Eaf l londres 2015

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BAccALAUnEar cEruEnal Session 2415

FRANQAIS (Serie L)

Coefficient : 3

Dur6e : 4 heures

Note aux candidats

:

Vous lirez soigneusement les quatre textes ci-joints. Vous r6pondrez ensuite i la question et enfin, vous choisirez d'6criture propos6s. Toutes vos r6ponses devront 6tre r6dig6es et organis6es.

![

des trois travaux

L'usage de la calculatrice et du dictionnaire n'est pas autoris6 Le candidat s'assurera qu'il est en possession du sujet correspondant d sa s6rie

Dds que ce sujet vous sera remis, assurez-vous qu'il est complet. Ce sujet comporte 7 pages num6rot6es de 1/7 it717.

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oBJEt d'Eruoe

:

Les r66critures du Xvlldme sidcle d nos jours.

CORPUS

:

Texte A - Ovide, Les M1tamo4phoses, Livre dixidme, < Orph6e >, d6but du l"'sidcle de notre dre, traduction de Joseph Chamonard, 1966.

Texte B - Tristan L'Hermite, La Lyre, < Orph6e

>>,

1641.

Texte C - Th6odore de Banville, Les Cariatides,

<<

La Voie lact6e >, 1879.

Texte D - Pascal Quignard, Ious /es Matins du monde, chapitre Vl, 1991 .

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>, d6but du lt'sidcle de Texte A - Ovide, Les M1tamorphoses, Livre dixidme, < Orph6e notre dre, traduction de Joseph Chamonard, 1966'

lui par

pour supplier les dieux de la cordes qui lui a 6tE donn6

ll va aux Enfers fits du roi de Thrace, pleure la moft de sa femme Eurydice. pour les dmouvoir, Ori;nee chante en s'accompagnanf de sa lyre, instrument d

orph6e,

rendre. Apotton, dieu de la musique et de la po6sie'

paq d la euand le chantre du Rhodopel l'eut assez pleur6e sur la terre, ne renonqant jusqu'au Styx par la porte du T6nare2 ; et, chercher m6me chez les ombres, il osa descendre il aborda fendant la foule letare des fantdmes des morts pieusement mis au tombeau,

