Juges pour toi • KELLER Timothy

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TIMOTHY KELLER

SI TU VEUX T’ÉMERVEILLER ET TROUVER TON PLAISIR DANS LA PAROLE DE DIEU SI TU VEUX APPRENDRE À VIVRE ET APPLIQUER LA PAROLE DE DIEU

SI TU VEUX T’ÉQUIPER POUR ENSEIGNER ET PARTAGER LA PAROLE DE DIEU

CE LIVRE EST POUR TOI

POUR TOI JUGES

Ils recommandent la collection

Peu de commentaires sont à la fois respectueux du texte et adaptés au grand public : les commentaires de cette collection sont parmi les meilleurs. Je recommande la lecture de cet ouvrage à tout un chacun.

Donald A. Carson

Auteur et professeur émérite à la Trinity Evangelical Divinity School

Voici une collection qui allie une exégèse et une théologie biblique bien menées à un désir de les rendre accessibles et pertinentes en vue de l’édification de l’Église. Elle contribuera sans nul doute à donner davantage de profondeur et de passion à notre lecture des Écritures.

Cédric Eugène

Professeur de Nouveau Testament et de Grec à la FLTE de Vaux-sur-Seine

C’est une grande joie pour moi de découvrir la série La parole de Dieu pour toi. À la fois profonde et accessible, je crois que ces commentaires seront au bénéfice du prédicateur, de l’animateur d’étude biblique et du simple lecteur de la Bible (c’est-à-dire pour chaque chrétien). J’apprécie particulièrement l’approche visant à montrer comment chaque partie de la Bible parle de Jésus.

Jonathan Meyer

Disciple de Jésus, pasteur de l’Église évangélique

Action Biblique de la Servette à Genève

Je recommande cette série de commentaires tout public des livres de la Bible, verset par verset, ayant pour cible première les membres laïcs de l’Église, car elle est pratique, encourageante et stimulante. À la fois accessibles et riches, ces guides peuvent être utilisés pour nourrir vos dévotions personnelles quotidiennes ou comme appui pour des études bibliques en groupe.

Faly Ravoahangy

Pasteur et fondateur de Madagascar 3M

J’ai découvert la collection La parole de Dieu pour toi alors que j’étais jeune missionnaire en Angleterre. Je peux témoigner que le Seigneur s’en est servi comme d’un instrument puisqu’elle a richement nourri ma foi et profondément irrigué mes temps de prière. Depuis mon retour en France, je rêvais que cette collection de commentaires soit un jour traduite. C’est désormais chose faite, merci Seigneur ! Alors n’hésitez plus, c’est de l’or en barre !

Matt Moury

Missionnaire de Christ Church Cambridge et youtubeur (Théologie pour tous, Le Café Théo)

C’est toujours une joie que de se retrouver face à un livre dont l’effet est de parler directement au cœur tout en respectant soigneusement le texte biblique qu’il commente. Les ouvrages de la série La parole de Dieu pour toi sont sérieux, accessibles et utiles. J’encourage tout disciples de Jésus à les lire.

Rodolphe Chouteau

Pasteur de la FEEBF à Saint-Etienne

TIMOTHY KELLER

SI TU VEUX T’ÉMERVEILLER ET TROUVER TON PLAISIR DANS

LA PAROLE DE DIEU

SI TU VEUX APPRENDRE

À VIVRE ET APPLIQUER

LA PAROLE DE DIEU

SI TU VEUX T’ÉQUIPER POUR

ENSEIGNER ET PARTAGER

LA PAROLE DE DIEU

CE LIVRE EST POUR TOI

JUGES

POUR TOI

Les éditeurs remercient chaleureusement tous les relecteurs et relectrices pour leur précieuse collaboration à cet ouvrage : Ludvine, Nelly, Claudine et Viviane.

Édition originale publiée en anglais sous le titre :

Judges for you • Timothy Keller

© 2013 • The Good Book Company, Timothy Keller

B1 Blenheim House, 1 Blenheim Road

Epsom, Surrey, KT19 9AP, England

Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés.

Édition en langue française :

Juges pour toi • Timothy Keller

© 2024 • BLF Éditions • www.blfeditions.com

Rue de Maubeuge, 59164 Marpent, France

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : Joanne Mayhew

Couverture : NouvelleCreation

Mise en page : BLF Éditions

Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de La Bible du Semeur

© 1992, 1999, 2015 Biblica, Inc.

Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés.

Les caractères italiques ou gras sont ajoutés par l’auteur du présent ouvrage.

Les autres versions employées sont indiquées en lettres abrégées et concernent la Nouvelle Bible Segond (NBS), la Bible version Segond 21 (S21), la Bible en français courant (BFC), la Bible « Nouvelle édition de Genève » (NEG), la Bible

Darby (DRB), la Nouvelle version Segond révisée (COL), la traduction Parole de vie (PDV) et Parole vivante (PVV).

Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés.

Une coédition BLF Éditions et Évangile21

ISBN 978-2-36249-886-2 relié

ISBN 978-2-36249-887-9 numérique

Imprimé en République tchèque par Finidr

Dépôt légal 2e trimestre 2024

Présentation de la collection 9 Introduction 11 CHAPITRE 1 – Juges 1.1 à 2.5 Obéir sans conviction 17 CHAPITRE 2 – Juges 2.6 à 3.6 Vivre parmi les idoles 35 CHAPITRE 3 – Juges 3.7-31 Otniel et Ehoud : attendez-vous à des surprises 49 CHAPITRE 4 – Juges 4.1 à 5.31 Débora et Baraq : le dirigeant et le sauveur 63 CHAPITRE 5 – Juges 6.1-40 Gédéon : le faible vaillant guerrier 81 CHAPITRE 6 – Juges 7.1-25 Gédéon : la victoire dans la faiblesse 95 CHAPITRE 7 – Juges 8.1 à 10.5 Gédéon et Abimélek règnent en rois 109 CHAPITRE 8 – Juges 10.6 à 12.15 Jephté : le paria 127 CHAPITRE 9 – JUGES 13.1-25 Samson : une naissance miraculeuse 145
Table des matières
CHAPITRE 10 – Juges 14.1 à 15.20 Samson : un coureur de jupons 159 CHAPITRE 11 – Juges 16.1-31 Samson : un faible vainqueur ................................................................................................................... 177 CHAPITRE 12 – Juges 17.1 à 18.31 Des hommes « sans cœur » 195 CHAPITRE 13 – Juges 19.1 à 21.25 Un peuple sans roi................................................................................................................................................... 211 Appendice A : Le « cycle des juges » 233 Appendice B : Détails de chaque « cycle des Juges » .................................................... 235 Appendice C : Carte d’Israël à l’époque des juges 239 Appendice D : La question de « la guerre sainte » 243 Notes 249

Présentation de la collection

Ouvrir la Bible et la lire marquera inévitablement nos vies. Ce n’est pas un livre ordinaire. Nous nous mettons à l’écoute de Dieu. Nous lisons les paroles du Créateur de l’univers. Il nous parle à travers un livre, à travers son livre : la Bible.

