acteurs de santé et améliorer le service aux patients.“ tèmes d’information des SAMU Centre 15, ou bien encore, pour ne pas dresser une liste exhaustive, celui du portail de signalement des événements sanitaires indésirables. Sa troisième mission est l’accompagnement des acteurs, de tous les acteurs de santé, dans leur grande diversité : établissements de santé, professionnels de santé, industriels, ARS, territoires, avec pour objectif de progresser ensemble sur la longue route de la e-santé. Le portefeuille d’activités de l’ASIP Santé a considérablement évolué depuis les années 2012-2013. Aujourd’hui, il est constitué d’un éventail de grands chantiers portant sur des projets complexes exigeant un accompagnement très important des acteurs. La philosophie de tout cela ? Elle est double : assurer la maîtrise et l’efficience des systèmes d’information de santé et favoriser l’usage du numérique en santé au service de l’évolution des pratiques et des organisations et de la qualité des parcours de santé proposés aux patients. On ne fabrique pas des systèmes d’information pour une finalité technique, mais pour créer de la valeur « métier », pour faciliter le travail des acteurs de santé et améliorer le service aux patients. DH : Comment se juxtaposent les rôles respectifs des régions et du siège de l’ASIP Santé ?

L’ASIP Santé n’a aucune antenne régionale, c’est un choix volontaire. Ce sont les ARS qui pilotent

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« leur » politique régionale de santé. Pour ce faire, elles s’appuient en particulier sur des groupements publics de maitrise d’ouvrage régionale en e-santé. C’est avec cet écosystème que travaille l’ASIP Santé, en mobilisant différents moyens : appels à projets, actions d’appui, fixation d’un cadre d’urbanisation des systèmes d’information régionaux, aide à la coopération et à la mutualisation de moyens… L’ ASIP Santé a l’ambition d’être un animateur de cette communauté territoriale de la e-santé, dans un esprit de partenariat et de co-construction. L’ASIP Santé se veut moteur, et facilitateur. DH : L’ASIP Santé se donne pour mission « d’accompagner » les projets numériques… Qu’y a-t-il derrière cette formulation aussi ambitieuse que vague ?

Pas vague. Diverse ! La transformation numérique ne se décrète pas, elle s’accompagne. Et son défi n’est pas technologique, il est culturel et organisationnel, et relève avant tout de l’accompagnement du changement. Un système d’information doit avant tout répondre à un besoin d’usage, un service numérique répondre au besoin et au désir d’un utilisateur. C’est pourquoi la fonction d’accompagnement des acteurs est un enjeu décisif. C’est la technique qui doit se mettre au service des utilisateurs et non l’inverse ! Pour toutes ces raisons, la relation avec les acteurs est essentielle. Je vous propose trois exemples concrets. Premier exemple : la relation avec les industriels. Les industriels ont besoin de s’appuyer sur des référentiels, sur des spécifications techniques et/ou fonctionnelles, sur des règles de labélisation... Ce corpus, pour qu’il soit aisément intégré dans l’offre du marché et corresponde à un mo- “ Le défi de la dèle économique viable, transformation numérique doit être élaboré et défini n’est pas technologique, en concertation étroite avec les industriels. C’est il est culturel la règle de conduite de et organisationnel, l’ASIP Santé, qui accom- et relève avant tout pagne ces derniers en amont de la publication de l’accompagnement des référentiels qu’elle du changement. ” produit, et en aval, afin de faciliter leur intégration dans les solutions proposées aux professionnels de santé. C’est la condition même de l’interopérabilité et de l’émergence de modèles économiques viables !

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Deuxième exemple : les relations avec les acteurs de santé. Prenons le projet de déploiement d’une messagerie sécurisée dans un établissement de santé. L’établissement va devoir insérer ce service dans ses processus métier, dans son système d’information, dans ses relations avec ses correspondants à l’extérieur de l’établissement. Pour cela, l’ASIP Santé propose aux établissements (près de 2000 établissements sont aujourd’hui inscrits dans cette démarche) un plan d’accompagnement destiné à les aider à bâtir leur projet, qui doit être validé par la direction et par la CME, à utiliser les « bonnes méthodes » et les « bons standards », à communiquer avec la médecine de ville. Enfin, troisième exemple : les relations avec les territoires. Il s’agit là de permettre aux régions (ARS, groupements de maîtrise d’ouvrage) d’appliquer des règles d’urbanisation communes. Ainsi, chaque territoire doit disposer d’un dossier médical partagé, d’une messagerie sécurisée, d’outils communicants permettant avec tous les acteurs de santé, qu’ils soient publics ou privés, de concourir à la mise en œuvre de véritables parcours de soins au bénéfice des patients ! Pour cela, l’ASIP Santé apporte le socle que constitue les référentiels d’urbanisation, de sécurité, d’interopérabilité, d’identité, mais aussi son expertise, ses conseils et ses recommandations… Sur le terrain, nous nous

efforçons d’aider chaque type d’acteur à s’approprier les nouveaux services, à adapter ses méthodes, ses pratiques, son organisation… DH : Dans son rapport annuel 2014, l’ASIP Santé se

targue d’une « contribution déterminante à la politique de santé numérique. Sur quels « éléments de preuves » pouvez-vous vous appuyer pour justifier cette affirmation audacieuse ? La politique de santé numérique couvre un champ très vaste. Elle requiert d’abord un certain nombre de prérequis constituant un socle de base, auquel je viens de faire allusion, et sans lequel il “ Sur le terrain, nous nous efforçons ne peut pas il y d’aider chaque type d’acteur à a voir de santé s’approprier les nouveaux services, numérique. C’est ce socle à adapter ses méthodes, ses de base que pratiques, son organisation… ” l’ASIP santé a commencé à mettre en place. Ce sont des structures immatérielles sans lesquelles il ne peut pas y avoir d’échange ou de partage de données : cadre d’interopérabilité, politique de sécurité, annuaires de professionnels

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Grand Dossier DH de santé, cadre commun d’urbanisation applicable dans tous les territoires. Ce socle, l’ASIP Santé a commencé à le mettre en place, il existe, il s’enrichit chaque jour. C’est une action lente, en profondeur, mais qui crée les conditions du succès.

pendant deux ans, à cumuler les fonctions de Président et de Directeur opérationnel. Cela a été l’occasion pour moi de repenser la réorientation stratégique et le positionnement externe de l’agence. DH : En d’autres termes, vous avez vissé les boulons...

Certains pays, qui n’ont pas pris en considération ces enjeux, ont buté soit sur des problèmes de sécurité (Pays-Bas), soit sur des problèmes d’interopérabilité (Royaume-Uni). DH : Précisément, quid des standards internationaux ?

L’ASIP Santé ne déploie ses référentiels qu’en s’appuyant sur des standards internationaux existants. Les industriels peuvent ainsi interagir dans le marché français, en utilisant les mêmes standards, les mêmes référentiels. Ce qui leur évite de créer un pro“ Concilier l’économique duit spécifique pour chaque et le social. C’est ce que client, peu exportable, peu reproductible et peu éconoj’ai fait toute ma vie. ” mique. L’ASIP Santé est très présente dans les cercles de standardisation internationaux IHE, HL7… et emploie des collaborateurs dont l’expertise est unanimement reconnue dans ces domaines. Par ailleurs, nous suivons les projets européens qui vont avoir un impact tant en termes de normalisation que de standardisation ou d’urbanisation. En ce moment, nous sommes très présents sur les nouveaux cycles d’appel à projets européens. Dans les années qui viennent, l’ASIP Santé va devenir une plate-forme importante pour le déploiement, en France, des projets européens. DH : Vous avez évoqué un « changement de direction »

en 2014. Accepteriez-vous d’être plus disert et plus précis sur ce changement ? Et où en est-on en août 2016 ? A l’origine, en 2009, j’ai assuré la présidence de l’ASIP Santé, sans en être le manager opérationnel. J’ai été amené à en assurer la direction opérationnelle après une crise de gouvernance (en 2012 et 2013), avivée par les incertitudes relatives au DMP – début 2012, les pouvoirs publics hésitaient encore sur la stratégie de déploiement – qui ont contribué à déstabiliser l’agence. Fin 2013, les pouvoirs publics me demandèrent d’assurer l’intérim de la direction. C’est ainsi que j’ai dû reprendre les manettes opérationnelles de l’agence. L’intérim s’est prolongé, me contraignant,

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Visser les boulons n’est pas l’expression adaptée. L’ASIP Santé était gérée. En fait, j’ai repositionné l’agence dans ce pourquoi elle avait été faite : être au service des usages et des pouvoirs publics. Je l’ai repositionnée dans sa manière de concevoir des projets, dans son pilotage, dans son management. Un management fondé sur la performance et sur l’exigence professionnelle, mais aussi – c’est la contrepartie – un management fondé sur la reconnaissance, sur la responsabilisation, sur le dialogue et sur l’écoute… C’est sur ce modèle de management que je me suis toujours appuyé en fonction des différents contextes de ma carrière : concilier l’économique et le social. C’est ce que j’ai fait toute ma vie. DH : Comment s’articulent la Délégation à la Stratégie des Systèmes d’Information de Santé (DSSIS), (sous l’autorité du secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales) et l’ASIP Santé ? Chacun ne fait-il pas un peu la même chose dans son coin ?

En fait, je suis à l’origine de la création de ces deux structures. La Délégation à la stratégie des systèmes d’information de santé (DSSIS) et l’ASIP Santé sont la traduction de propositions que j’ai formulées en 2009 pour renforcer la capacité de l’Etat à piloter la politique de santé numérique.… La DSSIS a un rôle de supervision et d’harmonisation de l’ensemble des acteurs de la e-santé et « d’alignement » sur les actions du Ministère. L’ASIP Santé, elle, est la force opérationnelle, qui s’appuie sur une capacité d’expertise, de proposition et de mise en œuvre des projets. Elle assure une fonction de maîtrise d’ouvrage déléguée pour le compte des différentes directions du ministère de la santé (DGOS, DGS, DSS, DSSIS) et des autres membres de son assemblée générale (CNAMTS, CNSA). DH : Néanmoins, sommes-nous bien dans la logique

d’une « stratégie publique », lisible pour tous ? La lisibilité de la politique publique en matière de santé numérique a longtemps été le point faible des politiques nationales. Elle reste encore un point de relative fragilité. Cependant, depuis 10 ans, les choses

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ont réellement progressé. Des programmes se sont structurés tels que le Programme Hôpital Numérique ou encore le programme Territoire de Soins Numérique. Des structures ad hoc se sont constituées telles que l’ASIP Santé ou la DSSIS et sont montées en puissance… Dans les régions, les territoires ont mis en œuvre leurs politiques régionales de santé numérique avec des groupements de maîtrise d’ouvrage régionales. Des référentiels communs ont été établis, publiés, partagés. Les grandes briques d’une politique nationale cohérente ont été posées. Reste que, pour les acteurs, tout ça peut encore manquer de visibilité. A cela, je vois deux raisons majeures. La première, c’est qu’on est encore au premier palier de maturité de la santé numérique. D’abord, on a lancé beaucoup de programmes, mais les « usages », – c’est-à-dire l’utilisation effective et en routine par les utilisateurs – restent encore faible pour le moment. Ainsi le Programme Hôpital Numérique, lancé il y a 5 ans, a un effet structurant important, mais le nombre d’hôpitaux, de professionnels hospitaliers et d’industriels à en avoir tiré tout le bénéfice n’est pas encore à la hauteur des espérances initiales. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de systèmes complexes, à très forte inertie. Il faut du temps, beaucoup de temps pour transformer des organisations et des systèmes d’information. Nous sommes dans une période où l’on ne voit pas encore concrètement, dans les pratiques quotidiennes, dans les organisations, les fruits concrets de tout ce qui a été mis en œuvre depuis “ Il faut du temps, beaucoup 4 à 5 ans. La période qui vient sera décisive. de temps pour transformer Il s’agira de traduire des organisations et des toutes les composantes de la politique systèmes d’information. ” numérique en usage. Dans les 5 ans qui viennent, un professionnel de santé de Lozère devra pouvoir – de manière quotidienne et sans difficulté – accéder au DMP de son patient même si ce dernier est hospitalisé au CHU de Montpellier, recevoir de l’hôpital les lettres de liaison et du laboratoire les résultats des analyses biologiques prescrite à ses patients dans un format structuré lui en permettant l’exploitation facile sur son ordinateur, accéder à des services de télémédecine en cas de besoin, participer avec des outils dématérialisés au parcours de santé de ses patients, etc.

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Grand Dossier DH

DH : Encore cinq ans pour arriver à stabiliser...

En déploiement et en usage généralisé, oui. C’est le temps nécessaire. Le problème n’est pas technique. La technologie existe, les innovations fleurissent, même si elles sont besoin d’un modèle économique viable qui soit accessible pour tous les acteurs de santé comme pour les industriels, mais aussi qui soit supportable pour la collectivité nationale. La Sécurité sociale ne peut pas financer toutes les innovations technologiques au service du secteur de santé. L’informatique hospitalière doit dépasser le cap de la première décennie du XXIème siècle, celle de l’informatique de gestion. Les industriels doivent avoir absorbé tous les référentiels et tous les standards nécessaires. Ils doivent pouvoir offrir des produits utilisables, bon marché, efficaces à l’ensemble des acteurs de santé et aux établissements. En termes d’usages, cela doit se concrétiser dans les cinq ans qui

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viennent. Faute de quoi, la France prendra un retard considérable par rapport à ses voisins. DH : Par rapport aux autres pays industriels, sommes-

nous en avance ou en retard ? Nous sommes en avance dans certains compartiments et en retard sur d’autres. Tous les pays rencontrent des difficultés pour accélérer la transformation numérique de leur système de santé. En fonction des différents pays, la situation est très variable. Bien souvent, les pays qui ont réussi une percée dans un secteur, en termes d’usage et d’organisation, sont des pays qui n’avaient pas d’autres choix ! Pour les pays enneigés, désertiques et/ou très vastes (on pense à l’Australie) télémédecine et communication électronique étaient des passages obligés. Des pays de la taille d’une grande région française – Danemark, Suède, Catalogne, Andalousie – ont réussi à créer des services bien intégrés mais à petite taille.

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DH : Interopérabilité des systèmes d’information, élaboration d’une politique générale de sécurité de données de santé, mise en place des espaces numériques régionaux de santé, système de messageries sécurisées… Ces fondements ne sont-ils que les pierres d’une cathédrale dont la clé de voûte serait le Dossier Médical Personnel ?

DH : L’une des plaquettes de l’ASIP parle de « défi

culturel ». Qu’en est-il concrètement sur le terrain (*) ?

Il n’y a pas de clé de voûte. Mais un socle de base sans lequel il ne peut pas y avoir de santé numérique. C’est le socle où tout va se bâtir et où des services innovants à valeur ajoutée vont pouvoir se créer facilement. Ceci avec un modèle économique dans lequel tout le monde parlera le même langage, respectera les mêmes règles, acceptera les mêmes contraintes. Mais il est vrai que le DMP a joué un rôle à la fois de révélateur des rigidités et cloisonnement du système de santé, et de catalyseur, d’accélérateur de changement, en permettant de poser les cadres d’interopérabilité et de sécurité nécessaires, et de faire évoluer les mentalités en matière de partage numérique des données de santé

La santé numérique, je le répète, n’est pas un problème d’informatique ou de technologie, c’est un problème de conduite de changement, de changement “ La Sécurité sociale des mentalités, des pratiques, ne peut pas financer des organisations. Un bon DMP, de bons logiciels métier toutes les innovations et une messagerie sécurisée technologiques au service sont indispensables mais ils du secteur de santé. ” ne suffisent pas. Chaque fois qu’un professionnel de santé libéral communiquera « mal » avec un praticien ou service hospitalier, c’est le parcours coordonné du patient et système qui seront en échec ! Pour qu’il y ait un vrai dossier patient électronique et partagé, l’hôpital ne doit pas être une citadelle ; l’un de ses premiers devoirs est de communiquer avec la ville.

DH : Les subventions que reçoit l’ASIP Santé « cou-

DH : L’ASIP Santé peut-elle être considérée comme

vrent » 100% de ses dépenses ou peu s’en faut. Quels sont les généreux « mécènes » ? Etat, Sécurité Sociale, sociétés privées ? Et dans quelles proportions ? L’ASIP Santé est un opérateur public. Son rôle est de développer la e-santé parce qu’on juge qu’elle va être créatrice de valeur pour notre système de santé, d’améliorer le système de santé, de le rendre plus efficient, moins cloisonné, plus coopérant, mieux organisé et donc, in fine, de meilleure qualité. Cela suppose un investissement public de base, qui se traduit notamment par le budget de l’ASIP Santé, et repose sur un financement public intégral supporté sur l’enveloppe ONDAM. Cet investissement créé les conditions de la modernisation de notre système de santé. Le budget de l’ASIP Santé est de l’ordre de 85 millions d’euros. DH : Quelle est la politique de communication de l’ASIP ?

Je préfère parler de « principes » de communication. Son premier, c’est de ne parler que quand on a quelque chose à montrer ou à dire. L’agence n’a pas vocation à faire des campagnes vantant la marque ASIP Santé ou à chercher à faire le « buzz ». On ne communique que lorsque l’on a un dossier important à partager ou à lancer, une opération de sensibilisation ou encore une action de pédagogique.

irréprochable au regard de l’organisation et des actions engagées ? Je ne connais pas d’organismes irréprochables. Quand on fabrique du complexe, du sophistiqué, qu’on est soumis à des conditions de réalisation qui ne sont pas toujours les plus rationnelles, des contraintes budgétaires, de délais, de ressources, rien ne peut être parfait. En revanche, l’ASIP Santé doit être irréprochable dans son positionnement, ses intentions, ses méthodes, la façon de réunir toutes les conditions nécessaires au succès. Mais si notre démarche est irréprochable, nos réalisations ne le sont pas toutes parce qu’il n’y a pas de réalisation humaine qui puisse l’être et parce que nous sommes en outre dans un contexte qui est souvent complexe. Aujourd’hui, l’ASIP Santé a des objectifs ; en 2018, nous pourrons dresser un premier bilan au terme du contrat d’objectifs et de performance qui vient d’être conclu entre l’agence et l’Etat. DH : In fine et en quelques lignes, qu’avez-vous encore

à dire pour votre défense ? Rien. Je crois en la santé numérique. Photos fournies par © ASIP Santé

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Retrouvez l’équipe PENTAX Medical aux Journées Francophones d’Hépato-gastroentérologie et d’Oncologie Digestive (JFHOD) à Paris du 23 au 26 mars 2017, au stand n°2.

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Parole d’expert

PENTAX Medical - Investir en France PENTAX Medical, leader mondial dans la fourniture de produits et services d’endoscopie, a récemment investi davantage dans son activité en France.

Une partie de cet investissement a été consacrée à sa relocalisation à Argenteuil. Cette opération donne l’opportunité de développer le S.A.V. PENTAX Medical France de manière fiable et complète, en garantissant la disponibilité permanente du matériel médical d’endoscopie et en réduisant les temps d’arrêt. L’inauguration s’est tenue le 24 septembre 2016, pour présenter les nouveaux produits et l’expertise de la société en matière de services. Parmi les participants, on comptait, des dirigeants d’hôpitaux, médecins, ingénieurs biomédicaux, infirmiers et dignitaires locaux. 2016 : une année de transition et de croissance Lors de l’événement, M. Nujurally, Directeur Général de PENTAX Medical France et M. Burkard, Président de PENTAX Medical EMEA, ont souligné l’engagement de la société en faveur de la qualité, de l’innovation de produits, et le souci de la meilleure offre de services pour le marché français. M. Burkard a déclaré : « PENTAX Medical France est une division opérationnelle importante car la France représente un marché significatif au sein de l’Europe. » M. Nujurally a ajouté : « En emménageant dans des locaux neufs, nous avons investi dans de nouvelles ressources humaines, dont un nouveau directeur commercial. Ceci constituera un atout pour l’expansion de notre activité. » Des produits innovants Après la présentation des produits lancés cette année, les invités ont participé à des démonstrations. On présente le système OPTIVISTA, une première mondiale qui propose un rehaussement numérique (i-scan SE et TE, surface et teinte) et optique (i-scan OE) pour un diagnostic endoscopique in vivo plus précis. Ils ont découvert le système SCOPEPILOT de nouvelle génération, destiné à l’exploration par coloscopie en 3D, et le système DEFINA, une nouvelle plate-forme d’imagerie haute définition avancée, qui s’applique à l’ORL (diagnostic et thérapie), la pneumologie et la gastro-entérologie. M. Aubert, Ingénieur Biomédical de la Clinique Bergouignan (Évreux), a témoigné du degré d’invention pour fournir de nouvelles solutions pour l’endoscopie : « Nous avons un partenariat avec PENTAX Médical. Nous privilégions la technologie haut de gamme offerte, notamment par le rehaussement d’image au niveau de la vascularisation des tumeurs. Cela permet à nos médecins d’établir un meilleur diagnostic et d’offrir de meilleurs soins aux patients. »

Travailler en partenariat Les participants ont pu visiter le service de maintenance (S.A.V.). Des techniciens étaient à leur disposition pour échanger et faire la démonstration des procédures rigoureuses de test, d’entretien et de contrôle qualité actuellement en place. Mme Gavel, Cadre de bloc opératoire de la Polyclinique du Plateau à Bezons (Groupe Ramsay Générale de Santé) a déclaré : « Je collabore avec PENTAX Medical depuis des années. Nous avons toujours eu de bonnes relations, c’est essentiel. Cela nous permet aussi de travailler ensemble pour proposer des solutions novatrices qui permettent à nos médecins de travailler confortablement et de garantir la sécurité des patients ». M. Aubert a décrit également son expérience avec le S.A.V. de PENTAX Medical : « Nous avons accès à un large éventail de produits et un contrat qui nous permet de mieux gérer le coût de la maintenance préventive et corrective, et donc de mieux gérer le coût des examens. De plus, nous pouvons accéder au programme de prêt d’équipements permanent en cas de défaillance. Le dispositif nécessaire est immédiatement disponible ce qui nous permet d’assurer la continuité des soins au patient. » PENTAX Medical est déterminé à offrir le meilleur service et la meilleure qualité à ses clients. Depuis ses nouveaux locaux, il continuera de travailler en partenariat avec ses clients dans toute la France pour améliorer leurs pratiques et expériences quotidiennes, afin d’optimiser le diagnostic, le traitement et le confort des patients. PENTAX France Life Care S.A.S. 116 quai de Bezons, BP 204, 95106 ARGENTEUIL CEDEX, France Tél. : +33 (0)1-30-25-75-75 Fax : +33 (0)1-30-25-74-45 Email : clients.fr@pentaxmedical.com Site Web : http://www.pentaxmedical.com

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Radioprotection radioprotection

© Albert - CHU Angers

Particules hospitalières PAR Marc Guillochon

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Radiophysique et radioprotection à l’hôpital N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - RADIOPROTECTION

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Parole d’expert

la radioprotection au quotidien L’utilisation de rayonnements ionisants prodigue des résultats bénéfiques pour les patients mais peut aussi engendrer des risques pour le personnel soignant. Entretien avec Yannick Tancray, Personne Compétente en Radioprotection (PCR) au CHU de Caen depuis 2008.

Yannick Tancray

DH MAGAZINE – Vous êtes Personne Compétente

en Radioprotection (PCR) au CHU de Caen. Auprès de quels professionnels intervenez-vous ? Je travaille auprès de tous les professionnels susceptibles d’être exposés à des rayonnements ionisants tels que les brancardiers, les aides-soignants, infirmiers, manipulateurs, médecins, radiologues, chirurgiens…

DH : Quel est votre rôle exact ?

Je suis le responsable du service compétent de radioprotection du CHU de Caen. Je dirige une équipe de deux techniciens et nous intervenons dans tous les secteurs d’activité utilisant des rayonnements ionisants. Je forme l’ensemble du personnel à la radioprotection, et je contribue à la mise aux normes des bâtiments pour la protection radiologique. Je réalise également les études de postes, études de zonage et contrôles réglementaires… Ma mission principale est d’améliorer la radioprotection afin que les doses reçues par le personnel soient toujours les plus basses possible. DH : Adoptée par le Conseil de l’Union Européenne le 5 décembre 2013, la directive 2013/59/Euratom abaisse la dose au cristallin à 20 mSv par an pour le travailleur. Il reste 2 ans à la France pour inscrire la directive dans sa législation. Où en êtes-vous dans sa mise en place ?

Nous attendons la transposition de la directive en droit français. D’ores et déjà, nous avons réalisé des études de postes pour mesurer la dose au niveau des yeux et mettons en place un suivi dosimétrique du cristallin. L’estimation de dose la plus défavorable est de 16 mSv par an chez les professionnels réalisant des coronarographies. Cependant, nous rééquipons actuellement l’ensemble des professionnels avec des lunettes et visières plombées EDM. DH : Les professionnels participent-ils au choix des

lunettes plombées ?

Oui, nous tenons compte du choix des professionnels pour les Équipements de Protection Individuels

(EPI) tels que les chasubles, ½ chasubles et lunettes. En effet, ces derniers travaillent avec des EPI dont le poids total peut atteindre 6 à 7 kg. Ergonomie et légèreté sont donc des critères essentiels. Pour les lunettes, nous avons sélectionné différents modèles répondant aux normes de radioprotection provenant de plusieurs fabricants. Une fois testées, les professionnels ont choisi le modèle le plus ergonomique, léger et agréable. Leur choix s’est porté sur des lunettes EDM. DH : Selon vous, quel est le point à ne pas négliger pour

la radioprotection des professionnels ? Pour nous, la radioprotection des extrémités est très importante car les mains sont excessivement proches des faisceaux et très sensibles à un bon positionnement de l’écran anti-X composé de lamelles plombées. Au CHU de Caen, nous menons des études avec des champs stériles radio-atténuateurs de type XRay Shield®. Ils permettent de protéger les doigts du praticien en arrêtant les rayonnements diffusés par le patient. Ainsi, avec ces champs nous observons une diminution de la dose de -60 à -80 % (facteur opérateur dépendant). En combinant ceux-ci avec les suspensions plafonnières avec écran anti-X et bavolets anti-X pour statif de radiologie, la dose reçue aux extrémités peut être diminuée par 3 pour certains opérateurs ! L’utilisation de bavolets anti-X pour statif de radiologie ou cardiologie interventionnelle est également nécessaire dans une optique de réduction de la dose aux membres inférieurs, tout comme les Équipements de Protection Collectifs (EPC) tels que des paravents mobiles pour le personnel secondaire, gravitant autour des principaux utilisateurs. Il faut donc être très rigoureux sur les formations, la protection et la sensibilisation de tous les professionnels aux risques encourus. Le risque majeur résulte d’expositions répétées. PAR MARIE-VALENTINE BELLANGER

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Radioprotection

Pr Christophe Aubé

© C.Jouannet - CHU Angers

Radiophysique et radioprotection

à l’hôpital

Entretien avec le Professeur Christophe Aubé, radiologue. DH MAGAZINE – Sujet très technique, la radioprotec-

tion n’est pas un thème qui passionne le grand public. Pensez-vous qu’il y ait lieu d’en parler et, si oui, pour qui et comment ? Pr Christophe Aubé – Sujet pas si technique que cela et qui, bien et simplement expliqué, est particulièrement intéressant. Alors que l’imagerie et, parmi elle, l’imagerie utilisant les rayons X, prend une part de plus en plus importante dans le processus de soins, tant sur le versant diagnostic qu’interventionnel, il est en effet fort à propos d’en parler. Il est important de concevoir que cette utilisation de l’image permet un réel gain en termes de soins, mais qu’elle doit s’accompagner de précautions et de limites pour que son caractère potentiellement néfaste soit évité. A l’opposé, les titres alarmistes de la presse généraliste quant au risque inhérent à l’irradiation médicale doivent pouvoir être lus avec un esprit critique. DH : En tant que chef du département de Radiologie

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(et du Pôle stérilisation - fonctionnel - imagerie - pharmacie), comment abordez-vous ce dossier ? Pour moi, la radioprotection correspond à une double préoccupation ; d’abord en tant que médecin et radiologue, je dois tenir compte des patients ! En tant que responsable du département radiologie, je coordonne aussi l’unité de radioprotection et de radiophysique. Il m’appartient de faire en sorte que tous les personnels du département soient sensibilisés à la radioprotection et au respect des règlements imposés par l’Agence de Sûreté Nucléaire (ASN). Et je dois essayer de mettre à leur disposition les moyens de répondre à ces contraintes. DH : On dit que vous être « très impliqué » dans ces

questions de radioprotection. Concrètement, comment cela se traduit-il ? Au-delà du département de radiologie, je me sens concerné pour tous les employés du CHU s’agissant

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de ce problème qui doit être considéré avec la plus grande attention ; cette sensibilisation est importante. De plus, certains personnels sont soumis à des contraintes parfois assez lourdes : validation régulière des formations, port de tabliers plombés au bloc opératoire… DH : Vous raisonnez en terme de moyen, mais quid de

leur bonne utilisation… Les personnels de la radiologie ont une « culture du rayon X », ils la connaissent, ils ont l’habitude de la gérer, cela fait partie de leur formation… Pour les autres professionnels du CHU, cela implique de notre part un réel effort de pédagogie : nous devons rappeler les effets néfastes des rayons X et souligner les précautions, contraintes et obligations auxquelles tout le monde doit se plier pour le bénéfice de tous ! Heureusement, notre tâche n’est pas aussi vaine que celle de Sisyphe… Dès lors qu’ils disposent des moyens et de l’information nécessaires, la majorité des cliniciens les utilisent ; les chirurgiens, notamment les plus jeunes, sont parfaitement conscients des enjeux, pour leurs patients comme pour eux-mêmes. Peut-être reste-t-il encore quelques « chirurgiens préhistoriques », pour lesquels il est trop tard ; mais cela n’existe pas à Angers, bien sûr ! Donc sensibiliser et informer, permet beaucoup. DH : Pour tout, il peut y avoir des phénomènes

d’usure… Les procédures peuvent parfois être « simplifiées », « raccourcies »… Les professionnels sont-ils toujours professionnels ? » Il m‘arrive de dire que « le professionnel est l’ennemi de la profession » ! Personne n’est parfait, bien sûr… C’est pour cela que les formations de radioprotection sont renouvelées tous les trois ans. C’est la règle !

sion pour l’ASN ; mais ce doit être rarissime et je ne l’ai jamais entendu évoquer. DH : Que voulez-vous dire ?

Nos physiciens déclarent tout le matériel qui émet des radiations : de l’amplificateur de brillance du bloc opératoire aux salles télécommandées… Tout appareil qui émet des rayons X ! Pour chaque appareil, des fiches de poste précisent : les professionnels concernés, leur exposition, les quantités, le zo- Les personnels de la radiologie nage autour de ont une « culture du rayon X ». ces sources ionisantes… Tous Pour les autres professionnels du nos dossiers sont CHU, cela implique de notre part mis à la dispo- un réel effort de pédagogie sition de l’ASN qui se « contentera » de veiller à ce que les dossiers soient exacts et complets ; mais, à l’hôpital, c’est nous « qui avons la main ». Néanmoins, tout cela reste administratif… DH : Pour autant, en 2014, le CHU d’Angers a

subi deux inspections : l’une concernant la médecine nucléaire et l’autre sur la radiologie interventionnelle. Pouvez-vous nous en dire plus ? Pour les inspections, on passe du « déclaratif » à la procédure « inquisitoire » ; c’est-à-dire suivant le dictionnaire : « enquête, recherche méthodique, rigoureuse » avec inspection sur le site. Nous avons été « audités » à chaque fois par deux inspecteurs pendant une journée complète. Tout d’abord, pour vous rassurer, tout s’est fort bien passé.

DH : Pouvez-vous nous parler de l’Agence de Sûreté

Nucléaire ? L’ASN est le garant des normes des rayonnements ionisants, elle applique les lois et les règlements que nous sommes tenus de respecter et que nous mettons en pratique. Mais, il n’y pas vraiment de « sanction », de « punition ». La fermeture d’un service est quelque chose d’exceptionnel ; dans la plupart des cas, nous sommes dans l’ordre du « déclaratif ». Cependant, le renouvellement d’une autorisation ou de demande pour un nouvel équipement émettant des rayons X pourrait constituer un moyen de pres-

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Radioprotection Pour la médecine nucléaire ces inspections sont devenues un processus presque « routinier » ; de tous temps, c’est cette partie qui a été le plus rapidement soumise à réglementation... Les professionnels sont interrogés sur leurs conditions de fonctionnement et nos « déclaratifs » sont complétés par l’observation… Pour cette inspection, toutes les feuilles de poste étaient réalisées, toutes les procédures étaient respectées, toute « l’information-patient » était faite. A noter que les inspections se passent toujours en très bonne intelligence avec les médecins inspecteurs de l’ASN. Le but est de faire avancer la radioprotection et la radiophysique au CHU, pas de blâmer qui que ce soit. DH : Alors, pour l’interventionnel….

En revanche, pour la radiologie interventionnelle, c’était une première. L’inspection a concerné les activités réalisées dans le service de radiologie. Comme évoqué précédemment, en radiologie la culture rayon X est bien implantée, donc pas de problème, tout s’est bien passé. DH : Donc, on est au niveau de l’excellence pour parler

comme… les hospitaliers ?

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radiologie, à savoir dans les services cliniques et notamment dans les blocs opératoires ! DH : Ces inspections ne font-elles pas un peu double

emploi avec la Certification ? Sans doute un peu : dans les deux cas, on nous demande d’assurer que nous avons bien fait ce qui devait l’être. Cependant, la certification est un processus global qui mobilise, l’ensemble du CHU. Nos activités de base - prise en charge du patient, délai d’un compte rendu… - sont aujourd’hui bien « calibrées ». Du côté radioprotection, on nous demande à peu près la même chose que l’ASN : montrer que nous avons été bien formés, que les fiches de postes sont bien calculées pour chaque personne, qu’on a bien les autorisations pour utiliser les appareils ad hoc sans oublier d’informer les patients des risques inhérents à l’utilisation des rayons X. Aucune exigence auxquelles nous ne pourrions répondre ! DH : On « vous » reproche certaines insuffisances

concernant la formation des internes (à la radioprotection), le port (insuffisant ou carrément ignoré) des dosimètres, les visites annuelles des médecins… Que répondez-vous ?

Presque ! Nous avons été en défaut s’agissant des visites médicales obligatoires des médecins radiologues : médecins en nombre inadéquat, retards importants des visites, régularité insuffisante… Nous avons été sommés de régulariser cette situation. Second bémol, la formation de l’ensemble des personnels du CHU a été vérifiée. Si, encore une fois, pour le personnel de radiologie il n’y avait pas de problème, pour le personnel ne dépendant pas du département de radiologie ou de médecine nucléaire, les choses étaient… perfectibles. Nous en revenons au début de notre entretien : sensibiliser les médecins qui ne s’astreignent pas toujours aux règlementations, notamment s’agissant des formations aux rayonnements ionisants. Bien que régulières (plusieurs fois par an), nos offres des formations ne recueillent pas autant de succès que nous le souhaiterions !

La situation n’est pas la même pour les radiologues et les cliniciens. S’agissant des radiologues, seniors et internes, nous sommes « dans les clous », voire un peu au-delà : validation à la radioprotection, port du dosimètre obligatoire et respecté, dosimètre à information immédiate de la dose de radiation reçue… Bref, je ne vois pas de faiblesses significatives qui pourraient nous être reprochées. Les contraintes ne sont pas les mêmes pour les cliniciens mais, on peut parfois leur reprocher d’être un peu « insouciants », même s’agissant de leur propre santé. On n’utilise pas les rayons X avec les mêmes précautions qu’un stéthoscope : le potentiel néfaste des premiers est souvent sous estimé par les médecins. Toutefois, les choses évoluent dans le bon sens, en particulier avec les « jeunes », mais il reste encore du travail à faire !

