Bsc news Magazine octobre 2016

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BSC NEWS N°94 - OCTOBRE 2016

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ÉDITO

par Nicolas Vidal

« Eric Zemmour ne devrait pas être publié ?» Une passionnante interview de Francis Esménard, le patron des Editions Albin Michel publiée chez nos confrères de l’Express dans son édition du 19 octobre 2016* soulève le problème de la libre pensée et du pluralisme. À l’occasion du nouvel ouvrage d’Eric Zemmour, qui caracole en tête des ventes en librairie, Francis Esménard répond aux critiques virulentes - et notamment internes - qui lui reprochent de donner la parole au journaliste politique et polémiste pour la sortie d’« Un quinquennat pour rien» publié aux Editions Albin Michel. Le propos de Francis Eménard est passionnant tout autant que la vindicte est dangereuse à l’encontre de la maison d’édition. Car elle pose le problème central de la diversité des idées et, par conséquent, des fondements même de la démocratie . « Un éditeur n’est pas comme marchand de réfrigérateur (...) Chaque livre est différent 2

et pose des questions spécifiques (...) se défend-il pour assumer son choix éditorial. Sur la question de l’environnement médiatico-intellectuel, Francis Esménard esquisse une analyse qui incite à la réflexion « Une certaine intelligentsia de gauche veut toujours ostraciser ceux qui ne sont pas d’accord avec elle» et poursuit «il y a un décalage énorme entre le pays et une partie des médias». L’éditeur termine son entretien en portant un regard sans concession sur la capacité d’une certaine France à débattre « J’ai l’impression que, dans les années 1980, le débat était plus libre ...» Dans une démocratie, le pluralisme des idées est la clé de voûte de la liberté et l’acte fondateur du débat. Refuser cela, c’est nier le libre arbitre, nier par là même la capacité à chacun de réfléchir et à se faire une opinion personnelle. ( * L’express - N3407 )


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N°1 - Septembre 2016

France : 3,99 €

« Quand les gens sont de mon avis, j’ai toujours le sentiment de m’être trompé. »

Oscar Wilde

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L’OBSESSION SOCIÉTÉ

ÉDITION D.R

Paul-François Paoli pointe les errances politiques de la gauche dans son dernier ouvrage.

LIVRES D.R

L’éditrice Natalia Turine analyse sans concession la Russie d’hier et d’aujourd’hui.

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Nathacha Appanah évoque l’enfer de la jeunesse mahoraise livrée à elle-même dans son dernier livre.

Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Suisse, Luxembourg, Italie, Grèce, Portugal : 5,19 € ; Canada, États-Unis : 5,99 €


BD - Interview croisée

Pierre Boisserie & Eric Stalner

Jazz SOUL Livres

P.6

EXPO Musique

Notre sélection estivale

Tony Momrelle, Le prince de la Soul anglaise P.32

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Pop

DELUXE

Cinéma

Sacha Wolff

Pop

The Slow Show 5


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BANDE DESSINÉE

Pierre Boisserie & Eric Stalner Une histoire de la Saint-Barthélemy Le dessinateur Eric Stalner et le scénariste Pierre Boisserie, partenaires de longue date sur de nombreux projets BD, s’attaquent cette fois-ci à un épisode sombre de l’Histoire de France : le massacre de la Saint-Barthélemy. Dans une interview croisée, ils évoquent avec nous les coulisses de la création et de la mise en scène d’une période historique avec les codes de la bande dessinée. Propos recueillis par Nicolas Vidal - (Crédit Photos : ©DR ) 8


Pierre Boisserie - scénariste Pierre Boisserie, qu’est-ce qui a vous plu dans cette épisode tragique de l’Histoire de France ? La résonance avec les événements actuels. La religion est encore de nos jours un outil de pouvoir et de manipulation politique. De plus, par rapport au déroulé de l’Histoire de France, cet épisode a été le début de la désacralisation de la royauté qui a mené, 200 ans plus tard, à la Révolution. Comment avez-vous travaillé sur cette période pour bâtir cet opus ? Aviez-vous déjà une connaissance préalable de la Saint-Barthelemy ? Vous êtes vous beaucoup documenté ? Ce fut une énorme documentation sur l’époque, sur le contexte, sur les acteurs et leurs motivations. Le factuel sur la Saint-Barthélémy reste très flou encore aujourd’hui. Il n’y a que des théories sur l’enchaînement des événements, sur la répartition des responsabilités. C’est clairement du 9

pain béni pour les auteurs de fictions que nous sommes, car nous avons pu construire notre propre version sans prendre trop de largesse avec l’Histoire. Vous avez choisi d’aborder la Saint-Barthélemy sous le prisme d’une famille et notamment d’Elie de Sauveterre. Pourquoi cet angle? Les personnages historiques ne sont pas forcément les meilleurs vecteurs pour accrocher le lecteur dans nos histoires. Nos récits sont des fictions, autant prendre des personnages fictionnels et les lancer dans le grand bain de l’Histoire, ce qui nous laisse beaucoup plus de liberté. Et j’adore les histoires de familles ! Quels ont été les écueils à éviter pour écrire ce scénario et raconter le plus fidèlement possible le massacre de la Saint-Barthélemy ? L’écueil est de vouloir raconter l’Histoire de France en pensant faire le travail d’un historien. Il faut avant tout raconter l’histoire de nos personnages. L’Histoire n’est que le


contexte dans lequel ils évoluent. Spécifiquement pour la Saint-Barthélémy, il a fallu s’autocensurer dans le degré de violence que nous pouvions montrer. Bien que notre histoire soit particulièrement violente, nous ne racontons que le quart de la moitié de ce qui s’est réellement passé. C’était l’horreur totale : des hommes et des femmes devenus fous, ivres de Dieu, prêts à commettre les pires exactions au nom de leur foi. Ça vous rappelle quelque chose ? Comment s’est déroulée l’élaboration de l’album pour cette nouvelle collaboration avec Eric Stalner qui dure depuis 1999 ? Bizarrement comme toujours. Nous voulions travailler sur la Commune de Paris… au bout du compte, nous nous sommes retrouvés sur la fin des Valois et la Saint-Barthélémy. Nous nous connaissons suffisamment bien pour savoir quand les choses fonctionnent ou pas. Après, le récit se construit par la discussion et l’échange. Nous commençons à 10

faire vivre nos personnages, puis nous construisons leur parcours à travers les événements que nous racontons. Et vogue la galère… ERIC STALNER - Dessinateur Comment appréhende t-on le dessin d’un sujet aussi tragique que le massacre de la Saint-Barthelemy ? Le dessin ou plutôt la manière de dessiner ne change pas techniquement suivant les histoires que l’on raconte. C’est la narration qui peut être différente. La narration, pour moi, c’est le rythme, le nombre de cases par page, la façon d’enchainer les images, les variations de cadrages. C’est la mise en scène en quelque sorte. Dans un récit qui se passe à Paris au XVIe siècle et dans un contexte assez dur, j’ai voulu montrer des larges plans de la ville encore très médiévale, très différente d’aujourd’hui, et aussi des plans plus resserrés et rapides pour les scènes d’action.


sud-ouest de la france, 1562.

le pays est divisé par la religion : catholiques idolâtres contre protestants hérétiques.

un an plus tôt, la reine mère a évincé les guise, chefs du parti catholique, dans le but de séparer le débat religieux du débat politique.

depuis la mort d’henri II, les luttes de pouvoir font rage au plus haut sommet de l’état.

en vain, les tensions s’exacerbent entre papistes et huguenots.

catherine de médicis assure la régence au nom de son fils, le trop jeune charles IX.

l’édit de janvier 1562 autorise la liberté de culte pour les protestants à la condition que les offices soient célébrés en dehors des villes.

le 1 er mars 1562, françois de guise et ses hommes massacrent soixante-quatorze protestants qui pratiquaient leur culte dans une grange à wassy.

guise est accueilli en héros à paris.

la première guerre de religion est déclarée.

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Plus que dans d’autres projets, on image que votre trait doit être documenté et précis pour coller au mieux à la période. Qu’en estil pour vous ? Comment vous êtes vous immergé dans cette période ? Le moment de la recherche de documents pour coller le mieux possible au récit est un moment que j’apprécie particulièrement. Je connaissais un peu le sujet de la Saint Barthélémy sans être un spécialiste. Alors j’ai lu des romans et des essais, j’ai regardé des films qui se passent à la bonne période, j’ai cherché sur internet des gravures, des dessins et des peintures. J’ai fait, comme à chaque fois, une grande bibliothèque iconographique. C’est un gros boulot mais le plus précis il est et le plus libre on se sent par la suite pour dessiner. Après, les erreurs, on en fait toujours. Notre histoire se passe en 1572, la mode de 1570 n’est pas celle de 1580, mais il faut être un spécialiste pour s’en rendre compte. Ce qui est le plus important est de sentir le souffle © Lucky Comics 2016, Matthieu Bonhomme

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romanesque dans un cadre historique précis qui paraisse correct. Si on regarde de près le film La reine Margot de Patrice Chéreau, c’est bourré d’erreurs historiques et on s’en fiche, le film est superbe. Qu’est-ce qui vous a paru le plus délicat à retranscrire : les décors ou les personnages ? Car les spécialistes de la période sont assez pointilleux sur le rendu historique. Être dessinateur de BD, c’est à priori être capable de tout dessiner, décors aussi bien que personnages. Alors je me débrouille avec mes qualités et mes défauts. Il y a des choses que je sais mieux faire que d’autres mais j’essaie de faire en sorte que l’ensemble sonne à peu près juste et qu’il n’y ait pas trop de fausses notes. Je colle au plus près tout en restant libre. Nous ne faisons pas un livre d’histoire sur la Saint Barthélémy, les historiens ne sont déjà pas tous d’accord entre eux. Nous faisons un récit romanesque dans une période historique


clément, la poule mouillée ! il a encore demandé pitié !