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,litr" qui rdgne sur le peuple maussad.e-des ombres. Et, frappant lesoucordes i"rr"p-r..'onei nous "it" de sa lyre pour accompagner Jon chant, il dit : < O divinit6s de ce monde souterrain permettez de dire peux, me si vous le sije la mort, i soumises retombons, tous, nous qui est Tartarea "r6ltrr"r sombre voir le pas de le-desii n'est ce sans ambages et franchement la v6rit6, du poil de serpents, gorge, fait au triple la cause de ma descente ici, ni celui d'enchainer sur vipdre, une 6pouse mon c'est voyage, ; mon monstre de la race de Meduses. La raison de qui interrompit le cours de ses laquelle elle mit le pied, a r6pandu dans ses veines un venin je perte, ne nierai pas de l'avoir tent6 ; et ann6es. J,ai voulu trouver la iorce de supporter cette la terre. L'est-il aussi chez sur d'ici, au-dessus iAro* l,a emport6. C'est un dieu bien'connuqu'il la rumeur qui rapporte le si et, est aussi l'y ; vous ? Je l'ignore, mais je suppose cependant qui unit. Par ces lieux que vous rapt de jadiJn'est pas rnensongere, vous-m6mes, c'est l'Amour je vous en prie, silence, du royaume remplit ia crainte, par cet immlnse Chaos, par ce vaste et nous ne nous lois, vos d renouez le fil trop iot coup6 du destin d'Eurydice. Tout est soumis ce commun de plus la route peu tard, attardons gudre avant de prendre, un peu plus t6t ou un vous dont c'est et pour dernidre, nous la ieiorr. No-us aboutissons ious ici. Cette demeure est son juste v6cu aura te regne sur le genre humain a la plus longue dur6e. Elle aussi, lorsqu'elle je demande pour faveur, toute vgus ; .orit" d,ann6els, le moment venu, elle seia justiciable degrice pour mon 6pouse, j'y suis bien cette iefuse le destin si Et, bien. jouissance mon de la double tr6pas. > resotu, je renonce d revenir en arridre ; r6jouissez-vous.alors de notre paroles, i'andis qu'il prrtrit ainsi, faisant iesbnner les cordes de sa lyre au rythme de ses d'lxion qui roue la le fuit, les imes exsangues pleuraient : Tantale renonga ir atteindre l'eau B6lus petites-filles de s,arr6ta, les oiseaux cessdrent de ronger le foie de leur victime, les dit-on' premidre fois alors, d,emplii leurs urnes, et tu t'assis, sisyphe, sur ton roche16. Pour la Ni la royale 6pouse ni par ce chant. vaincues joues Eum6nidesT, des les les larmes mouilldrent pridre ; ils appellent le dieu qui rdgne aux Enfers n'ont le cceur d'opposer un refus d sa pas que retardait sa Eurydice.' Elle !e trouvait parmi les ombres nouvelles et s'avanga d'un blessure. qu'il ne tournera pas ses Orph6e, le chantre du Rhodope, la regoit sous cette condition, faveur sera regards en arridre jusqu'd ce qu'il soit sorti des vall6es de l'Averne ; sinon, cette par les pentes voix, nulle que ne trouble silence un travers d ,"idu" vaine. lls siacheminent, plus 6loign6s, la limite d,un sentier abrupt, obscur, noy6 dans un 6pais brouillard. lls n'6taient dispar0t et avide de qu'Eurydice ne tremblant Orph6e, la terre ; franchie, de fouler Ia surface de elle recula, et la aussitOt yeux elle vers par les ; l'amour, la contempler, tourna, entrain6 ne saisit que l'air retenir, par le lui, de reienue d'6tre malheureuse, tendant les bras, s'efforgant profera aYcgle plainte contre son inconsistant. Mais, mourant pour la seconde fois, elle ne qu'il l'aimAt ? Elle lui dit un supreme ce de sinon epori : de quoi se plaindrait-elle, en effet, sur ses pas, retourna d'oit revenant et, oreilles, ses ,biur, que devaient'ivec peine recueillir elle venait. L'expression d6signe Orph6e, originaire de cette r6gion de Thrace'6tait consid6r6 par les Anciens comme une porte d'entr6e J r;* JJ. n"r*. des E-nfers. Le cap T6n-are question ligne_32. oes Enters au m6me titre que le lac Averne dont il est qui . p"rrepn""e olHrdds, dieu des morts et souverain des Enfers que d6signe l'expression < maitre "rtltpori" rdgne sur le peuple maussade des ombres >' les grands criminels de la mythologie' a Le Tartare est l,un des lieux des Enfers, au sein duquel expient leurs fautes 5 gardait les Enfers' qui ll s'aoit de Cerbdre, chien d trois t6tes . xi";;E;"tii"r files de B6tus (tes Danaides), Sisyphe d6signent certains de ces grands criminels 1

, [" Sv*

ir.Hi",

condamn6s

'

i

des supplices 6ternels.

Divinit6s des Enfers.

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Texte B - Tristan L'Hermite, La Lyre, < Orph6e >>,1641'

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ll ne put accomplir la s6vdre ordonnancel, De marcher devant elle2 d travers du silence, Sans que sur son visage il d6tourndt ses yeux Jusqu'd ce qu'il eOt vu la lumidre des Cieux' De son impatience il ne sut 6tre maitre, Et la voyant trop t6t, il la fit disparaitre ; Elle fut ramen6e en ce funeste lieu' Et n'eut rien que le temps de lui crier : < Adieu. Adieu charmant Orph6e, adieu ma chdre vie, C'est enfin pour jamais que je te suis ravie. Par ce transport d'amour, tout espoir m'est 6t5 De revoir du Soleil l'agr6able clart6. Ta curiosit6 troP Peu consid6r6e, Me remet dans les fers dont tu m'avais tir6e. Pourquoi du vieux Minos3 n'as-tu gard6 les lois, Et temp6r6 tes yeux aussi bien que ta voix ? O faute sans remdde ! 6 dommageable vue ! Avec trop de travaux tu m'avais obtenue : Mais je prends tes regards et ma fuite d t6moin, Que tu m'as conserv6e avec trop peu de soin. Que dis-je toutefois ? mon jugement s'6gare ; Puisque c'est seulement ton soin qui nous s6pare : Tu craignais de me perdre en cette sombre horreur, Et cette seule crainte a produit ton erreur : De ton affection ma disgrAce est 6close, Et sij'en hais I'effet, j'en dois aimer la cause' Encore que tes yeux me donnent le tr6pas, Cette atteinte me tue et ne me blesse pas : Ta foi, charmant Epoux, n'en peut 6tre bldm6e ; Tu n'aurais point failli sij'6tais moins aim6e : Je me dois consoler de ne voir plus le jour, Puisque c'est par un trouble ou j'ai vu ton amour. Consoletoi de m6me et ne plains point ma cendre Dans les torrents de pleurs que tu pourrais 6pandre Ne va point abr6ger le beau fll de tes jours, Les Destins assez t6t en borneront le cours' Le Ciel est 6quitable, il nous fera justice ; Tu te verras encore avec ton Eurydice : Si l'Enfer ne me rend, la Parquea te prendra, L'Amour nous d6sunit, la Mort nous rejoindra ; llfaudra que le Sort d la fin nous rassemble Et nous aurons le bien d'6tre d jamais ensemble >'