DH : Une fois ces formations réalisées, vous êtes

« tranquille »…

DH : Jusqu’à quel point les hôpitaux pourront-ils appliquer la NF C15-160 de mars 2011 de l’AFNOR ?

Pas du tout, loin s’en faut. Programmée pour l’année prochaine, la prochaine inspection, sera certainement plus difficile pour nous car elle concernera l’activité d’émissions des rayons X en dehors du service de

Cette norme existe déjà, il ne s’agit que d’une remise à jour. L’ ancienne norme était, pour simplifier, que l’épaisseur de plomb recouvrant la source radio devait limiter la diffusion des particules dans les pièces

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attenantes (déshabilloir, couloir, bureau…) de sorte qu’elle n’ait aucune conséquence, si minime soit-elle, pour l’homme, même pour une longue exposition. La nouvelle norme est effectivement plus sévère ; mais elle ne nous pose pas de problèmes insurmontables sauf s’agissant des blocs opératoires qui sont maintenant considérés comme des salles de radiologie et devront répondre aux mêmes normes. L’utilisation des amplis de bloc devra sans doute être concentrée sur certains blocs. Une question majeure : comment allons-nous pouvoir opérer pendant les travaux ? Il n’y a pas de « plan B » !

par voie percutanée ! C’est totalement aberrant ! Il est plus qu’urgent de revoir la valorisation des actes chirurgicaux avec réalisme et honnêteté. DH : Tout le monde se souvient du scandale du CH

d’Épinal. Cela peut-il se reproduire ?

Tout peut se reproduire : on n’est jamais à l’abri d’une erreur humaine, sauf à ne pas soigner du tout. Mais, en premier lieu, il faut bien distinguer radiothérapie et radiodiagnostic. En radiodiagnostic, l’objectif est d’observer les tissus de la manière la plus fine possible. Il s’agit d’obtenir la meilleure qualité de l’image pour l’irradiation la plus faible possible. C’est le prinDH : Ce sont des normes qui sont difficiles à mettre en œuvre ? cipe ALARA : « As Low As Reasonably Achievable » comme disent les anglo-saxons ; « Aussi bas que raiDans les services de radiologie, nous sommes déjà ausonnablement possible ». Les quantités de produit ne delà de la norme, mais il n’en va pas de même dans sont absolument pas comparables nos six plateaux de blocs opéà celles utilisées en radiothérapie. ratoires. Leur mise à la nouvelle Une question majeure : On ne peut pas avoir de surirranorme va générer des travaux diation massive lors d’un examen coûteux, des investissements éle- comment allons-nous pouvoir de radiologie diagnostique ! Ou vés et, nécessairement, l’impossi- opérer pendant les travaux ? alors à une fréquence irréelle : bilité d’utiliser les rayons X dans Il n’y a pas de plan B ! un scanner quotidien pendant certains blocs. Mais surtout, en plusieurs mois ! attendant, comment allons-nous pouvoir opérer les malades… Nous n’avons pas trop DH : Alors, quid de la radiothérapie et… de la sécurité ? de « plan B » pour traiter les patients pendant les travaux de mise aux normes ; c’est une réelle difficulté ! En radiothérapie, il convient de délivrer la quantité Dans tous les cas de figure, il faudra s’organiser pour exacte de produits irradiant pour en obtenir l’effet faire en sorte que les activités émettant des rayons X antitumoral attendu. Le terme « exact » est fondasoient recentralisées sur certaines parties des blocs mental ! En radiothérapie, l’objectif n’est pas d’obseropératoires. ver, de pronostiquer, mais de traiter une tumeur avec une extrême précision des zones à traiter et de la DH : Ces contraintes peuvent-elle freiner l’évolution de durée de l’irradiation… Après cette tragédie du CH la radiologie interventionnelle voire la remettre en cause au CHU d’Angers ? J’espère que non, ce serait une régression encore que (instant de réflexion) ce pourrait être un mauvais coup… nécessaire pour faire « avancer les choses ». La radiologie interventionnelle est l’une des grandes voies d’avenir en médecine. D’une part, elle rend possible de traiter certains patients qui, jusqu’alors, n’avaient jamais pu l’être ; d’autre part elle diminue la durée des hospitalisations et les complications et devrait ainsi diminuer les coûts pour l’Assurance Maladie ; ceci pour des résultats équivalents (à intervention identique) à une prise en charge chirurgicale classique. Mais, paradoxalement, dans notre pays, il est financièrement beaucoup plus intéressant pour un hôpital (ou une clinique) de réaliser une hépatectomie par voie chirurgie ouverte plutôt que de détruire la tumeur

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Radioprotection d’Épinal, les normes et les contrôles ont été considérablement renforcés. Aujourd’hui, une telle erreur serait plus rapidement repérée – en quelques jours et non plusieurs semaines – et les conséquences seraient infiniment moindres.

C’est à l’ASN de définir – voire de défendre – les réglementations qui sont et seront mises en place. C’est au législateur d’être bien attentif à l’usage du « principe de précaution » de sorte que les textes ne deviennent pas des freins à des traitements bien conduits. Ma « défense » serait plutôt une mise en garde !

DH : Quelles évolutions peut-on attendre dans les

années à venir ?

La norme NF C15-160

« Prédire est difficile surtout lorsqu’il s’agit de l’avenir »… Aussi, je préférerai vous parler du présent, de ce que nous faisons avec l’équipe de radiophysiciens du CHU : Francis Bouchet et Djamel Dabli... L’important travail qu’ils réalisent n’a pas pour objet de répondre aux exigences réglementaires mais à une volonté personnelle de faire mieux, parce que c’est dans notre mode de fonctionnement ! Aussi réalisent-ils systématiquement des mesures de doses sur tous nos appareils utilisant des rayons X : scanners, salles d’angiographie... En fonction de chaque procédure, ils regardent comment on peut optimiser chaque examen en terme d’irradiation, comment la diminuer en jouant sur plusieurs paramètre : filtrage, densité… Et ils nous proposent des images avec des doses de rayon toujours plus faibles… Jusqu’à la limite où la qualité d’image devient trop faible pour travailler. La limite est en effet toujours la qualité de l’interprétation : maximum d’information avec un minimum de dose de rayon X. Les images doivent être produites avec le moins de rayonnement possible : « Si vous parvenez toujours à lire, on est ok mais on ne doit pas perdre de l’information ». Par ailleurs, il faut savoir que ces appareils varient énormément, d’une machine à une autre, d’une marque à une autre, parfois de manière importante. Les variations sont aussi le fait des améliorations technologiques des différents fournisseurs. En matière de radiodiagnostic, en 10 ans, pour un scanner, les doses de produits irradiants ont été divisées par 10 ! Pour nos radiophysiciens, c’est un travail aussi intéressant et valorisant qu’exigeant. DH : En conclusion, qu’avez-vous encore à dire pour

votre défense ? Je ne ressens nullement le besoin de me « défendre ». Ceux sont les patients que je dois défendre et que je dois soigner ! L’ imagerie, au sens large, est l’une des grandes évolutions de la médecine et ouvre de grandes opportunités pour réaliser des diagnostics précoces, permettant de mettre en oeuvre les traitements les moins invasifs possibles.

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Dans sa version de 2011 révise toutes les dispositions relatives à la sécurité des locaux où sont utilisés des appareils émetteurs de rayonnements ionisants : épaisseurs des parois plombées, signalisations des zones à risques, sécurités électriques, arrêts d’urgences… Elle précise la méthode de calcul des épaisseurs équivalent plomb nécessaires pour assurer un niveau d’exposition faible dans les locaux adjacents au local contenant la source. Ce calcul est basé sur la charge maximale susceptible d’être utilisée en une semaine (la semaine la plus chargée en utilisation de rayonnements). La décision ASN (décision n° 2013-DC-0349) qui fixe les modalités d’application de cette norme impose le non classement des locaux adjacents au local de la source en zone réglementée. Donc, la dose en un mois dans ces locaux ne doit pas dépasser 80 µSv (20 µSv/semaine) ceci en considérant un facteur d’occupation de 1. Les conséquences les plus significatives de cette nouvelle version vont concerner les blocs opératoires. En effet, l’ASN ne considérant plus les amplificateurs de luminance utilisés aux blocs comme des installations mobiles car ils sont utilisés de manière régulière dans un même local. Ces appareils sont donc traités comme des installations fixes au même titre qu’une salle de radio. De ce fait, le champ d’application de cette norme inclut aussi les blocs opératoires. C’est pour ces derniers que l’application va être complexe et des aménagements conséquents seront à prévoir dans certains blocs utilisant de manière régulière les rayons X. Pour les blocs mis en service avant le 1er janvier 2016 et qui n’ont pas été conçus selon la norme, l’ASN demande une évaluation, par l’IRSN ou un organisme agréé, des niveaux d’exposition dans les locaux attenants aux salles d’opérations. Si la dose évaluée est inférieure à 80 µSv/mois, il n’y a pas lieu de renforcer les parois des salles. Sinon, une remise en conformité est obligatoire avant le 1er janvier 2017 (Informations communiquées par M. Djamel Dabli)

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vaut-elle mieux que mille mots ?

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Une image

Radioprotection nucléaire à l’hôpital : identification des facteurs de risques. Entretien avec le Dr. Djamel Dabli, radiophysicien. DH MAGAZINE – Radiophysicien... Pourquoi avez-

vous choisi ce métier un peu hors normes ? Djamel Dabli – Précisément, parce qu’il est un peu hors normes. En fait, c’est un métier qui regroupe l’aspect technique et l’aspect scientifique dans un environnement, lui aussi, hors normes : celui de la santé. C’est cet aspect humain qui m’a sensibilisé ; il ne s’agit pas simplement de piloter une machine ; derrière, nous travaillons directement au bénéfice des patients… L’intérêt de ce métier m’a séduit... DH : Quel est votre cursus d’ingénieur ?

Après un master en physique appliquée à la santé, j’ai poursuivi en faisant une thèse de doctorat. J’ai ensuite intégré l’Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires au Centre de Recherche CEA de Saclay dans l’Essonne. Lequel INSTN est le seul en France

Dr. Djamel DABLI

habilité à délivrer la Qualification en Physique Radiologique et Médicale qui permet d’exercer la fonction de radiophysicien en milieu hospitalier. Voila mon parcours de radiophysicien. DH : Comment se répartit votre charge de travail ?

En radiologie, notre cœur de métier c’est l’optimisation de l’exposition des patients aux rayonnements ionisants notamment en scanographie et en radiologie interventionnelle. Le principe est de limiter l’exposition du patient à la plus faible quantité de rayonnements possible tout en obtenant la qualité de l’image que le médecin pourra interpréter. Nous y reviendrons tout à l’heure... Nous n’avons pas de relation directe avec les patients sauf cas exceptionnels ; mais nous sommes en contact permanent avec les équipes médicales et paramédicales. Nous participons à la sécurisation du parcours de soin des patients.

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Radioprotection Nous répondons aussi beaucoup à des demandes spécifiques comme, par exemple, le calcul de la dose de rayonnement délivrée à une patiente enceinte après un examen de scanographie. DH : Et la logistique ?

Oh là... C’est aussi, effectivement une partie importante de notre « job ». Nous assurons le contrôle qualité des installations. Nous participons à la rédaction des cahiers des charges lors de l’acquisition des nouveaux équipements radiologiques. Nous participons aussi à des travaux de recherche clinique visant à développer de nouvelles techniques d’imagerie ou de traitement. Comme vous le voyez, l’un dans l’autre, il y a de quoi faire. DH : PSRPM ? C’est l’acronyme d’un nouveau parti

politique ? Non, pas du tout ! Pas même un parti politique hospitalier... Je vois que vous ne connaissez pas encore notre jargon ! PSRPM signifie tout simplement : Personnes Spécialisées en Radio-Physique Médicale... Notre domaine de compétence, notre expertise, c’est la maîtrise des rayonnements ionisants en milieu hospitalier et nos missions portent sur la radioprotection des patients... La radioprotection des travailleurs relève des missions des PCR : Personnes Compétentes en Radioprotection. Une PSRPM n’est pas nécessairement PCR sauf à suivre une formation spécifique. Au CHU d’Angers, nous sommes organisés sous forme d’une unité de radiophysique et de radioprotection composée de deux PSRPM qui sont aussi PCR et deux manipulateurs en électroradiologie médicale qui assurent la fonction de PCR à mi-temps chacun. C’est dans ce cadre que nous assurons la formation et la sensibilisation du personnel médical et paramédical aux bonnes pratiques pour leur radioprotection, particulièrement ceux qui sont les plus exposés : salles de radiologie interventionnelle, blocs opératoires…

DH : Les missions du radiophysicien sont assez diverses...

Tout à fait, je vous remercie de le constater. C’est à nous de mettre en place les programmes du contrôle qualité des équipements de radiologie utilisant des rayons X. A nous également de définir les méthodes et les pro- En radiologie, notre cœur de cédures à suivre pour métier c’est limiter l’exposition réaliser ces contrôles pour chaque moda- du patient à la plus faible lité d’imagerie : sca- quantité de rayonnements nographie, radiologie possible tout en obtenant conventionnelle, radiologie intervention- la qualité de l’image que le nelle, mammographie médecin pourra interpréter. et radiologie dentaire. Nous devons être capables de suivre les performances des équipements dans le temps et de les garder à leur meilleur niveau. DH : Il faut aussi au physicien une forte capacité d’orga-

nisation et une grande rigueur... Oui, tout à fait. Notre travail s’inscrit dans des règles très strictes ; ceci dans l’intérêt de tous. Nous avons une responsabilité très importante pour l’assurance de qualité. Nous participons au choix des techniques et équipements utilisés dans les expositions médicales aux rayonnements ionisants. Bien sûr, nous avons aussi un rôle de conseil. Il est de notre responsabilité de limiter l’exposition des patients, de leur entourage, du public et, il faut le souligner, les atteintes à l’environnement. Nous participons aussi, c’est un travail

DH : Quelles sont les différences entre manipulateur

radio et radiophysicien ? Le manipulateur radio est en contact direct avec le patient ; c’est lui qui réalise les examens radiologiques. Le radiophysicien, lui, est très peu en contact avec le patient ; il gère l’aspect technologique : fiabilité, qualité des appareils, mises au point… Il s’agit de métiers différents avec des rôles différents et complémentaires.

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ils sont capables d’en reconstituer la répartition dans les organes explorés et de donner une information sur leur fonctionnement sans les perturber.

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DH : L’équilibre entre rayonnement et lisibilité reste

« imparfait »... Le parfait n’existe pas mais on peut essayer de s’en rapprocher ! En radiologie, les médecins fixent le niveau de qualité dont ils ont besoin en fonction de chaque type d’examen souhaité. Nous, nous adaptons les paramètres et les conditions d’acquisition de manière à délivrer le moins de rayonnement possible pour le patient tout en gardant une qualité d’image suffisante pour l’objectif recherché par le médecin. Les meilleurs réglages pour la meilleure qualité d’image ! C’est un travail collectif réalisé en étroite collaboration entre le médecin, les équipes paramédicales et nous, les radiophysiciens. DH : Nous n’avons pas encore évoqué la radiothérapie…

fondamental, à l’enseignement et à la formation du personnel médical et paramédical. Nous devons faire connaître le domaine de la radiophysique médicale.

Le principe de la radiothérapie externe est d’envoyer un faisceau de rayonnements sur la tumeur dans le but de la détruire. Les doses utilisées sont bien supérieures à celles utilisées en radiologie. Cette irradiation est ciblée de manière à délivrer le maximum de dose dans la tumeur et le moins possible sur les tissus sains environnant. Ce type de traitement n’est pas utilisé au CHU d’Angers.

DH : Comment utilisez-vous les produits radioactifs ? DH : Donc, zéro pour cent de radiothérapie au CHU ?

L’ utilisation de médicaments radioactifs relève du domaine de la médecine nucléaire et non de la radiologie où j’exerce la majorité de mon activité. En radiologie, les rayonnements ionisants utilisés sont des rayons X produits par des appareils électriques et non par des sources radioactives. L’utilisation de médicaments radioactifs est encadrée par des règles très strictes. Nous prenons toutes les précautions nécessaires quant à leur utilisation !

Non. En médecine nucléaire, nous pratiquons aussi une autre forme de radiothérapie, dite « radiothérapie interne ». Elle est basée sur l’administration d’un médicament radioactif ayant la propriété de se fixer préférentiellement sur l’organe à traiter. Il peut aussi, dans certains cas, être injecté directement dans la tumeur. L’exemple le plus connu est le traitement des cancers thyroïdiens et les hyperthyroïdies par de l’iode radioactif qui a la propriété de se fixer sur la thyroïde.

DH : Se voir injecter des produits radioactifs dans

l’organisme n’est pas vraiment rassurant...

DH : Tout cela nous amène à la gestion des risques ?

Les quantités injectées pour les examens diagnostiques sont faibles ; elles sont sans danger pour le patient et elles sont rapidement éliminées par l’organisme. Attention, toute utilisation de produit radioactif sur l’homme doit être médicalement justifiée et apporter un bénéfice au patient. Des appareils d’imagerie détectent les rayonnements émis par le produit injecté,

Dans le principe, c’est très simple : il faut prévenir, anticiper l’apparition d’événements indésirables ! Alors, vous allez me dire que cela doit bien arriver. C’est rare mais, vous avez raison, cela peut arriver. Dans de tels cas, nous devons immédiatement savoir de quoi il s’agit puis savoir l’identifier avec certitude. Nous nous efforçons d’en limiter les effets négatifs pour le

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Radioprotection malade. Ultérieurement, il faut analyser exactement ce qui s’est passé et pourquoi, avant de réfléchir sur la façon d’éviter que cela ne se reproduise. Il faut une organisation solide, bien rodée et réactive.

teurs de risques et de rechercher des indicateurs permettant cette identification. Il faut anticiper les erreurs potentielles de sorte qu’elles n’aient aucune conséquence pour le patient.

DH : Et l’assurance qualité, alors, c’est un peu la même chose ?

DH : Une dernière question pour conclure notre entre-

Vous avez raison, tout cela est très complémentaire. L’assurance qualité, c’est de garantir que « ça marche », que tout fonctionne parfaitement ; qu’il s’agisse de l’installation d’un système ou encore d’une pièce d’équipement. Toutes les opérations nécessaires doivent être parfaitement programmées et systématiquement vérifiées. Tout devra fonctionner conformément aux exigences qui ont été requises. En bref, nous devons nous assurer que tout soit parfait pour l’organisation et, plus encore, pour le patient. DH : Pour autant, il ne suffit pas d’affirmer : quels

contrôles effectuez-vous ? La notion de contrôle recouvre trois points : la maîtrise des performances, le suivi de l’utilisation et, chaque fois que nécessaire, la mise en œuvre d’actions correctives. Par ailleurs, avant le démarrage de chaque « utilisation clinique », on vérifie toujours les performances du dispositif et on réalise des mesures de référence qui nous permettent de les suivre dans le temps par rapport aux mesures initiales. On peut aussi dire que « le contrôle est une vérification des paramètres pertinents d’un appareil ou d’un système permettant d’évaluer son état et sa capacité à répondre à l’exigence attendue ». C’est une présentation plus scientifique mais qui veut dire la même chose ! DH : Déléguez-vous certains contrôles ?

En radiologie, pas encore. Cependant, compte tenu de l’étendue du parc matériel du CHU et des évolutions réglementaires qui exigent des contrôles plus fréquents des équipements de radiologie interventionnelle, nous réfléchissons à la possibilité de déléguer certains contrôles... En médecine nucléaire, les contrôles quotidiens et hebdomadaires sont réalisés par les manipulateurs en électroradiologie médicale sous la supervision du radiophysicien.

tien : « Une image vaut-elle mieux que mille mots » ? Oh là, je réclame l’assistance d’un avocat. Ce n’est pas de physique qu’il est question mais de métaphysique ! Annexe Arrêté du 18 mars 2009 modifiant l’arrêté du 19 novembre 2004 relatif à la formation, aux missions et aux conditions d’intervention de la personne spécialisée en radiophysique médicale. Arrêté du 19 juin 2009 modifiant l’arrêté du 19 novembre 2004 relatif à la formation, aux missions et aux conditions d’intervention de la personne spécialisée en radiophysique médicale. Décret n°2009-742 du 19 juin 2009 instituant la commission chargée d’émettre un avis sur les qualifications professionnelles des personnes spécialisées en radiophysique médicale titulaires d’un diplôme délivré hors de France. Arrêté du 19 novembre 2004 relatif à la formation, aux missions et aux conditions d’intervention de la personne spécialisée en radiophysique médicale. Circulaire n° DHOS/RH1/2009/164 du 17 juin 2009 relative à l’accueil des stagiaires dans le cadre de la formation initiale préparant le diplôme de qualification en physique radiologique et médicale (DQPRM).

DH : Si je vous dis « identification du risque » que répondez-vous ?

Toutes nos démarches, toutes nos procédures, tous nos protocoles ont pour objectif d’identifier les fac-

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Radiophysicien,

une passerelle entre la technologie et le médical.

L’imagerie en médecine nucléaire : métier, déchets et dysfonctionnements.

Entretien avec Francis Bouchet, radiophysicien Métier

DH : Y a-t-il suffisamment de radiophysiciens en France ?

DH MAGAZINE – Pourquoi ce choix d’un métier un

peu hors norme ? Francis Bouchet – Parce qu’il est une passerelle entre la technique et les métiers de la santé. C’est concilier ces deux aspects qui m’intéressait. J’avais terminé mon cursus scientifique par une thèse de doctorat de 3 ème cycle traitant de la tomographie par émission de positon qui était déjà en lien avec le domaine de la santé. J’ai trouvé intéressant de poursuivre et j’ai donc suivi une nouvelle formation pour devenir radiophysicien. DH : Combien y a-t-il de radiophysiciens en France ?

Je ne peux me prononcer que sur les effectifs dédiés à la médecine nucléaire car c’est le seul domaine dans lequel j’ai exercé depuis dix ans. Dans de nombreux établissements, l’activité de radiophysicien est souvent répartie entre la radiophysique « pure » (optimisation de la dose au patient) et la radioprotection qui concerne le personnel qui est régulièrement exposé. Et la radioprotection empiète souvent sur la radiophysique... DH : Combien de femmes exercent-elles ce métier ?

Je ne connais pas les statistiques, mais je dirais à peu près autant de femmes que d’hommes. DH : Quelles sont les évolutions des carrières possibles pour

un radiophysicien ? Suite à un texte réglementaire proposé par Roselyne Bachelot, le nombre de radiophysiciens a fortement augmenté pour parvenir à environ 600 en France. La majorité travaille en radiothérapie. En médecine nucléaire, nous sommes environ 75.

Pour un radiophysicien « d’imagerie », c’est de participer à des tâches de recherche et d’aller vers de l’enseignement. Certains accèdent à des postes dans l’enseignement à l’université ou dans les facultés de médecine.

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Radioprotection DH : Votre métier n’est pas sans risques, votre respon-

sabilité pénale peut être engagée. Comment vivez-vous cette responsabilité ? Il faut bien distinguer les procédures diagnostiques où les doses délivrées sont très faibles, des procédures thérapeutiques, où les doses sont bien plus élevées. Dans le premier cas, l’objectif est d’obtenir une image, dans l’autre il est d’agir sur les tissus du malade. Quoi qu’il en soit, c’est une responsabilité. Mais, elle est partagée avec l’équipe médicale et avec les radio-pharmaciens. Porter à plusieurs cette responsabilité permet de se sentir plus serein.

rayons X principalement. On délivre des doses de rayonnements beaucoup plus importantes qu’en diagnostic. La médecine nucléaire, bien que majoritairement diagnostique, comporte également une activité thérapeutique désignée sous le terme de radiothérapie interne. En médecine nucléaire diagnostique, l’objectif est de réaliser des images permettant au médecin de poser un diagnostic. Au CHU, notre activité est constituée de 90 à 95 % de diagnostic. Notre activité de radiothérapie interne porte sur les hyperthyroïdies, la radio-embolisation (*) de lésions hépatiques, les radio-synoviorthèses (**)… DH : Quelles sont les différentes facettes de votre acti-

vité ? Calculs de doses, contrôles, évaluations, tests. DH : Peut-il arriver que médecins, radiophysiciens,

radio-pharmaciens se renvoient la balle ? Cela peut effectivement arriver ; tout dépend du contexte dans lequel on exerce. Le radiophysicien doit pouvoir faire entendre son point de vue sur la dose reçue par le patient tout en sachant quelle n’est qu’un des éléments de la décision médicale. La sensibilisation de l’équipe médicale aux aspects de dose est un travail de fond si l’on veut éviter les situations indésirables. DH : Dans le cadre d’un conflit fort entre un ou plu-

sieurs médecins et un ou plusieurs radiophysiciens, comment allez-vous gérer cette situation ? En dix ans d’exercice, je n’ai jamais connu une telle situation de conflit. Sans vouloir éviter votre question, je ne peux me prévaloir d’aucune expérience de ce type. Le débat, la discussion entre les intéressés, est la seule solution que je connaisse. DH : Quelle est la part de l’oncologie dans le travail d’un

radiophysicien de santé ? Pour les radiophysiciens qui exercent en radiothérapie externe, ce doit être proche de 100%. A Angers, cette activité n’est pas réalisée au CHU mais au Centre Paul Papin, également nommé « Institut de Cancérologie de l’Ouest ». DH : Quelle est la différence entre la radiothérapie et la

médecine nucléaire ? En radiothérapie externe, l’objectif est de détruire des tissus tumoraux par des rayonnements ionisants,

Notre cœur du métier c’est l’optimisation de la dose de produits radioactifs. Nous parlons bien de médecine nucléaire et non de radiothérapie externe. En premier lieu, nous devons nous assurer que nos équipements sont tous correctement calibrés et étalonnés et qu’ils ne présentent aucune dérive par rapport à leurs performances optimales. Tous ces équipements doivent être dans les meilleures dispositions possibles pour réaliser des images de la meilleure qualité qui soit. L’ objectif est toujours de fournir au médecin des images qui vont lui permettre de poser les bons diagnostics. Parallèlement, nous évaluons les doses de rayonnements reçues par le patient, notamment dans des procédures de radiothérapie interne. DH : D’où l’importance des « calculs de doses »...

Absolument. En médecine nucléaire, s’agissant des diagnostics, les calculs de doses ne sont pas systématiques : les doses sont très faibles. Ce n’est plus le cas pour les procédures thérapeutiques et dans certaines indications particulières, notamment s’agissant de la radio-embolisation des lésions hépatiques marquées avec un isotope radioactif. On réalise alors une estimation de la dose reçue par les tissus tumoraux du patient pour estimer l’efficacité du traitement. DH : Cela a un peu un côté angoissant...

Peut-être un petit peu pour certains patients, mais c’est aussi rassurant de savoir que la dose délivrée aux tissus tumoraux et aux tissus sains fait l’objet d’une évaluation prévisionnelle. C’est un élément d’optimisation de la procédure thérapeutique. L’ objectif est

(*) Radio-embolisation : Injection intra tumorale de sphères micrométriques non biodégradables qui s’arrêtent dans la micro-vascularisation de la tumeur. Ces sphères contiennent un isotope radioactif émetteur de rayonnement bêta ayant pour rôle de délivrer des doses élevées localement afin de détruire la tumeur en préservant les tissus sains. (**) Radio-synoviorthèse : Injection intra-articulaire d’un isotope radioactif émetteur de rayonnements bêta ayant pour rôle de détruire les cellules de l’inflammation articulaire.

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d’éviter l’apparition d’événements indésirables. Un des rôles du radiophysicien est de définir et relever des indicateurs qui permettent d’identifier précocement les « situations à risque » et de formaliser la conduite à tenir. Le dénombrement et la gestion des situations porteuses de risque (d’origine technique ou liées au déroulement de la procédure) sont des indicateurs qui permettent d’apprécier le rôle du radiophysicien. DH : Et s’agissant des appareils de mesure ?

Il faut dissocier les appareils de mesure utilisés pour des procédures « impactant » le patient - par exemple une sonde peropératoire ou une sonde de comptage thyroïdien - des équipements de détection de la radioactivité utilisés pour la protection des salariés ou de l’environnement. Ils ne sont pas soumis à la même réglementation. Ceux concernant les salariés sont à la charge de la personne compétente en radioprotection et non du radiophysicien. Cependant, comme je l’ai dit précédemment, dans certains établissements comme le CHU d’Angers, les fonctions de PCR incombent au radiophysicien ! DH : Que pouvez-vous réaliser en interne au CHU ? Quelle est part des prestataires de services ?

Dans le service de médecine nucléaire, nous réalisons nous-mêmes ces contrôles en interne. Le parc matériel du CHU d’Angers étant étendu, une partie de ces contrôles a été déléguée à l’équipe de manipulateurs en électroradiologie du service de médecine nucléaire. En sus de ces contrôles internes, la règlementation nous impose des contrôles externes réalisés à intervalles réguliers par des prestataires extérieurs au CHU. DH : Pouvez-vous nous préciser cette notion d’optimisa-

tion de l’exposition des patients ? Dans le principe, c’est très simple. On recherche une image de la meilleure qualité possible avec la quantité la plus faible de rayonnements ionisants administrée au patient. Plus la qualité de l’image sera parfaite, plus le diagnostic du médecin sera aisé et donc fiable. Attention, quand nous parlons d’une « belle image » ce n’est pas au sens cosmétique ou esthétique. L’optimisation, c’est un compromis. Une des méthodes au niveau national consiste à se confronter à des Niveaux de Référence Diagnostics (NRD) pour s’assurer que, pour un même objectif

diagnostic, tous les services de médecine nucléaire conduiront à une exposition comparable des patients. La question est : pour un même diagnostic, le CHU d’Angers a-t-il utilisé une exposition plus ou moins importante par rapport à un autre CHU ou à la moyenne nationale ? DH : Vous ne manipulez pas vous-même le patient ?

Non. Les radiophysiciens ne travaillent que sur les équipements mais pas avec les patients. Nous disposons seulement de « fantômes », formes géométriques simplifiées dans lesquelles nous introduisons de la radioactivité pour nous placer dans des conditions simulant les patients. Ce qui nous permet de quantifier les déformations ou la qualité d’une image à partir de ces fantômes.

Déchets DH : Que faut-il savoir sur la cession des déchets radioactifs du service ?

La production de déchets radioactifs dans le milieu médical est une spécificité de la médecine nucléaire. Ces déchets radioactifs peuvent être solides (les contenants des produits administrés ou le petit matériel de préparation ou d’injection), liquides (résidus de préparations) ou d’origine humaine (urines des patients auxquels un composé radioactif a été administré). Ces déchets ne doivent jamais être rejetés en direct par les circuits d’évacuation usuels. La réglementation impose bien de gérer ces déchets de façon séparée ; cela doit être très strict. DH : A quoi correspond ce concept de « demi-vie » ?

C’est la durée après laquelle la radioactivité a diminué de 50%. La durée de stockage de ces déchets est donc fonction de leur demi-vie radioactive. Les isotopes de produits radioactifs que nous utilisons n’ont pas tous la même « demi-vie ». Nous organisons donc des filières de stockage selon la demi-vie de chaque isotope et selon l’état (solide, liquide ou gazeux) de chaque médicament radiopharmaceutique. En médecine nucléaire, les composés utilisés ont tous une demi-vie inférieure à 100 jours ; aussi, nous avons l’obligation de les gérer localement. Une fois la durée prévue écoulée, et avant de les faire sortir de notre local, nous les contrôlons avec un détecteur prévu à cet effet. C’est seulement

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Radioprotection une fois munis de ce « bon de sortie » qu’ils peuvent quitter l’établissement. DH : Quels sont les hospitaliers qui ont la responsabilité de ce travail ?

Le tri doit être réalisé dès la production du déchet, donc dans le service de médecine nucléaire. Les soignants qui préparent et administrent les médicaments au patient ont la charge de gérer les poubelles spécifiques à ces déchets. Aiguilles et seringues vides, qui contiennent nécessairement de petits résidus de radioactivité, sont soigneusement emballées. Les déchets convergent ensuite vers notre local général de stockage des déchets radioactifs. Là, ce seront les « Personnes Compétentes en Radioprotection » (PCR) qui vont prendre la suite : tri et stockage en fonction de leur demi-vie, et à l’issue de la période de stockage, contrôle et vérification de non-radioactivité avant de pouvoir les remettre dans le circuit d’élimination standard. DH : Qui sont ces personnes « radio-compétentes » ?

Quatre personnes - 2 radiophysiciens et deux manipulateurs en électroradiologie médicale - qui ont suivi la formation PCR. La gestion des déchets radioactifs n’est qu’une petite partie de leur activité. DH : Et, en matière de déchets radioactifs, vous réalisez

tout au CHU ? Absolument ! Tous les personnels - radio-pharmaciens, préparateurs en pharmacie, manipulateurs radio, infirmiers, technicien de laboratoire - sont, impliqués dans la production et donc la gestion des déchets. Tous ont des consignes précises : quels déchets dans quelles poubelles ? A nous, PCR de traiter de la suite du processus. DH : Combien de personnes sont concernées ?

Je dirais une vingtaine. DH : Et que faites-vous de la Loi de Murphy* ? Quelles conduites dans ce cas ?

D’abord, Murphy ou pas, les radiophysiciens et les PCR s’assurent que toutes les procédures sont en place pour utiliser les rayonnements ionisants en limitant le risque qui leur est associé. Pour le radiophysicien, nous parlons d’une exposition inappropriée ou excessive d’un patient, et pour la PCR, d’une

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exposition « incidentelle » d’un agent dans le cadre de son exercice. En radioprotection, nous cherchons à anticiper toutes les sources d’incidents potentiels pouvant survenir. Je pense par exemple à la dispersion d’une source radioactive au sol ou sur un agent. Dans un tel cas, les procédures de décontamination sont immédiatement mises en place. L’agent à l’origine de l’incident doit réagir immédiatement pour limiter son exposition et/ou celle de ses collègues. Il faut alors connaitre l’origine de la contamination et la manière de la contrôler ; ce sont les modes opératoires « standards » qui décrivent la conduite à tenir pour décontaminer une personne ou une surface : quel matériel utiliser, comment procéder, comment contrôler après décontamination ? DH : Vous n’évoquez pas la contamination d’un patient...

L’ administration d’un médicament radioactif au patient est le principe même de la médecine nucléaire, il ne s’agit donc pas d’une contamination. En revanche, on peut évoquer des situations d’incidents : extravasation d’un médicament radiopharmaceutique lors de l’injection, contamination externe du patient par une mauvaise manipulation d’un médicament radioactif, dérive du dispositif permettant de mesurer la quantité de radioactivité à administrer au patient conduisant à administrer une trop forte quantité de radioactivité, erreur d’administration (mauvaise seringue injectée au patient), erreur de prescription, dérive du dispositif d’imagerie ne permettant pas de réaliser des images interprétables… Leur apparition doit être déclarée à l’Autorité compétente et conduire à la mise en place d’actions correctives afin d’éviter qu’elles ne se reproduisent. DH : Quid de la formation des personnels médicaux et paramédicaux à la radioprotection ?

