La bibliotheque Marguerite Durand

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Histoire d'une femme, mémoire des femmes

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MAIRIE DE PARIS DIRECTION DES AFFAIRES CUL TURELLES

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Histoire d'une femme, mémoire des femmes par Annie DIZIER- METZ Conservatrice de la Bibliothèque

1992

Bíbliothèque Marguerite Durand - 79, rue Nationale - 75013 Paris Tél. 45 70 80 30 - Fax 45 83 15 93

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2.-Potrait de Marguerite Durand ( entre 1900 et 1910) Photographie monochrome, 16 x 22, par Walery. (s.d.)

Couverture : Potrait de Marguerite Durand par Jules Cayron, en 1897. Huile sur toile, 171 x 140. Dos de couverture : Éventail de propagande suffragiste, à l’occasion du vote blanc organisé par Le Journal en 1914.

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Avant-propos Il y a aujourd'hui soixante ans s'ouvrait à Paris, dans la Mairie du 5e arrondissement, la première bibliothèque officielle de documentation féministe, créée par Marguerite Durand, qui en 1931 avait fait don à la ville de Paris des collections réunies tour au long de sa vie. Elle fut la directrice de cette bibliothèque jusqu'à sa mort en 1936. La bibliothèque Marguerite Durand fait partie du réseau des 59 bibliothèques et discothèques de la Mairie de Paris. Elle est l'une des cinq bibliothèques spécialisées de ce réseau, et assure à ce titre une double fonction de conservation et de documentation ; sa vocation est celle d'une bibliothèque d'étude et de recherche, ouverte à tous les publics désirant consulter sur place ses collections. Malgré le rôle éminent de Marguerite Durand dans l'histoire du féminisme français et la renommée internationale de la bibliothèque qui porte son nom, aucune monographie n'a jusqu'à présent été publiée sur elle. Cette brochure, réalisée à l'occasion du soixantième anniversaire de la bibliothèque, n'est pas une biographie détaillée de Marguerite Durand ni une étude approfondie de son rôle dans l'histoire sociale et politique de son temps. La seule ambition de cet ouvrage est de faire connaitre les grandes étapes qui ont jalonné une vie active et aux "facettes" multiples, et de faire découvrir ou retrouver les richesses, l'originalité et les ressources offertes par une bibliothèque unique en France. Nous tenons à rendre hommage à la mémoire de Madame Charlotte Müller, féministe suisse, décédée a Zürich en 1979 ; le legs qu'elle a fait à la Ville de Paris, au bénéfice de la bibliothèque Marguerite Durand à permis la réalisation de cette brochure. Je remercie la Mairie de Paris, la Direction des Affaires Culturelles et le Bureau des Bibliothèques pour l'intérêt qu'ils ont porté au projet de cette publication. Je souhaite remercier mes collaboratrices Marie-Claude Chérel, Sylvie Delattre, Marie-Jo Massonnet et Françoise Roques, qui m'ont aidée à réaliser cette publication, ainsi que Catherine Aurérin et Marie-Madeleine Coste, qui ont participé à cette publication dans le cadre de leurs études à l'École Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques. Que soient également remerciés Anne-Claude Lelieur et Yves Lesven, respectivement conservateur en chef et photographe à la Bibliothèque Forney, gâce auxquels plusieurs documents de la Bibliothèque Marguerite Durand ont pu être photographiés dans les meilleurs délais pour illustrer cette brochure.

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3.-Le char d’assasut des suffragistes », carte postale, noir et blanc. Manifestation des 25 et 26 décembre 1926 à Paris. Organisée par la ligue française pour le droit des femmes. La 3e femme en partant de la gauche au 1e rang est Maria Vérone, la 5e au centre est i du fonds iconographique deAndrée Lehmann. Les affiches placardées sur la roulotte font part la bibliothèque.

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Marguerite Durand, 1864-1936

Du couvent des Dames Trinitaires au Congrès féministe international de 1896 Marguerite-Charlotte Durand est née le 24 janvier 1864, à Paris, rue du Colisée, de AnnaCaroline Durand, "rentière, âgée de vingt-cinq ans" et "de père non dénommé". Née à Francfort dans une famille aisée et cultivée, Anna-Caroline avait été élevée en Russie, au Palais Impérial ou sa mère était lectrice de la Grande Duchesse Hélène. Son père avait été l'ami et l'avocat de Benjamin Constant ; après le Barreau, il s'était consacré au journalisme, et avait défendu les intérêts de Napoléon III. Il fut le premier traducteur français de Schiller et introduisit en France la pratique des conférences littéraires. La famille maternelle de Marguerite comptait aussi des magistrats et des ingénieurs. Son arrière grand-oncle, ingénieur en chef du département du Gard, avait restauré la Maison Carrée de Nimes. Très lettrée, Anna-Caroline était l'auteur d'un Dictionnaire des femmes célèbres, non publié. Il est tentant de déceler la une influence possible sur la féministe que deviendra Marguerite ; si ce Dictionnaire n'est en réalité pas particulièrement marqué par une visée féministe, il est certain que Marguerite héritera de l'indépendance d'esprit de sa mère et mènera comme elle une vie peu soucieuse des préjugés. Bien que Marguerite n'ait pas été reconnue par son père, on sait que celui-ci était le colonel Alfred Bocher. Royaliste, il fit campagne en Afrique, en Crimée, en Italie et au Mexique. Promu général de division et Grand Officier de la Légion d'Honneur, il mourut en 1885. Si l'on ignore pourquoi il n'épousa pas Anna_Caroline, on sait qu'il traita toujours Marguerite comme sa fille, et qu'elle resta en constantes relations avec sa famille paternelle : son demi-frère, ses oncles et ses cousins. Cependant, le sculpteur Clésinger est parfois considéré comme le véritable père de Marguerite ; témoin à la déclaration de sa naissance, il avait longtemps vécu avec AnnaCaroline, qu'il avait d'ailleurs épousée à l'église ; mariage illégal, et annulé, car Clésinger était déjà marié avec la fille de George Sand, Solange, dont il était seulement séparé, le divorce n'existant plus à l'époque. Quoi qu'il en soit, Marguerite reçoit l'éducation religieuse traditionnelle des jeunes filles de la bourgeoisie de l'époque (les lycées de filles n'existent pas avant la loi Camille Sée de 1880) ; elle fréquente le Couvent des Dames Trinitaires, rue Henner, dans le 9e arrondissement. Bien qu'e l'on ne possède guère de témoignages de Marguerite sur cette époque de sa vie, on peut penser que l'enseignement et l’ « idéal » qui y étaient professés convenaient mal à l'adolescente, qui va opter pour une carrière théâtrale. En 1879, elle entre au Conservatoire, où elle est, avec Galipaux et Philippe Garnier, la dernière élève de Régnier, dont elle conservera le souvenir d'un « professeur de premier ordre, homme du monde parfait et très érudit ». En 1880, elle obtient le premier accessit de comédie, et en 1881 le premier prix dans la même discipline.

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Le l er septembre 1881, elle entre à la Comédie Française, où elle restera jusqu'en 1888. Le 21 janvier 1882, elle débute sur scène, dans Demi-monde, comédie d'Alexandre Dumas fils, où elle tient le rôle de Marcelle. Puis elle interprétera de nombreux rôles d'ingénues, notamment chez Molière : Henriette dans Les Femmes Savantes, Elise dans L'Avare ; elle sera aussi Junie dans Britannicus. Elle aborde aussi le répertoire moderne, où elle obtient l'un de ses plus grands succès, dans Les Honnêtes Femmes d'Henri Becque, créée au Gymnase en 1880 et reprise au Français le 27 octobre 1886. Si les spectateurs et les critiques acclament surtout la "blondeur douce" de Marguerite et son "naturel parfait", on a pu voir aussi dans cette pièce l'ébauche d'une thèse féministe. Geneviève, la jeune héroïne que Marguerite interprète, y déclare à son futur mari : 'Je les ai observés autour de moi, les maris, les vieux et les jeunes. Il y en a de bien maussades qui grognent perpétuellement chez eux et lorsqu'on les voit dehors, ils ne se ressemblent plus. Approuvez-vous ça ? Il y en a de cachotiers qui ont des clefs à eux et qui ne parlent jamais de leurs affaires. Nous ne sommes pas des servantes, nous sommes des compagnes". Ce n'est cependant pas encore pour rejoindre le féminisme que Marguerite va abandonner le théâtre deux ans plus tard, mais pour se marier. En 1888, elle épouse en effet un jeune et brillant avocat, Georges Laguerre. Né en 1858, d'extrême-gauche, il a plaidé pour les manifestants blanquistes et pour Louise Michel. ,Il collabore au journal La justice fondé par Clemenceau et est élu en septembre 1883 député du Vaucluse. C'est, a 25 ans, le plus jeune député de France ; il est réélu en 1885. Quand Marguerite se marie, en 1888, la France vit à l'heure du Général Boulanger, le "Général Revanche". Georges Laguerre est l'un de ses plus chauds partisans, membre de la Ligue des Patriotes. C'est pour défendre les "thèses" du boulangisme qu'il ronde le journal La Presse, que Marguerite va diriger à ses cotés, découvrant sans doute la sa vocation de journaliste. Dans leur salon très fréquenté du 19 de la rue Saint-Honoré se retrouvent tous les membres du parti boulangiste. On a dit souvent que Marguerite avait été la "Muse" ou la "Madame Roland" du boulangisme ; elle mil du moins au service du parti sa mémoire de comédienne, en apprenant par coeur la liste des préfets et sous-préfets ralliés á la cause de Boulanger. La fuite du Général, sa condamnation et son suicide sur la tombe de sa maîtresse, le 30 septembre 1891, mirent fin au mouvement, qui fut l'une des grandes crises du régime républicain. Marguerite n'a jamais parlé officiellement de cette période, mais dans une lettre de 1930 à la journaliste Jane Misme, elle cite ce mot de Constans, ministre de l'Intérieur pendant l'Affaire Boulanger : "Ce mouvement n'a pas été difficile à vaincre. Il n'y avait que deux hommes dans cette affaire-la: Madame Laguerre et moi". Quel qu’ait été le rôle de Marguerite dans le mouvement, les évènements lui auront ouvert les portes du monde de la politique et du journalisme, où elle noue des amitiés et de nombreuses relations. En 1891, elle se sépare de Laguerre, dont elle divorcera en 1895, mais avec qui elle restera en bons termes, et entre au Figaro. Elle y crée et dirige une rubrique hebdomadaire, "Le Courrier du Figaro",inspirée de L'Intermédiaire des chercheurs et des curieux de Georges Montorgueil. Les lecteurs y posaient des questions de lentes sortes, auxquelles elle

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répondait avec verve et précision. Le directeur littéraire du Figaro était alors Antonin Périvier ; on ne sait pas précisément a quelle époque ils s'étaient rencontrés ni de quand datait leur liaison; le 14 août 1896 naît leur fils Jacques, enfant naturel, comme sa mère, mais reconnu par Périvier. Ce n'est cependant pas cet événement qui fait de 1896 une année « clef » dans la vie de Marguerite. Du 8 au 12 avril, se tenait à Paris, salle des Sociétés Savantes, un Congrès féministe international, organisé par la Ligue Française pour le Droit des Femmes. Marguerite s'y rend pour Le Figaro, dans le hit d'écrire un article humoristique. Voici ce qu'elle écrit en 1902, dans La Fronde du 15 décembre : "Aux hommes le forum, aux femmes le foyer... Ainsi pensait alors la majorité. "J'étais alors de la majorité. "L'annonce d'un congrès féministe m'eût comme tant d'autres laissée indifférente si je n'eusse lu dans un journal d'alors que les étudiants avaient résolu d'y aller faire du "chahut". "Ce fut avec l'espoir de m'amuser beaucoup des plaisanteries de ces messieurs et de l'émoi des bonnes dames qui en devaient être l'objet que je me dirigeai vers l'hôtel des Sociétés Savantes. « J’en revins dans des dispositions très différentes. Le premier moment de tumulte passé, chacun s'était vire aperçu que le bon sens n'était pas du caté des tapageurs et prenait intérêt a ce que disaient a la tribune, éloquemment ou de façon naïve, des femmes venues de toutes les parties du monde pour exposer les revendications de leurs soeurs opprimées". Le congrès, présidé par Maria Pognon, féministe libre-penseuse et franc-maçonne, connaît en effet des débats houleux ; des étudiants socialistes d'extrêmegauche accusent les congressistes d'être des "bourgeoises exploiteuses". Maria Pognon leur répond que "les ouvrières ne pourront conquérir leurs droits économiques que si les bourgeoises se mettent vaillamment à la besogne", les ouvrières n'ayant pas les loisirs nécessaires pour défendre leurs droits. Prônant la solidarité de sexe et réfutant la lutte des classes au sein du féminisme, elle s'oppose a l'idée que le socialisme a lui seul permettra l'affranchissement des femmes. Nous reviendrons sur cette polémique, qui n'est pas nouvelle. Le congrès de 1896 est donc une véritable révélation pour Marguerite. On a dit souvent qu'elle y a trouvé "son chemin de Damas" ; "convertie" au féminisme, elle va très vite devenir une militante: "Méditer sur la justesse de ces revendications, écrit elle en 1902, en reconnaître le bien-fondé et considérer comme un devoir social d'aider a leur triomphe par leur divulgation, voila ce qui m'amena a concevoir l'idée d'un grand journal féministe ou, quotidiennement, des femmes défendraient les intérêts des femmes". C’est ainsi qu'en 1897 naquit La Fronde," un journal unique dans l'histoire de la presse. L’aventure de LA FRONDE Lorsque Marguerite lance son journal, le féminisme français a déjà une longue histoire. En dépit de leur participation active a la Révolution française, les femmes sont exclues de la vie politique en 1793. La Déclaration des Droits des Femmes d'Olympe de Gouges, dont on cite toujours l'article 10 : "La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune", restera lettre morte. Les rassemblements et les clubs féminins sont interdits et les femmes renvoyées à leurs foyers. Le Code Civil de 1804 consacrera la dépendance de la femme, en particulier celle de la

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femme mariée. Destinée au mariage et a la maternité, la femme se voit confinée dans l'espace du privé, soumise à l'autorité de son mari. La Révolution de 1848 ouvre de nouvelles perspectives aux femmes ; elles y participent activement, créent des clubs et des journaux, comme La Voix des Femmes d'Eugénie Niboyet, pour obtenir des droits économiques et politiques. Mais, de nouveau, la République va rejeter leurs revendications. Si le droit au travail pour les femmes, que réclamait Flora Tristan, est bien inscrit dans la déclaration du gouvernement provisoire, Jeanne Deroin et Pauline Roland, qui tentent de fonder une "Fédération des associations ouvrières" sont arretées et condamnées. Les femmes sont finalement exclues du suffrage dit universel qui s'instaure définitivement en 1848.

4.- Affiche de Clémentine-Hélène Dufau (1869-1937) pour le lancemnet de La Fronde. C.H. Dufau étudia à l’Académie Julian et fut l’élève du Bourguereau, Tony Tobertt-Fleury et Ferrier. Elle exposa tous les ans au Salon à partir de 1893. Elle réalisa des panneaux allégoriques sur les Sciences à la Sorbonne en 1908 et décora la maison de Rostand à Cambo en 1909. Elle fut l’un des membres fondateurs du Salon d’automne.

Pendant la Commune de Paris, dont la représentante la plus célebre reste Louise Michel, elles se battent de nouveau, mais aucune ne participe au Conseil de la Commune, et la journaliste communarde André-Léo déploiera l'antiféminisme de ses camarades masculins. Quand en 1879 la République est définitivement installée, les revendications des femmes sont une fois de plus repoussées, sous prétexte que le régime est encore trop fragile. Entre 1880 et 1890 les théories marxistes pénètrent en France, en. particulier par l'intermédiaire de Jules Guesde et Paul Lafargue. Lutte des classes et lutte des sexes y sont considérées comme les deux volets d'une même oppression, et l'antagonisme des sexes se résoudra par l'émancipation de la classe ouvrière tour entière. Un clivage se produit au sein du féminisme, qu'illustrent bien les débats du congrès de 1896 : d'un côté, un féminisme marxiste, de l'autre un féminisme, que ses adversaires disent bourgeois, qui refuse l'amalgame et ne compte que sur lui-même. Au sein de ce second "courant", on trouve des

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féministes "radicales" qui réclament l'égalité totale, civile, civique et politique, et des féministes "modérées" qui pensent que les femmes n'y sont pas encore suffisamment préparées. On a vu plus haut de quel côté se situait Maria Pognon ; c'est également au service d'un féminisme "indépendant" que Marguerite va désormais engager ses forces. Le lancement de La Fronde est annoncé par des affiches dont les termes expriment clairement le but de Marguerite: "Les femmes forment en France la majorité de la population. Des milliers de femmes, célibataires ou veuves, y vivent sans le soutien légal de l'homme. "Les femmes paient les impôts qu'elles ne votent ras, contribuent par leur travail manuel ou intellectuel à la richesse nationale et prétendent avoir le droit de donner officiellement leur avis sur toutes les questions intéressant la société et l'humanité dont elles sont membres comme les hommes. "LA FRONDE, journal féminin et féministe, sera l'écho fidèle de leurs approbations, de leurs critiques, de leurs justes revendications". La Fronde fera entendre la voix des femmes et défendra leurs droits, la voix et les droits de toutes les femmes, jeunes et vieilles, travailleuses et intellectuelles. Tel est bien également le sens de l'affiche illustrée dessinée par Clémentine-Hélene Dufau, qui annonce aussi la parution du journal : on y voit un groupe de femmes de conditions sociales diverses, une ouvrière vêtue d'un châle noué et tenant un enfant, une intellectuelle, un livre sous le bras, une religieuse coiffée d'une cornette, une vieille paysanne en bonnet. Au premier rang, une jeune femme, d'une sobre élégance, la main droite dans celle de l'ouvrière, désigne de la main gauche une cité qui occupe la partie droite de l'affiche, cité á conquérir ou cité de l'avenir. Se voulant le porte-parole de toutes les femmes, La Fronde entend-elle "déclarer la guerre" aux hommes, comme certains d'entre eux l'insinuent, en arguant du titre offensif du journal ? L'une des collaboratrices, Harlor, explique le sens de ce titre dans le premier numéro : "Il n'est pas l'étiquette d'une inutile guerre de duchesses, ni d'un amusement aux dangereux projectiles, soit pierre, soit égratignante épigramme, mais d'un blâme pacifique, d'une subversion patiente et quotidienne de l'état social actuel (...) Si La Fronde déclare la guerre, ce n'est pas à l'antagonisme masculin, mais aux tyrans qui s'appellent abus, préjugés, codes caducs, lois arbitraires et non adéquates aux exigences nouvelles. Elle ne cherche pour la femme aucun triomphe sur l'homme". La Fronde n'est bien sur pas la première tentative journalistique que lancent des femmes dans un but similaire ; cependant lorsque Marguerite ronde son quotidien, le seul périodique du mouvement féministe à subsister est alors Le journal des Femmes, créé en 1891 et dirigé par Maria Martin, qui avait succédé à la suffragiste Hubertine Auclert a la tête de La Citoyenne. Depuis les débuts de la 3e République, de nombreux journaux militants avaient vu le jour, mais leur existence était souvent très éphémère et leur audience restreinte. L'ambition de Marguerite, féministe de fraîche date et journaliste professionnelle, est tout autre : elle veut faire de La Fronde un "vrai" journal, l'imposer dans le monde de la presse et le faire lire aussi par les hommes. Elle souhaite faire connaître ses revendications dans un cercle beaucoup plus large que celui des féministes. Lorsque dans le numéro du 15 janvier 1902, elle fait le bilan de cinq années d'existence, elle écrit : " La Fronde était un journal comme les autres journaux... pas plus amusant !! On y trouvait matière à discussion, non à plaisanterie. Vite elle fut baptisée "Le Temps en

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jupons". Cette critique était le seul compliment qu'elle pouvait ambitionner. Etre pris au sérieux, être compté, des son début, parmi les journaux importants, parmi les grands journaux, c'était un succès inespéré". . Avant même la parution du premier numéro, Marguerite veut se donner les moyens d'un "vrai journal : elle fait rénover un petit hôtel particulier au 14 de la me Saint-Georges, dont tout le monde vantera l'élégance et le charme. L'hôtel avait appartenu à Mademoiselle Lange, favorite de Barras. Ce sera le siège social de La Fronde et il abritera la rédaction. Le nouveau journal est annoncé par une grande campagne d'affiches, que nous avons évoquées. Enfin, le 9 décembre 1897, jour de la parution du premier numéro, Marguerite offre rue Saint-Georges une réception ou sont conviées toutes les personnalités du monde de la presse, de l'art et de la politique. Ce premier numéro fut vendu à plus de 200 000 exemplaires, et, outre la beauté et l'élégance de la directrice, les journaux parisiens et provinciaux louèrent l'audace de Marguerite qui pour la première fois faisait paraître un quotidien entièrement dirigé, rédigé, administré, composé par des femmes. Car telle est bien la grande "originalité" de La Fronde: de la directrice aux "coursières", toute l'équipe du journal est féminine. Pourquoi ce choix ? S'agit-il la de sexisme inversé de la part de Marguerite ? Voici ce qu'elle écrit dans une lettre a Jane Misme, en 1930 : "Le fait d'écarter toute collaboration masculine n'était ras ostracisme contre les hommes, mais si un seul homme eut fait partie de la maison, même dans l'administration, on eut dit que le journal était fait dans les coulisses par des hommes et que les femmes signaient seulement". celui que Marguerite veut pratiquer à La Fronde est un «journalisme débâtir, courant, alerte, La Fronde était donc aussi dans l'esprit de sa 5.-Portrait de Séverine par Nadar, entre 1889 et 1899 ; fondatrice un journal qui allait permettre aux monochrome, 20x3. Journaliste et conférencière, Séverine est aussi l’auteur de En marche (1896), Line femmes de prouver leur aptiude dans une profession qui leur était jusqu'alors fermée, (1921), Notes d’une Frondeuse 81894), Pages mystiques (1895), Pages rouges (1893), Sac-à-tout : salir rares exceptions, et à titre individuel. mémoires d’un petit chien (s.d.) et Vers la "Si de tout temps les femmes écrivirent, lumière...Impressions vécues. Affaire Dreyfus (1900). note. Marguerite en 1902, le journalisme militant leur était étranger. Aucune, à part peut-être Séverine, n'avait avant La Fronde exercé en France un métier qui consiste à pénétrer partout, en tout temps, à toutes heures, à se déplacer suivant les nécessités de l'information et que seuls peuvent exercer ceux qui sont libres de leur

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personne, de leur temps. Les convenances de famille ou mondaines furent les plus sérieux obstacles au recrutement des rédactrices... obstacles qu'il fut malaisé d'aplanir". Difficultés de recrutement, d'abord, donc : peu de femmes ont à l'époque une formation professionnelle de journaliste ; celles qui en ont une pratiquent plutôt un journalisme "assis" ; or s'assouplissant à l'actualité: du reportage, de l'information", comme l'écrit Séverine dans un article de 1899. En dépit de ces difficultés, Marguerite va s'entourer d'une remarquable équipe de rédactrices, régulières ou occasionnelles. Parmi elles, figure la "grande" Séverine (1855-1929), de son vrai nom Caroline Rémy, "fille spirituelle" de Jules Vallès; elle commence sa carrière de journaliste au Cri du Peuple qu'il dirige. A la mort de Vallès, en 1885, elle devient directrice du journal, jusqu'en 1888. Toute sa vie, Séverine prit le parti des pauvres et des opprimés ; en 1890, elle descend dans une mine en feu à Saint-Étienne ; en 1893, elle interviewe le pare Léon XIII pour lui faire dénoncer l'antisémitisme ; elle assiste au procès de Dreyfus qu'elle défend. D'abord antiféministe, Séverine va se rapprocher du mouvement par l'intermédiaire de Marguerite, dont elle est une amie de longue date et dont elle va soutenir activement le projet. Chaque jour, jusqu'au milieu de l'année 1900, paraissent en première page de La Fronde ses "Notes d'une Frondeuse", sorte d'éditorial ou elle aborde des sujets divers dans un style très personnel. Elle rédige également de longues chroniques, en particulier au moment du procès de Zola et celui de Dreyfus à Rennes. Hormis cette prestigieuse journaliste, Marguerite va faire appel à plusieurs "types" de collaboratrices, dont la variété répond à la volonté de pluralisme du journal. Tout d'abord, bien sur, aux grandes figures du féminisme de l'époque. Parmi elles, la présidente du Congrès de 1896, Maria Pognon ( 1844-1925). Comme Marguerite, elle a été acquise au féminisme par un congrès, celui de 1889, organisé par Maria Deraismes et Léon Richer. Pacifiste et présidente de la Ligue Française pour le Droit des Femmes depuis 1893, elle tient à La Fronde une chronique régulière, "Les Conseillères municipales", ou elle préconise le vote et l'éligibilité des femmes au Conseil municipal. Elle s'intéresse aussi à la situation économique des femmes. Madame Vincent (1841-1914) est une militante de plus longue date; en 1866 elle crée avec Maria Deraismes la Société pour la Revendication des Droits de la Femme ; elle participe à de nombreux congrès internationaux et cherche à créer un "féminisme historique", en retrouvant dans les archives des documents pour prouver que les femmes avaient davantage de pouvoir dans le passé. Elle fonde, dans sa maison d'Asnières, une bibliothèque dont on verra plus loin le sort malheureux. Nelly Roussel (1878-1922) est issue d'un milieu bourgeois et catholique qui la contraint à arrêter ses études à quinze ans et avec lequel elle rompt. Elle épouse le sculpteur Henri Godet, militant socialiste, et s'engage elle-même dans la politique avec l'affaire Dreyfus. Adepte de la libre pensée, elle devient à partir de 1901, après sa rencontre avec Paul Robin, une militante du mouvement néomalthusien. Dans ses nombreuses conférences en France et à l'étranger et dans ses articles, elle défend la "libre maternité" contre la "maternité sans consentement". Elle s'intéresse aussi à la question du travail salarié des femmes, condition essentielle de leur indépendance. C'est également à La Fronde que débute l'avocate Maria Vérone (1874-1938). Militante depuis l'age de seize ans, libre-penseuse, elle sera une importante. personnalité du féminisme entre les deux guerres. A La Fronde, elle rédige la chronique juridique sous le

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pseudonyme de Thémis. Avril de Sainte-Croix (1855-1939), qui signe Savioz, a comme Marguerite découvert le féminisme au Congrès de 1896. Apres avoir visité la prison de Saint-Lazare, elle se consacre à l'amélioration du sort des femmes démunies et ronde en 1900 I"'CEuvre libératrice". Ses articles à La Fronde abordent toutes les questions sociales et philanthropiques : la condition des prisonnières, l'alcoolisme féminin, la traite des blanches, la prostitution, pour l'abolition de laquelle elle milite activement. En 1903, elle est la première femme à être nommée membre d'une commission officielle, la Commission d'Etudes sur le Régime des Moeurs. D'autres féministes écrivent dans La Fronde sans faire partie du comité de rédaction. C'est le cas d'Hubertine Auclert, qui se consacre surtout à l'obtention du droit de vote, ou de Marie Maugeret (1844-1928) : directrice d'imprimerie et fondatrice d'une école professionnelle d'imprimerie pour jeunes filles, elle dirigera pendant quelques jours la composition de La Fronde. Catholique, elle crée un mouvement féministe chrétien, dont elle expose les vues dans les premiers numéros de La Fronde. Les positions antidreyfusardes de "L'Union nationaliste des femmes françaises" qu'elle ronde en 1898 avec Marie Duclos l'écarteront rapidement du journal. Outre les articles de ces différentes collaboratrices, La Fronde publie chaque jour une "Chronique féministe", tenue par Camille Bélilon, de son vrai nom Ernestine Tournemine, collaboratrice du journal des Femmes de Maria Martin. Cette rubrique quotidienne, qui durera toute la vie du journal, donne des informations sur les mouvements féministes en France et à l'étranger, et commente l'actualité féministe. A partir de 1900, apparaissent aussi en première page les "Nouvelles féministes" qui donnent des informations plus rapides, sans commentaires. La Fronde veut également être la tribune des travailleuses ; aussi Marguerite fait-elle appel a la collaboration de représentantes du mouvement ouvrier. Parmi elles se trouve Aline Valette (1850-1899). Institutrice et syndicaliste, c'est une militante active du Parti Ouvrier Français. Du 24 décembre 1897 au 12 septembre 1898, elle publie dans La Fronde, sous le titre "Le Travail des femmes" vingt -quatre articles issus de son enquête sur la classe ouvrière féminine, où elle décrit avec une grande précision les conditions de travail de la main-d'oeuvre féminine ("les tireuses d'aiguille", "dans la filature lyonnaise", "les batteuses d'or",...) Apres la mort d'Aline Valette, c'est Marie Bonnevial (1841-1918), elle aussi institutrice et syndicaliste, qui traite les questions relatives au travail, avec sa rubrique "Tribune du Travail". Elle apporte son soutien aux femmes en grève et contribuera, avec Marguerite, au développement des syndicats féminins. Elle sera la première femme nommée au Conseil supérieur du Travail en 1900. La Fronde compte également des rédactrices dont la haute compétence qu'elles ont acquise dans leur spécialité va contribuer à la renommée du journal. C'est en particulier le cas de Clémence Royer (1830-1902), qui fait partie du comité de rédaction des les premiers numéros. Femme de sciences et philosophe, elle est la première traductrice française, en 1865, de L'Origine des espèces de Darwin. En 1884, elle est la première femme à assurer un cours à la Sorbonne. Elle participe des 1878 au Congrès du Droit des Femmes, puis à celui de 1889, et sera présidente du Congrès de 1900. Cette même année, on lui décerne la Légion d'honneur pour ses travaux scientifiques. Francmaçonne et pacifiste, Clémence Royer a des 1898 l'idée de "la constitution d'un pouvoir international ayant mission d'éviter toutes les occasions de conflits" (La Fronde 30 août

