l'ÉCRan AVRIL 2015 | Sexualité

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ÉCRan

Éthique et Culture Religieuse | articles et nouvelles

PRINTEMPS 2015, VOLUME 5, NUMÉRO 1

DOSSIER

Éducation à la sexualité

ARTICLES

Éducation à la sexualité, ÉCR et posture professionnelle Éthique et sexualité Une sexologue à l’école Religion et sexualité

ENTREVUE

L’éducation à la sexualité en milieu multiethnique

CHRONIQUES

Recherche et pratique en dialogue Littérature jeunesse Trucs de prof


ESTRIE 8e édition

12, 13 et 14 novembre 2015

ÉTHIQUE À LA UNE Comment dialoguer?

LES JOURNÉES PROVINCIALES DE LA FORMATION CONTINUE EN ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE

Inscriptions en ligne : JPFC.AQECR.COM


SOMMAIRE 4

ÉDITORIAL

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DU NOUVEAU DANS VOTRE ÉCRan

ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ, ÉCR ET POSTURE PROFESSIONNELLE

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chargé d’enseignement et chercheur, Université Laval

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ÉTHIQUE ET SEXUALITÉ

LITTÉRATURE JEUNESSE

Catherine Chiasson

TRUCS DE PROFS : LES TIC, UN INCONTOURNABLE EN ÉCR

Marc Landry

Denis Jeffrey

enseignant au collège Notre-Dame

professeur titulaire à la faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université Laval

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Entrevue avec Gaëlle Kingué-Élonguélé

libraire jeunesse à la Librairie Bric à Brac

Jean-Philippe Perreault 8

RECHERCHE ET PRATIQUE EN DIALOGUE enseignante au préscolaire-primaire et candidate à la maitrise en sciences de l’éducation à l’UQAM

ARTICLES 6

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CHRONIQUES

UNE SEXOLOGUE À L’ÉCOLE

Isabelle Beauregard

sexologue et étudiante au baccalauréat en adaptation scolaire au secondaire à l’UQAM

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RELIGION ET SEXUALITÉ

Guy Ménard

professeur retraité du département de sciences des religions à l’UQAM

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ENTREVUE

L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ EN MILIEU MULTIENIQUE (ET L’IMPORTANCE DE COORDONNER L’ÉCOLE EN SANTÉ)

Mélanie Dubois

enseignante à l’école secondaire « Saint-Nom-de-Marie » et chargée de cours à l’UQAM

Directeur de la revue Sylvain Fournier Rédactrice en chef invitée Chantal Bertrand Réviseure linguistique Julie Coutu Réalisation graphique Alexandre Poirier

courriel : ecran@aqecr.com site web : www.aqecr.com

Impression Imprimerie Lanaudière

Changements d’adresse et retours postaux ASS. QUEBECOISE EN ÉTHIQUE ET CULTURE REL. CP 1283 L’EPIPHANIE SUCC BUREAU-CHEF L’EPIPHANIE, J5X 4S9

Photo de couverture Dreamstine 2543575

Dépôt légal : Bibliothèque et Archives Canada ISSN 1916-8047

Depuis 2008, cette publication est conçue à l’initiative de l’Association québécoise en Éthique et culture religieuse (AQÉCR) qui en est l’éditeur. L’Association québécoise en Éthique et culture religieuse (AQÉCR) se dégage de toute responsabilité par rapport au contenu des publicités publiées dans ses pages. De plus, les opinions énoncées dans cette revue n’engagent en rien l’AQÉCR et sont sous l’entière responsabilité des auteurs.

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ÉDITORIAL

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E

N NOVEMBRE DERNIER, LES ACCUSATIONS D’AGRESSIONS SEXUELLES portées contre l’animateur de radio de la CBC, Jian Ghomeshi, occupaient