C’est une exigence réglementaire. Il faut bien dissocier la formation à la radioprotection du patient qui a une durée de validité de 10 ans de la formation à la radioprotection des travailleurs qui a une durée de validité de 3 ans. Pour la première, nous avons formé tout le personnel paramédical en organisant 2 sessions par an pendant plusieurs années. Le personnel médical, les médecins nucléaires et les radiologues ont suivi des sessions organisées par la SFMN** et la SFR***. Plus récemment, nous avons mis en place des sessions en interne pour les autres praticiens qui utilisent les rayons X de manière moins intensive que les radiologues. Pour la seconde, il s’agit de sensibiliser

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tous les salariés à leur propre radioprotection ; leur rappeler leurs obligations et leur indiquer les moyens de mesurer et limiter leur exposition. Tous les personnels exposés doivent suivre cette formation. Nous organisons des sessions de formation tous les 2 mois en interne au CHU. DH : À l’initiative de plusieurs organisations syndicales,

le nombre de visites de contrôles des personnels de la radiologie va être divisé par deux. Comment jugez-vous cette mesure ? À ma connaissance ce n’est pas à l’initiative d’organisations syndicales. Le suivi médical concerne tous les agents exposés aux rayonnements ionisants, pas uniquement les personnels de radiologie. Nous devons - c’est la réglementation - identifier tous les salariés exposés aux rayonnements ionisants dans l’exercice de leurs fonctions. Une évaluation prévisionnelle de l’exposition reçue au cours de 12 mois consécutifs d’exercice doit être réalisée et mise à jour tous les ans pour chacun d’eux. Ce classement est basé sur trois catégories : « A » pour les personnels plus exposés, « B » pour ceux faiblement exposés et « Public » pour les agents non exposés. Les personnels des catégories « A » ou « B » bénéficient d’un suivi médical renforcé. Ceux sont les personnels de catégorie « B » qui sont concernés par le changement de réglementation. La fréquence des visites passe d’une fois par an à une fois tous les deux ans.

Dysfonctionnements DH : Jusqu’à quel point les hôpitaux pourront-ils appliquer la norme française C 15-160 ?

C’est une obligation règlementaire : l’Autorité de Sûreté Nucléaire ne nous laissera pas le choix de l’appliquer ou non. Cette norme exige qu’on puisse justifier la protection de TOUS les locaux où l’on utilise des sources de rayons X. Il sera nécessaire de réaliser des relevés d’activité à partir desquels on décidera quelles protections doivent être mises en place. Une contrainte majeure de la version 2011 de la norme porte sur les protections des blocs opératoires. Le coût est susceptible d’être élevé en fonction du nombre de parois dont la radioprotection devra être renforcée. Quoi qu’il en soit, cette norme est opposable, tous les établissements devront donc l’appliquer.

Au CHU d’Angers, répondre à cette évolution réglementaire ne nous pose aucun problème dans les locaux de radiologie au sens large. Mais, il n’en va pas de même pour les blocs opératoires où l’on utilise de plus en plus de sources de rayons X... Vous avez déjà interviewé le Professeur Aubé ; à ce sujet, je vous renvoie à son article. DH : Concrètement comment va être réalisé et financé

le doublage en plomb dans 6 blocs opératoires ? Au CHU d’Angers, les blocs de pédiatrie, de gynécologie et des spécialités n’utilisent pas les rayons X, ils ne sont donc pas concernés. La situation des trois autres blocs - qui, eux, utilisent bien les rayons X - est liée aux caractéristiques techniques (dimensions des salles de blocs, débits de dose délivrés) et organisationnelles (répartition des activités au regard des différentes salles) des locaux. Les premiers relevés d’activité semblent montrer que les parois actuelles sont suffisantes, les travaux à prévoir porteraient principalement sur des renforcements de portes des salles d’opération. Les travaux seront à planifier pendant les périodes où l’activité est moindre : l’été ou les fêtes de fin d’année. DH : Et en médecine nucléaire ?

La première étape est de déclarer les incidents qui ont eu lieu en évitant de stigmatiser qui que ce soit : personne, équipe ou service. La deuxième est de s’appuyer sur les retours d’expériences des autres équipes concernées afin de mettre en place des actions préventives pour limiter le risque d’apparition d‘un événement de même nature. Les informations sur les incidents doivent bénéficier à tout le monde. DH : En guise de « clap » de fin, que faut-il souhaiter au service de médecine nucléaire du CHU d’Angers ?

Pour jouer pleinement son rôle dans le service d’imagerie, il faudrait que le radiophysicien soit déchargé des tâches de radioprotection qui sont très « chronophages ». Lorsque le radiophysicien a aussi en charge la fonction de PCR, les tâches de radioprotections ont tendance à prendre le pas sur les tâches de radiophysique. (*) Loi de Murphy : « Tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera nécessairement mal » ; également qualifiée de « Loi de l’emm. maximum ». (**) SFMN : Société Française de Médecine Nucléaire (***) SFR : Société Française de Radiologie.

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Parole d’expert

Régis Berthier

Michel Blézat

l’innovation au service de la santé Fresenius Kabi est une entreprise internationale, leader dans le monde de la santé, et emploie plus de 34 000 personnes dans le monde.

Entretiens avec Michel Blézat, Directeur Général Dispositifs Médicaux France, et Régis Berthier, Directeur Ventes & Marketing Perfusion France, Fresenius Kabi France. Notre philosophie ? Caring for life, autrement dit Prendre soin de la vie. Au sein de Fresenius Kabi, nous adhérons à cette philosophie en recherchant, développant, produisant et commercialisant des produits et services de haute qualité, à la pointe de l’innovation, afin d’améliorer l’efficacité des soins et la qualité de vie des patients. Fresenius Kabi a 2 activités principales : - la conception / fabrication de médicaments génériques injectables, de solutés et de produits de nutrition clinique, - la conception / fabrication de dispositifs médicaux, notamment les pompes et pousse-seringues pour la perfusion et nutrition et les appareils spécialisés dans la collecte et le traitement du sang. C’est à Brézins en Isère que Fresenius Vial, société du groupe Fresenius Kabi, conçoit et fabrique pour le monde entier les pompes et pousse-seringues pour la perfusion/nutrition. Dans un contexte de globalisation, le centre de Brézins pilote le développement du dispositif médical du futur en partenariat avec les centres de R&D aux US, en Chine, etc.

dispositifs médicaux de Fresenius Kabi en France. Cette interaction forte entre les équipes permet un service au plus juste, une vraie anticipation des besoins de la clientèle. Performance des dispositifs, sécurité des patients, facilité d’utilisation pour les personnels soignants sont autant d’objectifs que poursuivent quotidiennement les 450 salariés de Fresenius Vial. Fresenius Vial réalise d’importants investissements en R&D avec pour objectif principal de concevoir les appareils de demain à la fois adaptés aux besoins des hôpitaux et au meilleur soin des patients. Par exemple, nos pompes et pousse-seringues peuvent désormais se connecter au système informatique de l’hôpital pour intégrer les données recueillies dans le dossier électronique patient. Nous créons des groupes de travail au niveau mondial pour trouver LA brique technologique de demain, LA bonne idée…

Bâtir les systèmes de perfusion de demain Au sein de Fresenius Kabi, l’entité Fresenius Vial est le centre de compétence mondial de R&D et de production pour la conception et fabrication des pompes et pousse-seringues pour la perfusion/nutrition. Fresenius Vial assure également la commercialisation des

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Une vision à l’horizon 2026 pour l’hôpital de demain. Notre philosophie et nos projets nous amènent à travailler aujourd’hui pour l’hôpital de demain : ses attentes, ses besoins, ses innovations, l’évolution de son organisation. L’utilisation des dispositifs médicaux dans leur environnement est le vrai sujet, car il permet de comprendre les problèmes d’aujourd’hui et d’anticiper ceux de demain. Nous avons tissé un lien fort entre les différents protagonistes, du concepteur du produit à l’utilisateur final. Nos équipes commerciales et techniques présentes sur le terrain interagissent très en amont avec nos clients pour identifier précisément leurs besoins et accompagnent les personnels soignants au quotidien pour l’installation des appareils et leur formation à leur utilisation. Cette proximité nous a amenés à investir dans une nouvelle gamme pointue pour la réanimation de demain en créant le produit le plus interactif et le plus intuitif possible qui permettra de doter les hôpitaux de systèmes de perfusion complets, intégrés et connectés qui vont bien au-delà de simples pompes. (Voir encadré ...)

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D’autre part, nous avons créé une académie Fresenius Kabi Dispositifs Médicaux qui a pour but le partage des bonnes pratiques avec les personnels soignants, afin d’améliorer le confort d’utilisation des machines et la qualité de soin pour les patients. C’est un cercle vertueux ! Enfin, travailler pour l’hôpital de demain passe par un partenariat fort avec les directeurs d’hôpitaux. En tant que partenaire, nous nous engageons à leurs côtés pour les aider à répondre à leurs enjeux d’aujourd’hui et de demain.

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Parole d’expert

Une vision à l’horizon 2026 pour l’hôpital de demain La vision de Didier Leyman Vice-Président Recherche & Développement Applications Devices, Fresenius Kabi. D’importants changements s’opèrent au niveau même des pratiques médicales, et sont insufflés notamment par des changements technologiques au sein des hôpitaux. Pour répondre à ces changements, nous passons d’une utilisation des pompes en mode « standalone » à un mode connecté au réseau de l’hôpital. Cette évolution offre de nouveaux services aux professionnels de santé, par exemple centralisation des données de perfusion et nutrition d’un service, et davantage de sécurité dans les pratiques de perfusion, par exemple auto-documentation vers le PDMS et auto-programmation des pompes basée sur la prescription. Nous raisonnons désormais en termes de thérapie globale. En effet, le soin donné à un patient se doit d’être globalisé pour une efficacité et sécurité maximum. Au cœur de notre projet : l’intégration réfléchie de nos machines à perfusion et nutrition au sein du réseau informatique hospitalier, fondée sur une architecture ouverte. Les modes d’utilisation pourront être continuellement améliorés permettant une expérience utilisateur plus riche. Cette approche apporte une valeur ajoutée aux gestionnaires des moyens hospitaliers et des bénéfices cliniques pour les patients et les soignants.

Pour que les pompes soient capables de parler à l’écosystème de l’hôpital, cela nécessite un travail d’équipe avec le service informatique de l’hôpital. L’intégration nous permet de proposer des solutions clé en main aux hôpitaux. De fait, nous gérons les projets d’intégration en étroite collaboration avec nos clients. Tout projet démarre systématiquement par une phase d’étude et de conseil auprès du client pour définir le cahier des charges personnalisé selon ses besoins et contraintes pour une intégration optimale dans le système en place (ou futur) du client. Nous contextualisons les pompes et leurs fonctions afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque service (réanimation, néonatologie, services d’urgences, anesthésie, etc.). Pour plus de confort, de rapidité et de souplesse, nous investissons dans des pompes dont les modes de fonctionnement s’adaptent à chaque situation : - En mode déconnecté qui reste fiable quand on débranche la machine du système de l’hôpital, - En mode connecté au système de l’hôpital avec des fonctionnalités plus nombreuses configurées selon les pratiques de l’établissement, voire du service utilisateur. L’accompagnement et le service deviennent clé dans le partenariat avec nos clients et vont dans le sens de la médecine de demain : la médecine personnalisée.

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Robotique

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LES ROBOTS AU SERVICE DE LA SANTé

B ientôt, le patient refusera d’être opéré par la main humaine, source

d’erreur, et exigera un second diagnostic du docteur Watson. Bientôt, plus habitué à voir des AGV que des humains transporter les médicaments, il s’étonnera de croiser du personnel hospitalier dans les couloirs. Robot après robot, service après service, « La médecine sans médecin » du professeur Guy Vallancien pointe le bout de son nez et modifie en profondeur le système de santé tandis que la robotique supporte les taches logistiques et matérielles : préparation et livraison des repas, distribution nominative des médicaments, gestion des stocks en temps réel mais aussi administratives : envoi standardisé de courriers, accueil, orientation et enregistrement des patients par le biais de bornes aux questions préenregistrées. Les séniors ne sont pas technophobes* et la génération XYZ baigne dans les TIC depuis l’enfance. A l’heure du transhumanisme, de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies vulgarisés par des séries télévisées (on pense notamment à Black Mirror ou à Real Human) ou par des films (Her, I Robot…), le patient 3.0 et le personnel soignant semblent accueillir ces innovations de manière naturelle. Enquête sur les robots au service de la santé.

La chirurgie du XXIème siècle Page 52 Interview du Docteur Patrick Locufier Anesthésiste-Réanimateur et Président de la clinique de l’Anjou

La robotique au service du soin

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Se connecter pour mieux soigner

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CHU Dijon Bourgogne – Clément Dentraygues CHRU de Montpellier– Josiane Labatut + Focus sur l’éditique centralisée avec Chantal Scotto De César - Ingénieur en organisation Direction de l’offre de soin

– Entretien avec Jean-Christophe Lecosse - Directeur Général du CNRFID

* voir article DH Magazine 150 – page 56 et 57 de la rubrique biotechnologies numériques

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Robotique

La chirurgie

du XXIème siècle

A l’occasion d’une porte ouverte, patients et visiteurs ont pu découvrir un

nouveau venu dans la salle du bloc opératoire de la Clinique de l’Anjou : le robot chirurgical Da Vinci. Depuis sa console, le chirurgien actionne les « bras articulés » du robot pour opérer avec une précision et une dextérité hors norme. 150 patients ont déjà pu bénéficier de cette nouvelle chirurgie robotisée. Entretien avec le Docteur Patrick Locufier - AnesthésisteRéanimateur et Président de la clinique de l’Anjou, établissement de 346 lits situé en Maine et Loire. Patrick Locufier

DH MAGAZINE – En 2014, vous avez choisi de

chirurgie plus « traditionnelle » !

doter l’établissement d’un robot Da Vinci. Pour quelles raisons ? Et comment l’utilisez-vous ?

En effet, les pinces chirurgicales du robot qui tournent sur elles-mêmes sur 360°, ce que ne fait pas la main humaine, permettent un accès par de mini-incisions et diminuent significativement les douleurs post-opératoires, les cicatrices, les saignements et les complications. La robotisation apporte très nettement une plus grande sécurité chirurgicale. Elle absorbe les éventuels tremblements du chirurgien et grâce à une vision en 3D, offre une meilleure visibilité des vaisseaux, des nerfs ou des tissus.

Patrick Locufier – Cette acquisition rentrait dans

notre projet médical d’établissement. L’intérêt de la clinique concernait 4 de nos spécialités. Sur les types d’interventions concernant les pathologies liées au cancer, nous avons ciblé essentiellement l’urologie qui représente 70% de l’activité robotique car c’est une chirurgie très localisée. Grâce à la vision en 3D et grossissante 15 fois par rapport à l’œil humain, le chirurgien peut se repérer plus aisément à l’intérieur du corps. Pour le patient, les bénéfices sont multiples : douleur amoindrie, moins de saignement, diminution de la durée d’hospitalisation, récupération plus rapide de la fonction urinaire, diminution du risque d’incontinence de longue durée et moins de pathologie liée à l’érection.

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DH : Comment sont formés les chirurgiens ?

Ils se forment dans les grands centres de chirurgie robotique. Sur notre site, nous avons également investi dans un simulateur. La formation des chirurgiens dure environ 2 mois et ils sont « parrainés » par un référent avant de pouvoir opérer seul. Les aides opératoires et les infirmiers de bloc doivent également se former car la chirurgie par robot assisté requiert un véritable travail d’équipe et une modification des pratiques au sein du bloc.

Nous avons également la partie chirurgie gynécologique, viscérale et ORL avec, pour cette spécialité, un intérêt non négligeable pour le patient. Il n’est plus nécessaire d’ouvrir le coté du visage et d’enlever un bout d’os pour atteindre la tumeur. Avec cette technique, le chirurgien passe par voie endo-bucale et opère le cancer par l’intérieur de la bouche en évitant des délabrements osseux et une trachéotomie.

DH : Vous êtes pour le moment le seul établissement du Maine et Loire à posséder un tel robot. Mais comment voyez-vous la chirurgie dans 10 ans ? Les robots ferontils partie intégrante des salles d’opération ?

Moins de douleurs, une récupération plus rapide, des procédures moins invasives… les bénéfices patients semblent immenses par rapport à une

C’est la chirurgie du XXIème siècle ! L’évolution va naturellement tendre vers des chirurgies moins inva-

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sives, avec des durées de séjour plus courtes. Tout cela concoure à aller dans le sens de la robotisation. Quand nous avons implanté le nôtre il y a 1 an, il y avait 80 robots Da Vinci en France. Aujourd’hui, il doit y en avoir une vingtaine de plus. De grands groupes ont également des projets de robots chirurgicaux à l’étude. Les techniques vont continuer à évoluer et à se perfectionner : programma-

tion intégrée, robot miniaturisé… Sans oublier que pour attirer les jeunes chirurgiens « XY », les établissements vont devoir leur mettre à disposition ces nouvelles technologies !

Robot Da Vinci

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Robotique

La robotique

au service du soin

Les robots se mettent à notre service. Ils nous permettent de gagner en

productivité, allègent notre charge de travail et sécurisent nos flux. Mais installer des robots et des automates oblige à repenser toute l’organisation. Pour en tirer tout son bénéfice, une cohabitation humain/robot s’impose.

Clément Dentraygues

Josiane Labatut

Rigueur dans les processus, cadence, technicité : l’humain doit apprivoiser le robot à son service. Entretiens avec Clément Dentraygues - Ingénieur en chef Responsable des Services Logistiques au CHU de Dijon Bourgogne et Josiane Labatut - Directrice de la Logistique et des Transports au CHRU de Montpellier.

« Plus de productivité, moins de pénibilité » Entretien avec Clément Dentraygues - Responsable des services logistiques au CHU de Dijon Bourgogne. DH MAGAZINE – Utilisez-vous des robots et des

automates au CHU de Dijon Bourgogne ? Clément Dentraygues – Nous utilisons principalement les technologies d’AGV, véhicules à guidage automatique, pour le transport lourd d’armoires à partir desquelles nous approvisionnons les unités de soin en linge propre, médicaments, produits hôteliers et repas. Nous avons mis en place une équipe de logisticiens d’étages. Située au sein même des unités, elle assure la distribution et le rangement du contenu des armoires. Actuellement, nous étudions les « robots coursiers ». DH : Quels avantages apporte le déploiement de la

robotique dans les établissements de santé? Cela permet clairement d’augmenter la productivité tout en enlevant de la pénibilité au niveau de différentes tâches à très faible valeur ajoutée. La robotique permet d’améliorer les conditions de travail. Au CHU, nous avons pu recentrer les personnels sur des activités à valeur ajoutée plus forte et plus intéressante. Je pense notamment à la création de la logistique d’étage dont je vous parlais plus haut.

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DH : Comment le personnel a-t-il accueilli ces

innovations ? Confier des tâches à des robots plutôt qu’à des humains peut entrainer des tensions car la crainte de suppressions de postes est présente. Mais nous avons


eu la chance de déployer ces nouvelles technologies au moment de la construction d’un nouvel hôpital, ce qui peut expliquer que nous n’avons pas rencontré ces problématiques. Logisticiens et personnel soignant ont bien accepté la nouvelle organisation. Les logisticiens ont des activités au cœur des unités avec moins de manutention et de tâches répétitives et les soignants se recentrent sur le rôle premier : le soin. DH : Quel est, selon vous, l’avenir de la robotique logis-

tique dans les établissements de santé ? Existe-t-il des freins à son déploiement ? Tous les hôpitaux qui se sont construits récemment ont étudié la robotisation et ont souvent fait ce choix ! Outre le gain en productivité et l’allègement de la charge de travail, la robotisation est quelque chose d’intéressant au niveau des Retours Sur Investissement mais « Confier des tâches à à la condition d’avoir des robots plutôt qu’à des locaux (couloirs, des humains peut entrai- galeries, ascenseurs) ner des tensions car la en adéquation avec crainte de suppressions les installations robode postes est présente. » tisées. Selon moi, le principal frein se situe au niveau de l’infrastructure hospitalière. Dans les établissements anciens, des galeries trop petites, un wifi peu puissant pour le pilotage empêchent parfois le déploiement des solutions. CHU de Dijon

DH : Les « directeurs de la logistique » vont-ils se trans-

former en « directeur robotique » ? Intégrer des systèmes robotisés dans nos modes de fonctionnement et dans nos flux est une évidence et le rôle du Directeur de la logistique sera de réussir à faire cohabiter Robots et Humains. Mais il y a des problématiques qui ne peuvent pas être automatisées. Aujourd’hui, en termes de ratio, sur l’aspect logistique au CHU, nous avons vraiment beaucoup plus d’agents logisticiens que de robots et dans les établissements de santé, je ne pense pas que la robotique prenne le dessus. Enfin, pour le moment…

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Robotique Gérer l’interface avec l’humain Entretien avec Josiane Labatut - Directrice de la Logistique et des Transports au CHRU de Montpellier.

des transports internes. Dans les services techniques, la Gestion Technique Centralisée permet de superviser à distance par automates toutes les installations techniques. A titre d’exemple, tous les équipements de cuisson sont équipés d’automates, qui nous permettent de faire de la cuisson basse température de nuit. DH : Avez-vous des projets en cours ?

DH MAGAZINE – Quelle « technologie robotisée »

utilisez-vous au CHRU ? Josiane Labatut – Au CHRU, nous avons intégré 3 types de robotique. Tout d’abord, la robotique industrielle, que nous avons implantée dans la nouvelle Unité Centrale de Production Alimentaire mise en service en janvier 2015. Il s’agit d’une chaine robotisée qui permet de préparer les plateaux-repas des patients. Elle est directement connectée au logiciel de prise de commande des repas dans les services de soins. Ensuite, nous utilisons la robotique de transport de marchandises avec 8 véhicules de guidage automatiques (AGV), renouvelés en 2014. Equipés d’un module de navigation par laser, les AGV livrent les repas, le linge, les médicaments, les dispositifs médicaux et les produits hôteliers sur le site hospitalier de Lapeyronie. Le troisième type de robotique est la robotique médicale, avec l’acquisition d’un robot chirurgical DH : Sur site, des automates côtoient également les robots ?

En effet, nous utilisons également beaucoup d’automates. Dans les blocs opératoires de Lapeyronie, nous effectuons une gestion dynamique des dispositifs médicaux réutilisables, avec 11 stockeurs rotatifs pilotés par le logiciel de traçabilité et de gestion des stocks WMS du CHRU. Ce qui nous permet de stocker tous les dispositifs médicaux réutilisables et d’avoir un système de rangement intelligent mettant à disposition de l’infirmière les bons matériels requis pour l’opération. Une interface avec le logiciel de la stérilisation permet d’optimiser l’approvisionnement des stockeurs, et de garantir la disponibilité du bon produit au bon moment. Nous avons également mis en place l’éditique centralisée des courriers médicaux (lire interview Chantal Scotto De César), des Distributeurs Automatiques de Vêtements (DAV) dans les vestiaires des blocs opératoires, directement reliés à notre système de gestion de la blanchisserie et déployé l’automatisation de la régulation centralisée

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Oui ! La préparation et la dispensation nominative robotisée des médicaments directement connectée à la prescription médicale. Nous testons les robots coursiers, plus autonomes et pouvant côtoyer le public, car l’AGV transporte mais ne sécurise pas le contenant et la délivrance, contrairement aux robots coursiers qui identifient la personne autorisée à prélever les médicaments dans le robot. Nous regardons également s’il existe sur le marché des systèmes permettant de robotiser l’entretien et le lavage de grandes surfaces. DH : Pourquoi avoir choisi de doter le CHRU de robots ? Et de manière générale, quels avantages apportent le déploiement de robots dans les établissements de santé ?

La Direction Générale du CHRU de Montpellier a souhaité que l’on identifie tout ce qui serait potentiellement robotisable et, notamment les tâches à très faible valeur ajoutée avec des risques importants de troubles musculo-squelettiques. Ensuite, nous avions besoin de développer notre activité avec des projets d’augmentation de la performance. Enfin, nous souhaitions optimiser et sécuriser nos circuits de distribution. Les robots sont une des réponses. Sur les cuisines, par exemple, nous avons déployé un système complètement connecté, de la prise de commande du patient jusqu’à la délivrance nominative du plateau avec le détail du régime prescrit par la diététicienne. DH : Comment le personnel vit la cohabitation avec

les robots ? Pour le personnel du service logistique, il a fallu mener la conduite du changement à grande échelle et repositionner certains agents sur des nouveaux postes de travail avec des horaires adaptés aux cadences des robots. Le personnel soignant, quant à lui, s’est vu « restituer » du temps pour se recentrer sur le soin. A titre d’exemple, auparavant, l’aide-soignante réchauffait chaque plateau avec un four micro-onde ;


aujourd’hui, elle branche simplement 45 minutes avant la distribution du repas l’armoire contenant tous les plateaux des patients « prêts à servir »! DH : Quel est, selon vous, l’avenir de la robotique logis-

avec près de 600 plateaux produits à l’heure. La robotique nécessite également de la rigueur dans les organisations, de la fiabilité dans le système d’informations, avec une redéfinition complète des missions et des activités.

tique dans les établissements de santé ? DH : La logistique devient de plus en plus pointue…

Cela va continuer à se développer. La robotique implique un fort volume à traiter et dans le cadre des GHT, cela peut être une réponse. Les établissements référents qui seront amenés à partager et à mutualiser leurs moyens avec d’autres structures plus petites auront tout intérêt à gagner de la performance par la robotisation. DH : Voyez-vous des freins ?

Le premier serait la gestion de l’interface avec l’humain qui doit être synchrone avec le robot, au risque de perdre en efficacité globale! Je pense notamment aux préparateurs en cuisine, en bout de chaine robotisée, pour qui la cadence de travail est très soutenue

Il est clair que le directeur de la logistique va devoir s’entourer de compétence en ingénierie. Faire évoluer les organisations, optimiser les flux, maitriser les technologies innovantes… mais notre rôle va être également de penser à l’émergence de nouveaux métiers. Dans les cuisines du CHRU, par exemple, le temps « gagné » permet de préparer des plats « fait maison » à partir de produits frais ou congelés, des potages diététiques enrichis pour les services de pédiatrie, et prochainement des plats à texture modifiée pour les secteurs de gérontologie. Les robots ne déshumanisent pas l’hôpital si on recentre les forces vives sur les métiers à forte valeur ajoutée, au service du soin et du patient.

CHRU Montpellier - cuisines

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Robotique FOCUS - Un clic suffit Automatiser, c’est gagner en temps et en qualité. Depuis 1 an, le CHRU de Montpellier utilise l’éditique centralisée pour envoyer plus de 2500 courriers médicaux par jour. Entretien avec Chantal Scotto De César, ingénieur conseil en organisation – direction de l’offre de soin du CHRU de Montpellier. Chantal Scotto De César

DH MAGAZINE – L’éditique est un mot récent combinant édition et informatique mais en quoi consiste-t-elle exactement ?

Chantal Scotto De César – Pour faire simple, c’est l’automatisation de l’impression, de la mise sous pli et de l’affranchissement. Vous pouvez imaginer cela comme une « imprimante virtuelle ». C’est un fichier qui va croître au fur et à mesure que les secrétariats envoient des documents vers cette imprimante. Ce fichier va ensuite être traité la nuit pour vérifier que le document est conforme, apposer 2 codes « Datamatrix » (pour l’affranchissement et le traitement des NPAI) ainsi qu’un code de sécurisation de la mise sous pli et faire la massification, à savoir le regroupement de plusieurs courriers destinés à un même destinataire. DH : Du clic de la secrétaire médicale à l’affranchisse-

ment, tout le circuit contrôle – impression - mise sous pli - envoi est automatisé. La main humaine intervientelle encore ? Elle intervient au départ pour « lancer » le processus de demande d’impression. Puis, une seconde fois dans le « service éditique » lorsqu’un agent prend la pile de papier sortie à l’impression pour la déposer à la plieuse automatique. DH : Quels sont les bénéfices ?

Les centres hospitaliers doivent envoyer des comptes rendus à la fois aux médecins traitants et aux patients. L’éditique centralisée permet de réduire considérablement les couts d’affranchissement car au-delà de 1000 plis par jour, vous êtes éligibles à un tarif postal avantageux. Mais cela permet surtout de gagner en qualité : vous normalisez le compte-rendu, et en temps, les manipulations chronophages (impression,

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mise sous pli, portage des documents à un endroit central, affranchissement) sont automatisées. DH : L’idée est simple mais l’automatisation entraine de facto une modification des pratiques. Est-ce compliqué à mettre en place ?

Aujourd’hui, pour les secrétariats, l’utilisation est très simple. Informatiquement parlant, il nous a fallu beaucoup travailler en amont pour mettre en place le processus. Au sein d’un établissement de santé, il peut y avoir une présentation, des adresses ou des entêtes différents en fonction des services. Il était donc essentiel de définir le formatage des documents et de travailler sur la normalisation (du positionnement de l’adresse, du bandeau d’identification du patient par exemple) pour que le logiciel puisse travailler. Il fallait également penser à la sécurité. C’est pourquoi nous avons mis en place un coffre-fort électronique où sont stockés les comptes rendus et mis en place la « validation électronique » avec l’utilisation d’un tiers de confiance. Il est essentiel pour que le projet réussisse que tous les acteurs soient impliqués : direction des systèmes d’information, direction des achats, les secrétariats et bien sur l’équipe Editique. DH : Et quels seraient les inconvénients ?

Depuis 1 an que le processus est mis en place, sincèrement, je n’en vois pas ! Les services sont ravis. Certes, nous générons du papier. Dans un futur proche, la réponse sera d’envoyer les documents via une messagerie sécurisée pour les courriers adressés aux médecins. Il restera les courriers adressés aux patients. Les deux systèmes, messagerie sécurisée et éditique centralisée, sont complémentaires.


Se connecter pour mieux soigner

La 6

édition de l’International RFID Congress s’est tenue à Marseille en octobre dernier. Au programme, conférences d’experts, démonstrations d’applications opérationnelles et rendez-vous d’affaires avec un fil conducteur : comprendre l’apport des objets connectés et saisir leur impact dans les processus métier. ème

Entretien avec Jean-Christophe Lecosse, Directeur Général du Centre National de Référence RFID. Jean-Christophe Lecosse

DH MAGAZINE – L’International RFID Congress a

DH : Les objets connectés font régulièrement la Une

réuni des acteurs majeurs de l’Industrie, du Commerce, de la Santé et des Villes Intelligentes. Pourquoi avoir réuni ces différents marchés ?

des journaux. C’est un sujet très à la mode.

DH : Donc chaque secteur développe un domaine

Oui mais attention aux effets d’annonces trop précoces portant sur des innovations technologiques qui ne seraient pas encore abouties. C’est tout l’intérêt de Connectwave * qui est une plateforme d’expérimentation et d’usage où nous allons identifier et qualifier l’ensemble des solutions professionnelles qui sont éprouvées et fiables car l’objectif n’est pas de vendre du rêve ! Nous présentons des solutions scénarisées, testées et surtout qui ont un modèle économique viable.

d’expertise qui, avec des adaptations, peut bénéficier à l’autre ?

DH : Aujourd’hui, robots et automates se mettent cou-

Jean-Christophe Lecosse – La valeur de notre approche est la transversalité. Les innovations viennent de partout. Une application éprouvée avec une valeur d’usage démontrée sur un marché peut tout à fait trouver une autre valeur sur un autre marché. En particulier, de nombreux processus santé se rapprochent des process industriels.

Oui tout à fait. Et l’intérêt est d’identifier des innovations éprouvées dans un secteur et de les transposer vers un autre secteur d’activité. Le monde industriel, du luxe ou encore du commerce peuvent parfois vivre dans un microcosme avec des solutions ou des applications qui leur sont propres mais nous nous sommes rendus compte que les problématiques étaient les mêmes et qu’il y avait tout lieu de les réunir. Certes, il y a des spécificités mais les technologies sans contact et les objets connectés offrent des potentiels d’usage infinis et ils ont vocation à être utilisés et déployés sur tous les secteurs du marché. Par exemple, une application santé liée au transport d’une poche de sang avec toutes ses normes de traçabilité, de suivi de température et de sécurité peut trouver un intérêt dans le monde du luxe pour le transport d’un spiritueux ou encore dans l’industrie, pour le transport de produits dangereux. Dans le même ordre d’idées, des modules électriques paramétrables via smartphone peuvent trouver leur place dans un établissement de santé.

ramment au service des processus de soins. Demain, les objets connectés vont-ils révolutionner le monde de la santé ? Révolutionner, je ne pense pas car la santé est un monde complexe mais nous voyons se dessiner une modification des pratiques et une réflexion qui vont dans le sens d’une amélioration de l’accès aux soins. Je pense notamment à la société Biolog ID qui a mis en place, en partenariat avec l’Etablissement Français du Sang et avec ses équivalents mexicains et suisses, des frigos connectés et intelligents. Ces frigos communiquent entre eux et peuvent transmettre aux professionnels de santé sur un territoire national où se trouvent les poches de sang, les quantités disponibles et les informations liées à la conservation. Vous ouvrez ainsi un réseau de disponibilité nationale de produits sanguins. Au Mexique, la totalité des centres a été équipée depuis plus d’un an. * connectwave.fr - En savoir plus : centrenational-rfid.com

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Chronique Je choisis mon chariot de soin informatisé !

Dossier

patient et prescriptions informatisés, accès mobile à des applications variées, les chariots de soin embarquant une informatique ergonomique dans les services hospitaliers sont plus que jamais d’actualité. Réglage en hauteur, utilisable en position assise, avec caisson pour fermeture à clé du PC, clavier tactile en verre trempé, support pour souris, batterie : les options sont nombreuses. Les Responsables des Systèmes d’Information de deux établissements de Seine-Maritime, le CH du Rouvray et le CHI du Pays des Hautes Falaises de Fécamp nous donnent quelques pistes pour bien choisir son chariot de soin informatique. Quels sont les critères importants pour un matériel efficace ? Outre les caractéristiques liées à l’ergonomie telle une poignée de poussée, un ajustement facile en hauteur pour le travail assis ou debout, de la maniabilité pour un usage dans des endroits très exigus, sans aspérités, sans angles vifs ou parties saillantes agressives, le CH du Rouvray, a également opté pour un encombrement au sol minimal de ses chariots, soit environ 45 cm x 50 cm et une surface de travail d’environ L50 cm x P40 cm. « De plus, ajoute Valérie Simon – Responsable Informatique au CH de Rouvray, établissement de plus de 1000 lits - nos chariots possèdent un plateau télescopique pour le clavier et une tablette escamotable pour la souris, un compartiment ventilé de stockage sécurisé pour l’unité centrale d’une épaisseur de 9,5 cm et un axe pour un positionnement indépendant des écrans TFT-19 ‘’ – respectant la norme FDMI. Ils sont conçus dans des matériaux permettant un nettoyage aisé et contribuant aux contrôles des infections - car utilisés dans les salles de soins. Ils sont livrés avec tous les accessoires de fixation. » Adaptation aisée du poste de travail à la morphologie des personnels, stabilité, robustesse, les chariots ne doivent pas exiger trop d’efforts quant à leur manipulation et se doivent également d’être silencieux. Vincent Regnault - RSI et Correspondant Informatique et Liberté du CHI de Fécamp, établissement de plus de 500 lits, revient quant à lui sur deux impératifs qui ont motivé le choix de l’établissement : le coût et le besoin exprimé par les utilisateurs. « Le prix a été un des critères de choix déterminants même si malheureusement, le fait de choisir un produit

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« bon marché » peut entrainer des problèmes comme des composants moyennement fiables ou des problèmes de batterie. Ensuite, nous ne sommes pas partis sur des PC portables mais sur des matériels embarqués car les équipes souhaitaient avoir un écran 22’’ pour plus de confort visuel. Nos boitiers NUC sont protégés à l’intérieur du chariot et connectés à l’écran 22’’. Les chariots disposent également de lecteurs de carte CPS ». Autre critère déterminant : l’autonomie. « Elle est très importante. C’est pourquoi, nous avons privilégié des chariots fonctionnant sur batterie. » Il prévient toutefois : « Cela implique de prévoir de nombreuses prises dans les services pour les recharger et les alourdit considérablement. »

Côté utilisateurs : quels retours et quelles évolutions attendues ? Avec le recul, les équipes du CHI de Fécamp ont pu exprimer les difficultés rencontrées, notamment sur le poids, la maniabilité et sur le fait d’avoir un chariot supplémentaire à gérer durant les phases de tournées. « Ce qui est attendu par l’ensemble du personnel, c’est d’avoir un outil très léger, le plus maniable et le plus mobile possible ». Vincent Regnault conclut : « il est indispensable de se rendre dans les services pour voir l’utilisation réelle, en conditions d’usage et de ne surtout pas négliger la qualité ! »

PAR MARIE-VALENTINE BELLANGER

Tout en WIFI ou encore du filaire ? Tout dépend de l’utilisation. Valérie Simon précise : « Nous utilisons des chariots sans WIFI, les postes sont reliés au réseau filaire avec des prises multiples positionnées aux bons endroits. Le but de l’affectation de ces chariots dans les pharmacies des unités de soins était de permettre aux soignants de pouvoir préparer les piluliers avec le plan d’administration du DPI au plus près de l’armoire à pharmacie. La mobilité est réduite dans notre cas mais tout de même très appréciée par les soignants. » Sur les aspects Wifi, Vincent Regnault conseille de s’assurer en amont que la carte Wifi des matériels soit compatible avec les normes techniques requises, que l’architecture respecte les règles de sécurité, que ce soit pour la connexion des PC ou des chariots euxmêmes, certains offrant cette possibilité.