Afi n que nos moments à l’écoute de Dieu soient le plus profitable et nourrissant possible, nous avons la joie de vous présenter la nouvelle collection La parole de Dieu pour toi.

L’objectif de chaque volume de la série est d’être :

▶ profondément biblique ;

▶ centré sur Christ ;

▶ très pratique ;

▶ accessible à tous !

D’ailleurs, c’est dans cet esprit que sur la couverture de ce livre on utilise le tutoiement. N’en soyez pas étonné, mais voyez plutôt dans le « toi » du titre un rappel constant que les livres de cette collection ne sont pas des ouvrages techniques. Sans rien enlever à leur grande qualité ni à leur précision théologique, ces commentaires

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Juges pour toi

n’exigent aucune compréhension des langues bibliques originales, ni un haut niveau de connaissances.

On peut lire cet ouvrage de trois manières différentes :

1. Comme un livre classique que vous allez dévorer pour vous émerveiller devant la richesse de l’enseignement d’un livre biblique.

2. Comme un livre de méditation, pour accompagner votre culte personnel. Chaque chapitre est divisé en deux ou trois parties plus courtes, qui peuvent être lues rapidement après avoir étudié soi-même le texte biblique. À la fin de chaque partie, les questions « Réfléchir pour agir » vous aideront à vivre et appliquer la parole de Dieu.

3. Comme un outil pour vous équiper pour enseigner la parole de Dieu dans les divers contextes où le Seigneur vous place. Les références aux versets bibliques du passage étudié sont indiquées en gras afin que vous puissiez vous y reporter facilement.

Nous prions que cette lecture vous aide à découvrir les richesses de la parole de Dieu pour vos vies et à trouver toujours plus plaisir en lui.

Jérémie Déglon

Directeur des conférences Évangile21

Stéphane Kapitaniuk

Directeur de BLF Éditions

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Introduction

Tout ce qui nous contrôle en réalité constitue notre dieu… Quiconque recherche le pouvoir est sous l’emprise du pouvoir. Quiconque cherche la reconnaissance a pour maîtres ceux et celles à qui il cherche à plaire. Nous ne sommes pas maîtres de notre vie ; nous sommes toujours assujettis à quelque chose ou quelqu’un.

Nous

vivons et travaillons entourés d’une multitude de dieux, non seulement ceux prônés par d’autres religions, mais aussi les dieux de la richesse, de la célébrité, du plaisir, de l’idéologie et de la réussite. La phrase qui résume l’ensemble du livre des Juges, décrit parfaitement notre époque : « Chacun faisait ce qu’il jugeait bon » (Juges 21.25).

Malgré les millénaires qui nous séparent du temps des Juges, il existe de nombreuses similitudes entre notre situation et la leur. Le livre des Juges relate l’histoire d’Israël, le peuple de Dieu, depuis l’époque de Moïse et de Josué jusqu’à celle des premiers rois (environ 1 200 av. J.-C.). Cette période se caractérise par le pluralisme spirituel. Les Israélites vivent désormais dans le pays de Canaan que Dieu avait promis de leur donner, en compagnie d’autres nations. La société cananéenne est donc un mélange de croyants et de païens. Israël doit quotidiennement choisir entre

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Juges pour toi

accepter Dieu comme son Seigneur ou adopter la façon de penser et les priorités de ses contemporains. Le récit nous rapporte comment le peuple de Dieu a échoué face à ce défi. Ils ont constamment refusé de connaître Dieu, de l’aimer et de lui obéir afin de « faire ce qu’ils jugeaient bon ».

On pourrait donc dire que le livre des Juges raconte la vie de « gens méprisables commettant des actes pitoyables » ; c’est un ensemble de « récits tordus concernant des personnages profondément dysfonctionnels ». En avançant dans l’histoire, nous découvrons que même les « héros », c’est-à-dire les juges, sont de plus en plus défaillants et faibles. Ils se comportent de manière épouvantable et leurs efforts sont de moins en moins efficaces pour apporter la délivrance espérée. L’histoire est triste, mais véridique. Le lecteur se posera donc régulièrement la question : Mais pourquoi ce livre se trouve-t-il dans la Bible ?

La réponse est cruciale : c’est l’Évangile ! Le livre des Juges prouve que la Bible n’est pas un « recueil de vertus » qui ne propose que des histoires édifiantes. Pourquoi ? Parce que la Bible (contrairement aux livres sur lesquels s’appuient les autres religions) n’a pas pour but de nous donner des modèles de moralité. Elle nous parle d’un Dieu de grâce et de patience qui œuvre sans cesse en nous et à travers nous, malgré notre constante résistance à sa volonté. En fin de compte, il n’y a qu’un seul héros dans ce livre : c’est un héros divin ! Nous devons étudier cette partie des Écritures comme le récit historique de l’action de Dieu : il vient au secours de son peuple indigne pour le tirer du désordre provoqué par le péché. Si nous regardons ce texte de cette manière, il prendra vie dans nos pensées et dans notre cœur. Il nous interpellera au sein de nos vies et circonstances aujourd’hui. Juges n’est pas un livre facile à lire. Toutefois, il est essentiel pour nous aider à affronter les défis de notre temps.

Quels sont les thèmes principaux de ce livre ? Quelles sont les vérités concernant Dieu que l’auteur des Juges veut nous faire découvrir et sur lesquelles nous devrions fonder nos vies ? En guise d’introduction, voici six thèmes à relever en parcourant le livre :

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1. Dieu offre sa grâce sans relâche à des personnes qui ne la méritent pas, qui ne la recherchent pas ou qui ne savent pas l’apprécier, même après avoir été délivrées par elle. Le livre des Juges ne nous présente pas une série de modèles à suivre. Bien qu’il y ait tout de même quelques bons exemples (Otniel, Débora, …), ceux-ci se trouvent dans les premiers chapitres et ne sont pas parmi les acteurs majeurs. Le message central du livre est clair : c’est l’Éternel le véritable libérateur ! Juges nous montre qu’en fin de compte, la grâce abonde envers les plus grands des pécheurs. Elle triomphe des actions les plus insensées.