largement l’espace médiatique et les réseaux sociaux. La création et l’alimentation du mot clic #AgressionNonDénoncée sur Twitter, repris sur Facebook, ont mis de l’avant des drames qui étaient parfois tus depuis de nombreuses années. Cet élan collectif a favorisé une prise de conscience de l’ampleur et de la diversité des agressions sexuelles plus efficacement qu’aucun ensemble de statistiques ne pourra jamais le faire. Beaucoup en ont profité pour réclamer un retour de cours d’éducation à la sexualité dignes de ce nom dans les écoles. Cette demande revient régulièrement dans l’espace public. Rappelons que depuis l’abolition des cours de Formation personnelle et sociale, l’éducation à la sexualité à l’école été décloisonnée et est devenue la responsabilité de chacun et chacune, soit du personnel enseignant, des divers intervenants de l’école (infirmiers.ères, travailleurs sociaux…) ainsi que des partenaires de la communauté (organismes, services de police). Or, lorsque la responsabilité incombe à « tout le monde », nous savons bien que, trop souvent, c’est « personne » qui s’en occupe… Lorsqu’il s’agit d’éducation à la sexualité, ce jeu de « la patate chaude » se comprend aisément : manque de formation des enseignants, impression (souvent erronée) que les élèves en savent plus que les maitres, gêne, peur d’éventuelles plaintes de parents, et, bien évidemment, manque de temps. L’éducation à la sexualité ne concerne pas que la génitalité et la reproduction. Elle englobe aussi bien la puberté que le respect de soi et de l’autre, l’estime personnelle que les ITSS, les enjeux légaux que moraux. Le ministère a été invité à refaire ses devoirs afin de clarifier quelles parts de l’éducation à la sexualité reviennent à quelles disciplines. Le programme d’ÉCR, situé dans le champ du développement personnel semble, pour beaucoup de personnes, tout désigné. Or, certains enseignants s’inquiètent que l’on ajoute du contenu à un programme déjà très dense, surtout dans un contexte où les heures allouées sont souvent en deçà des recommandations ministérielles. Comment faire de l’éducation à la sexualité dans le cadre du programme d’ECR tout en respectant la posture professionnelle qui lui est propre et en développant les compétences disciplinaires? Quelles ressources sont disponibles, intéressantes et pertinentes? C’est dans le but d’apporter quelques réponses et pistes diverses que nous avons conçu ce numéro. Nous en profitons pour remercier nos collaborateurs et collaboratrices qui ont permis de créer ce numéro qui, nous l’espérons, saura vous plaire. Bonne lecture !

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CHANTAL BERTRAND

Rédactrice en chef invitée


DU NOUVEAU DANS VOTRE

ÉCR an L’ÉCRan vous propose de nouvelles chroniques et une capsule. Nous vous les présentons ici.

Chronique : La recherche et la pratique en dialogue On entend souvent dire que la recherche est surtout du pelletage de nuages alors que la pratique a lieu sur le plancher des vaches. Et si l’écart n’était pas si grand ? Du moins pas toujours ? Au moyen de cette chronique, nous souhaitons créer un pont entre la recherche en sciences de l’éducation et la pratique, car nous estimons qu’un dialogue est essentiel entre les deux. Chercheurs en formation ou enseignants forts de nombreuses années d’expérience seront invités à vous faire part de leurs travaux. Nous leur demanderons de vulgariser leur objet de recherche mais aussi de vous expliquer pourquoi ils et elles considèrent que les résultats de leurs travaux devraient vous intéresser. Pour cette première édition, nous avons demandé à Gaëlle Kingué-Élonguélé de nous parler de son projet de recherche de maîtrise.

Chronique : Truc de prof Laisser un espace aux enseignants et aux enseignantes pour partager leurs « bons coups pédagogiques » nous semble aussi essentiel que stimulant. Cette chronique vous appartient ! Les sujets seront aussi variés que vous l’êtes. Merci à Marc Landry d’avoir accepté de briser la glace et de partager avec nous une partie de son savoir et de son expérience.

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Chronique : La littérature jeunesse en ECR Dans la version numérique réservée aux membres seulement

Catherine Chiasson est une auteure, une libraire passionnée et une ancienne enseignante au secondaire. Spécialisée en enseignement du français, elle affirme avoir eu un immense plaisir à donner le cours d’ECR. Elle signera une chronique visant à vous faire découvrir des titres choisis avec soin pour le primaire et pour le secondaire. Ces derniers seront sélectionnés pour vous permettre d’aborder ou d’exploiter efficacement et avec plaisir l’un des thèmes du programme en éthique ou en culture religieuse. Bonne lecture !

Capsule : Dialoguons… L’ÉCRan vise à vous outiller, à vous faire réfléchir… mais nous aimerions aussi qu’il serve à ouvrir des dialogues. Les textes publiés ne sont pas nécessairement cautionnés par la revue, mais nous souhaitons qu’ils vous permettent d’échanger sur les pistes proposées par les auteurs. C’est pourquoi, suite à certains textes, vous trouverez une petite capsule intitulée «Dialoguons» dans laquelle des questions seront lancées pour des échanges que nous souhaitons stimulants sur la page Facebook de l’AQÉCR (exclusive aux membres): http://on.fb.me/1ww2MR1. Au plaisir de dialoguer avec vous!


ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ, ÉCR ET POSTURE PROFESSIONNELLE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// JEAN-PHILIPPE PERREAULT | chargé d’enseignement et chercheur, Université Laval intentions et objectifs (de prévention, de sensibilisation, d’éducation…) – auquel cas, sans doute font-ils œuvre utile et nécessaire, mais ils ne font pas de l’ÉCR.

FAIRE DE L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ EN ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE? RÉPONSE COURTE ET LOGIQUE : NON. EST-CE QUE L’ÉCR CONTRIBUE À L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ? OUI… À CERTAINES CONDITIONS.

Si l’enseignant a le devoir « de contribuer à la formation intellectuelle et au développement intégral de la personnalité de chaque élève qui lui est confié1 », il se doit aussi « de respecter le projet éducatif de l’école2 » qui comprend, évidemment, le programme de formation de l’école québécoise dont ÉCR est une composante obligatoire. N’est-ce pas là que se situe sa première responsabilité professionnelle? Responsabilité à laquelle s’ajoute, bien entendu, le sens de l’initiative, le jugement, l’objectivité, l’impartialité, la créativité dans la mise en place des conditions et stratégies permettant le développement des compétences chez les élèves.

A

vec l’intimidation, la discrimination, la violence, l’alcool au volant, la consommation de drogue, l’éducation à la sexualité s’ajoute à la longue liste de préoccupations pour lesquelles l’École est interpelée, au nom de sa triple mission éducative, bien entendu, mais aussi parce que les jeunes y forment une « clientèle captive » pour différents organismes et intervenants. Tout en reconnaissant la pertinence et la nécessité de traiter de ces enjeux, on s’interroge « si l’on doit », « si l’on peut », « s’il est souhaitable » que ces questions prennent place en ÉCR. Il s’agit d’une question de responsabilité et de posture professionnelles, dans son aspect le plus fondamental.

LA CONTRIBUTION POSSIBLE À L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ Pour penser les liens entre l’éducation à la sexualité et ÉCR, il faut donc renverser les termes de l’équation : non plus se demander si l’éducation à la sexualité peut trouver sa place en ÉCR, mais si ÉCR – dans le respect des compétences à développer et des contenus à aborder – peut contribuer à l’éducation à la sexualité. Ce faisant, on s’assure de répondre d’abord aux exigences de la réflexion éthique et de la compréhension du phénomène religieux. Et c’est bien dans le respect de ces exigences que la pertinence d’ÉCR réside. Aborder la sexualité en menant une réflexion critique sur les valeurs, les normes et les comportements, en explorant les dimensions historique, doctrinale, morale et sociale du phénomène religieux et en développant des habiletés chez les élèves à organiser leur pensée, interagir avec les autres et élaborer des points de vue. Ce faisant, l’apport d’ÉCR ne

L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ N’EST PAS DE LA RÉFLEXION ÉTHIQUE OU DE LA COMPRÉHENSION DU PHÉNOMÈNE RELIGIEUX En raison des thèmes et des éléments de contenu qui y sont abordés, on comprend que les cours d’ÉCR puissent paraître l’espace tout désigné pour traiter d’enjeux sociaux ou d’actualité. Dans ce contexte, les enseignantes et enseignants doivent choisir : soit ils proposent des activités d’apprentissage permettant le développement des compétences en ÉCR et correspondant aux éléments de contenu prévus – auquel cas il s’agit bien d’une réflexion éthique ou de culture religieuse; soit ils proposent aux élèves des activités qui possèdent leurs propres 1 2

Québec (province), Loi sur l’instruction publique L.R.Q., chapitre I-13.3, 2012-09-01, Québec, Éditeur officiel du Québec, chapitre II, article 22. Ibid.