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1898), préfigurant la future Société des Nations. Les articles qu'elle écrit pour La Fronde concernent en fait rarement la science, mais abordent des sujets variés en rapport avec l'actualité. La Fronde paraîtra de nouveau de manière exceptionnelle en 1930 pour lui consacrer un numéro spécial, célébrant le centenaire de sa naissance. Pour les questions relatives à l'éducation et à l'enseignement, Marguerite fait appel à une grande "spécialiste", Pauline Kergomard (1838-1925), soeur d'Elisée et Elie Reclus. Inspectrice générale des Ecoles Maternelles de 1879 à 1917, elle transforme celles-ci de "salles d'asile" en lieux de "prolongement de la famille". En 1886, elle est la première femme admise au Conseil Supérieur de l'Instruction publique. Auteur d'ouvrages de pédagogie, directrice du journal L'Ami de l'Enfance et de "l'Union française pour le sauvetage de l'Enfant", elle publie des articles dans différents journaux sur l'éducation des femmes. Favorable à la modernisation de l'enseignement, elle oeuvre pour une éducation qui assure l'égalité intellectuelle des hommes et des femmes. Parmi les autres rédactrices qu'Irène Jami dans son mémoire sur La Fronde appelle des "techniciennes", on peut encore citer Dorothea Klumpke, docteur en mathématiques, première femme admise à l'Observatoire de Paris, Clotilde Dissard, membre de la Société de Sociologie de Paris, fondatrice de la Revue féministe en 1895, Mathilde Méliot (qui signe ses articles Triboulette), première femme membre de la Société d'Economie Politique, chargée pour La Fronde des questions financières et boursières, Blanche Galien (dont le pseudonyme est Napias), première pharmacienne. Sans êtres des "spécialistes", certaines rédactrices sont particulièrement affectées à une rubrique du journal; c'est le cas d'Hélène Sée, qui fait les comptesrendus des séances du Parlement, de "Raquette" pour les sports, ou de Claire de Pratz qui, habitant Londres, tient une rubrique sur l'Angleterre et sur les relations diplomatiques ; Jane Misme tient une rubrique littéraire et théâtrale. D'autres collaboratrices abordent des sujets divers, variant selon l'actualité : Bradamante, qui couvrira le procès de Dreyfus a Rennes avec Séverine et Marguerite, Harlor, Louise Debor, Marie-Louise Néron,.. La Fronde ne se veut pas seulement un journal d'information, mais aussi un 6.- Photographies, réunies dans un carton découpé en journal culturel. Aussi Marguerite faitforme de pensée, de femmes écrivains, journalistes et elle appel à des femmes de lettres déjà actrices: Jeanne Marni, Séverine, Gyp, Rosemonde connues ou qui commencent à l'être, Rostand, Sarah Bernhardt, Gabrielle Reval, Jean comme Daniel Lesueur, poète, Bertheroy, Daniel Lesueur, Judith Gautier, romancière et auteur dramatique, preJuliette Adam, Georges de Peyrebrune. Plusieurs d'entre elles collaborèrent a La Fronde. mière femme élue au Comité de la (Fonds iconographique). Société des Gens de Lettres , et décorée de la Légion d'Honneur, Marcelle Tinayre, Lucie Delarus-Mardrus, et bien d'autres dont les

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noms sont aujourd'hui plus oubliés. Ces femmes de lettres donnent à La Fronde des nouvelles et des romans, parfois écrits spécialement pour le journal, et qui sont publiés en feuilletons ; certaines écrivent en outre des chroniques sur la condition féminine, le couple, la psychologie,... Peut-on dire que ces femmes étaient des féministes "authentiques" ? Très peu se sont en fait véritablement engagées aux cotés des militantes. Cependant, par leur participation à La Fronde, où elles acceptent d'être moins payées que dans d'autres journaux, elles apportent un soutien important a Marguerite, même si certaines féministes de longue date les soupçonnent d'opportunisme : "Bientôt elles s'imagineront très sincèrement avoir défendu l'idée au lieu de se laisser remorquer par elle", écrit Avril de Sainte- Croix en 1899. Il est impossible de citer ici toutes les collaboratrices de La Fronde qui furent très nombreuses, mais dont beaucoup ne furent qu'occasionnelles. Le nombre et la diversité d'origine de ces collaboratrices font que des opinions parfois contradictoires s'expriment, mais les statuts du journal spécifient clairement que Marguerite est la seule à en diriger la confection, à choisir sa ligne politique et ses collaboratrices. Nous verrons plus loin qu'elle sut en effet rester "maître à bord" et marqua son journal de sa personnalité. Réunir une telle équipe de rédactrices à la fin du 19e siècle était déjà un tour de force que Marguerite, femme de volante et figure célèbre du "Tout Paris", réussit a accomplir. Mais d'autres difficultés restaient à affronter, des obstacles à aplanir. Ainsi la Bourse était elle alors interdite aux femmes, et Marguerite dut obtenir une autorisation spéciale pour qu'y pénètre la responsable de la rubrique financière, Mathilde Méliot, dont le recrutement n'avait déjà pas été très aisé. Même difficulté pour la Chambre : Hélène Sée fut la première femme à pouvoir assister aux débats parlementaires, dont elle rendait compte pour La Fronde; Marguerite avait elle-même sa place dans la tribune des directeurs de journaux. Quant à Maria Vérone, elle inaugura l'accès des femmes aux délibérations du Conseil Général de la Seine et au Conseil Municipal de Paris. De La Fronde date aussi la présence des femmes journalistes dans les déplacements présidentiels et ministériels, les banquets politiques, et plus généralement dans toutes les cérémonies officielles. Recruter ses rédactrices et leur ouvrir l'accès au libre exercice de leur profession n'alla donc pas de soi pour Marguerite ; faite paraître son journal ne fut pas non plus chose facile. Comme toutes les autres collaboratrices, les typographes de La Fronde étaient des femmes. Le journal paraissant le matin, la composition se faisait la nuit ; or la loi de 1892 interdisait aux femmes le travail de nuit, et cette loi fut immédiatement invoquée contre Marguerite par la Chambre Syndicale des hommes typographes. Marguerite conseille alors à ses typographes de demander à leurs collègues masculins de les admettre dans leur syndical, en les engageant à se soumettre à toutes les règles de ce syndicat, notamment en ce qui concernait le minimum des salaires. Le syndicat répondit qu'il ne désirait nullement l'égalité des salaires des hommes et des femmes, mais l'exclusion complète des femmes de ce métier. Elles ne peuvent donc pas espérer du syndical qu'il les aide à bénéficier des exceptions à la loi accordées à certaines catégories d' ouvrières ; en conséquence, le 31 avri1 1899, elles fondent le Syndicat des Femmes Typographes, pour lequel Marguerite leur remet 1000 F comme premiers fonds de caisse. Ce syndicat s'occupa du placement d'ouvrières ét rencontra le meilleur accueil auprès des patrons imprimeurs. Le 22 novembre 1900, une Société coopérative de femmes typographes est légalement constituée, sur les conseils et avec l'aide de Marguerite. Les femmes que la composent sont devenues

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patronnes associées et ont ainsi le droit de travailler quand et comme il leur plaît. C’est la première association coopérative de femmes créée en France. Mais auparavant Marguerite, qui maintenait ses ouvrières dans les ateliers en dépit de la loi, aura soutenu a grands frais procès sur procès, en épuisant toutes les ressources de la procédure ; une grande partie de la presse prend son parti, et à la suite de longue péripéties, ces procès seront finalement abandonnés. Journal exceptionnel, La Fronde se voit donc confronté dès son origine à des problèmes inédits ; sa naissance coïncide d'autre part avec un événement d'une importance politique elle aussi exceptionnelle, qui va secouer et diviser la France pendant plusieurs années : l'affaire Dreyfus. Jusqu'au procès d'Esterhazy, le 11 janvier 1898, La Fronde se contente de publier des informations sans prendre parti, en demandant seulement que l'affaire soit tiré e au clair. Elle critique la violence des polémiques et des affrontements entre les journalistes. Mais des l'acquittement d'Esterhazy, Séverine, qui a assisté au procès, s'élève contre les conditions dans lesquelles l'affaire a été traitée et contre la volonté d'étouffer le débat. Le 14 janvier, La Fronde reproduit in extenso la lettre de Zola, ]'accuse, parue la veille dans L'Aurore, et salue "par ces temps de veulerie et de lâcheté, un acte de bravoure moral". . Le 20 janvier Zola est traduit devant la Cour d'Assises de la Seine. La Fronde donne chaque jour le compte-rendu du procès. Les rédactrices apportent leur soutien à Zola, qui est condamné le 23 février à un an de prison et 3000 F d'amende. Le 24 mars, le journal lance l'avis de souscription pour offrir une médaille a Zola ; il témoigne aussi sa sympathie a Madame Dreyfus, et Séverine fait circuler une pétition pour que celle-ci soit autorisée a partager l'exil de son mari à l'Ile du Diable.

7.- L’atelier de composition de La Fronde. Photographie parue dans L’Illustration du 15 janvier 1898.

La Fronde prend résolument parti aux côtés des "révisionnistes", contre les

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antidreyfusards. Le 1er mars 1899, l'arrêt du conseil de révision renvoie Dreyfus devant le Conseil de Guerre de Rennes. Le 8 août, le procès commence ; c'est un grand moment dans la vie du journal qui jusqu'au 9 septembre, date du verdict, lui consacre la moitié de ses articles. Marguerite, Séverine et Jeanne Brémontier assistent au procès et se retrouvent à l'Auberge des Trois Marches. Séverine et Bradamante rendent compte des débats dans La Fronde, en défendant Dreyfus avec ardeur. Le journal est injurié par la presse nationaliste, en particulier par La Libre Parole de Drumont, contre lequel La Fronde intente un procès en diffamation, qu'elle gagne. Mais le 9 septembre, Dreyfus est de nouveau condamné : "l1s n'ont pas su voir, ils n'ont pas su comprendre, ils n’ont pas su même avoir pitié !", écrit Marguerite dans La Fronde du lendemain. Quelques jours plus tard, le 19 septembre, le nouveau Président de la République, Emile Loubet, signera la grâce de Dreyfus, qui ne sera réhabilité qu'en 1906. En soutenant le camp dreyfusard, Marguerite et ses rédactrices marquent bien leur conviction qu'il est le parti de la République face au parti de la réaction. Marguerite, qui des les premiers mois de La Fronde s'est privée de la collaboration de la célèbre Gyp parce qu'elle refusait de renoncer à son antisémitisme, réfutera toujours les rumeurs selon lesquelles son journal aurait été subventionné par des Juifs et fondé pour défendre Dreyfus. Seule la vente de ses perles a constitué le capital initial de La Fronde, écrit-elle en 1902. Bien des années plus tard, dans une lettre à Jane Misme, elle revient assez longuement sur cette question : "La Fronde n'a jamais eu de commanditaire. Elle n'a jamais reçu de qui que ce soit un concours financier. C'est par mes seules ressources que j'ai assuré son existence et vous avez eu raison de dire que l'effort à été difficile ! Les perles de mon collier ont été égrenées, une a une, pour les dépenses du journal ...). Quand vous saurez que pendant que je dirigeais La Fronde j'assurais une revue quotidienne de la presse mondiale pour une importante personnalité parisienne, et que ce travail fantastique m'était payé près de mille francs par jour, vous saurez et de qui vivait La Fronde et ce qu'elle m'a coûté de peine et d'énergie insoupçonnées ! C'est la première fois que je dévoile cela". Quoi qu'il en soit, les prises de position du journal pendant l'affaire Dreyfus ont signé la rupture entre le féminisme républicain et le féminisme chrétien, qui se rangea du côté des nationalistes antidreyfusards, et auquel les colonnes du journal se fermèrent : "[La Fronde] fut républicaine, elle fut libre-penseuse, elle fut du coté de l'innocent et sacrifia immédiatement à ses principes la clientèle de la majorité des femmes qu'elle heurtait à la fois dans son respect de la chose jugée, son amour du panache, sa soumission a l'Eglise et surtout aux usages reçus", écrit Marguerite le 1er octobre 1903. Lors des élections municipales de mai 1900, La Fronde soutient d'ailleurs sans équivoque les candidats républicains et lance un appel à l'union des Parisiens pour lutter contre la réaction. Tout en s'engageant dans les grandes questions politiques, La Fronde continue a soutenir et à impulser des revendications spécifiquement féministes ; ses principaux thèmes d'action sont l'éducation et le travail. Un même niveau d'éducation doit être assuré aux deux sexes, afin que l'égalité puisse vraiment exister. Les rédactrices sont favorables à la mixité à tous les niveaux de l'enseignement, et d'une manière générale à une modernisation de l'éducation, réclamant notamment l'introduction de notions de droit dans les programmes et la pratique du sport. Si le rôle de la femme ne doit pas être réduit à celui de mère et d'épouse, la maternité reste cependant une fonction très importante. La Fronde invente le mot puériculture qui fait

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scandale : les rédactrices sont traitées de "pornographes" parce qu'elles souhaitent qu'on enseigne aux jeunes filles la pratique des soins à donner aux nourrissons ! Louise Debor propose en effet l'établissement d'un enseignement maternel et d'un enseignement domestique. Le journal est également favorable a l'ouverture de crèches, même si Pauline Kergomard insiste sur l'importance de la place de la mère au foyer. Partisan de la laïcité et anticléricale, La Fronde veut arracher l'éducation des filles de l'emprise de l'Eglise, et prend parti dans le débat sur les congrégations religieuses, auxquelles va s'attaquer le ministère de Combes qui se met en place en juin 1902 et qui promulguera la loi du 7 juillet 1904 interdisant l'enseignement à toutes les congrégations. La Fronde voit dans les institutrices le "fer de lance" du féminisme et multiplie les efforts pour s'attirer leur fidélité. Des tarifs d'abonnements réduits leur sont proposés, une campagne est lancée en faveur de l'égalité de leur traitement avec celui des instituteurs. En 1900, le journal offre le voyage et les frais de séjour à trente d'entre elles, tirées au sort parmi les abonnées, pour qu'elles puissent assister au Congrès des droits des femmes. Si les institutrices sont en effet les lectrices les plus nombreuses de La Fronde, il est souvent difficile pour elles de continuer à s'abonner à la fois à un journal féministe et à une revue pédagogique, indispensable à l'exercice de leur métier. La Fronde se propose d'ailleurs un moment de diffuser un supplément pédagogique, qui leur ferait faire l'économie de leur revue professionnelle. Le journal publie souvent des lettres d'institutrices de province, pour qui La Fronde représente un véritable "ballon d'oxygène" : "Votre publication est non seulement une feuille de propagande féministe, écrit une jeune institutrice le 9 novembre 1902, mais aussi un journal anticlérical, et c'est par la qu'il me plait. Oh! si vous saviez la haine que j'ai pour ces habillés de noir (...). Dans nos campagnes, on commence 8.-Carte postale illustrée, n.& bl. Composée à partir peut –être a ouvrir les yeux et à d’une page de titre, la date du jour était donnée constater combien tous ces gens sont selon les calendriers républicain, protestant, russe et israélite. mauvais, mais on n'ose rompre avec eux et on continue d'aller à l'église, ce qui fait que je me trouve un peu isolée par mes idées trop avancées, comme on dit ici (...). La Fronde remplace pour moi la compagnie de gens éclairés qui me manque ici (...)".

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Mais plus encore que l'éducation, la question du travail est le thème de mobilisation essentiel de La Fronde. Tout d'abord le journal se bat pour que toutes les professions soient accessibles aux femmes : elle soutient Jeanne Chauvin, docteur en droit, à qui sa candidature au barreau a été refusée ; elle obtiendra gain de cause grâce à la loi du 30 juin 1899, (soutenue par René Viviani, grand ami de Marguerite), qui autorise les femmes à plaider ; La Fronde soutient également Madeleine Pelletier pour qu’elle puisse se présenter au concours d'entrée des médecins aliénistes des hôpitaux de Paris. Mais La Fronde s'intéresse aussi au monde ouvrier. Nous avons signalé plus haut la place importante accordée aux enquêtes d'Aline Valette sur les ouvrières ; le journal par ailleurs mentionne et soutient toutes les grèves d'ouvrières, il propose des réformes et engage les ouvrières à se syndiquer, en formant leurs propres syndicats quand ceux des hommes leur sont fermés. Plusieurs syndicats féminins vont d'ailleurs être fondés avec l'aide de Marguerite ou protégés par elle : celui des typographes, nous l'avons vu, mais aussi le syndicat des fleuristes- plumassières, créé en 1896, celui des femmes sténodactylographes (mars 1899), des caissières comptables et employées aux écritures (1900), et le syndicat des sages-femmes (1902). Ces syndicats sont souvent mal acceptés par les ouvriers, qui les traitent de syndicats maison ou de syndicats "jaunes". Ainsi les femmes typographes sont elles accusées d'être des briseuses de grève et exclues de la Bourse du Travail lors de l'affaire Berger-Levrault à Nancy en 1902 : sept typotes étaient en effet venues remplacer symboliquement les quatrevingt dix ouvriers en grève, se souvenant de leurs collègues masculins qui avaient tenté de les exclure de la profession en 1897. Après bien des difficultés et un procès, elles seront réintégrées à la Bourse du Travail en 1905. . Dans tous les secteurs, La Fronde milite pour la reconnaissance du principe " à travail égal salaire égal" et soutient l'organisation des travailleuses pour la défense de leurs intérêts. Le journal manifeste d'ailleurs sa solidarité, en lançant une rubrique d'annonces de placement, qui obtient un grand succès, puis en ouvrant un bureau de placement gratuit qui fournit 600 emplois pour la seule année 1902. Particulièrement attachée aux questions relatives au travail et à l'éducation, La Fronde ne néglige pas les autres revendications du féminisme. Elle fait campagne pour l'égalité des droits civils, en prônant la reconnaissance des droits de la femme mariée, considérée comme une mineure par le Code civil, le droit à la "libre maternité" que défend en particulier Nelly Roussel, le droit à la recherche de la paternité, interdite par l'article 340 du Code civil, et l'abolition de la réglementation de la prostitution, "inique au point de vue de la liberté individuelle", dit Savioz. En ce qui concerne les droits politiques, les positions de La Fronde sont plus ambiguës. Si elle réclame l'électorat et l'éligibilité dans les Conseils de Prud'hommes et dans les conseils municipaux, elle demeure réticente sur le droit de vote. Dans les notes autobiographiques qu'elle adresse à Jane Misme en 1930, Marguerite écrit : "La Fronde n'a pas fait campagne pour le vote des femmes. J'ai estimé alors que leur éducation politique était insuffisante". Cependant La Fronde, voulant exprimer les tendances diverses du féminisme, ne peut éviter de se faire l'écho de cette revendication, du moins dans les premières années, où les articles sur la question demeurent toutefois assez rares. Après 1900, le sujet n'apparaît presque plus, l'éclectisme des débuts ayant cédé le pas a l'engage-

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ment républicain. Les convictions républicaines de Marguerite et son anticléricalisme la rendent méfiante à l'égard du droit de vote; pour lequel l'Eglise s'est mise à faire campagne ; comme beaucoup de Républicains elle y voit une menace de "récupération" opérée par la réaction et les cléricaux. Parmi les autres campagnes menées par La Fronde, il faut encore citer l'admission des femmes aux grandes écoles (en particulier aux Beaux-Arts), aux concours pour les prix de Rome, l'attribution de la Légion d'Honneur aux femmes écrivains, artistes, scientifiques, industrielles; etc. pour leurs oeuvres personnelles, au même titre que les hommes ; jusqu'alors elle ne récompensait que les fondations ou actes de charité féminins. Les premières décorées furent Daniel Lesueur, Clémence Royer, Marie-Louise Gagneur, bien après Rosa Bonheur, décorée pour son oeuvre artistique sous le Second Empire, grâce à l'intervention personnelle de l'Impératrice Eugénie. L'organisation du Congrès International de la Condition et des Droits de la Femme du 5 au 8 septembre 1900 reste l'une des grandes initiatives de La Fronde et de Marguerite, et un temps fort du féminisme de la Belle Epoque. L'Exposition Universelle, dans le cadre de laquelle le congrès se déroule, attire de très nombreux visiteurs et fait la une de toute la presse française et internationale ; c'est donc une occasion unique pour le féminisme de toucher un large public. Ce congrès est reconnu officiellement, ce qui est une première, et bénéficie d'une subvention de 5000 F du Conseil Municipal de Paris. René Viviani en est le vice-président. Destinée à attirer un large public, une exposition féministe a lieu en même temps que le congrès ; c'est la première du genre et elle est présentée au Palais de l'Economie Sociale. Cinq sociétés féministes y exposent des portraits et des photographies de militantes disparues ou vivantes, des livres, des brochures et des revues ; Madame Vincent présente les archives qu'elle a recueillies, relatives à l'histoire et au rôle des femmes; on peut également consulter des panneaux offrant des tableaux statistiques et des textes divers concernant les différentes associations. Les adhésions au Congrès out été envoyées à La Fronde, et Marguerite est l'une des principales organisatrices de l'événement ; une commission d'organisation a été chargée de la préparation des travaux et s'est réunie des juillet 1899, afin de ne pas renouveler les erreurs des congrès antérieurs, aux débats souvent très chaotiques. La veille de l'ouverture, Harlor fait une "causerie" au Palais du Costume, où elle évoque la femme moderne, toujours attachée à " l’art de la parure", mais avec "un costume hygiénique et pratique". Les débats commencent le 5 septembre, avec 800 participants dont 500 déléguées. Le programme est divisé en trois sections ; la première concerne les questions économiques, sociales et morales. Le travail occupe une place importante dans les discussions, qui portent en particulier sur le protectionnisme, sur le travail' et le repos des domestiques et sur le travail ménager ; des positions diverses, voire divergentes, sont exprimées sur toutes ces questions. La deuxième section est consacrée à l'éducation, que l'on souhaite intégrale, mixte et à base encyclopédique. L'accent est mis sur la nécessité d'un enseignement identique pour les deux sexes, permettant l'accès à l'université, et de l'apprentissage d'un métier pour les jeunes fines. Un voeu pour la laïcité de l'enseignement est voté a l'unanimité. Les questions législatives constituent la troisième section ; les débats portent sur toutes

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les réformes à apporter aux articles du Code civil qui infériorisent la femme dans le mariage, la famille et la société. Enfin, l'unanimité se fait sur le voeu de l'égalité des droits politiques. René Viviani conclut le Congrès en lisant une pétition à ce sujet, qu'il va déposer à la Chambre, ce qui provoque l'enthousiasme de tous les participants. Le Congrès de 1900 remporte un grand succès ; la presse du monde entier publie à son sujet plus de 700 articles et en fait l'éloge. La Fronde rend évidemment compte en détail des débats, en bouleversant ses cadres habituels, comme au moment du procès de Dreyfus. L'événement est aussi une consécration pour Marguerite et son journal, qui dès sa fondation formulait les thèmes d'action et les voeux officialisés avec éclat par ce grand congrès. A la fin de l'année 1902, La Fronde devient la propriété de ses rédactrices réunies en coopérative ; Marguerite en est la présidente. A cette occasion elle publie dans le numéro du 15 décembre un long article intitulé "En cinq ans", où elle retrace l'histoire de son journal et dresse un bilan : "Ce que je tiens à dire et à redire, écrit-elle, c'est que La Fronde ne fut pas qu'un journal : elle fut une oeuvre sur l'utilité de laquelle les femmes ne se sont jamais méprises (… Une oeuvre ne se réclamant pas de la philanthropie, osant publier franchement : "Ici l'on ne fait pas l'aumône ; on, conseille et l'on s'entraide", voila ce que La Fronde continuera d'être". Journal, oeuvre sociale, La Fronde est aussi un lieu de rencontres et d'échanges où s'organisent diverses activités. L'hôtel de la rue Saint-Georges abrite une salle d'exposition, où se déroulent également des conférences, une salle d'escrime ("le meilleur exercice physique pour la jeune fille", rappelle le journal ; Marguerite elle-même manie le fleuret depuis longtemps), un salon de thé et une bibliothèque réunissant des ouvrages écrits par des femmes ou traitant du féminisme ; le journal a fait appel à ses lecteurs pour qu'ils fassent don des oeuvres "de ce genre" qu'ils ont écrites ou qu'ils possèdent en double. Marguerite organise aussi de nombreuses et brillantes réceptions rue Saint-Georges, en particulier pour célébrer les anniversaires du journal. Les comptes-rendus des rédactrices et ceux des journalistes invités ne manquent jamais de rendre hommage au charme et a l'élégance de la directrice de La Fronde. Ces qualités sont aux yeux de Marguerite des atouts que les féministes doivent utiliser pour le triomphe de leurs idées : "L'extrême soin de sa personne, et les recherches d'élégance ne sont pas toujours, pour une féministe, un délassement, un plaisir, c'est souvent un surcroît de travail, un devoir qu'elle doit s'imposer, ne serait-ce que pour enlever aux hommes superficiels cet argument que le féminisme est l'ennemi du goût et de l'esthétique féminine", écrit-elle dans La Fronde du l er octobre 1903. La Fronde et sa directrice symbolisent ce que Louise Debor dans un article du 19 juillet 1899 appelle "le féminisme en dentelles", formule souvent reprise. Cette attitude n'est pas du goût de toutes les militantes, qui la considèrent comme une concession de bourgeoises aux préjugés masculins, et qui vilipendent les féministes "en décolleté". A ces reproches Marguerite oppose un franc pragmatisme : "Le féminisme doit à mes cheveux blonds quelques succès... Je sais qu'il pense le contraire : il a tort". Cependant, en dépit de ces succès et du Trôle incontestable que joue La Fronde dans la diffusion et l'avancée du féminisme, les difficultés financières menacent la vie du journal : les rédactrices sont mal payées et avec retard, les invendus atteignent les deux tiers des dépôts à Paris. Une série de licenciements précède de peu la fin de la parution quotidienne : à partir du l er octobre 1903, La Fronde devient mensuelle. Pourtant ce ne sont d'abord pas des raisons financières que Marguerite évoque pour

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expliquer cette "mise en sommeil" du journal ; dans le dernier numéro quotidien du l er septembre elle déclare : "Il y a deux ans a l'occasion du 4e anniversaire de ce journal j'écrivais ici même : "Notre oeuvre a ceci de particulier qu'elle triomphera le jour où le féminisme sera assez puissant pour se passer d'elle". J'estime que ce jour est arrivé. Le féminisme a obtenu ou est sur le point d'obtenir tour ce à quoi il pouvait prétendre en l'état actuel de notre société". En fait, Marguerite a décidé de se lancer dans un nouveau projet : devenir la co-directrice avec Henry Bérenger et Victor Charbonnel du journal L'Action ; La Fronde en sera désormais le supplément mensuel : "c'est maintenant dans un journal d'hommes, aux cotés de personnalités éminentes de la politique, des lettres, de l'enseignement que nous allons mener le bon combat". Mais un mois plus tard, elle avoue : "Le féminisme n'a pas payé, ne s'est pas abonné, n'a pas fait vivre La Fronde, ne l'a ni lue ni recommandée, ni répandue ni achetée et je ne pouvais pas avouer que La Fronde n'avait plus assez d'abonnés pour vivre parce que jamais elle n'en eut assez pour assurer quinze jours de son existence. C'est la première fois que j'ose dire cela; pour la première fois je dévoile le "bluff' formidable qui fut mon oeuvre et servir si puissamment au gain de la partie".. Marguerite laisse entendre que son journal a souffert d'un manque de solidarité de la part des féministes. Il est vrai qu'elle n'avait pas que des amies parmi celles-ci ; certaines lui reprochaient son coté mondain, son train de vie et son élégance bourgeoise, la liberté de sa vie privée. Certaines l'accusaient par ailleurs de vouloir personnifier le féminisme et éclipser les autres tentatives militantes. Ces dissensions mises à part, La Fronde n'a pas eu le public qu'elle pouvait toucher : "Elle pouvait espérer la clientèle des femmes ouvrières dont elle servait les intérêts... Les femmes ouvrières n'ont pas le temps de lire... d' ailleurs dans leur budget un sou est un sou et l'on a un petit pain pour le prix d'un journal... On pensa que les oisives, les heureuses de la vie enfin averties s'intéresseraient au sort de leurs sœurs infortunées... Bien moins encore que les ouvrières, les mondaines out le temps de lire. Personne n'est plus occupé qu'une femme qui n'a rien à faire", écrit déjà Marguerite en 1902 ; en octobre 1903, elle complète ce constat des difficultés et des obstacles rencontrés : "Interdite dans les lycées et les écoles normales, proscrite par les inspecteurs d'académie, consignée à la porte des ateliers et des usines où travaillaient les femmes, jugée trop bourgeoise par les socialistes et trop révolutionnaire par les bourgeoises, trop sérieuse (lisez : ennuyeuse) pour les Parisiens, trop parisienne pour la province". Les causes du changement de périodicité de La Fronde puis de sa disparition en 1905 semblent en réalité multiples : des difficultés financières sans doute, mais aussi la volonté de la part de Marguerite de passer à une autre étape, à une expérience journalistique différente. Mais on peut voir aussi, comme Irène Jami, des causes plus profondes à la disparition de La Fronde, disparition "révélatrice de l'effacement du féminisme républicain derrière le combat anticlérical des radicaux de 1900".