2. Dieu veut régner sur tous les domaines de notre vie, pas seulement sur quelques-uns. L’Éternel a ordonné à Israël de conquérir tout le pays de Canaan, mais celui-ci s’est contenté de chasser les habitants de certaines régions. Les Israélites apprennent alors à cohabiter avec les idoles. Autrement dit, ils n’ont jamais totalement rejeté Dieu, mais ne l’ont jamais totalement accepté non plus. Leur obéissance partielle et leurs compromis représentent un mélange impossible et instable, comme nous le démontre le livre des Juges. Dieu désire notre vie entière, et pas seulement quelques morceaux choisis.

3. Il existe une tension entre la grâce et la loi, entre ce qui est conditionnel et ce qui est inconditionnel. En Juges, nous percevons une apparente contradiction. D’une part, Dieu exige notre obéissance parce qu’il est saint. D’autre part, il promet de s’engager et de demeurer fidèle envers son peuple. Sa sainteté et ses commandements conditionnels (Faites ceci et j’agirai ainsi) l’emporteront-ils sur ses promesses (Je serai toujours avec vous, quoi que vous fassiez) ou ses promesses l’emporteront-elles sur ses commandements ? En d’autres termes, ses promesses sont-elles conditionnelles ou inconditionnelles ? Le livre des Juges est essentiel puisqu’il nous montre qu’aucune des deux réponses n’est correcte. En lisant l’Ancien Testament, la plupart des gens adoptent soit un point de vue « libéral » sur la question (Bien sûr, Dieu nous bénira toujours tant que nous lui demandons pardon), soit un point de vue « conservateur »

Introduction 15

(Non, Dieu ne nous bénira que si nous lui obéissons). Juges maintient la tension : les deux affirmations sont vraies, mais aucune n’est totalement juste. Cette tension ne sera d’ailleurs pas résolue. Cependant, c’est cette tension qui fait progresser le récit. En fin de compte, c’est l’Évangile du Nouveau Testament qui nous permettra de comprendre de quelle manière les deux points de vue peuvent être et sont justes.

4. Nous avons besoin d’être constamment renouvelés spirituellement ici sur terre et il existe un moyen pour y parvenir. Selon le livre des Juges, le déclin spirituel est inévitable. Un renouvellement spirituel est donc constamment nécessaire. Nous constaterons qu’un cycle déclin-renouveau se répète à intervalles réguliers. Ce renouvellement implique, entre autres, la repentance, la prière, la destruction des idoles et la présence de chefs humains désignés par Dieu. Il se produit lorsque nous nous soumettons au bon maître/dirigeant. En revanche, nous tombons en esclavage quand nous faisons allégeance au mauvais maître/dirigeant. Juges est le meilleur livre de l’Ancien Testament et Actes est le meilleur livre du Nouveau Testament pour comprendre ce que sont le renouvellement et le réveil. Nous constaterons cependant que les cycles de réveil en Juges s’atténueront progressivement, tandis qu’en Actes, ils sont de plus en plus étendus et de plus en plus puissants.

5. Nous avons besoin d’un véritable Sauveur vers lequel tous les libérateurs humains orientent nos regards, que ce soit à travers leurs faiblesses ou à travers leurs forces. Comme nous l’avons mentionné au premier point, l’ampleur croissante du mal et de la souffrance dans le livre des Juges nous montre à quel point nous avons besoin d’un sauveur, et non pas d’exemples à suivre. La diminution de l’efficacité des cycles de réveils et l’imperfection grandissante des juges témoignent clairement de l’échec des sauveurs humains. Ces juges commencent à orienter nos regards vers quelqu’un qui les dépasse tous. Avec Otniel, nous apprenons que Dieu peut sauver par l’intermédiaire de tous ; avec Débora, nous découvrons qu’il peut sauver par l’intermédiaire

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Juges pour toi

d’un grand nombre ; grâce à Gédéon, nous voyons qu’il peut sauver par l’intermédiaire d’un petit groupe ; grâce à Samson, nous constatons qu’il peut sauver par l’intermédiaire d’une seule personne. Dieu sauvera le monde en envoyant l’unique.

6. Dieu est maître de la situation quelles que soient les apparences. Il est très facile de passer à côté du thème omniprésent de ce livre ! Dieu paraît presque toujours absent, mais il ne l’est jamais. Il accomplit sa volonté au travers de personnes faibles, et même en dépit de ces personnes faibles. Rien ne peut entraver ses projets, peu importe les apparences. Le plan de Dieu s’accomplit lentement, mais sûrement et parfaitement.

Bien entendu, cet ouvrage ne peut prétendre traiter tous les versets du livre des Juges en profondeur. J’ai consulté plusieurs commentaires sur certains passages particulièrement étranges, épineux ou controversés. Une des plus grandes difficultés qu’éprouvent les lecteurs actuels en abordant Juges (et Josué), mais aussi l’ensemble de l’Ancien Testament, est le fait que Dieu ordonne à Israël de « chasser » les Cananéens de leur territoire. Il s’agit d’une question très difficile sur laquelle tout le livre des Juges repose. Je propose donc quelques réflexions sur le sujet dans un appendice que vous trouverez à la page 243.

En avançant dans notre étude, je ferai parfois référence à la structure globale du livre et des épisodes qui le composent. Les pages 233-237 contiennent quelques ressources qui vous permettront de comprendre rapidement la structure générale, l’identité des juges ainsi que leurs ressemblances et différences. À la page 241, vous trouverez une carte montrant les lieux où se sont déroulés les événements majeurs.

J’ai surtout voulu laisser les récits parler d’eux-mêmes (les histoires, bien que sombres et parfois troublantes, sont toujours passionnantes et imprévisibles). J’ai aussi cherché à montrer de quelle manière le texte nous oriente vers Jésus, le Juge par excellence, et comment il nous apprend à vivre de sorte à l’honorer et à lui plaire au sein de nos sociétés pluralistes actuelles.

Introduction 17

Chapitre un Obéir sans conviction

Juges 1.1 à 2.5

Lelivre des Juges commence par un regard vers le passé et se termine par un regard vers l’avenir. Cette période de l’histoire d’Israël débute « Après la mort de Josué* » (1.1**). La conclusion, quant à elle, évoque déjà la monarchie, les règnes de Saül, David, Salomon, ainsi que leurs successeurs : « En ces temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qu’il jugeait bon » (21.25). Pour comprendre les hauts et les bas de cette époque des juges, les triomphes comme les tragédies (plus fréquentes), nous devons commencer par jeter un coup d’œil aux événements qui la précèdent, comme nous y encourage 1.1.