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visera pas à ce que les élèves adoptent des comportements souhaités au nom d’une certaine morale sexuelle toute contemporaine (il s’agirait alors d’une entreprise de moralisation3 , si jamais telle était l’orientation choisie par les projets d’éducation à la sexualité en préparation), mais à s’interroger sur les normes et les valeurs en tension dans les différentes conceptions d’une « sexualité saine » présentes dans la culture commune. De la même manière, l’exploration du phénomène religieux ne mènera pas à un jugement sur la pertinence des différentes morales religieuses, mais plutôt à une compréhension de l’origine, de l’évolution historique, du sens et de la place de ces morales dans différentes traditions ainsi que de la diversité de façons de penser, d’être et d’agir des croyants dans leurs rapports à ces morales.

JEAN-PHILIPPE PERREAULT Chargé d’enseignement et chercheur, Université Laval

DIALOGUONS

LA POSTURE PROFESSIONNELLE

«

L’auteur écrit :

Avec ce renversement de perspective (non pas éducation à la sexualité en ÉCR mais contribution de ÉCR à l’éducation à la sexualité), la question de la posture enseignante s’éclaircit d’elle-même. Il en va de la question de la sexualité comme de toute autre question éthique ou de culture religieuse puisqu’il s’agit de traiter d’une question éthique ou de culture religieuse et non de faire de l’éducation à la sexualité. L’objectivité et l’impartialité habituelle demeurent. Les interventions et stratégies pédagogiques permettant la considération d’une diversité de points de vue valent ici comme pour tout autre sujet abordé en ÉCR. En fait, l’enjeu de la posture se trouve posé en amont : que les activités proposées aux élèves permettent de réfléchir à une question éthique, de comprendre le phénomène religieux et de pratiquer le dialogue.

Tout en reconnaissant la pertinence et la nécessité de traiter de ces enjeux, on s’interroge « si l’on doit », « si l’on peut », « s’il est souhaitable » que ces questions prennent place en ÉCR.

Qu’en pensez-vous ?

»

La posture professionnelle exigée en ÉCR vous semble-t-elle un atout ou un obstacle pour faire de l’éducation à la sexualité ?

Pour ceux et celles qui demeurent convaincus de la pertinence de la réflexion éthique et de la culture religieuse dans la formation globale et intégrale des jeunes, faire avec eux de l’ÉCR n’est-il pas encore le meilleur moyen de contribuer à un enjeu aussi important que l’éducation à la sexualité?

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Pour une distinction entre la prévention, la moralisation et la réflexion éthique, on peut consulter le texte de Nicole Marchand et Jean-Philippe Perreaul, La place des campagnes de prévention en ÉCR disponible sur le site Enseigner l’ÉCR! : http://www.enseigner-ecr.org/ressources/enjeux-et-perspectives.aspx

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ÉTHIQUE ET SEXUALITÉ

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// DENIS JEFFREY | professeur titulaire à la faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université Laval

L

a sexualité, depuis l’aube de l’humanité, apparaît dans une extrême complexité. Dans les sociétés les plus anciennes, rien n’est laissé au hasard en matière de pratiques sexuelles. L’anthropologue Claude Lévi-Strauss montre que l’interdit universel de l’inceste est un marqueur de civilisation qui règlemente la vie sexuelle entre les individus unis par un lien de parenté. Dans les sociétés modernes, l’interdit de l’inceste sert à nommer les individus disponibles aux relations sexuelles en plus de régir les liens de consanguinité et les mariages. Rappelons que dans la plus grande majorité des sociétés, le mariage est le seul cadre légitime pour exercer sa sexualité (Flandrin, 1981 : 247).

catholique d’autrefois, toutes les pratiques sexuelles étaient soigneusement contrôlées. Les femmes étaient placées du côté du serpent qui apportait le mal dans le monde (Jeffrey, 2014). Les inconduites sexuelles faisaient l’objet de sentences métaphysiques, telle la perte du plaisir éternel auprès du divin. Au cours des années 1960-1970, la vie sexuelle des Québécois a connu des changements majeurs. Ils ne se reconnaissent plus dans cet imaginaire de la faute. Néanmoins, on doit avouer qu’il en reste quelque chose. Même si les prêches contre la fornication et la luxure se font rares, il est tout de même admis que la sexualité doit être disciplinée. En fait, toutes pratiques sexuelles, même les plus privées, sont encadrées par des règles, des normes, des lois, des interdits et des idéaux moraux. Le cours d’ÉCR offre un cadre unique qui favorise chez les élèves des discussions, des réflexions et des prises de position éclairées sur les divers enjeux moraux qui touchent la sexualité humaine.

