Artcotedazur N°15

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MONACO

M C FINE ARTS

La collection d’art dissidente La peinture russe et l’art moderne ont entretenu des rapports aussi fructueux que méconnus. C’est l’une des raisons qui a poussé Georgy Khatsenkov à créer une collection unique qui fait revivre ces peintres expatriés au moment de la Révolution russe. Page de droite de haut en bas et gauche à droite:

Tatiana et Georgy Khatsenkov © H Lagarde

Nadia Khodassievitch-Léger (1904-1982) Nature morte à la poupée, Huile sur toile, 1957 Boris Chaliapine (1904-1979) La Sabine, Huile sur toile, 1974 Marc Sterling (1895-1976) Viol de l'Europe, Huile sur toile, 1945 Tamara de Lempicka (1898-1980) Nature morte au tissu gris et au lys blanc, Huile sur toile, circa 1945 © Toutes photos Courtesy MC Fine Arts

I

l n’y a qu’un an que la Galerie MC FINE ARTS a ouvert ses portes à Monaco, pourtant l’engagement de ses propriétaires pour l’art remonte à plus de trente ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Tatiana et Georgy Khatsenkov pour rassembler près de 5 000 pièces, retraçant la grande et la petite histoire des peintres russes en exil. Une diaspora qui, en se mêlant à Paris aux artistes français, participa à l’éclosion des avantgardes de 1900 à 1970. Georgy est originaire de Moscou où il fut journaliste. Lorsqu’il arrive en France il est surpris d’y découvrir autant d’artistes russes méconnus dans son pays alors que la plupart participèrent à l’émancipation de l’art moderne en Europe. Afin de réparer cette injustice, de l’Hôtel des ventes Drouot en greniers, il suivra la piste de ces œuvres dissidentes et de leurs géniteurs. « Si certains entrèrent par la grande porte des musées comme Chagall ou Kandinsky, beaucoup d’autres restèrent en coulisses ». C’est de tous ceux-là que parle la collection Khatsenkov tout en tournant les pages de l’histoire de l’art, à commencer par celles écrites dans le Paris à l’aube du XXème siècle. Montparnasse : La petite Russie « Beaucoup de russes émigrèrent avant et après la Révolution à Paris, où ils se mêlèrent à l’école de Paris si bien que l’on peut dire que le vrai pays natal de l’avant-garde russe c’est la France ! ». En 1905 avec l’arrivée de Staline de nombreux artistes préfèrent la fuite à un asservissement moral et esthétique. Curieux des nouvelles tendances, ils se réfugient dans la capitale des arts en pleine effervescence : « L’œuvre de Cézanne qui inspira à Moscou en 1910

© H Lagarde

la naissance du mouvement le Valet de carreau, mais aussi Picasso, Ingres, Matisse ou les futuristes italiens agirent comme un aimant ». Certains de ces émigrants, sans le sou font le chemin à pied comme Nadia Léger. Mais tous amènent avec eux leur personnalité et les traditions de leur pays. C’est à Montparnasse que se cristallise ce nouvel élan créatif et notamment dans l’atelier de la peintre russe Marie Vassilieff, atelier qui devient la cantine de ces déracinés. « Elle les a nourri en évitant de donner de l’alcool à Soutine » commente en riant Georgy. C’est dans cet ancien atelier devenu le Musée de Montparnasse qu’une partie de sa collection fut d’ailleurs présentée du 21 juillet au 31 octobre 2010. Une exposition qui dans le cadre de l’année France Russie dévoilait la pluralité de talents de ces « Artistes russes hors frontière ». « Si ce patrimoine culturel est aujourd’hui reconnu via Kandinsky, Chagall, Malevitch ou © H Lagarde Lempicka, il restait à faire découvrir toute une frange d’œuvres demeurées en marge des projecteurs » explique Georgy. Il confia au Musée quelques 80 toiles d’artistes aussi différents que Pougny, Gontcharova, Larionov, Annenkov ou Sonia Delaunay qui avant d’embrasser l’abstraction se distingua en créant des vêtements aux motifs colorés et géométriques. De Cannes à Nice En visitant l’exposition Frédéric Ballester (Directeur des expositions du Centre d’Art La Malmaison à Cannes) décide de faire profiter de ce panorama unique aux azuréens et rassemble à la Malmaison une soixantaine de toiles autour du Nu. Un thème largement exploré par des artistes dont la sensualité se libère au contact de la vie parisienne. La beauté charnelle est alors au cœur des fêtes du Montparnasse nocturne, du Moulin Rouge aux bals organisés par l’Union des Artistes Russes au Café Bullier où chacun est libre de se dénuder ou de se travestir. L’exposition cannoise prolongée jusqu’au 27 février a invité à ses cimaises une majorité de femmes peintres démontrant que celles-ci n’ont pas été que des muses, mais de talentueuses créatrices qui contribuent à l’âge d’or de la peinture. Sérébriakova dont les nus s’alanguissent, dans une palette chaude. Marie Vassilieff qui célèbre le corps dans son trait cubiste


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