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9.- Banquet organisé au Château de Madrid, dans le Bois de Boulogne Par les collaboratrices de La Fronde, en honneur de leur directrice, le 20 juillet 1898, jour de la Sainte-Marguerite. Photographie, n & bl.

Du journal L’ACTION à la Première Guerre Mondiale. Les problèmes financiers, nous l'avons dit, ne sont pas la seule cause de la mise en sommeil de La Fronde: la preuve en est que Marguerite révélera plus tard avoir fourni une part importante du capital de L'Action: 100000 F sur 350000 F. Beaucoup d'hypothèses ont été formulées sur les sources de revenus de Marguerite et sur les financements de ses oeuvres, en particulier celle selon laquelle elle aurait eu des amants généreux. Marguerite ayant détruit ses archives sur cette question, il est assez difficile de se prononcer. Des agendas personnels, remis a la Bibliothèque en 1987 par Madame Marcelle Périvier, belle-fille de Marguerite, révèlent cependant qu'elle reçut des sommes importantes, notamment a partir de 1903, d'Alphonse et Gustave de Rothschild. Rien ne permet toutefois d'établir le degré d'intimité de leurs relations. Lorsque le baron Alphonse meurt, le 26 mai 1905, Marguerite écrit dans son agenda: "Perte déplorable pour moi de toutes façons. J'ai un violent chagrin car je perds un véritable ami, bon, généreux, à l'esprit si élevé, et qui avait en moi une absolue confiance".

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Marguerite dispose aussi de revenus plus "officiels", constitués par les recettes provenant du Cimetière Zoologique d'Asnières qu'elle a créé. Après la constitution en mai 1899 d'une société anonyme dont Marguerite est le fondé de pouvoirs, le cimetière ouvre en 1901. La Fronde fait paraître chaque jour une publicité pour l'entreprise ; amie des animaux et soucieuse de l'hygiène publique, Marguerite sait aussi tirer un profit assez substantiel du cimetière : "une affaire en or", écrit-elle à Harlor dans les années trente. Des célébrités y font enterrer leurs animaux, des chiens surtout, et font construire des pierres tombales où sont gravées des inscriptions émouvantes ou sentimentales, que l'on peut encore tire aujourd'hui ; après un long abandon et des menaces de destruction, ce cimetière a en effet été réouvert. Comme le prouvent les agendas de Marguerite, les sommes versées pour les concessions sont importantes. Voici donc Marguerite lancée dans une nouvelle aventure journalistique. Le premier numéro de L'Action parait le 1 er septembre 1903. Les associés de Marguerite, qui est présidente du Conseil d'administration et assume la direction de la partie féminine du journal, sont Henry Bérenger, futur sénateur et ministre, et Victor Charbonnel, prêtre défroqué. L'Action se déclare "quotidienne, anticléricale, socialiste". Le journal compte de nombreux collaborateurs, parmi lesquels Octave Mirbeau, Laurent Tailhade, Ferdinand Buisson, Aristide Briand, René Viviani, Sébastien Faure,... Certaines collaboratrices de La Fronde font partie des rédactrices de L'Action : Nelly Roussel, Harlor, Odette Laguerre, Andrée Téry, Hélène Sée. Cependant l'objectif principal du journal est la lutte contre l'Eglise, "maîtresse de servitude et institutrice d'ignorance (...) antique ennemie", et la part des articles féministes est assez restreinte ; les rédactrices se plaignent par ailleurs des coupes effectuées par Charbonnel dans leurs papiers. Très vite des difficultés financières apparaissent et des conflits surgissent entre Charbonnel d'une part et Marguerite et Bérenger de l'autre, à propos d'une dissension sur le monopole des agents de change. Les choses s'enveniment et Charbonnel accuse Marguerite d'avoir falsifié des documents du Conseil d'administration et d'être la maîtresse de Bérenger. Un procès a lieu, Bérenger et Marguerite sont condamnés à une amende et exclus du journal. Cette nouvelle expérience est donc une grande déception pour Marguerite ; c'est non seulement un échec personnel mais aussi un échec pour le féminisme ; "la cause féministe n'y a rien gagné", dira-t-elle bien des années plus tard. Mais il en faudrait davantage pour abattre son énergie. Elle continue de faire paraître La Fronde jusqu'en 1905, et y exprime des positions radicales. En juin 1904, elle se rend à Berlin pour un congrès international féministe, organisé par le Conseil international des Femmes. Elle n'est pas une déléguée officielle, mais est mandatée par le gouvernement de Combes pour établir un rapport sur le système d'éducation allemand. Elle se déclare déçue par ce congrès : il "n'a émis aucun voeu, n'a sanctionné aucune résolution ; tous les sujets y out été effleurés, aucun n'a été discuté a fond", écrit-elle dans La Fronde du 1er juillet 1904. Elle regrette que le congrès ait été "surtout (...) plus féminin que féministe et soucieux d'abord de rester dans cette modération stérile, chère aux bourgeoises timorées de tous pays" ; elle déplore aussi le rôle effacé tenu par la France, et s'en prend à la mauvaise préparation faite par le Conseil National des Femmes Françaises "qui, pour se disculper du reproche d'être surtout une fédération d'oeuvres philanthropiques, prétend faire du féminisme". Elle se réjouit cependant de l'adoption à la quasi-unanimité du principe de la co-éducation et du fait qu' "une grande quantité de jeunes filles appartenant à

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la classe bourgeoise, devant lesquelles on n'aurait osé, par stupide convention mondaine, effleurer certaines questions discutées ici publiquement, out suivi les séances avec assiduité". 1904 est aussi l'année de la célébration officielle du centenaire du Code Civil de Napoléon. Les féministes n'entendent pas laisser passer cette célébration sans manifester énergiquement leur opposition à ce Code qui depuis cent ans consacre l'infériorité des femmes devant la loi dans le mariage et la famille comme dans la société. Marguerite pour sa part organise le 29 octobre un grand meeting de protestation a la Salle des Sociétés Savantes, avec Nelly Roussel, Odette Laguerre, fondatrice de "L'éducation et Action féministes" de Lyon et Gabrielle Petit, fondatrice de la "Ligue féministe". Chacune prononce un discours, dont les textes sont reproduits dans La Fronde du 1er novembre : "11 n'est pas une femme qui ne doive maudire le Code, déclare Marguerite, car il n'est pas une femme : fiche ou pauvre, grande dame ou travailleuse qui, dans sa misère ou dans ses 10- L’Assiette au beurre, 31 décembre 1904. biens, dans sa personne, dans ses enfants, dans son travail ou son désoeuvrement, n'ait eu ou à souffrir, grâce au Code". Marguerite et les autres oratrices stigmatisent les articles les plus iniques de ce Code : les femmes ne peuvent être tuteurs ni membres d'un conseil de famille, au même titre que les mineurs, les repris de justice et les fous ; elles doivent obéissance à leur mari ; la recherche de la paternité leur est interdite ; la femme adultère est passible de prison, si toutefois son mari ne 1'a pas tuée, puisque 1'artide 324 l' "excuse" dans ce cas ! L'homme adultère, lui, n'est passible que d'une amende. La femme mariée ne peut former une demande en justice, ni donner, aliéner, hypothéquer, acquérir sans le concours de son mari ou son consentement écrit. Le père seul exerce son autorité sur les enfants pendant le mariage. Odette Laguerre note que "pas un homme de coeur n'oserait aujourd'hui exercer dans toute leur plénitude les droits que le Code lui confère". Ils ne sont donc plus "que des instruments de torture à l'usage des bourreaux". A l'issue du meeting, Marguerite demande aux assistants des félicitations pour Caroline Kauffmann, présidente de "La Solidarité des Femmes", qui a crié à la Sorbonne, après le discours du Garde des Sceaux : "A bas le Code Napoléon qui écrase les femmes et qui est une honte pour la République !" puis a lâché des ballons-slogan sur les convives du banquet de célébration. Après quoi elle a été arrêtée. D'autres femmes se rassemblent devant la Chambre des Députés et commencent à brûler quelques exemplaires du Code, mais sont dispersées par la police.

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L'acquittement de Caroline Kauffmann a l'issue de son procès le 15 décembre est ressenti comme une victoire du féminisme, mais la Commission qui est constituée pour la révision du Code ne comprend aucune femme, et ses rares réunions n'auront aucun effet. Le 1 er mars 1905, La Fronde cesse de paraître, et Marguerite interrompt pour un long moment sa carrière de journaliste féministe. Les notes de son agenda de cette année 1905 la montrent très occupée par des activités mondaines ; elle reçoit chaque jour et sort beaucoup ; du 1 er janvier au 9 février, elle est à Monte-carlo, où elle joue presque chaque soir au Casino. En mal, elle est à Wiesbaden... Mais bientôt, elle va lancer une nouvelle initiative en faveur du travail, pour lequel elle milite depuis longtemps. En 1906, le Gouvernement crée un ministère du Travail, qui est confié a René Viviani, ami très proche de Marguerite (et davantage, selon certains), anticlérical et féministe de la première heure. Grâce à son soutien et à ses nombreuses relations au Parlement, Marguerite espère obtenir la création d'un Office du Travail féminin qui, rattaché au Ministère du Travail, étudierait les conditions de travail des femmes. En janvier 1907, le projet est défendu par le Docteur Meslier devant les parlementaires, qui votent à 1'unanimité un crédit spécial pour 1908. En attendant, Marguerite, quelque peu méfiante et voulant faire connaître son projet, décide de fonder à ses frais 1'Office du Travail féminin. Pour lancer son projet, elle prépare un congrès, qui aura lieu du 25 au 28 mars 1907, au Grand Orient de France. Cette préparation est très méthodique et donne lieu a une enquête auprès des Bourses du Travail de tous les départements. Un questionnaire détaillé leur est envoyé ; il porte sur les conditions de travail des femmes, leurs salaires, les syndicats... Le voyage des déléguées sera payé par Marguerite lorsque le syndicat ne pourra couvrir les frais, car elle souhaite donner la parole à toutes les travailleuses, alors que le premier "Congrès du travail féminin", organisé par Pauline Savari en 1902 n'avait réuni qu'une soixantaine de personnes, issues surtout des milieux féministes. Notons d'ailleurs que les relations entre Marguerite et Pauline Savari, qui meurt en 1907, étaient très tendues ; il semble bien que Marguerite, considérant le syndicalisme féminin comme étant en quelque sorte sa "chasse gardée" n'ait pas apprécié l'intrusion de Pauline Savari... Le discours que Marguerite prononce pour ouvrir son congrès met l'accent sur une question qui lui tient à coeur : celle de la non réglementation du travail féminin, 'en faveur de laquelle elle obtient le vote des participants. Est également affirmé le principe "a travail égal salaire égal". De nombreux autres thèmes sont abordés au cours d'un ordre du jour chargé : la réglementation du travail a domicile, très mal payé, les moyens d'enrayer la concurrence faite au travail des femmes par les couvents, ouvroirs, prisons, orphelinats, l'application de la loi des sièges (votée en 1900 pour les employées des grands magasins) à tous les établissements industriels, l'évaluation du travail ménager, les maladies professionnelles, la propriété de son salaire pour la femme mariée, l'admission des femmes dans tous les syndicats masculins, l'éligibilité des femmes aux Conseils des Prud'hommes,... Marguerite réussit-elle par ce congrès à se faire reconnaître comme la porte-parole des travailleuses et opérer la jonction entre celles-ci et les féministes ? La réponse doit être mitigée : en dépit de la mobilisation d'une soixantaine de syndicats qui se sont déplacés, Marguerite continue de susciter une vive hostilité dans le milieu syndical masculin, depuis l'affaire Berger Levrault en 1902. "Ouvrières, méfiez-vous", écrit La Voix du Peuple, organe de la CG.T. "Une triste fumisterie(...) pour faire nommer Madame Marguerite

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Durand et préparer sa titularisation au Ministère du Travail". Les pouvoirs publics n'accorderont finalement pas le crédit prévu a l'Office, qui de ce fait ne pourra agir. Il faut préciser que Marguerite ne tente pas de faire appel au soutien du mouvement féministe pour son projet, dont elle voulait vraisemblablement garder personnellement le contrôle. Elle a cependant un motif de satisfaction quelques mois après le congrès, puisque le 13 juillet 1907 est votée la loi qui accorde à la femme mariée le droit de disposer de son salaire. L'année suivante, Marguerite va trouver l'occasion de développer de nouveau ces questions au cours du Congrès national pour les droits civils et le suffrage des femmes, qui a lieu du 26 au 28 juin 1908, à l'Hôtel des Sociétés Savantes. Organisatrice du congrès avec Jeanne Oddo-Deflou et Madame Vincent, elle en est la vice-présidente et dirige les débats sur le travail ; cette question constitue, avec celle du suffrage, la deuxième partie du congrès, la première étant consacrée aux droits civils. Elle y reprend en particulier les problèmes relatifs à la non réglementation, à l'égalité des salaires et a l'évaluation du travail dans la famille. L'objet du congrès est essentiellement de faire le point sur les réformes acquises et celles qui restent a obtenir. Tous les groupes, salir le Conseil National des Femmes Françaises, sont présents, et la revendication du droit de vote, reconnue comme prioritaire, fait l'unanimité des participants. Mais le féminisme ne suffit apparemment pas a remplir la vie de Marguerite, et vers la fin de cette année 1908, elle va de nouveau "reprendre du service" dans le journalisme, en créant un nouveau titre, Les Nouvelles, dont elle partage la direction avec Jacques Stern, ami de Joseph Caillaux, alors ministre des Finances. L'objectif principal du journal est financier et boursier. Il parait en plusieurs éditions et offre une mise en page novatrice dont plusieurs journaux s'inspireront. Mais des désaccords naîtront entre Jacques Stern et Marguerite, qui dira : "Je voudrais me débarrasser des Nouvelles et refaire La Fronde". Les adversaires du journal lui reprochent de refléter des idées progermanistes ; il est en effet favorable au rapprochement avec l'Allemagne jusqu'en 1914, date a laquelle il disparaîtra. Au moment des conflits avec Charbonnel a L'Action, Marguerite s'était déjà vu reprocher ses séjours dans ce pays et ses amitiés allemandes. En 1902, renouant avec la carrière de sa jeunesse, elle avait fait une tournée théâtrale à Cologne et a Berlin, où, profitant de l'occasion qui lui était offerte, elle avait donné une conférence a l'hôtel Bristol sur le féminisme en France ; elle avait également participé à un projet pour la création d'un théâtre français dans cette vine et rencontré Guillaume II. Elle le revoit en 1905, au cours d'un voyage à Wiesbaden, lors d'une soirée au théâtre : "Au premier entracte, l'Empereur me fait chercher. Il n'a jamais été si affectueux, si flatteur, si galant ! Si joli homme!", écrit-elle dans son agenda le 18 mai ; le lendemain, elle note : "Bouquet de roses de l'Empereur, regards significatifs de l'Impératrice !" Marguerite retourne plusieurs fois en Allemagne de 1906 à 1914, date a laquelle elle rencontre de nouveau Guillaume II, avec qui elle a de langues conversations. Elle y retrouve également son amie Evdyne Rasenthal, féministe et pacifiste. Marguerite va bientôt s'occuper d'une autre question sur laquelle elle était jusqu'alors restée assez réservée : celle du vote des femmes. Contrairement aux Etats-Unis et à l'Angleterre où le suffragisme réunit un grand nombre de féministes qui n'hésitent pas à organiser des manifestations spectaculaires et à user de la violence, le mouvement pour le

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droit des femmes reste en France longtemps divisé sur cette question, depuis le congrès de 1878, premier congrès international du droit des femmes, organisé par Léon Richer. Hubertine Auclert avait alors été la seule a revendiquer les droits politiques pour les femmes, et elle reste longtemps après l'unique défenseuse acharnée du vote des femmes. Malgré l'unanimité de principe exprimée sur la question aux congrès de 1900 et 1908, les féministes ne mettent pas en place une organisation pratique en vue d'une mobilisation générale. Comme nous l'avons dit, les Républicains conservent une défiance à l'égard du vote des femmes, qui risque selon eux de favoriser l'Eglise et la réaction, Marguerite, même si elle affirme que cet argument ne justifie pas l'exclusion des femmes du suffrage, trouve "naturel, politique et d'une sage prévoyance" (La Fronde, 1er octobre 1903) que les gardiens des institutions républicaines pensent différemment. Le 13 février 1881, elle crée le journal La Citoyenne qui paraîtra jusqu'au 16 novembre 1891, sous forme hebdomadaire, puis mensuelle et bi-mensuelle Journal féministe, La Citoyenne se consacre tour particulièrement à la revendication de tous les droits civils et politiques. En 1883, Hubertine Auclert ronde "Le Suffrage des femmes" ; en 1888 elle part en Algérie rejoindre son mari et confie la direction de son journal a Maria Martin. Veuve en 1892 elle revient à Paris et reprend son action. Partisan de toutes les méthodes pour faire aboutir ses convictions, elle participe à des journaux comme La Libre Parole de Drumont et au Radical, elle renverse une lime pendant les élections de 1908 et se présente aux élections de 1910. Elle meurt en 1914 ; de nombreuses féministes viennent prononcer un discours sur sa tombe pour rendre hommage à sa personne et à son action. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont L'argent de la femme (1904), Le nom de la femme (1905), Le vote des femmes (1908), Les femmes au gouvernail (1923). 11.-Hubertine Auclert (1848-1914) fut "convertie" au féminisme par la lettre de Victor Hugo adressée au Banquet pour le Droit des femmes de 1872. Militante aux côtés de Léon Richer et Maria Deraismes, favorables aux seuls droits civils, elle rompt bientôt avec leur stratégie et ronde en 1876 "Le Droit des femmes", premier groupe suffragiste français.

Les éditions Syros out édité en 1982 un ouvrage intitulé La Citoyenne, articles de 1881-1891, préface, notes et commentaires d'Edith Taieb.

Cependant en 1908, les campagnes s'intensifient ; en mai, les suffragettes troublent le déroulement des élections municipales: Madeleine Pelletier brise les vitres d'une salle de vote avec des cailloux ; ailleurs, en compagnie d'Hubertine Auclert et Caroline Kauffmann, elle renverse des urnes. La journaliste Jeanne Laloé se présente comme candidate dans le 9e arrondissement de Paris et intente un procès pour s'être vu refuser la comptabilisation des

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voix qu'elle a recueillies, Après les élections, les suffragettes envahissent la Chambre et lancent une pluie de tracts, provoquant une grande panique, Madeleine Pelletier fonde le journal La Suffragiste. En 1909, Jeanne Schmahl, fondatrice de "L'Avant-Courrière" en 1893, crée "L'Union Française pour le Suffrage des Femmes", qui connaîtra un grand développement grâce a l'action de Cécile Brunschvicg, responsable de la propagande. En 1910 l'UFSF compte 650 membres , elle en comptera 12000 en 1914 ; elle mobilise surtout en province et rejette "les théories des féministes avancées", En 1910, Hubertine Auclert, qui ne fait pas partie de l'UFSF, trop modérée pour elle, envoie une pétition au Parlement pour le suffrage des femmes ; cette pétition a recueilli 6000 signatures. Le 11 mars 1910, a lieu à Paris un grand meeting suffragiste qui réunit plus de 1200 personnes.

12.- L’Illustration, 2 avril 1910 Marguerite Durand pendant sa campagne électorale.

C'est dans ce contexte que Marguerite va lancer l'idée d'une action ambitieuse pour les élections législatives du 24 avril1910 : elle veut organiser des candidatures féminines dans

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tous les quartiers de Paris, afin de sensibiliser l'opinion publique au problème des droits politiques des femmes. Elle même se présente dans le 9e arrondissement. En dépit des difficultés, les dix-neuf autres candidates sont trouvées ; parmi elles Hubertine Auclert , qui se présente dans le 11e arrondissement, Madeleine Pelletier et Caroline Kauffmann, qui obtiennent le soutien de la SFlO dont elles sont membres, ce qui leur permet d'utiliser les salles publiques pour leur campagne. Faute d'argent pour louer des salles et payer des affiches, toutes les autres candidates devront abandonner. Marguerite est celle qui dispose des moyens les plus importants ; elle multiplie les réunions publiques, ou son talent oratoire est très apprécié. Surtout, elle a une idée originale, qui frappe le public et la presse : ayant été déclarée inéligible, n'étant qu'une citoyenne, et pas un citoyen, elle présente à sa place un candidat illetré, débile léger, ancien domestique de sa famille, Charles Marest ; elle l'emmène avec elle dans une réunion publique où il est évidemment incapable de parler ; elle veut par la faire la preuve de l'incohérence et de l'injustice de la 'loi, qui écarte les femmes, aussi intelligentes soient-elles, mais acceptent les "simples d'esprit". Certains, dont Hubertine Auclert elle-même, n'apprécient pas le procédé ; d'autres au contraire en sont impressionnées, comme Jane Nemo, dont l'événement provoque l'engagement dans le féminisme. Le programme électoral de Marguerite comporte deux volets : l'un pour les femmes, l'autre dans l'intérêt général. Il est très détaillé, allant du "régime de protection égal pour les travailleurs des deux sexes" à "l'interdiction de l'absinthe", en passant par toutes les revendications visant à l'égalité des droits. Elle propose aussi un "service humanitaire "obligatoire" pour toutes les femmes majeures, les mères de famille exceptées, tant que le service militaire sera "obligatoire" pour les hommes". Le programme qu'elle fait imprimer s'achève sur la proposition suivante : "Economie annuelle de 300 députés, soit de 4 5000 000 francs pour les contribuables, si les femmes continuent à n'être pas électeurs. 11 y aurait, en effet, 300 députés de moins, soit 4 500 000 francs de dépense en moins, si les femmes, non représentées au Parlement, n'étaient pas comptées, néanmoins, pour l'établissement des circonscriptions électorales". Malgré de maigres résultats - l'ensemble des candidates obtient environ 4% des voix les élections de 1910 marquent une étape importante dans l'histoire de la conquête du suffrage féminin. Elles ont attiré l'attention de la presse et du public, et mobilisé le mouvement féministe. En 1912 ont lieu des élections municipales, où les féministes renouvellent leur action, mais Marguerite ne rasera pas sa candidature ; les fonds lui manquent, dit-elle ; mais elle traverse aussi une période douloureuse dans sa vie privée : sa mère est morte en 1911, en 1912, son fils Jacques souffre de problèmes cardiaques qui nécessitent tous ses soins, et la même année meurt son ex-mari , Georges Laguerre. Ce deuil la touche beaucoup, et elle prend en charge la fille de Laguerre, 13.- Affiche du congrès de Budapest, 1913

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Georgette. En juin 1913, elle part assister au Congrès international pour le suffrage des femmes de Budapest, sans faire partie du comité d'organisation ; mais elle intervient dans les débats, encore une fois sur les questions relatives au travail féminin. Marguerite a depuis de nombreuses années eu l'occasion d'éprouver l'hostilité du monde ouvrier et syndical masculin envers ce travail féminin. L'affaire Couriau, qui éclate cette même année 1913, va une fois de plus l'illustrer. Emma Couriau, typographe à Lyon comme son mari, demande son admission a la Chambre syndicale régionale des typographes. Cette admission lui est refusée et du même coup son mari est exdu du syndicat, sous prétexte qu'un typographe ne doit pas autoriser sa femme a exercer une profession du livre. Le couple n'entend pas en rester la, et l'affaire prend des proportions nationales. Les féministes, toutes tendances confondues, se mobilisent et organisent un grand meeting de soutien aux Couriau a Paris, le 15 décembre, auquel Marguerite participe. Cette affaire permet de démontrer les capacités de mobilisation et d'union du mouvement féministe, qui peut ainsi espérer obtenir de nouvelles conquêtes. D'autres actions unitaires vont avoir lieu en 1914 : en avril, la Ligue nationale pour le vote des femmes lance l'initiative d'un vote blanc, qui est organisé par Le journal, et qui obtient un très grand succès ; plus de 500 000 femmes participent a l'opération et répondent positivement en glissant dans une urne ou en renvoyant par correspondance le buIletin "Je désire voter" imprimé par Le Journal. Marguerite se trouve a ce moment là au Danemark, où elle se livre a une étude sur les conditions de travail des femmes. Invitée a donner ses impressions sur le vote blanc, elle envoie au Journal un article qui est révélateur de l'évolution de ses positions sur le suffrage des femmes : "La question de savoir si l'admission des femmes à la vie politique, à l'administration publique serait profitable à la société n'est plus discutable. Dans tous les pays où la femme vote, dans ceux surtout où elle est éligible, l'instruction progresse, la criminalité décroît, l'alcoolisme disparaît, les oeuvres d'utilité sociale s'épanouissent, répandant la santé, le bien-être (...). Comment les Françaises voteront-elles? Ne vont-elles pas, selon la phrase classique, ramener le roi et le curé? Crainte vaine, à mon avis. Les Françaises, éclairées par le féminisme, out fait en ces dernières années de si rapides progrès dans la voie de l'émancipation intellectuelle, de la compréhension de la vie, de la conscience des responsabilités, de la science de toutes choses, que le danger d'un retour en arrière n'est plus a redouter". En mai 1914, Séverine mobilise la plupart des groupes féministes en vue de créer une "Entente fédérale pour le suffrage des femmes". Elle propose également d'organiser une grande manifestation en l'honneur de Condorcet, grand défenseur des droits des femmes pendant la Révolution française. Le projet est adopté avec enthousiasme et l'on choisit la date du dimanche 5 juillet. La journée commence par un grand meeting a l'Orangerie des Tuileries, où quatre oratrices se succèdent : Pauline Rebour, secrétaire de l"'Union pour le suffrage", Maria Vérone, Marguerite et Séverine. Marguerite, dont le discours est reproduit le lendemain dans Les Nouvelles, parle au nom de deux groupes, "Le Suffrage des femmes", dont la fondatrice, Hubertine Audert, vient de mourir, et la "Ligue nationale pour le vote des femmes", récemment fondée par Madame Ducret-Metsu et responsable de l'initiative du vote blanc d'avril. Le meeting est suivi de la marche d'un grand cortège vers la statue de Condorcet, quai Conti. Marguerite et Séverine marchent en tète, un bouquet de

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fleurs a la main, pour le déposer au pied de la statue. Le soir, un banquet de 450 personnes est offert a la presse et aux parlementaires dévoués a la cause féministe.

14.- Manifestation en l'honneur de Condorcet, organisée par Séverine le 5 juillet 1914. On voit ici le cortège se dirigeant vers la statue de Condorcet, quai Conti. Au premier rang, de gauche a droite : Marguerite Durand, Caroline Kauffmann, Séverine, Madame de WittSchlumberger, présidente de l'Union franc;aise pour le suffrage des femmes, et Lydie Martial, présidente de la Société pour l'amélioration du sort de la femme et la revendication de ses droits. Au 2e rang, entre Marguerite Durand et Caroline Kauffmann, Gabrielle Chapuis, présidente du "Suffrage des femmes" depuis la mort récente d'Hubertine Auclert..