L’invention de l’amour et de la galanterie, si on en croit Georges Duby (1988), est plutôt récente. Le sentiment amoureux devient un bien moral à partir du XIIe siècle dans les milieux aristocratiques. Toutefois, puisque les mariages sont arrangés – le père détient l’autorité en cette matière – les amours courtois demeurent platoniques. Les amours qui échappent à l’autorité paternelle, à l’exemple de Tristan et Iseut ou de Roméo et Juliette, sont voués à un destin tragique. Dans la plupart des sociétés traditionnelles, la chasteté féminine doit être sauvegardée jusqu’au mariage. Quel homme voudrait d’une jeune fille qui ne serait pas vierge lors de sa nuit de noces ? La société québécoise, avant les années 1970, encourage la chasteté féminine et concède au père un pouvoir de décision sur le mariage de ses enfants. La famille de la jeune fille s’engage à la pourvoir d’une dot – ou du moins d’un trousseau de mariage – et à payer les coûts de la noce. Ces pratiques sont sujettes à de vives discussions lors d’un grand mariage.

AMOUR, SEXUALITÉ ET MORALE Dans les premiers jours de sa vie, le nourrisson dépend entièrement d’autrui pour vivre, mais devenu pubère, il cherche à satisfaire ses besoins par lui-même. L’adolescence est un moment clé dans l’histoire morale du petit humain. À travers ses expériences amoureuses et sexuelles, il apprend la bonté et la méchanceté, la franchise et le mensonge, le bonheur du lien affectif et l’abandon, la lâcheté et le courage de révéler des sentiments, la fidélité et la tromperie. Son univers moral tourne autour de ses premiers émois amoureux et sexuels. Dans les sociétés modernes, l’adolescent est mis sous pression pour faire le passage au monde adulte. Or, affirmer son autonomie, assumer ses désirs sexuels et apprendre la vie de couple sont des enjeux exigeants du point de vue moral. Les premiers liens sexuels et amoureux laissent des marques indélébiles dans une histoire

Avant la Révolution tranquille, les rapports sexuels étaient marqués par le moralisme exacerbé du clergé catholique. L’œuvre de chair ne pouvait s’exercer sans péché, car la nature humaine elle-même avait été corrompue par la séduction d’Ève. Dans la société

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de vie. Plusieurs témoignent de cette douleur. Aline se souvient encore de ce jour de ses 16 ans où elle a annoncé à sa sœur un amour pour sa copine de l’époque. Jean a confessé à son meilleur ami qu’il n’avait jamais été capable d’avouer son amour à Caroline, son amie d’étude au secondaire. Alexandra était déchirée entre deux copains qui l’aimaient et qu’elle aimait. Elle a préféré fuir l’un et l’autre. Matéo est sorti deux ans avec Josée avant qu’elle le quitte pour un autre. Il a pris des mois à s’en remettre. Plusieurs enjeux moraux, à l’adolescence, touchent aux aspects les plus intimes de la vie amoureuse et sexuelle.

LA RÉFLEXION SUIT L’ACTION L’adolescent expérimente la vie, il la pense après coup. Tout commence par le corps, ses sensations, ses émotions, ses plaisirs. Pourrait-il en être autrement ! Qui pourrait retenir les jeunes de faire leur vie ! Toutefois, dans un cours d’ÉCR, nous pouvons les amener à réfléchir sur leurs attentes, leurs déceptions, leurs idéaux, leurs représentations de l’identité de genre, etc. L’enseignement de l’éthique prend pour point de départ les expériences des jeunes. Mais ça reste un point de départ pour aller plus loin, pour explorer les multiples enjeux moraux et légaux de la vie sexuelle et affective. Si j’étais encore enseignant au secondaire, je construirais des activités d’apprentissage sur l’un ou l’autre de ces thèmes en fonction du niveau scolaire et des questions des élèves : l’hypersexualisation des jeunes filles, la fidélité dans la relation amoureuse, l’usage du préservatif, les pratiques sexuelles des jeunes, la chasteté avant le mariage, la paternité, la maternité, la parentalité, la littérature érotique, la pornographie sur le Web, les femmesobjets dans les clips, la drague sur Internet, les mutilations sexuelles, les homosexualités, les attouchements sexuels non autorisés, la sexualité responsable, les plaisirs solitaires, les premières fois, le nu dans l’art religieux, les interdits sexuels, la bisexualité, la prostitution, les âges du consentement, la nudité en lien avec la pudeur, la polygamie, l’éventail des désirs sexuels, etc.