* Certains termes sont définis en bas de page lors de leur première occurrence. Josué : il prend la direction du peuple d’Israël après Moïse. Il est l’une des deux seules personnes délivrées de l’esclavage en Égypte qui ont posé le pied en terre promise de Canaan. Canaan : région de la côte orientale de la Méditerranée située au nord de l’Égypte et au sud de la Syrie. C’était la terre que Dieu avait promis de donner aux descendants d’Abraham (Genèse 12.6-9) : elle est donc connue sous le nom de « terre promise ».

** Tous les versets de Juges étudiés dans chaque chapitre sont en gras dans le texte.

20 Juges 1.1 à 2.5

Première partie

Dieu tient ses promesses

Josué était celui que Dieu avait désigné pour succéder à Moïse et diriger le peuple d’Israël (Nombres 27.12-23). De toute la génération qui était sortie d’Égypte, Caleb et lui étaient les seuls à être restés fidèles à l’Éternel. Ils étaient tous deux convaincus que Dieu tiendrait ses promesses : il conduirait son peuple jusqu’à la terre promise de Canaan (Nombres 14.30). C’est pourquoi ils avaient échappé à la condamnation divine dans le désert et avaient pu entrer dans le pays promis. Nous retrouverons ces deux personnages un peu plus loin dans Juges 1.

Le livre de Josué retrace l’œuvre de Dieu parmi son peuple et par son intermédiaire, dans le but d’accomplir ses promesses en sa faveur. En effet, Dieu avait promis à son peuple de lui donner le pays de Canaan, de vaincre ses ennemis et de lui accorder peu à peu ses bénédictions et son repos. Le livre de Josué nous enseigne que le peuple de Dieu peut lui obéir et l’adorer sans crainte, car l’Éternel tient toujours ses promesses. Il plante aussi le décor pour le livre des Juges.

Au début et à la fin du livre de Josué, Dieu donne des instructions précises à son peuple et à Josué lui-même. Celles-ci nous permettent d’évaluer les actions du peuple en Juges 1. Tout d’abord, Dieu définit l’étendue du territoire qu’il leur accorde : « … je vous donne » (Josué 1.3-4). Ensuite, il leur rappelle que toute progression militaire accordée par l’Éternel doit s’accompagner d’une vie spirituelle, d’une marche avec Dieu empreinte d’intimité et d’humilité. Ils doivent « veiller à obéir à toute la Loi… méditez-les » (v. 7 et 8). La victoire et le repos leur sont assurés parce qu’ils sont le peuple de Dieu qui dépend de lui et lui obéit. Ils ne deviendront pas le peuple de Dieu en cherchant à obtenir la victoire et le repos par leurs propres forces. Ils ne peuvent espérer réussir sans obéir en toutes choses à la volonté divine, en méditant sa Parole et en comptant sur ses promesses.

Obéir sans conviction 21

Le livre de Josué rapporte les premières étapes de la conquête du pays. La plupart du temps, le peuple fait preuve d’obéissance et de confiance en Dieu qui lui accorde la victoire. Néanmoins, à la fin de la vie de Josué, il reste encore beaucoup à faire. Le territoire s’étend devant Israël qui doit en prendre possession, tout en comptant sur Dieu pour repousser les populations encore présentes.

Le peuple doit continuer à croire que Dieu va tenir ses promesses, et donc lui obéir avec courage : « Vous posséderez leur pays, comme il vous l’a promis. Appliquez-vous donc de toutes vos forces à obéir et à faire tout ce qui est écrit dans le livre de la Loi » (23.5-6).

Cette obéissance fondée sur les promesses (ce que nous pourrions appeler une « fidélité à l’alliance ») se traduit notamment par le fait qu’Israël ne doit pas conclure d’alliance avec les autres nations. Il est interdit à Israël de servir leurs dieux ou de s’unir à elles par des mariages (23.7, 12). Le fait de chasser les Cananéens n’a pas un caractère vengeur ou économique, mais plutôt spirituel. Il faut les repousser afin qu’Israël ne succombe pas à leur influence religieuse : « Attachez-vous uniquement à l’Éternel, votre Dieu, comme vous l’avez fait jusqu’à présent » (v. 8). Le peuple de Dieu doit s’établir sur le territoire et y servir l’Éternel. Ainsi, les nations environnantes découvriront le seul vrai Dieu par le biais de la vie de son peuple.

Une spiritualité audacieuse

Dieu appelle son peuple (aujourd’hui comme à l’époque) à conjuguer spiritualité et audace. Marcher avec lui exige que nous soyons radicaux et téméraires. En effet, le vrai disciple compte sur Dieu pour garder ses promesses de bénédiction. Il ne se fie pas à son instinct, à ses projets ou à sa police d’assurance.

Il est difficile d’être réellement audacieux sans avoir foi en Dieu. Si notre courage n’est pas le fruit d’une confiance en lui, alors il n’est qu’impulsion, héroïsme machiste ou pure cruauté. Le courage peut émaner d’un sentiment d’insécurité, d’un besoin de prouver sa valeur ou d’une forme de désespoir. Toutefois, seule l’audace

22 Juges 1.1 à 2.5

fondée sur la foi en Dieu permet d’éviter d’un côté la barbarie et de l’autre la lâcheté et la passivité.

Compter sur les promesses de Dieu implique parfois d’emprunter un chemin inattendu ou peu raisonnable à vue humaine. À la mort de Josué, le peuple doit faire preuve d’une véritable foi pour mener à bien sa campagne militaire, conformément à la volonté de Dieu. D’une part, les Israélites ne peuvent pas renoncer à combattre les nations cananéennes, même les plus puissantes. Cependant, la logique militaire ordinaire voudrait qu’on ne s’attaque pas à des ennemis plus forts ayant l’avantage numérique ou technologique. Mais d’autre part, les Israélites ne peuvent pas non plus piller et assujettir n’importe quel groupe d’individus, même s’ils sont plus forts qu’eux. Une logique militaire ordinaire voudrait qu’on ne chasse pas des occupants qui ne représentent aucun danger et qui peuvent au contraire être asservis et exploités économiquement. Le choix des adversaires et la réaction face à la victoire permettront de mesurer la confiance d’Israël dans les promesses de Dieu et son obéissance à l’Éternel.

Enfin des juges !

À la lumière du livre de Josué, le premier chapitre de Juges constitue un chef-d’œuvre narratif. Le verdict de Dieu concernant la progression des Israélites ne sera prononcé qu’au début du chapitre 2. Néanmoins, le récit nous montre qu’Israël est pour l’instant fidèle bien qu’imparfait. Les fondations sont posées et, malgré leur apparente solidité, elles commencent déjà à se fissurer.

Le chapitre 1 rapporte la réussite et les échecs que rencontrent neuf tribus d’Israël. L’attention se porte surtout sur Juda, puisque Dieu annonce que cette tribu sera la première à conquérir le territoire qui lui est attribué (v. 2).