:

t Ordonnance : d6signe, ici, l'ordre donn6 i Orph6e.

,

Dans ces deux premidres lignes, < il > et < elle > d6signent Orph6e et Eurydice. 3 Minos : ancien roi de Crdte, 6galement juge des Enfers' 4 Parque : il s'agit d'Atropos, divinit6 qui coupait le fil des destin6es humaines.

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Texte c - Th60dore de Banville, Les cariatides,

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La Voie lact6e

),

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879'

Pour Orph6e, anxieux et I'dme an6antie,

Sursonfrontportantl'ombreainsiqu'unnoirvautour'

i

De l'aube la nuit noire il chantait son amour, PAle, effrayant, en proie au sinistre d6lire, Et des crigdouloureux s'6chappaient de sa lyre' Enfin, br0lant toujours de feux inapais6s, Cherchant la vierge enfant ravie d ses baisers, ll pen6tra parmi les gorges du.Tenare ; ll entra dans le bois ou la lumidre avare Se voile et meurt, ou les vains spectres par milliers 10 Se pressent, comme font des oiseaux familiers Qui vont rasant la terre et dont le vol h6site' tiapaisa le flot bouillonnant du Cocytel, Et m6me il vit au fond de l'enfer souterrain tes Dieux de l'ombre assis sur leurs tr6nes d'airain' 15 ll chantait, voix mEl6e d la lyre divine ; Les Dieux voyaient l'Amour vivant dans sa poitrine ; Sans doute ili eurent peur qu'en leur morne tombeau L'archer D6sir lui-m6me avec son clair flambeau Ne par0t, et domptant le Styx aux vagues sombres' 20 Ne redonnAt la vie au vain peuple des Ombres' Muse ! tu sais comment, subjugu6 par ses vers' Pluton2 qui rdgne, assis prds des gouffres ouverts Et des pics trop br0l6s pour que l'herbe y verdisse' Rendit au roi chanteur la tremblante Eurydice, 25 Et comment, 6 douleur ! vaincu par son amour jour Orph6e, en arrivant presque aux portes du Se retourna pour voir plus tOt la bien-aim6e' Elle s'6vanouit en l6gdre fum6e. La mort couvrait de nuit son visage riant, 30 Et, triste, elle appelait Orph6e en s'enfuyant Vers le gouffre b6ant et d'oil sortaient des rdles' Tendant encor vers lui ses mains froides et p6les' Et repassant d6jd le fleuve au noir limon' Pendant sept mois entiers, sur les bords du Strymon3' 35 Orphee en pleurs, de tous 6vitant les approches, Dans les antres glac6s v6cut parmi les roches' Parmi les durs frimas oU fleurissent les lys , De l'Apre neige, aux bords glac6s du Tanalsll erra, savourant le funeste d6lice 40 De sa douleur, toujours chantant son Eurydice'

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Cocvte : nom d'un des fleuves des Enfers' d'Hadds, dieu des Enfers' 't Pluton : nom latinqui si**on : fleuve coule en Thrace' r6gion d'origine d'Orph6e' . , ;;;r; , ir"rr" qJi o".r l'nntiquite, marluait la s.paration entre l'Europe et I'Asie'

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Texte D - Pascal Quignard, Ious /es Matins du monde, chapitre Vl, 1991. Au printemps 1650, Madame de Sainte Colombe meurL, /arssanf son mari seul avec leurs deux petites filles. Monsieur de Sainte Colombe donne des cours de viote (instrument de musique d cordes qu'on frotte avec un archet) et se plonge dans la musique pour oublier ta mo1 de son 6pouse. Alors qu'iljoue le morceau qu'il a composd a I'occasion de sa disparition, le fant,me de sa femme luiapparait.