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REPORTAGE

Une dynamique de fusion et de progrès Reportage réalisé en septembre 2016

PAR VIRGINIE FACQUET

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Budget du CH 2015 :

Investissements importants :

- Investissement : 11 M€

Réalisés en 2013-2014 : - 2013 : 14.6 M€ dont 12.9 M€ pour restructuration de Saint-Cloud - 2014 : 20.3 M€ dont 15.3 M€ pour restructuration de Saint-Cloud et 4 M€ pour restructuration du site de Lelégard (EHPAD et ULSD) Réalisés et prévus en 2014-2015 : - 2015 : 11 M€ dont 4.1 M€ pour restructuration de Saint-Cloud et 3.3M€ pour restructuration du site de Lelégard

- Exploitation : 92 M€ - Bénéfice / déficit : 1,7 M€ (excédent) Nombre de lits actifs : 320 Nombre de lits d’hébergement : 312

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH 4 VILLES

4 Villes

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MAÎTRISER LES CONSTRUCTIONS HOSPITALIÈRES co nstr uc t ion - res t ru c tu ra tio n – ré n o v a tio n Quelques opérations récentes ou en cours Nouvel hôpital de Nantes Nouvel hôpital de Metz Psychiatrie du CH de Roanne Urgences-Samu-Smur du CH de Versailles Hospitalisation et pôle logistique du CHS de Lorquin Nouvel hôpital d’Épinal Samu-Smur-hélistation et plateau technique du CHU de Nantes Laboratoires du CHU de Nancy Hôpital femme-mère-enfant de Thionville Ehpad du CHD de Rueil-Malmaison Nouvel hôpital de Mouthe Pôle gériatrique du CH de Montélimar Extension-restructuration du CH de Saint-Cloud Plateau technique du CH de Bagnols-sur-Cèze Ehpad de Marans Nouvel hôpital d’Obernai Cuisine centrale du CHR Metz-Thionville

UNE MAÎTRISE D’OUVRAGE FORTE • une approche “sur mesure” et innovante • des professionnels exigeants • 10 agences proches de vous • attention, réactivité et implication au service de vos projets

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Soderec

groupe Crédit Mutuel

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30 ANS AU SERVICE DES HÔPITAUX N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - PAROLE D’EXPERT

crédits photographiques : DR

En savoir + www.lasoderec.com


Parole d’expert

chu de Nantes / île de Nantes

Paul Belloni

Philippe Delatronchette

Une maîtrise d’ouvrage forte au service des hôpitaux Propos recueillis auprès de Philippe Delatronchette, Président du Directoire de

la Soderec, et Paul Belloni, Directeur des opérations hospitalières de la Soderec. DH MAGAZINE – Qui est la Soderec ?

Philippe Delatronchette : La Soderec, filiale du Crédit Mutuel, assiste les maîtres d’ouvrages dans la conduite de leurs opérations. Dans le domaine de la santé, elle a été, au début des années 1980, agréée par le ministère de la santé pour assurer les missions de conduite d’opération auprès des hôpitaux, puis, en application de la loi MOP, elle a été la seule société privée à être autorisée dès 1986 à exercer la conduite d’opération dans le domaine hospitalier en raison de sa compétence, ainsi reconnue par l’État. La Soderec possède donc une vaste expérience des opérations hospitalières, des plus complexes, à l’image du nouvel hôpital de l’Île de Nantes pour lequel elle est mandataire du CHU de Nantes, aux plus simples, tel l’hôpital de Charolles qui va être reconstruit. La Soderec intervient dans ces opérations comme un véritable appui auprès des établissements, en leur

apportant son expérience, ses méthodes, ses outils et des moyens humains appropriés, le tout au service d’une maîtrise d’ouvrage forte. DH : Qu’est-ce qu’une maîtrise d’ouvrage « forte » ?

P.D. – Les maîtres d’ouvrages publics poursuivent un but d’intérêt général, singulièrement quand il s’agit de répondre à un besoin de santé publique. Ils doivent donc assumer une responsabilité importante et se donner les moyens de faire respecter l’intérêt public qu’ils représentent. Alors même qu’ils disposent de prérogatives particulières de « puissance publique », ils subissent parfois le déroulement de leur opération plutôt que de le maîtriser. Un maître d’ouvrage fort est celui qui reste maître de son opération, qui veille à ce que chacun remplisse pleinement sa mission et assume ses responsabilités, qui sait anticiper.

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samu / smur - Hélistation chu Nantes

DH : Au plan pratique, comment cela se traduit-il ?

P.D. – En premier lieu, cela consiste à exploiter totalement le véritable potentiel des nombreux outils disponibles au service de l’intérêt général pour choisir les intervenants de l’opération, établir avec eux des relations contractuelles fortes, gérer au mieux des intérêts de l’établissement les évolutions nécessaires, prévenir et le cas échéant sanctionner les dérives. La loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique, les textes régissant les marchés publics, les CCAG applicables aux marchés publics, et les principes qu’ils érigent, à commencer par la liberté contractuelle, offrent de multiples possibilités largement sous-exploitées voire ignorées. Ensuite, il s’agit principalement de conduire l’opération dans le cadre d’une relation saine et équilibrée, où chacun exerce son rôle, sans immixtion et sans faiblesse de la part du maître d’ouvrage. Paul Belloni – Par exemple, les marchés de conception-réalisation qui sont courants pour les opérations hospitalières - l’ordonnance de juillet 2015 sur les marchés publics en restreint maintenant fortement l’usage - conduisent certains maîtres d’ouvrages à un contresens lourd de conséquences. Le maître d’œuvre intervient certes au sein d’un contrat commun avec l’entreprise, mais il n’en reste pas moins

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un maître d’œuvre qui doit assumer pleinement ses responsabilités et, si le contrat est bien pensé, il ne peut se permettre d’être complaisant à l’égard de l’entreprise. Or faute de CCAG approprié, la facilité peut consister à vouloir appliquer le CCAG des marchés publics de travaux et, du coup, à faire intervenir un tiers développant une compétence technique équivalente à celle du maître d’œuvre, meilleur moyen pour diluer les responsabilités et impliquer ainsi indirectement le maître d’ouvrage dans des actes techniques. La Soderec a donc élaboré un contrat spécifique tenant compte des particularités de la conception-réalisation, dont l’opération du nouvel hôpital de Metz a été la première bénéficiaire. DH : Quel est le rôle de la Soderec dans le projet d’ex-

tension-restructuration de l’hôpital de Saint-Cloud ?

P.B. – Le CH des Quatre Villes nous a confié le rôle de conducteur d’opération à compter du lancement du concours de maîtrise d’œuvre, seul le programme préexistait. Nous avons ainsi accompagné fortement l’établissement tout au long de l’opération, dont une des particularités a été la difficulté d’exécuter des travaux dans un site géométriquement très contraint (espaces extérieurs très limités et forte dénivelée du

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - PAROLE D’EXPERT


Parole d’expert

terrain) et en site occupé. D’où une durée d’exécution importante, ainsi qu’un phasage complexe des travaux en opérations « tiroirs ». DH : Quelle est aujourd’hui la singularité de la Soderec dans le paysage de l’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès des hôpitaux ?

Philippe Delatronchette – Outre son antériorité et l’expérience qu’elle lui a donnée, la Soderec développe une action particulière, tant vis-à-vis de ses clients que dans son organisation interne, le tout au service d’un objectif principal : apporter la meilleure qualité de service tout en défendant les seuls intérêts du maître d’ouvrage. Cela se traduit par une proximité et une implication toujours fortes auprès du maître d’ouvrage, et une démarche de force de proposition, de conseil et d’aide à la décision, dans l’esprit de la maîtrise d’ouvrage forte évoquée plus haut. En interne, nous avons élaboré une organisation tout à la fois décentralisée et orientée vers la capitalisation des expériences, de telle sorte que chaque maître d’ouvrage bénéficie, à travers un interlocuteur qualifié, de toute notre expérience et du savoir-faire longuement élaboré. Nos clients apprécient cette approche et nous renouvellent leur confiance : c’est le cas du CH des Quatre Villes pour lequel nous avions reconfiguré le site de Sèvres (construction d’un Ehpad, nouveaux accès et accueils de l’hôpital), mais aussi du CHR Metz-Thionville (nouvel hôpital de Metz, puis hôpital

femme-mètre-enfant de Metz, puis deux opérations en cours : unité centrale de production alimentaire, hôpital femme-mère-enfant de Thionville), du CHU de Nantes (Samu-Smur-hélistation, puis plateau technique, puis nouvel hôpital), du CH de Versailles (Ehpad, puis urgences-Samu, puis maternité-néonatalogie-scintigraphie-réanimation), du CHS de Lorquin (hébergement, puis cuisine centrale et blanchisserie), etc. Une telle fidélité nous a convaincus de poursuivre dans cette voie, qui intéresse bien sûr de nouveaux maîtres d’ouvrages, tels le CHU de Reims qui vient de nous confier la reconstruction de son site principal (phase 1) et le CHU de Nancy qui nous a chargés de son futur bâtiment de laboratoires.

Hôpital de Montélimar

Nouvel hôpital de Metz

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Hubert de Beauchamp

Une dynamique de fusion

et de progrès

Site de Saint-Cloud

E ntretien avec Hubert de Beauchamp,

Directeur du Centre Hospitalier des 4 Villes. DH MAGAZINE – Depuis maintenant une année,

vous êtes à la tête du CH4V. Quelles actions avez-vous mis en place depuis votre prise de poste ? Hubert de Beauchamp – Je suis arrivé au moment où la fusion de deux établissements « jumeaux » s’est matérialisée alors qu’elle avait été prononcée juridiquement près de dix années plus tôt (1er janvier 2006). J’ai la chance de diriger un très bel établissement né de la fusion de deux centres hospitaliers dont la pérennité était un peu incertaine. J’ai réceptionné la dernière phase de travaux mais c’est principalement mon prédécesseur qui a œuvré à la restructuration. DH : Pouvez-vous expliquer l’historique de cette fusion ?

H.d.B. – Nous avions d’un côté l’hôpital de SaintCloud, avec une maternité (environ 1 600 naissances), des urgences, dans un état de vétusté impor-

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tante avec encore quelques chambres à trois lits ; et de l’autre côté du parc de Saint-Cloud, il y avait l’hôpital intercommunal de Sèvres-Chaville-Ville d’Avray comportant également une maternité (environ 1 500 naissances) et un centre réputé d’assistance médicale à la procréation, un service d’accueil des urgences à l’activité comparable à celui de SaintCloud également ; le tout dans un établissement plus moderne, mais avec une pérennité incertaine en ces temps de regroupement de moyens pour gérer au mieux les ressources et s’adapter à la démographie médicale. Au 1er janvier 2006, l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) entérine la fusion des deux hôpitaux Sèvres et Saint-Cloud. La directrice m’ayant précédé a œuvré pendant 9 ans pour traduire cette fusion dans les faits et inscrire la nouvelle entité dans une dynamique de fusion et de progrès. Le Centre Hospitalier des 4 Villes (CH4V) était né.

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH 4 VILLES


DH : Comment ont été répartis les services entre les deux hôpitaux ?

H.d.B. – Après la fermeture sur le site de Sèvres, au 1er mars 2015, de la maternité et des urgences, le site de Saint-Cloud accueille désormais une maternité de niveau 2A (3 100 naissances), l’une des plus grosses des Hauts-de-Seine, ainsi que les deux services des urgences regroupés. Autour de la maternité et des urgences, nous avons besoin de tous les services dits « actifs » et un plateau technique regroupant les blocs opératoires, un laboratoire et un service d’imagerie exploité en partenariat avec une société de radiologues libéraux. La chirurgie est donc concentrée sur le site de Saint-Cloud dans le cadre d’un partenariat avec l’hôpital René Huguenin (Institut Curie) avec qui nous partageons les blocs opératoires. Nous faisons principalement de la chirurgie gynécologique, viscérale et orthopédique. Mais l’établissement a pu également garder une offre chirurgicale attractive et accessible en ORL, stomatologie, ophtalmologie et chirurgie réparatrice. Nous avons également pensé à la pérennité y compris financière de l’hôpital en faisant de la place à l’offre de médecine. Nous assurons ainsi nos missions de proximité pour traiter le tout-venant des pathologies de la population environnante. Près de quatre années de travaux auront été nécessaires pour faire du CH4V un hôpital moderne, répondant non seulement aux impératifs de qualité et de sécurité des soins mais aussi aux meilleurs standards de confort hôtelier. Le site de Sèvres est depuis mars 2015 spécialisé en médecine et soins de suite et réadaptation. Nous disposons notamment d’un service d’addictologie (hospitalisation complète et de jour, CSAPA) connu et reconnu bien au-delà de la zone d’attractivité . DH : Vous travaillez en partenariat avec l’Institut Curie ?

H.d.B. – Oui, nous avions jusqu’en janvier 2016 un laboratoire commun exploité dans le cadre d’un syndicat inter-hospitalier, mais cette coopération a pris fin. Nous utilisons le même bloc opératoire dans le cadre d’un groupement d’intérêt économique. Nous travaillons en coopération avec Curie, nos équipes se croisent tous les jours dans le bloc opératoire et au quotidien les médecins s’entraident… Nous pourrions coopérer encore plus, favoriser la constitution d’équipes communes par exemple ; c’est l’un de mes projets car nous pourrions certainement aller plus loin dans l’optimisation des moyens.

DH : Quel service fait la renommée de l’hôpital ?

H.d.B. – La maternité est certainement l’activité la plus connue de l’hôpital, c’est un élément majeur d’attractivité. En faisant venir la maternité de Sèvres à Saint-Cloud, nous avons aussi déménagé le centre d’assistance médicale à la procréation dirigé par le docteur Belaisch-Allart. Un centre très connu, avec une notoriété qui dépasse largement la région, mais c’est également une activité concurrentielle et nous avons profité du déménagement à Saint-Cloud pour créer les conditions de développement de cette activité. En termes de recettes, les activités les plus dynamiques demeurent les différents services de médecine, avec une capacité totale d’environ 125 lits et places sur le CH4V (médecine interne, médecine gériatrique, addictologie, …) ; nous disposons aussi de près de 300 lits d’hébergement pour les personnes âgées (EPHAD, USLD) et de soins de suite et réadaptation. La population des personnes âgées est de plus en plus importante, les besoins augmentent, nous avons la chance de proposer une palette complète d’activités au profit des personnes âgées et des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. DH : Quels sont les services que vous proposez pour

rendre votre hôpital attractif ? H.d.B. – Si la priorité reste la qualité et la sécurité des soins, la maternité n’en demeure pas moins une activité très concurrentielle ; l’offre proposée aux futures mamans comprend non seulement les différentes modalités de préparation à l’accouchement mais aussi, pour celles qui en feraient la demande, une approche « naturelle » du pré-travail. Nous proposons également du yoga pré et post-natal et les conseils d’un ostéopathe. Tout est mis en œuvre pour faciliter la présence des proches et accompagnants, à commencer par les futurs papas ; c’est une demande forte d’une grande partie de nos patientes, et il est important de conserver cette dimension humaine dans une maternité de cette taille. D’autres services concourent au bien-être de nos patients pendant leur séjour, c’est le cas de la conciergerie proposée en partenariat avec Happytal. DH : Quelles sont les difficultés rencontrées pour faire cohabiter l’existant et les restructurations en cours ?

Sur le plan humain, une restructuration de cette ampleur représente un véritable défi. L’identité du

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Couloir site de Sèvres

vaillons. En l’absence de service de réanimation ou de soins intensifs, notre vocation s’inscrit naturellement dans le développement de prises en charge plus légères et des partenariats avec les services de recours.

©Copyright Anne Claude Barbier

DH : Quels sont vos projets ?

CH4V s’impose peu à peu, sans pour autant faire disparaitre ce qui faisait la spécificité de chaque site. Les habitudes de travail étaient différentes. Cela a été compliqué. Il a fallu gérer 4 années de travaux assez colossaux sans arrêter l’activité ; mais avec des perturbations inévitables. Il a fallu faire face à des retards et contretemps. Il faut réussir à faire travailler ensemble des professionnels qui ne le souhaitaient pas forcément au départ, à passer d’un site à l’autre. Les équipes ont appris et continuent d’apprendre à travailler ensemble dans ce nouvel établissement issu de la fusion. Il sera intéressant aussi de faire une évaluation médico-économique de cette restructuration. Nous avons un établissement à l’équilibre, même légèrement excédentaire en 2015 et c’est important malgré toutes les dépenses induites par le fonctionnement bi-site et les perturbations engendrées par les travaux. DH : L’ambulatoire, l’hospitalisation à domicile, la

radiologie interventionnelle se développent pour permettre de réduire les séjours des patients. Le CH4V va-t-il en ce sens ? H.d.B. – Nous ne faisons pas de radiologie interventionnelle, en revanche nous faisons le maximum de chirurgie en ambulatoire et nous situons d’ores et déjà quasiment dans la cible nationale. Nous sommes bien placés, mais les derniers points pour atteindre la cible seront les plus difficiles à gagner. Nous y tra-

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H.d.B. – Nous écrivons notre projet médical pour 2017-2021 de façon à inscrire le CH4V dans une nouvelle dynamique de performance et de progrès. Nous voulons en particulier pérenniser et sécuriser nos activités. Il y a également un enjeu sur la politique hôtelière en raison de la concurrence ambiante et poursuivre le travail sur la qualité de vie au travail. Nous avons le souhait dans les années à venir de mieux intégrer les nouvelles technologies aux activités soignantes. Enfin, un important projet de restructuration du site qui accueille nos activités au profit des personnes âgées, la vétusté de deux bâtiments constituant une opportunité de repenser les conditions d’accueil et de prise en charge. DH : Qu’en est-il du groupement hospitalier de territoire ?

H.d.B. – Nous avons avec les GHT pour la première fois une obligation de coopération avec nos voisins . Le département des Hauts-de-Seine se distingue par une exceptionnelle densité d’établissements, notamment privés à but lucratif et la forte représentation de l’AP-HP. Le choix fait par l’ARS lors de la période de préfiguration a consisté à inviter les hôpitaux de taille moyenne et de petite taille hors APHP à créer un GHT, à savoir, outre le CH4V, désigné comme établissement support, le centre hospitalier de Courbevoie Neuilly Puteaux, le centre de gérontologie des Abondances à Boulogne Billancourt, l’hôpital Stell de Rueil-Malmaison et la fondation Roguet située à Clichy. Nous devons établir un projet médical commun portant sur les thèmes obligatoires en vertu de la loi (imagerie, biologie) auxquels sont venus s’ajouter les priorités définies conjointement avec l’ARS : la chirurgie, la pharmacie, les urgences et les soins critiques, et le parcours des personnes âgées. Tout ou presque est à faire entre ces cinq établissements inscrits dans des dynamiques propres et qui jusqu’à présent coopéraient peu ou pas du tout ensemble. Il va donc falloir du temps pour apprendre à se connaître et identifier les pistes de coopération susceptibles d’améliorer la réponse aux besoins de la population. C’est un vrai défi à relever.

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Site de Saint-Cloud

Elodie Lapeyre

Imagerie :

Quand pérennisation rime avec coopération E ntretien avec Élodie Lapeyre, directrice des finances, de la clientèle et du système d’information.

rencontrées par le service d’imagerie ?

autorisation pour installer un scanner, conditionnée par la concrétisation d’un accord entre nos deux structures.

Élodie Lapeyre – Au CH4V, comme dans de nom-

DH : Comment fonctionnait le service d’imagerie ?

DH MAGAZINE – Quelles étaient les difficultés

breux établissements publics de France, nous avions un problème de recrutement médical. Nous avions une autre difficulté car nous avions un plateau technique d’imagerie limité pour un établissement de notre taille. Nous avons un service d’urgences, un service de chirurgie, 4 services médecine, une activité de soins de suite et de réadaptation et nous n’avions, sur site, ni scanner ni IRM, alors que ce sont aujourd’hui des outils de base pour le diagnostic. Les patients arrivant aux urgences allaient passer leur scanner au CIMOP, sur leur site du Val-d’Or, le jour, et la nuit ils allaient sur l’hôpital Amboise-Paré. Les hospitalisés pouvaient être pris en charge sur l’Institut Curie / Hôpital René-Huguenin mais les délais d’attente pouvaient être longs. Du fait de l’équipement disponible sur notre établissement, nous perdions également de l’activité aux urgences puisque les patients pour lesquels le recours à l’IRM ou au scanner était indispensable n’étaient pas adressés par la régulation à notre service d’urgence. En outre, ce plateau technique limité ne facilitait pas les recrutements de radiologues. Depuis 2012, nous avions des échanges avec le centre d’imagerie médicale de l’Ouest Parisien (CIMOP) pour construire un partenariat et de ce fait, nous avions réussi à obtenir une

E.L. – Beaucoup de nos patients hospitalisés se rendaient déjà au CIMOP pour faire les scanners et IRM. Nous faisions de la radiologie conventionnelle avec certains appareils un peu vieillissants et d’autres plus récents. Nous avions accès au scanner et à l’IRM sur, respectivement, deux vacations en co-utilisation avec l’Institut Curie / Hôpital René-Huguenin mais c’était insuffisant à l’égard de nos besoins. DH : Quelle solution a été trouvée pour remédier à ces

problèmes spécifiques ? E.L. – En janvier 2015, un accord-cadre a été signé entre le CIMOP et le CH4V et la coopération est entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Le CIMOP s’est installé dans des locaux du CH4V pour assurer l’activité d’imagerie. Juridiquement, un groupement d’intérêt économique (GIE) a été créé. La gouvernance est partagée entre le CIMOP et le CH4V et le GIE est titulaire des autorisations d’équipement lourd. Au quotidien, le fonctionnement du centre d’imagerie est assuré par le CIMOP.

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DH : Suite à la constitution du GIE, comment a été

restructuré le service d’imagerie ? E.L. – Maintenant, le centre d’imagerie commun est implanté au sein du CH4V sur le site de Sèvres et sur le site de Saint-Cloud, ce dernier regroupant l’essentiel des locaux et des modalités. Cette implantation s’est faite dans le cadre d’une convention d’occupation du domaine public. Le centre a été positionné dans les locaux rénovés de l’ancien service d’imagerie et à l’étage inférieur où est installé le scanner et peut-être, à terme, la future IRM si le GIE obtient l’autorisation. Nous avons préservé un accès par la ville pour les externes et une entrée pour les hospitalisés. Nous identifions ainsi les flux plus facilement. DH : Cette création vous a-t-elle permis l’acquisition de nouvelles modalités d’imagerie ?

dans le cadre de l’accord-cadre qu’il n’y aurait pas de dépassement d’honoraires pour les patients issus des urgences, les hospitalisés et les patients les plus démunis. DH : Quels changements ont eu lieu pour les patients externes et hospitalisés ?

E.L. – Nous avions une activité externe assez faible qui avait tendance à diminuer. Avec l’arrivée du CIMOP, le nombre de patients externes pris en charge à beaucoup augmenté. Concernant les patients hospitalisés, le fonctionnement sur site du scanner, a contribué à la réduction de la durée moyenne de séjour en réduisant les délais d’attente pour un examen. Le confort d’hospitalisation est ainsi amélioré. DH : Cette organisation apporte quels avantages ?

E.L. – Nous avions une autorisation pour le scanner et nous avons pu l’installer en avril 2016. Nous avons désormais un ostéodensitomètre et un mammographe neuf. Cette offre est cohérente avec le public que nous accueillons. Nous espérons avoir bientôt l’IRM. DH : Comment s’organise le service ?

E.L. – Nous bénéficions désormais de l’intervention des radiologues du privé sur notre site et notre personnel d’imagerie a été mis à disposition d’un groupement de coopération sanitaire (GCS) pour participer au fonctionnement du centre. C’est une seule équipe qui prend en charge les patients. La nuit et le week-end, un manipulateur est de garde et un radiologue est d’astreinte et interprète en téléradiologie. Si les patients hospitalisés à Sèvres ont besoin d’un examen d’imagerie la nuit ou le week-end, ils sont transférés en ambulance à Saint-Cloud. À terme, le manipulateur se déplacera de Saint-Cloud à Sèvres pour réaliser l’image. DH : Du point de vue financier, comment êtes-vous organisés ?

E.L. – En radiologie conventionnelle, le CIMOP facture les honoraires aux patients ou au CH4V lorsque les patients pris en charge sont hospitalisés dans l’établissement. Pour le scanner, le GIE est titulaire de l’autorisation et facture le forfait technique. Le CIMOP facture les honoraires. Les praticiens sont en secteur 1 ou en secteur 2 mais avec contrat d’accès aux soins. Nous avons garanti

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E.L. – Nous avons pu développer le plateau technique. Nous avons moins de frais de transport et surtout nous pérennisons une activité qui aurait peutêtre disparu ou du moins aurait été réduite. Nous offrons une meilleure prise en charge des urgences, proposons une offre complète à la population dans un hôpital rénové. DH : Des inconvénients peut-être ?

E.L. – Les organisations n’ont pas été faciles à mettre en œuvre, avec une organisation à roder et des travaux entraînant des fermetures de salles, des nuisances sonores… Il a également fallu faire communiquer les systèmes d’information des deux structures pour assurer la remontée des comptes rendus d’imagerie dans le dossier patient informatisé du CH4V et donner accès au PACS du CIMOP pour les médecins hospitaliers. La gestion est un peu plus lourde, au démarrage de l’activité, mais par rapport aux avantages qui en découlent, les inconvénients sont mineurs. DH : Quel bilan feriez-vous au bout de 6 mois de coopération ?

E.L. – Nous avons passé la période transitoire. Les organisations se rodent et nous voyons des améliorations avec l’arrivée du scanner. Cependant, pour optimiser au mieux nos organisations et intégrer les contraintes de chacune des deux structures, il sera essentiel de maintenir des temps d’échanges.

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH 4 VILLES


Conciergerie à l’hôpital :

Comment rendre les patients et les employés « happy »

© Gilles Plagnol

Entretien avec Caroline Buno, directrice des achats de la logistique et du patrimoine.

DH MAGAZINE – Pouvez-vous expliquer ce qu’est le

service Happytal ? Caroline Buno – Happytal est une conciergerie d’établissement qui est à la fois à destination des patients hospitalisés et du personnel. C’est un guichet unique qui permet de faire entrer à l’hôpital des livraisons de biens et de services pour faciliter

Caroline Buno

le quotidien des hospitalisés et du personnel. C’est un service qui existait dans de grandes entreprises privées pour faciliter le quotidien du personnel. Ce modèle a été transformé pour l’importer dans des établissements de santé et les hôpitaux qui sont des milieux généralement fermés. Le CH4V est le premier établissement de santé à avoir proposé ce service de façon intégrée.

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DH : Comment est-il né ? C.B. – Nous avons été démarchés par Happytal en 2013. Les deux fondateurs, Romain Revellat et Pierre Lassarat, sont venus nous voir avec ce concept né suite à l’hospitalisation de leurs proches. Ils se sont rendu compte qu’il était difficile de faire parvenir de la parapharmacie, un cadeau au sein de l’hôpital. Fort de cette idée, ils ont proposé dans un premier temps d’installer un guichet pour permettre aux personnes hospitalisées sur le site de Sèvres à l’origine et à leurs familles d’accéder à une palette de services. De leur côté, ils ont démarché des prestataires locaux pour voir quels services pouvaient être proposés en chambre. Cela a commencé par de la pédicurie, service utile aux personnes âgées, la distribution de journaux, la location de tablettes, livraison de journaux et de livres… L’idée est d’apporter dans la chambre ce dont la personne a besoin. Nous étions peu à l’aise dans les services face à des demandes que nous ne savions pas bien gérer comme par exemple une personne âgée qui arrive par les urgences, qui est hospitalisée et n’a pas de trousse de toilette.

Cela devient vite compliqué pour les soignants et les patients étaient déstabilisés. DH : Comment s’est déployé ce service au sein de

l’hôpital ? C.B. – Au départ, c’était un service à la demande.

Pour le personnel, il n’est pas possible de bénéficier des soins de type coiffeur, mais il peut se faire livrer un colis, son pain, des fruits et légumes… On a travaillé sur le panel de services et de biens offerts pour répondre à des besoins ou anticiper des besoins. Certains, comme le lavage de voiture n’ont pas eu d’adeptes. Puis en discutant avec Happytal du modèle économique, nous avons fait évoluer le modèle de façon commune. Ce qui était au départ un simple guichet est devenu une offre intégrée car aujourd’hui un patient hospitalisé au CH4V qui demande une chambre individuelle a automatiquement accès à une carte ca“On a travaillé sur le panel deau qui est un bon de services et de biens d’achat sur la plateofferts pour répondre forme de la conciergerie. Le patient a à des besoins ou aussi accès au service anticiper des besoins.” Happytal s’il est en chambre double ou simple non payante, mais sans la carte cadeau. Au démarrage, nous n’avions pas de flux financiers entre la conciergerie et l’hôpital. Désormais, dans le cadre d’un marché public, le CH4V verse un abonnement mensuel à Happytal et en échange la conciergerie offre un bon cadeau subventionné par l’hôpital à valoir sur ses services. DH : Qu’apporte-t-il aux patients ? C.B. – C’est vraiment un service concret aux

patients avec des commandes de VTC ou taxis à la sortie de l’hôpital, des livraisons. Cela apporte aussi un contact humain. Les concierges passent voir les patients dans leur chambre et les aident à bénéficier de la carte cadeau. Les concierges sont issus d’une formation hôtelière très axée sur la clientèle. C’est une relation qui est appréciée par nos patients. Nous avons travaillé sur le lien avec le service de soins. Faire venir des prestataires dans des services de soins n’est pas évident. Le fait que tout passe par un seul interlocuteur avec des concierges connus des équipes soignantes simplifie la chose, Happytal

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des relations de confiance se sont instaurées. Les concierges savent à quelle heure il est possible de faire une prestation de coiffure, ils se renseignent sur un éventuel rendez-vous. Les concierges arrivent à faire la coordination dans le respect de l’organisation des soins. Nous avons aussi autorisé les livraisons de repas (type sushis) en chambre. Avant nous ne maîtrisions pas les flux, aujourd’hui seul un prestataire vient livrer. Pour éviter les problèmes de compatibilité avec les régimes, il y a toujours dans les services de médecine une validation préalable des soignants. DH : Qu’apporte-t-il au personnel ? C.B. – C’est un plus dans le cadre de la qualité de vie

au travail. Cela permet d’avoir des livraisons de colis sur site, commander du pain, des légumes, amener son linge sale pour le pressing… avec des tarifs comparables aux commerces de proximité voire moins chers car négociés avec des prestataires. Cela facilite la vie du personnel qui travaille souvent en horaires décalés ou sur de grande plage horaire. DH : À quoi sert la carte cadeau ? DH : Y a-t-il des inconvénients ? C.B. – La carte cadeau est délivrée lors de la réserva-

tion d’une chambre individuelle payante et est activée dès le premier jour d’hospitalisation. Le montant est différent en fonction de la durée prévue d’hospitalisation. Elle est valable auprès de la conciergerie. DH : Pour l’hôpital, quels sont les bénéfices d’un

C.B. – Il n’y a pas d’inconvénients, juste une vigi-

lance pour éviter les dérives et il faut veiller à avoir un message clair envers nos patients et en interne. Nous avons réfléchi sur les informations à fournir à un prestataire sans dévoiler le secret médical. Les fichiers transférés à Happytal sont déclarés à la CNIL.

tel service ? DH : Savez-vous si cela va se développer dans d’autres C.B. – Pour l’hôpital, les bénéfices sont à plusieurs

niveaux. Nous avons des bénéfices en termes de satisfaction des patients car on résout des problèmes matériels rencontrés lors d’une hospitalisation de type « achat de couches avant le retour à domicile de bébé »… Cela agrémente le quotidien des patients, la satisfaction des usagers à l’égard d’Happytal est très importante et rejaillit sur l’hôpital. Pour le personnel, c’est une prise en compte des spécificités de leurs conditions de travail en horaires décalés. Il y a un impact organisationnel sur la gestion des petits tracas et une gestion des flux de livraison et de prestataires surtout en période Vigipirate. L’hôpital est également gagnant sur le plan financier car nous avons augmenté les recettes liées aux chambres individuelles avec une adhésion plus grande du service des admissions au principe de la chambre individuelle payante.

hôpitaux ? C.B. – Oui. Nous avons été interrogés et visités

en tant qu’établissement pilote. Ils sont maintenant implantés dans différents hôpitaux d’Île-de-France et sur les Hospices Civils de Lyon. DH : Quelles actions désirez-vous mener à bien dans les mois ou années à venir ? C.B. – Nous avons de nombreux projets. Nous

allons devoir intégrer la notion de GHT et nous travaillons sur des logiques territoriales. Nous avons une réflexion en cours sur la restauration et sur la logistique pour simplifier les livraisons au sein de l’hôpital… Nous réalisons notre deuxième bilan carbone et nous menons une réflexion en termes de performance énergétique, de gestion des déchets.

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Pavillons Laval et Pasteur

Ségolène Lebreton

Catherine lizerand

Retour d’expérience sur un parcours patient traceur innovant :

« le parcours patient ville-hôpital »

© Carole Martin

Entretien avec Ségolène Lebreton, directrice adjointe en charge du pôle

des personnes âgées et Catherine Lizerand, responsable qualité et gestion des risques.

DH MAGAZINE – Pouvez-vous expliquer quel est le

projet que vous avez mis en place cette année ? Ségolène Lebreton – L’idée était de travailler sur un

projet autour de la qualité en partenariat entre l’hôpital et la ville. Nous voulions sortir de la dimension strictement hospitalière pour prendre en compte tout l’amont et l’aval d’une prise en charge d’une personne âgée et en faire un retour d’expérience pour une meilleure coordination des services sanitaires, ambulatoires, sociaux et médico-sociaux. Les personnes âgées sont nombreuses à être reçues aux urgences, en médecine, en chirurgie et dans les nombreux services à orientation gériatrique, de soins de suite et réadaptation (SSR), de long séjour (USLD), d’EHPAD. Elles représentent la moitié de l’activité du CH4V. C’est un public qui présente des problématiques très spécifiques et nous ne pouvons pas nous contenter d’analyser nos pratiques dans l’hôpital si nous voulons avoir une prise en charge

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de qualité. La personne âgée exige une coordination vraiment efficace entre les professionnels d’où l’idée de travailler l’analyse des parcours avec les autres acteurs pour arriver à une meilleure prise en charge. Nous avons repris une méthode de la Haute Autorité de Santé (HAS) nommée Parcours-patient-traceur ville-hôpital et nous l’avons appliquée à deux cas de patients pris en charge. Catherine Lizerand – Nous avons pu vérifier que

la méthodologie fonctionnait en lien avec la HAS et à partir de ces deux cas dégagé des axes d’amélioration. S.L. – L’analyse des parcours a permis de mettre en

lumière des bonnes pratiques qu’il faut valoriser. Elle a également permis de relever l’importance de développer la communication d’informations spécifiques lors des transferts du patient entre professionnels aux besoins différents (médecins, services sociaux, paramédicaux, aide à domicile, etc.). Un bon niveau

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d’échange d’informations ciblées entre professionnels conditionne la qualité de la prise en charge des patients âgés à l’hôpital et au domicile. Les séjours hospitaliers sont de plus en plus courts et nous comptons d’autant plus sur les acteurs de la ville pour qu’ils soient un relais de l’hôpital et à partir de ce constat il est important qu’on travaille avec eux.

voulions développer les méthodologies des parcours patient-traceur comme méthode d’évaluation de pratiques et notre idée commune était de l’appliquer à la ville et à l’hôpital ; un souhait commun avec la Méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (MAIA) du territoire Centre des Hauts-de-Seine.