Dès le départ, Juda échoue. « Alors les hommes de Juda dirent à ceux de Siméon, frère de Juda : Venez avec nous à la conquête du territoire » (v. 3). Militairement parlant, c’est du bon sens. Toutefois, spirituellement parlant, elle dénote un manque de foi. Dieu

Obéir sans conviction 23

avait dit : « C’est Juda qui ira la première. » Cependant, la tribu ne se soumet pas entièrement à cet ordre. Elle part à la conquête de son territoire, mais pas seule. Son obéissance est partielle.

Juda se met toutefois en marche comme il lui a été ordonné et « l’Éternel leur donna la victoire sur les Cananéens et les Phéréziens » (v. 4). Il met en déroute les occupants du territoire, il capture et met à mort Adoni-Bézeq (« Seigneur de Bézeq »). Ce dernier reconnaît le bien-fondé du jugement qui s’abat sur lui (« Dieu m’a rendu ce que j’ai fait » v. 7). Notons que si les lecteurs du XXIe siècle éprouvent souvent des scrupules face au comportement des Israélites à l’égard des Cananéens, ce roi vaincu n’en éprouve aucun. Au cours de l’Histoire, le jugement de Dieu a toujours consisté à soumettre chacun aux conséquences de la vie qu’il a choisi de mener (par exemple, Psaumes 64.4-5, 8-9 ; Romains 1.21-32). De toute évidence, Adoni-Bézeq accepte cet état de fait.

Après leur victoire, les Judéens poursuivent la conquête de leur héritage (Juges 1.8-11, 17-18). Mais entre les récits de ces victoires, le narrateur se focalise sur une famille d’Israël qui est spirituellement audacieuse, la famille du fidèle Caleb. Nous trouvons ici, dans un microcosme, l’attitude que devrait adopter tout Israël. Caleb offre la main de sa fille « à celui qui battrait et prendrait Qiryath-Sépher » (v. 12). Il désire qu’Aksa ait la vie qu’il a choisie pour lui-même, une vie de fidélité à l’alliance, d’obéissance courageuse, en réponse aux promesses de Dieu. « Ce fut son neveu Otniel, fils de Qenaz, le frère cadet de Caleb, qui s’en empara » (v. 13).

Aksa se montre ensuite digne de son père. Elle convainc son nouveau mari Otniel de demander un champ à Caleb (v. 14). Puis elle soumet à son père sa propre requête : « Donne-moi aussi des points d’eau » (v. 15). Son attitude manifeste son désir de s’approprier et de jouir des bénédictions du pays promis, de s’y installer. Caleb, Otniel (que nous retrouverons plus tard en 3.1-6) et surtout Aksa font preuve d’une obéissance pleine et entière. Ils représentent ainsi une sorte de blâme pour le reste du peuple, comme le font d’ail-

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Juges 1.1 à 2.5

leurs les descendants du Qénien (1.16), des parents éloignés qui vont « s’installer parmi le peuple dans les territoires désertiques de Juda. » Comme ce sera souvent le cas dans ce livre (et parmi le peuple de Dieu aujourd’hui !), c’est la personne que l’on n’attendait pas, ce sont les gens de l’extérieur – une femme et les Qéniens – qui font preuve de foi réelle et radicale.

Du bon sens

Si le chapitre 1 s’arrêtait au verset 18, nous aurions presque toutes les raisons de nous réjouir et ce serait de bon augure pour la suite des Juges. Toutefois, le verset 19 contraste avec ce qui précède. « L’Éternel lui-même était avec eux » et pourtant, « ils ne réussirent pas à déposséder les habitants de la vallée, car ceux-ci disposaient de chars de combat bardés de fer. » Juda ne s’appuie pas sur la puissance de Dieu et préfère comparer sa propre force à celle de ses adversaires. Il ne parvient donc pas à repousser les occupants des plaines car ils sont équipés de chars.

Le bon sens dépourvu de foi commence à prédominer. Juda ne compte pas sur Dieu. Par conséquent, il ne s’approprie pas son héritage pour adorer Dieu sans compromis. Les Cananéens restés en place dans le pays deviendront une épine dans son pied au cours des siècles suivants.

Notre manque de force n’explique pas pourquoi nous ne jouissons pas des bénédictions divines, ni pourquoi nous n’adorons pas Dieu de tout notre cœur. Non. C’est plutôt parce que nous manquons de foi en sa force. Lorsque nous comptons sur nousmêmes et que notre marche avec Dieu repose sur nos propres analyses plutôt que sur une obéissance confiante, nous finissons toujours par prendre nos décisions à la manière des Judéens. Otniel a attaqué une ville en s’appuyant sur la puissance de Dieu ; la tribu de Juda a décidé de son côté qu’elle ne pouvait pas en faire autant. C’est une obéissance sans conviction qui suit Dieu avec un cœur partagé. Le livre des Juges nous montrera que suivre Dieu ainsi, c’est ne pas suivre Dieu du tout. L’avertissement est clair !

Obéir sans conviction 25

Ni l’un ni l’autre

N’obéir qu’à moitié, croire aux promesses de Dieu avec un cœur partagé, ... tout cela est un mal qui se propage très vite ! Les Benjaminites « ne dépossédèrent pas les Yebousiens » (v. 21). Les descendants de Joseph concluent une alliance avec un Cananéen, au lieu de compter sur les promesses de l’alliance que Dieu a conclue avec eux (v. 22-26). Manassé ne parvient pas à repousser les habitants de plusieurs localités. Puis, lorsqu’il gagne en puissance, il finit par les exploiter en les soumettant au travail forcé (v. 27-28). Ce choix paraît sensé économiquement. De plus, l’asservissement de ces populations nécessite moins d’efforts que leur expulsion. La facilité l’emporte sur l’obéissance.

Les descendants d’Éphraïm permettent aux Cananéens de vivre parmi eux (v. 29). Ceux de Zabulon optent aussi pour le travail forcé (v. 30). La tribu d’Aser s’en sort encore moins bien : ce ne sont pas les Cananéens qui sont autorisés à vivre parmi eux, mais c’est la tribu d’Aser qui va s’installer « au milieu des Cananéens qui occupaient le pays » (v. 31-32), et la tribu de Nephtali fait de même (v. 33). Enfin, la tribu de Dan est repoussée dans les montagnes (v. 34). Le verset 36 ne décrit pas les frontières de l’héritage d’Israël, mais les limites du territoire des Amoréens, les régions dans lesquelles ils « continuèrent donc à se maintenir » (v. 35). La raison invoquée n’est pas une question de ressources militaires ou de nombre d’hommes armés. Il est plutôt question de volonté et de détermination, d’un plus grand courage. Le peuple de Dieu est désormais moins audacieux que ceux qui ne connaissent pas l’Éternel.