La manifestation a réuni 6000 personnes, selon les organisatrices, 2000 seulement selon la Préfecture de Police. C'est en tour cas la première fois que le féminisme prend possession de la rue parisienne, et c'est un immense succès pour le mouvement, dont l'unité n'a jamais été si forte. Au milieu de cette "euphorie", Marguerite, pleine d'espoir dans l'avenir qui semble s'ouvrir, décide de relancer La Fronde, disparue depuis 1905. L'entreprise sera hélas de courte durée ; après la parution de quatre numéros en juillet, la guerre est déclarée le 3 août, anéantissant tous les plans. La Fronde paraîtra encore chaque jour, du 17 août au 3 septembre, "non pour réclamer pour les femmes des droits politiques, mais pour aider les

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femmes a accomplir leurs devoirs sociaux". Le journal tient ses lecteurs au courant des événements ; en plus des informations et des communiqués officiels concernant la guerre, les femmes y trouvent aussi "les renseignements, les indications qui leur sont particulièrement nécessaires pour la défense des intérêts dont elles out la charge. La Fronde servira aussi de bulletin pour les oeuvres d'assistance et de secours dont elle insérera gratuitement les communiqués et elle s'emploiera a ouvrir au travail féminin de nouveaux débouchés". Le féminisme est pacifiste, déclare Marguerite, mais en temps de guerre, "il faut nous montrer, en accomplissant loyalement les devoirs que réclame de nous la Société, dignes des droits que nous lui demandons". La plupart des féministes vont participer à "l'effort de guerre", en organisant des ouvroirs, comme Maria Vérone, en soignant les blessés... En 1915, la Chambre vote une résolution pour remplacer les travailleurs mobilisés par des femmes. Celles-ci sont bien moins payées que les hommes, ce qui provoque la mobilisation des féministes. A la fin de l'année 1915, Camille Boisvillers ronde la Ligue nationale contre l'exploitation du travail féminin, à laquelle participent Gabrielle Duchêne et Marguerite. Elle participe également, en avri11915, à la création d'un club féminin automobile, présidépar Madame Pollier, aviatrice ; ce club est destiné a transporter les blessés et les convalescents ; mais bientôt Marguerite se fâche avec Madame Pollier. Elle continue à avoir des contacts avec divers groupes féministes et a leur apporter son soutien, mais elle ne prend pas véritablement parti aux côtés des féministes pacifistes qui militent activement et prennent des risques personnels, comme Gabrielle Duchene, qui perd son poste au sein du Conseil national des femmes françaises, et surtout Hélène Brion, institutrice socialiste, auteur d'une volumineuse Encyclopédie féministe. Ayant distribué des tracts pacifistes aux soldats, elle est arrêtée et condamnée à trois ans de prison par le tribunal militaire et est révoquée de son poste. Marguerite rend hommage a son courage et ases convictions, mais ne prend pour sa part aucune initiative dans l'engagement pacifiste. Les agendas des années 1914 et 1917 qui se trouvent à la bibliothèque comportent de nombreuses notes, où Marguerite relate ses conversations avec des personnalités politiques et commente la situation internationale ; ces textes révèlent un esprit acéré et critique qu'a développé sa longue pratique des milieux politiques et journalistiques. Comme toutes les féministes, Marguerite espère qu'une fois la guerre finie, les femmes obtiendront enfin la reconnaissance de leurs droits. Il leur semble impossible que les femmes, qui donnent la preuve éclatante de leurs capacités et sont promues au premier plan. pour les services économiques qu'elles rendent pendant que les hommes sont au front, soient renvoyées à leur cuisine et aux soins du ménage après les hostilités.

De l'armistice a l'Office de documentation féministe. Pourtant les espérances des féministes vont rapidement être déçues. Dès le 13 novembre 1918, les travailleuses des usines d'armement sont énergiquement invitées à regagner leurs foyers. Dans la fonction publique et dans beaucoup d'entreprises, on les incite vivement à laisser leur place aux hommes démobilisés. Mais que va-t-il advenir de leurs droits politiques ? Le 25 mai 1919, la Chambre prend la décision de leur accorder le droit de vote; en vain, car le Sénat oppose son veto à la loi. Enfin en 1920 une loi vient réprimer sévèrement la "provocation a l'avortement et a la propagande anticonceptionnelle". L'heure

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est au repeuplement de la France, et les femmes sont appelées à accomplir "le devoir de la maternité". Sans s'engager aussi activement que Jeanne Humbert ou Nelly Roussel, militantes de la première heure des mouvements néomalthusiens, Marguerite prend la plume pour les défendre ; elle dénonce la propagande nataliste et l'absurdité des lois qui n'imposent que des devoirs aux femmes sans leur accorder de droits : "Les femmes, écrit-elle, feront des enfants quand elles auront le droit de vote, c'est-à-dire quand elles pourrant, comme les hommes, décider de la paix et de la guerre". Au lieu de lois répressives, elle réclame des mesures sociales pour la protection de l'enfance et l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes mères de famille.

15.- Femme employée dans une usine de matériel de guerre en 1914-1918 Carte postale ancienne.

En 1920, Marguerite a 56 ans ; elle est considérée comme la "grande clame" du féminisme français. Durant les années vingt, elle devient présidente honoraire de nombreuses organisations féministes, elle multiplie les discours et les conférences, en s'engageant de plus en plus en faveur du droit de vote. En 1921, elle donne des cours a l'école de filles de la rue des Vinaigriers, dans le 20e arrondissement. Elle y parle de l'inégalité des sexes et de ses origines historiques, des lois, en particulier celles qui sont relatives aux femmes, des caisses d'épargne, des écrivains féministes, etc. En 1922, Marguerite organise une exposition des femmes célèbres du 19e siècle, toutes françaises et décédées. Le choix est très éclectique, puisque l'exposition réunit des femmes aux personnalités et aux activités aussi diverses que la Comtesse de Ségur, Bernadette Soubirous, Flora Tristan et Louise Michel, et d'autres femmes de lettres et de science, des femmes politiques, des souveraines, des artistes... Les objets et les documents exposés appartiennent pour certains a Marguerite, mais beaucoup ont été prêtées par des musées ou des particuliers auxquels elle a fait appel ; la vie et les ouvres de ces femmes célèbres sont

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évoquées par des portraits, des autographes, des "souvenirs" divers ; des "conférences documentées" sont également présentées. L'exposition a lieu 47 rue Vivienne, dans un local que Marguerite a loué depuis quelques mois. Dans une lettre datée du 24 février 1922, le sculpteur Henri Godet relate" [sa] visite à La Fronde ou tout au moins aux locaux de ce que Marguerite appelle La Fronde et qui n'est encore qu'un rêve (...). Marguerite Durand a loué un immense local rue Vivienne, 47 : grande boutique sur la rue, bel escalier dans la boutique conduisant à une grande salle de réunion au premier, petite salle dans le fond, sur les cotés enfin de quoi faire un joli restaurant avec cabinet particulière (...). Marguerite me confia qu'elle allait installer une librairie plus ou moins féministe et sûrement féminine dans la boutique et au premier un salon de thé. n s'agit de gagner de l'argent pour payer le loyer, en attendant qu'on en trouve pour payer le journal qui semble encore dans le pays des jolis songes (…)'. Cependant le but explicite de l'Exposition des femmes célèbres est de recueillir des recettes destinées à la création d'une "Maison des ouvres et institutions féminines" qui "comprendra : une bibliothèque, des archives, des salles de réunion, un important service de documentation et des renseignements sur les ouvres sociales intéressant spécialement les femmes, une Bourse du Travail féminin. Ce sera en quelque sorte le Quartier Général du Féminisme. Les groupements féministes et les oeuvres féminines pourront y avoir des bureaux indépendants, tout en bénéficiant des avantages d'une organisation commune". Dans une autre lettre, Marguerite insiste sur la nécessité d'un tel lieu non seulement pour archiver "les documents concernant les sociétés féministes hospitalisés chez les présidentes ou secrétaires de ces sociétés, c'est-à-dire exposés à être dispersés ou perdus" mais aussi pour doler le féminisme d’une représentativité aux yeux des pouvoirs publics : "l'existence d'un centre féministe à l'exemple de celui qui vient d'être récemment créé en Amérique sera d'une utilité considérable au moment ou il nous faudra faire pression sur le Sénat et campagne dans le pays pour le suffrage féminin" . Ce projet, dont l'ambition révèle toute la volonté et la personnalité de Marguerite, n'aboutira finalement pas. En revanche elle va réussir a ressusciter La Fronde, vite disparue lors de sa première tentative en 1914. Le journal reparaît en effet de mai 1926 à juillet 1928. Mais La Fronde "nouvelle version" diffère sensiblement de celle des débuts, en particulier par le fait que l'équipe de rédaction est mixte. Si Marguerite continue d'y défendre des points de vue féministes, le journal est en fait davantage un instrument de propagande pour le Parti Républicain Socialiste. Marguerite est en effet depuis peu membre de ce parti, et occupe des responsabilités au Bureau de la Fédération de la Seine. Dans le premier numéro de son journal - que Laurence Klejman et Florence Rochefort, dans leur livre L'Egalité en marche: le féminisme sous la Troisième République, considèrent comme "un monument de compromission politique et de mauvaise foi" Marguerite déclare : "La question du vote des femmes ne se pose plus en France, l'opinion publique lui étant acquise (…). Le temps du prosélytisme nous semble donc passé. C'est de la politique que nous devons faire". Un mois plus tard, elle prône l'entrée des femmes dans les partis politiques ; elles doivent ensuite saisir "toutes les occasions d'y défendre la cause des femmes". Cette position ne fait pas l'unanimité chez les féministes, en particulier à la Ligue française pour le droit des femmes, où Maria Vérone milite pour "le féminisme au-dessus des partis". Marguerite quant à elle va renouveler l'expérience qu'elle avait tentée en 1910 et se présente comme candidate dans le 18e arrondissement, aux Grandes Carrières, lors des élections municipales de 1927. En fait, elle ne pose sa candidature que quatre jours avant

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les élections. 'Tout le monde a bien compris, écrit-elle dans La Fronde, que le fait de poser ma candidature (...) quatre jours seulement avant cette élection ne pouvait être qu'une manifestation : et cela en était une, en effet. Il s'agissait de prouver que les partis de violence et de réaction ne sont pas seuls à se préoccuper de la condition des femmes au point de vue des droits électoraux et que notamment le Parti Républicain Socialiste et Socialiste Français, composé de Républicains éprouvés ne craignait pas d'afficher un féminisme de bon aloi et de charger une femme de défendre son programme devant les électeurs (. ..)". Ce programme réclame la réduction des dépenses militaires, un service national d'un an pour les hommes et pour les femmes, un système scolaire laïque et mixte, la journée de travail de huit heures, des logements décents et bon marché pour les ouvriers, et le vote des femmes... aux élections municipales seulement. Il semble difficile d'admettre que Marguerite ait pu défendre cette revendication réductrice avec conviction ; elle dut vraissemblablement accepter ce compromis avec le parti, qui n'était pas prêt a accorder les droits politiques complets aux femmes. Sa candidature est de toute façon déclarée irrecevable ; elle retire son nom et appelle a voter pour le candidat socialiste, Georges Thomas. Plus que cette expérience politique, le plus grand succès personnel de Marguerite durant cette période est sans doute son admission à la Maison des Journalistes. Bien que rien dans les statuts de cette organisation n'en interdise l'accès aux femmes journalistes, ses portes leur restent fermées. Marguerite, qui avait déjà demandé son admission en 1925, se l'était vu refuser, avec des arguments "a la fois puérils et... regrettables (...). Ces messieurs veulent, paraît-il, pouvoir librement prononcer entre eux certains mots qu'ils seraient gênés de prononcer en présence de femmes !" Soutenue par le Syndicat de la Presse Parisienne, Marguerite est enfin admise a la Maison des Journalistes en juillet 1927, avec Séverine. Cette admission est pour les deux "vieilles" journalistes une reconnaissance de leur expérience et de leur talent personnels, mais c'est aussi, espèrent-elles, l'ouverture de la vote pour leurs cadettes. Séverine, amie de longue date de Marguerite, est installée à Pierrefonds, dans l'Oise ; elle a baptisé sa maison "Les Trois Marches" en souvenir de l'auberge de Rennes, au temps du procès de Dreyfus. Marguerite s'installe non loin de son amie, tour en conservant un appartement à Paris. En avril 1929, Séverine meurt. Elle est pleurée de tous et deux mille personnes assistent à son enterrement. Marguerite ronde une Société des Amis de Séverine et quelque temps plus tard rachète "Les Trois Marches". Elle la rénove et l'aménage pour en faire la Résidence d'été des femmes journalistes, qui est inaugurée en 1932. De juin à octobre, la Maison accueille celles qui veulent travailler dans le calme ou se reposer. Marguerite est l'hôtesse de ces femmes, dont beaucoup sont de vieilles amies du temps de La Fronde; elles sont heureuses de se retrouver dans ce lieu, dont elles apprécient le confort et l'ambiance chaleureuse. Marguerite va partager ses dernières années entre Pierrefonds, où elle est nommée déléguée cantonale et où elle rencontre l'ex-impératrice Eugénie, sa voisine, et Paris. C'est à Paris qu'elle va réaliser son dernier projet, un projet qu'elle nourrit en fait depuis longtemps : fonder et ouvrir au public une bibliothèque ou seraient réunies toutes les collections qu'elle a assemblées depuis de longues années. Depuis les débuts de La Fronde, elle avait recueilli une abondante documentation sur les

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femmes et le féminisme et doté l'hôtel de la rue Saint-Georges d'une bibliothèque. Les rédactrices du journal et le public pouvaient y trouver des ouvrages scientifiques, historiques, et économiques sur la condition des femmes ainsi que la production littéraire féminine. De l'époque de La Fronde date aussi un travail considérable de constitution de dossiers et de fiches qui, avec les collections, constitueront le "noyau" de la bibliothèque. Marguerite était aussi, par goût personnel et par tradition familiale, une bibliophile. Née et élevée dans une famille cultivée, elle avait hérité d'une fiche bibliothèque, dont ellemême augmenta les collections tour au long de sa vie. Elle ne voulait donc à aucun prix voir tour cela dispersé après sa mort. D'autant plus qu'elle avait été le témoin de ce qu'était devenue la bibliothèque d'Eliska Vincent et de sa soeur Florestine Mauriceau, fondatrices du groupe "L'Egalité" et représentantes du "féminisme historique". Les collections qu'elles avaient réunies ouvrages, recueils de coupures de presse, revues, etc étaient accessibles dans leur maison d'Asnières, une fois par semaine. Madame Vincent meurt en 1914, trois ans après sa soeur ; elles avaient décidé de léguer leurs collections au Musée Social, qui refuse le don. Marguerite et Maria Vérone, leurs exécutrices testamentaires ne purent sauver ces collections, qui furent dispersées et dont on ne retrouva pas la trace. Marguerite, préférant ne se fier qu'a elle-même et n'ayant pu réaliser son projet d'une Maison des Ouvres et Institutions féminines, décide de consentir de son vivant au don de ses collections. Elle trouve en son ami Edouard Renard, alors préfet de la Seine, l'auditeur le plus attentif. Il cherche un lieu bien situé pour abriter la future bibliothèque ; il est d'abord question de l'Hôtel de Sens, dans le Marais, mais il met finalement à sa disposition une belle salle de quarante mètres de long dans la mairie du 5e arrondissement, alors en réaménagement. Après d'assez longues tractations administratives, le Conseil Municipal accepte la donation dans sa séance du 31 décembre 1931. La bibliothèque portera le nom de sa fondatrice ; elle en sera sa vie durant la bibliothécaire bénévole et la directrice ; la Ville de Paris assurera les frais d'entretien, d'éclairage, de chauffage et la rétribution d'une bibliothécaire adjointe ; un crédit annuel de 8000 F est prévu pour la reliure, les abonnements aux périodiques et l'enrichissement des collections. Le bulletin municipal officiel du 17 janvier 1932 donne un état descriptif du contenu des collections, sur lequel nous reviendrons. Le 19 janvier 1932, Marguerite déclare dans L'Intransigeant : "Ceux qui nient la production intellectuelle de la femme ou la valeur de son activité, salir depuis ces dernières années trouveront là les preuves de leur erreur. En consultant des ouvrages qui n'ont pas été faits pour les besoins de la cause, ils seront bien obligés d'admettre que la femme n'avait pas attendu la guerre pour prouver, le cas échéant, qu'elle possédait quelques qualités que les antiféministes se refusent a lui reconnaître". Elle veut aussi faire de sa bibliothèque "un centre de documentation féministe de premier ordre, dit-elle dans Le Quotidien du 23 janvier 1932. On ne sait rien de l'admirable activité des femmes, et même les féministes ignorent les trois-quarts de ce qu'ont fait, dans tous les ordres de préoccupations humaines, leurs aïeules, leurs mères... ou leurs contemporaines. Nous aurons ici non, certes, tour ce qui a été écrit par, sur, pour ou contre les femmes, mais toutes les indications propres a faciliter la recherche de ces documents dans les autres

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bibliothèques, dans les musées, dans les collections particulières". Marguerite se montre la très perspicace et très "moderne" dans sa conception de l'histoire des femmes et du rôle d'une bibliothèque spécialisée : l'oblitération de la mémoire des femmes vient aussi de la dissémination des sources et de l'occultation de leurs oeuvres, dispersé es ou "englouties" dans des fonds généraux. Aussi sa bibliothèque sera-t-elle non seulement un lieu ou seront réunis et facilement accessibles tous les éléments nécessaires a l'étude de cette histoire, mais aussi un centre d'orientation vers d'autres sources ou ces éléments existent, mais sont en quelque sorte enfouis dans la masse d'une documentation encyclopédique ; la spécificité "femme" n'y est que très rarement retenue comme critère d'analyse ou d'indexation et la recherche y est de ce fait souvent difficile. Marguerite partage son temps entre Pierrefonds et la bibliothèque ou, en compagnie d'Harlor, qui a été nommée bibliothécaire, elle range, trie, classe et organise ; elle s'attache aussi à enrichir les collections, en s'adressant à ses contemporaines auteurs d'oeuvres de fiction ou d'études sur les femmes, afin qu'elles fassent don a la bibliothèque de leurs livres ou de leurs manuscrits. Cependant Marguerite vieillit, elle éprouve une fatigue ou des ennuis de santé qui l'obligent à s'aliter parfois ; elle ne renonce pourtant pas à ses activités, car elle est soucieuse pour l'avenir ; elle confie ses préoccupations à Harlor dans une lettre datée du 13 mai 1935 : "(...) Je n'ai, croyez-le bien, nulle envie de partir pour le pays des ombres. La vie est pleine d'intérêt et vaut d'être vécue le plus longtemps possible. Mais chacun a son caractère. Le mien me porte à aimer l'ordre, à mener à bien les choses entreprises, à ne pas laisser inachevées les besognes commencées. "Or, par une fatalité à laquelle je ne peux rien, je ne puis plus compter sur personne pour continuer à achever ou simplement faire vivre ce que je laisserai après moi. "La mort m'a pris, les uns après les autres, ceux auxquels j'avais confié ce soin. "Le cimetière des chiens, une affaire d'or, sera bazardé à vil prix et peut être détruit. Mon oeuvre de Pierrefonds ??? Quant à ma Bibliothèque, mieux que personne vous savez la situation. "La votre n'y est que précaire. Tant que je vivrai votre "mission" sera maintenue, mais après moi ? "Le préfet actuel est pour moi plein de bienveillance mais il n'a pas les mêmes raisons "affectueuses" que son prédécesseur avait de perpétuer un peu mon souvenir. "De tour cela il faut, chère amie, que nous parlions sérieusement. Il nous faut trouver des remplaçantes... une, tout au moins, qui prendrait, avec vous, des engagements et nous mettrait à l'abri des "fusions" et des compétitions masculines auxquelles lors de mon départ pour l'autre monde il faudra s'attendre. "Pensez à cela et causons en. Nous voici avec un Conseil Municipal nouveau. J'y ai des amis, des relations qu'il ne faut pas négliger. Il me tarde, et nous devons pour cela donner un coup de collier, que la bibliothèque soit vire en ordre, que le préfet vienne la visiter, l'inaugurer et que nos conseillers, ceux surtout du 5e que je connais tous, prennent l'habitude de nous demander le plus possible des renseignements. Il faut que l'on sache bien que cette bibliothèque est d'un genre spécial et qu'il ne servirait de rien de placer un bibliothécaire incapable de fournir la documentation qui est notre raison d'être et bornerait son rôle a ranger sur des rayons et sur des fiches, par ordre alphabétique, des ouvrages et des noms d'auteurs. "Encore une fois pensez a tour cela (...)". Cette longue lettre, que nous avons reproduite presque intégralement, est révélatrice de la

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lucidité de Marguerite ; l'avenir justifiera hélas la plupart des inquiétudes qu'elle exprime ici. Jusqu'a son dernier souffle, Marguerite va consacrer ses forces déclinantes a sa bibliothèque. C'est la qu'elle meurt, le 16 mars 1936, âgée de 72 ans, frappée d'une attaque cardiaque a laquelle elle succombe presque instantanément. Ses amis devront ouvrir une souscription pour lui donner une pierre tombale, au cimetière des Batignolles. Dans les jours qui suivent sa mort, de très nombreux journaux français et étrangers rendent hommage à sa personne et à son oeuvre, dont la bibliothèque qui porte son nom pérennise la mémoire depuis aujourd'hui soixante ans. La vie de Marguerite Durand est riche d'expériences diverses et d'entreprises nombreuses, auxquelles elle se voua avec une énergie infatigable. Jeune comédienne talentueuse, puis grande journaliste, elle fut mêlée parfois de très près aux grandes affaires politiques de la fin du 19 e siècle. Les deux oeuvres auxquelles son nom reste particulièrement attaché, La Fronde et la bibliothèque qu'elle a créée, apportèrent une contribution sans précédent a la diffusion et au rayonnement du féminisme. Dotée d'une forte personnalité, intelligente, volontaire, belle, élégante et aimant les plaisirs, elle mena une vie libre, dégagée des préjugés puritains de son temps ; cette liberté, ainsi que son ambition et la conscience qu'elle avait de sa valeur, ne lui valurent pas que des amis. Certains lui reprochèrent l'éclat de son train de vie, soutenu par des revenus dont les sources demeurent en partie assez mystérieuses ; mais elle fut aussi généreuse et mit toujours les moyens dont elle disposait au service de la cause des femmes, en créant des entreprises destinées à la promouvoir. Jouissant d'une grande célébrité de son vivant, Marguerite Durand est aujourd'hui un peu oubliée, comme beaucoup de ses contemporaines ; son nom et le rôle qu'elle a joué méritent de figurer parmi les figures essentielles du féminisme d'hier, qui a mené des luttes dont on peut imaginer la difficulté. Le féminisme contemporain redécouvre depuis quelques années ces grandes "ancêtres", ces pionnières qui ouvrirent la voie d'une vie nouvelle pour les femmes. 16.- Extrait d’ une lettre de Marguerite Durand à Harlor, datée du 13 mai 1935. Elle y expose les soucis qu’elle se fait sur l’avenir des ses œuvres lorsqu’elle aura disparu.

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17.- Marguerite Durand et sa lionne 'Tigre", que lui avait offerte un ami, M. Merlaud-Ponty, gouverneur de l'Afrique occidentale. La presse se saisit de cette curiosité ; Daniel Thouroude de Losques dessina pour Fantasío, le l er avri119l0, une caricature où l'on voit Marguerite collant ses affiches électorales en se servant de la queue de la lionne, qui porte le pot de colle dans sa gueule.

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Les Collections de la Bibliothèque Marguerite Durand Comme nous l'avons signalé plus haut, le Bulletin Municipal Officiel daté du dimanche 17 janvier 1932 qui notifie l'acceptation de la donation faite par Marguerite Durand de sa bibliothèque a la Ville de Paris, donne un état descriptif des collections. Celles ci sont désignées comme un ensemble de documents manuscrits et imprimés "se rapportant à l'activité intellectuelle de la femme et à sa situation légale, politique et sociale, depuis les temps les plus reculés jusqu'a nos jours". La bibliothèque comprend environ 10 000 volumes et plusieurs milliers de brochures. Nous reproduisons ici l'intégralité de cet état descriptif qui donne une idée précise des collections d'origine de la bibliothèque : . "Ensemble important d'ouvrages, documents, portraits, autographes, concernant la condition des femmes a travers les ages. Collections de décrets, lois, règlements spéciaux aux femmes. Collections de journaux et d'affiches féministes, de fiches concernant bibliothèques et musées, etc. Ouvrages traitant de la condition légale ou sociale des femmes, 3000 volumes. Ouvrages de théories féministes ou antiféministes anciens et modernes, 2000 volumes (égale quantité de brochures sur ces mêmes sujets). Les femmes dans tous les domaines de l'activité sociale: femmes scientifiques, politiques, artistes, littéraires, professeurs, avocats, médecins, dentistes, fonctionnaires, etc., environ 2000 volumes. Collection (rare) de thèses de doctoral soutenues par des femmes ou traitant de questions concernant spécialement les femmes, 300 volumes. Nombreuses biographies de femmes célèbres, 50 volumes. Ouvres poétiques et littéraires d'auteurs féminins, 6000 volumes. Ouvres à thèses féministes, environ 300 volumes. Mémoires historiques, souvenirs écrits par des femmes ou concernant certaines femmes, environ 500 volumes. Histoire et actes des reines et régentes, congrès des ouvres et institutions féminines, du droit des femmes, du suffrage féminin, d'éducation, d'enseignement, etc., 20 volumes. Ordres religieux de femmes: enseignants, charitables, missionnaires, contemplatifs, leurs fondatrices, les grandes abbesses, etc, 200 volumes. Ouvres et associations charitables ; syndicats féminins, publications du ministère du Travail, lois et décrets sur le travail féminin, 500 volumes. Sociétés féministes anciennes et actuelles : historiques, fondatrices, activité, bulletins, publications, réunions (documentation tenue à jour), volumes et brochures, portraits, autographes anciens et modernes, fiches des principales bibliothèques contenant des documents sur la question féministe et les féministes. Histoire de Paris : prisons, couvents, hôtels célèbres, plan Turgot (relié). Ouvrages d'intérêt général': dictionnaires historiques, français et étrangers, révolutions de Paris (édition ancienne), etc., dossiers d'articles de presse, dossiers sur des personnalités féminines importantes. Collection de journaux féministes anciens et modernes, tracts, affiches, bulletins, etc. Documentation sur les carrières accessibles aux femmes depuis la seconde moitié du dixneuvième siècle : femmes médecins, avocates, pharmaciennes, dentistes, chartistes,

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ingénieurs, etc. Femmes prix de Rome ; conquêtes féministes: historique, résultats. Créations nouvelles : surintendantes d'usine, service social, infirmières scolaires, etc (en volumes reliés ou brochés et en brochures, quantité importante non évaluée)". La bibliothèque a donc une vocation encyclopédique sur tour ce qui concerne les femmes ; nous verrons qu'aujourd'hui encore la politique d'acquisitions s'efforce de rester fidèle a cette vocation de la donation initiale.

18.- La bibliothèque autrefois, dans la marie du 5e arrondissement. Photographie, n &bl. s.d.

Après la mort de Marguerite, c'est Harlor qui assume la direction de la bibliothèque jusque dans les années de l'après-guerre. Harlor, de son vrai nom Jeanne Perrot, est née en 1871 ; elle est la fille d'Amélie Hammer (1851-1943) ; celle-ci fut la secrétaire générale puis la vice-présidente de la Ligue française pour le droit des femmes ; elle participa a tous les congrès féministes, et devient en 1910 présidente de "L'Union Fraternelle des Femmes", et membre de "L'Union pour le suffrage des femmes" ; Harlor va rapidement suivre les pas de sa mère ; des 1892, elle est membre du Comité de la LFDF. Elle participe a La Fronde et est trésorière du Congrès des Droits de 1900 ; elle est aussi membre de "L'Union Fraternelle des Femmes". Elle est l'amie de Léopold Lacour (1854-1939), professeur d'histoire, conférencier et essayiste féministe, auteur en 1897 de L'Humanisme intégral. Harlor est l'auteur de nombreux romans ; l'un d'entre eux, intitulé Tu es femme met en scène un personnage de directrice d'un centre féministe et d'un journal, directement inspiré de Marguerite. Harlor, qui fut en 1930 la première lauréate du prix George Sand, meurt en 1970, presque centenaire. . Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la bibliothèque est fermée de 1940 à 1942 ; la Mairie du 5e arrondissement est occupée par les Allemands, et certains ouvrages sont perdus ou détruits, en particulier ceux qui ont trait au communisme et à la francmaçonnerie, ainsi que des ouvrages en anglais. Nous savons peu de choses sur la période qui va de l'après-guerre a l'année 1964. La bibliothèque est ouverte quelques heures par semaine et les registres témoignent de l'entrée de livres, essentiellement par dons. Mais le personnel est on ne peut plus restreint et " sans

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qualification, les crédits sont inexistants. L'année 1964 marque une seconde naissance de la bibliothèque, avec la nomination de Madame Yolande Léautey, qui y travaillera pendant dix-huit ans, dont une quinzaine d'années seule. Elle doit faire face a un énorme travail de réorganisation et de classement, en particulier pour les dossiers, très riches, mais dans le plus grand désordre. Elle a beaucoup de difficultés à obtenir des crédits, qui seraient pourtant nécessaires pour recruter du personnel, faire relier et entretenir les collections, en bien mauvais état. Ce n'est qu'en 1983 que la situation va connaître une nette amélioration : une conservatrice est nommée, Madame Simone Blanc, puis des bibliothécaires-adjointes. Les budgets augmentent pour les achats de documents, "la reliure et le microfilmage. Le retard accumulé pendant de nombreuses années reste cependant très long a rattraper, d'autant que la fréquentation de la bibliothèque augmente et que les dons d'archives, dont le traitement exige un long travail, se multiplient. Les collections, le public et le personnel sont de plus en plus à l'étroit dans l'unique salle qui les abrite, au dernier étage de la Mairie du 5e arrondissement. Dès son arrivée, Madame Blanc établit un rapport à l'administration, où elle demande le déménagement de la bibliothèque, devenue trop exiguë. En septembre 1985, le Bureau des Bibliothèques projette d'installer la bibliothèque Marguerite Durand dans les locaux de la future Médiathèque du quartier Tolbiac, dans l3e arrondissement. Ce projet est adopté en février 1986. Le déménagement a lieu au début du second trimestre de l'année 1989, et la bibliothèque est ouverte au public le 11 juillet. Elle occupe le 3e étage, en mezzanine, d'un bâtiment situé au 79 de la rue Nationale, et dont les autres niveaux abritent la Médiathèque Jean-Pierre Melville. Les collections sont rangées dans un vaste magasin, en sous-sol ; un poste de magasinier est créé afin d'effectuer la communication des documents aux lecteurs. En dépit de quelques nostalgiques qui regrettent de ne plus retrouver le charme un peu désuet et l'aspect de petit musée de l'ancien local, la plupart des lecteurs apprécient les avantages de la "nouvelle" bibliothèque : espace, lumière et conditions de travail agréables.