C.L. – Les personnes âgées relevant de gériatrie sont

S.L. – Nous avions envie de développer ce type

souvent des personnes vulnérables, qui ne sont pas toujours en état de recevoir ou comprendre toutes les informations ou d’accomplir les tâches seules… Il faut donc prévoir la coordination des aides en fin d’hospitalisation. Nous ne pouvons pas faire une simple ordonnance, il faut savoir qui va aller à la pharmacie chercher les médicaments, qui va les préparer, les donner. Il faut trouver le compromis entre préserver l’autonomie et prévenir les risques.

de méthodologie d’évaluation de pratiques et en parallèle, nous avions à cœur de développer les partenariats avec les partenaires du territoire, de plus, nous avons de bonnes relations avec ces différents partenaires dont la MAIA 92. Nous participions déjà aux tables tactiques, aux groupes de travail… Ils nous ont donc demandé de participer. Ils sont bien implantés dans la ville, connaissent certains acteurs, suivent des personnes âgées cela nous a permis de porter le projet efficacement. Nous avons choisi ensemble deux patients ayant une situation complexe et ayant fait de nombreux allers et retours dans les différents services du CH4V. DH : Quels ont été les points clés du projet ? C.L. – Nous avons bien défini la méthodologie et

la personne en charge du projet pour la MAIA 92 Centre était en contact avec la HAS. Nous avons travaillé les grilles d’interviews, puis sur l’organisation pratique. Nous avons choisi les deux patients en fonction de nombreux critères. Nous avons fait valider le projet en comité de pilotage qualité à l’hôpital afin de savoir qui voulait participer et comment nous allions pouvoir dérouler les analyses. Une réunion de travail a ensuite été organisée pour chaque patient avec les personnels qui étaient intervenus dans le parcours pour analyser le dossier. C.L. – Nous avons noté les points positifs et les points S.L. – Ce qui est intéressant dans cette méthode HAS, c’est que l’usager est partie prenante, il donne son consentement éclairé ainsi que son proche aidant. Ils sont vraiment inclus dans l’analyse et cela permet de bien comprendre qu’il y a un point de vue complémentaire entre professionnels et usagers. DH : Comment avez-vous pu le mettre en place ? C.L. – Nous avions déjà la volonté commune de le

mettre en place. Nous avons une certification dont la visite arrive à échéance fin 2017 dans laquelle nous

à améliorer pour chaque phase du déroulé du parcours. Un travail similaire a été fait par la chargée de projet MAIA avec les acteurs de la ville. Les patients et leurs proches aidants ont également été interrogés sur leur point de vue sur la prise en charge. Puis, une réunion commune de synthèse a eu lieu début juillet avec tous les acteurs de l’hôpital et les acteurs de la ville afin d’établir un plan d’actions. DH : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ? S.L. – La principale difficulté est d’avoir la souplesse nécessaire pour réussir à rencontrer l’ensemble des 45 acteurs sans dénaturer la méthode et notamment

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de toucher les acteurs libéraux qui ont une organisation de travail qui ne permet pas de se détacher beaucoup de temps. Nous avons réussi à avoir leurs avis et éléments.

Résidence Lelégard

C.L. – Cela nous a pris énormément de temps avec beaucoup de personnes. Les interviews des patients n’ont pas été aisées. S.L. – Les acteurs des différents secteurs sanitaires,

sociaux et médico-sociaux n’avaient pas toujours le même vocabulaire professionnel, il a fallu faire un effort permanent de clarté dans la communication. DH : Comment y avez-vous fait face ? C.L. – Nous avons fait preuve de souplesse et l’aide

de la MAIA 92 Centre pour la prise de contact avec les patients et acteurs de la ville a été précieuse. S.L. – Le projet était porté par le service qualité ce

qui était un gage de sérieux et par la direction du CH4V ce qui valorisait le projet institutionnellement. DH : Quelle est la prochaine étape de ce projet ? S.L. : Dans les semaines à venir nous allons communiquer le plan d’actions pour pouvoir le mettre en œuvre efficacement. C.L. – Nous allons le présenter aux instances de l’hôpital en octobre. Nous avons déjà commencé à regarder comment nous pouvons faire évoluer concrètement les choses. S.L. – Nous allons faire évoluer notre dossier patient

pour prendre en compte la dimension sociale, les aides… Un groupe de travail du côté MAIA va être mis en place pour organiser les sorties d’hospitalisations avec les partenaires de la ville. C.L. – Puis nous analyserons probablement d’autres cas. S.L. – Dans le cadre du GHT 92 Centre, il y a

une forte proportion de gérontologie, nous allons travailler avec d’autres hôpitaux, ce qui permettra peut-être de mettre en place d’autres parcours et comprendre pourquoi certains patients sont hospitalisés sur différents sites. Ce serait un projet intéressant en matière de service rendu aux personnes âgées hospitalisées sur le territoire. Photos fournies par le Centre Hospitalier des 4 Villes Résidence Jean Rostand

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REPORTAGE

Certification des Comptes, Maillage de territoire et Télémédecine au Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse PAR Julien Talani

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La modernisation du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse en chiffres : Investissements importants : - Réalisés depuis 2011 : Bâtiment administratif livré en 2011 (5,3 millions d’€), première tranche du projet immobilier, permettant l’extension du bâtiment principal (Pôle Médico Technique Logistique et Energies). - De 2012 à 2015 : Chantier du PMTLE, réceptionné en 2015, pour un montant total de 72 millions d’€ TTC

- En 2015 : mise en chantier du bâtiment neuf USLD / USP / MMG (projet de 20 millions d’€). - A partir de 2016 : Réhabilitation de l’hôpital Fleyriat sur 2016 / 2020, pour un montant de 84,6 millions d’€ - livraison du projet USLD mi 2017.

Bourg-en-Bresse

- SSR : environ 35 millions d’€ dont presque 17 millions pour le Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse.

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CH Haute-Ville

Corinne Krencker

Poursuivre le maillage du territoire Bresse Haut-Bugey :

une question d’avenir.

Pour affirmer son positionnement dans le département de l’Ain, et anti-

ciper (plutôt que subir) les réformes du système de santé, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, hôpital support du GHT Bresse Haut-Bugey, se modernise et repense son projet médical à l’échelle de son territoire. Pour cela, il a entrepris de grands travaux et favorise la concertation et l’échange. Même si ça n’est pas simple, sur un territoire étendu, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse développe une action en réseau avec ses partenaires et travaille à la réorganisation de chaque filière. Le but étant toujours d’offrir une prise en charge de qualité, tout en faisant face au contexte particulier de vieillissement de la population auquel est confrontée la région Auvergne-Rhône-Alpes. Corinne Krencker, directrice du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse depuis août 2014, nous explique comment ces récents investissements répondent au défi perpétuel du : « tout pour tout le monde ; mais pas tout partout » et favorisent le maillage médical du territoire du Haut-Bugey.

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH DE BOURG-EN-BRESSE

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DH MAGAZINE – En tant que responsable de l’établissement référent du GHT Haut-Bugey, quel diagnostic avez-vous fait à votre prise de poste ?

DH : De quel « grand mouvement de modernisation » parlez-vous ?

Corinne Krencker – Je suis arrivée à la tête du

trois grands projets. D’abord, la construction d’un Pôle Médico-Technique Logistique et Energie, comprenant de nouveaux blocs opératoires, les services : urgences - SMUR, pharmacie, stérilisation, blocs opératoires, endoscopies, néphrologie-dialyse-endocrinologie, cuisine centrale/restauration du personnel, magasins, services logistiques généraux. Ce PMTLE a été livré en septembre 2015 (72 millions d’euros).

centre hospitalier de Bourg-en-Bresse avec, entre autres missions, celle d’assumer la coordination et la cohérence d’un projet médical commun aux établissements de santé du GHT*. J’ai trouvé des centres hospitaliers et des EHPAD en bonne santé. Avec de nombreux projets qu’il fallait faire entrer en résonance. L’Ain est un grand territoire. Pour donner des perspectives à une direction commune et au GHT, il a fallu composer avec une offre de soins et des structures géographiquement éparpillées. Le diagnostic était clair : il fallait donner du sens à notre projet médical commun et trouver des complémentarités entre nous. Équipes médicales et de direction ont travaillé en concertation pour œuvrer dans ce sens. Les premiers succès sont là avec : l’identification de projets de soins et d’expertise à mettre en œuvre, la mise en place d’équipes mobiles, le développement de la télémédecine. Et ils confirment tout notre potentiel commun. DH : Retrouver cette cohérence implique nécessaire-

ment au Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse de se restructurer en profondeur. Comment cela se traduit-il ? C.K. – Le Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse

s’est engagé dans un grand mouvement de modernisation, au service de ses usagers et au bénéfice de ses professionnels bien avant la mise en place du GHT. Cette démarche se traduit par la modernisation de ses infrastructures et de ses outils de production. Par la volonté de s’ouvrir davantage vers l’extérieur. Le CHB s’inscrit résolument dans une démarche de développement de ses activités et du déploiement de celles-ci sur l’ensemble du territoire. Grâce notamment à ses équipes mobiles. Il prend le virage ambulatoire et optimise ses organisations. Il s’ouvre à l’extérieur dans une démarche de partenariat et de coopération. La perspective du G.H.T lui permet de repenser son offre de soins. De la graduer en fonctions des compétences de ses nouveaux partenaires. Dans un esprit de coopération et de développement de l’expertise médicale. Le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse s’implique, avec la Ville de Bourg-en-Bresse, dans le cadre du « contrat local de santé », pour participer à une réponse médicale de proximité dans la politique de santé territoriale.

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C.K. – Au sens des travaux entrepris, on distingue

Ensuite a débuté la rénovation complète du bâtiment principal de Fleyriat (pour un montant de 84,6 millions d’euros), visant à améliorer le confort hôtelier et optimiser les prises en charge. Ces outils seront complétés par la construction d’un bâtiment « unités de soins longue durée » (USLD) (livraison mi 2017), pour permettre l’intégration des services de l’Hôtel Dieu sur le site de Fleyriat, dans un bâtiment totalement neuf et adapté. Par ailleurs, en lien direct avec la restructuration du plateau d’Hauteville (transfert des lits ORSAC du site ORCET MANGINI d’Hauteville), nous travaillons avec l’ORSAC d’Hauteville (association pour l’organisation pour la santé et l’accueil) à la construction d’un établissement de prise en charge des soins de suite et de réadaptation, à proximité des structures de court séjour. Ce projet de 140 lits au total (80 lits CHB et 60 lits ORSAC + 17 places HTP CHB et 25 places HTP ORSAC) est en phase de pré-programmation.

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DH : Que va permettre cette modernisation ? C.K. – Cette modernisation est une chance pour notre territoire de santé ; il va disposer d’un hôpital référent doté de moyens architecturaux, techniques et biomédicaux parmi les plus performants. Un hôpital qui se modernise c’est toujours un outil de production qui devient plus attractif pour les professionnels, et de meilleure qualité pour les patients. Mais cette modernisation implique que l’on se penche aussi sur la réorganisation des activités médicales selon des logiques de filières médicales cohérentes, pour favoriser des prises en charge plus efficientes (synergies médicales et soignantes, développement de l’ambulatoire…). DH : En effet, cette modernisation « matérielle » apparaît nécessaire mais sera-t-elle suffisante ? C.K. – Cette seule modernisation technique ne devra pas se substituer à des interactions fortes entre les différents sites du GHT. Elle doit justement permettre de clarifier le rôle de chaque établissement dans l’offre de soin du GHT. De bien redéfinir le « qui fait quoi ». Repenser les spécialités de chacun nécessite un vrai travail de fond. Il faut rendre l’offre de soin le plus « lisible » possible. Identifier les filières les unes par rapport aux autres et leur permettre d’interagir dans la souplesse et l’efficacité. C’est ce que nous faisons déjà très clairement en SSR. DH : Pourquoi et comment garantir ces interactions, sur un territoire où les établissements sont « éparpillés » ? C.K. – Nous rapprochons le plus possible nos équipes sur le terrain, pour développer une meilleure communication et des projets communs. C’est la seule garantie de mener un projet médical cohérent. L’offre de soin, pour la nouvelle région AuvergneRhône-Alpes, est encadrée par une politique simple. Celle du « tout pour chacun mais pas tout partout ». Cette logique implique, une coordination de tous les acteurs du GHT pour qu’ils développent une vision territoriale de leur offre de soins. L’enjeu est que cette dernière reste graduée et accessible. C’est un vrai challenge, doublé d’une réelle attente de la part de notre patientèle. DH : Concrètement, comment se traduit cette vision

stratégique de gestion des ressources ? C.K. – Certains de nos sites vont se diversifier. Ce sera le cas pour Oyonnax. Cet établissement verra

le retour et le maintien de plusieurs compétences de proximité (cardiologie, gynécologie obstétrique...) ; les prises en charge spécialisées auront toujours lieu à Bourg, le CHU de Lyon continuant d’assurer ses missions d’expertise. D’autres sites, à l’inverse, sont appelés à se spécialiser davantage. Ce sera le cas de celui d’Hauteville par exemple. DH : Pouvez-vous développer le cas particulier du CH

d’Oyonnax qui vient d’intégrer la direction commune et qui est aussi membre du GHT du Haut-Bugey ? C.K. – Notre priorité est de redonner toute sa place à l’hôpital d’Oyonnax au sein du GHT. Il a traversé une mauvais passe financière mais doit être valorisé. Des passerelles seront bientôt effectives entre les centres hospitaliers de Bourg-en-Bresse et d’Oyonnax. Rendant à ce dernier sa vocation d’accueil et de prise en charge de proximité, dans un bassin où la demande est relativement forte et où la patientèle a tendance à s’orienter vers Lyon. Nous travaillons sur la mise en place et la gestion d’une filière MCO commune. D’autres pistes ont été identifiées comme la cancérologie et la cardiologie. DH : Vous évoquiez aussi le CH d’Hauteville ? C.K. – Si Oyonnax doit se diversifier, au contraire,

Hauteville va se spécialiser. De par sa nature et son emplacement, c’est un site un peu excentré, isolé, situé en moyenne montagne, à environ 1100 mètres d’altitude. Ce cadre est propice à une offre de soins et des prises en charge très particulières. Le centre hospitalier d’Hauteville est équipé d’un plateau technique de pointe, dans le domaine très spécifique de la rééducation, en particulier de la rééducation locomotrice. L’enjeu est là, de développer une offre très spécialisée ; cibler un cadre et une expertise qui feront accepter au patient l’éloignement de la structure. Là encore, des plateaux de proximité continueront d’exister dans les autres centres hospitaliers, pour une prise en charge plus classique. Cet environnement exceptionnel est aussi un atout dans les parcours d’addictologie, ou de réadaptation à l’effort par exemple. Le but est toujours de contribuer efficacement au maillage médical de notre territoire, en augmentant, diversifiant et clarifiant notre offre de soin. *(les CH de Pont-de-Vaux, Ain/Val-de-Saône, d’Oyonnax, de Meximieux, le centre hospitalier public d’Hauteville, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ; les EHPAD de Cerdon, Coligny et de Montrevel-en-Bresse).

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Vincent Ory

Résidence Emile Pélicand

Une certification des comptes « sans réserves » pour le centre

hospitalier de Bourg-en-Bresse.

Le Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse est entré pour la première fois,

au titre des comptes 2015, dans le dispositif de certification des comptes, prévu par la loi HPST du 21 juillet 2009 (Hôpital, Patient, Santé et Territoire), pour les établissements de santé publics dont les recettes annuelles excèdent 100 millions d’euros*. Une certification accompagnée sur le terrain par une équipe pluridisciplinaire d’experts financiers et de référents, sous l’égide d’un cabinet d’audit (fiabilisation) puis de commissaires aux comptes (certification). Un gros effort de préparation a conduit le CH de Bourg-en-Bresse à une certification sans réserves de ses comptes (juin 2016). Le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse entend bien partager son expérience avec le CH d’Oyonnax, également concerné ; ce dernier doit effectivement entrer prochainement dans sa phase de « fiabilisation ». Les détails avec le directeur financier Vincent Ory, adjoint du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, et Véronique Mugnier, Attaché d’Administration Hospitalière au service des Finances.

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CH Bourg-en-Bresse

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des comptes ?

pour l’ensemble de l’établissement, en particulier pour les secteurs gestionnaires de crédits.

Vincent Ory – La procédure de certification aux

DH : Il y a aussi un gros travail de synthèse à faire ?

DH MAGAZINE – Que cible la certification

comptes engage un établissement sur six ans avec le même commissaire aux comptes. C’est une appréciation globale des comptes et du bilan d’un exercice, à travers des grands principes de sincérité et de transparence**. Cette procédure, orientée dans le privé vers les investisseurs, se fait dans ce cas plutôt vers l’Etat et l’Assurance maladie. Cela permet de donner une information claire aux tutelles publiques (Ministère, ARS, Département, Région). Mais c’est aussi un signal fort pour les sociétés bancaires qui ont besoin de certitudes quant aux capacités d’emprunt des établissements publics. La loi HPST de 2009 encadre ces grands principes comptables.

trois dossiers doivent être mis à sa disposition : le dossier permanent (données sur l’établissement et son environnement ; données juridiques, sociales, fiscales, budgétaires, comptables et informatiques). Le dossier de clôture (justification des comptes de l’année en cours ; justification des principales variations de soldes ; revue analytique par cycle). Le dossier de contrôle interne comptable et financier (alimenté par les procédures, matrices de contrôle et tests de cheminement). Il a fallu produire ces documents avant d’entamer notre phase de certification.

DH : Une certification aux comptes se prépare ;

DH : Qu’a permis cette période de fiabilisation précé-

pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la phase de « fiabilisation » ?

dant la certification des comptes du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ?

V.O. – en préambule, je souhaite saluer le travail

V.O. – Cette phase cruciale a permis de redéfi-

remarquable de mon prédécesseur, Florent Séverac, qui a structuré efficacement, avec son équipe, la conduite de ce projet. La fiabilisation, c’est la remise à niveau des « process » comptables de l’établissement. Avant le passage des commissaires aux comptes, le Centre Hospitalier de Bourg-enBresse s’est fait accompagner par le cabinet comptable KPMG, pour établir, fin 2013, un diagnostic complet. La direction des finances a pu en tirer un plan d’actions cohérent, pour l’année 2014. Il comprenait cinq grandes phases : le renforcement du contrôle interne comptable et financier, la mise à jour de l’actif, la préparation des écritures correctrices afin de fiabiliser le bilan, la préparation des dossiers de bilan, et la formalisation de la politique de sécurité des systèmes d’information. DH : C’est un très gros travail de fond, comment a-t-il

été mené sur le terrain ? Véronique Mugnier – En plus du directeur-adjoint aux finances et de l’ensemble des agents du service financier mis à contribution, neuf référents internes ont suivi ce projet de mise en « fiabilité ». Afin de formaliser ce contrôle interne, il a fallu passer par : la rédaction de procédures comptables et financières, la création d’une matrice des risques et contrôles et des tests de cheminement permettant de valider ou non les procédures. Ça a été très long mais totalement indispensable. Cette démarche a été très structurante

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V.M. – Lors de la venue du commissaire aux comptes,

nir le « qui fait quoi et comment ». La certification s’intéresse beaucoup à la « réalité économique » des comptes. Au niveau du bilan et du compte de résultats, cela implique de revoir la fiabilité de ses systèmes de gestion ; ceux-ci reposent essentiellement sur l’écriture de procédures et de respect des procédures. Cette nécessité de contrôle interne aboutit à une codification très précise. La « réalité économique » de l’établissement dépend alors d’une chaîne de responsabilités qui permet de séparer les rôles et d’objectiver les pratiques. DH : De quelles « recommandations » le centre hos-

pitalier de Bourg-en-Bresse peut-il faire l’objet puisqu’il est certifié « sans réserves » ? V.O. – L’intervention du commissaire aux comptes, nommé par le conseil de surveillance du centre hospitalier en mai 2015, a débouché sur une certification « sans réserve » (meilleure appréciation possible) et formulait quatre à cinq recommandations. Notamment concernant l’évaluation des stocks déportés au sein des services. Cette dernière a été affinée : les stocks dans les services sont maintenant valorisés dans les comptes ; et non plus uniquement ceux de la pharmacie de l’établissement. Nous avons optimisé la gestion des stocks au sein des services en développant le système « plein-vide ». Nous maîtrisons mieux à présent l’état des stocks en temps réel et pouvons limiter les pertes liés aux stocks dormants.

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DH : Les contrôles ne s’arrêtent pas à la certification ? V.O. – Non. Des contrôles ont lieu à minima une fois par an, justement pour le maintien de cette certification. En 2017, nous saurons si notre certification « sans réserves » est reconduite au titre des comptes 2016. Le verdict sera rendu au printemps. DH : Quel gain pour le centre hospitalier de Bourgen-Bresse ? V.O. – La mise en place de ces procédures res-

ponsabilise tous les acteurs et toutes les directions. Même si ces contrôles impliquent un investissement interne très important, ils introduisent une discipline indispensable. La certification n’est pas qu’un simple document. C’est l’aboutissement de la structuration globale d’un établissement. Certains contrôles ont été ajoutés, d’autres assouplis pour obtenir des comptes les plus fiables possibles. À présent, le plus dur est passé et tout roule à peu près bien. Nous sommes très enthousiastes de suivre ce

processus d’amélioration constante. En particulier, dans un contexte de difficultés récurrentes d’accès à l’emprunt pour les hôpitaux, cette certification est un gage supplémentaire de transparence vis-à-vis des partenaires bancaires. DH : L’expérience de Bourg-en-Bresse servira-t-elle pour les autres établissements du GHT ? V.O. – Absolument. Même si au sein du GHT les autres établissements du GHT ne sont pas visés à ce jour par la certification des comptes, le seuil budgétaire fixé étant de 100 M€, ils pourront s’appuyer sur les procédures et l’organisation du CH de Bourg en Bresse dans leur démarche de qualité comptable. *budget d’exploitation consolidé du Centre Hospitalier de Bourg-enBresse : environ 165 millions d’euros. **article 47-2 de la Constitution : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

CH Bourg-en-Bresse

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CH Pont-de-Vaux

À l’Hôpital de Pont-de-Vaux :

gain de temps et d’efficacité grâce à la télémédecine

Dans le cadre d’un appel à projet de l’ARS Rhône-Alpes (avant fusion

avec ARS Auvergne), relayé par cinq filières gérontologiques du territoire, le Centre Hospitalier de Pont-de-Vaux expérimente depuis plus d’un an (octobre 2015), le déploiement de la télémédecine en EHPAD, pour la filière gérontologique des Pays de l’Ain. Un outil d’avenir qui souffrirait encore de quelques ajustements. Le point avec le docteur Hervé Buatier pour le centre hospitalier Michel Poisat (Pont-de-Vaux).

DH MAGAZINE – Pourriez-vous vous présenter à

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nos lecteurs ?

DH : Pourquoi faut-il selon vous « numériser » la filière gérontologique ?

Hervé Buatier – Je suis Hervé Buatier, médecin

H.B. – Les outils de télémédecine sont de véritables

responsable du « court-séjour gériatrique » au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse. J’interviens aussi sur l’EHPAD de Pont-de-Vaux et coordonne la mise en place de la télémédecine dans cette structure. Je suis co-animateur de la filière gérontologique des Pays de l’Ain.

leviers pour « fluidifier » et mieux « coordonner » le parcours de soins de la personne âgée en perte d’autonomie. C’est toute l’ambition que se donne l’action gérontologique. En outre, cette innovation peut enrayer la désertification médicale, en offrant des outils pertinents à la médecine de ville qui intervient au sein de l’EHPAD.

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DH : Pourquoi les EHPAD sont-elles des structures

particulièrement adaptées à la mise en place de la télémédecine ? H.B. – Les objectifs visés par le déploiement de la

télémédecine au sein des EHPAD font consensus*. Ils permettent d’améliorer le confort de prise en charge des résidents, en limitant les déplacements sources de risques iatrogènes, d’inconfort et de désorientation. Ils permettent de garantir la réactivité de prise en charge et la continuité des soins ; d’éviter l’engorgement des urgences ; de faciliter l’accès à l’expertise et aux spécialités médicales et paramédicales ; d’améliorer la coordination avec le monde libéral et, in fine, d’améliorer l’attractivité des EHPAD. DH : Comment est arrivée la télémédecine au Centre

les initiatives de collaborations inter-établissements. L’EHPAD de Pont-de-Vaux se rapproche de spécialités et d’expertises accessibles sur le centre hospitalier de référence du GHT Bresse Haut-Bugey (Centre hospitalier de Bourg-en-Bresse). Dans cette perspective, un double partenariat a été lancé, entre l’EHPAD de Pont de Vaux et les équipes mobiles d’Accompagnement en Soins Palliatifs (EMASP) et de Gériatrie (EMG) du Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse. Il s’agit donc là de télé-expertises au cours desquelles l’équipe mobile émet un avis de prise en charge, sur soumission de cas. Ces échanges permettent de rompre l’isolement des équipes de l’EHPAD et de les conforter, la plupart du temps, dans leurs choix de prise en charge.

Hospitalier de Pont-de-Vaux ?

DH : Concrètement, comment ça marche et avec quels moyens ?

H.B. – Des expériences de télémédecine ont été

H.B. – Les équipes soignantes de l’EHPAD et les

menées pour améliorer l’attractivité de l’EHPAD et lutter contre la désertification médicale. La télémédecine a rempli son rôle de « facilitateur » de l’exercice professionnel libéral en EHPAD et elle améliore la réactivité et de la continuité de prise en charge des résidents. Le projet s’est appuyé sur une réflexion pluridisciplinaire. Nous avions besoin de connaître, chacun, les limites des autres pour pouvoir dégager des modalités de travail innovantes et communes. Ce travail consultatif a rapidement rencontré un écho favorable, il a concrètement motivé l’expérimentation de la télémédecine qui permet un accès (à distance et sécurisé) du dossier-patient par les médecins de ville. C’est un gain de temps énorme pour les généralistes pour qui j’ai toujours su qu’il fallait simplifier la vie au maximum. DH : Quelle télémédecine a été mise en place au CH

de Pont-de-Vaux ? H.B. – Notre logiciel de soins a donc été externa-

équipes d’experts (EMG et EMASP) se réunissent via la visioconférence autour d’un cas précis. Le dossier est présenté, une discussion s’engage, des conseils sont donnés. L’avis, au final, fait l’objet d’un rapport. Nous nous sommes fixés au moins une télé-expertise par mois ; pour ne pas perdre la main et continuer de développer ces échanges. Au niveau des moyens, le déploiement de la télémédecine sur l’EPHAD de Pont-de-Vaux représente une enveloppe d’environ 80 euros par résident. Soit près de 14 000 euros. Ce financement est accordé aux EHPAD expérimentateurs par l’ARS, au titre du Fonds d’Intervention Régional, pour rémunérer les prestations à l’acte. DH : Quel est le but de cette expérimentation ? H.B. – L’expérimentation doit être envisagée comme

le moyen de définir les situations pertinentes de recours aux actes de télémédecine et de modéliser leur financement, en vue d’une généralisation à l’ensemble des EHPAD. Elle permet aussi de valoriser le partenariat solide qui lie le centre Hospitalier de Pont-de-Vaux et le centre Hospitalier de Bourg-enBresse ; chacun ayant à apporter sa contribution au bénéfice des résidents.

lisé ; les médecins traitants y ont désormais accès et peuvent consulter à distance les dossiers de leurs patients dans leur cabinet. Ils peuvent ainsi réaliser des actes qui ne nécessitent pas de venir voir directement le patient : le cas typique est celui d’un ajustement thérapeutique au vu de résultats para-cliniques prescrits lors d’une visite.

DH : Quels sont les premiers constats liés au déploiement de la télémédecine et de la télé-expertise ?

DH : Qu’en est-il de la télé-expertise ?

H.B. – Quelques praticiens se montrent encore

H.B. – Elle découle naturellement du déploiement

de la télémédecine ; qui encourage effectivement

réticents. La télémédecine n’est pas encore complètement entrée dans les mœurs. Et peut rapidement être parasitée car elle dépend beaucoup de facteurs

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CH Pont-de-Vaux

techniques (état des connexions, des transmissions, etc.). C’est une question de temps et de moyens. DH : Quels projets pourraient voir le jour autour de la télé-expertise et télémédecine au centre hospitalier de Pont-de-Vaux ? H.B. – Nous pensons qu’il serait pertinent de déve-

lopper la télémédecine sur d’autres canaux, pouvoir par exemple communiquer avec l’équipe mobile psycho-gérontologique, en lien avec les services de psychiatrie du Centre Psychothérapique de l’Ain. En effet, les situations de crise d’origine psychiatrique ne sont pas rares chez le sujet âgé, et la télémédecine permettrait d’avoir un premier avis rapide sur ces situations. Une autre piste consisterait à développer les liens avec les spécialistes des plaies chroniques basés à Bourg-en-Bresse (angiologues) pour une prise en charge, à distance, au chevet du patient, par l’intermédiaire de l’envoi de photos et/ou d’une téléconsultation en direct. DH : Quelles sont les limites du système ? H.B. – Actuellement, la difficulté réside dans la non-

interface des logiciels entre-eux. En effet, chaque acteur a son logiciel propre et ne peut pas utiliser le logiciel de son interlocuteur. Nous voudrions au

moins qu’il existe une interface entre nos bases de données et celles de l’ARS, pour gagner du temps lors de la mise en ligne des dossiers-patients. Pour l’instant, nous utilisons trois logiciels différents, celui de chaque interlocuteur et celui de l’ARS pour la télé-expertise (Covotem). C’est beaucoup trop fastidieux, et même insensé à l’ère numérique. C’est la problématique du Dossier Patient Commun qui n’est toujours pas résolue. * décret 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine

La filière gérontologique du Centre Hospitalier de Pont-de-Vaux en chiffres : Le Centre Hospitalier de Pont de Vaux comporte : 207 lits dont 15 lits de médecine, 20 lits de soins de suite et de réadaptation, une consultation mémoire avancée et 172 lits d’EHPAD. C’est l’ex-hôpital local. Le centre hospitalier de Pont-de-Vaux compte 6 services d’EHPAD différents, avec 1 pôle d’Activités et de Soins Adaptés de 12 places par jour. Parmi ses 6 services d’EHPAD, l’établissement compte un service d’Unité de vie protégée dédié à la prise en charge de résidents atteints de maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées de 24 places et d’un service de 30 places dédié à la prise en charge de résidents en grande perte d’autonomie (GIR 1/2 ). © Crédit photo : Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse

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REPORTAGE

De la stratégie de rapprochement avec le CHU de Reims Reportage réalisé en septembre 2016

PAR Julien Talani

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Quelques chiffres : Capacité totale MCO / SSR : 324 lits + 26 places (10 MCO + 26 SSR)

Châlons en Champagne

EHPAD : 226 LITS USLD : 30 lits

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH DE CHALONS-EN-CHAMPAGNE

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REMERCIEMENTS SARL AMBULANCES TAXIS DE LA MOIVRE Ambulances VSL, Transport assis, TPMR. ZI de la Fontaine 51300 THIEBLEMONT - FAREMONT www.ambulances-taxis-de-la-moivre.com 96

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Danielle Herbelet

Michel Aumersier

En route vers le

Groupement Hospitalier de Champagne et son projet médical partagé

Centre hospitalier de Chalons-en-Champagne

E ntretien avec Danielle Herbelet, Directrice et Michel Aumersier, Président de la CME.

Dans un contexte socio-démographique délicat, le Centre Hospitalier de Châlonsen-Champagne a fait le pari de l’avenir et a su saisir l’opportunité d’un rapprochement avec le CHU de Reims, acté par la signature d’un protocole en mai 2015. Depuis, il a transformé l’essai : temps médicaux partagés, mutualisation des moyens, filières de soins coordonnées lui permettent non seulement d’affirmer son rôle d’hôpital de proximité pour la population de son bassin de vie, mais également de renforcer son attractivité en développant de nouvelles activités. DH Magazine vous présente ces projets innovants, fruit d’un beau travail de coopération entre les équipes en interne et le CHU de Reims.

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DH MAGAZINE – Pouvez-vous nous décrire le

contexte socio-démographique dans lequel la démarche de coopération entre le Centre Hospitalier de Châlonsen-Champagne et le Centre Hospitalier Universitaire de Reims a été entreprise ? Danielle Herbelet – La région s’est désindustrialisée et la population est vieillissante. Il y a une véritable concurrence du privé pour la chirurgie et le SSR. Dès mon arrivée en mars 2014, nous avions, avec le président de la CME, la volonté de nous rapprocher du CHU de Reims et d’établir un partenariat fort. Quelques mois plus tard, est survenue l’annonce du départ de la 1re Brigade mécanisée et de la dissolution du 1er Régiment d’artillerie, impliquant la suppression de 1 000 postes de militaires à Châlons. Jusqu’alors Préfecture de région, nous allions aussi devoir nous adapter, dans le contexte de la nouvelle grande région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine. Nous allons rebondir, mais avec le départ des militaires et des fonctionnaires, le bassin de vie va baisser. DH : L’accord stratégique entre le CH et le CHU de Reims a préfiguré le futur Groupement Hospitalier de Territoire Marne Sud Ardennes (*). Le protocole a été signé le 5 mai 2015. Quelles sont ses applications concrètes ? D.H. – L’hôpital de Châlons-en-Champagne est un établissement de proximité du territoire de santé, avec un recours au CHU de Reims dans le cadre des filières de soins. L’accord a donné lieu à la mise en place des fédérations médicales interhospitalières, avec des temps médicaux partagés (praticiens hospitaliers et personnel médical) selon les

besoins par spécialité, pour coordonner les parcours de soins des patients. M.A. – Quelques exemples. Pour l’ORL, un profes-

seur de Reims vient une fois par semaine en consultation et opérer dans nos murs la thyroïde et les tumeurs cancéreuses. En Médecine Physique et de Réadaptation, deux praticiens du CHU sont présents deux fois par semaine et ont construit un hôpital de jour - il a ouvert le 2 novembre 2015 avec 10 places et nous avons, en moyenne, 16 patients par jour. En rhumatologie, deux médecins du CHU effectuent des consultations avancées sur le territoire car nous n’avions plus cette spécialité à Châlons même dans le secteur libéral. D.H. – En pédiatrie, c’est l’inverse ! Nous avons recruté un médecin et c’est lui qui est mis à la disposition du CHU de Reims. La 2e étape du protocole, que nous développons actuellement, concerne la cardiologie, la pneumologie, l’urologie, l’hépatogastro, la neurochirurgie et la chirurgie. La 3e étape déroulera toutes les spécialités. Au niveau de la méthode, nous mettons directement les personnes concernées autour de la table, cela nous fait gagner du temps. Nous réunissons dans un premier temps les directions et les présidents de CME des deux établissements, puis nous organisons une deuxième rencontre avec les chefs de pôle et d’Unité. DH : Envisagez-vous une mutualisation du plateau technique pour la biologie médicale comme c’est souvent le cas ? D.H. – Nous allons en effet coopérer avec le CHU

Reims et le CH d’Epernay dans le cadre d’un projet de laboratoire multi-sites qui verra le jour en septembre 2017. Nous garderons donc un site d’urgence et de proximité. Nous continuerons la démarche d’accréditation seule, nous en sommes obligés, tout comme Epernay, afin d’avancer dans le processus en attendant la mise en place officielle de ce laboratoire commun. DH : En quoi ce rapprochement avec le CHU de Reims

est-il une opportunité pour vous ? D.H. – Nous voulons continuer de remplir notre

rôle de proximité pour les personnes de notre bassin de vie et assurer une meilleure qualité de prise en charge avec le label universitaire. Un ophtalmologue va bientôt partir, et nous aurons besoin du CHU Bâtiment de Médecine de Spécialité

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pour maintenir l’activité. En quelque sorte, nous assurons les arrières. Historiquement, les hôpitaux sont en concurrence, c’est un non-sens économique de poursuivre dans cette voie et les GHT vont permettre d’y remédier en créant une véritable stratégie publique. On va sûrement perdre certaines choses, mais le principal est l’intérêt du malade. Au niveau du recrutement, c’est également un vecteur d’attractivité et de compétence des praticiens hospitaliers.