Un jour qu'il concentrait son regard sur les vagues de l'onde, s'assoupissant,

il r6va qu'il p6n6trait dans l'eau obscure et qu'il y s6journait. ll avait renonc6 i toutes les choses qu'il aimait sur cette terre, Ies instruments, les fleurs, les pdtisseries, les partitions roul6es, les cerfs-volants, les visages, les plats d'6tain, Ies vins. Sorti de son songe, il se souvint du Tombeau des Regrets qu'il avait compos6 quand son 6pouse l'avait quitt6 une nuit pour rejoindre la mort, il eut trds

soif aussi. ll se leva, monta sur la rive en s'accrochant aux branches, partit

sous les vo0tes de la cave une carafe de vin cuit entour6e de paille tress6e. ll versa sur la terre battue la couche d'huile qui pr6servait le vin du chercher

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contact de l'air. Dans la nuit de la cave, il prit un verre et il le go0ta. ll gagna la cabane du jardin oil il s'exergait ii la viole, moins, pour dire toute la v6rit6, dans I'inqui6tude de donner de la g6ne d ses filles que dans le souci ou il 6tait de n'dtre i port6e d'aucune oreille et de pouvoir essayer les positions de la main et tous les mouvements possibles de son archet sans que personne au monde pOt porter quelque jugement que ce fOt sur ce qu'il lui prenait envie de faire. lt posa sur le

tapis bleu clair qui recouvrait la table oir il depliait son pupitre la carafe de vin garnie de paille, le verre d vin d pied qu'il remplit, un plat d'6tain contenant quelques gaufrettes enroul6es et iljoua le Tombeau des Regrets.

ll n'eut pas besoin de se reporter d son livre. Sa main se dirigeait 20

d'elle-

m6me sur la touche de son instrument et il se prit d pleurer. Tandis que le chant montait, prds de la porte une femme trds p6le apparut qui lui souriait tout en posant le doigt sur son sourire en signe qu'elle ne parlerait pas et qu'il ne se

d6rangeit pas de ce qu'il 6tait en train de faire. EIle contourna en silence le pupitre de Monsieur de Sainte Colombe. Elle s'assit sur le coffre d musique qui 25

6tait dans le coin auprds de la table et du flacon de vin et elle I'6couta.

C'6tait sa femme et ses larmes coulaient. Quand il leva les paupidres, aprds qu'il eut termin6 d'interpr6ter son ,oi.".r, elle n'6tait plus ld. ll posa sa viole et, comme il tendait la main vers le plat d'6tain, aux c6t6s de Ia fiasque, il vit le verre

d moiti6 vide et il s'5tonna qu'd c6t6 de lui, sur le tapis bleu, une gaufrette fOt it 30

demi rong6e.

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EcnrruRe I - Vous r6pondrez d'abord d la question suivante : (4 points)

Comment les 6l6ments du mythe d'Orph6e pr6sents dans Ie texte d'Ovide (texte A) sont-ils repris dans les trois autres textes du corpus ?

ll - Vous traiterez ensuite. au choix, I'un des suiets suivants : (16 points) SUJET 1 : Commentaire Vous ferez du texte de Pascal Quignard un commentaire litt6raire.

SUJET 2 : Dissertation En vous appuyant sur les textes du corpus et sur vos lectures personnelles, vous vous demanderez dans quelle mesure les diff6rentes r66critures d'une @uvre litt6raire contribuent d la faire vivre.

SUJET 3 : Ecriture d'invention

En vous inspirant des textes du corpus, vous r66crirez sous une forme th66trale le dialogue qui a pu se tenir aux Enfers entre Orph6e, Eurydice et Hadds.

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