Presque tous les adolescents veulent accéder aux privilèges sexuels de la vie adulte, mais plusieurs d’entre eux sont toutefois incapables de renoncer à leurs comportements infantiles (Jeffrey, 2012 : 139). Ils se sentent bien dans le maternage puisqu’ils n’ont pas à penser à la lessive, à la cuisine et à payer les comptes. En revanche, ils revendiquent leur autonomie sexuelle même s’ils ne sont pas prêts à en assumer les responsabilités. Or, comment savoir si un jeune est prêt moralement à assumer sa vie sexuelle? Nous savons par expérience qu’il se lancera souvent tête première et sans être bien préparé dans des aventures amoureuses et sexuelles. Il goûtera aux plaisirs des étreintes sans penser aux conséquences. Il importe d’aider ces jeunes à comprendre la sacralité des corps à corps, à saisir le sens de la confiance mutuelle et à savoir se dire.

Dans le cours d’ÉCR, il m’apparaît primordial d’amener les élèves à comprendre pourquoi le sexe, depuis l’aube de l’humanité, est régulé par des interdits très sévères. Nul ne peut jouir sans entrave. Le plaisir sexuel des uns doit prendre en considération celui des autres. Chacun apprend, dans une relation sexuelle, à respecter ses limites. En fait, dans toutes les sociétés, les contacts sexuels sont encadrés par des règles laïques et religieuses dont les plus importantes concernent l’inceste, le consentement, la protection de l’intimité, le respect de la maturité de la personne, la délimitation des plaisirs sexuels, l’hygiène, la pudeur personnelle, la grossière indécence, la procréation et le commerce sexuel. Même si les trajectoires sexuelles individuelles se sont diversifiées (Dorais, 1999) et que les individus jouissent de plus de libertés, un enseignant d’ÉCR ne peut éviter de présenter les prescriptions du cadre légal sur les comportements sexuels.

En fait, l’apprentissage moral, sexuel et amoureux d’un adolescent est initiatique. Cela signifie qu’il apprend en expérimentant. Le cadre de vie d’un adolescent s’apparente à un laboratoire dans lequel il explore les limites de sa condition d’humain. Ainsi, malgré toutes les mises en garde, les campagnes de prévention et les grands discours moraux sur la prudence, la plus grande majorité des adolescents préfèrent éprouver la vraie vie, au risque de se faire mal. L’exploration de leur sexualité et de leurs liens affectifs leur procure des sensations et des émotions avec lesquelles ils vont tisser un sens à leur existence. Cette question du sens à l’existence se présente souvent comme une ordalie entre le choix de vivre ou de se laisser mourir.

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propos méprisants sur les femmes, les homosexuels et tous ceux qui ne répondent pas au modèle machiste de la « normalité ». Pour bien des jeunes garçons imbibés de l’esprit machiste, le partage des tâches domestiques comporte des risques ; se livrer à une tâche féminine devant ses pairs suscite la crainte de perdre l’honneur et la respectabilité. Chez les petits machistes, c’est bien connu, la virilité se construit par opposition au monde féminin (Rauch, 2000 ; Jeffrey, 2012).

LIBERTÉS SEXUELLES ET AUTODISCIPLINE De Gaspé à Pékin les fougues pubertaires sont les mêmes. Le Web, qui expose sans trop de censure des images érotiques et de la pornographie, est devenu un lieu de rendez-vous pour les jeunes. En fait, ils profitent des libertés sexuelles du Web sans toutefois connaître les limites de ces libertés. Les aventures du cybersexe, il y a ici urgence, constituent une thématique éthique inévitable. Les nouvelles libertés sexuelles exigent une grande discipline personnelle. Pourquoi un jeune se garderait-il de fréquenter la porno sur le Web ? Cette question mérite toute notre attention. Le sexe pornographique ne passe pas par le consentement d’autrui ; il semble qu’autrui soit toujours et déjà consentant. Et dans la porno, tous les plaisirs sont permis. Toutefois dans la réalité, le rapport sexuel exige le consentement d’autrui et tous les plaisirs ne sont pas permis. Comment alors obtenir le consentement d’autrui ? Ovide, dans son Art d’aimer, prodiguait des conseils aux jeunes garçons pour séduire leur dulcinée. Les rites de séduction civilisent les rapports sexuels. Ils permettent à l’un et à l’autre de montrer sa douceur et sa sincérité pour obtenir un consentement mutuel. Ce rituel révèle leur éthique, leur sens moral. Bien sûr il y a des séducteurs, à l’instar de Don Juan, qui trompent, qui mentent, qui usurpent autrui. Un enseignant d’ÉCR discute avec les élèves de tous les types de séducteurs qu’ils peuvent rencontrer sur l’Internet.