19.- La bibliothèque aujourd’hui dans le 13e arrondissement

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Les Livres et les Brochures Estimées en 1932 a 10000 volumes et plusieurs milliers de brochures, les collections n'ont cessé de s'enrichir, malgré des années difficiles, et comptent aujourd'hui quelque 25 000 livres et brochures. En 1991, nous avons constitué une "Réserve" qui regroupe les ouvrages les plus anciens et les plus précieux de la bibliothèque. Trois cents titres ont été réunis dans cette "Réserve", qui continue de s'accroître au fur et à mesure de nos acquisitions de livres anciens. On y compte deux titres du 16e siècle, vingt-deux du 17e siècle, cent cinquante et un du 18e siècle et cent vingt-cinq de la première moitié du 19e siècle. Une étude thématique révèle que les livres sur l'histoire et la politique sont les plus nombreux, suivis a part égale par fa littérature et le féminisme, le terme, apparu dans le courant du 19 e siècle, étant ici pris dans un sens large. Sont également bien représentés les mémoires et les biographies, les ouvrages traitant du mariage, de l"amour et de la sexualité, ainsi que la religion. De nombreux titres mériteraient une étude détaillée, trop longue pour figurer ici. Si l'on trouve dans cette collection peu d'ouvrages illustrés, on peut toutefois citer quelques volumes intéressants de ce point de vue : La Galerie des femmes fortes, du Père Pierre Lemoyne, édité en 1647, consacré aux femmes célèbres de la mythologie, de la Bible et de l'histoire, ce grand in-folio comporte de nombreuses et belles gravures en pleine page, qui ont été réutilisées avec leurs légendes en français dans des éditions en langue anglaise ; Les Costumes de Hambourg, du Tyrol, de la Hollande..., recueil de 100 planches en couleurs, dessinées par M. Lanté et gravées par M.Gatine, d'une grande finesse et d'une grande fraîcheur dans les couleurs ; nous venons de réaliser une série de cartes postales reproduisant quatre de ces planches, illustrant des métiers féminins. Signalons aussi Les Vésuviennes ou les soldats pour rire d'E. de Beaumont, en 1848. La "Réserve" comprend des éditions originales de nombreuses femmes de lettres, comme Mademoiselle de Scudéry, Madame de Genlis, Sophie Gay et sa fille Delphine de Girardin, Madame de Stael, de femmes dont la pensée a marqué la période de la Révolution française, telles Olympe de Gouges ou l'anglaise Mary Wollstonecraft, dont la Défense des droits de la femme (1792), "livre impérissable" dira Flora Tristan, fait écho à la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d'Olympe de Gouges. Cette période est par ailleurs bien représentée, avec des Cahiers de doléances de femmes ou des brochures illustrant la participation des femmes aux journées révolutionnaires. On trouve également dans la "Réserve" de nombreuses "défenses" des femmes,souvent anonymes, comme L'Apothéose du beau sexe (1722), Apologie des Dames (1737) ou La noble naissance des femmes et leurs vertus héroïques (1699), ainsi qu'une abondante littérature à vocation pédagogique : Encyc1opédie des dames, Manuel des demoiselles ou Magasin des adolescentes, oeuvre de Madame Leprince de Beaumont. Dans un tout autre ordre, signalons la présence dans ce fonds de textes scientifiques rares, comme les Recherches sur la théorie des surfaces élastiques (1821) de Sophie Germain.

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21.- BEAUMONT (E. de) Les Vésuviennes ou les 20.- LE MOYNE (Père Pierre), de la Compagnie de soldats pour rire. Paris : Aubert et Cie, 1848. Jésus. La Galerie des femmes fortes. Paris : A. de Sommaville, 1647. Grand in-folio illustré de 20 Les Vésuviennes étaient une troupe militaire de femmes gravures, édition originale. enrôlés par le gouvernement provisoire en mars 1848. L'idée venait d'un certain citoyen Borne, chimiste et inventeur. On les voyait dans les cortèges, les manifestations ou dans des baraques ou elles versaient a boire aux gardes mobiles. Elles om fait l'objet de textes et d'illustrations satiriques. Ce charmant ouvrage est un recueil de 20 planches, drôles et très finement colorées

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23.- POULLAIN DE LA BARRE (François). 22.- BOURGEOlS (Louise), dite Boursier. De l'égalité des deux sexes... Observation_ diverses sur la stérilité, perte de fruict, Premier grand "féministe" des temps modernes, fécondíté, accouchements et maladies de femmes. . . Poullain de la Barre (1647-1725) fut un disciple de la Paris : A. Saugrain, 1609. méthode cartésienne. Ouvrage rare et curieux, écrit par la sage-femme de la Reine Marie de Médicis. La seconde partie décrit la Il est l'auteur de deux autres traités, De l'éducatíon des dames et De l'excellence des hommes. chambre a coucher d'une Reine de France au moment De l'égalité des deux sexes est le plus important; de son accouchement il y démone les arguments traditionnels de l'antiféminisme avant de proposer ses vues sur la question. Il dénonce en particulier le préjugé de l'infériorité naturelle de la femme, en développant l'idée nouvelle d'une différenciation culturelle des sexes.

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Les ouvrages consacrés à l'histoire sont particulièrement riches en biographies anciennes sur des femmes célèbres, Marie-Antoinette occupant la première place. Nous avons réuni dans cette "Réserve" des ouvrages ayant une certaine valeur bibliophilique, due à leur rareté ou à leur ancienneté ; moins recherchés des "amateurs", mais précieux pour les chercheurs, de nombreux autres ouvrages dans le fonds général des livres et des brochures sont eux aussi devenus rares et manquent souvent a la Bibliothèque Nationale. C'est en particulier le cas des actes des différents congrès féministes qui ont été organisés depuis la fin du 19 e siècle, comme celui de 1900, où Marguerite Durand joua un rôle de premier plan et dont nous possédons un exemplaire de lu:x:e, relié spécialement pour elle. Sont également précieuses pour nos lecteurs les nombreuses brochures publiées a la fin du siècle dernier et au début du 20e siècle par les associations féminines et féministes, les groupes néomalthusiens ou pacifistes ; citons a titre d'exemple celles de la Ligue française pour le droit des femmes, fondée en 1882 par Léon Richer, celles de "L'Education et action féministes" , présidée par Odette Laguerre et fondée en 1903, ou les Petits almanachs féministes illustrés de "L'Union des femmes françaises". Les textes de toutes les grandes figures du féminisme, qui ont marqué l'histoire des différents mouvements sont bien sur conservés a la bibliothèque ; ceux de Maria Deraismes, Hubertine Auclert, Paulirie Kergomard, Maria Vérone, NeIly Roussel, Madeleine Pelletier constituent la base indispensable de toute étude sur le sujet. Seuls quelques-uns de ces textes ont été réédités, beaucoup d'autres mériteraient de l'être. Cependant Marguerite Durand, soucieuse de rendre visible dans ses collections l'ensemble des activités des femmes, dans tous les domaines, avait un projet encyclopédique, et le féminisme n'est pas le seul sujet représenté à la bibliothèque, comme en rend bien compte l'état descriptif de la donation initiale reproduit plus haut. On y trouve en particulier de très nombreuses oeuvres littéraires écrites par des femmes ; les unes sont très célèbres, comme George Sand ou Colette, d'autres, un peu oubliées du grand public, comme Marcelle Tinayre, Myriam Harry ou Renée Vivien, sont aujourd'hui redécouvertes par des étudiants et des chercheurs ; outre les oeuvres elles-mêmes, nous possédons de nombreuses études critiques anciennes, épuisées et rares. Nous ne pouvons détailler ici tous les domaines couverts par le fonds des livres et des brochures : philosophie, religion, droit, politique, éducation, sciences, musique (nous possédons même des partitions musicales imprimées de compositrices) , arts plastiques,... tous les sujets sont présents, abordés "du côté des femmes", pourrait-on dire. Notre politique d'acquisitions s'efforce de rester fidèle à cet esprit encyclopédique qui a présidé à la constitution du fonds initial. Cependant une sélection s'est opérée au fil des années ; ainsi les thèmes de l'enfance et de l'économie domestique, qui étaient au 19 e siècle "naturellement" rattachés à la femme, ont été presque abandonnés ; à l'inverse, d'autres thèmes, comme la sexologie ou la psychanalyse, ont pris place dans le fonds. Nous acquérons aujourd'hui beaucoup plus d'ouvrages étrangers que dans le passé ; cela est dû à l'augmentation des crédits d'acquisitions et à l'importance du développement de la recherche et de la production éditoriale étrangères sur tour ce qui concerne les femmes, en particulier dans les pays anglo-saxons. Ceux-ci possèdent des maisons d'édition exclusivement consacrées aux recherches sur les femmes, comme "Scarlett Press", "Virago Press" ou "Only-women Press" en Grande-Bretagne, "Attic Press" en lrlande, "Calyx Books", 'The Feminist Press"aux Etats-Unis, ou les "Editions du Remue-Ménage" au Canada. Les presses universitaires générales américaines possedent également de très nombreux

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départements consacrés aux "Women's studies", du fait du grand développement des cursus universitaires sur ces questions dans ce pays. Mais nous achetons aussi des livres venant d'Espagne, d'Italie, d'Allemagne, du Portugal, où les études sur les femmes se sont également développées. Outre les publications des éditeurs commerciaux, nous recevons celles de nombreux organismes officiels travaillant sur ce domaine dans ces pays : "L'lnstituto de la Mujer" en Espagne, la "Comissao da condicao feminina" au Portugal, ou le "Centro di studi storici sul movimento di liberazione della donna" en Italie. La plupart de ces organismes nous envoient leurs publications a titre gratuito Nous recevons aussi celles qui émanent des différentes instances européennes et de diverses organisations internationales (UNESCO, BIT,...). Nous devons évidemment opérer une sélection parmi cette importante production étrangère ; dans le domaine français, nous essayons d'avoir la plus grande exhaustivité possible ; si le féminisme et la "condition" des femmes demeurent des axes prioritaires, nous acquérons aussi beaucoup de biographies de femmes s'étant illustrées dans tous les domaines d'activité, et d'études de réflexion théorique. Il est devenu impossible d'acquérir l'ensemble de la production littéraire féminine, et nous devons faire des choix, souvent difficiles, en essayant d'établir un équilibre entre les auteurs que la notoriété rend "incontournables" et d'autres moins célèbres, mais dont les oeuvres peuvent être plus originales et plus intéressantes. Les acquisitions de livres et de brochures se font par achat et par don. Nous disposons d'un crédit documentaire global alloué par la Mairie de Paris, dont nous dispensons la plus grande partie pour ce fonds, et d'un crédit du Centre National des Lettres. Outre la production contemporaine française et étrangère, nous achetons un nombre important de livres anciens et épuisés, afin de compléter nos collections, chez des libraires parisiens et provinciaux, et quelquefois dans des ventes publiques. Les dons de livres sont quasiment quotidiens ; il s'agit de dons faits par des auteurs ou des éditeurs, par l'ADEL (Antenne de diffusion et d'échange du livre), service du Bureau des Bibliothèques de la Ville de Paris, par des lecteurs, des associations, des groupes et des organismes divers, comme le Secrétariat d'Etat aux droits des femmes, le Planning familial ou des organismes étrangers, tels ceux cités plus haut. Les dons sont essentiels à l'enrichissement du fonds pour tour ce qu'on appelle la "littérature grise", dont on voudrait souligner ici l'importance pour nos collections ; les actes de colloques et de congrès, les comptes-rendus de conférences et les travaux universitaires constituent des documents indispensables à l'étude et à la recherche et sont souvent très difficiles à trouver. Nous multiplions nos contacts extérieurs et participons personnellement à de nombreuses activités et manifestations afin d'en acquérir le maximum ; nous faisons également appel à la collaboration de nos lecteurs faisant une thèse ou un mémoire pour qu'ils nous donnent un exemplaire de leur travail. Nous utilisons aussi le prêt inter-bibliothèques pour obtenir communication des thèses soutenues dans les universités françaises et achetons des microfiches réalisées par l'Atelier de reproduction des thèses de Lille. Nous avons constitué un fonds d'usuels et de livres de référence, en accès direct dans la salle de lecture. On y trouve des bibliographies, des répertoires, des dictionnaires spécialisés ainsi que divers ouvrages généraux. Ce fonds est très utilisé par les lecteurs et par nous-mêmes. Nous disposons d'un crédit spécial pour le microfilmage de nos documents ; beaucoup de livres et de brochures anciens et en mauvais état out ainsi été et continuent d'être

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microfilmés ; cela permet de sauvegarder un grand nombre de documents. Les originaux sont conservés en magasin et ne sont plus communiqués. Sur notre budget d'acquisitions, nous achetons des microformes de livres et de brochures que nous ne possédons pas, en particulier a la Bibliothèque Nationale, afin de compléter nos collections d'ouvrages anciens. Le fonds est répertorié dans le catalogue auteurs titres anonymes et dans le catalogue matières ; nous avons également un fichier par titres pour les oeuvres de fiction, et un fichier regroupant les thèses. Le catalogue matières est depuis quelques années l'objet de corrections et de refontes, afin de l'aligner le plus possible sur la liste d'autorités RAMEAU, choisie par la Ville de Paris pour l'indexation des documents, et ce dans la perspective de l'informatisation de la bibliothèque au sein du réseau parisien. Les périodiques

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Le fonds des périodiques de la bibliothèque est constitué exclusivement de périodiques féminins et féministes. Comme l'écrit l'historienne Geneviève Fraisse dans un article paru en 1982, la "presse des femmes" offre une grande diversité : "deux cents ans d'histoire, des journaux de mode, des revues culturelles, des quotidiens politiques et une presse professionnelle spécialisée. Seule cette dernière s'inaugure durant la seconde moitié du 19 e siècle ; les autres, modes et mondanités, culture et littérature, politique et féminisme, vivent ensemble et côte à côte des 1830". Cette diversité se retrouve dans notre fonds, qui réunit toute une presse écrite par, pour ou avec les femmes. Ce fonds est constitué de 936 titres de périodiques féminins et féministes, essentiellement de la deuxième moitié du 19 e siècle et du 20e siècle ; la moitié sont français. L'histoire du fonds reflète bien l’histoire de la bibliothèque elle-même. Constitué au départ comme base de documentation par Marguerite Durand pour La Fronde, il est d'autre part enrichi par elle, grâce à des dons et des échanges qu'elle effectue avec de nombreuses personnalités féministes françaises et étrangères, avec qui elle est en relation, à titre privé ou pour des raisons militantes. Cela explique la richesse et la grande cohérence du fonds de la fin du 19e siècle jusqu'à la fin des années trente. Pour cette période, la bibliothèque conserve 350 titres de périodiques, essentiellement féministes, beaucoup ayant trait aux droits des femmes, et surtout au droit de vote. Ce fonds du 19e siècle et du début du 20e siècle a été également beaucoup complété par le Fonds Marie Louise Bouglé de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, dont nous avons microfilmé tous les périodiques; cela nous a permis de combler des lacunes dans les titres que nous possédions déjà et d'acquérir des titres importants que nous n'avions pas. Parmi les titres de cette période, les plus connus sont sans doute La Fronde, qui occupe une place privilégiée à la bibliothèque, Le Droit des Femmes, fondé en 1869 par Léon Richer, La Citoyenne, fondée en 1881 par Hubertine Auclert, La Française fondée en 1906 par Jane Misme, La Suffragiste, fondée en 1908 par Madeleine Pelletier, etc, Moins connus, les titres étrangers constituent une des richesses du fonds, car ils sont très difficiles à trouver ailleurs que dans leur pays d'origine ; parmi eux, citons Die Frau, fondé en 1893 par les 1

par Françoise Roques, responsable du service

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féministes allemandes Hélène Lange et Gertrud Baumer, La Ligue, organe de la Ligue belge pour le droit des femmes, et rondé en 1893 par Marie Popelin, Jenski glas de l'Union des femmes bulgares, créé au début du 20e siècle, L'Egyptienne, fondé en 1925 par Madame Hoda Charaoui, Salud y fuerza, revue de la Liga de regeneración humana, néomalthusienne, The Woman’s joumal qui devient The Woman Citizen, fondé en 1870 par la féministe américaine Lucy Stone Blackwell, The Englishwoman, publié par la National Union of Women's Suffrage Societies et qui comptait des collaborateurs célèbres, dont Millicent Fawcett, John Galsworthy, Bernard Shaw,... ou encore Le Mouvement féministe, continué par Femmes suisses, organe officiel de l'Alliance nationale des sociétés féminines suisses et fondé en 1912 par Emilie Gourd.

24.-Page de titre du Journal des Dames, la plus ancienne 25.-Page de titre du journal La Femme libre. revue de la bibliothèque. Fondé par Charles Thorel de Fondé en 1832, et paraissant avec une Campigneulles en 1759. périodicité irrégulière et sous des titres variés Le Journal des Dames parut jusqu'en 1778, avec des (La Femme de l'avenir: apostolat des femmes, interruptions en 176C! et 1769-1773, Ses directrices La Femme nouvelle.. ,) jusqu'en 1834, ce successives furent Mesdames de Beaumer, de Maisonneuve périodique est un journal féministe fait par des et de Princen. ouvrières saint-simoniennes, qui ne signaient Visant un public exclusivement féminin, Le Journal des que de leur, prénom,. Dames fut le premier journal à être rédigé en partie par des Fondé par Jeanne Désirée (Désirée Véret), il fut femmes. dirigé par Marie Reine (Reine Guindorf) puis Suzanne (Voilquin).

Les périodes antérieures, 18e siècle et première moitié du 19e siècle, qui marquent les débuts de la presse féminine et féministe, sont moins représentées. Nos collections sont cependant fiches de treize titres : journaux littéraires, de mode, politiques et féministes. Certains sont très importants, voire précieux, pour histoire des femmes. C'est en particulier le cas du Journal des Dames (1759-1778), de La Femme Libre (1832-1834), et de plusieurs

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journaux de 1848 : La Politique des femmes, publiée "par les ouvrières", L'Opinion des Femmes de la Société d'éducation mutuelle des femmes, La République des femmes : journal des cotillons,et La Voix des femmes : journal socialiste et politique, organe des intérêts de toutes, fondé par Eugénie Niboyet et qui publia 44 numéros quotidiens de mars a juin 1848. Pour les périodes allant de la Seconde Guerre Mondiale à 1968, le fonds est beaucoup moins riche que pour la période antérieure ; la mort de Marguerite Durand en 1936, la guerre, l'Occupation allemande puis le quasi-abandon que connaît la bibliothèque expliquent en grande partie cette relative pauvreté du fonds. Seuls 54 nouveaux titres sont archivés de 1940 a 1968 ; ce sont essentiellement des bulletins d'associations, mais aussi des revues syndicales ou politiques. Il faut surtout citer pour cette période les publications de l'Union des femmes françaises, organisation issue de la Résistance, et proche du Parti Communiste : Cri d'alarme, La Madelon du franc-tireur et partisan, journaux clandestins de 1944, Les Cahiers de l'Union des femmes françaises, Femmes françaises, revues théoriques ou militantes, et des revues plus pratiques, comme Heures claires. Quant a la presse 26.-Page de couverture de Femina, nº249, numéro féminine, florissante à cette époque, nous exceptionnel du 1er juin 1911. Lancé par Pierre Laffitte en 1911, racheté par n'en avons aucune collection complète, si ce n'est Marie-Claire, à partir de 1954. Nous Hachette en 1916, Femina qui paraîtra jusqu'en 1939 est un mensuel féminin "de luxe", abondamment nous efforçons actuellement d'enrichir cette illustré ; s'adressant a une clientèle bourgeoise, il est période; soit par des achats, soit par microsurtout consacré a la mode, a la vie pratique et copie de collections appartenant à d'autres mondaine. institutions. La nomination d'une bibliothécaire à plein temps en 1964, et le renouveau du féminisme, avec le MLF à partir de 1970, font que les collections de périodiques vont à nouveau s'enrichir, aussi bien dans le domaine français que pour les pays étrangers. La presse féministe française des années soixante-dix jusqu'à aujourd'hui a: été collectée de façon quasiexhaustive, tant à Paris qu'en province. Nous ne pouvons ici qu'évoquer quelques titres, qui ont marqué cette période très fertile : parmi les titres parisiens, figurent Le Torchon brûle (1970-1971), Colères (197&-1980), Désormais (1979-1980), Elles voient rouge (19791982), Le Quotidien des femmes (1974-1976), Les Femmes s'entêtent (1975), Histoire d'elles (1977-1980), Jamais contentes! (1979-1980), Sorcières (19761981),...Pour la province citons par exemple Marie-Colère (1977-1979), à Grenoble, Quand les femmes s'aiment (1978-1980) à Lyon, Mais qu'est-ce qu'elles veulent? (1977-1978) à Reims,... Un budget propre aux périodiques, ainsi qu'un important travail de relations et d'échanges avec les chercheuses étrangères qui fréquentent la bibliothèque, nous permettent également

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d'avoir un fonds solide de périodiques féministes étrangers. En 1992, la Bibliothèque reçoit 161 revues courantes, par abonnements payants ou par envois gratuits. Les revues françaises ne représentent que le tiers de ce fonds contemporain ; les autres revues viennent surtout des pays anglo-saxons, mais pas exclusivement. Nous avons beaucoup de mal à obtenir les publications de certains pays, comme celles des pays d'Amérique latine et d'Amérique centrale, ou celles des anciens pays de l'Est". Le fonds des périodiques en cours est essentiellement composé de revues féministes : revues d'études, comme Nouvelles Questions Féministes, Les Cahiers du GRIF (francobelge), Signs (Etats-Unis), Feminist Review (Grande-Bretagne), Australian feminist studies, Canadian woman studies, Feministische Studien (Allemagne),... ou bulletins de groupes de femmes, comme La Lettre du Conseil national des femmes françaises ou Les Cahiers du féminisme de la Ligue Communiste Révolutionnaire ; mais nous recevons aussi des revues littéraires, tel le Bulletin de la Société internationale d'études yourcenariennes ou les Cahiers Colette et artistiques, quelques magazines féminins :Marie-Claire ou Amina, des publications du Secrétariat d'Etat aux droits des femmes, comme Droit des femmes, ainsi que diverses publications officielles et des revues ou des bulletins d'organisations non gouvernementales, comme le Bulletin du Réseau Mondial pour les droits sur la reproduction ou INSTRAW Nouvelles, émanant de l'Institut international de recherches et de formation des Nations-Unies pour la promotion de la femme. Afin de donner une idée plus complète de la diversité d'origine des revues étrangères, nous citerons encore pêle-mêle : Manushi (Inde), Noidonne (Italie), Women of China, Poder y libertad (Espagne), Emakunde (Pays Basque espagnol), Mujer Fempress (Chili) et Nyt Forum for Kvindeforskning (Danemark). . . Nos collections sont enrichies régulièrement par achat, dons de personnes privées ou d'associations et par micro-copie de collections d'autres bibliothèques ou archives, comme la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, déjà citée, pour son Fonds Marie-Louise Bouglé, ou encore, récemment, les Archives de la CGT, grâce auxquelles nous avons pu rendre complète narre collection de la revue Antoinette. Les collections sont toutes rangées en magasin, et donc en accès indirect, salir le dernier numéro des revues courantes qui sont en libre accès, sur présentoir, dans la salle de lecture. Plusieurs catalogues sont à la disposition des lecteurs : un catalogue par titres, un catalogue par responsables d'édition et collectivités éditrices, un catalogue géographique, par pays où se fait la publication, et un catalogue de dépouillement des articles par sujets, commencé en 1967 seulement. Soixante-dix revues sont actuellement dépouillées de façon systématique. De plus, nous participons au CCN (Catalogue Collectif National des publications en série); depuis 1990. Cela présente un double intérêt pour la Bibliothèque : faire connaître nos collections a l'extérieur et réorienter ,avec précision vers d'autres bibliothèques les chercheurs qui veulent consulter des périodiques que nous ne possédons pas. Nous avons également constitué un fonds de doubles de périodiques, utilisé pour le prêt interbibliotheques ou pour des expositions extérieures. Il nous arrive aussi de prêter des exemplaires de notre collection a l'ACRPP (Association pour la conservation et la reproduction photographique de la presse), qui travaille en liaison avec la Bibliothèque Nationale ; elle a pour mission de microfilmer les périodiques de la façon la plus exhaustive possible et a pour cela besoin de la coopération de nombreuses institutions. Ajoutons qu'au fonds des périodique se rattache toute une documentation se trouvant dans d' autres fond set non négligeable pour les chercheurs ; dans le fonds des dossiers, on

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trouve de nombreux documents sur les femmes fondatrices et directrices de journaux, ainsi que sur les associations, groupes ou collectifs ayant publié des bulletins ; dans les fonds spéciaux, nous avons les archives de certaines revues, comme Pénélope et Histoires d'elles, dont nous parlerons plus loin, ou de collectivités et de personnes ayant publié des journaux ou des bulletins (fonds Maryse Choisy, fonds des Soroptimist,etc.) Des affiches publicitaires réalisées pour le lancement de journaux, comme celles de La Fronde et de La Française, très belles, ainsi que des affiches tracts de certaines campagnes lancé es par les revues féministes, pour l'obtention du droit de vote, par exemple, sont conservées dans le fonds iconographique pour l'obtention du droit de vote, par exemple, sont conservées dans le fonds iconographique.

27.- Pages de couverture de périodiques. Quelques exemples parmi les très nombreux titres contemporains, français et étrangers,conservés a la bibliothèque.

Enfin le fonds des livres fournit bien sur une abondante littérature de référence sur la presse : répertoires, annuaires, thèses, études et bibliographies. Le fonds des périodiques présente donc une grande richesse. Beaucoup de titres, ne se trouvent dans aucune autre bibliothèque en France. Ce fonds est très utilisé par les lecteurs, qui y trouvent une documentation essentielle pour leurs recherches.