À bien des égards et à première vue, ce chapitre relate de grandes conquêtes. Israël s’est établi dans le pays promis et occupe une grande partie du territoire. Deux générations auparavant, les Israélites étaient réduits en esclavage en Égypte. Comment auraient-ils pu imaginer que leurs petits-enfants vivraient ainsi ? Cependant, il faut le souligner, Israël n’a pas eu entièrement confiance en Dieu et ne lui a pas obéi sans réserve. Il vit désormais au milieu

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de Cananéens qui adorent des idoles. Tel un champ de mines, ces idoles sommeillent en Juges 1, prêtes à exploser dans la vie spirituelle du peuple de Dieu.

Réfléchir pour agir

1. Vous souvenez-vous de situations dans votre vie où vous avez fait preuve de courage à cause de votre foi ? Lesquelles ?

2. Quand vous est-il difficile d’obéir aux commandements de Dieu plutôt que de vous appuyer sur votre propre « bon sens » ? Et pourquoi ?

3. Pensez aux domaines de votre vie où vous réussissez plutôt bien. Comptez-vous toujours autant sur Dieu et lui obéissez-vous dans ces domaines ?

Obéir sans conviction 27

Deuxième partie

Dieu parle

Àla lumière du livre de Josué, l’obéissance partielle des Israélites en Juges 1 nous saute aux yeux. Toutefois, si nous prenons le chapitre isolément, les échecs rencontrés dans la conquête du pays semblent justifiés : une faible puissance militaire, des compromis légitimes, des intérêts économiques. Comment auraient-ils pu repousser les chars de combat bardés de fer puisqu’ils n’en disposaient pas (1.19) ?

Si on fait abstraction du contexte biblique, le chapitre 1 ressemble un peu à un ensemble de communiqués de presse publiés par Israël sur sa campagne militaire. C’est l’interprétation du peuple sur les raisons pour lesquelles il n’a pas rencontré autant de succès que nous (et Dieu) aurions pu l’espérer. Les lecteurs ne peuvent qu’éprouver de la compassion pour les Israélites. Quand nous lisons qu’ils « ne réussirent pas à déposséder » (v. 19) les Cananéens, nous sommes enclins à leur donner raison. Ils ont fait de leur mieux !

Mais soudain, Dieu analyse la situation et nous en restons stupéfaits. Le chapitre 1 nous a décrit les faits. À présent, nous avons droit à l’explication divine : « L’ange de l’Éternel monta de Guilgal à Bokim et déclara… » (2.1). Cette structure est récurrente dans les récits bibliques. Au commencement de la vie de Jésus sur terre, le récit détaillé de sa naissance à Bethléhem (Luc 2.4-7) est suivi par l’explication donnée par l’ange à propos de ces événements (2.8-14). À la fin de son ministère terrestre, les femmes font face à la dure réalité du tombeau vide (Marc 16.4), mais un messager céleste leur en explique le sens : le tombeau est vide, car « il est ressuscité, il n’est plus ici » (v. 5-7).

Le chemin qu’emprunte l’ange est important. Pourquoi montet-il de Guilgal, une ville à l’ouest du Jourdain, non loin de Jéricho (Juges  2.1) ? L’ange de l’Éternel ne vivait certainement pas à Guilgal ?! Pourquoi mentionner cette localité ? Parce qu’en Josué 5,

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à 2.5
Juges 1.1

le peuple conclut une alliance avec Dieu à cet endroit et l’Éternel leur dit : « Aujourd’hui, j’ai fait rouler loin de vous l’opprobre de l’Égypte » (Josué 5.9 ; « Guilgal » signifie « rouler »). C’est là que Dieu pardonne les péchés des Israélites, qu’il fait d’eux son peuple et qu’il leur permet d’entrer en relation avec lui par grâce. La seule raison qui le pousse à agir ainsi est son amour pour eux.

Par conséquent, en montant de Guilgal, l’ange de l’Éternel rappelle aux Israélites qu’ils sont sauvés par grâce. Comme l’ange le déclare en Juges  2.1, l’Éternel est un Dieu qui secourt son peuple, un Dieu qui tient ses promesses, un Dieu fidèle.

Vous ne m’avez pas obéi

Le Dieu de grâce fait un bilan accablant du comportement de son peuple : « Vous ne m’avez pas obéi » (v. 2). C’est clair.

En quoi les Israélites ont-ils désobéi à Dieu ? En agissant comme ils l’ont fait. En effet, ils ont fait alliance avec les Cananéens malgré l’interdiction de Dieu : « Vous ne conclurez pas d’alliance avec les habitants de ce pays. » De plus, ils n’ont pas agi comme ils le devaient et ont négligé le commandement divin : « Vous démolirez leurs autels » (v. 2). C’était là l’objectif de la campagne militaire. Il n’était pas question de purification ethnique. Rahab, la prostituée cananéenne, a été épargnée (Josué 2.17-20 ; 6.25) ; les descendants du Qénien se sont installés avec la tribu de Juda (Juges  1.16). Cette campagne militaire n’était pas non plus une conquête impérialiste puisque le peuple n’avait pas le droit de s’emparer du butin ni des esclaves. Le but était de purifier Canaan des idoles afin qu’Israël puisse rester fidèle à son alliance avec l’Éternel. En permettant aux Cananéens de résider dans le pays ou en passant des accords avec eux, pour quelque raison que ce soit, les idoles continuent à être adorées au sein de la communauté.

L’enseignement fondamental de ce texte est que Dieu veut être maître de tous les domaines de notre vie, pas seulement de quelques-uns. Dieu a demandé aux Israélites d’expulser tous les habitants de Canaan afin de ne pas devoir cohabiter avec les idoles

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Juges 1.1 à 2.5

dans le cœur de son peuple. Le fait qu’ils ne soient pas allés jusqu’au bout de leur mission révèle qu’ils n’avaient certes pas totalement rejeté Dieu, mais ils ne l’avaient pas non plus pleinement accepté.

Cette obéissance partielle et ces compromis forment un mélange instable qui subsiste tout au long du livre des Juges. Cette situation ne pourra pas durer. En fin de compte, soit nous offrons notre vie entière à Dieu en signe d’obéissance, par reconnaissance et amour pour lui, soit nous ne lui donnons rien du tout. N’obéir qu’à moitié revient à désobéir, comme nous le verrons.