Il appartient à l’enseignant d’ÉCR de soulever l’attention des élèves sur les rapports inégalitaires issus de la logique de la domination masculine. Les comportements machistes, tous peuvent en témoigner, ne changent pas en criant ciseau. Cinquante années après la Révolution sexuelle, plusieurs jeunes garçons se mettent en scène à travers des comportements machistes moralement inacceptables (« la fille facile aime ça et n’a pas besoin de sa permission pour être baisée »). Il apparaît donc important de reprendre le flambeau de l’égalité des sexes et de le mettre bien en vue dans la classe. Rompre avec le machisme, c’est travailler pour l’égalité des sexes et la reconnaissance de la dignité de tous.

À l’adolescence, apprendre à contrôler ses pulsions sexuelles pour initier un rapport civilisé à autrui devient un enjeu moral incontournable. Quand les pulsions sont apprivoisées, la rencontre avec l’autre devient possible. En fait, le monde pulsionnel, qui selon Freud ne connaît pas de limites aux plaisirs sexuels, doit être éduqué. Or, comment sensibiliser les élèves, dans une classe d’ÉCR, à une sexualité disciplinée et épanouie ?

DÉFIS DES ADOLESCENTS

En fait, apprendre à respecter autrui, quelle que soit sa différence, demande à chacun, et encore plus à ces jeunes embourbés dans le machisme, un travail sur soi, sur ses représentations sociales, sur ses modèles de moralité. Un travail à propos duquel les enseignants d’ÉCR connaissent la pertinence.

La sexualité adolescente pourrait paraître moins problématique aujourd’hui parce que sont disparues les pressions morales de la faute, de la souillure sexuelle, de la chasteté, de la continence et du mépris pour les plaisirs sensuels. Il est vrai que le moralisme catholique ne fait plus contrepoids aux pulsions sexuelles les plus débridées. Or, les jeunes sont souvent laissés à eux-mêmes pour réguler leur univers sexuel. Ils sont appelés à maîtriser leurs pulsions sans l’aide d’un guide, d’un mentor. Ils n’ont pas l’occasion de réfléchir au sens des pratiques sexuelles responsables. Plusieurs d’entre eux s’enlisent dans des extrêmes: refoulement total de la sexualité ou complète désinhibition. Au sujet du refoulement, Freud disait que la morale qu’on

Il n’échappe pas aux enseignants avisés que nombre de jeunes reproduisent, sans s’en rendre compte, des stéréotypes machistes, sexistes et homophobes. Des jeunes garçons cumulent les exploits sexuels pendant que les jeunes filles cultivent la romance. Pour affirmer leur virilité, nombre de garçons tiennent des

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se donne à soi-même est parfois plus exigeante que celle qui vient d’une autorité extérieure. Ceux qui, au contraire, s’érotisent à longueur de journée sur les sites pornos sont aussi malheureux. Entre l’état refoulé et l’état désinhibé, il y a certes une position moyenne, un état tempéré, selon le mot d’Aristote, qui demande une autodiscipline et une réflexivité morale sur ses actes. Cette autodiscipline et cette réflexivité s’apprennent et se pratiquent ; la classe d’ÉCR se prête parfaitement bien à cela. Aussi, l’autodiscipline demande une force intérieure qui parfois vacille. C’est pourquoi le jeune doit être soutenu par ses parents et ses enseignants.

toutes faites, mais pour les initier aux grandes valeurs morales qui nous font humains. Par ailleurs, j’ose croire que la libération sexuelle, encore inachevée, aura raison des diverses formes de machisme. Il est vrai que la lutte des femmes contre le sexisme a affaibli les valeurs machistes, permettant par ricochet aux homosexuels et aux minorités de sortir de cette ségrégation. Le lien entre l’émancipation des femmes et les revendications pour les droits civiques n’est pas fortuit. Nous comprenons mieux depuis peu que l’émancipation des individus, quelles que soient leurs différences, tient en grande partie des combats menés par les femmes pour se réapproprier leur corps et leur sexualité.