élie, non ! pitié !

non !

château de sauveterre.

en garde, sire clément ! je suis votre homme, sire élie !

clément, la poule mouillée !

non ! pas vrai ! tais-toi, loïse !

clément, la poule mouillée !

je ne voulais pas le dire, ça m’a échappé…

ce n’est pas grave, petit frère. remets-toi debout et reprenons l’assaut.

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assez !

père ?

sois ferme sur tes appuis, clément. mais, mais… je ne peux… à reculons ! clément se bat à reculons !

n’avez-vous donc rien d’autre à faire que de jouer avec votre frère ? nous sommes protestants, et ni la légèreté ni la futilité ne sont les Bienvenues dans cette maison.

clément sera instruit comme il se doit par un maître d’armes. pour l’instant, je vous ai demandé d’aider au renforcement des défenses du château et…

mais, père, je ne fais que lui apprendre les rudiments du combat, comme vous-même me les avez…

monseigneur !

on tue vos gens !

monseigneur !

taisez-vous, élie !

je l’ai fait pour vous car vous serez, après moi, baron de sauveterre.

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des mercenaires, des papistes !

comment peuxtu l’affirmer ?

idolmie ? mais que racontes-tu ? ou cela ?

à la combe des malpas…

ils nous tuent au nom de la vierge marie !

élie, rassemble tous les hommes. nous devons porter l’attaque en dehors du château avant qu’ils ne nous assiègent.

clément et loïse, vous restez ici avec votre nourrice. enfermez-vous au logis.

maudits papistes !

élie… père…

vous avez entendu votre père ? rentrons.

pourquoi les papistes tuent-ils nos gens ?

c’est une longue histoire, bien compliquée pour une petite fille de ton âge.

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çon de dessiner. Je fais des crayonnés assez succincts et j’encre très rapidement. Sur papier, les erreurs sont parfois irréparables ou vraiment très longues à corriger. Sans rentrer dans les détails, c’est beaucoup plus simple sur tablette.

donnée. Comment travaillez vous, Eric Stalner, plutôt au crayon/papier ou sur tablette graphique ou harmonisez-vous les deux supports ? Depuis quelques années, je travaille uniquement sur tablette graphique. La Cintiq 27 HD pour les spécialistes. J’adore cet outil. Il m’apporte une liberté considérable et il est vraiment adapté à ma fa16

Comment s’est passée la collaboration ( déjà longue) avec Pierre Boisserie concernant la combinaison entre le dessin et le scénario de ce premier tome de la Saint-Barthélemy ? Comme d’habitude avec Pierre, nous faisons le scénario ensemble. Ensuite je prends la responsabilité du découpage et lui celle des dialogues. Cela fait plus de quinze ans que nous travaillons comme ça et cela nous convient très bien. Le dessin ou plutôt la manière de dessiner ne change pas techniquement suivant les histoires que l’on raconte. C’est la narration qui peut être différente. La narration, pour moi, c’est le rythme, le nombre de cases par page, la façon d’enchai-


ner les images, les variations de cadrages. C’est la mise en scène en quelque sorte. Dans un récit qui se passe à Paris au XVIe siècle et dans un contexte assez dur, j’ai voulu montrer des larges plans de la ville encore très médiévale, très différente d’aujourd’hui, et aussi des plans plus resserrés et rapides pour les scènes d’action.

SAINT-BARTHÉLEMY Tome 1 - Sauveterre

Pierre Boisserie et Eric Stalner Editions les Arènes

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Cinéma

Sacha Wolff

« Je voulais explorer une part méconnue de l’identité française » Pur produit tout droit sorti de la Femis, Sacha Wolff, 35 ans, a d’abord fait ses gammes du côté du documentaire avant de se lancer dans le grand défi de la fiction. Mercenaire, son premier film est pétri de qualités. Un mélange de genre et une volonté de mettre en lumière des sujets méconnus du grand public : son identité à travers les DOM-TOM et le rugby amateur. Pour l’occasion, le BSC NEWS a rencontré son réalisateur, Sacha Wolff pour parler du film et en aborder toutes les thématiques. Propos recueillis par Jonathan Rodriguez - Crédit photos Hassen Brahiti

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lourd en terme de logistiques, d’équipe et d’organisation. C’est plus cher aussi. Avec le documentaire, ce que je trouve d’agréable, c’est qu’on peut le faire quasiment seul. Il y a quelque chose de brut. La grande différence, c’est qu’on passe notre temps à refaire.

Avec Mercenaire, vous passez du documentaire à la fiction. Qu’est-ce qui change dans la mise en scène ? Il faut une motivation supplémentaire… J’ai toujours eu envie de faire les deux. On sépare souvent le documentaire et la fiction alors que c’est la même pratique. C’est du cinéma. Je travaille la fiction d’une façon particulière, souvent avec des comédiens qui n’en sont pas et qui sont proches dans la vie de leurs propres rôles. Sur l’écriture des films également, je garde des principes du documentaire pour la fiction. Ce qui change, ce sont les dispositifs. Faire de la fiction, c’est beaucoup plus 20

Quelle était votre motivation de départ lorsque vous avez écrit le scénario ? Votre film parle des Wallisiens, du rugby, du déracinement… Au tout début, j’avais envie de faire un film autour du rugby. J’adore ce sport. Je pensais y trouver le même potentiel physique que dans les films de boxe, comme avec Fat City de John Huston, Raging Bull de Scorsese ou encore Nous avons gagné ce soir de Robert Wise, avec la dimension collective en plus. C’est ce qui m’intéressait. Et un jour, Le Monde a sorti un article sur le quotidien de joueurs étrangers qui étaient recruté dans une équipe de Fédérale III à Lons-Le-Saunier. C’était des joueurs qui venaient des Samoa, d’Afrique du Sud, de Roumanie. Ils étaient recrutés pour faire monter les équipes en divisions supérieures, avec un faible salaire. En faisant ces recherches, j’ai rencontré Laurent Pakihivatau, dit « Paki », qui jouait à Lyon et qui était Wallisien. Sa rencontre a été décisive, je me suis dit pourquoi ne pas explorer cette part d’identité française complètement mé-


connue, que je connaissais très mal aussi. J’avais l’impression d’avoir un sujet invisible. C’était stimulant. Il y avait aussi l’idée de filmer les corps que l’on n’a pas l’habitude de voir au cinéma. Il fallait se dire que les principaux personnages de mon film pesaient entre 120 et 140 kilos. J’ai eu très vite l’idée de filmer des avants plutôt que des trois-quarts. Ils faisaient un boulot sur le terrain rarement mis en avant. Au-delà de cette puissance physique j’y voyais une certaine grâce et beauté. Mettre en lumière ces phénomènes de société, que ce soit sur le sort de 21

ces joueurs d’outre-mer ou sur le rugby amateur, était une motivation supplémentaire ? Surtout pour quelqu’un comme vous qui vient du documentaire… C’est certain, il y a eu un intérêt passionnant à filmer un rugby méconnu. On parle rarement du rubgy amateur. Il y avait l’envie aussi de parler des Wallisiens parce qu’il n’y avait aucun film à leur sujet. Mercenaire est le premier film tourné en langue Wallisienne et le troisième film tourné en Nouvelle-Calédonie. Il y avait un vrai désert cinématographique et un vide motivant. Mais aussi, j’avais cette volonté de fil-


mer la partie métropolitaine du film de manière plus exotique que de la Nouvelle-Calédonie. L’idée était d’adopter le point de vue de ce jeune qui a grandi à Nouméa et qui découvre la métropole, qui, a ses yeux, est exotique. Il y a une mise en lumière de ce qu’on n’a pas l’habitude de voir, avec ce point de vue là. Comment trouve-on un équilibre avec toutes ces thématiques pour écrire un scénario cohérent et calibré ? La base est de s’imprégner de cet univers-là, de leur vécu, leur ressenti. Il fallait une immersion longue dans leur monde pour leur rester fidèle. J’ai fait beaucoup d’aller-retour entre la France métropolitaine et la Nouvelle-Calédonie, toujours avec des Wallisiens. Je ne voulais pas faire un cinéma ethnographique, expliquant les coutumes… Beaucoup d’idée d’écritures sont venus forcément de tout ce que j’ai vu. C’était la même problématique avec le rugby. Il fallait passer du temps pour que le portrait que je voulais faire soit respectueux et réaliste. Ensuite, l’idée c’était de s’éloigner de toute cette phase documentaire pour ne pas être uniquement dans la cohérence documentaire. Je voulais raconter une histoire, donc il fallait que ce soit cohérent avec mon 22

récit. Je voulais donner du souffle, un certain lyrisme et que mon personnage soit un héros. Les investisseurs ont-ils été réceptifs à votre scénario ? Ce n’était pas évident mais ça n’a pas été non plus trop compliqué. J’ai énormément travaillé sur l’écriture parce que je savais que la seule façon de convaincre les gens, c’était de leur prouver qu’il y avait un univers intéressant à découvrir. Il fallait créer chez eux, une sorte de curiosité et d’excitation vis-à-vis de ce sujet qu’on n’a pas l’habitude de voir au cinéma. Ensuite, les investisseurs ont été extrêmement curieux de voir ce monde-là représenté à l’écran. La violence est très présente dans votre œuvre, dans la relation avec son père, avec la réalité de métropole, dans le monde du rugby, dans les relations entre personnages également… La violence du film vient de la violence du déracinement du personnage. Pour un gamin qui a grandi en Nouvelle-Calédonie, qui passe son temps à apprendre Louis 14, Napoléon et toute l’histoire française et toute sa géographie, lorsqu’il déboule en métropole et qu’il se rend compte que personne ne sait qui il est ni d’où il vient, il y a


un choc. Il y a une violence très forte aussi dans la marchandisation des corps dans le sport due à l’évolution de la société capitaliste. Mais il y a aussi beaucoup de douceur et de grâce dans le film. On a souvent l’image des rugbymans comme des bourrins avec un pois-chiche dans le tête, alors que pas du tout. J’ai rencontré des gens très sensibles, presque à fleur de peau. Très proche des artistes finalement. Ce sont des gens qui jouent leur corps pour un jeu devant des spectateurs. Vous abordez le rugby dans son ensemble, il y a la solidarité, la cama-