Ne peut pas ou ne veut pas

En 1.19, nous lisons que les Israélites « ne réussirent pas ». Cependant, 2.2 contredit purement et simplement cette affirmation. Au fond, les Israélites prétendent qu’ils ne peuvent pas, mais Dieu leur répond qu’ils ne veulent pas.

Cela vaut la peine de se poser la question : Dans quels domaines est-ce que je me répète :  « Je ne peux pas » alors que Dieu me dit : « Tu ne veux pas ! » ? Israël a invoqué de soi-disant bonnes raisons pour sa désobéissance. Toutefois, elles n’étaient que de piètres excuses aux yeux de Dieu. Pourquoi ? Parce que « Dieu est fidèle et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces » (1 Corinthiens 10.13). Dieu ne nous placera jamais dans une situation où nous sommes incapables de lui obéir. À aucun moment nous ne serons sincèrement en état de dire : « Je ne peux pas ».

Ces versets nous incitent donc à nous examiner nous-mêmes. Ils sont sans doute difficiles à appliquer à notre vie. Tant de choses peuvent nous sembler impossibles alors qu’en réalité, c’est nous qui refusons de les faire. Une bonne partie du livre des Juges témoigne de la fidélité de Dieu malgré la désobéissance. Quel réconfort ! Cependant, Juges nous montre aussi que, dans sa grâce, Dieu insiste pour nous débarrasser de nos illusions quant à nos motivations et nos actions.

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Toutes les raisons que nous invoquons pour justifier notre désobéissance appartiennent à l’une ou l’autre de ces trois grandes catégories. Elles commencent toutes par : « Je ne peux pas » :

1. Le pardon : Je ne peux pas lui pardonner. Pourtant Dieu nous ordonne de pardonner (Matthieu 18.35). Il est donc possible de laisser notre colère de côté et de permettre à l’Évangile de la grâce d’adoucir notre cœur. Nous pouvons nous comporter comme si la faute n’avait pas été commise. Quand nous prétendons que nous ne le pouvons pas, en fait, nous ne le voulons pas. Nous préférons nous cramponner à notre colère, à notre amertume, à notre « droit » de nous venger, en invoquant comme excuse que nous sommes « incapables » de pardonner.

2. La vérité : Je ne peux pas lui dire la vérité. Ça le/me détruirait. Dieu nous demande pourtant d’exprimer « la vérité dans l’amour » (Éphésiens 4.15, 25). Derrière le « je ne peux pas » se cachent souvent de la lâcheté ou de l’orgueil. La vérité est que nous avons peur : si je le lui dis, il risque de ne plus m’aimer. J’aurai honte. Il sera fâché. Je ne suis pas prêt à endurer cela, je préfère désobéir.

3. La tentation : Je ne peux pas m’empêcher de faire cela, même si je sais que c’est mal. Nous devons, bien entendu, être prudents, car le péché conduit souvent à des situations de dépendance. C’est vrai, parfois nous n’arrivons pas à nous défaire de certaines habitudes par nous-mêmes. Toutefois, nous pouvons demander de l’aide, reconnaître notre problème, nous humilier, crier à Dieu pour qu’il nous fasse grâce et nous transforme, et être redevable à une personne de confiance. Dieu prévoit toujours une issue (1 Corinthiens 10.13) : aucune mauvaise pensée ou action n’est inéluctable ou irrésistible. Si nous ne cherchons pas à nous libérer de cette emprise, la raison est sans doute que nous préférons continuer à désobéir et nous justifier en prétendant que nous ne pouvons pas faire autrement.

Comment gérons-nous notre manque de volonté à obéir ? Pour Dieu, tout manquement à l’obéissance est un manquement au de-

Obéir sans conviction 31

voir du souvenir. Dieu est celui qui nous sauve : « Je vous ai fait sortir d’Égypte » (Juges  2.1). Dieu demeure fidèle : « Je ne romprai jamais mon alliance avec vous. » Notre désobéissance découle principalement de notre incapacité à nous rappeler qui il est. L’inverse est aussi vrai : tant que nous nous souvenons de qui est Dieu, nous le servirons de tout notre cœur, pleinement et joyeusement.

Les Israélites ont échoué dans ce domaine et les conséquences sont évidentes et catastrophiques. « Aussi », puisque vous avez désobéi et rompu l’alliance, « ai-je résolu de ne pas déposséder les habitants du pays en votre faveur. Ils resteront pour vous des adversaires et leurs dieux seront un piège pour vous » (v. 3).

Cette définition de l’idolâtrie et de ses conséquences est très intéressante. L’idolâtrie consiste à transformer un bon élément de la création (le mariage, les montagnes, le travail et ainsi de suite) en source ultime de sécurité, d’identité et de pouvoir. Ainsi, les faux dieux sont constamment à nos côtés comme des adversaires, une sorte d’épine dans notre chair. Lorsque nous faisons de quelque chose une idole, cela nous rend constamment malheureux. En effet, si nous ne sommes pas à la hauteur de cette idole ou si nous risquons de ne pas l’être, notre joie s’estompe. Quand nos enfants deviennent notre faux dieu, notre joie disparaît dès qu’ils sont confrontés à des difficultés. En pensant simplement au fait qu’ils pourraient un jour faire face à certains problèmes (ce qui est toujours le cas), nous nous laissons gagner par l’anxiété et perdons notre joie.

Mais les idoles sont aussi des pièges. Elles nous prennent dans leur filet. Quand quelque chose devient une idole, cela nous emprisonne et nous asservit. Il nous le faut absolument et nous ne pouvons pas y renoncer et cela crée une dépendance. C’est pourquoi beaucoup de gens travaillent trop et sacrifient tout sur l’autel de leur carrière : famille, amis et santé. D’autres se laissent consumer par des relations toxiques ou par d’autres dieux.

En Juges 2, le peuple réagit aux paroles de l’Éternel par des pleurs (v. 4) et des sacrifices (v. 5). Cette première génération après Josué

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Juges 1.1 à 2.5

ne s’est pas totalement détournée de Dieu, bien qu’elle ne lui ait pas parfaitement obéi. Ces Israélites ne suivent pas Dieu de tout leur cœur. Nous en verrons les conséquences lorsqu’ils se retrouveront entourés d’épines et de pièges, eux et leurs enfants. En effet, ils seront constamment tentés de céder au compromis dans leur amour et leur obéissance au Dieu fidèle qui les secourt. Le décor est donc planté pour la suite du livre des Juges : le peuple de Dieu cherche à lui plaire (mais il échoue la plupart du temps) et tente de vivre dans la sainteté au sein d’une société idolâtre.