Bâtiment Les Coquelicots - Intérieur

DH : J’imagine que Reims y trouve également son compte… D.H. – C’est donnant-donnant. Le Centre Hospitalier réaffirme son maillage en se posant comme recours régional public. Pour les praticiens de Reims, c’est également une décharge dans leur agenda. Le professeur B., qui intervient régulièrement à Châlons, nous confiait qu’il se sentait très utile ici, que l’exercice était moins contraignant et que c’était pour lui une bouffée d’oxygène… DH : Quelles sont les perspectives immédiates du GHT

pour mettre en place toutes ces collaborations ? D.H. – Il a fallu adapter rapidement nos outils de communication. Cela tombait bien car nous changions, avec Reims, de système d’information et nous avons choisi le même, le logiciel EASILY qui est un produit des Hôpitaux Civils de Lyon, ce qui facilitera les échanges. Le médecin DIM d’Epernay coordonne quant à lui le travail sur l’information médicale et a pris la responsabilité du G.H.T. dans ce domaine.

DH : Quels sont les grands défis de demain pour l’Hôpi-

tal de Châlons-en-Champagne ? D.H. – Notre projet d’établissement se veut perfor-

mant avec l’optimisation de la gestion des ressources pour répondre à nos trois grands défis : - Le défi humain inclut la prise en charge du personnel, des patients, mais aussi des usagers de l’hôpital que l’on oublie parfois. - Le défi qualité et sécurité des soins, à aborder en équipe, avec des filières plus lisibles. - Le défi économique, qui nous demande d’inverser la tendance à la baisse d’activité et de reprendre des parts de marché pour tendre vers l’équilibre budgétaire, sans toucher au malade. DH : Le projet médical d’établissement répond aux orientations du législateur. Pouvez-vous nous détailler les axes forts ? D.H. – Nous voulons rattraper notre retard et développer la médecine ambulatoire : elle existe, mais elle n’est pas individualisée. En chirurgie ambulatoire, nous avons tout de même 7 places et nous passerons à 10 places fin juin 2017. L’objectif est de remplir les lits qui se libèreront. D’une manière générale, notre taux d’occupation n’est pas assez optimisé et nous devons adapter régulièrement la capacité en lits.

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Entrée bâtiment administratif

M.A. – La gestion opérationnelle des ressources -

« le bon malade au bon endroit » - va induire une réduction de la DMS. Pour aller dans ce sens, nous souhaitions définir une filière gériatrique et mettre en place une équipe mobile gériatrique en interne et en externe ainsi que la création d’un court séjour gériatrique. Nous comptons également développer l’Hospitalisation à Domicile et changer l’image de marque de l’établissement auprès de la Médecine de Ville. Depuis septembre 2016, l’équipe mobile de gériatrie et le court séjour gériatrique ont été mis en place. DH : D’autres projets d’aménagement sont-ils déjà

programmés ? D.H. – Améliorer l’attractivité de l’hôpital passera aussi par une offre plus lisible qui facilite l’accueil des usagers avec des bâtiments dédiés. Nous allons rapprocher la néonatalité du service obstétrique pour constituer un pôle Mère-Enfant. Cela peut sembler étrange, mais ces deux services se trouvent actuellement dans des bâtiments éloignés. Nous allons opérer le transfert de la maternité dans le bâtiment de

100

chirurgie en 2018. L’actuel bâtiment de la maternité comprend deux étages dont un va être libéré et sera dédié à l’ambulatoire. Comme celui-ci est ouvert sur l’extérieur, il permettra une marche en avant et une prise en charge immédiate des malades. Nous allons aussi réorganiser le secteur réanimation et surveillance continue avec le projet d’étendre une Unité de surveillance continue polyvalente pour prendre en charge les patients hospitalisés à l’U.H.T. aux Urgences. Pour rénover notre service des Urgences et notamment l’accueil, nous avons déjà obtenu une enveloppe de 500 000 € de l’Agence Régionale de Santé. Les travaux ont commencé et devront se terminer en mars 2017. Enfin, un gros projet médico-social est à l’ordre du jour. Il inclut l’extension de la maison de retraite avec un transfert de 50 lits vers l’E.H.P.A.D. et la création d’une unité d’hébergement renforcée de 12 à 14 lits ainsi que l’humanisation de notre bâtiment « Les Coquelicots » pour les personnes âgées dépendantes. (*) le G.H.T. est dénommé G.H.C. « Groupement Hospitalier de Champagne »

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Carte de donneur David Petitpas

Véronique Reiter Chenel

Claire Pionnier

Pour mieux prélever les organes

Rapprochement du Centre Hospitalier avec le CHU de Reims Entretien avec Docteur David Petitpas, médecin référent pour la coordination, Docteur Véronique Reiter Chenel, médecin référent du CHU de Reims et médecin du réseau Champagne-Ardenne de prélèvement d’organes et de tissus, Mme Claire Pionnier, IDE référente coordination hospitalière. DH MAGAZINE – Le Centre hospitalier de Châlons-

en-Champagne et le CHU de Reims disposent tous deux d’une autorisation de prélèvement d’organes et de tissus. Dans ce contexte, quelles sont les raisons de votre rapprochement avec le CHU ?

volontaires assuraient l’astreinte à tour de rôle. Le volume d’activité à Châlons est moindre. Il pouvait se passer plusieurs mois et même une année sans qu’aucun prélèvement n’ait lieu. Véronique Reiter – En raison de la différence de

David Petitpas – L’activité de prélèvement d’organes et de tissus est organisée par l’équipe de coordination hospitalière. Elle requiert des ressources humaines formées en nombre suffisant pour répondre aux sollicitations des Urgences et de la Réanimation en cas d’alerte d’un donneur potentiel. La mutualisation a permis d’associer les compétences de deux équipes à faible effectif. Claire Pionnier – Avant, j’étais la seule infirmière à

temps dédié sur Châlons et quatre autres personnes

type d’établissement, le volume de prélèvements est disparate entre Reims et Châlons. L’objectif de la mutualisation est de professionnaliser l’activité, de former une équipe d’experts disponibles sur un vaste bassin de population entre Châlons et Reims, capable de gérer les prélèvements de façon optimale. Il y a tellement de choses sur lesquels il faut être vigilant : les procédures, les normes, les lois… Il est évident que, plus on pratique, plus on gagne en expertise. La mutualisation s’inscrit dans une démarche qualité et dans une démarche de gestion des risques.

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Signature Mutualisation Coordination Hospitalière Châlons Reims

DH : Comment cette mutualisation a-t-elle pu être envisagée ?

DH : Il n’y a donc pas que l’aspect financier qui a motivé

ce rapprochement. D.P. – Il y avait probablement un intérêt financier de la part de la direction mais il n’a jamais été exprimé. Le rapprochement ne s’est pas fait dans un souci économique mais pour améliorer l’offre de soins et montrer que le CH était capable de le faire. Ce rapprochement entre parfaitement dans une politique de territoire de santé et aidera à la certification et à l’accréditation par la suite. V. R. – L’évaluation financière fera partie de l’évalua-

tion globale prévue par les directions après un an de fonctionnement. DH : Les deux équipes se sont liées par convention le 28 septembre 2015 en présence de l’Agence de la biomédecine. Cette signature n’a fait qu’acter le processus de mutualisation des ressources humaines déjà opérationnel depuis la rentrée. Concrètement, qu’est-ce qui a changé ? V. R. – Les deux équipes sont capables d’officier quel

que soit le site. En démultipliant les actions engagées par les coordinations, l’activité des deux sites est améliorée. Une seule ligne d’astreinte est assurée, ce qui facilite la continuité de la prise en charge. C.P. – Je me rends une fois par semaine à Reims et

une infirmière de Reims vient à Châlons en mon absence. Notre fonction ne se limite pas à la réactivité en cas de donneur, il y a également un travail de fond de la coordination. V.R. – Il s’agit d’un des rares cas en France de mutua-

lisation entre deux établissements autorisés sur les deux types de fonction : astreinte et administratif. C’est aussi la première mutualisation paramédicale entre Châlons en Champagne et Reims.

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V.R. – La mutualisation des coordinations hospitalières entre les deux établissements a été rendue possible grâce à l’adhésion des équipes et à l’implication et au soutien des directions. Ce projet est envisagé depuis 2012. Les réticences initiales des professionnels à travailler sur un autre site - Châlons est distant de Reims de 50 km, avec des personnes et des méthodes différentes, ont été progressivement levées grâce à un accompagnement, une écoute et un cheminement communs. La première réunion officielle s’est déroulée le 14 novembre 2014, les choses sont finalement allées assez vite. Des liens avaient été créés de longue date par le travail en réseau Champagne-Ardenne de prélèvement. DH : L’existence de procédures, de protocoles et d’outils qualité communs au réseau Champagne-Ardenne de prélèvement d’organes et de tissus a également facilité sa mise en place. Pouvez-vous nous parler de ce réseau et de ses différentes actions ? V.R. – Le réseau Champagne-Ardenne a été créé

en novembre 2000 avec, au départ, uniquement les établissements autorisés au prélèvement. Depuis 2009, une convention a fait entrer de façon officielle les établissements non autorisés. Chaque quadrimestre, nous organisons des réunions et, dans ce cadre-là, nous travaillons sur le réseau de proximité. Nous avons par exemple établi une cartographie de la gestion des risques au sein du réseau. L’équipe de coordination mutualisée assure non seulement l’activité sur les deux sites mais aussi sur les établissements de santé non autorisés de leurs réseaux de proximité. DH : Quels vont être les bénéfices de la mutualisation

pour le personnel et pour les patients ? D.P. – La mutualisation a pour objectif d’optimiser le

recensement des donneurs potentiels et d’augmenter les prélèvements. Quand un patient est un donneur potentiel, l’unité de temps n’est pas complètement contrôlée. L’expertise de l’équipe va permettre d’améliorer l’efficience de la prise en charge, et donc la qualité des greffons au bénéfice des patients en attente de greffe. C.P. – Cela m’apporte un enrichissement personnel

et professionnel car le Centre Hospitalier et le CHU ne fonctionnent pas de la même façon. Quand on pratique régulièrement, le facteur stress disparaît.

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Centre Hospitalier

Barbara Taillière

Hervé Grulet

Nicolas Pinoteau

Du poids à la chirurgie

Une histoire d’équipes avec le CHU de Reims

E ntretien avec : Docteur Hervé Grulet, praticien hospitalier à temps

plein, responsable de l’Unité d’Endocrinologie, Diabétologie, Nutrition; Docteur Nicolas Pinoteau, praticien hospitalier temps plein en Chirurgie Générale et Digestive; Docteur Barbara Taillière, praticien contractuel à temps partiel en E.D.N., spécialiste en nutrition, en activité partagée avec le Centre Hospitalier Universitaire de Reims. Objectif : 20 à 30 chirurgies envisagées par an.

DH MAGAZINE – Pourquoi avoir choisi de mettre en

Nicolas Pinoteau – Il y avait déjà une prise en charge

place une filière de chirurgie bariatrique à destination des patients obèses et diabétiques ?

médicale du diabète et de l’obésité à Châlons, et surtout une vraie demande de proposition chirurgicale car il existe peu d’offres publiques de chirurgie bariatrique dans la région. L’hôpital opérait quelques personnes, mais le suivi n’était pas organisé.

Hervé Grulet – Nous devons faire face à un nouveau problème de santé. L’obésité et le diabète sont deux pathologies prépondérantes sur notre territoire. La précarité sur le bassin de vie explique sa 2ème place sur le plan national, après le Nord-Pas-de-Calais. La création d’une filière de chirurgie bariatrique répond aux recommandations de l’HAS.

H.G. – Nous avons fait le choix de nous adosser à un

centre de référence pour pratiquer la chirurgie bariatrique pour les personnes atteintes d’obésité morbide. Elle concerne de surcroît beaucoup de patients jeunes

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et fragiles. C’est une offre nouvelle, fruit d’une collaboration avec le CSO (centre spécialisé de l’obésité) du CHU de Reims. Avant, ces patients se rendaient directement au CHU ou bien en clinique. DH : En quoi la chirurgie bariatrique se prête-elle particulièrement bien à la mise en place d’une filière ? H.G. – L’obésité est une maladie chronique aux

origines pluri-factorielles. La chirurgie est un moyen d’aider le patient à perdre du poids, mais ce n’est en rien une solution miracle. Barbara Taillière – Afin d’obtenir des résultats

durables, un suivi au long cours doit être instauré avant et après l’opération. La chirurgie bariatrique s’inscrit dans un parcours de soins coordonnés. Toute la prise en charge pré-chirurgicale et le suivi post-chirurgical seront réalisés sur site par une équipe pluridisciplinaire. J’interviens auprès du patient avec le médecin spécialiste, le chirurgien, une diététicienne, une éducatrice médico sportive, et la structure trans-

versale d’éducation thérapeutique ; parfois, le malade bénéficie également d’un suivi psychologique. H.G. – Tous les intervenants de cette filière seront

formés à l’éducation thérapeutique. Le Dr Taillière est là pour faire le lien. Le suivi médical et diététique avant l’intervention est primordial. B.T. – La plupart du temps, les patients qui consultent en vue d’une prise en charge chirurgicale sont orientés par le Dr Pinoteau. J’effectue ce suivi de 6 mois minimum à un an à Châlons pour les aider à modifier leurs habitudes alimentaires et leur mode de vie. Ils bénéficient d’une évaluation nutritionnelle afin “Tous les intervenants de leur proposer de cette filière seront formés la meilleure technique selon leur à l’éducation thérapeutique.” profil nutritionnel. Ce temps est également utile pour éliminer les contre-indications, qui peuvent être d’ordre médical (antécédents cardiaques par exemple) ou psychologique (avec un risque de décompensation suite à la perte de poids, etc.). Les personnes qui viennent nous voir car « elles en ont assez des régimes et ne souhaitent pas faire d’efforts » ne seront pas orientées vers la chirurgie. Lorsque le patient est prêt, nous procédons à un bilan préopératoire et nous l’orientons vers la technique adaptée. H.G. – Le bénéfice - risque doit être en faveur de

la chirurgie. Un long délai de réflexion doit être respecté car « on ne se fait pas opérer sur un coup de tête ». DH : Certaines opérations vont se dérouler à Châlons

et d’autres à Reims. Comment cela sera-t-il décidé ? B.T. – Lors des Réunions de concertation pluridis-

ciplinaires mensuelles, communes avec le CHU de Reims, auxquelles j’assiste systématiquement, je présente les dossiers des patients châlonnais. Le choix de la chirurgie et du type de technique est fait à ce moment-là, d’où l’importance du suivi antérieur ; cela peut être long à déterminer. N.P. – Il existe deux types de techniques distinctes.

Bloc N° 1

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L’anneau gastrique ou la Sleeve jouent sur un aspect restrictif de l’alimentation. Cette technique est adaptée aux personnes qui mangent trop, tandis que le

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Vue d’ensemble

DH : Et le suivi postopératoire ? N.P. – L’absence complète de suivi postopératoire est la cause de beaucoup d’échecs de chirurgie sur des patients obèses. Les résultats de la chirurgie s’estompent naturellement dans les 2 ans. B.T. – Le double suivi avec le médecin est très impor-

tant pour que les patients ne se retrouvent pas en obésité morbide. Les rendez-vous avec le chirurgien sont fixes. Les rendez-vous nutritionnels peuvent être personnalisés selon le profil du patient. Ils ont lieu au moins quatre fois la 1ère année, avec un bilan en hôpital de jour à Châlons au bout de six mois. DH : Des patients ont-ils déjà été opérés ?

by-pass ajoute une absorption incomplète des aliments à la restriction et est destiné, lui, aux « sweet eaters ». Le choix du lieu de l’intervention pour un patient chalonnais est lié à la technique utilisée. Pour l’instant nous n’employons que la première technique évoquée sur site. En raison du besoin de matériel spécifique, les obésités les plus importantes (audessus de 160 kg) seront confiées au CHU de Reims.

B.T. – Actuellement, une trentaine de patients sont

suivis car la filière vient d’être mise en place. H.G. – Nous avons déposé un programme d’éducation

thérapeutique auprès de l’Agence Régionale de Santé qui a été accepté. En 2016, le Centre Hospitalier a pris en charge 7 patients et trois patients ont été orientés vers le Centre Hospitalier Universitaire de Reims.

Aménagement d’un box de chirurgie ambulatoire

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Stéphanie Decrolière

Naceur Abdelli

Farah Abed Ayed

Patients et soignants, main dans la main

Quand un programme d’éducation thérapeutique inclut des patients ressource Centre Hospitalier

Entretien avec Docteur Naceur Abdelli, responsable de l’unité d’HGE.

Mme Stéphanie Decrolière, cadre de santé, Mme Farah Abed Ayed, patiente ressource.

DH MAGAZINE – Le nouveau programme d’Édu-

cation Thérapeutique du Patient (ETP) de l’hôpital de Châlons-en-Champagne s’adresse aux personnes atteintes de Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales (MICI). Pourquoi l’ETP se prête-t-il bien à ce type de pathologies ? Naceur Abdelli – La maladie de Crohn et la rec-

tocolite hémorragique sont des MICI que l’on peut contrôler, mais dont on ne guérit pas. Maux de ventre, diarrhées, vomissements, ces symptômes représentent un véritable handicap pour les patients atteints. Ces MICI altèrent leur qualité de vie et leurs relations aussi bien au niveau de la vie privée et affective, que de la vie sociale et professionnelle, et peuvent les mener à la dépression. Les patients doivent aussi suivre un régime strict, avec les conséquences nutritionnelles qui en découlent. L’origine de ces maladies chroniques est jusqu’à présent inconnue et leur évolution incertaine. Cette

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maladie se déclare de surcroît chez les jeunes adultes, qui sont en train de construire leur avenir. Une inquiétude pèse sur le patient quant aux possibles interventions, aux solutions invasives... Ils demandent de l’information et un suivi particulier. Jusqu’à présent, la Médecine s’intéressait à la maladie mais pas au patient, l’ETP apporte donc cette plus value consistant à s’intéresser surtout au patient donc à la personne malade. DH : Quel est l’objectif de ce programme d’ETP ? N.A. – L’objectif principal de ce nouveau programme

– mis en œuvre à l’automne 2014 - est d’améliorer la qualité de vie des patients. Aider quelqu’un à assumer une vie normale, c’est quand même le but de la médecine. Ce programme donne au patient l’opportunité d’avoir un espace d’expression. L’incidence des MICI augmente dans les pays occidentaux et de plus en plus de jeunes gens sont touchés. Lorsqu’on les

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Conférence MICI du 19 Mai 2016

suit, on évolue avec eux, on vit leurs histoires, leurs joies, leurs peines. La structure a été montée de toute pièce. Les malades bénéficieront d’une prise en charge transversale et d’un accompagnement par une équipe. Elle aura pour rôle de les éclairer sur la maladie et le traitement et un pouvoir de réassurance pour que leur vie devienne « normale ». Comme pour toutes les maladies chroniques, quand un patient entre dans un processus quasi-linéaire, on ne le regarde plus, alors que sa situation personnelle, elle, évolue. Les éléments de la vie passent au-dessus des médecins : l’ETP va y remédier. Au cours de leur vie, les victimes de MICI ont fré quemment recours aux soins et aux urgences. Le programme va aussi permettre de diminuer les dépenses publiques - nombre de séjours et durée des séjours - en évitant l’usage de soins intempestifs. Il va structurer le parcours patient avec un contact à la demande et une meilleure prise en charge. Le développement des ETP fait d’ailleurs partie des recommandations de la loi HPST. DH : L’hôpital de Châlons-en-Champagne a la chance

d’avoir une Unité Transversale d’Education du Patient (UTEP), ce qui n’est pas le cas de tous les hôpitaux. En quoi le concept d’ETP MICI est-il novateur ? N.A. – Depuis 10 ans, nous disposons en effet d’une

UTEP, avec une équipe de prise en charge transversale des patients agréée par l’ARS. Parallèlement, notre équipe d’HGE est formée de praticiens et de personnels paramédicaux (infirmières, diététiciennes, psychologues) qui s’intéressent beaucoup aux MICI, et nous n’avions pas de programme ETP au sein du CH sur cette spécialité. Enfin, nous suivons un file active importante de patients au niveau de notre centre. Il était donc logique de mettre en place cette activité, et à ma connaissance, il n’existe d’ailleurs pas d’ETP MICI en Champagne-Ardenne. DH : Comment est composée l’équipe de l’ETP MICI ? Stéphanie Decrolière – Elle se compose des médecins de gastroentérologie, du cadre de santé, de deux infirmiers spécialement formés qui interviennent sur leur temps personnel. Nous avons choisi d’y associer 3 patients ressource dès la genèse du projet ainsi que l’Association François Aupetit (AFA). Nous travaillons main dans la main avec l’équipe de professionnels de

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l’UTEP ainsi qu’avec l’équipe du Centre d’Addictologie, dont une diététicienne, une psychologue et une assistante sociale, qui sont ainsi amenées à intervenir. N.A. – Au cours de cette première année de mise

en place, nous allons évaluer le coût du dispositif et demander un financement à l’ARS. DH : Comment les patients concernés rejoignent-ils l’ETP MICI ? S.D. – Une fois le diagnostic de MICI établi, nous

proposons le programme au patient. Le premier entretien est un diagnostic éducatif en individuel orchestré par un membre de l’UTEP en duo avec un(e) infirmier(ère) d’HGE. Ce débriefing conduit à l’élaboration d’un parcours éducatif négocié et personnalisé. En fonction des objectifs définis, des séances individuelles avec le médecin ou l’infirmière d’HGE lui seront proposées. Elles peuvent concerner la prise en charge diététique, psychologique, sociale, le suivi tabagique, etc. En parallèle, des séances collectives, en compagnie de patients experts et de l’Association de malades François Aupetit (AFA) seront organisées sur différents thèmes. Une première réunion avec les 10 premiers patients leur a permis de mieux comprendre leur maladie. N.A. – On prend la personne dans son ensemble

et ses besoins exprimés et ressentis. Il faut mettre en évidence la problématique principale et axer les séances en fonction de cela, d’où l’importance de bien connaître le patient. Cela peut être simplement l’aider à obtenir des toilettes sur son lieu de travail ! Certains patients ne sont pas très à l’aise, on les revoit plus régulièrement. Les séances individuelles sont amenées à évoluer. S.D. – Au niveau des horaires, on s’adapte en propo-

sant plusieurs créneaux. Les séances se déroulent à l’UTEP et ne sont pas facturées au patient puisque le financement de ces programmes se faisant en partie par l’enveloppe FIR ETP que l’hôpital perçoit chaque année par l’ARS mais aussi par une mise à disposition du personnel par la direction de l’établissement afin de répondre aux besoins en ETP de ces patients. DH : Ce projet d’ETP MICI intègre des patients res-

sources, comme Farah Abed Ayed. Madame, comment et pourquoi avez-vous participé ? Farah Abed Ayed – Je suis traitée depuis de nom-

breuses années pour une malade chronique. Lorsque le Dr Abdelli m’a proposé de participer, cela m’a semblé une superbe idée. Quand ma maladie s’est

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déclarée, je n’ai pas pu bénéficier de ce genre de programme, je n’avais personne à qui me confier. Je suis ravie d’apporter mon expérience. Je suis passée par là, je connais les angoisses des patients puisque je les vis. N.A. – Sans aller jusqu’à dire qu’ils la considèrent

comme honteuse, certains patients émettent des réserves par rapport à leur maladie et se tournent vers les médecines parallèles ou le yoga pour se « soigner ». J’ai le souvenir d’une patiente de 16 ans dont la mère était bouleversée et voyait déjà sa fille mourir dés le diagnostic de la maladie. Aujourd’hui, il s’agit d’une jeune maman, qui vit normalement sa vie familiale et professionnelle. Il “On prend la personne existe en effet des dans son ensemble traitements efficaces et ses besoins et des supports nutritionnels adéquats. exprimés et ressentis.” Dans mon bureau, j’ai une collection de photos de bébés nés de patients et patientes atteints de MICI ! C’est une joie immense d’apprendre que nos patients vont mieux et ont une vie normale. DH : Les MICI touchent à l’intime. Vous n’avez pas eu

peur de vous confier ? F.A.A. – Pour bien connaître ma maladie, j’arrive

à en parler. J’ai réussi à dépasser mes craintes. Je vais suivre une formation avec les autres patients experts auprès de l’AFA pour mieux répondre à leurs questions. N.A. – Les patients vont intégrer le groupe dès que

celui-ci sera consolidé, puis ce sera parti pour des années ! Nous-mêmes, personnel médical, nous avons suivi deux journées de formations aux outils pédagogiques de l’ETP puis nous allons nous former pendant 40 h dans le cadre réglementaire pour pouvoir coordonner un groupe ETP. S.D. – Nous avons aussi assisté à Athènes à la pre-

mière conférence mondiale sur l’ETP pour les maladies inflammatoires de l’intestin. DH : Quels sont les premiers retours des patients pou-

vant bénéficier de l’ETP MICI ? N.A. – Une centaine de patients ont été traités depuis

mon arrivée à Châlons en 1996. Les plus anciens ont adhéré naturellement. Une dame m’a pourtant dit

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« qu’elle ne voulait pas faire partie des alcooliques anonymes ». Mon objectif est que 80 % rejoigne le groupe. Parmi ceux qui y prennent part, je suis très surpris par leur capacité intellectuelle à communiquer, à rendre le vécu et à s’entraider. DH : Après la création de cet ETP, qu’auriez-vous

envie de dire aux autres patients ? F.A.A. – J’ai hâte de pouvoir les aider, de leur

prodiguer des conseils sur le quotidien, de les aider socialement, sans prendre la place des médecins bien sûr. J’ai envie de leur dire : « Moi aussi, je suis comme vous, je suis malade, mais est-ce que j’ai l’air malade ? A force de comprendre la maladie, d’anticiper, on peut retrouver une vie normale. Ils nous apprennent beaucoup aussi. Oui on peut se marier. Oui on peut avoir des enfants. Oui, on peut avoir une vie normale avec une MICI ». N.A. – Nous voudrions dire aux gens chez qui la maladie a été diagnostiquée, que leur vie

n’est pas fichue, surtout quand on voit la façon dont les traitements évoluent. Une grande réunion s’est tenue le 19 mai 2016 à Châlons en Champagne lors de la journée nationale des MICI, à destination de tous les professionnels de santé et du grand public. Au cours de cette journée, il a été présenté le programme afin de sensibiliser les collègues à la prise en charge et communiquer avec le public. Nous n’avons pas de chapelle. Nous pouvons prendre dans le groupe des gens de tous les horizons, pour une médecine différente, centrée sur le patient, sa vie quotidienne, son environnement familial, professionnel etc. Ce programme est par ailleurs ouvert aux patients qui ne sont pas pris en charge dans notre centre. C’est une équipe ouverte, qui va œuvrer dans l’intérêt du patient et de son entourage, pour une meilleure compréhension de la maladie et un meilleur bien-être global.

Photos fournies par le Centre Hospitalier de Châlons-en-Champagne

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REPORTAGE

Le Centre Hospitalier du Nord-Mayenne dans le GHT de la Mayenne et du Haut-Anjou Reportage réalisé en octobre 2016

PAR VIRGINIE FACQUET

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BUDGET DU CH 2015-2016 : • Crpp : 74 857 243 € • Crpa : 11 084 737 € • Budget global : 85 941 980 €

- 2015 : 0,3 M€ (travaux irm et travaux écoles) - Soit un total de 1,76 m€

Nombre de lits actifs : 378 et 133 places Nombre de lits d’hébergement : 122 Investissements importants : Réalisés en 2014-2015 : - 2014 : 1,465 M€ (solde travaux reconstruction mco, tunnel de finition blanchisserie, travaux écoles et renouvellement scanner)

Réalisés et prévus en 2015-2016 : - 0,8 M€ (hopital numérique, travaux irm et mise aux normes sécurité incendie ehpad Eau-Vive).

Nord Mayenne

Prévus en 2016-2017 : - 2017 : 1,37 M€ (Implantation d’un site d’auto dialyse en partenariat, désaffectation site Roullois et création hélisurface)

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REMERCIEMENTS 3L MEDICAL Réparation d’instruments chirurgicaux et dentaires 2A Chemin du Gué du Moulin 61000 SAINT GERMAIN DU CORBEIS 3lmedical708@orange.fr

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N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH DE NORD MAYENNE


De gauche à droite : Dr. Magida LIGNEL, Présidente de la CME, Catherine CREUZET, Directrice, et Jean-François DOGUET, Directeur des Soins, de l’IFSI/IFAS et de la Qualité Gestion des Risques.

De nouveaux enjeux

avec la mise en place du GHT DH MAGAZINE – Pouvez-vous me présenter le

Centre Hospitalier du Nord-Mayenne (CHNM) ?

Catherine Creuzet – Le CHNM est un établissement de taille moyenne (650 lits et places) avec des services d’urgences, médecine obstétrique et chirurgie (MCO), des structures de santé mentale, des lits pour personnes âgées et les services de soins infirmiers à domicile et d’hospitalisation à domicile. Nous sommes situés dans le nord du département de la Mayenne, un territoire rural. C’est un hôpital qui concerne 100 000 usagers. DH : Comment se présente le groupement hospitalier

de territoire (GHT) ?

C.C. – Dans la région Pays de la Loire, il a été prévu un GHT par département. Pour le département de la Mayenne, nous sommes sept hôpitaux à avoir signé la convention constitutive dont trois centres hospitaliers (Laval, Mayenne et Haut-Anjou) et quatre hôpitaux locaux répartis sur le pourtour du territoire (Craon-Renazé, Ernée, Évron et Villaines-la-Juhel). Laval a été désigné comme l’établissement support. Notre organisation a pour particularités l’absence de centre hospitalier spécialisé en santé mentale et une forte place des quatre hôpitaux locaux qui sont organisés, coordonnés et très présents dans la discussion. DH : Quels seront les nouveaux enjeux avec la mise en

œuvre du GHT ?

Dr. Magida Lignel – Dans le cadre du GHT, nous travaillons essentiellement sur une organisation plus fine de nos filières de soins, notamment la filière de premier et second recours pour faciliter l’accès aux

soins, et éviter le passage par les urgences en ayant des filières qui permettent un accès aux plateaux techniques par rapport au Pôle santé*, aux médecins de ville et aux hôpitaux de proximité. Nous allons essentiellement travailler sur l’organisation et le projet médical partagé sur la filière urgence, premier recours, second recours, l’organisation de la filière AVC et cardiologie, la filière de la personne âgée, les soins de suite et la mise en commun de la consultation avancée des spécialistes… Ce seront les spécialistes qui se déplaceront près des patients dans un contexte défini. Nous travaillons également sur l’attractivité pour les praticiens souhaitant exercer en Mayenne en créant une collaboration multidisciplinaire. Nous œuvrons pour faciliter l’accès à un service de soins spécialisé à la population de la Mayenne pour une égalité des chances. Rappelons que toutes les conventions mises en place avant le GHT continuent à fonctionner à l’identique. DH : Quel sera l’impact de la mise en œuvre du GHT

sur l’ensemble des ressources humaines ?

C.C. – Nous avons trois principaux enjeux. Nous avons des tensions en démographie médicale et nous allons œuvrer sur un partage équilibré des ressources médicales. L’autre enjeu sera une harmonisation des méthodes et pratiques des équipes soignantes. Le troisième enjeu concerne les équipes administratives, mais dans un premier temps il y aura peu de changements car la première année du GHT est essentiellement consacrée à la préparation du projet médical et du projet de soins. Dans les deux prochaines années, il y aura une révision des organisations notamment avec des directions transversales. C’est déjà en préparation pour la direction

* Le Pôle santé de Mayenne Communauté est en cours de construction. Il réunira environ 40 professionnels de santé. N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH DE NORD MAYENNE

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des achats, le service informatique ainsi que pour la formation et les écoles car une coordination territoriale est déjà en place. D’ici 18 mois, nous aurons une coordination resserrée au niveau des finances. Par ailleurs, la question du regroupement des infrastructures logistiques est posée. M.L. – Sur le plan médical, chaque hôpital garde son corps médical. Notre demande relève plus des spécialités que nous n’avons pas au CHNM nous nous appuierons sur l’hôpital de Laval qui a des “La population est âgée spécialités absentes en nos locaux pour dans le département et il organiser les consulfaut éviter l’hospitalisation tations avancées au niveau des CH ou qui peut être source des hôpitaux locaux. de grabatisation et de Pour l’instant, il n’est désorientation importante.” pas question de mutualiser nos effectifs médicaux. Jean-François Doguet – Au niveau paramédical, nous attendons la finalisation du projet médical partagé et nous allons voir les redistributions et les spécificités si besoin. Nous avons fait un état des lieux des différents métiers, et maintenant il faudra voir en fonction du projet de soins comment se fera leur répartition. Nous continuons l’activité sans changement et attendons la validation du projet médical partagé et du projet de soins. À partir de 2020, nous devrons avoir un compte qualité commun au niveau du GHT. Actuellement, nous ne sommes pas tous au même niveau de certification V2014. Nous allons travailler ensemble et principalement pérenniser les actions mises en place. DH : La création du GHT ne semble pas créer de diffi-

cultés particulières ?

C.C. – Contrairement à d’autres hôpitaux, notre GHT ne se situe pas dans la continuité de la communauté hospitalière de territoire (CHT) qui était construit sur deux départements. Nous mettons en forme un GHT sur la moitié de cette ancienne communauté. Le CH de Laval est en position centrale, elle n’est pas contestée et nous n’avons pas de gros contrastes de taille entre les autres hôpitaux. L’ intérêt de ce GHT est d’essayer d’harmoniser les équipes, les tâches et les missions car chacun d’entre nous est bien implanté dans une portion du territoire et l’existence des hôpitaux locaux autour conforte cette configuration. Cette situation est originale, il existe une répartition harmonieuse des différentes infrastructures et il est important de préserver cet équilibre territorial dans un contexte économique-

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ment et démographiquement délicat. Nous sommes assez vite parvenus à présenter les bases d’un projet médical partagé en nous accordant et en trouvant un équilibre avec les hôpitaux locaux qui drainent une grosse partie de la population et qui sont les interlocuteurs des médecins libéraux : la problématique de la relation ville-hôpital est fondamentale en Mayenne. Il faut préserver cet équilibre à tout prix. M.L. – Dans le cadre de notre GHT, nous avons plus travaillé sur l’optimisation des filières de soins, chaque hôpital gardant ses spécificités et travaillant en complémentarité afin de mieux servir la population. J.F.D. – Nous avions déjà de bonnes relations avec les hôpitaux locaux tant au niveau des urgences que pour la formation car j’y envoie des étudiants en stage. Nous nous connaissons, nous avons l’habitude de travailler ensemble. C.C. – Il faut couvrir le territoire sans disperser les moyens qui ne sont pas pléthoriques. Les autres enjeux seront les moyens de fonctionnement à distance notamment la télémédecine. DH : L’ ambulatoire et l’hospitalisation à domicile se

développent. Allez-vous en ce sens ?