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raderie mais aussi les magouilles, le dopage, les difficultés financières des petits clubs… C’était une volonté de rendre compte d’un sport dans sa globalité ? L’idée était de montrer ce qui se passe dans la tête d’un mec qui est recruté dans un petit club amateur et de filmer cet univers. Il y a des choses qui relèvent de la crapulerie. Le monde est complexe. La réalité des joueurs amateurs de rugby n’est pas binaire. On a toujours tendance à parler du sport comme un modèle d’intégration et vecteur de bonnes valeurs, ce qui est vrai, mais c’est un monde sé-


lectif. Pour une belle histoire, il y a en quarante autres qui le sont beaucoup moins. J’avais envie de ne pas être du côté des gagnants. La défaite existe et fait partie de la vie de tous les hommes. Lorsque vous filmez ces scènes de rubgy, quel était l’objectif de mise en scène ? Il y avait toujours cette volonté de rester concentrer sur mon personnage. Les enjeux sportifs ne m’intéressaient pas. Je voulais montrer ses enjeux à lui. Le rugby a une représentation télévisuelle, qui donne une idée du sport. Je voulais casser ça en me demandant ce que peut le cinéma que la télévision ne peut pas. J’avais cette volonté d’être au plus près des corps et de ne pas suivre le ballon. Un joueur de rugby n’a pas le ballon 99% du temps, mais il joue quand même. Je voulais filmer ces moments de jeu rarement mis en avant. De faire exister les chocs, tout l’univers sonore et visuel pour que l’on soit dans l’immersion. Comment dirige-t-on ces corps, ces acteurs non-professionnels ? Dans mes premières fictions, j’aimais déjà travailler avec des gens qui n’étaient pas comédiens. Quelqu’un peut être excellent sans avoir une 24

grande carrière derrière lui. Je préfère les gens vierges cinématographiquement. La sensibilité importe sur le reste. Et cette conscience de travailler avec son corps et son âme. Il y a une mise en danger commune, quelque chose d’organique sur le projet. On sait qu’on vit une aventure unique. Dans le travail avec les rugbymans, ce sont des gens qui avaient l’habitude de refaire et donc de se conformer à des contraintes, de la discipline. Il fallait trouver l’équilibre entre la discipline, la répétition, la sensibilité et le côté instinctif. En tant que cinéaste on recherche toujours la justesse. Il faut croire à l’histoire de Soane. La base c’était leur sensibilité. Il fallait que j’arrive à les faire rentrer dans mon écriture. Ils sont allés au-delà de ce que je pouvais écrire. Ils me proposaient des façons de jouer plus riches que ce que j’avais écrit à la base. La plupart du temps on se rapprochait du vécu pour les acteurs de mon film. Ils ont complété la richesse humaine du projet. Quelles étaient vos références cinématographiques ? J’avais beaucoup aimé Le prix d’un homme de Lindsay Anderson, film anglais des années 60 sur l’univers du rugby à XIII où il y a de très belles séquences de matches. Il y avait égale-


ment l’idée d’adopter un film de genre, proche des films de samouraïs, donc Kurosawa mais aussi les westerns de Leone. Il y avait des références qu’on a essayé de digérer. Ce n’est pas des choses que j’ai verbalisé. Ça fait 15 ans que j’ai la chance de travailler avec la même équipe, c’est des gens avec qui je me suis construit cinématographiquement et avec qui on partage des gouts et valeurs communes. C’est ce qui fait que Mercenaire est comme il est. Le Haka a une présence forte dans votre film. On pense forcément à cette scène dans le vestiaire ou le jeune Soane, en transe, effectue cette célèbre danse… C’est une scène où Soane bascule, où il décide de devenir un insoumis, d’entrer en résistance. C’était volontaire de ma part de le faire de cette manière. L’idée était de ritualiser ce passage à l’acte par le Haka, lui redonner son sens guerrier, primaire. Ça n’a pas été facile à tourner parce que Toki, une fois qu’il effectue le Haka, il lâche tellement d’énergie qu’il n’a

© Lucky Comics 2016, Matthieu Bonhomme

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plus de voix. Par conséquent, on avait que peu de prises, deux en réalité. Il fallait le mettre lui, et les autres dans un dispositif précis. Ce qu’il a fait durant cette séquence a complètement dépassé ce que j’attendais. C’était un moment incroyable. Mercenaire de Sacha Wolff avec Toki Pilioko, Iliana Zabeth, Mikaele Tuugahala, Laurent Pakihivatau 1h44 / Ad Vitam


Roman

L’albatros et le décalage horaire Thomas est aimanté par Proust. Son personnage de prédilection est le baron Charlus, pour qui « l’important dans la vie n’est pas ce qu’on aime, c’est d’aimer ». Quelque chose en lui de La Bruyère. Par Marc Emile Baronheid - Crédit photo C. Hélie Gallimard

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Thomas est brillant, anticonformiste, décalé. Un astre passionné qui exerce sans trop le vouloir une manière de magistère intellectuel sur quelques copains. Mais il sera le seul de la bande à ne pas intégrer l’Ecole Normale. En outre, la rivalité amoureuse qui l’oppose à Nicolas, dans la conquête de Sybille, tourne à l’avantage de son meilleur pote. Deux déconvenues que Thomas chasse d’un mouvement agacé, sans prendre garde à 27

la blessure qui s’est invitée sournoisement. La suite est racontée, en un tutoiement compassionnel, par la sœur de Nicolas. Quelque chose en elle de Catherine Cusset, qui redéploie superbement cet éventail amour/ amitié/amitié amoureuse avec lequel la princesse de Galles tentait de chasser les leurres. Thomas traverse l’Atlantique, bien décidé à empoigner la vie. Le bagage est mince : une connaissance des femmes et du désir. Double source d’égarement, combustible inépuisable du rêve diffracté. Une carrière universitaire prestigieuse se profile. Des liaisons sentimentales en cascade flattent la désinvolture de Thomas. Mais le monde académique ne se laisse pas amadouer et avec ses amantes, Thomas pèche par inhabilité apollinarienne. Les échecs professionnels vont alterner avec les déconvenues amoureuses. Orfèvre en procrastination, arpenteur vulnérable de la planète Lithium le jeune homme est incapable de se relever. L’éblouissante rencontre ul-


time d’une beauté préraphaélite n’y changera rien. « Si tu aimes tant Proust, c’est pour son intuition fondamentale : la vie véritable est dans les fragments de temps qui échappent au temps ». Les parties de cache-cache de Thomas avec son beau miroir ont eu raison de ses économies. Il se déleste de ses illusions, comme ces flibustiers qui, croyant tromper les vents, précipitent à la mer leurs derniers canons. Il échouera un peu plus loin que Crevel, mais bien avant Gary. Catherine Cusset maîtrise madame nostalgie avec l’élégance raffinée de qui maintient le cap contre vents et marées, sur la carte de Tendre. L’amitié perpétuée comme parade ultime à l’amour tué à perpétuité ?