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Les Dossiers Les dossiers constituent l'une des richesses les plus originales de la Bibliothèque. Commencés par Marguerite Durand, les plus anciens contiennent des documents de la findu 19e siècle, et outre leur intérêt pour la recherche, ils constituent un précieux témoignage des qualités de documentaliste avant la lettre, pourrait-on dire, qu'a su déployer la fondatrice de La Fronde. Les dossiers, dont le nombre avoisine aujourd'hui 4000, sont de deux types : thématiques et biographiques. Les premiers, cotés jusqu'a une date récente selon la classification Dewey, quelque peu aménagée, abordent les thèmes les plus divers se rapportant aux femmes, comme le fonds des livres et brochures. Parmi les dossiers anciens les plus riches, on peut citer celui consacré au vote des femmes,dont les premiers documents datent des années 1880, et celui qui réunit les groupes de femmes, classés alphabétiquement. Certains dossiers modernes sont aussi très riches, en particulier ceux qui ont trait aux revendications des groupes féministes des années soixante-dix, comme la libéralisation de l'avortement et la contraception. Les dossiers biographiques sont relatifs à des femmes s'étant illustrées dans les domaines les plus divers et à toutes les époques ; on y trouve des militantes féministes, des femmes de lettres, des peintres, des sculptrices, des musiciennes, des saintes, des souveraines, des favorites, des courtisanes célèbres, des sportives, des femmes de science, des femmes politiques, des exploratrices,etc. Les dossiers quantitativement les plus importants sont ceux consacrés à quelques grandes figures du féminisme de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle : Marguerite Durand, bien sur, mais aussi Maria Deraismes, Avril de SainteCroix, Hélène Brion, Cécile Brunschvicg, Maria Vérone,..,et a des femmes écrivains : Juliette Adam, Colette, Lucie Delarue-Mardrus, Renée Vivien, Harlor, Séverine, George Sand,...Plus proches de nous, Simone de Beauvoir, Margaret Thatcher et Edith Cresson possèdent aussi de volumineux dossiers, souvent consultés. Quels documents trouve-t-on dans ces dossiers ? Pour une grande partie des coupures de presse, provenant de la presse générale, de la presse féminine et féministe, de revues littéraires et artistiques, de bulletins d'associations diverses. Mais les dossiers ne sont pas seulement des dossiers de presse ; ils contiennent aussi bien d'autres documents : .des journaux officiels, des comptes-rendus de délibérations du Sénat, ainsi que de très nombreuses "feuilles volantes" tels des tracts et des affichettes distribués lors de colloques, de meetings, de manifestations, des cartes de presse de journalistes, des cartons d'invitations a des expositions, etc. Les "ephemera" d'ordre militant sont particulièrement abondants pour tour ce qui concerne les mouvements féministes "historiques" ou contemporains. Témoignages directs, vivants d'une époque, ils sont précieux pour en reconstituer l'histoire, et sont rarement conservés dans des institutions. On trouve aussi dans les dossiers beaucoup de documents émanant d'associations féminines et féministes, tels que leurs statuts, les comptes-rendus de leurs assemblées, des projets divers, et pour les associations anciennes, parfois, des programmes de soirées mondaines ou des menus de banquets ! Les dossiers contenaient à l'origine des documents iconographiques, ainsi qu'une très grande quantité de manuscrits et de lettres autographes. Les premiers font désormais partie du fonds iconographique, les seconds sont peu à peu catalogués par unité et intégrés au fonds "Manuscrits" et au fonds "Lettres autographes", du moins lorsque leurs auteurs

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peuvent être identifiés. Comme on peut l'imaginer, c'est un travail long et difficile, mais nécessaire pour la conservation et la sécurité de ces documents qui sont par définition uniques. Aujourd'hui les dossiers continuent de s'enrichir de coupures de presse, découpées dans trois quotidiens (Le Figaro, Le Monde et Libération), deux mensuels (Art Press et Le Magazine littéraire) auxquels nous sommes abonnés, ainsi que d'articles "récoltés au gré de l'actualité dans d'autres journaux et revues que nous achetons au numéro. Des événements exceptionnels, comme, récemment, la nomination de Madame Edith Cresson au poste de Premier Ministre, peuvent donner lieu à l'achat de toute la presse du jour et de la semaine. De nombreuses associations et des lecteurs, à titre individuel, contribuent à enrichir les dossiers en nous apportant des documents concernant leurs activités ou collectés lors de leurs travaux et de leurs recherches. Les dossiers anciens ne sont eux-mêmes jamais morts : ainsi, le dossier consacré à l'avocate Yvonne Netter s'est-il enrichi récemment de nombreuses coupures de presse et de documents personnels donnés par son fils; même chose pour Maria Vérone, dont la petitefille nous a fait don de documents du même ordre. . Précieux pour la recherche, les dossiers sont aussi des objets fragiles. Les coupures de presse et les tracts anciens, qui ont été imprimés sur des papiers de mauvaise qualité et souvent collés, voire scotchés, sont pour beaucoup très abimés. Ils demandent à être manipulés avec une grande précaution. Certains ont été mis en réserve après avoir été photocopiés, et c'est cet exemplaire de substitution, certes moins émouvant mais plus solide et moins précieux, qui est consulté par les lecteurs. Le microfilmage reste très coûteux et demande des manipulations complexes pour des documents aux formats très divers. En outre il est délicat de microfilmer des ensembles toujours susceptibles d'être enrichis ou nécessitant des reclassements. Les dossiers sont répertoriés dans deux fichiers, par sujet pour les dossiers thématiques et nominal alphabétique pour les dossiers biographiques. Le fichier par sujet comporte de nombreux renvois d'orientation permettant d'élargir ou à l'inverse de préciser une recherche ; ce fichier, ancien, nécessiterait toutefois d'importantes refontes et modifications. Si les dossiers valent surtout pour leur richesse, leurs lacunes sont aussi parfois intéressantes, car elles sont le reflet de l'histoire de la bibliothèque, comme nous l'avons signalé pour le fonds des périodiques ; ainsi les coupures de presse ne sont pas toujours datées, le travail ayant été fait pendant de longues années par des non professionnels. Dans les années les plus sombres, ou manquaient à la fois le personnel et les crédits, la documentation est presque inexistante ; c'est surtout le cas pour les années cinquante, mal représentées. Pour les années plus anciennes, les dossiers, daris leur pauvreté même, sont parfois le témoignage des antipathies ou des oppositions que Marguerite Durand et ses collaboratrices ont pu rencontrer ou susciter... Mémoire particulièrement fiche et vivante, les dossiers sont très souvent consultés ; cette consultation fréquente est certes une cause de satisfaction, mais elle pose de délicats problèmes quant à la conservation et a la sécurité des documents. Nous les communiquons par "petites tranches" et interdisons la photocopie des pièces anciennes ou trop fragiles. Nous nous devons en effet de sauvegarder ces documents dont beaucoup sont uniques ou qui seraient très difficiles à retrouver. Nous reviendrons plus loin sur le rôle important que jouent les relations que nous

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entretenons et développons avec des personnalités, des associations et des organismes divers pour l'enrichissement des collections, et tour particulièrement des dossiers. Les Manuscrits et la correspondance autographe Les collections comptent actuellement plus de 200 manuscrits et plus de 4000 lettres autographes, qui sont répertoriés dans deux fonds spécifiques. Mais comme nous l'avons signalé plus haut, les dossiers thématiques et biographiques contiennent aussi de nombreuses pièces manuscrites, qui en sont peu à peu retirées, pour être intégrées à ces fonds spécifiques, quand cela est possible. Les manuscrits. Ce fonds est constitué de textes de fiction et de textes "documentaires" divers. Parmi les oeuvres de fiction ou d'imagination, on trouve des nouvelles et des romans, édités ou non (Marion Gilbert, Harlor, Savioz,...), des pièces de théâtre, comme la pièce féministe de Maurice Donnay, Les Eclaireuses, plusieurs fois représentée, en "prologue" de conférences de Marguerite Durand, ou celles d'Amélie Hammer, mère d'Harlor, ainsi que des poèmes. Les textes "documentaires" sont très divers. L'un des ensembles les plus importants est celui que forment les trois gros volumes reliés de textes écrits par Marguerite Durand, plus de nombreuses pièces restant à relier ; il s'agit de notes personnelles ou des textes complets de ses discours et conférences sur le féminisme, les femmes journalistes, les femmes célèbres du 5e arrondissement, le vote des femmes, son discours sur la tombe d'Hubertine Auclert, etc. L'un des volumes comporte l'ensemble des cours qu'elle avait faits en 1921 à l'école de filles de la rue des Vinaigriers. Ses agendas personnels; donnés à la bibliothèque par sa belle-fille, font également partie du fonds des manuscrits ; ils vont de l'année 1889 à l'année de sa mort, 1936, mais plusieurs 28.- Lettre de Collete àla Duchesse Sforza, 10 janvier années sont manquantes. 1934. Sur papier bleu. Nous possédons les textes d'autres personnalités de l'entourage personnel ou professionnel de Marguerite : le Dictionnaire biographique des femmes célèbres écrit par sa mère, de nombreux textes d'Harlor, de Léopold Lacour, historien du féminisme et ami d'Harlor, d'Hélene Gosset, spécialiste de Louise Michel, et ceux d'importantes figures du

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féminisme : Maria Deraismes, grande pionnière des droits des femmes et franc-maçonne fondatrice, avec Georges Martin, de la loge mixte "Le Droit Humain", Hélène Brion, auteur d'une volumineuse Encyclopédie féministe, dont ne possédons que quelques volumes dans ce fonds des manuscrits (les autres volumes se trouvent a l'Institut français d'histoire sociale, à Paris), ou Clémence Royer, grande femme de sciences. Certains manuscrits ont fait l'objet d'éditions contemporaines, comme les Mémoires d'une Saint-simonisme en Russie (1839-1846) de Suzanne Voilquin aux Editions des Femmes en 1977, ou un Choix de papiers de Séverine aux Editions Tierce en 1982. Le fonds des manuscrits s'accroît lentement ; ceux que l'on peut trouver chez des libraires ou en ventes publiques sont souvent trop chers ; nous avons cependant acheté récemment un petit manuscrit de Simone de Beauvoir, texte d'un cours sur Aristote, et un tapuscrit avec signature autographe de Colette, texte d'une émission qu'elle avait faite a la radio pendant la guerre. Nous recevons en dons des manuscrits ou tapuscrits de quelques-uns de nos lecteurs. La correspondance autographe La bibliothèque possède une très belle collection de lettres de femmes. Les plus anciennes sont un "mandement" de Marie de Clèves en 1468 et une lettre de Sainte Catherine de Ricci en 1522. Nous avons de nombreuses lettres de fermes écrivains : Juliette Adam, la Comtesse d'Agoult, Louise Colet, Colette, Lucie Delarue-Mardrus, Alexandra David-Neel (qui fut féministe avant d'être exploratrice, et collabora parfois à La Fronde), Madame de Genlis, Gyp, Madame de Stael,... ; d'artistes : Rosa Bonheur, Nadia Boulanger, Camille Claudel, Yvette Guilbert,... ; d'actrices : Sarah Bernhardt, Marie Dorval, Marguerite Moréno,...; de femmes politiques : Anne d'Autriche, Cécile Brunschvicg, Marie-Antoinette, Louise Michel,...; de féministes : Avril de Sainte-Croix, Odette Laguerre, lsabelle Bogelot, Hélene Brion, Marie-Louise Bouglé, Séverine, Christabel Pankhurst ; de scientifiques : Dorothea Klumpke, Clémence Royer,... Nous avons également des lettres d'hommes politiques et écrivains : Louis Barthou, Jules Bois, Ferdinand Buisson, Joseph Caillaux, Georges Clemenceau, Romain Rolland, René Vivianl, Emile Zola,... Certaines lettres ont été reliées en volumes : celles de Colette, et une partie de celles adressées à Marguerite Durand et écrites par elle ; les nombreuses lettres écrites à Harlor pendant les années trente sont très intéressantes pour l'histoire des origines de la bibliothèque. Le fonds des lettres autographes s'accroître régulièrement par des achats assez fréquents et par des dons. Les manuscrits et les lettres autographes figurent au catalogue auteurs et au catalogue matières. Outre les dossiers, les fonds spéciaux d'archives comprennent de très nombreuses pièces manuscrites, que nous laissons évidemment dans ces fonds ; il est en effet important de conserver à ces archives leur intégrité physique et leur cohérence intellectuelle.

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Le fonds iconographique Offrant une grande diversité dans ses "supports" et dans ses thèmes, le fonds iconographique de la bibliothèque est de plus en plus consulté et utilisé pour illustrer des livres, des thèses, des articles, des émissions de télévision et pour figurer dans des expositions extérieures. Il demeure cependant encore en partie à traiter. Les cartes postales. Comptant près de 3000 unités, la collection se divise en cartes postales anciennes et cartes postales modernes. Les cartes postales anciennes illustrent des thèmes très variés : portraits de femmes célèbres, en particulier des actrices, métiers féminins traditionnels ou a l'inverse habituellement exercés par des hommes (femmes cocher, colleuses d'affiches, ouvrières dans l'armement de la guerre 1914-1918,...), costumes régionaux français et costumes étrangers, caricature, mode, maisons de femmes célèbres, et bien sur féminisme.

29.-922.Paris Moderne- Les femmes cochers au bois, un jour de bombe.

C.M.

Plusieurs mouvements suffragistes out en particulier utilisé le support très populaire qu'est la carte postale pour illustrer et faire connaître leurs campagnes ; nous en possédons quelques rayes et intéressantes séries ; leurs illustrations sont soit des photographies, montrant des suffragistes "en action", soit des dessins, tantôt graves, tantôt humoristiques. Les cartes postales modernes offrent la même varié té dans les thèmes, qui out évidemment évolué ; on y trouve, entre autres, des reproductions d'affiches de films ou de campagnes publicitaires, et de photographies des manifestations du MLF ; nous achetons aussi beaucoup de cartes postales représentant des femmes dans la peinture, la sculpture ou la photographie. Le fonds des cartes postales s'accroît par dons ou par achats, auprès de marchands

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spécialisés, dans des expositions, lors de visite de musées, ou au cours de voyages personnels ou professionnels. Nous achetons cependant assez peu de cartes postales anciennes, certaines, les plus intéressantes et les plus rayes, atteignant aujourd'hui des cotes très élevées. Les photographies Ce fonds comprend plus de 3500 unités. La collection ancienne est d'une grande richesse ; elle est constituée de nombreux portraits d'actrices et d'artistes du 19 e siècle, de portraits de femmes de l'entourage de Marguerite Durand : journalistes a La Fronde, écrivains, féministes. Nous possédons en particulier une belle série de portraits de Séverine, à tous les ages de sa vie. Certaines de ces photographies sont l'oeuvre de photographes célèbres: Nadar, Reutlinger, Henri Manuel, Harlingue, Disdéri, etc. Nous possédons aussi un intéressant album réunissant les portraits. de Communards et de Communardes condamnés, réalisés par Appert ; chaque portrait , de format "carte de visite", porte des indications manuscrites d'identification et la mention de la peine. Hormis les portraits, le fonds comporte des photographies de réunions ou de manifestations féministes, ainsi que des photographies que l'on pourrait qualifier d'ethnographiques : nous possédons ainsi une collection de 160 photos du début du siècle, de l'Agence Chusseau-Flaviens, qui sont des portraits de femmes dans divers pays du monde; notons également une très intéressante série de photos prises au Soudan par Paul Bonnetain et sa femme, lors de leur séjour dans ce pays. Ces photographies out été longtemps conservées dans de mauvaises conditions, et certaines sont en mauvais état ou abîmées ; nous les faisons restaurer, afin d'arrêter les processus de dégradation chimique et monter sous "Marie-Louise", où elles sont très bien mises en valeur. Ce travail est réalisé par Madame Anne Cartier-Bresson et ses collaborateurs, dont l'atelier travaille pour tous les musées de la Ville de Paris. La collection moderne offre une fiche illustration de tous les thèmes relatifs a la femme et au féminisme : portraits de personnalités, manifestations, meetings et conférences, femmes au travail, vie quotidienne, etc. Les auteurs de ces photographies sont JanineNiepce, Catherine Deudon, Aline Lang, Roberta Finberg, Jaime Abecassis, à qui nous les avons achetées directement. Notons également l'achat en 1990 d'un très beau portrait du peintre Natalia Gontcharova en 1948 par la grande photographe Denise Colomb, dont le Pavillon des Arts et le Palais de Tokyo, a Paris, out récemment présenté deux importantes rétrospectives.

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Nous avons fait réaliser par le Service Audiovisuel des Bibliothèques de la Ville de Paris des contretypes de certaines photographies anciennes et de toutes les cartes postales anciennes en noir et blanc. Les cartes postales anciennes en couleur out été reproduites sur diapositives. Ces substituts constituent un outil de travail commode en permettant d'éviter une manipulation trop fréquente des documents originaux, et peuvent être prêtés pour reproduction. D'autre part, les documents originaux étant enregistrés et classés par ordre d'entrée, les contretypes et les diapositives out été classés par thèmes, afin de permettre une recherche facile, rapide et agréable aux personnes qui out besoin de consulter un grand nombre de documents, et ce directement, sans passer par le fichier. Les cartes postales et les photographies sont en effet cataloguées et chacune fait l'objet d'un ou plusieurs "mot(s)-matières", ainsi que d'une courte notice décrivant le sujet ou la scène 30- Cléo de Mérode (1875-1966), célèbre danseuse représentés ; ces fiches sont intégrées dans de la Belle Epoque. Carte postale ancienne, d'après une photographie de Reutlinger. deux deux fichiers spécifiques. Les affiches

31.- Placard d'Olympe de Gouges, 1792

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La collection comporte environ 1000 unités, chiffre approximatif car le fonds n'est pas encore inventorié. Le fonds est constitué d'affiches de textes et d'affiches illustrées, anciennes et contemporaines. Les pièces les plus anciennes sont un placard d'Olympe de Gouges, daté de 1792 et une affiche de la Commune de Paris; mais la collection ancienne couvre surtout la période 1910-1945. . Les affiches de textes sont pour la plupart l'oeuvre de groupes ou de personnalités féministes, exposant leurs revendications et leurs programmes politiques, ou appelant à des conférences, des meetings ou des élections. Ce sont des témoignages directs de l'activité militante des divers mouvements.

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Les affiches illustrées reprennent souvent des thèmes similaires, rendus plus "parlants" par l'image : campagnes en faveur du droit de vote, participation des femmes à la vie politique, lutte contre l'alcoolisme, la guerre, le fascisme ; ces différents thèmes sont d'ailleurs souvent présents sur une même affiche, les féministes assimilant fréquemment l'avancée des droits des femmes á l'amélioration du monde et du genre humain. Comme nous l'avons déjà signalé, nous possédons également la belle affiche de Clémentine Hélène Dufau pour le lancement de La Fronde et celle d'Alicia Kaub pour La Française, journal fondé en 1906 par Jane Misme. Un certain nombre de ces affiches militantes anciennes existaient aussi en "version" cartes postales. Nous avons quelques pièces intéressantes pour la période de la Seconde Guerre Mondiale : affiches de propagande pour la natalité et la famille du régime pétainiste et affiches représentant des femmes engagées dans les forces armées. La période contemporaine est particulièrement bien représentée, en partie grâce au don fait a la bibliothèque par l'association "La Gaffiche", qui s'était donné pour mission de collecter et conserver toutes les affiches réalisées par les mouvements de femmes pendant les années soixante-dix et le début des années quatre-vingts2 . Ces affiche s illustrent, par le texte ou par l'image, tous les thèmes de revendications soutenues et les initiatives lancées par les multiples groupes, organismes et associations (Planning familial, MLAC, etc...) : campagnes en faveur de la contraception et de la libéralisation de l'avortement, partage des taches domestiques, éducation non sexiste, journée du 8 mars, maisons de femmes, festivals de films de femmes,... Ces affiches sont pour beaucoup d'entre elles d'une grande inventivité ; souvent "artisanales", provocatrices ou rôles, elles sont un matériau irremplaçable pour retrouver l'esprit qui animait certains groupes, fréquemment anonymes et éphémères. . Nous continuons aujourd'hui à collecter les affiches des campagnes et des manifestations diverses relatives aux femmes : affiches syndicales sur le travail des femmes, affiches de partis politiques centrées sur des femmes candidates à des élections, campagnes du Secrétariat d'Etat aux droits des femmes sur les violence es conjugales ou l'orientation scolaire des filles, affiches du Centre National d'information des femmes et des familles, ou du Festival international des films de femmes de Créteil. Nous recueillons aussi des affiches-programmes annonçant des journées d'étude, des colloques et des conférences. Les affiches militantes des petits groupes et associations, plus ou moins "sauvages" sont devenues beaucoup plus rares qu'au temps du MLF.

2

Consulter a ce sujet : Les femmes s'affichent ; Paris : Syros, 1984.

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32.- Affiche de propagande nataliste du Secrétariat a la famille et a la santé sous Pétain

33.- Affiche espagnole contemporaine contre la discrimination sexuelle dans le travail (fonds donné par l'Association "La Gaffiche") S. d.

La collection comprend également de nombreuses affiches d'expositions de femmes artistes et des affiches illustrant la présence ou la représentation des femmes dans l'art, la mode ou la publicité. Les affiches sont systématiquement entoilées, afin d'assurer leur conservation, puis photographiées par le Service Audiovisuel des Bibliothèques. Les affiches sont difficiles à ranger et à classer, leurs formats, comme les thèmes qu'elles illustrent, étant très variés. Leur reproduction sur diapositives évite des manipulations peu aisées et permet une consultation rapide. Cela est d'autant plus utile que les affiches ne sont, pour la plupart, pas encore cataloguées et ne figurent donc pas au fichier. .. Les lecteurs ont cependant accès a ce fonds ; la consultation des diapositives leur permet d'orienter leur recherche et faire leur choix dans ce qui les intéresse, après quoi ils peuvent voir les affiches originales s'ils le souhaitent. Ce fonds connaît un succès croissant; il est souvent utilisé pour reproduction et prêté pour des expositions.

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"Iconographie diverse" Dans le fonds iconographique sont également rassemblés des documents de types très divers, et dont nous n'avons ras assez d'unités pour en faire des fonds spécifiques. On trouve la de nombreux journaux illustrés ou satiriques de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle : L'Illustration, L'Assiette au Beurre, Le Petit journal illustré, Les Hommes du jour, Les Femmes du jour,... Ils illustrent des faits divers et d'actualité ayant un rapport avec les femmes, et certain comportent des caricatures, souvent féroces pour les féministes, "cible" de choix. L"'iconographie diverse" comprend aussi des gravures, des lithographies, des dessins, des illustrations diverses extraites de publications dépareillées qui ont été découpées et classées par thèmes ; nous possédons encore des timbres émis pour commémorer des anniversaires de femmes célèbres ou d'événements particuliers, des buvards de propagande féministe illustrés, des calicots, des badges et des autocollants, et même quelques T-shirts. Nous continuons de collecter ces petits objets au cours de manifestations diverses, comme la Foire internationale du livre féministe, par exemple. De nombreux documents de cette"iconographie diverse" font partie de la donation initiale et ont appartenu à Marguerite Durand et à Séverine. Lorsque la bibliothèque se trouvait dans la Mairie du 5e arrondissement, beaucoup de ces objets et œuvres d'art étaient exposés dans la salle, aux murs et dans des vitrines. La configuration des nouveaux locaux ne permet plus cette exposition permanente; on peut cependant encore admirer dans la salle de lecture le grand et beau portrait de Marguerite peint par Jules Cayron en 1897, ainsi que son buste sculpté par Bernstamm en 1893, et offert a la bibliothèque en 1988 par Madame Périvier. Dans le bureau de la conservatrice se trouvent aussi trois bustes : celui de Louise Michel, en plâtre, celui d'Harlor, par Auguste Seysses, et celui, en bronze, de NeIly Roussel avec sa fille, sculpté par son mari Henri Godet. Deux vitrines achetées récemment vont permettre de présenter par roulement quelquesuns des nombreux autres objets actuellement rangés dans les magasins ; parmi eux on trouve des éventails, des médailles, un nécessaire d'écriture, les masques mortuaires de Sophie Germain et Clémence Royer, une petite fontaine en forme de tortue, une mèche de cheveux sous cadre de Marguerite Durand et une autre de la Princesse de LambaIle, qui fut décapitée. Font également partie de cet ensemble de nombreuses gravures, une aquarelle de La Malibran, trois dessins de Louise Michel, et plusieurs portraits a l'huile, dont certains sont tres beaux et out été restaurés récemment : un portrait du 17e siecle de Mademoiselle de Scudéry, un autoportrait de Maria Deraismes, les portraits de Marguerite Durand par Paul Merwart en 1883, de Léon Richer en 1880, d'Amélie Hammer, mère d'Harlor, d'Avril de SainteCroix par Théodor Axentowicz. Nous conservons aussi le bureau-secrétaire Louis XVI de Marguerite Durand. Ces objets out été inventoriés ; nous en avons prêté quelques-uns pour des expositions. Nous espérons nous-mêmes pouvoir organiser dans un avenir proche une exposition oïl ces objets témoigneraient de la richesse et de la diversité des collections de la bibliothèque.

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34.-Quatre caricatures extraites de L’Assiette au beurre, et Les Hommes d’aujourd’hui. Léon Richer (1824-1911) fut surnommé « l’home des femmes » . Journaliste, radical, Libre-penseur et franc-maçon, el fonda avec Maria Deraismes, le journal Le Droit des femmes en 1869 et « L’Association pour le droit des femmes » en 1870. Il organise le premier congrès féministe international en 1878 et fonde la Ligue pour le droit des femmes en 1882.

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Les fonds spéciaux d'Archives De nombreuses personnalités et plusieurs groupes ont légué leurs archives a la bibliothèque. Ces dons constituent des fonds propres répertoriés sous le nom de leurs donateurs. Les Fonds spéciaux relatifs a des personnalités Le fonds Jane Misme a été légué en 1957 par sa fille, Madame Brière-Misme. Jane Misme (1865-1935) militante féministe, fonda en 1906 le journal La Française et possédait une bibliothèque féministe. Le fonds comprend ses manuscrits et ses papiers personnels, une biographie manuscrite de sa fille, un album de photos contenant des portraits d'écrivains et de journalistes par le photographe Henri Manuel, des femmes en majorité, et une très importante collection de lettres. Par la suite, ce fonds a été complété par le don que nous a fait la 35.-Badges féministes bibliothèque du Trocadéro, dans le 16e arrondissement, des livres de la bibliothèque féministe de Jane Misme. Le fonds Andrée Lehmann nous a été donné par Madame Irène de Lipkowski. Andrée Lehmann (18931971), qui fut docteur en droit en 1923, entra au Barreau de Paris en 1921, année où elle s'inscrit à la Ligue française pour le Droit des femmes, dont elle sera la présidente à partir de 1945. Elle participe à toutes les manifestations du groupe en faveur du droit de vote; c'est elle qui en 1931 lâche des tracts féministes d'un avion sur le Palais du Luxembourg. Après la seconde guerre, elle participe aussi aux travaux de l'UNESCO et des Nations-Unies, et est vice-présidente de l'Open-Door International et de l'Alliance Internationale des Femmes. Elle travaille en collaboration avec des parlementaires sur des projets de loi intéressant les femmes. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages. Le fonds regroupe des documents imprimés et manuscrits relatifs à toutes ses activités et une partie des archives de la LFDF, des cartes postales et des photographies. Le fonds Cécile de Corlieu est un don de sa 'fille Madame Anne de Corlieu-Lavau. Cécile de Corlieu (1891-1982) est une féministe catholique, qui participa à l'Union pour le vote des femmes et au Conseil National des femmes, où elle assura de 1929 a 1935 le

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secrétariat de la Commission du travail. De 1933 à 1940, elle tient la chronique du journal L'Aube. Elle est l'auteur des Carnets d'une chrétienne moderniste (1971). Ce don comprend de nombreux papiers et documents et une importante correspondance. Le fonds Marguerite Thibert a été donné par Madame Catherine Pône, sa petite-fille. Marguerite Thibert (1886-1982), historienne, est l'auteur en 1926 d'une thèse sur "Le féminisme dans le socialisme français de 1830 à 1850". Eminente spécialiste du travail des femmes, elle était fonctionnaire au Bureau International du Travail, à Genève. Le fonds comprend un grand nombre de brochures et de documents provenant du BIT, ainsi que des papiers manuscrits relatifs au travail préparatoire à sa thèse. Le fonds Gabrielle Duchêne nous a été donné par la BDIC (Bibliotheque de documentation internationale contemporaine) ou se trouve une très importante collection Gabrielle Duchêne, et qui nous a offert ses doubles. Fondatrice en 1913 de l'Office français du travail féminin a à domicile , Gabrielle Duchêne (1870- 1954) créa aussi le Comité intersyndical contre l'exploitation de la femme pendant la première Guerre mondiale. Elle occupa des postes de responsabilité au sein de plusieurs mouvements internationaux en faveur de la paix, dont le Comité mondial contre la guerre et le fascisme, et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. Le fonds comprend des périodiques relatifs à ces questions, ainsi qu'a l'enseignement et la philanthropie, et des dossiers thématiques.

Affiche d'Alice Kaub-Casalonga (née en 1875, élève de Bougereau et Ferrier, membre de la Société des Artistes français á partir de 1898), réalisée pour le lancement du journal hebdomadaire de Jane Misme, La Française : journal du progrès féminin, en 1906. Jane Misme (1865-1935) fut secrétaire du groupe "L'Avant-courrière" puis collaboratrice á La Fronde; en 1909 elle devient vice-présidente de "L'Union française pour le suffrage des femmes". La Française est un journal féministe militant d'opinion modérée, qui paraîtra jusqu'en 1940. y collaborèrent, entre autres, Cécile Brunschvicg, Julie Siegfried, Suzanne Grinberg, Marguerite de WittSchlumberger. La bibliothèque possède un important fonds d'archives Jane Misme.

Le fonds Yvonne Netter, donné par son fils, Monsieur Didier Gompel, comprend des papiers personnels, des livres, de nombreuses coupures de presse d'articles écrits par et sur Yvonne Netter, le manuscrit d'une pièce de théâtre, écrite par Y. Netter et Marie-Madeleine Davy, Une femme ras comme les autres, le manuscrit de son journal intime, commencé le jour de ses 90 ans, ainsi que de la correspondance et des photographies. Yvonne Netter (1889-1985), infirmière major pendant la première guerre, obtient son doctoral en droit après la guerre et est en 1920 l'une

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des rares femmes avocates au Barreau de Paris. En 1925, elle devient présidente de la Ligue pour l'amélioration du sort de la femme et la revendication de ses droits, et participe aux campagnes suffragistes. Elle est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Le Code de la femme, Plaidoyer pour la femme française, Le Travail de la femme mariée. Le fonds Jeanne Chaton nous a été donné par Mademoiselle Huguette Delavault, actuelle présidente de l'Association Française des Femmes Diplômes des Universités. Jeanne Chaton (1899-1989) fut elle même présidente de cette association de 1956 a 1959. Professeur, agrégée d'histoire, Jeanne Chaton fut entre les deux guerres la collaboratrice d'Edouard Herriot et chargée de mission lors de la Conférence du Désarmement à la Société des Nations. En 1945, elle fait des conférences sur la France en Australie et Nouvell_Zélande ; elle participa de très près aux travaux des Nations-unies sur l'élaboration de la Convention sur les Droits de l'homme en 1948. Elle fut aussi expert consultant a l'UNESCO, où elle devint présidente du Comité des Organisations non gouvernementales, et représenta pendant dix ans la France a la Commission du Statut de la femme des NationsUnies. Elle appartint aussi à de nombreuses associations féminines, fut membre du Comité du Travail féminin. Le fonds comprend des papiers personnels et des documents relatifs à ses nombreuses activités. Le fonds Nelly Rousse a été légué en 1986 par sa fille Mireille Godet. Nous avons déjà évoqué la personnalité de Nelly Roussel (1878-1923), qui fut une collaboratrice de La Fronde et de l'Action. Ecrivaine, journaliste et conférencière, Nelly Roussel fut une grande figure du féminisme et milita tour particulièrement pour la "libre maternité" dans les mouvements néomalthusiens. Le fonds comprend les livres écrits par Nelly Roussel en multiples exemplaires, des périodiques, de nombreuses coupures de presse d'articles écrits par et sur Nelly Roussel, des dossiers, des photographies et une très importante quantité de manuscrits (textes de ses livres, articles et poèmes, agendas personnels, cahiers d'écolière...) et de correspondance avec son mari, sa fille et des personnalités diverses, ainsi que des papiers personnels et quelques objets. Ce legs représente un grand enrichissement pour la Nelly Roussel (1878-1923), avec sa fille Mireille. bibliothèque. Le fonds Jeanne Humbert est un fonds un peu particulier dans la mesure ou les documents et archives qui le composent ne sont pas des originaux, mis a part

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Photographie, noir et blanc, s. d. Féministe néo-malthusienne, femme du sculpteur Henri Godet, Nelly Roussel fut une journaliste et une conférencière brillante. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Quelques lances rompues pour nos libertés (1910), L'éternelle sacrifiée (édité par Syros en 1978), Derniers

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combats, remeil d'articles et de discours (1932). quelques brochures et périodiques. Ces archives font partie d'un fonds plus important et nous ont été prêtées par Monsieur Francis Ronsin, professeur a l'Université Paris VII, exécuteur testamentaire de Jeanne Humbert, avant qu'elles ne soient données à l'Institut d'Histoire Sociale d'Amsterdam. Nous les avons donc photocopiées ou microfilmées. Jeanne Humbert (1891-1986) et son mari Eugène Humbert étaient des militants anarchistes qui ont surtout voué leur vie au combat néo-malthusien, en faveur de la contraception et de la liberté de l'avortement, à une époque où ces revendications étaient passibles de prison, où ils ont passé un certain nombre d'années l'un et l'autre. Le fonds comprend de nombreuses brochures, des périodiques très importants pour l'histoire du mouvement néo-malthusien (Génération consciente, Régénération, la Grande Réforme,...) des documents relatifs à l'action des Humbert, une abondante correspondance autographe, parmi laquelle des lettres de Madeleine Pelletier, Nelly Roussel, Bertie Albrecht..., quelques affiches et photographies, les tapuscrits des articles et conférences de Jeanne Humbert, son journal manuscrit à partir de 1939, étc.