J.F.D. – Nous avons un service de chirurgie ambulatoire très opérationnel, avec une très forte activité, notamment en orthopédie et ORL. Nous avons mis en place l’école du patient qui permet d’anticiper l’hospitalisation en chirurgie ambulatoire. L’ hôpital de jour est plus spécialisé en endocrinologie. Nous avons des équipes mobiles qui se déplacent et sont connues de tous. M.L. – Nous préparons un projet d’équipe mobile en psychiatrie et santé mentale qui pourrait venir à l’appui de certaines prises en charge en EHPAD. Tout ce qui demande une intervention technique ou un environnement spécifique est pris en charge à l’hôpital puis le patient est envoyé dans son établissement de référence ou au plus près de son domicile et ensuite nous nous déplaçons pour assurer le suivi, la supervision médicale ou soignante spécialisée. J.F.D. – Nous avons développé la prise en charge de la personne âgée en amont et en aval et l’équipe d’appui d’adaptation et de réadaptation anticipe l’hospitalisation et prévient l’hospitalisation. C’est une équipe qui fonctionne bien. La population est âgée dans le département et il faut éviter l’hospitalisation qui peut être source de grabatisation et de désorientation importante. M.L. – Nous amenons le soin vers le patient plutôt que d’amener le patient à l’hôpital.

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH DE NORD MAYENNE


Le GIE IRM 53 :

Une organisation innovante de l’imagerie territoriale De gauche à droite : Dr. Abdulmonem RASLAN, chef du service imagerie médicale, Christophe MOUTEL, directeur-adjoint chargé des services économiques et travaux, Sylvain PICHEREAU, cadre de santé du service imagerie médicale.

DH MAGAZINE – Quand et pourquoi a été créé le

GIE IRM 53 ? Christophe Moutel – Le GIE IRM 53 est un groupement d’intérêt économique créé sur la base d’une coopération public-privé en février 1997. À l’époque, ce fut le préalable pour obtenir deux autorisations d’IRM pour l’hôpital de Laval et la polyclinique privée du Maine. Les hôpitaux du NordMayenne et du Haut-Anjou ont progressivement eu des parts pour accéder à quelques vacations. Les radiologues de Mayenne et de Château-Gontier pouvaient alors intervenir sur des plages publiques plusieurs fois par mois. Puis la tutelle a indiqué en 2013 qu’il était possible d’avoir de nouvelles IRM sur le département de la Mayenne avec deux sites complémentaires : Mayenne et Château-Gontier. Un dossier d’autorisation a donc été déposé par le président du GIE IRM 53 et les administrateurs en 2013 à l’ Agence Régionale de Santé (ARS). En

2014, l’ARS a donné l’autorisation au GIE qui est porteur des autorisations. DH : Des travaux ont-ils été nécessaires pour accueillir

l’IRM de l’hôpital de Mayenne ? C.M. – Nous avons voulu un bâtiment contigu au bâtiment d’imagerie et des urgences pour installer la future IRM. Des travaux ont démarré à l’été 2015 ont été finis au printemps 2016. L’IRM fonctionne depuis avril 2016 au CH du Nord-Mayenne. Pour le CH du Haut-Anjou, des travaux d’aménagement du service d’imagerie ont été réalisés avant mise en service de l’IRM dès janvier 2016. DH : Comment fonctionne le GIE IRM 53 ?

C.M. – À Mayenne, nous avons six vacations publiques et quatre vacations privées partagées sur la semaine. Lors des vacations publiques, c’est le

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des plages publiques et privées. Le GIE monte en puissance. Sur Laval, c’est une cellule de gestion qui gère le quotidien, notamment les échanges entre médecins, les facturations, les encaissements… Il y a également la gestion du système d’information. Nous avons décidé d’adopter un système d’archivage, un PACS interfacé pour l’ensemble des utilisateurs. Nous avons décidé de mettre en place un comité médical, les sites étant distants, des problématiques se posent comme la prise en charge d’une urgence ou d’un malaise sur une vacation privée. Il faut protocoliser pour apporter la sécurité nécessaire. DH : La création du GIE a-elle facilité le recrutement

de personnel médical ou paramédical ? C.M. – Nous avons un quatrième radiologue qui est arrivé en même temps que l’IRM. Recruter est compliqué et le radiologue est venu travailler avec nous car l’IRM était en cours d’installation. C’est un facteur d’attractivité. Nous voyons un nouvel intérêt également des manipulateurs.

personnel de l’hôpital qui prend en charge le patient. Lors des vacations privées, le personnel médical, paramédical et administratif vient du secteur privé. La comptabilité du GIE est un peu plus compliquée à quatre appareils car il faut refacturer entre les différents membres. L’hôpital de Mayenne loue 150 m² de locaux au GIE IRM 53. Le coût de location a été expertisé et validé par France Domaine. Les consommations d’eau, électricité, de chauffage… sont facturées au réel au GIE IRM 53 et ce dernier refacture à tous les utilisateurs. C’est la seule méthode, assez souple, que nous avons trouvée pour faire travailler le privé et le public autour d’un équipement lourd, soumis à l’autorisation de l’ARS et qui offre une couverture en IRM à tout le bassin de population du département. Nous avons donc maintenant quatre IRM et le délai d’obtention d’un rendez-vous d’IRM est maintenant de 25 jours contre 60 à 90 jours auparavant. DH : Le parc d’IRM a doublé depuis 2016, la gestion

du GIE IRM 53 reste-t-elle la même ? C.M. – Nous atteignons un seuil critique car avec quatre IRM, c’est un fonctionnement assez innovant. Le suivi des deux IRM sur Laval était assez simple, l’un était dans le public et l’autre dans le privé. Nous avons acquis deux appareils qui fonctionnent avec

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DH : Cette organisation apporte quels avantages et inconvénients ?

C.M. – Les avantages sont multiples. Nous pouvons répondre aux attentes de la population, réduire les délais d’attente… Nous avons fait l’acquisition de deux machines polyvalentes identiques à Mayenne et à Château-Gontier. Le GIE mutualise les coûts. Nous allons renouveler les machines de Laval et la situation se renouvelle face aux constructeurs. Ils sont à notre écoute car l’enjeu est important pour eux. Sylvain Pichereau – Nous avons des échanges entre les différents utilisateurs de l’IRM. Nous pouvons échanger sur le matériel, éviter des achats inutiles. Nous avons mis en place un logiciel pour la facturation commune et faire le récapitulatif des actes pour chaque établissement, ce qui simplifie grandement les statistiques. C.M. – Ce qui est important c’est de passer par l’aval du GIE avant de prendre une décision. Si nous voulons ouvrir le service le samedi, il faut l’accord préalable du GIE car c’est un outil partagé, un outil de coopération. L’un des inconvénients est qu’il va falloir formaliser les échanges entre les différents acteurs pour beaucoup de domaines. Tous les radiologues du département font maintenant partie du GIE. Cette structure va devoir apprendre à grandir et à se structurer. À l’avenir, la téléradiologie sera peut-être mise en place.

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De gauche à droite : Dr. Jaafar ES-SAYEH, Chirurgien orthopédiste, Dr. Henri ROBERT, chef du service de chirurgie orthopédique, Jean-Baptiste PERRET, Directeur-Adjoint chargé des Affaires Financières et de la Gestion des Patients, et Jean-François DOGUET, Directeur des Soins, de l’IFSI/IFAS et de la Qualité Gestion des Risques.

Accompagner et consolider

le virage ambulatoire en chirurgie DH MAGAZINE – Quelle place a aujourd’hui la

chirurgie ambulatoire au CHNM ? Jean-Baptiste Perret – Elle a une place très importante, car le CHNM réalise 59,7% de sa chirurgie en ambulatoire, ce qui permettra d’atteindre sans problème le taux de 60% comme le prévoient les objectifs nationaux pour 2018. Nous avons l’un des meilleurs taux de chirurgie ambulatoire en France et presque le premier de la région. Nous savons que c’est l’avenir de développer l’ambulatoire sur l’ensemble des spécialités médicales et au CHNM, nous avons pris cette démarche très au sérieux car elle apporte des bénéfices à trois points de vue : c’est un surcroît de confort pour les patients, une amélioration de la sécurité par la prévention des infections nosocomiales, et enfin la possibilité de gains d’efficience. Sur le secteur de la chirurgie orthopédique, ce virage ambulatoire a été développé depuis quelques années à partir des méthodologies particu-

lières qui sont la « récupération rapide après chirurgie » et « l’école du patient ». DH : Quelles ont été les étapes importantes pour

arriver à ce taux élevé de chirurgie ambulatoire en orthopédie ? Dr. Henri Robert – Nous avons tout d’abord rencontré un certain nombre de praticiens français ou étrangers et nous avons beaucoup à apprendre des pays Anglo-Saxons, des Belges, Hollandais, Sud-Africains… qui depuis bien longtemps font de la chirurgie orthopédique en ambulatoire. En France, nous avons toujours été en recul sur les pourcentages d’activité de cette chirurgie. L’ambulatoire était réservé à la petite chirurgie comme la main, le pied alors que dans d’autres pays elle est courante pour la chirurgie prothétique notamment de hanche et du genou, avec un succès évident. Il fallait s’informer sur leurs méthodes, nous nous sommes donc déplacés pour les rencontrer

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L’école du patient.

et nous avons ensuite essayé d’introduire cette technique au sein de l’établissement. La chirurgie ambulatoire nécessite une parfaite maîtrise des techniques opératoires et une équipe d’anesthésistes qui adhère parfaitement à ce qu’on appelle la récupération rapide ou fast track. Cette technique combine des anesthésies multimodales comme l’infiltration du site opératoire et l’anesthésie générale ou la rachianesthésie, ce qui permet de diminuer les doses d’anesthésiants et d’avoir des réveils plus rapides, de meilleure qualité avec moins d’effets secondaires. Nous ne pratiquons plus de blocs périphériques. Il fallait donc trouver une équipe d’anesthésistes qui travaillent de concert avec les chirurgiens pour mettre en place la chirurgie ambulatoire. L’ensemble de l’équipe adhère totalement à cette méthode de prise en charge. Nous avons également réorganisé la prise en charge du patient, ainsi dès la première consultation le chirurgien pose l’indication opératoire, recherche les éventuelles contre-indications à la chirurgie ambulatoire, puis l’indication de chirurgie ambulatoire est confirmée par l’anesthésiste suite à la consultation, réalisée si possible le même jour. Le patient est ensuite inscrit dans un programme ambulatoire, tout est organisé par le secrétariat : le jour d’entrée, les prescriptions médicales, les éventuelles radios complémentaires… Nous retenons les patients volontaires, ayant un environnement familial et social favorables, et un ASA II au maximum. Tout le personnel soignant et administratif a été formé à ce mode de prise en charge. Pour dédramatiser la chirurgie ambulatoire prothétique, nous avons mis en place l’école du patient. DH : En quoi consiste l’école du patient ?

Dr. Jaafar Es-Sayeh – L’école du patient a pour but d’informer le patient sur sa prise en charge et de le rendre acteur d’une partie de sa prise en charge. L’intervention est expliquée, ainsi que la prise en charge de la douleur, de la limitation de la mobilité, la rééducation et l’usage des béquilles… avant l’intervention. Il est ainsi préparé à toutes les éventualités et après l’intervention, lors du retour à domicile, il peut joindre les équipes soignantes à tout moment. Depuis 2 ans, cette école

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regroupe une quinzaine de futurs opérés et se déroule sur une demi-journée le vendredi habituellement. Les patients viennent avec leur conjoint. Elle réunit un chirurgien orthopédiste, une infirmière d’orthopédie spécialisée dans la douleur, un kinésithérapeute et un ergothérapeute. La préparation cutanée, le jeune, la séquence de la journée et la sortie sont expliquées par l’infirmière. La kiné enseignera la marche avec cannes, la montée et descente des escaliers, le lever de chaise, l’habillement. Cette éducation thérapeutique est interactive et répond aux nombreuses questions des futurs opérés. Tout est démystifié et le patient est rassuré. Ce n’est pas simple à organiser, mais tout le personnel adhère à ce mode de prise en charge. DH : Comment est née l’idée de créer l’école du patient ?

J.E.S. – C’est un concept qui existe dans les pays nordiques et nous sommes parmi les premiers à l’avoir instauré en France. Jean-François Doguet – J’ai été contacté par les deux chirurgiens ici présents pour envisager la création de cette école du patient. Nous avons réfléchi à l’organisation de cette école et nous avons prévu du temps infirmier, kinésithérapeute et du temps dédié à l’assistante sociale. Cette école a du succès et nous invitons les infirmières libérales intéressées à participer ainsi que les médecins traitants. Nous projetons des vidéos, des Powerpoint, présentons le matériel… DH : Quels sont les avantages et inconvénients de cette

prise en charge ? H.R. – Le patient devient acteur de sa prise en charge et est informé de l’intervention, de la prise en charge de la douleur, des suites opératoires et des éventuelles complications. Les patients sont très demandeurs de chirurgie ambulatoire. Le personnel a dû développer des moyens d’information divers sur la prise en charge du patient. Pour l’établissement, la durée d’hospitalisation est réduite avec des incidences financières non négligeables. L’éducation et la sortie du patient sont préparées. Au niveau du pôle de chirurgie, il y a une diminution de l’activité de la chirurgie conventionnelle et une augmentation de la prise en charge en ambulatoire (personnel) et de notre capacité d’accueil (nombre de lits). Nous répondons aux besoins actuels de santé publique avec une personnalisation de la prise en charge et une réduction de la durée de séjour également en hospitalisation complète (1 à 3 jours pour une prothèse de genou). En termes de qualité, c’est une meilleure

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prise en charge avec une diminution du risque infectieux postopératoire. Cette révolution est irréversible. J.B.P. – Sur le plan économique, il y a des points de vigilance à avoir lorsqu’on réalise un virage ambulatoire et que son développement est extrêmement rapide. Nous sommes rémunérés selon les durées des séjours, et en ambulatoire, nous sommes rémunérés cinq à six fois moins que pour un séjour en hospitalisation complète. Si nous voulons tout en développant largement l’ambulatoire continuer à équilibrer notre budget, nous sommes contraints, en même temps, de diminuer nos charges fixes ou/et d’intensifier notre activité à la hauteur de cette perte. Il faut l’organiser en même temps que le développement de l’ambulatoire et c’est assez compliqué car, si vous allez trop vite, les moyens humains et techniques que vous économisez avec la diminution de l’hospitalisation complète ne sont pas à la hauteur de la perte de recettes occasionnée. DH : Quelles seront vos actions pour consolider ou faire

perdurer la place de l’ambulatoire au CHNM ? H.R. – Pour l’orthopédie, le virage de la chirurgie ambulatoire est pris par tous les chirurgiens, il faut continuer pour atteindre en orthopédie le taux de 70% dans 2 ans. Nous avons plus de mal de faire de l’ambulatoire en traumatologie. La qualité des résultats en ambulatoire est équivalente à celle de l’hospitalisation complète, mais cela impose une parfaite orga-

nisation et un parcours sans faute. Cela impose un engagement personnel des chirurgiens plus important que lors de l’hospitalisation classique. Les patients sont les bénéficiaires de cette évolution. DH : À l’avenir, comment voyez-vous le service de

chirurgie ambulatoire ? J.E.S. – Au début, nous pratiquions en ambulatoire de la chirurgie légère, puis moyenne, maintenant nous faisons des chirurgies majeures. Nous pouvons faire la majorité des chirurgies en ambulatoire, mais le frein reste l’état général du patient et les problèmes sociaux. Il faut que les mentalités changent et que les gens adhèrent à cette modalité d’hospitalisation, qu’ils en comprennent les bénéfices et qu’on abandonne progressivement le schéma classique d’hospitalisation. J.B.P. – Nous sommes en effet très avancés sur la chirurgie ambulatoire en orthopédie. C’est une spécialité qui se prête particulièrement à cette prise en charge car elle comprend beaucoup de « programmé », avec une patientèle relativement « jeune ». La prise en charge n’est pas la même en fonction de la catégorie sociodémographique, nous sommes en milieu rural avec une population vieillissante parfois isolée et notre capacité à traiter en ambulatoire cette population est limitée. Il faut chaque fois bien tenir compte de l’intérêt du patient sur le plan médical, social et environnemental.

Tableau récapitulatif des avantages et inconvénients de la prise en charge des patients en chirurgie ambulatoire par Jean-François Doguet. Pour les patients

Que le patient soit non seulement informé sur sa pathologie et les traitements, mais qu’il devienne acteur de sa prise en charge avec une participation active. Le malade reçoit toutes les informations concernant son intervention et son hospitalisation (ex : prise en charge douleur), mais aussi sa prise en charge postopératoire.

Pour le personnel

Acquisition et développement « d’une philosophie d’information nouvelle » dans la prise en charge du patient. Les soignants partagent leurs connaissances avec le malade.

Pour l’établissement

Raccourcissement de la durée d’hospitalisation, la sortie du patient est préparée avant son hospitalisation, ainsi que l’éducation (ex : prise en charge kiné, IDE domicile). Introduction de la récupération rapide après chirurgie (RRAC).

Pour le pôle

Raccourcissement de la durée d’hospitalisation

Pour les autres pôles

Développement action éducative avec kiné

En termes de santé publique

Répondre aux besoins actuels en santé publique, personnalisation de la prise en charge

En termes de qualité

Meilleure prise en charge en amont, réduction hospitalisation donc diminution du risque infectieux

En termes d’activité

Augmentation de l’ambulatoire, diminution de la chirurgie conventionnelle, transfert activité

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Vers un

DIM de territoire

Dr. Jean-Claude Lavandier, médecin responsable du DIM, Vice-

Président de la CME et Président du Collège médical du GHT. DH MAGAZINE – Comment le DIM a-t-il été implanté au sein du CHNM ?

Jean-Claude Lavandier – Le Département d’Information Médicale (DIM) a été mis en place dès la mise en œuvre du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) dans les années 90. Il a fonctionné avec une attachée travaillant sur le DIM qui a mis en place les modes de recueil de données. Je suis arrivé en 1996 comme médecin urgentiste, mais on m’a demandé de prendre en charge le DIM. Je me suis occupé du DIM à temps partiel, mais j’ai augmenté progressivement mon temps de présence car l’hôpital a subi deux fusions dont une avec un hôpital spécialisé qui était déjà dans le recueil d’information en psychiatrie. Dans les années 2000, j’ai été DIM à temps plein et j’ai recruté et formé des techniciens d’information médicale (TIM) issus des secrétariats médicaux, mais maintenant des formations adaptées existent car ce n’est pas un travail de secrétariat. Le DIM a toujours été considéré dans l’établissement comme un service important par la direction du CHNM ce qui a beaucoup aidé pour sa mise en place, la mise en contact avec les praticiens…

Nous nous chargeons de l’envoi au niveau de la tutelle pour recevoir en retour le financement. Certains établissements sont en codage centralisé, c’est-à-dire tous les codages se font au niveau du département d’information médicale à partir des courriers de sortie, du dossier médical du patient. Nous sommes en codage décentralisé avec vraisemblablement une évolution dans les années à venir, vers un codage centralisé car le codage décentralisé devient de plus en plus complexe, et le temps médical est de plus en plus précieux. S’il est possible de libérer les praticiens de cette mission ce sera toujours un peu de temps de gagné. DH : Quels sont les avantages et inconvénients du codage centralisé ?

DH : Comment fonctionne le DIM du CHNM ?

J.C.L. – Nous travaillons en codage décentralisé. Ce sont les praticiens qui cotent eux-mêmes leurs séjours et le DIM intervient essentiellement au niveau du contrôle. Nous vérifions qu’il ne manque pas de données, que les données saisies sont exactes…

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Jean-Claude Lavandier

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J.C.L. – Vu les évolutions réglementaires qui ne cessent d’arriver, le codage centralisé ne demande qu’une petite équipe à former au lieu de l’ensemble des médecins. De plus, comme l’objectif est de contrôler de plus en plus la majorité des séjours, il est donc plus simple de les coter en même temps, sinon le travail est fait deux fois. Actuellement, nous avons des outils nous permettant de contrôler de plus en plus de séjours, mais nous ne contrôlons pas tout. Si nous devons augmenter les contrôles, autant être en codage centralisé. Ce dernier mode de codage a une faisabilité beaucoup plus simple avec une équipe de spécialistes et les évolutions sont prises en compte. DH : Comment le DIM est-il perçu par les utilisateurs du

CHNM ? J.C.L. – Dans mon établissement, je n’ai pas de soucis particuliers, l’immense majorité des médecins ont compris le rôle du DIM et l’intérêt de faire le travail correctement, car ce sont les finances de l’établissement. Les envois mensuels sont exhaustifs. Parfois, il faut rappeler un peu à l’ordre pour les retards, mais cela fonctionne bien. J’ai beaucoup de chance, les praticiens ont intégré ces tâches dans leur pratique. DH : Vous allez maintenant passer vers un DIM de territoire ?

J.C.L. – La loi prévoit un DIM de GHT afin de gérer l’ensemble du territoire. J’ai une vision un peu plus modérée car c’est assez compliqué et tout dépend de l’état d’esprit où s’est mis en place le GHT. Dans les régions où le GHT s’est mis en place de façon naturelle car il y avait déjà une démarche de mutualisation… cela ne pose pas de problème. Par contre, dans les territoires où la mise en place a été plus problématique, l’instauration d’un DIM de territoire peut s’avérer plus compliquée. Pour qu’un DIM de territoire apporte une plus-value par rapport à la situation antérieure, il faut qu’il y ait déjà une certaine homogénéité dans le mode de

fonctionnement des différents DIM du territoire, qu’il y ait une volonté commune de partage d’information, et cela ne se décrète pas. Il faut un peu plus de temps pour la mise en place d’un DIM commun efficace. Un DIM de GHT est un outil pour le chef de l’établissement support qui peut ainsi bénéficier de l’ensemble des informations d’activités de tous les établissements du GHT et en termes de stratégie, le DIM a sûrement un rôle de conseil auprès du directeur, du comité stratégique. Une autorité fonctionnelle sur l’ensemble des DIM me semble pour l’instant prématurée, sans plusvalue. Le DIM peut avoir une mission auprès des établissements du GHT, n’ayant pas de DIM, pour les aider à leur mise en place. Nous sommes favorables à une évolution dans ce sens, mutualisation des moyens et des compétences, mise en place de formations communes. C’est, à mon avis, le sens de la réforme. Le Département de l’Information Médicale de territoire procède à l’analyse de l’activité de tous les établissements parties au groupement hospitalier de territoire. I - Le médecin responsable du département de l’information médicale de territoire est désigné par le directeur de l’établissement support sur proposition du président du collège médical ou de la commission médicale de groupement. II - Le médecin responsable du département de l’information médicale du territoire a autorité fonctionnelle sur les personnels du département d’information médicale. III - Le médecin responsable du département de l’information médicale de territoire coordonne les relations entre le département de l’information médicale de territoire et les instances médicales de chacun des établissements parties au groupement. Un médecin référent du département de l’information médicale de territoire assiste à la commission médicale des établissements parties au groupement. Le médecin responsable du département d’information médicale de territoire rend compte, au moins une fois par an, de l’activité des établissements parties au comité stratégique du groupement hospitalier de territoire. Le médecin responsable du département d’information médicale de territoire assure les missions suivantes : 1° Préparer les décisions des instances compétentes des établissements parties, mentionnées à l’article R. 6113-9, afin d’assurer l’exhaustivité et la qualité des données transmises, au travers d’un plan d’action présenté devant le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire ; 2° Participer à l’analyse médico-économique de ces données, en vue de permettre leur utilisation dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du projet d’établissement des établissements parties et du projet médical partagé, ainsi que des missions définies à l’article R. 6113-8 ; 3° Contribuer à la mise en œuvre des dispositions relatives à la protection des données médicales nominatives des patients, dans les conditions définies à l’article R. 6113-6 ; 4° Contribuer aux travaux de recherche clinique, épidémiologique, informatique de santé et médico-économique des établissements parties au groupement hospitalier de territoire. Source : Extrait Code de la Santé Publique.

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REPORTAGE

La survie d’un hôpital de proximité en zone rurale passe par le recrutement médical PAR Marc Guillochon

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Quelques chiffres : Capacité totale MCO / SSR : 213 lits + 26 places (21 MCO + 17 SSR) EHPAD : 193 lits

Vierzon

USLD : 46 lits

N° 154 - 4ème Trimestre 2016 - REPORTAGE SUR LE CH DE VIERZON

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Centre hospitalier de Vierzon

La survie d’un hôpital de proximité en zone rurale passe par

le recrutement médical

Credit www.guidedesdemarches.com Florent Foucard

Responsable mais pas coupable. Le directeur de l’hôpital de Vierzon, Flo-

rent Foucard, veut bien endosser le rôle de « patron ». A condition d’avoir vraiment les mains libres. Or, il le regrette, l’un des principaux leviers assurant la pérennité de son établissement ne lui est pas accessible. La ressource médicale ! À travers un nouveau projet d’établissement (20162020), il mène pourtant, avec ses équipes, les réformes nécessaires à la survie d’un maillage médical de proximité. L’hôpital est indispensable sur un bassin de plus de 73 000 habitants. Aujourd’hui, Florent Foucard affirme qu’au niveau local, tout le monde joue le jeu du changement. L’ARS, la municipalité, le personnel de Vierzon et la population s’engagent à soutenir des réorientations essentielles. Et c’est à regret qu’il voit les plus beaux projets engloutis comme de vulgaires châteaux de sable, sous la marée montante de la désertification médicale. Le fait que les jeunes diplômés s’installent pour la plupart, dans les grandes agglomérations, est un défi. Il conduit à un manque chronique de praticiens. Dans ce séisme qui touche particulièrement le Centre Val-de-Loire, et dont on ne mesure pas encore toutes les répliques, seuls les pouvoirs publics pourront, selon lui, changer la donne.

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EHPAD - La Noue

DH MAGAZINE – Se confronter à des défis majeurs », « Assurer pleinement sa mission », « Relever le défi du recrutement médical »... Tout cela ressemble au catéchisme standard du bon directeur d’hôpital. Piloté, fermement mais avec bienveillance (à moins que ce ne soit l’inverse), par l’ARS... Pouvez-vous dépasser ces annonces et nous parler de « vraie vie » hospitalière ?

Aujourd’hui, le grand défi d’un établissement MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) de proximité, comme celui de Vierzon, c’est celui du recrutement médical. Nous sommes confrontés à une indisponibilité fréquente des praticiens. Ça n’est pas du « catéchisme », c’est la réalité. Et cela met à mal les plus beaux et les plus grands projets. Depuis mon arrivée à Vierzon, nombre d’entre eux se sont effondrés comme de vulgaires châteaux de sable. C’est logique : même le meilleur projet médical du monde a besoin de médecins pour fonctionner. Dans le cadre de notre projet IRM (lire plus loin), c’est exactement ce qui se passe. La seule inconnue à l’heure actuelle (mars 2016) : aurons-nous un radiologue pour le faire fonctionner en temps voulu ? DH : A quels autres défis êtes-vous confrontés ?

Trop isolé, un hôpital MCO comme celui de Vierzon ne peut continuer de fonctionner correctement dans

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le cadre de la tarification à l’activité, en suivant des exigences toujours croissantes en termes de réglementations, de normes « qualités », de contrôles... Avec une surface financière réduite et des difficultés de recrutement sur tous les types de postes, seules les coopérations territoriales seront demain capables d’assurer la survie d’un établissement comme celui de Vierzon. C’est cela la « vraie vie » hospitalière de proximité aujourd’hui. DH : Ah, le mythe du retour à l’équilibre ! Ne trou-

vez-vous pas que c’est un peu la botte de carotte que l’on agite devant le nez de l’âne pour qu’il avance ? Non, pour moi, c’est bien plus qu’une simple botte de carottes (rires). Le retour à l’équilibre est une nécessité vitale pour un établissement comme l’hôpital de Vierzon. Ce que l’on appelle « plan de retour à l’équilibre », remet évidemment en cause les fonctionnements et doit proposer de nouvelles stratégies afin de mieux se projeter. Un hôpital qui n’a aucune capacité d’investissement n’est plus maître de son destin. Il ne serait plus en capacité de se moderniser, ni de répondre aux exigences actuelles en termes de prise en charge. Sans retour à l’équilibre, cette reprise en main n’est pas possible.

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SSR - Robert Leroux

DH : La gestion des intérims des médecins est

un problème aussi ancien que récurrent et jamais résolu... Le centre hospitalier de Vierzon peut-il faire mieux que supplier les sociétés d’intérim pour trouver des médecins et signer sans discuter le règlement des factures ?

et un département (Le Cher) particulièrement touchés par la pénurie de personnel. Le Cher occupe le 94ème rang (sur 95) au regard de la densité médicale. Ça donne une idée de l’ampleur du challenge qui nous attend. DH : Pouvez-vous nous parler de votre audit de per-

Vierzon travaille évidemment avec des sociétés d’intérim médical. Pour autant, nous ne supplions personne et nous ne signons aucune facture sans réfléchir ou sans les négocier. La situation n’est pas à ce point critique qu’il faille se mettre à genoux. Mais c’est vrai que la problématique devient de plus en plus cruciale. Un chiffre l’illustre bien. En 2014, à Vierzon, la facture de l’intérim médical s’élevait à 200 000 euros (2014). En 2015, on atteint les 777 000 euros ! S’affranchir de l’intérim ne se fera pas en un jour. Le recrutement de praticiens nous occupe pleinement. Via les cabinets de recrutement et un parcours d’intégration professionnel, nous accueillons régulièrement des médecins libanais, roumains ou bulgares. Ils évoluent ensuite jusqu’au « plein exercice ». Ils sont nombreux à avoir suivi ce parcours que nous développons en lien avec d’autres hôpitaux (Bourges, Tours, Orléans...). Ces coopérations territoriales sont d’ailleurs fondamentales. Elles permettent d’augmenter la ressource médicale dans une région (Le Centre Val de Loire)

formances de 2014 ? Quel en a été le bilan : en plus comme en moins... L’audit du cabinet Saint-Luc et Fleming a révélé les marges de progression dont nous disposions en vue de l’adoption d’un nouveau projet d’établissement (2016-2020) et d’un plan de retour à l’équilibre. Concernant les organisations générales et médicales, il révèle un gros problème de communication. Problème dû notamment à un trop grand cloisonnement des organisations et à un nombre excessif de pôles d’activités cliniques. Nous en avions huit : c’était trop important pour un centre hospitalier tel que le nôtre. Notre DMS (durée moyenne de séjour) a aussi été jugée plus élevée que la moyenne nationale en médecine. Ces remarques ont été prises en compte, et nous avons travaillé sur tous ces points. Sur la « fluidification du parcours patient » en particulier. L’audit a mis aussi l’accent sur l’absence de pilotage économique au sein de l’hôpital et de contrôle de gestion. Il a pointé du doigt une organisation inefficiente au niveau

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du bloc opératoire et relevé d’autres dysfonctionnements, nous incitant à tendre davantage vers les indicateurs nationaux. Ça a été un électrochoc positif. La prise de conscience a été générale et, même si du temps s’est déjà écoulé depuis, de nombreuses pistes sont explorées pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. DH : La fluidité est un peu la tarte à la crème de la

gouvernance hospitalière. La réalité quotidienne de l’hôpital est-elle vraiment aussi « lissée » ? Non, effectivement. À mon niveau, en tant que directeur, je mesure la fluidité d’une organisation par ce que je nomme « l’automatisme ». Lorsque je n’ai plus à intervenir de manière permanente dans le fonctionnement des processus au quotidien, c’est que les choses sont suffisamment fluides et rodées. Mon intervention s’adapte en fonction de l’évolution de la structure et de la stratégie de l’établissement. Pour le moment, à Vierzon, il n’y a justement pas encore cette fluidité suffisante dans de

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nombreux secteurs. Des interventions fréquentes sont encore indispensables dans certains processus habituellement maîtrisés dans d’autres hôpitaux. Un chantier engagé depuis deux ans vise la refonte des processus administratifs, la refonte de la gouvernance médicale et la refonte des organisations médicales et paramédicales. Pour le moment, j’arbitre encore beaucoup les débats entre les différents acteurs qui ne sont pas toujours d’accord les uns avec les autres pour des choses qui seraient habituellement simples à résoudre. Mais, le but est, à terme, que l’hôpital apprenne à se passer de moi le plus possible dans le fonctionnement quotidien afin de me consacrer davantage à la stratégie. Ce qui prend déjà beaucoup de temps. DH : Le partage de l’information sur la base de protocoles

communs n’est pas réellement une nouveauté, l’informatisation hospitalière a au moins 35 ans. Depuis cette époque, quelle a été la réalité de l’informatique au Centre Hospitalier de Vierzon ? Quand l’établissement disposerat-il de la gestion informatisée des dossiers patients ?

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La chambre régionale des comptes a noté le très grand retard de notre système d’information. Elle a pointé un manque de moyens et un manque d’investissement. À Vierzon, ce système est assez artisanal, basé uniquement sur l’expérience que peut avoir notre service informatique. C’est très fragile et assez incohérent et ne facilite pas le fonctionnement ni le pilotage de l’établissement. Notre équipe informatique est peu étoffée. Aujourd’hui (mars 2016) seulement trois techniciens informatiques ; c’est trop peu. On n’arrive pas à traiter toutes les demandes au jour le jour. Il y a une trop grande charge de travail. Mais ce sont ces tâches routinières qui freinent finalement la mise en place de projets innovants. L’établissement doit sortir de ce cercle vicieux. Et, dans ce sens, le groupement hospitalier de territoire (GHT) jouera un rôle prépondérant. La mutualisation des ressources avec des ensembles plus importants est devenue indispensable. Toujours par manque de moyens, nous n’avons pas encore de DPI (dossier patient informatisé). C’est pourtant un vieux projet à Vierzon. Un groupe s’occupe aujourd’hui de cette question. Nous discutons avec l’ARS pour l’obtention d’un financement dans le cadre de l’opération « hôpital numérique ». Mais la mise en service du DPI n’est pas à réduire non plus au seul aspect financier. Son déploiement nécessite l’implication de tous les acteurs de terrain. DH : Où en êtes-vous du « virage ambulatoire » ?

Qu’est-ce qui a été réalisé ? Avec quel niveau de succès ? Quels sont vos projets ? Le virage ambulatoire est un autre grand axe du nouveau projet d’établissement. Il est très bien mené au niveau de la chirurgie ambulatoire. Notre taux de chirurgie ambulatoire est supérieur aux moyennes régionales et nationales (62,7 %). Nous réalisons 88% des « 17 gestes marqueurs » en ambulatoire. Une avance que nous devons beaucoup à un praticien historiquement très impliqué dans ce domaine à Vierzon : le docteur Joseph Chaar. Ces efforts, prônés par le ministère de la santé, sont à poursuivre. Il reste néanmoins des choses à faire. Attirer les spécialités chirurgicales et médico-chirurgicales afin d’exploiter le potentiel de notre hôpital de jour, qui génère une forte activité. Il faudra regrouper à terme les deux hôpitaux de jour en un seul bloc « médico-chirurgical ». Les avoir sur un même plateau permettra la mise en commun des compétences (secrétariat, chefferie de projet...) et une fluidité accrue. Cette mutualisation des moyens humains et des savoir-faire apparaît une fois de plus essentielle.