La tension dans le livre des Juges

Il existe une certaine tension entre le « j’ai déclaré » du verset 1 et le « ai-je résolu » du verset 3. Elle est d’ailleurs plus forte que ne le laissent transparaître nos traductions bibliques, comme nous l’explique Michael Wilcock :

Les versets 2.1 et 2.3 devraient être traduits ainsi : « J’ai déclaré que je ne romprai jamais mon alliance… et j’ai aussi déclaré que si vous concluez des alliances avec les habitants de ce pays, je ne les déposséderai pas en votre faveur ». C’est comme si l’Éternel disait : « J’ai promis de vous donner tout le pays, mais j’ai aussi promis de ne pas le donner à un peuple désobéissant. »2

La fin du verset 2 pose cette question : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » Dieu interpelle les Israélites : Vous m’avez placé dans une situation impossible. J’ai promis de vous bénir, car vous êtes mon peuple bien-aimé ; et j’ai promis de ne pas vous bénir, car vous avez désobéi. Comment puis-je résoudre ce dilemme ?

D’une part, Dieu est saint et juste et il ne peut ni tolérer le mal, ni le côtoyer, ni le bénir. D’autre part, Dieu est aimant et fidèle et il ne peut accepter de perdre le peuple pour lequel il s’est engagé. Cette tension est énorme et semble insoluble, tant dans ce récit que dans le reste de la Bible (voir par exemple Exode 34.6-7 ; Osée 11.1-11). Ce tiraillement va entretenir le suspense tout au long du livre des Juges. Dieu va-t-il finir par abandonner son peuple ? Mais alors,

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qu’en est-il de sa fidélité ? Dieu va-t-il finir par céder à son peuple ? Mais alors, qu’en est-il de sa sainteté ?

Ce n’est qu’au pied de la croix que nous comprenons comment Dieu résout cette tension. À la croix, nos péchés lui ont été donnés, imputés*, afin que sa justice nous soit imputée. À la croix, « Celui qui était innocent de tout péché, Dieu l’a condamné comme un pécheur à notre place pour que, dans l’union avec Christ, nous recevions la justice que Dieu accorde » (2 Corinthiens 5.21). À la croix, Dieu a déversé sa colère sur son peuple en la personne de son Fils. Il a satisfait à la fois sa justice, car le péché a été puni, et sa bienveillante fidélité, car il est désormais en position de nous accepter et de nous pardonner. Ce n’est qu’à la croix que Dieu peut être « juste tout en déclarant juste celui qui croit en Jésus » (Romains 3.26). Voilà la seule solution à la tension que nous trouvons en Juges, le seul moyen par lequel Dieu peut nous aimer à la fois de manière conditionnelle et inconditionnelle.

Sans l’Évangile du Christ crucifié, soit nous nous complaisons sans cesse dans le péché (puisque les promesses de Dieu sont inconditionnelles), soit nous vivons sous le poids de notre culpabilité et de notre crainte (puisque ces mêmes promesses sont soumises à conditions). La croix est le lieu où cette tension est résolue de sorte que nous pouvons vivre pardonnés et obéissants, même si nous sommes toujours pécheurs et désobéissants. La croix est le lieu où nous trouvons la liberté de nous accepter tels que nous sommes sans être orgueilleux et de nous remettre en question sans être écrasés.

* Imputer : Attribuer le mérite (ou le blâme) d’une action à quelqu’un d’autre de façon à le mettre complètement à son crédit. À la mort de Jésus, notre péché a été imputé au Christ et il en a subi le châtiment. Désormais, Dieu peut nous imputer la justice de Christ, il la porte à notre crédit.

34 Juges 1.1 à 2.5

Réfléchir pour agir

1. Dans quels domaines de votre vie ou de vos pensées avezvous vraiment besoin de reconnaître aujourd’hui que Dieu est un Dieu de grâce ?

2. Dans quelle situation dites-vous à Dieu : je ne peux pas ? Devez-vous admettre qu’en réalité vous lui dites : je ne veux pas ? Comment changer ?

3. En quoi la croix vous incitera-t-elle à opérer ce changement ?

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Chapitre deux

Vivre parmi les idoles

Juges 2.6 à 3.6

Juges 2.6 à 3.6

Chapitre 2.6 à 3.6 est une seconde introduction au livre des Juges. Il est préférable de lire ce passage en parallèle avec celui de 1.1 à 2.5. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’une introduction, mais également d’un résumé du livre entier. En effet, le narrateur y décrit le cycle de l’expérience spirituelle d’Israël qui se répète tout au long des Juges. Bien que 2.4-5 nous ait permis d’espérer, en voyant un peuple au cœur partagé pleurer face à sa désobéissance et offrir des sacrifices, cette seconde introduction finit sur une note très négative. Elle nous dépeint la condition spirituelle du peuple de Dieu quelque temps plus tard (3.5-6).

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Première partie

Une vie bien remplie

Comme la première introduction, la seconde débute avec Josué, la référence ultime pour le livre des Juges. Josué a « congédié le peuple… pour prendre possession du pays » (v. 6). « Ils servirent l’Éternel » tant que Josué, puis ses lieutenants, étaient en vie. Cette génération a été témoin de « toute l’œuvre de l’Éternel en faveur d’Israël » (v. 7), c’est-à-dire l’arrivée dans le pays promis et la victoire sur les ennemis.

Josué a vécu une vie bien remplie. Il a été un formidable « serviteur de l’Éternel » (v. 8). De plus, contrairement à tous les chefs d’Israël précédents, de Joseph à Moïse, il a eu le privilège de mourir et d’être enterré « dans le territoire de son héritage » (v. 9 – COL).

Néanmoins, ces versets sont troublants. Le chapitre 1 nous apprend que les Israélites se sont installés dans le pays et ont servi l’Éternel sans grande conviction et sans aller jusqu’au bout de la tâche. Josué lui-même a averti le peuple : « Vous ne serez pas capables de servir l’Éternel… Si vous l’abandonnez pour adorer des dieux étrangers, il se retournera contre vous pour vous faire du mal… Débarrassez-vous des dieux étrangers qui se trouvent encore au milieu de vous et tournez-vous de tout votre cœur vers l’Éternel, le Dieu d’Israël » (Josué 24.19-20 ; 23).

Si Juges  2.6-9 décrit en termes positifs cette génération imparfaite et défaillante qui flirte déjà avec les « dieux étrangers qui se trouvent encore au milieu de vous » et qui n’est « pas capable de servir l’Éternel », alors à quoi peut bien ressembler une génération véritablement idolâtre ? Nous n’allons pas tarder à le découvrir…

Une nouvelle génération

Les versets 10-11 font état d’une rébellion qui se déroule en deux étapes. Premièrement, la génération qui suit celle de Josué

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