Faire allégeance à Scylla après avoir étouffé Charybde… « L’autre qu’on adorait », Catherine Cusset, Gallimard, 20 euros

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Une planète à deux soleils

Deux peuples qui se font la guerre Une histoire d’amour au coeur du chaos Barret Connors - Les cornemuses suaves Editions Librinova.com > Commandez le livre en ligne Ebook 0,99 € / Papier 12,99 € 28


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Roman

Lucullus dîne chez Lucullus Par Marc Emile Baronheid - Photo F. Mantovani Gallimard

Très à la mode en ce moment, Magritte se plairait à dire que ceci n’est pas une métaphore de l’écrivaine. Même si la protagoniste trouve dans la création une raison de vivre, même si la solitude est un morceau de bravoure à répétition, même si ses clients la portent aux nues, même si sa créature finit par la trahir. Plutôt une allégorie ? Vous en jugerez, à travers l’ histoire simple d’une gamine touchée à 16 ans par la grâce des fourneaux. La morgue universitaire la qualifierait d’ autodidacte, parce qu’elle échappe à toute manipulation. Le narrateur, vestale maladroite qui l’accable d’une encombrante piété, l’appelle la Cheffe, comme c’est l’usage dans les sphères toquées. Petite bonne 30

sachant lire mais écrivant à peine, elle hérite la responsabilité des papilles et des ventres de ses patrons, le jour où la cuisinière en titre choisit de prendre du recul. La future cheffe est-elle inconsciente ou mue par l’assurance culottée que donne une longue sédimentation subreptice ? Son irrésistible et si maîtrisée ascension peut commencer. Pour dire le fracas silencieux de l’autosatisfaction, la réticence aléatoire avec laquelle on salue sa propre progression, le silice de l’acharnement à trouver l’assaisonnement indiscutable, la traque sisyphienne de saveurs aux mariages insoupçonnés, MD (à ne pas confondre avec feue la pasionaria des bobos) lance son héroïne sur un chemin de Damas pavé d’intentions


absolues, de tentations retorses, au gré de phrases frôlées par un frisson proustien. En filigrane, une voix avance que l’aboutissement de toute entreprise créatrice a pour prix la terre brûlée sentimentale. La Cheffe jouit à sa manière de sa première étoile dans le Guide. Marie Ndiaye en a déjà obtenu deux (Femina 2001, Goncourt 2009, en plus d’une pièce entrée au répertoire de la Comédie-Française). Une 31

troisième ? Cherchez l’indice. La Cheffe a fait un cheval de Troie de son emblématique gigot d’agneau en habit vert. Serait-ce éventer un secret que l’imaginer mitonné à l’huile de palme(s) académique(s) ? Tentation ou pied-de-nez ? Quos vult perdere Jupiter dementat. « La cheffe, roman d’une cuisinière », Marie Ndiaye, Gallimard. 17,90 euros


Stalinien

Croire en des jours meilleurs

Le 17 avril 1934, Ossip Mandelstam est arrêté à Moscou. Ses visiteurs cherchent un poème sur Staline. Ils fouillent, secouent, éventrent. Ecrire étant qualifié d’acte de terrorisme, Ossip a pris la précaution d’ éparpiller ses textes parmi des amis sûrs. Par Pascal Baronheid C’est donc la trahison d’un « ami sûr » qui a alerté le régime. De retour d’exil, la misère, la maladie n’épargneront pas le poète et son épouse Nadejda. Ossip sera de nouveau arrêté, le 1er mai 1937. 32

Il mourra l’année suivante dans un camp de transit. Vénus Khoury-Ghata raconte sa fin et reconstitue les derniers jours d’une souffrance sans nom. Poète sensible et solidaire, romancière subtile, fa-


gardaient ses poèmes pour les ramasser ». Vingt ans passés à tenter de retrouver des bribes de l’homme aimé, jeté dans une fosse commune. Avait-il eu le temps de lire, de Jack London « Je veux brûler tout mon temps. Etre cendres plutôt que poussières ». Croire en des jours meilleurs : un acte politique intolérable pour celui qui arpentait le Kremlin sous son képi, les sourcils broussailleux et la moustache débonnaire. « Les derniers jours de Mandelstam » Vénus Khoury-Ghata, Mercure de France,14 € milière des lieux de la douleur, elle arrache à la mémoire de son Liban les derniers carats noirs de la terreur. « Faute de pouvoir enterrer son mort, Nadejda fera le tour de tous ceux qui

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Espionnage

Espion es-tu las ?

John le Carré qui se raconte, c’est un événement. Les espions en herbe ne trouveront pas dans ses souvenirs matière à un manuel du parfait petit agent secret. Les curieux d’anecdotes et de création littéraire apprécieront davantage. Par Marc Emile Baronheid - Photo © Stephen Cornwell

Il y a une vie après « L’espion qui venait du froid », roman fondateur d’une certaine manière d’appréhender le monde des agents secrets. 34

le Carré a su ne pas être écrasé ou pollué par le succès et poursuivre une œuvre dont le témoignage le plus récent est une collecte d’anec-


dotes de sa vie. Une vie parfois en concubinage avec l’Histoire, mais dont il s’est fait une règle de ne rien dévoiler qui soit contraire à une éthique de la confidentialité ou de la loyauté. S’il lui arrive de balancer, c’est essentiellement sur celui qu’il découvre chaque matin devant son miroir. Curieux de la part d’un membre du service de renseignement britannique pendant la Guerre froide ? L’homme est ainsi fait et c’est tout à son honneur. Puis il est romancier avant tout, et « pour un romancier, les faits sont une matière première, un instrument plutôt qu’une contrainte, et son métier est de faire chanter cet instrument. La vérité vraie, pour autant qu’elle existe, se situe non pas dans les faits mais dans la nuance ». Ceci est une déambulation parmi un monde plus habile à la manipulation que les joueurs de poker. Etonnant : aucun service secret n’avait prévu la chute du mur de Berlin. Nombre d’écrivains – dont les noms apparaissent - sont passés à l’acte. Normal : « L’espionnage et la littérature marchent de pair. 35

Tous deux exigent un œil prompt à repérer le potentiel transgressif des hommes et les multiples routes menant à la trahison ». Un anti-Kipling en ferait ses choux gras, pour assurer : imite-les et tu seras un homme, mon fils.

Le tunnel au pigeon

John le Carré, Seuil, 22 euros


BILLET

Les petites maisons d’édition ont la cote !

Par Emmanuelle de Boysson Bonne surprise : « A la place du mort », de Paul Baldenberger (Les Equateurs) figure dans la sélection du Prix Interallié. Enfin un premier roman en lice dont la presse n’a pas assez parlé. Sauf s’il veut se faire de la publicité, un prix littéraire court souvent derrière un succès au lieu de mettre en lumière un bon roman peu médiatisé. Sinon, à quoi servent-ils ? A couronner un auteur qui n’en a pas besoin, à faire plaisir à des copains, à son éditeur, à se retrouver entre vieux compagnons dans un bon restaurant ? De même, il est urgent que les membres des

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jurys fassent la part belle aux petites maisons d’édition. Les prix les plus intéressants sont en effet ceux qui s’ouvrent aux trouvailles et aux maisons indépendantes : le prix Wepler, le prix du style, les prix des lecteurs (Orange, Elle, Version Fémina, RTL, Fnac, prix des libraires… ) ou le prix de La Closerie des Lilas (décerné à un roman de femme de la rentrée de janvier). Espérons qu’« A la place du mort », de Paul Baldenberger (Les Equateurs) sera couronné. Il le mérite pour ses qualités littéraires autant que pour l’émotion qu’il suscite. Des années plus tard, le narrateur retrouve ce qu’il a ressenti lorsqu’un homme armé l’a fait monter, à l’âge de 12 ans, dans une Peugeot pour le violer. Le jeune garçon va faire preuve d’une intelligence inouïe pour se protéger, s’évader en prenant de la distance, amadouer son agresseur, survivre. « Si je suis honnête, ce n’est pas exactement là que débute l’ignoble complaisance que j’ai eue ce jour-là (…). Je commence


par lui dire que sa voiture est belle, qu’elle est confortable (…) Ce sexelà, c’est bien le mien… en même temps ce n’est pas le mien, une chose inerte ». Au fil du récit de ces trois heures terribles, se mêlent des fragments de son enfance en banlieue et de sa vie d’adulte en quête d’amours, de voyages. Si son corps a gardé la mémoire du drame, l’homme blessé se tourne vers l’art, vers la lumière. Sa manière de conjurer la tragédie. Une écriture magnifique, une extrême justesse, un roman au plus près de l’enfance, ce pays où le jeu délivre, où l’on puise des forces insoupçonnées qui nous sauvent. Olivier Frébourg, l’éditeur, a eu du nez. Né à Dieppe, navigateur, passionné par la mer, journaliste et écrivain, Frébourg a publié de nombreux romans dont le dernier « La grande nageuse » au Mercure de France, salué par la critique. Directeur littéraire des Editions La Table Ronde, il a fondé en 2003, les Editions des Equateurs. Il publie aussi à la rentrée « L’opticien de Lampedusa », d’Emma-Jane Kirby. Autre texte puissant : « Poupe » de François Cérésa paru au Rocher figure dans

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la liste du Renaudot et de l’Interallié. Un récit intime qui reflète l’évolution d’une maison qui développe une collection littéraire formidable avec des titres comme « La guerre en vacances » de Bernard du Boucheron ou « Le sérieux bienveillant des platanes », de Christian Laborde. Dans l’excellente 1ère sélection du Fémina figure « Désorientale », de Négar Djavadi, (Liana Levi), un roman sur l’Irak et les Irakiens à travers le regard de Kimiâ, exilée en France. Dans la salle d’attente du service PMA d’un hôpital, Kimiâ se souvient de son pays, le harem de son arrière-grand-père, la dictature de Khomeiny, les années rock… trois générations de personnages hauts en couleur. Un livre truculent, chaleureux, plein d’humour où se dessine le portrait des Iraniens : bavards, attachés à leurs familles, leurs clans, leurs rituels, leur histoire. Même si l’auteur se « désorientalise », sa bonne humeur, sa fantaisie, son grain de folie l’emportent. Pour les romans étrangers, les dames du Fémina ont choisi plusieurs livres publiés par des petites maisons : « Les Vies de papier », de