Le fonds Marion Gilbert est un don de son fils, Monsieur Alain Bussard, en 1990. Marion Gilbert (1876-1950) se lie des 1900 aux milieux féministes et participe activement à leurs luttes. Elle tient longtemps la rubrique d'actualité à La Française et collabore à beaucoup d'autres journaux. Traductrice de nombreuses oeuvres anglaises, elle écrit son premier roman Du sang sur la falaise en 1913. Son oeuvre abondante contient des romans, dont Le Joug, qui lui vaut le Prix Fémina anglais, des contes, des poèmes, des pièces de théâtre et une étude sur les clubs anglais. Elle est aussi, avec Aurore Sand, la fondatrice du Club George Sand. Elle fut l'amie de nombreuses personnalités. Le fonds comporte une riche documentation sur sa vie et son oeuvre : de nombreux manuscrits, dont ceux de plusieurs de ses oeuvres, de la correspondance, des. périodiques, des contrats d'édition, des photographies, etc. Le fonds Marguerite Grépon comprend surtout les manuscrits des oeuvres de cette écrivaine et poète et la collection de sa revue. Marguerite Grépon (18951982), amie de Jean Paulhan et Paul Gadenne, fréquenta les cercles littéraires et poétiques. Elle est la fondatrice de la revue Ariane : cahiers féminins, qui parut de 1953 a 1973. Ariane est essentiellement une revue littéraire, mais exprime aussi les vues féministes originales de sa fondatrice selon laquelle les femmes avaient réussi à conquérir des droits dans la société mais devaient encore accéder au plein exercice de leur liberté individuelle. Marguerite Grépon est également l'auteur d'une histoire des Saint-Simoniennes et la fondatrice du prix du Journal Intime. Le fonds Maryse Choisy a été légué par Madame Madeleine Berthaud en 1986. Docteur en philosophie en 1926, Maryse Choisy 0903-1979) fut journaliste et écrivaine. En 1928, elle est l'auteur d'un reportage sur la prostitution, Un mois chez les filles qui remporta un succès à scandale. En 1939, elle se convertit, sous l'influence de Teilhard de Chardin ; mais elle s'intéresse à toutes les spiritualités, en particulier à l'hindouisme ; elle rencontre Tagore, fait une retraite dans un ashram. Elle voyage aussi en Afrique et Asie ; en 1966 elle fondera l'Alliance Mondiale des religions. Elle est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages et la fondatrice en 1946 de la revue Psyché , première revue de psychanalyse et des sciences de l'homme.

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Le fonds Anais Nin nous a été donné en 1990 par Madame Marie-Claire Van der Elst, traductrice française d'Anaïs Nin (1914-1977). Il comprend l'ensemble des oeuvres de l'écrivaine en éditions originales, avec dédicaces autographes de l'auteur, ainsi que des livres d'écrivains de son entourage" en particulier Henry Miller, des études sur l'oeuvre d'Anaïs Nin, de très nombreuses coupures de presse, la photocopie de l'intégralité des innombrables lettres d'Anaïs à sa mère, ainsi que quelques lettres autographes originales adressées à Madame Van der EIst et relatives au travail de celle-ci sur son oeuvre, des périodiques et quelques photographies. Notons que très prochainement nous allons recevoir un don d'archives concernant JulieVictoire Daubié, première bachelière française en 1861. Les fonds relatifs à des groupes et à des revues Le fonds "Documentation Femmes". Cette association regroupait des femmes, documentalistes pour certaines d’entre elles, "réunies dans le désir de participer aux luttes des femmes et d'en garder la mémoire en classant et analysant tout ce qui se dit, s'écrit, s'invente sur les femmes, et particulièrement de ce qui émane d'elles" (extrait du n° 0, mai 1978, de leur bulletin). Le centre de documentation ainsi créé, qui se trouvait rue de l'Ouest, dans le 14e arrondissement, réalisait une revue de presse, recueillait des documents, des articles et des "ephemera" divers, regroupés dans des dossiers. Le centre établissait des bibliographies, des répertoires d'adresses et éditait un bulletin, synthèse de ses activités et outil de réflexion. Il possédait aussi des livres, des brochures et des périodiques. Dissoute en 1980, l'association nous á fait don de toute sa documentation et de ses archives, qui représentent un volume très important et constitue un matériau très intéressant pour l'étude des mouvements de femmes en France et à l'étranger. Le fonds "Les Répondeuses" nous a été donné en 1988, par ce groupe qui démarra en mal 1977, avec trois femmes, une ligue téléphonique, un répondeur, deux magnétophones, une table de mixage et un micro. Composé ensuite de dix femmes, le groupe assurait un journal téléphonique, réalisé à partir des informations et des questions des femmes qui appelaient le numéro de téléphone des "Répondeuses" et laissaient leurs messages. Le fonds comporte vingt cahiers manuscrits ou étaient notés tous les messages reçus, des fiches mettant en ordre les informations obtenues, de la correspondance, des tracts et des cassettes enregistrées. Ces documents apportent des témoignages directs, et très vivants. Le fonds de la "Fédération française des Eclaireuses" donné en 1989, est constitué de brochures, surtout des "Manuels de cheftaines", de périodiques depuis les années trente (L'Alouette, Le Trèfle, Prête), de correspondances, de textes divers : notes de services, comptes-rendus de commissions, programmes d'activités,…. Le fonds des "Soroptimist". Le premier club Soroptimist est fondé en 1921, en Californie. Chacune des femmes membres du club exerce des responsabilités professionnelles et représente un secteur d'activité. Leurs actions sont surtout humanitaires et se fondent sur la solidarité internationale. En 1924, le Docteur Suzanne Noël (18781954), féministe et pionnière de la chirurgie esthétique, ronde le premier club français.

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D'éminentes personnalités en feront partie, comme Jeanne Lanvin, Anna de Noailles, Nadia Boulanger et Marguerite Durand. Aujourd'hui les clubs Soroptimist comptent plus de 65 000 membres a travers le monde. Le don fait a la Bibliothèque comporte entre autres documents de la correspondance du Docteur Noël, la revue du Club et des photographies. Le fonds "Histoires d'Elles". Histoires d'Elles était un périodique féministe qui a paru de mars 1977 a avril 1980, hebdomadaire puis mensuel, dirigé par Evelyne Le Garrec ; l'équipe de rédaction comptait entre autres Nancy Huston et Leila Sebbar ; les collaboratrices étaient des femmes "anonymes" et des chercheuses féministes comme Liliane Kandel ou Christine Fauré. Le journal soutenait les revendications des féministes, mais souhaitait toucher un large publico Original et de qualité, il ne put trouver un public suffisant ni soutenir la concurrence de nouveaux titres, aux moyens financiers plus importants. Histoires d'Elles nous a donné l'ensemble de ses archives. Le fonds "Pénélope" nous a été donné par Madame Daniele Poublan en 1990. La revue Pénélope : pour l'histoire des femmes parut de juin 1979 a novembre 1985. Publiée par le groupe d'Etudes féministes de l'Université Paris 7 et le Centre de Recherches historiques de l'Ecole des Hautes Eludes en Sciences Sociales, puis par l'Association "Pénélope", cette très intéressante revue avait pour but de "stimuler la réflexion sur cette dimension de l'histoire qu'est l'histoire des femmes et sur cette dimension qu'est pour les femmes leur temps collectif'. Les numéros étaient thématiques (Les femmes et la presse, femmes et techniques, femmes et associations, etc.). Outre les archives proprement dites (courrier, statuts, factures, dossier de subvention, fichiers d'adresses, bulletins d'abonnements, documents bancaires et fiscaux) le fonds comprend la collection de la revue, des plaques d'imprimerie, des livres, des brochures et des périodiques. . Les fonds spéciaux d'archives constituent l'une des plus grandes richesses de la bibliothèque. La majorité de ces fonds ont été inventoriés, plus ou moins sommairement, mais aucun n'a été intégralement traité et catalogué, car ce travail est très long et parfois malaisé. Les inventaires établis sont à la disposition des chercheurs fréquentant la bibliothèque, qui peuvent consulter ces fonds. Certains nous ont d'ailleurs parfois aidées à classer des fonds, en rapport avec le sujet de leur recherche.

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Public, services offerts, activités

Le public On ne sera sans doute ras surpris que le public qui fréquente la bibliothèque soit en grande majorité un public féminin (environ 85%). Les études sur les femmes sont en effet surtout menées par des femmes, pour des raisons à la fois évidentes et complexes, pourrait-on dire. Dans les années 70 et au début des années 80, beaucoup d'universitaires, historiennes, juristes, littéraires, sociologues se sont engagées dans les mouvements de lutte et ont été des militantes actives. Comme on le sait, ces mouvements ont longtemps considéré que la nonmixité dans les actions et les réflexions a mener était une étape nécessaire, comme pour toute "minorité" ; ces femmes ne voulaient plus qu'on continue de "parler à leur place" et revendiquaient la "réappropriation" de leur histoire. En réalité, plus que de "réappropriation", il s'agissait le plus souvent plutôt d'une découverte, la place des femmes dans l'histoire, et dans la littérature, la musique, ou tout autre sujet, ayant la plupart du temps été réduite à quelques "figures" célèbres. D'abord soucieuses de mettre en évidence les fondements de la domination exercée sur les femmes, la recherche s'est ensuite attachée à montrer que les femmes étaient aussi "agents" de l'histoire. Souvent accusées de vouloir s'enfermer dans un "ghetto", les chercheuses féministes ont en fait bien souvent ouvert des champs d'études auxquels les hommes s'étaient rarement intéressés, quelques exceptions remarquables mises à part. Quoi qu'il en soit, les femmes demeurent donc le public majoritaire de la bibliothèque, même si une tendance se dessine depuis quelques années, qui montre une fréquentation masculine plus importante. Les lecteurs les plus nombreux sont des étudiants, le plus souvent au niveau de la licence au moins. Depuis le déménagement de la bibliothèque dans le 13e arrondissement il faut cependant noter un accroissement du nombre des étudiants de premier cycle, dû à la proximité de l'Université Paris 1 - Tolbiac. Viennent ensuite les enseignants, les plus nombreux étant ceux de l'enseignement supérieur, puis les personnes exerçant des professions de l'information : journalistes de la presse écrite et de l'audiovisuel, éditeurs, iconographes. Se rendent également à la bibliothèque des lecteurs travaillant dans des professions du domaine du social et de la santé, souvent liés a des associations. Comme nous avons eu l'occasion du dire plus haut, les lecteurs de la bibliothèque Marguerite Durand sont souvent des lecteurs "actifs", dans ce sens qu'ils participent à l'enrichissement de la bibliothèque : ils nous font très souvent don d'un exemplaire de leur livre, de leur article ou de leur thèse que la documentation de la bibliothèque les a aidés à écrire. Beaucoup nous donnent également des documents divers (tracts, affiches, coupures de presse) liés à leurs 'activités personnelles ou au sein d'associations. Au cours de leur travail, nous sommes parfois amenées à leur indiquer des pistes de recherchés, ou à les mettre en relation avec d'autres chercheurs travaillant dans un domaine

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voisin ou complémentaire ; des lecteurs peuvent à l'inverse nous signaler des travaux en cours dont nous n'avions pas connaissance. Il se crée ainsi un réseau vivant d'information. Les domaines de recherches et d'études des lecteurs sont très variés : nous recevons beaucoup d'historiens et historiennes ; parmi quelques exemples de travaux, citons la presse féministe, les grandes figures du féminisme de la fin du 19e siècle, du début du 20e ou de l'entre-deux-guerres mais aussi l'histoire des mouvements de libération de femmes contemporains, les syndicats féminins, la politique gouvernementale sur le contrôle des naissances, etc. Les recherches littéraires sont également bien représentées, autant sur des personnalités littéraires (Louise Colet, Renée Vivien, Colette, Lucie Delarue-Mardrus, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras,.. .) que sur des thèmes ou des genres : les femmes metteurs en scène du théâtre contemporain, l'image de la femme chez tel auteur ou dans telle oeuvre, histoire de la femme auteur au 19e siècle, etc. Les sociologues sont également assez nombreux, avec des sujets comme l'image de la femme dans la publicité, leur place dans les médias, les modes de garde des enfants, les familles mono-parentales.... Ce ne sont la que quelques exemples, que nous pourrions multiplier dans d'autres domaines comme le droit, la religion ou les arts, sans compter des recherches "pluridisciplinaires". Nous ajouterons enfin que nous recevons une grande proportion de lecteurs étrangers, en particulier de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, mais aussi de Thaïlande ou du Japon, et de nombreux autres pays (31 nationalités recensées en 1991). Nous nous réjouissons d'accueillir ces lecteurs qui viennent souvent chaque jour pendant tour l'été; ils nous permettent d'avoir une ouverture directe sur les recherches effectuées dans leurs pays et ils sont la preuve de la renommée internationale de la bibliothèque. Services offerts La vocation première de la bibliothèque est évidemment l'accueil et l'information des lecteurs. La bibliothèque est ouverte au public l'après-midi, vingt heures par semaine, du mardi au samedi. Cette ouverture le samedi, qui n'existait pas lorsque la bibliothèque se trouvait dans la mairie du 5e arrondissement, est appréciée des lecteurs qui travaillent durant la semaine. La bibliothèque est accessible à tous les lecteurs travaillant sur les documents des collections ; ces documents sont a consulter sur place; il ne peuvent être empruntés. Nous offrons une aide très suivie aux lecteurs, pour le maniement des divers fichiers, en les incitant à utiliser leur complémentarité. Les étudiants, qui constituent la part la plus importante du public, ne sont pas toujours très précisément fixés sur le thème de leur recherche. Lors de leurs premières visites nous essayons de les aider dans leur choix, en leur donnant des conseils bibliographiques et des méthodes de recherche et d'orientation. Nous facilitons l'accès des chercheurs aux documents en cours ou en attente de traitement, en particulier aux "fonds spéciaux" d'archives, qui leur sont très précieux. La réorientation du public vers d'autres établissements susceptibles de compléter leur documentation ou de pallier les lacunes de nos collections sur certaines périodes ou certains

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sujets est également une mission essentielle. Nous possédons des annuaires spécialisés et un important fichier d'adresses, que nous mettons volontiers à la disposition des lecteurs : adresses de bibliothèques et de centres de documentation, mais aussi d'associations ou d'autres chercheurs. Par téléphone nous donnons des renseignements pratiques sur les conditions d'accès à la bibliothèque, son fonctionnement et la nature de son fonds. Nous faisons également des recherches ponctuelles dans les fichiers et les documents. Nous offrons également un service de renseignements par correspondance aux provinciaux et aux étrangers, qui sont très nombreux à s'adresser à nous mais ne peuvent se rendre à Paris. Les demandes sont d'une grande variété, tantôt très, voire trop, générales, tantôt très précises. Ces recherches sont souvent longues à effectuer, mais nous essayons de les satisfaire au mieux. . Nous établissons des bibliographies sur des thèmes ou des personnalités.; mais certains correspondants, isolés, éloignés de toute bibliothèque ou centre de documentation, nous demandent aussi des documents. Nous leur envoyons souvent des photocopies, lorsque leur sujet n'est pas trop large. Comme nous le faisons pour des lecteurs qui sont venus chez nous, nous leur fournissons, quand cela est possible, des adresses d'autres établissements, proches de leur domicile, ou plus adéquats pour leur recherche. Une photocopieuse est à la disposition du public à la bibliothèque. Certains documents trop anciens ou en mauvais état, ne peuvent être photocopiés. Nous disposons également d'un lecteur reproducteur de microfiches et microfilms. Les chercheurs out en outre la possibilité de photographier tous les documents de la bibliothèque, pour leur usage personnel, pour reproduction dans un livre ou un article, ou pour des expositions. Pour les photographies qui font partie de notre fonds iconographique mais dont les droits sont réservés, les lecteurs doivent s'adresser directement au photographe ou à l'agence qui le représente. Nous prêtons nos documents pour des expositions, dans des bibliothèques, des musées ou à des associations. Les plus demandés sont les documents iconographiques : photographies, cartes postales anciennes et affiches, mais nous avons également l'occasion de prêter des livres ou des périodiques. Nous participons au prêt inter-bibliothèques en France et à l'étranger. Les demandes ne peuvent être toutes satisfaites, car elles portent souvent sur des livres anciens, rares et épuisés, que nous ne possédons qu'en un exemplaire et que nous ne voulons pas prendre le risque de voir endommagés ou égarés ; c'est là un dilemme que connaissent beaucoup de bibliothèques spécialisées possédant des fonds anciens ; il faut souvent privilégier la conservation d'un patrimoine sur la communication "sans entrave". La possibilité de faire réaliser une microforme est alors souvent une solution de substitution satisfaisante pour les deux parties. Depuis 1987, la bibliothèque participe au catalogue collectif des ouvrages étrangers (CCOE), service de la Bibliothèque Nationale qui répertorie et localise les ouvrages édités à l'étranger, acquis et conservés par les bibliothèques françaises. Depuis 1990, nous participons également au catalogue collectif national des périodiques (GGN), secteur Sciences Humaines, localisé à la Bibliothèque de la Sorbonne. Nous possédons du fait de narre participation à ce service, les microfiches annuelles répertoriant et localisant les titres saisis ; cela nous permet d'orienter nos lecteurs vers d'autres établissements lorsque nous ne possédons pas un titre, ou qu'il n'est pas complet dans nos

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collections. L'informatisation de la bibliothèque est prévue dans le programme d'informatisation des bibliothèques spécialisées du réseau parisien pour 1994 ou 1995. Des contacts récents ont été pris par le Bureau des Bibliothèques avec la future Bibliothèque de France pour inclure nos collections de livres dans le catalogue collectif dont cet établissement à la responsabilité. Nous espérons beaucoup de cette informatisation. Elle nous permettra d'effectuer un travail plus rapide et plus efficace, elle sera très utile aux lecteurs qui sont maintenant habitués à mener leurs recherches avec cet outil. Elle accroîtra de façon sensible l'audience de la bibliothèque en permettant la diffusion des données sur nos collections et un travail en collaboration avec de nombreux organismes. Activités de la bibliothèque Parallèlement aux fonctions quotidiennes et traditionnelles qu'elle assure : l'accueil, le renseignement et l'orientation des lecteurs, ainsi que l'acquisition, le traitement et l'entretien des collections, la bibliothèque participe à de nombreuses activités, dans un double but : faire connaître la bibliothèque à l'extérieur et multiplier les contacts bénéfiques à son enrichissement. De nombreux articles sur la bibliothèque ont paru dans la presse écrite française et étrangère ; on en trouvera une sélection dans la bibliographie qui clôt cet ouvrage. Nous sommes également sollicités par la radio et la télévision ; en novembre 1991, "France Culture" à diffusé une émission de deux heures sur Marguerite Durand, dans la série "Profils perdus" ; en 1985, la chaîne de télévision Antenne 2 à réalisé un film sur la fondatrice de la bibliothèque. Nous avons également prêté à plusieurs reprises des documents pour illustrer des émissions, ce qui permet de faire connaître nos collections. Diverses manifestations parisiennes visant à promouvoir le livre et la lecture, comme le Salon du Livre ou "La Fureur de Lire" permettent à un large publique découvrir notre établissement ; des stands du Bureau des Bibliothèques de la Ville de Paris présentent notre dépliant d'information et les cartes postales, que nous avons fait réaliser à partir de documents de nos collections. Le Service Audiovisuel des bibliothèques a également réalisé une vidéocassette sur la bibliothèque et sur ses collections. Nous espérons que le présent ouvrage contribuera lui aussi à la promotion de ses collections et fera mieux connaître l'histoire de la bibliothèque et de sa fondatrice. Nos participons d'autre part a des journées d'études, congrès, colloques, conférences et débats divers. Les uns ont pour but notre formation professionnelle générale et concernent par exemple les nouvelles technologies documentaires, les archives, ou l'indexation matières, les autres sont en rapport avec le fonds spécialisé de la bibliothèque et concernent l'histoire des femmes et du féminisme. Nous nous y rendons pour rencontrer des gens qui travaillent dans le même domaine que nous ou de manière complémentaire, dans la recherche ou dans la documentation. C'est aussi pour nous l'occasion de recueillir des documents que nous ne pourrions trouver ailleurs, tels que comptes-rendus, tracts, bibliographies, adresses, etc., et de faire connaître notre bibliothèque et les, ressources qu'elle offre. Nous sommes parfois invitées à faire une communication sur notre établissement lors de ces journées. De telles rencontres sont assez

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fréquentes à Paris et nous essayons de nous y rendre le plus souvent possible. Nous participons aussi à des manifestations internationales se déroulant à l'étranger ; c'est ainsi que tous les deux ans depuis 1984 nous sommes présentes à la Foire Internationale du livre féministe, qui s'est tenue successivement à Londres, Oslo, Montréal, Barcelone et Amsterdam. Cette Foire nous permet de nouer des contacts avec nos collègues étrangers, de rencontrer des éditeurs spécialisés dans notre domaine et de rapporter des catalogues, une documentation diverse et de nombreuses informations. En 1991, nous nous sommes rendue à Istanbul pour un symposium international sur les bibliothèques de femmes ; outre nos collègues turques, organisatrices de cette manifestation, nous avons rencontré, dans une ambiance chaleureuse, les responsables des plus importantes bibliothèques consacrées aux femmes aux Etats-Unis, en GrandeBretagne, en Allemagne et aux Pays-Bas. Chacun a présenté son institution et fait le point sur les études féministes dans son pays de 1980 a 1990. Ces journées ont suscité de passionnants débats et nous ont permis d'élaborer le programme d'une coopération très fructueuse. Les actes de ce symposium doivent faire l'objet d'une publication bilingue, en turc et en anglais. De façon plus courante, nous entretenons des relations suivies avec de nombreux centres ou organismes ayant une vocation semblable à la notre ou complémentaire, tels le Centre de documentation du Secrétariat d'Etat aux Droits des femmes, celui du Planning Familial, le. Centre National d'Information des femmes et des familles, le centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, etc.; ces organismes nous adressent leurs publications et orientent de nombreux lecteurs vers notre bibliothèque. Avec les documentalistes de plusieurs de ces centres, nous participons actuellement à l'élaboration d'un répertoire des bibliothèques et centres de documentation sur les femmes en France et dans les pays francophones. Ce répertoire sera édité par l'ADBS (Association des documentalistes et bibliothécaires spécialisés), dont nous faisons toutes partie et au sein de laquelle nous avons constitué un groupe "Documentation-femmes". Cette publication sera très utile, aucune n'étant actuellement disponible, malgré la demande, contrairement à d'autres pays. Nous prévoyons ultérieurement l'élaboration d'un thésaurus. La Bibliothèque a d'autre part été sollicitée pour être le centre français pour la mise à jour et la diffusion de la banque de données européenne "Grâce", créée par le GRIF (Groupe de recherche et d'information féministe), à la demande de l'Union pour l'Egalité des chances de la Commission des Communautés Européennes. Nous espérons que le projet d'informatisation de la bibliothèque, qui est en bonne voie, nous permettra d'assumer cette importante fonction, qui accroîtra sensiblement l'audience et le rayonnement de la bibliothèque. Nous faisons visiter la bibliothèque à de très nombreuses personnes, individuellement ou en groupes. Leurs intérêts sont divers ; il peut s'agir de professeurs , d'Universités voulant faire connaître les ressources de l'établissement à leurs étudiants, de chercheurs, souvent étrangers, qui souhaitent prendre contact avec nous dans la perspective de recherches approfondies sur telle ou telle de nos collections, ou de collègues, français et étrangers, connaissant la bibliothèque de réputation, et dont certains ont le projet de fonder une bibliothèque ou un centre de documentation sur les femmes dans leur région ou leur pays et viennent nous demander conseils, suggestions, adresses, etc.

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Bien que cela soit très prenant, nous assurons avec plaisir et intérêt cette mission de "conseillères" qui nous permet de nouer des contacts durables et souvent fructueux par la suite : envois de publications, d'informations; invitations à des visites d'autres établissements, rencontres diverses,... Cela contribue aussi pour beaucoup au rayonnement et à la renommée de la bibliothèque, qui est vraiment considérée comme le lieu de référence français dans le domaine. Depuis le déménagement de la bibliothèque dans le 13e arrondissement, nous y avons organisé quelques manifestations ; en 1990, à l'occasion du Mai du Livre d'art, en collaboration avec la Médiathèque Jean-Pierre Melville, nous avons invité des éditeurs et des auteurs qui ont présenté des livres d'art, en rapport avec les femmes et l'art, et animé des débats ; en octobre 1991, pour "La Fureur de lire",'nous avons organisé une rencontre avec les responsables des éditions "Côté-femmes", qui ont présenté leurs collections et animé un débat autour d'un de leurs livres, en présence de l'auteur. En novembre 1992, à l'occasion du mois de la photo, nous présenterons avec la Médiathèque Jean -Pierre Melville une exposition intitulée "Images de la femme", réalisée par l'Association "Vive 91" et qui réunit 43 photographies de grands photographes, présentant leur vision personnelle de la femme et de sa place dans la société. Malgré les difficultés pratiques que posent de telles manifestations, en raison de la disposition des locaux, nous espérons pouvoir en organiser de nouvelles dans l'avenir. Nous souhaitons en effet faire découvrir la bibliothèque Marguerite Durand à un public plus large que celui qui la fréquente tout naturellement depuis longtemps, et particulièrement au public parisien qui, paradoxalement, la connaît souvent moins bien que les provinciaux et les étrangers. Si la Bibliothèque Marguerite Durand reste et doit rester une bibliothèque spécialisée, la richesse et la diversité de ses collections méritent de susciter la curiosité et l'intérêt d'un public varié.

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Conclusion

Créée par une figure prestigieuse du féminisme français, la Bibliothèque Marguerite Durand à connu de longues années difficiles après la mort de sa fondatrice en 1936. Depuis dix ans, la Mairie de Paris, consciente de la valeur et de l'intérêt de ses collections, l'a dotée d'un personnel qualifié et de crédits permettant l'accroissement et l'entretien des collections. Soixante ans après sa création, la Bibliothèque voit s'ouvrir de nouvelles perspectives ; l'informatisation prochaine représentera une étape importante pour l'exploitation et la diffusion des ressources offertes par les collections. Elle nous permettra aussi de traiter plus rapidement les nombreux documents qui doivent encore l'être, en particulier les fonds spéciaux d'archives, qui s'accroissent régulièrement et sont l'une des grandes richesses de la Bibliothèque. . Nous espérons enfin que cet ouvrage sera suivi d'autres publications, qui feront mieux connaître nos collections et susciteront l'intérêt d'un public, que nous souhaitons voir s'accroître et se diversifier.