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DH : Pouvez-vous nous parler du projet de regroupe-

ment de la maternité et de la pédiatrie ? Quelle est l’origine de ce projet ? S’agit-il d’une fusion à risques, en particulier entre des praticiens habitués à « jouer solo » ? Ce projet figurait déjà dans l’avant-dernier projet d’établissement qui présentait trois phases : la rénovation des urgences et de la maternité, la relocalisation et la rénovation du SSR, et le regroupement pédiatrie et maternité. Le contexte financier tendu n’a pas pu voir l’aboutissement du projet. Et nous avons hérité d’une situation ubuesque dans laquelle la maternité et la pédiatrie se trouvaient à l’exact opposé. C’était totalement incohérent, ne serait-ce qu’au regard du parcours patient. Nous avions un autre problème : la pédiatrie n’était plus aux normes sécurité incendie. De plus, l’évolution de l’activité pédiatrique montre une baisse quand l’activité en maternité se maintient

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(50 à 60% de taux d’occupation contre 30 à 35% en pédiatrie). Il y avait donc la nécessité absolue de revoir cette organisation. Puis le hasard a précipité les choses. Le 28 mai 2015, un incendie s’est déclaré à la maternité. Heureusement sans gravité. Mais il a déclenché ce regroupement. La maternité a été déménagée en partie en pédiatrie, et la pédiatrie déménagée dans un bâtiment plus proche. Ensuite, nous avons refusé que la pédiatrie retourne dans ses anciens locaux, craignant un autre incendie. Et ce rapprochement s’est fait plus spontanément. Pour ce qui est des praticiens, les choses sont en train de changer. Dans ce cas précis, les pédiatres ont compris que le maintien de leur outil de travail passait en grande partie cette « fusion ». Et les gynécologues obstétriciens savent que, sans pédiatrie, il n’y a plus de gynécologie obstétrique. DH : Des « fonctions supports » au Groupement Hos-

pitalier de territoire, il reste encore un fossé. Aurez-vous suffisamment de fagots pour combler les douves et franchir le gué ? Le projet de groupement hospitalier de territoire (GHT) prévoit effectivement qu’un certain nombre de fonctions supports soient assurés par un établissement support pour le compte de tous les autres établissements. Aujourd’hui on en est clairement loin. La réflexion commence à s’organiser tout juste. Dans le laps de temps très court laissé par les pouvoirs publics (jusqu’au 1er juillet 2016). Nous avons commencé, avec la directrice de l’établissement support, à travailler sur les achats, la formation, le système d’information... Les chantiers sont ouverts mais l’organisation n’est pas encore consolidée. Franchir le gué ne sera donc pas si simple. Il y a encore des réticences des

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deux côtés. Mais il y a une vraie prise de conscience. Encore une fois, un établissement isolé ne peut pas faire face à toutes les contraintes qui pèsent sur son fonctionnement : évolution du code des marchés publics, nécessité de professionnaliser la fonction achat, de faire des groupements de commandes, de sécuriser juridiquement. Tout cela demande des compétences de juriste et d’acheteur qu’un établissement de proximité ne peut pas se payer. Beaucoup de fagots sont effectivement à trouver pour combler ces « douves » financières. DH : Pourquoi réduire votre nombre de pôles cliniques ? Le résultat est-il à la hauteur de vos attentes ?

Cette réduction fait suite aux défaillances pointées par l’audit 2014 de Saint-Luc et Fleming. Notamment en matière de communication. Fusionner de manière cohérente nos pôles d’activité était indispensable. Certains n’étaient que des services rebaptisés, cloisonnés à l’époque pour ménager quelques susceptibilités. C’était un réel frein pour le CH de Vierzon. Nous sommes donc passés de huit à cinq pôles. Et des projets commencent à émerger entre les différents services d’un même pôle. Le SSR, l’EHPAD et l’USLD en sont la parfaite illustration (lire plus loin), sur le parcours des patients gériatriques et de la télé-médecine. L’autre grande fusion (maternité-pédiatrie et anesthésie-chirurgie) répond à une utilisation commune du bloc opératoire. Il ne serait pas illogique non plus que le pôle médecine fusionne avec le pôle chirurgie femme/ enfant pour créer un pôle MCO « court séjour »... Globalement, les choses vont dans le bon sens. Et cette cohérence se répercute positivement sur le virage ambulatoire.

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DH : En matière de communication (journal interne, journaux locaux, passage à la télévision, conférences), faites-vous bien « flèche de tout bois » ?

La communication ne dépend pas toujours nécessairement du directeur. On s’exprime parfois plus que ce que l’on souhaiterait dans les médias. L’hôpital de Vierzon, à mon arrivée, connaissait d’importantes crises (médicale, de gouvernance, financière). On comprend que les médias s’intéressent à ces problèmes et entendent la direction. Au fil du temps, la crise économique et financière ne se résolvant pas aussi vite qu’on le souhaiterait, et voyant que des problématiques d’ordre médicales demeurent, la presse continue de nous solliciter pour divers éclairages. La communication externe est donc parfois davantage subie que voulue. Pour valoriser par contre le plus possible notre image, nous devons communiquer sur ce que nous entreprenons pour construire un avenir plus serein. Par exemple sur les recrutements médicaux. On tâche d’ailleurs d’informer la population à chaque fois qu’un praticien arrive au CH de Vierzon. L’audit de 2014 cible par ailleurs un problème de communication interne. Nous l’endiguons en organisant des rencontres et des réunions dans chaque service et en relayant les informations grâce à notre journal interne. DH : Dans le « Désert des Tartares » de Dino Buzzati,

on attend l’ennemi ! Dans le désert médical on attend non pas des clients (patients) mais des médecins. Au moment où tout concourt à une concentration maximum des moyens hospitaliers dans les grands CH, votre partition est-elle réellement jouable à l’hôpital de Vierzon ? Si oui comment et à quel prix ? La partition est effectivement très difficile à jouer. La ressource médicale se concentre dans les grands centres hospitaliers. Les médecins formés dans les grands pôles universitaires, c’est un constat sociologique plus qu’un quelconque jugement de valeur, s’établissent en majorité dans les grandes villes. En tant que directeur d’un hôpital, j’ai pour responsabilité de travailler en faveur du maillage sanitaire de mon territoire et d’agir pour le maintien d’une offre médicale de proximité. C’est crucial pour une ville de 27 000 habitants et un bassin de population de plus de 70 000 habitants. Cette partition doit donc se jouer quel qu’en soit le prix. Elle passe par la coopération avec de plus grands centres hospitaliers, qui ont aussi un intérêt à voir se conserver ce maillage médical territorial. Que les soins soient assurés au plus près du patient est fondamental. Mais, là encore, les pouvoirs publics doivent donner le « la ». Car, en

matière de pénurie médicale, le pire est devant nous. Il faut d’urgence travailler à inciter les praticiens jeunes diplômés à venir exercer dans des établissements de proximité. Sans cela, ce sera mission impossible. DH : Que vous reste-il encore à dire pour votre défense ?

A mon arrivée, un praticien m’a dit de Vierzon : « il n’y a qu’à se baisser pour ramasser le patient ». Nous sommes confrontés à une patientèle vieillissante, marquée par une forte précarité, donc peu mobile. Par ailleurs, il n’y a plus de clinique sur Vierzon. Si nous avions demain des médecins avec les compétences attendues, nous n’aurions donc aucune difficulté pour générer une activité significative. Le cas typique est l’ophtalmologie. Si un praticien arrive demain, le carnet de ses consultations serait plein en moins d’une semaine. Et cela générerait de l’activité pour notre hôpital. Malheureusement, cette ressource médicale ne vient pas. Et elle ne viendra pas sans une mobilisation des pouvoirs publics. D’où ma métaphore des châteaux de sable. Aujourd’hui, tous nos plus beaux projets s’effritent ou s’effondrent sous la marée montante de la désertification médicale. DH : Y a-t-il quand même des raisons d’y croire ?

Tout-à-fait. Malgré les difficultés sévères que traverse l’hôpital de Vierzon, notamment financières et en matière de ressources médicales, nous avons la chance d’avoir un personnel très attaché à son outil de travail. Il fait preuve au quotidien d’adaptation et de créativité. Et il est aussi prêt à jouer le jeu du changement. Son implication est un moteur essentiel. Nous recherchons ensemble et activement les meilleures solutions. Le dialogue s’établit naturellement car nous avons tous à cœur, malgré nos inévitables divergences, de voir évoluer l’hôpital de Vierzon dans le bon sens. La tutelle nous apporte pleinement son soutien. L’ARS a toujours répondu présente et reste attentive à nos problématiques. Enfin, la population de Vierzon est aussi extrêmement attachée à la survie de son hôpital. Et, elle aussi, s’engage à jouer le jeu du changement. Mais malgré toutes ces bonnes volontés, il demeure toujours cette incertitude de la ressource médicale. Une fois encore, quitte à se répéter, tout s’effondre si le praticien n’est pas au rendez-vous. Il n’y a pas d’avenir et pas de projets sans médecins. Cette problématique ne dépend pas du seul directeur mais plus largement des pouvoirs publics… qui nous demandent la concrétisation de ces mêmes projets !

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Innovations et projets : Marie-Laure Cappe

Des ambitions fortes pour l’EHPAD / USLD

Rattaché au centre hospitalier de Vierzon, l’EHPAD/USLD de la Noue

jouit d’une réelle renommée dans le domaine gériatrique. Due au Dr Robert Leroux, historiquement très impliqué sur ces questions, mais aussi à de bonnes anticipations. Presque un an après le regroupement du SSR et de l’EHPAD/USLD de la Noue dans un pôle unique, les parcours « patients » et « résidents » ont gagné en fluidité et en cohérence, avec des mutualisations accrues et plusieurs innovations. La proximité du plateau technique du CH de Vierzon augmente encore l’attractivité de l’EHPAD/USLD de la Noue. Depuis juin 2015, des groupes de travail entre professionnels de filières pluridisciplinaires élaborent un nouveau projet d’établissement, fixant les orientations stratégiques pour les cinq années à venir. Avant la mise en place d’un projet médical partagé au sein d’un Groupement Hospitalier de Territoire (G.H.T.), la directrice adjointe en charge de la politique en faveur des personnes âgées, Marie-Laure Cappe, apporte ses précisions. DH MAGAZINE – Sur quoi se fonde la « renommée » de l’EHPAD/USLD du Centre Hospitalier de Vierzon ?

Nos praticiens sont tous des gériatres renommés dans le secteur de Vierzon et dans le département du Cher. Notre réseau gérontologique est très bien

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structuré à l’échelle départementale., avec une filière de prise en charge bien organisée et un réseau associatif dynamique. Localement, c’est en grande partie « l’héritage » du docteur Leroux, très impliqué depuis longtemps sur ces questions et auteur d’un travail de fond précurseur et indispensable.

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DH : Comment les « réseaux gérontologiques » de

DH : Pourquoi ce choix d’un pôle unique pour la gériatrie ?

l’EHPAD/USLD sont-ils structurés ? Ils sont structurés par des établissements partenaires départementaux et reçoivent également le concours d’autres structures associatives (comme le réseau vierzonnais « Envisager »). Leur but est de faire le lien avec les structures d’aide à domicile et les structures d’accueil des personnes âgées dépendantes ou placées en maisons de retraite. Ce lien inter-structures est très important.

Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2015, nous avions deux pôles : le SSR (soins suite et de réadaptation), orienté gériatrie, et l’EHPAD/USLD. Cette fusion permet notamment une meilleure transmission des informations « résidents ». Elle a forcément engendré une mutualisation des moyens humains et une réduction de la masse salariale. Mais elle répondait à des objectifs précis, dans un climat financièrement tendu pour l’ensemble du centre hospitalier de Vierzon.

DH : Parlez nous « animation ». DH : Comment le concept de « plateau technique »,

Le service d’animation de l’EHPAD intègre au maximum les équipes soignantes. Mon objectif depuis mon arrivée en mai 2015 est de veiller à ce que cette culture de l’animation se partage au maximum. En plus d’un lieu dédié au sein de chaque pavillon, nous disposons d’un « forum » : c’est un lieu de vie ouvert sur l’extérieur où les familles sont accueillies, comme les associations ou les écoles. Ce lien intergénérationnel et avec le monde extérieur est très important pour nos résidents. De nouveaux projets verront bientôt le jour. Nous allons mettre en place des ateliers itinérants dédiés au bien-être. Des lycéennes en BTS esthétique interviendront sur les neuf pavillons de l’EHPAD. Pour le massage des mains et de la manucure par exemple.

réservé plutôt à un centre hospitalier, peut-il être transposé à un EHPAD/USLD ? C’est tout l’intérêt d’un EHPAD/USLD rattaché à un établissement de santé que de pouvoir bénéficier des compétences de son plateau technique. Il y a un gain en terme de proximité, une rapidité accrue d’accès aux soins, aux médecins, aux services d’urgences... C’est un avantage indéniable. Les EHPAD autonomes sont davantage en souffrance et n’ont pas ces réponses immédiates à leurs besoins. C’est un gain indéniable pour les patients et les résidents. DH : Quels sont les effets concrets pour les patients-

résidents de la qualification en gériatrie de tous les personnels médicaux ?

DH : Quelle est la dynamique de l’association des « Amis

de la Noue » ? Qui en est (qui en sont) les moteurs ? Les moteurs essentiels des « Amis de la Noue » sont notre médecin coordonnateur gériatre et son épouse. Tous les deux sont très réputés sur le site de la Noue. Le médecin coordonnateur de notre établissement est le président des « Amis de la Noue ». C’est lui qui a souhaité qu’une association intervienne et instaure un lieu de vie détaché de l’EHPAD, avec son fonctionnement propre mais à la fois ancré dans l’EHPAD. Notre animatrice socio-culturelle fait aussi partie de cette association qui compte aussi de nombreux bénévoles, très impliqués lors des ouvertures de ce forum, pour y servir cafés, boissons et petite restauration où pour tenir la friperie qui a lieu au sein du forum. Les résidents peu argentés y trouvent de quoi se constituer un « trousseau » s’ils n’ont rien à leur arrivée. L’association fait aussi le lien entre l’institution et les familles et permet une bonne communication entre tous les acteurs.

On les retrouve surtout dans l’analyse et l’expertise des pathologies des personnes âgées. Un non spécialiste n’aurait pas forcément tous les outils permettant de comprendre certaines réactions des personnes âgées. Le gériatre maîtrise ces pathologies de manière plus poussée. C’est vrai en particulier dans le cas de la maladie d’Alzheimer qui concerne des patients de plus en plus jeunes. À l’avenir la psycho-gériatrie deviendra une spécialité de plus en plus courante dans les EHPAD. Nous bénéficions au sein du SSR d’une unité cognitivo-comportementale (UCC) qui permet d’organiser des consultations « mémoire ». Cette unité est labellisée. C’est une vraie richesse pour notre département et plus amplement même pour notre région. Tout cela favorise de meilleurs diagnostics et une meilleure prise en charge des résidents et des patients en général. L’UCC étant ouvert aux consultations extérieures. Nos gériatres sont aussi formés pour transmettre cette expertise à leurs collègues.

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DH : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les orientations stratégiques de l’EHPAD/USLD du centre hospitalier de Vierzon pour les cinq ans à venir ?

Nous écrivons un nouveau projet d’établissement EHPAD/USLD. Le rattacher à celui plus global du centre hospitalier de Vierzon allait de soi après l’audit de 2014 et la fusion entre le SSR et le pôle EHPAD/USLD. C’était renforcer encore la cohérence des parcours « patient » et « résident ». Au sein de notre projet, le volet « accueil » est très important. Nous constatons que les résidents qui s’adaptent le mieux à leur nouvel environnement sont ceux qui ont eu les meilleures conditions d’accueil possibles. Poursuivre et diversifier les échanges avec les familles est aussi l’un des points clés. Pour ces questions, nous élaborons des « fiches actions » qui figureront dans nos orientations 2016-2020. Elles sont le fruit de groupes de travail regroupant les professionnels des filières pluridisciplinaires (personnels d’encadrement, d’animation, administratifs, paramédicaux, soignants, médicaux notamment) présentes à l’EHPAD/USLD de la Noue. Ces échanges se déclinent en plusieurs volets : projet de vie, projet de soins, projet social, projet d’animation, projet architectural, projet qualité et gestion des risques. DH : Le projet médical partagé induit la création d’un

Groupement Hospitalier de Territoire. Quels en seront les établissements ? Comment allez-vous piloter ce dossier ? Le GHT repose notamment sur un projet médical partagé (inclus dans la convention constitutive) qui doit lui-même respecter les orientations du projet régional de santé. L’établissement support pas encore déterminé (NDLR : à la date de rédaction de l’article), mais très pressenti (Bourges). Bourges pilote déjà des groupes de travail sur le sujet. En ce qui me concerne (filière gériatrique et SSR), cela consiste à définir avec des équipes de direction, des cadres de santé, des équipes médicales, les mutualisations possibles et souhaitables avec les autres établissements du Cher. Ce « projet médical partagé » devait être remis cet été à l’ARS. Vierzon est pressenti pour faire partie de ce GHT, avec quatre autres établissements. DH : La télémédecine gériatrique vient d’être « actée »

au centre hospitalier de Vierzon. Quels sont vos différents projets ? L’EHPAD/USLD s’est également fixé comme objectifs de mettre en place la sécurisation de la prescription médicale informatisée sur ses sept unités et de poursuivre la sécurisation du parcours patient. Dans

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le cadre de l’identitovigilance, il faut élaborer un programme d’éducation thérapeutique du patient sur les deux unités d’USLD, afin d’améliorer la prise en charge de la douleur chez la personne âgée. En la matière, on est toujours perfectible. L’informatisation facilite les choses mais ça n’est pas une science exacte. Et le facteur humain qui peut être source d’erreur, bien que limité, demeure. Nous avons opté pour une solution respectueuse du patient. L’identito-vigilance proposée avant mon arrivée voulait faire porter un bracelet électronique aux patients, afin de sécuriser la prise des traitements médicamenteux. Nous avons jugé cette méthode « déshumanisante », et fait d’autres propositions. Nous avons opté pour un système de carte avec photo. Le but étant de toujours donner le bon traitement à la bonne personne et au bon moment.

Les chiffres clés : Capacité d’accueil : 239 lits répartis en 193 lits d’hébergement (dont 2 lits en séjour temporaires) et 46 lits d’USLD Effectif total de l’EHPAD/USLD : 165 agents (personnels administratifs, paramédicaux, auxiliaires médicaux, personnel médical) Caractéristiques du projet de soins de l’EHPAD/USLD : Permanence des soins 24h/24h. Lieu de vie et lieu de soins. Accueil de résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou apparentée présentant des troubles du comportement en Unité d’Hébergement Renforcé, 5 pavillons fermés. Présence d’une P.U.I (Pharmacie à Usage Interne). Indicateurs et faits marquants : Taux d’occupation des lits : 97,47% en EHPAD/ USLD et 63,79% en séjour temporaire D.M.S : 3,14 ans (alors que la moyenne nationale est de 18 mois) Moyenne d’âge : 83,16 ans GIR moyen pondéré (GMP) : 749 Pathos Moyen Pondéré (PMP) : 127 Origine des admissions en EHPAD/USLD : SSR (83,4%), domicile (8,86%), unités de médecine (1,27%), Maisons de retraite (3,80%), autres structures (1,27%) Mode de tarification : EHPAD/USLD soumis à une tarification globale et à une convergence tarifaire

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Bâtiment IRM

Estelle Marlot

Une IRM

pour soutenir Vierzon

L’ouverture d’une IRM au centre hospitalier de Vierzon constitue un véri-

table progrès dans la prise en charge des 73 877 habitants du bassin vierzonnais. Elle permet en effet de limiter les temps d’attente pour ce type d’examens (estimé à plus de 3 semaines actuellement) et de réduire les coûts liés aux transports sanitaires. En améliorant la qualité du plateau technique de l’hôpital et en renforçant son attractivité, cette nouvelle activité répond en outre à un double objectif sanitaire : diminuer les coûts de l’intérim médical en milieu hospitalier et garantir, à long terme, le maintien de l’imagerie en ville. C’est en tenant compte de ces considérations que l’Agence Régionale de Santé du Centre Val de Loire a autorisé, dès le 29 octobre 2012, l’installation de l’équipement au sein du centre hospitalier. Cette autorisation a été complétée par une aide financière de 900 000 euros, perçue à la fin de l’année 2014, en vue d’aider l’établissement à mener à son terme un projet soutenu « au plus haut niveau par les politiques » explique Estelle MARLOT, directrice adjointe des affaires économiques et financières à l’hôpital de Vierzon. DH MAGAZINE – On peut raisonnablement attendre

de l’achat d’une IRM qu’il soit principalement motivé par des raisons médico-économiques. Mais, dans quelles conditions ce projet sera-t-il financièrement rentable ? C’est un très bonne question à laquelle nous tâchons de répondre au quotidien dans la gestion que nous faisons de ce projet. Effectivement, l’un des objectifs

de la mise en place de cette IRM, est de générer des recettes supplémentaires au profit de l’établissement (le centre hospitalier de Vierzon). Ce n’est toutefois pas le seul but que nous poursuivons. Il est certain, cependant, que la rentabilité future de cette nouvelle activité dépendra, à n’en pas douter, de l’efficience et de la pertinence de l’organisation que nous réussirons à mettre en place.

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DH : Ne trouvez-vous pas que l’argumentaire pour jus-

tifier l’acquisition de l’IRM a un côté commercial plutôt que médical ? Mettre en place une IRM à Vierzon répond à une nécessité de réduire les délais d’attente pour ce type d’examen et vise à rendre les postes de radiologue plus attractifs, à l’hôpital comme en ville. Ce sont des enjeux majeurs pour assurer l’avenir de l’imagerie hospitalière et libérale à Vierzon. De plus, l’IRM améliore considérablement la prise en charge des patients et permet de dépister assez vite une urgence vitale, comme un Accident Vasculaire Cérébral par exemple. Enfin, l’équipement retenu permet de réaliser des examens sans injection : il s’agit donc d’un vrai progrès pour les patients. DH :A moyen et à long termes, quelles assurances avez-vous de pouvoir disposer du nombre suffisant de praticiens pour faire fonctionner l’IRM ?

Nous n’avons, pour l’heure, aucune assurance en la matière. Il est certain qu’ouvrir une IRM dans un territoire qui souffre cruellement de la désertification médicale représente une vraie prise de risques pour l’hôpital. Malgré cela, nous continuons d’avoir foi en l’avenir. Tout d’abord, un radiologue public s’est déjà engagé à réaliser 50% de l’activité de l’IRM pendant plusieurs années. Il s’agit toutefois d’un praticien en fin de carrière et, par conséquent, nous anticipons d’ores et déjà son remplacement à moyen terme. La direction travaille par ailleurs au recrutement de spécialistes. Plusieurs d’entre eux ont déjà été sollicités en ce sens. Il y a une vraie volonté d’agir qui

nous conforte dans notre optimisme. Il faut rappeler enfin que le projet IRM bénéficiera grandement de la mise en place d’une mutualisation de l’imagerie en région Centre (MIRC) pour le partage et l’échange des images avec les établissements de santé, d’une part, et la médecine de Ville, d’autre part. Les images et compte-rendus seront mis en ligne et pourront Il faut rappeler enfin que être directement le projet IRM bénéficiera accessibles grâce à la saisie d’un grandement de la mise en place code correspon- d’une mutualisation de l’imagerie dant au dossier en région Centre (MIRC) du patient. Le déploiement de MIRC devrait être rapidement opérationnel en 2016, les fonds « hôpital numérique » ayant été déjà attribués à l’établissement pour le domaine dont il relève (domaine 1). DH : Le soutien financier (0.9 M€ d’aides pour un coût total des travaux de 1.1 M€) dont a bénéficié le Centre Hospitalier de Vierzon apparaît exceptionnel. En dehors de l’ARS, qui sont les généreux donateurs ? Comment avez-vous pu les convaincre d’ouvrir aussi largement leur portefeuille ?

Il n’y a pas eu d’autres généreux donateurs en dehors de l’Agence Régionale de Santé. Dès l’année 2012, cette dernière a accordé une autorisation d’installation d’équipement à l’établissement. La dégradation soudaine de la situation financière de l’hôpital, entre 2012 et 2014, a toutefois compromis le financement des travaux au point de mettre le projet en péril.

IRM

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Convaincu de l’intérêt d’installer une IRM dans la ville qu’il administre, Monsieur Nicolas Sansu, Député du Cher et Maire de Vierzon, s’est fortement mobilisé pour ce projet, en intervenant, au plus haut niveau, en faveur de son financement. Dans un tel contexte, les autorités ont jugé nécessaire de débloquer des fonds supplémentaires afin de garantir la viabilité de l’installation. Une nouvelle fois, ces choix sont cohérents, non seulement vis-à-vis du service offert au patient, mais aussi eut égard à une stratégie plus globale visant à endiguer la désertion des radiologues en renforçant l’attractivité de notre territoire. DH :Quelle est la part de la décision politique dans l’attribution des fonds ?

Elle a été déterminante. Sans l’intervention de Nicolas Sansu, du Sénateur du Cher, Rémy Pointereau, et du Président de la Communauté de Communes, Arnon Boischaut, aucune autorisation, ni aucune attribution de fonds n’auraient pu être envisagées. Ces demandes n’émanaient pas de la direction de l’établissement à l’époque. Pourtant, elles répondaient à un besoin territorial. Nous sommes désormais impatients de voir l’IRM fonctionner (son ouverture est prévue en septembre 2016). Cette nouvelle activité participera à la stabilisation des finances du centre hospitalier de Vierzon tout en rendant un grand service à la population locale, ce qui en fait un réel outil d’avenir pour l’établissement. DH :Sur quelle(s) base(s) avez-vous calculé ce chiffre de

6000 examens IRM par an ? Est-elle objectivement réaliste ou était-ce une façon de bien « vendre » le projet ? Le calcul est assez simple. On estime que les radiologues peuvent réaliser en moyenne une dizaine d’examens par demi-journée. En multipliant ce nombre par autant de demi-journées d’ouverture prévues, on obtient une activité totale située entre 5000 et 6000 examens par an. Le chiffre avancé de 6000 examens se situe donc effectivement dans la fourchette haute des estimations. À titre de comparaison, nous enre-

gistrons 7000 examens de scanner par an. La fourchette est donc haute mais réaliste. Il est par ailleurs nécessaire de rappeler que l’utilisation de l’IRM sera partagée entre l’hôpital et les radiologues libéraux de la ville de Vierzon. Or, nous savons qu’il existe toujours un petit écart de «productivité» entre l’activité publique et l’activité libérale : celui-ci est lié au profil des patients pris en charge par le secteur public. Ces derniers peuvent en effet présenter, lors de leur hospitalisation, des pathologies plus complexes, entraînant un rallongement de la durée d’examen. DH :Certes, l’argent est le nerf de la guerre mais l’objectif « final » de l’opération semble être autant, voire plus, une source de financement, que la réduction du temps d’accès aux examens ?

Ma vision du projet a peut-être été influencée par la fonction que j’occupe actuellement au sein de l’établissement. En effet, en tant que directrice des affaires économiques et financières, je veille tous les jours à ce que la situation financière de Vierzon ne se dégrade pas davantage. L’IRM est une activité qui, de par sa complexité, est difficile à mettre en place. Si le projet n’est pas bien mené, ce service peut devenir rapidement déficitaire. L’idéal serait de recruter un ou deux radiologues supplémentaires pour intervenir sur l’IRM et l’imagerie et assurer ainsi la rentabilité financière de ces services à moyen-long terme. DH :Le projet IRM a été initié bien avant votre arrivée

au Centre Hospitalier de Vierzon. Quelle est votre part dans ce cheminement ? Quelles ont été vos difficultés mais aussi vos satisfactions ? Lorsque j’ai pris mes fonctions au sein de l’établissement, le projet était déjà bien avancé s’agissant des travaux. Nous n’avions pas, à ce stade, choisi l’équipement (L’Amira de Siemens) ne disposions d’aucune projection financière, et nous n’avions pas encore retenu de cabinet d’architecte pour coordonner les travaux à venir. J’ai donc consacré en priorité du temps au choix de l’équipement (sans lequel notre autorisation, accordée en 2012, n’aurait pas été prolongée). Il a fallu ensuite négocier la convention de co-utilisation de l’équipement d’IRM avec nos partenaires libéraux et déterminer, dans ce cadre, leur taux de reversement sur les forfaits techniques. Il est sûr que c’est un dossier très prenant, source de pression, car il nous soumet à une obligation immédiate de résultats. Cependant, je suis certaine que le jour de l’ouverture, je serai alors très fière d’avoir fortement contribué à sa mise en place.

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DOSSIER JURIDIQUE

Me Michel Poignard

L E S J AR D I N S D E S P Y RAMI D E S 2 1 COUR S RAP H AE L B I N E T - C S 6 6 5 1 2 35065 RENNES CEDEX TEL. : 02.99.31.49.88 FA X : 0 2 . 9 9 3 1 . 2 8 . 0 1 w w w. e f f i c i a . f r

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INSEMINATION POST-MORTEM

E n 2010, le Tribunal de Grande Instance de Rennes en référé puis la Cour

d’Appel avaient été saisis d’une demande présentée par Mme J. visant à ce que les paillettes de sperme de son mari décédé et conservées par le CECOS Ouest lui soient restituées en vue d’une procréation médicalement assistée. Sur le fondement de la loi de bioéthique du 6 août 2004 prévoyant en particulier que : « l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants. Fait obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple », les 2 juridictions ont rejeté cette demande. La loi française interdit l’insémination post-mortem et les gamètes conservés avant un traitement pouvant rendre infertile doivent être détruits si le patient meurt. Plusieurs femmes ont demandé sans succès à récupérer les gamètes de leur conjoint décédé, les paillettes de sperme ne rentrant pas dans le cadre d’une transmission de patrimoine. 6 ans plus tard, saisi en Cassation d’une décision du Juge des référés du Tribunal Administratif de Paris, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du mardi 31 mai 2016, ouvre une brèche au caractère apparemment spectaculaire en réalité clairement circonscrite.

décès de son époux, le 9 juillet 2015, Mme G, résidant désormais en Espagne, demande l’exportation des gamètes en vue d’une insémination dans une clinique de Malaga. A contrario de la législation française, la loi espagnole prévoit que tout homme peut indiquer dans un testament ou des directives anticipées son souhait de voir ses gamètes utilisés après son décès pour provoquer une grossesse chez son épouse ou sa compagne ; le lien de filiation est reconnu si l’intervention a lieu dans les 12 mois qui suivent le décès. Contradiction entre législations De nationalité espagnole, Mme G, âgée de 30 ans, est mariée à un italien du même âge. Le couple vivait à Paris. Atteint d’un cancer du système lymphatique, M. G, risquant de devenir stérile du fait de la chimiothérapie, décide de faire stocker ses gamètes au CECOS de l’hôpital parisien Tenon. A la suite du

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Le refus opposé par le chef du service de biologie de la reproduction de l’hôpital Tenon conduit Mme G à saisir le Tribunal Administratif de Paris d’une requête en référé-liberté (article L 521-2 du Code de justice administrative) pour atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La requête est rejetée dans les 48 heures aboutissant à un pourvoi introduit devant le Conseil d’Etat.

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Dans son mémoire en défense, l’Agence de biomédecine a entendu rappeler pourquoi l’insémination post-mortem se trouve interdite en droit français : « protection de l’intérêt de l’enfant qui serait délibérément privé de père, outre le poids psychologique et social qui pèserait sur lui d’être dans la position d’enfant né d’un deuil ; protection de l’intérêt de la mère qui déciderait d’entreprendre une grossesse seule alors qu’elle vient de perdre son conjoint et qu’elle se trouve dans un état de vulnérabilité psychologique ». L’Agence a également fait valoir que les fondements du droit français faisaient primer l’intérêt de l’enfant sur le droit à l’enfant. De son côté, Mme G a soutenu que le refus d’exportation des gamètes était contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit que « toute personne a droit au respect de sa

vie privée et familiale ». L’argumentation développée va être validée par le Rapporteur public du Conseil d’Etat lors de l’audience du 27 mai qui -tout en ne cachant pas que « le chemin que je propose est praticable , mais escarpé»- estimera que le refus opposé par les autorités françaises «porte une atteinte manifestement disproportionnée car irréversible au droit à la vie privée de Mme G qui englobe le droit de devenir parent, droit garanti par l’article 8 de la CEDH ». Et le Magistrat -en l’absence d’enjeu pour la France tant en terme de filiation qu’en terme de nationalitéde proposer au juge de cassation : « il ne s’agit donc pas de remettre en cause la législation française ni le fait qu’elle s’applique à tous les résidents français mais d’y faire une exception pour un cas imprévisible au moment où les gamètes ont été congelés ».

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Circonstances particulières

des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Dans son médiatique soutien apporté à Mme G, le Professeur Didier Sicard, ancien Président du Comité consultatif national d’éthique -qui sera l’un des invités en novembre prochain des Rencontres Hippocrate Thémis initiées, à Rennes par l’Ordre des Médecins et l’Ordre des Avocats- avait tenu à considérer « qu’une situation exceptionnelle justifierait une décision de justice exceptionnelle ».

- d’autre part, il invite le juge des référés à s’assurer que même si la loi est globalement compatible avec la convention, son application n’aboutit pas à porter une atteinte excessive aux droits fondamentaux en cause (« le refus opposé sur le fondement des dispositions du Code de la santé publique porte, eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire, une atteinte manifestement excessive au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la CEDH. Il porte, ce faisant, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale »).

Les choses n’étaient pas acquises en l’état de notre droit et d’une opposition connue du Conseil d’Etat à l’insémination et au transfert post-mortem d’embryon exprimée de manière clairement affichée dans le rapport de 2009 à l’occasion des Etats généraux de la bioéthique. Finalement dans l’arrêt rendu dès le 31 mai, les juges du Palais Royal annulent l’ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif de Paris qui avait débouté Mme G et enjoignent à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ainsi qu’à l’Agence de biomédecine de prendre toutes les mesures afin de permettre l’exportation des gamètes litigieux vers un établissement de santé espagnol autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées dans un délai de 7 jours. Pour ce faire, l’intéressant raisonnement suivant in concreto a été emprunté : « la situation actuelle de Mme G résultait de la maladie et de la brutale détérioration de l’état de santé de M. G, qui avait empêché les époux de mener à bien leur projet durablement réfléchi d’avoir un enfant et, notamment de procéder à un autre dépôt de gamètes en Espagne, pays autorisant l’insémination post-mortem. Dans ces conditions, Mme G, revenue vivre en Espagne auprès de sa famille sans avoir eu l’intention de contourner la loi française, se retrouve dans une situation où l’exportation des gamètes conservés en France constitue la seule façon pour elle d’exercer la faculté que lui ouvre la loi espagnole ». Et d’en déduire : « le refus d’exportation opposé à Mme G sur le fondement de la loi française porte, au vu de l’ensemble des circonstances particulières de l’affaire, une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale ». Cet arrêt présente un double intérêt : - d’une part, il reconnaît au juge des référés, dans le cadre de son office de juge de l’urgence, la possibilité d’effectuer un contrôle de l’acte administratif contesté au regard des conventions internationales, en particulier de la convention européenne de sauvegarde

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Apparemment spectaculaire et peut-être inattendu, l’arrêt du 31 mai 2016 n’a pas eu en réalité d’autre vocation que de prendre utilement en compte le caractère bien particulier des données combinées de cette affaire Epoux G : pas de revendication à insémination post-mortem en France mais à transfert de paillettes de sperme congelées vers l’Espagne en vue d’une procréation médicalement assistée (PMA) par des parents italien et espagnol dont l’enfant à naître ne serait pas français. Pour autant, cet arrêt de la 10ème chambre de la Section du contentieux du Conseil d’Etat ne vient pas infléchir l’état du droit positif régi par la loi de bioéthique du 6 août 2004 et l’arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation. Tout au plus, convient-il de relever la prégnance croissante du droit communautaire dans notre ordonnancement juridique interne, prégnance qui ne peut manquer à terme de modifier la législation française a fortiori sur les problématiques sociétales et d’éthique. Cette question d’insémination post-mortem et de contradiction entre législations européennes ouvre pareillement débat à l’instar des enseignements méritant d’être tirés en droit comparé du vote par le Parlement portugais, le 13 mai dernier, d’une loi autorisant la gestation pour autrui (GPA) dans les cas d’infertilité féminine sans contrepartie financière pour la mère porteuse. Me Michel POIGNARD Docteur en Droit - Avocat (Cabinet EFFICIA Rennes) Spécialiste en droit public et en droit de la santé

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