Rabih Alameddine, ( Les Escales), « Des hommes de peu de foi » de Nickolas Butler (Autrement), « Les petites chaises rouges », d’Edna O’Brien, (Sabine Wespieser), « La faim blanche », d’Aki Ollikainen (Héloïse d’Ormesson) et « Matteo a perdu son emploi », de Gonçalo M. Tavares (Viviane Hamy). Saluons le travail les éditrices : Sabine Wespieser, Héloïse d’Ormesson et Liana Levi : elles prennent des risques, suivent une ligne éditoriale qui leur correspond, imposent leurs choix, se démarquent, réussissent. Fille de Jean d’Ormesson, Héloïse d’Ormesson a fait ses débuts aux Etats-Unis, elle entre ensuite chez Flammarion, comme directrice de la littérature étrangère, puis chez Denoël et Robert Laffont. En 2004, elle fonde sa propre maison d’édition avec Gilles Cohen-Solal, son compagnon. Cette petite maison a tout d’une grande. L’objectif : « publier moins pour publier mieux », soit une vingtaine de livres par an. Editrice à l’anglo-saxonne, Héloïse se bat pour la promotion de ses livres auprès des libraires et a réussi à imposer une image graphique forte et attrayante. « Le faiseur d’anges » de Stefan Brijs a obtenu

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le prix des lecteurs 2010 des littératures européennes Cognac. Parmi les succès, les romans de Tatiana de Rosnay et, en cette rentrée : « Le jour se lève et ce n’est pas le tien », de Frédéric Couderc, « Lucie ou la vocation », de Maëlle Guillaud, « La faim blanche », d’Aki Ollikainen (en lice pour le Prix Fémina) et « Entre ciel et Lou », de Lorraine Fouchet, prix Bretagne. Un esprit d’équipe unit les auteurs, une excellente image auprès de la presse et des libraires, Gilles et Héloïse ont su faire des choix exigeants et personnels, la marque des grands. Pari réussi. Liana Levi a fondé sa maison en 1982. Journaliste en France pour des publications italiennes, Liana Levi s’est lancée grâce à la présence de Primo Levi dans son catalogue. Elle représente les petits éditeurs du Syndicat national de l’édition depuis 1998. Elle s’est imposée grâce à une politique éditoriale sélective, axée d’abord sur l’étranger avec comme auteurs : Milena Argus, Andreï Kourkov, Kim Thuy… ou des auteurs français : Philippe Delerm ou Virginie Ollagnier. 400 titres à son actif, une trentaine de livres par an, dont une dizaine de


poches dans des domaines divers, que ce soit des essais, des romans policiers, des beaux livres… Avec les collections Piccolo et « L’autre guide », elle porte un autre regard sur les pays. Un regard humain, de femme, je dirai. Le groupe des éditions de l’Archipel crée en 1991 par Jean-Daniel Belfond regroupe les éditions Presse du Chatelet, l’Archipel, Ecriture et Archipoche, 500 titres au catalogue. Parmi les dernières publications de L’Archipel, « Jim Morrison et le diable boiteux » de Michel Embareck. L’emblématique chanteur des Doors, Jim Morrisson, vouait un culte à Gene Vincent, l’interprète de Be-Bop-ALula. Drogues, alcool, errances, les deux amis ont partagé les mêmes démons, tous deux victimes très jeunes des paradis artificiels. Lennon, Nixon, Presley, Manson traversent ces pages où l’on assiste à Woodstock, on flirte entre Miami et Los Angeles. Le rock, un état d’esprit, une quête de la liberté, des illusions : l’interdiction d’interdire et la vie en communauté. En toile de fond, l’éternelle question : Jim Morrison, on le sait est mort d’une overdose. Quelqu’un aurait-il forcé

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la dose pour se venger ? Beaucoup d’encre a été versée pour résoudre cette énigme qui le restera. Toujours est-il que ce roman au présent se lit d’une traite tant il fait revivre une époque, une amitié, au rythm in blues. Les petites maisons d’édition ont la cote auprès des libraires et des lecteurs. La patte d’un éditeur, des choix risqués : elles suscitent la sympathie, l’envie de les encourager. Si longtemps, certaines se sont spécialisées, comme Gallmeister, dans les grands espaces, Sonatine, les thrillers, pour Guillaume Allary qui a créé sa maison : « on assiste à la création de maisons d’édition généralistes ». Beaucoup veulent s’émanciper des grandes structures afin de s’adapter facilement, de faire connaître leurs goûts, leurs engagements. Une manière de se rendre « lisibles » plus efficace que mieux les collections des grands où on a du mal à s’y reconnaître dans le fourre-tout. Jean-Yves Clément, directeur éditorial du Passeur éditeur, met l’accent sur l’atout des petites maisons : leur visibilité, leur humanité, ce côté famille, équipe. Chaque livre est un pari, un enjeu, contrairement aux grosses maisons


où l’on compte sur les best-sellers. Guillaume Allary explique que chaque auteur compte. Essayistes et romanciers apprécient qui s’y fient de plus en plus délaissant les grosses maisons où ils se sentent parfois comme des numéros « avec obligation de rentabilité », poussés même à choisir des sujets exceptionnels, des personnages connus dont on « pourrait faire une bio romancée », des thèmes d’actualité. Jusqu’à quand les éditeurs dicteront ce qu’ils doivent faire aux auteurs ? En tous cas, soutenons les maisons indépendantes : on avait prédit leur disparition : l’inverse se produit : elles étonnent, elles choquent, elles défendent la littérature, elles font l’actualité, elles fleurissent, dégagent une belle énergie, des petites entreprises très rentables qui jouent dans la cour des grands et les bousculent.

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PHILOSOPHIE

Coup de gueule pour l’Histoire des Femmes PAR SOPHIE SENDRA

Comprendre l’Histoire c’est tenter de donner un sens, une signification aux événements. Vouloir changer l’Histoire et sa direction c’est avoir la volonté de lui donner un avenir. A cette petite phrase, « Je veux changer l’Histoire ! » certains, mal intentionnés, ont changé le sens même de cette volonté qui ne vise nullement le passé, mais qui tend vers l’avenir. En effet, « changer l’Histoire » ne veut pas dire réécrire l’Histoire du passé en falsifiant au passage les significations et les directions que les événements ont donné.

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Il existe dans et au travers de l’Histoire, des histoires, des événements vécus différemment par les uns et/ ou par les autres, qui exigent un recul suffisant et une rigueur intellectuelle que certains n’ont pas. Dire que le droit de vote n’a pas été donné aux femmes sous prétexte qu’elles suivaient aveuglément la parole des représentants de l’Eglise et que, pour cette raison, la France a pu devenir une République et non perdurer dans une monarchie est une réécriture de l’Histoire qui mérite soit une psychanalyse de longue durée, soit un retour en arrière en matière de scolarité pour celui qui a tenu de tels propos. Une remise à niveau est préférable, l’analyse, elle, se fera si et seulement si l’émetteur de cette idée saugrenue en fait la demande express. Petit retour vers le passé Loin de faire ici un long cours d’Histoire depuis la Révolution française, il est impératif de revenir 43

sur quelques dates. Après la révolution de 1789, la Convention met en place la Constituante dont le chef est Robespierre, véritable dictateur et initiateur de la Terreur – règne de la guillotine. Après la chute de ce révolutionnaire devenu despote, une deuxième période se mit en place, le Directoire renversé lui-même par Napoléon Bonaparte par un coup d’Etat. Même si les femmes ont participé à la Révolution au côté des hommes, elles n’étaient pas de celles à être présentes, malgré leur désir, sur les tableaux de cette fabuleuse période. Ainsi le Consulat


remplaça le Directoire, et ce à vie, en faveur de Napoléon Bonaparte. La Constitution de l’an XII (1804) faite et constituée par des hommes, décida que le pouvoir devait être confié à un Empereur – d’où le Premier Empire. La République fut supprimée et Napoléon sacré par le Pape Empereur tel un Roi. Mais l’Histoire ne s’arrête pas là. En 1814, exit Napoléon, la monarchie est rétablie d’abord par Louis XVIII – de 1815 à 1824 – puis par Charles X – de 1824 à 1830. Toujours pas de vote des femmes à l’horizon et ce sont bien les hommes qui ont décidés ce retour à un Empereur puis à une monarchie. A la chute des Bourbons, suite à la révolution du peuple – les trois Glorieuses - Louis Philippe d’Orléans monte sur le trône et prit le titre de Roi des Français. Toujours pas de femmes à l’horizon des urnes et autres droits. C’est à la suite d’une énième révolution – 1848 – que Louis Philippe abdiqua et que la République fut à nouveau proclamée la même année, pour ensuite être quelque peu malmenée par, 44

à nouveau, le désir d’être Empereur du président de la IIème république, Louis Napoléon, qui se mua en Napoléon III. A cette époque, Napoléon III régnait sans partage même s’il existait une consultation du peuple sous forme de plébiscite et de suffrage universel masculin qui existait, lui, depuis 1848. En 1870, rebelote, révolution et IIIème République mise en place. Pour la suite, les cours d’Histoire sont moins lointains. Le sens de l’Histoire Où se trouve donc l’absence si remarquée de la monarchie tout au long de ce rafraichissement mnésique ? Nulle part, puisqu’elle n’a cessé d’être après la Révolution française et ses nombreux soubresauts. Il faut attendre 1944 pour voir apparaitre le droit de vote pour les femmes – remerciements pour l’effort de guerre sans doute… alors qu’elles étaient déjà présentes sur le front, dans les usines et les hôpitaux en 1914, mais passons. Ce droit de vote ne fut réellement exercé qu’en 1945.