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Bibliographie

Ouvrages généraux ABENSOUR Léon, Histoire générale du féminisme. Paris: Delagrave, 1921. ALBISTUR Maïté et ARMOGATHE Daniel, Histoire du féminisme français du moyen-âge a nos jours. Paris: Ed. des femmes, 1977. BARD Christine, Le mouvement féministe en France de 1914 a 1939. Mém. DEA, dactyl., Paris 7,1989. BOUCHARDEAU Huguette, Pas d'histoire, les femmes? Paris: Syros, 1977. BRAULT Eliane, La Franc-maçonnerie et l'émancipation des femmes. Paris: Dervy, 1953. GRINBERG Suzanne, Histoire du mouvement suffragiste depuis 1848. Paris: H. Goulet, 1926. L'HISTOlRE SANS QUALITES.. Paris: Galilée, 1979. KLEJMAN Laurence et ROCHEFORT Florence : L'égalité en marche: le féminisme sous la Troisième République. Paris : Des Femmes -Presses de la FNSP, 1989. id. L'égalité en marche: histoire du mouvement féministe en France 1868-1914. Thèse dactyl., Paris 7, 1987. id. Orientation bibliographique pour l'histoire du féminisme en France de 1945 a 1985 in : Bulletin de l’Institut d'histoire du temps présent, no23, mars 1986 (P.31-70). MICHEL Andrée, Le Féminisme. Paris: PU.F., 1979. MONTREYNAUD Florence, Le vingtième siècle des femmes. Paris: Nathan, 1989. PERROT Michelle Dir , Une Histoire des femmes est elle possible ? Paris: Rivages, 1984. RABAUT Jean, Histoire des féminismes français. Paris: Stock, 1978. THIBERT Marguerite, Féminisme dans le socialisme Français. Paris: M. Giard, 1926. ZYLBERBERG-HOCQUARD Marie-Hélène Féminisme et syndicalisme en France. Thèse dactyl., Tours, 1973. . Id: Paris : Anthropos, 1978. VALETTE Aline et CAPY Marcelle, Femmes et travail au 19e siècle : enquêtes de La Fronde et La Bataille syndicaliste. Paris: Syros, 1984. WEITZ Margaret, Femmes, recent writirigs on French women. Boston : G.K. Hall, 1985.

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Bibliothèques et centres de documentations sur l'histoire des femmes : ALBISTUR Maité, Catalogue des archives de Marie-Louise Bouglé. Paris : Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 1982 (dactyl.). CARTER Sarah et RITCHIE Maureen, Women's studies: a guide to information sources. London : Mansell, 1990. MATERIAUX POUR L'HISTOIRE DE NOTRE TEMPS, nº1, janvier-mars 1985. Nanterre : Ass. des amis de la BDlC, 1985. LES MOUVEMENTS DE FEMMES (1919-1940) : GUlDE DES SOURCES DOCUMENTAlRES. In : Vie sociale, n° 11-12, 1984 (Paris : Cedias-Musée social, 1984). SEARING Susan, lntroduction to library resarch in women's studies. London : Westview Press, 1983.

Ecrits de Marguerite Durand : CARNETS : du 6 juillet au ler aout 1889 manuscrit du 22 janvier au 14 décembre 1897 manuscrit

AGENDAS années : 1899, 1903, 1905, 1906, 1907, 1908, 1910, 1912, 1914, 1917, 1925, 1926, 1927, 1928, 1929, 1930, 1936.

CORRESPONDANCE : manuscrits reliés en un volume correspondants de M. Durand : manuscrits reliés en deux volumes

MANUSCRITS reliés en trois volumes : vol. 1 : Réflexions sur l'amour ; Antisémitisme ; Affaire Dreyfus ; Séverine interroge le Pare Léon XIII ; Cinq discours a la mémoire de Séverine : 1929-1930 ; Protection de l'enfance ; la Traite des enfants ; Féminisme ; Travail ; L'Ecole laïque ; Le monde; L'Impératrice Eugénie ; Conférence 1913 sur les "Eclaireuses" de Maurice Donnay. vol. 2 : Cours faits a l'école des filles rue des Vinaigriers : 1921 ; Elections municipales 1925 ; L'égalité d'abord ; Collège libre des sciences sociales: 12 novembre 1927 ; Le féminisme, ce qu'il a obtenu, ce qu'il attend : Besançon, 1928 ; Causerie sur la Maison des journalistes et "La Fronde". vol. 3 : Conférence sur les femmes célèbres du cinquième arrondissement : 1934 ; L'art oratoire ; Conférence sur le vote des femmes ; Les femmes dans le journalisme ; Discours prononcé aà l'occasion de l'apposition d'une plaque a la mémoire d'Hubertine Auclert ; Notes; Réflexions sur des sujets divers. Notes autobiographiques adressées à Jane Misme en 1930. 9 pages manuscrites. .

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Sur Marguerite Durand :

HARLOR, Interview de Marguerite Durand. Tapuscrit. LABRIOLE Marie-Rose de, Marguerite Durand. Tapuscrit, Paris, 1968. LAGUERRE Odette, Correspondance avec Marguerite Durand. Manuscrit. LAJUGIE DE LA RENAUDlE Odette, Lettres et notes manuscrites relatives à Marguerite Durand. MOREY Micheline, Hommage à Marguerite Durand, féministe française. Conférence donnée au thé féministe de la Ligue du Droit des Femmes a Bordeaux le 28 mars 1936. Tapuscrit. HUAS Jeanine, Sur les traces du Tigre: romano Paris : Lachuré, 1987. GOLIBER Sue Helder, The life and times of Marguerite Durand. Thèse PhD, Kent State University, 1975 (dactyl.). LASNE Laurent, L'île aux chiens : le cimetière des chiens, Asnières, 1899, naissance et histoire. BoisColombes : A. Val-Arno, 1988. MERME IX, Les Coulisses du Boulangisme. Paris : L. Cerf, 1890.

Articles : BRAUDE Beatrice "Lost women : Marguerite Durand, journalistic mother of us-all in : Ms, vol. 1,

nº 9, mars 1973, p.33-35. "Les comédiennes et le féminisme, Mme M. Durand, directrice de "La Fronde", évoque devant nous ses souvenirs de la Comédie Française" in : La Rampe, n° 285, mai 1922. "Les dix femmes les plus célèbres du 1ge siècle" in : L'intermédiaire des chercheurs et des curieux, 102030 septembre 1922, p.677. DUDIT Suzanne "Une grande féministe 'est morte : Marguerite Durand" in : Minerva, 29 mars 1936. GEESTELlNK Marguerite "Marguerite Durand et "la Fronde"" in : l'Eveil de la femme, n° 2, 20 octobre 1932. LABRIOLE Marie-Rose de "Une femme a l'avant-garde de son époque : Marguerite Durand 18641936" in : Femmes diplômées, no69, ler Trim. 1969, p.2-8. LHERMITTE G. "L'effort" in : Le Droit des Femmes, avril1936, p.49-51. MISME Jane- "Les grandes figures du féminisme : Madame Marguerite Durand" in : Minerva, 9

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novembre 1930. SEVERINE "Marguerite Durand" in : la Volonté, l2 juin 1926. "La vie d'action de Marguerite Durand" in : la Française, 25 janvier 1936.

Emissions Radio et TV: "Marguerite Durand" : émission radiodiffusée sur France-Culture, dans la série "Profils perdus" les 14 et 21 novembre 1991. "Au nom des femmes : Marguerite Durand" : film diffusé par Antenne 2,dans "Aujourd'hui la vie" le mardi 30 avril1985.

LA FRONDE Quotidien, paraît du 9 décembre 1897 au 1er septembre 1903. Mensuel, paraît du 1er octobre 1903 au 1er mars 1905. Reparaît pour 4 numéros en juillet 1914. De nouveau quotidien entre le 17 août et le 3 septembre 1914. Quotidien de mai 1926 a mi-juillet 1927, hebdomadaire de mi-juillet 1927 à juillet 1928. Un numéro consacré au centenaire de Clémence Royer, le 19 juin 1930.

Sur La Fronde:

CESBRON Sylvie, Un journal féministe en 1900 : La Fronde, 1897-1903. Mém. de maîtrise, Paris 7, 1976 (dactyl.) . GOLlBER Sue Helder, A phase of French feminism : La Fronde: 1897-1926 Thèse MA, Kent State University, 1971 (dactyl.). JAMI Irène, La Fronde quotidien féministe .1897-1903 et son role dans la défense des femmes salariées. Mém. de maîtrise, Paris 1, 1981 (dactyl.). LANGLOIS Pamela, The Feministes:; in England and France 1875-1900. Ann Arbot : University Microfilms International, 1986. (Thèse PhD Hist. Univ. of Massachussetts). LI DZEH DJEN, La Presse féministe de 1869 a 1914. Paris : Libr. Rodstein, 1934. SULLEROT Evelyne, La Presse Féminine, Paris : A. Colin, 1966.

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Articles sur la Bibliothèque Marguerite Durand "La Bibliothèque Marguerite Durand" in : La Française, 2 oct. 1937. BLANC Simone, "La Bibliothèque Marguerite Durand" in : Bulletin de L'Association des bibliothécaires français, 1er trim. 1988, p. 44-48. CHIFFON Augustine, "Les temples de la culture" in : Paris féministe, nº 98, 15-31 mars 1990, p. 31-2. DECAEN Alice, "La Bibliothèque Marguerite Durand" in: L'Essor féminin, 25 mars 1935. DONKER Birgit et SMIT Vita, "Bibliothèque Marguerite Durand" in: Lover, nº 3, 1990, p. 183-185. . FOVEAU DE COURMELLES, "Une bibliothèque féministe est créée" in : L'indépendance luxembourgeoise, 13 mars 1933. FRIGUGLlETTI James, "The Bibliothèque Marguerite Durand" in : French historical studies, voL XIII, nº 2, Fall 1983. GARIN c., "Une bibliothèque féministe, un lieu de documentation qui ressemble a un musée" in : F Magazine, n° 5, mai 1978. HARLOR, "Une bibliothèque féministe" in : Protos, avril1939. HILDENBRAND Suzanne, "Researching women's history in Paris : The Bibliothèque Marguerite Durand" in : Journal of Library History, voL 20, n° 1, winter 1985. KOBERICH Inge Helene "Bibliothek für feministische Leseratten" in : Die Tageszeitung, 21 mai 1988. LANCHON Anne, "La ville au féminin" in : La Croix, 10-ll avril1988. PEIFFER Jeanne et VIENNOT Eliane, "Dossier Bibliothèque Marguerite Durand" in : Etudes féministes, nº1, automne 1987, p. 21-24. RABAUT Jean, "La Bibliothèque Marguerite Durand" in: L'Histoire, n° 8,janvier 1979. RENAUD Françoise "Marguerite Durand" in : Lesbia Magazine, n° 77, novembre 1989. ROSSEL Monique, "La Bibliothèque Marguerite Durand est le sanctuaire du féminisme" in : Front National, l0 octobre 1946. SCHUT Karin, "Bibliothek Marguerite Durand" in : Deutsche Volkszeitung, 31 mars 1988. NOBLET Lucienne,"La Bibliothèque Marguerite Durand" émission radiodiffusée du 17 mai 1955 a13 juin 1955.

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Chronologie

1864 (24 janvier): Naissance de Marguerite Charlotte Durand, fille naturelle d'AnnaCaroline Durand de Valfere, a Paris, me du Colisée. Education au Couvent des Dames Trinitaires. 1879 : Entre au Conservatoire, au cours du professeur Régnier. Obtient le 1 er prix de comédie. 1881 (ler septembre) : Entre a la Comédie-Française. 1882 (21 janvier) : Débute sur scène dans Demí-Monde. 1886 : Grand succès dans Les Honnêtes Femmes de Becque 1888 : Quitte le théâtre. Epouse Georges Laguerre, avocat et député. Mêlée au mouvement boulangiste, dont Laguerre est une des personnalités marquantes. Co-dirige avec lui le journal La Presse, organe officiel du Boulangisme. 1891 : Se sépare de Laguerre (divorce prononcé en 1895). Entre au Figaro, que dirige Antonin Périvier. Fonde et dirige "Le Courrier du Figaro", supplément hebdomadaire. 1896 (8-12 avril) : Se rend au Congrès féministe international, organisé par la Ligue Française pour le Droit des Femmes et présidé par Maria Pognon. Envoyée par Le Figaro pour écrire un article humoristique, elle "se convertit" au féminisme. (14 août) . Naissance de son fils Jacques,fils de Périvier. 1897 (9 décembre) : Premier numéro de La Fronde, qui paraîtra quotidiennement jusqu'au 1er septembre 1903. 1899 : Assiste au procès de Dreyfus a Rennes, avec Séverine et Jeanne Brémontier. La Fronde soutient Dreyfus. Crée, avec l'avocat Georges Harmois, le Cimetière zoologique d'Asnières. 1900 : Organise et préside avec Maria Pognon et Marie Bonnevial le Congrès international de la condition et des droits des femmes. 1903 (1er septembre) : La Fronde cesse de paraître comme quotidien. Co-dirige L'Actíon avec Victor Charbonnel et Henri Bérenger ; La Fronde en sera le supplément mensuel jusqu'en mars 1905. 1904 (octobre) : organise avec NeHy Roussel et Odette Laguerre un grand meeting

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contre la célébration du centenaire du code Napoléon. 1907 : Organise, du 25 au 27 mars, un congrès du travail féminin et crée un Office du Travail féminin. 1908: Crée Les Nouvelles avec Jacques Stem. Du 26 au 28 juin, organise avec Jeanne Oddo-Deflou et Madame Vincent le Congrès national des droits civils et du suffrage des femmes, où elle dirige les débats sur le travail. 1910 : Lance l'idée d'organiser des candidatures féminines aux élections législatives dans tous les quartiers de Paris. Est candidate dans le 9e arrondissement. 1911 : Mort de sa mère. 1912 : Mort de Georges Laguerre. Elle prend en charge sa fille orpheline, Georgette. 1914 : Le 5 juillet, manifestation a la mémoire de Condorcet; avec Séverine, est en tête du défilé qui réunit 6000 personnes. La Fronde reparaît du 17 août au 3 septembre. 1915 : Fonde le Club féminin automobile pour le transport des soldats blessés et convalescents. 1922 : Organise l'Exposition des Femmes célèbres du 19e siècle, rue Vivienne, dans le but de réunir les fonds nécessaires a la création d'une "Maison des OEuvres et Institutions féminines". 1926: La Fronde reparaît jusqu'en 1928. 1927: Candidate aux élections municipales, dans le parti républicain-socialiste. Se démet au profit de Georges Thomas, candidat socialiste. En juillet, est admise, avec Séverine, à la Maison des Journalistes. 1931 : Fait don de sa bibliothèque a la Ville de Paris. 1932: Ouverture de la bibliothèque au public. Inauguration de la Résidence d'été des femmes journalistes qu'elle a créé dans l'ancienne maison de Séverine (morte en 1929), "Les Trois Marches", à Pierrefonds. 1936 (16 mars) : Mort de Marguerite Durand.

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Table des Matières

AVANT-PROPOS ....................................................................................................................................4 MARGUERITE DURAND, 1864-1936 ...................................................................................................6 Du couvent des Dames Trinitaires au Congrès féministe International de 1896.................................6 L'aventure de LA FRONDE ................................................................................................................8 Du journal L'ACTION à la Première Guerre Mondial ......................................................................23 De l'armistice à l'Office de documentation féministe ........................................................................33 LES COLLECTIONS DE LA BlBLlOTHEQUE MARGUERITE DURAND ..................................................... 41 Les livres et Brochures ..................................................................................................................................... 44 Les Périodiques ............................................................ .......................................................................49

Les Dossiers ............................................................... ................................................................54 Les Manuscrits et la Correspondance autographe..............................................................................56 Le Fonds iconographique...................................................................................................................58 Les Fonds spéciaux d'Archives..........................................................................................................65 PUBLlC, SERVICES OFFERTS, ACTlVITES ..................................................................................... 71 Public ................................................................................................................................................. 71 Services offerts .................................................................................................................................. 72 Activités .......................................................... .................................................................................. 74 '

CONCLUSION....................................................................................................................................... 77 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................. ............................... 78 CHRONOLOGIE.................................................................................................... ............................... 83

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Photographies : Yves LESVEN, Bibliothèque Forney, Michel TOUMAZET, Service Audiovisuel des Bibliothèques, Mairie de Paris.

© Mairie de Paris - Agence Culturelle de Paris 6, rue François-Miron 75004 Paris ISBN: 2-906869-38-4 Achevé d'imprimer le 15 octobre 1992 par Les Presses Artistiques à Paris dépôt légal n° 1260 Maquette Sylvie BLASI

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Note à la numérisation J'ai eu l'occasion de visiter la plus ancienne de la bibliothèque féministe française en mars 2010, je me suis intéressée à la publication "La Bibliothèque Marguerite Durand Histoire d'une Femme, mémoire des femmes", car il offre une biographie modérée de la fondatrice et divulgue la bibliothèque des femmes qui porte son nome. Décrire les détails sur l'histoire et l'évolution des collections qui compose la bibliothèque depuis sa création de 1931 jusqu'à 1992 l'année d’achevé d’imprimer cette publication. Aujourd’hui le registre des collections est nouveau. La numérisation respecte l’originalité et l'intégrité de cette brochure et est effectuée la seule ambition de facilitée l’étude et la recherche sur les ressources offertes par la bibliothèque. La numérisation de l'œuvre est suivie par une disponibilité immédiate de la bibliothèque, en tout cas, je vous proposé faire la gestion nécessaire pour l'autorisation de la Direction des Affaires Culturelles de la Marie de Paris pour la diffusion par le biais de terminaux informatiques installés dans les locaux de la bibliothèque et l'autorisation de télécharger le document sur le site Web de la bibliothèque. L'objet de la numérisation est continuer faire découvrir l’originalité de la collection et améliorer l'accès et accroître la visibilité des travaux de recherche futurs et faire connaître son histoire.

Firmado digitalmente por Maria Codina Canet Nombre de reconocimiento (DN): cn=Maria Codina -Canet, o=Ministerio de Educacion, ou=Biblioteca Educacion, email=maria.codina@educacion.es, c=ES Fecha: 2010.12.10 12:10:22 +01'00'

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Liste des images 1.- Marguerite Durand, peinture à l’huile de Jules Cayron, 1898. (178x140 cm). 2.- Portrait de Marguerite Durand ( entre 1900 et 1910). Photographie monochrome, 16 x 22, par Walery. (s.d.) pg. 3. 3.- Le char d’assasut des suffragistes », carte postale, noir et blanc.Manifestation des 25 et 26 décembre 1926 à Paris.Organisée par la ligue française pour le droit des femmes. 4.- Affiche de Clémentine-Hélène Dufau (1869-1937) pour le lancemnet de La Fronde. 5.- Portrait de Séverine par Nadar, entre 1889 et 1899 ; monochrome, 20x3. Journaliste et conférencière. 6.- Photographies, réunies dans un carton découpé en forme de pensée, de femmes écrivains, journalistes et actrices. (Fonds iconographique). 7.- L’atelier de composition de La Fronde. Photographie parue dans L’Illustration du 15 janvier 1898. 8.- Carte postale illustrée, n.& bl. Composée à partir d’une page de titre. 9.- Banquet organisé au Château de Madrid, dans le Bois de Boulogne. Par les collaboratrices de La La Fronde, en honneur de leur directrice, le 20 juillet 1898, jour de la Sainte-Marguerite. Photographie , n & bl. 10.- L’Assiette au beurre, 31 décembre 1904. 11.- Potrait de Hubertine Auclert (1848-1914). 12.- L’Illustration, 2 avril 1910 Marguerite Durand pendant sa campagne électorale. 13.- Affiche du congrès de Budapest, 1913 14.- Manifestation en l'honneur de Condorcet, organisée par Séverine le 5 juillet 1914. 15.- Femme employée dans une usine de matériel de guerre en 1914-1918. Carte postale ancienne. 16.- Extrait d’ une lettre de Marguerite Durand à Harlor, datée du 13 mai 1935. Elle y expose les soucis qu’elle se fait sur l’avenir des ses œuvres lorsqu’elle aura disparu. 17.- Marguerite Durand et sa lionne 'Tigre". 18.- La bibliothèque autrefois, dans la marie du 5e arrondissement. Photographie, n &bl. s.d. 19.- La bibliothèque aujourd’hui dans le 13e arrondissement 20.- LE MOYNE (Père Pierre), de la Compagnie de Jésus. La Galerie des femmes fortes. Paris : A. de Sommaville, 1647. Grand in-folio illustré de 20 gravures, édition originale. 21.- BEAUMONT (E. de) Les Vésuviennes ou les soldats pour rire. Paris : Aubert et Cie, 1848. 22.- BOURGEOlS (Louise), dite Boursier. Observation_ diverses sur la stérilité, perte de fruict, fécondíté, accouchements et maladies de femmes. . . Paris : A. Saugrain, 1609.

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23.- POULLAIN DE LA BARRE (François). De l'égalité des deux sexes... 24.- Page de titre du Journal des Dames, la plus ancienne revue de la bibliothèque. Fondé par Charles Thorel de Champigneulles en 1759. 25.- Page de titre du journal La Femme libre. Fondé en 1832. 26.- Page de couverture de Femina, nº249, numéro exceptionnel du 1er juin 1911. 27.- Pages de couverture de périodiques. 28.- Lettre de Collete àla Duchesse Sforza, 10 janvier 1934. Sur papier bleu. 29.- 22.Paris Moderne- Les femmes cocher au bois, un jour de bombe. C.M. 30.- Cléo de Mérode (1875-1966), célèbre danseuse de la Belle Epoque. 31.- Placard d'Olympe de Gouges, 1792. 32.- Affiche de propagande nataliste du Secrétariat a la famille et a la santé sous Pétain. 33.- Affiche espagnole contemporaine contre la discrimination sexuelle dans le travail (fonds donné par l'Association "La Gaffiche") S. d 34.- Quatre caricatures extraites de L’Assiette au beurre, et Les Hommes d’aujourd’hui. 35.- Badges féministes 36.- Affiche d'Alice Kaub-Casalonga (née en 1875, élève de Bougereau et Ferrier, membre de la Société des Artistes français á partir de 1898), réalisée pour le lancement du journal hebdomadaire de Jane Misme 37.- Nelly Roussel (1878-1923), avec sa fille Mireille.

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Addemdum Dans cette part annexe vous pressentiez les donnes sur les collections que depuis quelques années a incrémentée et compte d’autre information sur les archives des femmes et le féminisme, consultée à la guide du lecteur à la bibliothèque et sur le site du catalogue on-line pendant 2010.

Les cóllections . 45 000 livres et brochures depuis le 17e siècle, sur le féminisme, la place et le rôle des femmes dans la société, les arts, la littérature, les sciences, les. sports, les voyages… . 1 100 titres de périodiques féminins et féministes, depuis le l8e siècle. . 5 000 dossiers documentaires constitués depuis la fondation de La Fronde et classés par personnalités et par sujets ; ils comportent de très nombreuses coupures de presse, des tracts, des notices biographiques, des statuts d'associations, des invitations, des programmes. . 4 500 lettres autographes et manuscrits, pour la plupart inédits, d'écrivaines, d'artistes, de femmes politiques; de scientifiques, de voyageuses. .. . 3 500 cartes postales, 4 200 photographies, 1 000 affiches et un ensemble d'iconographie diverse ( dessins, gravures, journaux illustrés). .Une trentaine de fonds d'archives d'associations et de personnalités, parmi lesquelles Nelly Roussel, Jane Misme, Eugénie Cotton... l’information sur les conditions d’accès à ces fonds d’archives : Attention certains fonds ne figurent pas encore au Catalogue général des bibliothèques. Fonds "Histoires d’elles" Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Alice Colanis Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Anaïs Nin Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Andrée Doré-Audibert Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Andrée Lehmann les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne.


Fonds Anne Zelensky Fonds partiellement classé, consultation sur place sur demande préalable. Fonds Archives de Marguerite Durand Fonds classé, consultation libre sur demande préalable. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Carol Pratl Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Catherine Gonnard Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Catherine Valabrègue Fonds classé, inventaire disponible, consultation libre sur place. Certains documents de ce fonds sont signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Cécile de Corlieu A consulter sur place. Fonds Eugénie Cotton Fonds classé, consultation libre sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Fédération française des Eclaireuses A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Femmes du Sud A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Jehan d’Ivray A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Georgette Vacher A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Irène de Lipkowskiv A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Jane Misme Fonds partiellement classé. Consultation libre sur place, sur demande préalable pour certains documents. Quelques documents de ce fonds sont signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Jeanne Chaton Fonds classé, consultable sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Jeanne Humbert Fonds classé, inventaire disponible, consultation libre sur place. Certains documents de ce fonds sont signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Julie-Victoire Daubié Fonds classé, consultable sur place, sur microfilm. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Les Répondeuses A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne.


Fonds Lesbia A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Marc de Montifaud A consulter sur place. Fonds Marguerite Grépon A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Marie Le-Gac-Salonne A consulter sur place. Fonds Marion Gilbert Fonds classé, inventaire disponible, consultation libre sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Maryse Choisy A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Nelly Roussel Fonds classé, inventaire disponible, consultation libre sur place. Fonds Pénélope Consultation libre sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Simone Iff Fonds classé, inventaire disponible, consultation libre sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Soroptimist Club A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Suzanne Blaise Consultation libre sur place, hormis pour les documents non autorisés. Les documents de ce fonds ne sont pas encore signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Thérèse Clerc A consulter sur place. Les documents de ce fonds ne sont pas signalés dans le catalogue en ligne. Fonds Tinayre Fonds partiellement classé, consultation libre sur place, sur demande préalable. Certains documents de ce fonds ont été numérisées et sont consultables depuis la rubrique "Collections numérisées". Fonds Ysabel de Hurtado A consulter sur place. Fonds Yvonne Netter Fonds classé, consultation libre sur place. Un des documents de ce fonds est signalé dans le catalogue en ligne.

Information consultée pendant 2010 à l’URL : http://bspe-p-pub.paris.fr/Portail/Site/ParisFrame.asp?lang=FR


La relation entre la Bibliothèque Marguerite Durand et le Centre des archives du

féminisme Pour donner un débouché à la collecte, un nouveau lieu de conservation était nécessaire. La bibliothèque universitaire d'Angers a accepté d'accueillir dans ses locaux un Centre des archives du féminisme. Ce centre, inauguré le 18 avril 2001, bénéficie d'un partenariat avec la formation Histoire et métiers des archives de l'Université d'Angers qui permet à des étudiant-e-s de Ml et M2 de classer et inventorier les fonds férministes qui y sont déposés. La bibliothèque universitaire d'Angers dispose par ailleurs d'un fonds considérable d'ouvrages anciens et contemporains sur les femmes et le féminisme. Les fonds volumineux et d'envergure nationale sont plutôt destinés à Angers, alors que la Bibliothèque Marguerite Durand continue d'enrichir ses collections, avec I'aide de I'association, dans la limite de I'espace disponible. Pour préserver les sources de I'histoire des féminismes, l'association Archives du féminisme s'est donné pour objectif principal la sauvegarde des fonds d'archives privés concernant les droits des femmes et appartenant à des personnes ou à des associations. Elle les accepte sous la forme de dépôt, de don ou de legs. Elle veille à leur conservation, à leur classement, à leur inventaire et à leur communication pour la recherche. Sur les fonds du Centre des archives du féminisme Depuis 2000, I'association a orienté vers les centres de conservation spécialisés plus d'une trentaine de fonds d'archives. Certains ont une envergure exceptionnelle : pour le féminisme de la première vague, le fonds Brunschvicg est une mine de renseignements. Les fonds du Conseil national des femmes françaises et de l'Union féminine civique et sociale balaient tout le XXe siècle ; pour la deuxième vague, le fonds d'Yvette Roudy, première ministre des Droits de la femme, est essentiel, le fonds de Florence Montreynaud offre une vaste documentation sur le féminisme depuis 1970. La contribution des médecins au développement du Planning familial est documentée par les fonds Suzanne Képes et Pierre Simon. Ou féminisme libertaire (émission Femmes libres de Nelly Trumel) au féminisme chrétien de I'UFCS, en passant par la sensibilité gaulliste (association Femmes Avenir) ou socialiste (fonds Françoise Gaspard),I'association défend une vision large et ouverte du féminisme et oeuvre pour que toutes les tendances prennent conscience de I'intérêt de leurs archives. La commission audiovisuelle de I'association complète ces sources écrites avec des sources orales, en produisant des témoignages filmés sur les combats féministes d'hier. Signalons enfin I'intérêt des collections de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BOIC) de Nanterre.


Sur l’association Contacté: Archives du féminisme, 22 rue Chef de Ville, 49100 Angers ou Christine.Bard@univangers.fr Conseil d'administration : Colette Avrane (secrétaire adjointe), Christine Bard (présidente), France Chabod, Martine Chaptois (secrétaire), Annie Bonnaud (cotrésoriere), Pascale Goux (co-trésoriere), Fanny Bugnon (webmestre), Véronique Fau-Vincenti, Françoise Flamant, Hélene Fleckinger, Annie Metz, Anne-Marie Pavillard Comité international: Éliane Gubin (Belgique), Sian Reynolds (Grande-Bretagne), Charles Sowerwine (Australie), Helen Harden-Chenut et Karen Offen (États-Unis). Publications en ligne : Les articles parus depuis 2001 dans le bulletin de I'association sont en ligne. http://www.archivesdufeminisme.fr Publications Sources commentées :

-Guide des sources de I'histoire du féminisme, Christine Bard, Annie Metz, Valérie Neveu dir., 2006. Le guide a obtenu, aux États-Unis, le prix Barbara Kanner Prize for scholarly excellence in bibliographical work. -Le Planning familial : histoire et mémoire Christine Bard,Janine Mossuz-Lavau dir., 2007. -À tire d'elles. Itinéraires de féministes radicales des années 1970, Françoise Flamant, PUR, 2007. -L'affaire Berger-Levrault : le féminisme à I'épreuve (1897-1905), François Chaignaud, 2009. -Les dames de Femina. Un féminisme mystifié, Colette Cosnier, 2009.


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