En 1903 Marie Curie est la première femme à obtenir le prix Nobel de physique qu’elle obtint une deuxième fois en 1911 en chimie. Selon certains grands défenseurs de la théorie des anciens nuls en histoire – comme il existe la théorie des anciens astronautes pour les férus d’OVNI – Marie Curie aurait donc été, si elle avait eu le droit de vote, trop influencée par les curés de sa paroisse. Ainsi que Irène Joliot-Curie – fille de Pierre et Marie Curie – elle aussi prix Nobel de Chimie en 1935, et Suzanne Lacore, Cécile Brunschvicg respectivement sous-secrétaire d’Etat à la Recherche Scientifique, nommée à la Santé Publique et sous-secrétaire d’Etat à l’Education Nationale sous le gouvernement de Léon Blum et du Front Populaire en 1936. Avoir des fonctions d’Etat sans avoir le droit de vote c’est étrange, certainement une peur qu’elles n’aient pas assez de jugement et qu’elles veuillent retourner à une monarchie… ou peut-être l’incapacité de comprendre qu’une femme peut avoir un cerveau en de45

hors de toute influence extérieure. Ah mais non, puisque ça n’est qu’en 1938 qu’est votée la fin d’incapacité civile pour les femmes ! En effet ce cher Napoléon en 1804, dans son fameux code, avait imposé le devoir d’obéissance de la femme envers son époux. La femme considérée comme mineure était entièrement sous la tutelle de ses parents puis de son époux. Napoléon et les femmes, une belle histoire d’amour qui aurait méritée de se voir couchée sur le divan d’un psychanalyste ! En 1938, les femmes peuvent enfin s’inscrire à l’Université, avoir une carte d’identité, un passeport sans l’autorisation de leur mari. Simone de Beauvoir devait être certainement influencée par son église et son curé lorsqu’elle se mit en tête d’écrire le Deuxième sexe, publié en 1949. De quelle peur parlons-nous ? Selon certains innommables – car il n’y a aucune obligation ni raison de leur faire de la publicité – c’est la peur des républicains masculins qui


les a incités à ne pas donner le droit de vote aux femmes. Ne serait-ce pas la peur des femmes tout court ? Non qu’elles soient meilleures ou pire que d’autres – puisque certaines d’entreelles poursuivent cette longue tradition de tutelle à l’insu de leur plein gré et au détriment des femmes ellesmêmes –, mais peut-être sont-elles plus impressionnantes pour certains plutôt que d’autres. Dire des inepties dans un grand média, l’écrire noir sur blanc dans un ouvrage mériterait des réponses des journalistes présents, des remises au point plus énergiques, des répliques dignes et solides. Qu’apprenons-nous du présent ? Que les discours avilissants sont toujours présents dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, dans des bus de campagnes de politique américaine, dans des couloirs d’entreprises, dans des livres. On reproche les sifflements de certains dans les rues à l’approche d’une femme alors qu’une partie de ceux qui sont censés instruire, diriger, montrer la voie, ne 46

le font qu’avec mépris pour la grande moitié de l’Humanité. La peur vient de celui qui est dans l’ignorance pas de celui ou celle qui lui fait face. S’il fallait conclure. Cinq mille ans d’Histoire pour en arriver à des discours que l’Antiquité elle-même ne revendiquait pas. Lutter contre les paroles est possible en les dénonçant, mais lutter contre les pensées qui ne disent pas leur nom est plus dure semble-t-il. Dans la préface du Livre noir de la condition des femmes, réédité par XO Editions, collection Points, Christine Ockrent rappelle le préambule de la Charte des Nations Unies : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes (…) ». A la lecture de cet ouvrage, il est possible de se dire qu’il va être encore difficile de faire admettre qu’il ne faut


pas forcément avoir peur des femmes pour tenir des discours tels que nous les avons décrit, mais qu’il faut seulement être persuadé qu’être homme autorise toutes les forfaitures les plus basses et les plus ineptes. Fort heureusement des hommes existent pour défendre les droits des femmes et remettre de la dignité dans leur Histoire, conscients que celle-ci n’est pas toujours vécue de la même manière selon le côté du miroir où l’on se trouve.

Publicité Une Passion… Notre aventure est née d’une passion commune avec mon épouse, Isabelle, pour le Maroc, pays de mon enfance. De ces belles années passées à Casablanca, j’ai gardé l’amour pour ce pays, ses couleurs, son art, ses traditions, sa culture et son peuple, accueillant et chaleureux. Grâce à l’un de nos amis marocains, nous avons poussé la petite porte de ce Palais-Riad, un des derniers de la médina de Marrakech, situé au cœur du quartier historique de Mouassine. Nous n’imaginions pas le trésor qui s’y cachait. Nous avons immédiatement été éblouis par la magnificence de cette maison et son immense patio à la végétation luxuriante, bordé de hautes colonnes recouvertes de zelliges anciens, véritable marqueterie de terre cuite émaillée. Nous avons eu un coup de foudre pour ce palais, quelque peu abandonné mais ô combien unique en médina. des hôtes d’exception à la recherche d’une expérience unique et authentique.

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Hervé de la Vauvre avec la collaboration de Noémie Marie Saint-Germain Photographies de Michael Guez Un volume de 152 pages au format 250 x 275 mm Texte bilingue français et anglais Nombreuses photographies en couleur Couverture souple en couleurs, pelliculée mat Prix TTC : 29,90 euros ISBN 978-2-86770-212-9

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SOUL

TONY MOMRELLE

Le prince de la Soul anglaise

Une voix qui dénote immédiatement lorsqu’on éco de Tony Momrelle. Passé de choriste pour des gran le voilà aujourd’hui devenu le Prince de la Soul ang Histoire d’une ascension fulgurante. Propos recueillis par Nicolas Vidal / Crédit photos : Gavin Mills Photography 48


oute le nouvel album Keep Pushing nds noms de la scène internationale, glaise en seulement quelques mois.

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Quand avez-vous décidé Tony Momrelle de vous lancer dans une carrière solo ? Au cours des années et grâce à la collaboration avec de nombreux artistes, j’ai senti qu’il était temps pour moi de commencer à me concentrer davantage sur des efforts en solo. C’est ce qui s’est passé il y a environ 5 ans. Que représente ce troisième album « Keep Pushing » dans votre carrière ? « Keep Pushing » est vraiment un album qui prône l’encouragement et la motivation, les deux thèmes principaux de l’album. Il encourage à se bouger et à aller de l’avant pour réaliser ses rêves et à se dépasser sans cesse. Vous vous destiniez à des études de marketing et vous vous retrouvez dans la musique. Quel a été le chemin parcouru depuis tout ce temps ? Oui, c’est dans mon sang ! C’était juste une question de temps pour faire carrière dans la musique. Quels messages avez-vous voulu faire passer dans cet album ?

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Je souhaitais faire passer un message d’espoir. En somme, si vous tombez, vous pouvez vous relever. Si vous deviez évoquer les influences musicales qui ont construit cet album, que diriezvous ? Je dirais que l’inspiration me vient de Donny Hathaway ou encore de Stevie Wonder avec une touche très moderne. Est-il vrai de dire que ce nouvel album se situe entre le patrimoine musical des années 19070 et un groove très contemporain ? Oui, tout à fait car je voulais que


l’album ait un son classique. Vous avez été un choriste très sollicité par de très grands artistes. Aujourd’hui vous êtes l’un des artistes Soul très en vogue en Angleterre. A quoi attribuez-vous ce succès ? Le seul endroit où vous verrez le mot succès avant le mot travail c’est dans un dictionnaire ! C’est drôle, mais vrai. Pour moi, cela a représenté beaucoup de temps, de sacrifices et de patience, j’essaie toujours d’être le meilleur. Cela m’a couté, parce que c’était au détriment de choses dans ma vie. J’ai raté des événements 51

importants à cause de mon rêve, mais grâce à travail acharné, mes efforts, mon don et mon talent m’ont permis d’ouvrir beaucoup de portes. Pouvez-nous présenter rapidement les trois invités de votre album : Talib Kweli, Chantae Cann et Tony Remy ? Dans « keep Pushing », je voulais pouvoir compter sur une légende du hip hop sur cet album. Mon agent a pu contacter Talib Kweli qui a écouté la chanson. Il a adoré tant et si bien qu’il a travaillé sur ses morceaux dès le lendemain. Chantae Cann est


quelqu’un que je connais depuis longtemps et j’ai toujours voulu faire quelque chose avec elle ... j’adore sa voix. Lorsque je lui ai demandé de collaborer sur Keep Pushing, elle a sauté sur l’occasion, ce qui m’a paru incroyable. Tony Remy est comme mon grand frère, nous sommes amis depuis de nombreuses années. Lorsque avons écrit «Different street» ensemble, je souhaitais qu’il apparaisse sur la chanson.

Pourra-t-on vous voir en France dans les semaines à venir ? Oui, je vais jouer en live avec mon groupe au légendaire New Morning Jazz Club le 15 décembre ! Je suis impatient de revenir en France. Les gens sont si étonnants et si affamés de musique. Alors attention Paris, j’arrive ! L’année prochaine, j’ai plusieurs concerts en France et je suis très impatient.

Si vous deviez définir votre album en deux mots, que diriezvous ? Audacieux, édifiant

Tony Momrelle Keep Pushing - Deluxe Real People / Music

Pourquoi avoir choisi de sortir une version Deluxe de « Keep Pushing » ? Je suis toujours en train d’enregistrer de la musique et mon équipe a senti que c’était la bonne chose à faire. Je suis souvent sur la route pour la promotion de mon album, et quand tous les morceaux ont été terminés, l’équipe a insisté pour que nous sortions un album et une version Deluxe.

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www.tonymomrelle.com


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From England

THE SLOW SHOW

Made in Manchester

Le second album « Dream Darling» apparaît comme une belle occasion de découvrir The Slow Show, qui a fait ses armes musicales à Manchester. A la frontière de la pop et du rock, voici une très belle découverte outre-manche ce mois-ci dans le BSC NEWS. Par Nicolas Vidal - Photos © DR

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Un succès qui se confirme au fil des mois pour la sortie de ce nouvel album. Qu’est ce qui a changé depuis la sortie de votre album « White Water » ? Individuellement, nous sommes tous passés par de nombreux changements dans nos vies personnelles. Mais en tant que groupe, nous avons grandi ensemble et nous avons trouvé un moyen plus efficace de travailler ensemble, en particulier pendant le processus d’écriture et d’enregistrement. Cela nous a donné de l’inspiration, on a donc été plus efficace pour créer ce deuxième album, on l’a fait beaucoup plus rapidement que White Water. Notre musique a peut-être aussi un peu grandi. Vous évoquez la vie et ses tourments, ses tristesses et ses déceptions dans vos chansons. Qu’est ce qui vous inspire dans ces thèmes ? Les chansons sur Dream Darling, ont été écrites au cours d’une période mouvementée pour tous les membres du groupe. Nous avons été confrontés à une bonne quantité de chagrin et de pertes de proches. C’est le genre de

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choses auxquelles beaucoup de trentenaires ou quadragénaires doivent faire face. Dans notre cas beaucoup de choses sont arrivées en un très court laps de temps. Nous voulions nous focaliser sur le changement que cela a causé dans nos vies et comment nous essayons de prendre les points positifs de ces épreuves. Ces 10 morceaux ont une singularité musicale et ils forment également un album homogène. Comment travaillezvous en amont sur votre album ? Nous sommes heureux que vous l’aviez vécu comme une expérience homogène. Nous passons beaucoup de temps dans notre sélection de chansons et sur la façon de les produire afin de créer un bon équilibre. L’instrumentation est probablement notre principal outil de création de la diversité, mais aussi l’uniformité. Si vous deviez définir sur votre album « Dream Darling » un style, quel serait-il ? Peut-être que ce serait un rêve cinématographique pop avec une


Pouvez-vous présenter les membres de The Slow Show ? Rob est le chanteur/ guitariste, Fred au piano, Joel est à la guitare, James à la basse et à la batterie Huff.

touche d’Americana. Est-ce que le fait d’être originaire de Manchester a-t-il compté dans votre carrière ? Aucun d’entre nous est né à Manchester, mais certains d’entre nous ont passé des années de formation là-bas et nous nous sentons tous très attachés à la ville et à son histoire culturelle. Notre musique n’est pas vraiment influencée par d’autres groupes mancuniens, passés ou présents, mais nous sommes inspirés par notre environnement

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D’ailleurs pourquoi ce nom « The Slow Show » ? Le nom vient de notre désir de faire de la musique sans se presser en mettant l’accent sur la réflexion et le silence. Il découle également de notre volonté d’offrir à notre public un vrai spectacle sur scène. Est-ce que ce nouvel album « Dream Darling » représente une évolution par rapport à « White Water » ou au contraire c’est un projet différent sans aucun rapport ? Les deux albums traitent de thèmes similaires, mais Dream Darling est quelque peu différent pour nous et plus positif dans son approche. Musicalement, nous utilisons une palette de sons légèrement différente.


Pouvez-vous nous expliquer le titre de cet album « Dream Darling » ? Le titre est peut-être un peu vague, nous le préférons comme ça. Mais puisque l’album couvre certains thèmes tristes et difficiles, nous avons préféré nous concentrer sur le fait de rêver sur le futur. Dream Darling, semble tout à fait positif et c’est ce qui est important pour nous. Et nous aimons l’allitération aussi, qui est un joli bonus. Travaillez-vous déjà sur un nouvel album ? Non, nous sommes toujours concentrés sur la prochaine tournée en Novembre. Ça va dépendre de ce qui va se passer

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dans nos vies dans un avenir proche et de l’inspiration qu’on a pour un nouveau projet. Seulement après nous serons en mesure de déterminer quel genre de musique on veut faire plus tard. Peut être dans la même lignée que nos deux derniers albums ou peut-être quelque chose d’un peu différent. The Slow Show Dream Darling Haldern Pop Recording


DELUXE

Des trottoirs d’Aix en Proven

Les Deluxe ont grimpé une à une les marches ju philosophie décalée, une énergie débordante, de copains d’Aix en Provence sort Stachelight française. 58


nce au podium

usqu’à une réjouissante célébrité. Un , des moustaches bien entretenues, la bande qui secoue vigoureusement la scène pop

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Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers lives dans les rues d’Aix en Provence ? C’est de là qu’on vient ! les galères formatrices ! Les flics, la mafia, les guerres de gangs et les défilés médiévaux rythmaient nos lives urbains. C’était le temps de l’insouciance, et en même temps des sueurs froides. On a appris à se servir d’un katana, mais surtout à choper le public. Enfin, on l’espère. Le but à l’époque était d’arrêter les passants qui ne nous connaissaient pas. Maintenant il faut les garder avec nous jusqu’au bout de la vie. Aujourd’hui avez-vous gardé des trucs de scènes depuis ces années ? Il y a des trucs qu’on traine depuis toujours, comme les cheveux de Pépé, une passion pour les déguisements, certaines interactions clés avec notre public adoré, on l’avoue ! Pourtant, on travaille dur à se renouveler, à se remettre en question, craintifs de lasser. Et parfois on part très loin, trop loin, juste pour revenir au point de départ, la base, le socle. La route fut longue et le succès au rendez-vous avec

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la rencontre avec Liliboy. Comment s’est passée cette rencontre ? Cela va bientôt faire 6 ans tous les 6 ! Lors d’un concert au Beaux Arts d’Aix, un chat malade miaulait à la mort, coincé dans un pin. Au bout d’un moment il a bien fallu qu’on se procure un escabeau pour le libérer. L’animal s’est avéré être Liliboy, qui est restée avec nous depuis. Une rencontre fortuite qui s’est avérée être décisive. La vie est parfois bien faite, Mektoub! Que vous a apporté musicalement Liliboy. N’-a t-elle pas renforcé quelque part votre identité musicale ? Forcément, ça nous a fait composer les morceaux


différemment. À l’époque de la rue par exemple, on jouait très fort à un BPM endiablé, c’était extrêmement énergique et rentre dedans. On était physiquement obligé de danser et c’était la bombe. Qui dit chanteuse dit chanson, on a pu assumer des nouvelles choses, comme des balades! Et puis il est vrai que pour le grand public, un projet avec une voix récurrente s’identifie plus facilement. Une question qu’on se pose: Comment définiriez-vous 61

votre style musical tant l’album StacheLight alterne des morceaux très différents? C’est un mélange d’acid country et de squelette post core. Que signifie le nom du groupe Deluxe ? À Felanios, une toute petite île secrète au large du Laos, Deluxe, prononcé « Di Luché » veut dire: « Va t’en voir maman, elle a quelque chose pour toi ». Amoureux du voyage et de la poésie, ça nous a marqué.


Est-ce que l’idée de la présence scénique at-elle rôdé avec la célébrité ou était-elle déjà présente dès vos premiers sets dans la rue ? À vous de nous le dire ! Je pense plus que jamais qu’on reste fidèle à nous-même, la confiance en soi grâce au support d’un public incroyable de surcroît. Plusieurs featuring sur l’album. Comment se sont orientés vos choix ? M, IAM, Nneka, c’est un rêve de

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gosse qui s’est réalisé, on peut le dire ! À force de tourner dans les festivals, nous avons rencontré certains de nos artistes préférés, ceux qu’on a le plus écouté et admiré, des influences citées en interview! Les morceaux étaient prêts à sortir sans featuring, et notre bonne étoile en a fait autrement lorsque ces artistes incroyables ont répondu présents à des invitations envoyées sans trop y croire. C’était vraiment agréable de travailler avec des musiciens aussi assidus et talentueux.


Pourquoi la moustache comme marque du groupe ? C’est partie d’un acte solidaire: l’un de nous est atteint de la moustachiose en plaque, maladie rare et incurable. Pour qu’il ne fasse plus face à ce fléau silencieux dans la solitude et la différence, on a tous adopté la stache. Les années ont passé et c’est resté, en porte bonheur. Vous êtes en pleine promotion de Stachelight. Avez-vous déjà commencer à réfléchir au prochain album ? Oui oui oui!!! Rien n’arrête le Colonel.

Deluxe Stachelight Chinese Man Records

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LA SÉLECTION MUSIQUE Par Nicolas Vidal

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Chimichurri UNSONGS MODDI Un étonnant et singulier projet qui a tenté de regouper une dizaine de chansons et de textes bannis dans plusieurs pays. Il y a donc incontestablement une fibre contestataire qui prend racine dans la trangression musicale dans l’album de Moddi. Le chanteur norvégien a donc pris le parti de sortir un album pour se faire le porte parole d’une parole populaire baillonnée dans certains pays. À découvrir pour l’objet et son intérêt musical. (Propeller Recordings.)

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WILD

Joanne Shaw Taylor Joanne Shaw Taylor continue d’électriser la scène rock et blues avec Wild, son sixième album qui confirme tout le bien que l’on pense de cette musicienne et chanteuse hors pair. Celle bercée par Stevie Ray Vaughan ou Jimi Hendrix s’épanouit totalement dans ce nouvel opus enregistré à Nashville. Wild mélange une profusion de styles et de références musicales agencés avec tonus. Séduisant.

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Broadways

Red Star Orchestra Lorsqu’on Thomas de Pourquery s’engage sur un projet, il y a assurément quelque chose de singulier dans la pochette. Cette-fois-ci, entouré de Julien Raffin et de Johane Myran, Broadway ne déroge pas à la règle. Voilà les belles envolées d’un Big Band qui prend son envol puissant au-dessus des contrées du Jazz grâce au Label Bleu. À écouter tout simplement et sans fioriture.

A WIDER SPACE GROENLAND

Une belle révélation tout droit venue de Montréal à la frontière de la pop et de mélodies plus recherchées. A Wider Space est un album entraînant qui laisse entrevoir de belles perspectives avec des titres comme Appalaches. Sabrina Halde porte haut cet album sur sa voix qui va si bien à ses 10 morceaux. Montréal, nous voilà sur l’album de Groenland !

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Evolution

DR.LONNIE SMITH Dr. Lonnie Smith revient chez le prestigieux lable Blue Note plus de quarante ans après son premier album avec Evolution. Il a convié notamment le pianiste Robert Glasper et le saxophoniste Joe Lovano. Aux commandes de son orgue Hammond B3, Evolution donne la part belle aux grooves avec 7 morceaux aux formes classiques sans s’interdire des structures plus dynamiques lorsque les batteurs Joe Dyson et Jonathan Blake s’attachent à une rythmique tonitruante. Pour le plaisir du Funk. Label Blue Note

Young as the morning ... Passenger Mike Rosenberg a fait bien du chemin depuis son premier album sorti en 2007 avec Wicked Man’s Rest. Depuis il n’a cessé de composer, de chanter et de se produire. Young as the morning, old as the sea est son nouveau projet enregistré en Nouvelle-Zélande, inspiré par le pays et les contrées finlandaises. Une délicate pop aux accents folk réjouissante et romantique à souhait. ( Black Crow Records / Sony )

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George Fest

A Night to celebrate Revivez la nuit du 28 septembre 2014 où une kyrielle d’artistes prestigieux ont célébré la mémoire de Georges Harrison au Fond Theater de Los Angeles. Deux CD pour se plonger dans l’hommage à Georges Harrison et un DVD pour revivre ce merveilleux moment musical. Une idée cadeau pour les fêtes de fin d’année... ( Mack Avenue)

Sous la fourrure Dalton Telegramme

Arrêtez-vous un instant sur le premier album de Dalton Télégramme intitulé «Sous la fourrure ». Les quatre natifs de Liège arpentent les contrées musicales d’un folk qui s’étend des plaines d’Amérique jusqu’aux limites du Canada. Des textes bâtis, rugueux et des histoires qui bruissent sur cet album étonnant. Chez les Dalton Télégramme, on aime les mots, les ambiances et les troquets. Et nous, nous aimons Dalton Télégramme.

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BANDE DESSINÉE

Champs d’honneur, tome 1 : dans la froideur de Valmy Armée professionnelle contre jeunes conscrits français. Voilà, grossièrement, ce qu’est la bataille de Valmy, qui débuta le 20 septembre 1792. « L’appel au peuple est un changement majeur dans la conduite de la guerre. Désormais, le citoyen patriote prend le pas sur le soldat défaillant. » Victoire inespérée et tout aussi symbolique par les révolutionnaires qui conduisit à l’abrogation de la monarchie des Bourbons et fit entrer la France dans une nouvelle ère réPremier récit d’une série his- publicaine. torique en cinq tomes indé- L’événement historique – majeur – est pendants, Champs d’honneur : traité ici de façon très didactique. Les faits sont relatés chronologiquement et Valmy relate la célèbre bataille le graphisme ne s’embarrasse pas d’oriqui a vu l’extinction de la mo- ginalité. Du coup, tout cela manque narchie au profit d’une répu- d’émotion, tout est un peu froid. Un cerblique française. tain manque d’humanité aussi, quand Par Romain Rougé bien même la situation est grave. Le personnage du jeune Martin aurait pu être, par exemple, moins unidimsionnel. Reste le récit, épique, de cette bataille. 70


Les enjeux sont posés dès le départ et la complexité des événements, elle, est très bien décrite : les idéaux des sans-culottes, l’ingérence des soldats prussiens, les liens entre l’Eglise et l’Etat, la monarchie décadente… On apprend beaucoup, on lit un manuel d’histoire dessiné. Ce premier tome reste donc, malgré sa froideur, une façon divertissante de se plonger dans l’Histoire de France. Plus précisément dans un pan historique entre la naissance du chant de guerre de l’armée du Rhin, qui deviendra l’hymne national, ou la formation de la commune insurrectionnelle. Champs d’honneur : Valmy n’est pas moins une BD qu’un outil pédagogique.

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Champs d’honneur : Valmy Scénario : Thierry Gloris Dessin : Emiliano Zarcone Couleur : Dimitri Fogolin Editions Delcourt 64 pages – 15,50 €


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BANDE DESSINÉE

Toucher le gros lot…

Miles Hyman adapte une nouvelle de Shirley Jackson, sa grand-mère paternelle. Son dessin qui évoque la peinture d’un Edward Hopper colle à l’apparente banalité de l’histoire et permet de conduire, sans crier gare et donc avec grande efficacité, à la terrible chute. Par Boris Henry 74

Aux États-Unis, dans un petit village de Nouvelle-Angleterre, comme chaque année, a lieu en juin une loterie à laquelle tout habitant se doit de participer. Des préparatifs en amont au déroulement le jour J, des discussions entre villageois au tirage au sort et à ses conséquences… cet événement est suivi de très près. Pour qui ne connaît pas Shirley Jackson et n’a jamais lu l’une de ses histoires, cette bande dessinée devrait faire l’effet d’une déflagration. Miles Hyman place peu de cases par page et s’attache très précisément à chaque action, donnant l’impression de lui accorder davantage d’importance qu’elle ne le mérite, de s’arrêter plus qu’il ne le faut sur


tout et, ainsi, de figer la dynamique du récit. En fait, sa façon de procéder tient plutôt du leurre : elle n’en est que plus efficace. En mettant l’accent sur des éléments manifestement anodins, Miles Hyman conduit le lecteur à ne voir dans cette histoire qu’une chronique villageoise de l’Amérique profonde comme il y en a tant. Ce parti pris rend la chute d’autant plus inattendue, violente et impressionnante. La beauté un peu figée du dessin représente donc celle des apparences : elle agit comme un cache qui dissimule l’horreur intégrale nichée dans les conventions sociales. En fin d’ouvrage, un texte éclairant et passionnant de Miles Hyman revient sur sa grand-mère, la nouvelle adaptée et les effets de sa parution dans The New Yorker Magazine.

La loterie

Éditions Casterman Scénario, dessins et couleurs de Miles Hyman, d’après Shirley Jackson 140 pages en couleurs 23,00 euros

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Bande dessinée

Catman ne va pas très bien

Nicolas Otero signe un récit atypique, foisonnant et inégal, mais d’une énergie et d’une force rares. Prêts à vivre une expérience décoiffante ? Par Boris Henry

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Âgé de quatre ans, Liam se fait mordre au visage par un chat. L’animal meurt juste après cela et une certitude s’impose : il avait la rage. Si tout est entrepris pour que l’enfant ne soit pas contaminé par la maladie, malgré tout, celui-ci change au fil des jours et cela s’accentue avec l’âge. Le chat enragé ne vivrait-il pas désormais au cœur de Liam ? Voilà une bande dessinée intéressante à plus d’un titre. Le récit part dans tous les sens, contant l’histoire de Liam, mais apportant également des informations scientifiques et historiques sur la rage, comme sur le cannabis. Le dessin de Nicolas Otero, gorgé d’énergie, paraît parfois dépassé par celle-ci, pou-


vant être quelque peu maladroit. Confessions d’un enragé est loin d’être exempt de défauts, mais cela fait sa force et son charme : à l’instar du personnage principal, il se dégage de cette bande dessinée une certaine sauvagerie, le récit manifestant son désir de sortir du cadre, en débordant sans cesse, voire le dynamitant. Cette force de vie au sein de l’histoire comme du récit est impressionnante et emporte le lecteur, y compris lorsqu’il est gêné, agacé et/ou troublé par certains éléments. Il se produit ainsi un effet intense et rare : avec cet album, le lecteur est véritablement invité à effectuer une plongée au cœur d’un personnage, de son histoire, de ses tourments et de ses quelques joies, adoptant son point de vue singulier sur la vie et, en particulier, sur sa vie. Un album certes imparfait, mais qui file une grande claque !

Confessions d’un enragé

Éditions Glénat, collection « 1 000 Feuilles » Scénario et dessins de Nicolas Otero, couleurs de Vérane Otero 128 pages en couleurs - 25,00 euros

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Littérature & culture

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