DÉFIS DES ENSEIGNANTS L’enseignant d’ÉCR tient un rôle de passeur comme pouvaient le tenir les sages dans les sociétés traditionnelles lors des rites de passage à la vie adulte. Il sait utiliser diverses approches pédagogiques (dilemmes, étude de cas, narrative, éditorial, partage d’expérience, jeux de rôles, etc.) et diverses activités thématiques pour amener les élèves à prendre conscience de leurs représentations de l’amour et de la sexualité. Un passeur est une personne de confiance avec laquelle les élèves peuvent discuter ouvertement de leurs inquiétudes, de leurs quêtes de sens, de leurs interrogations, de leurs désirs. Il excelle dans l’art d’initier les jeunes à des parts d’euxmêmes qu’ils connaissent moins. Il les invite à mener un travail sur eux-mêmes afin qu’ils puissent se sentir à l’aise de prendre la parole pour se raconter, parfois pour dire oui parfois pour dire non. Il est vrai qu’un travail sur soi, dans le sens socratique, commence par des questions qui ébranlent des certitudes intérieures. Il se poursuit par des activités de sensibilisation. Les élèves les plus éveillés qui voudront aller plus loin pourront compter sur leur enseignant d’ÉCR pour recevoir, sans préjugés, leurs interrogations et leur montrer les voies de l’introspection.

RÉFÉRENCES Attali, J. (2007). Amours. Paris : Fayard. Dorais, M. (1999). Éloge de la diversité sexuelle. Montréal : VLB Éditeur. Duby, G. (1988). Mâle Moyen Âge : de l’amour et autres essais. Paris : Flammarion. Flandrin, J. L. (1981). Le sexe et l’Occident. Paris : Seuil. Héritier. F., Cyrulnik, B. et Naouri, A. (1994). De l’inceste. Paris : Odile Jacob. Jeffrey, D. (2012). «Les rites de virilisation». Dans Codes, corps et rituels dans la culture jeune. Québec : Presses de l’Université Laval. Jeffrey, D. (2014). «La moralité vertueuse des enseignantes québécoises» Dans Des femmes et des hommes singuliers. Paris : Armand Colin. Ovide. L’art d’aimer. Rauch, A. (2000). Le premier homme. Paris : Hachette. Vallet, O. (1998). Le honteux et le sacré. Grammaire de l’Érotisme divin. Paris : Albin Michel.

CONCLUSION On ne parle plus, depuis les années 1970, de la répression sexuelle. Les sexualités ont été libérées du carcan moraliste d’autrefois. Le Québec actuel n’est peut-être pas trop puritain ni trop dissolu, mais pour bien des jeunes, il n’est pas facile de trouver le juste chemin parmi les diverses propositions de sexualités. Ils ont besoin de guides, non pas pour leur imposer des réponses

DENIS JEFFREY

professeur titulaire à la faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université Laval

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DIALOGUONS

«

L’auteur affirme : Si j’étais encore enseignant au secondaire, je construirais des activités d’apprentissage sur l’un ou l’autre de ces thèmes en fonction du niveau scolaire et des questions des élèves : l’hypersexualisation des jeunes filles, la fidélité dans la relation amoureuse, l’usage du préservatif, les pratiques sexuelles des jeunes, la chasteté avant le mariage, la paternité, la maternité, la parentalité, la littérature érotique, la pornographie sur le Web, les femmes-objets dans les clips, la drague sur Internet, (...) etc.

»

Selon vous, ces suggestions sont-elles pertinentes aujourd’hui pour un enseignant en ÉCR au secondaire? À quel thème du programme ÉCR pourriez-vous associer ses suggestions de thématiques? Seriez-vous à l’aise d’aborder ce type de sujets?

«

»

Plus loin, Jeffrey affirme que :

Il appartient à l’enseignant d’ÉCR de soulever l’attention des élèves sur les rapports inégalitaires issus de la logique de la domination masculine.

Vrai ou faux? Sentiments partagés? Que pensez-vous de cette affirmation?

Illustration d’Alexandre Bazinet, enseignant en adaptation scolaire au secondaire

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UNE SEXOLOGUE À L’ÉCOLE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// ISABELLE BEAUREGARD | Sexologue et étudiante au baccalauréat en adaptation scolaire au secondaire à l’UQAM

J

e suis sexologue depuis 18 ans maintenant et j’entame désormais une seconde formation afin d’être enseignante en adaptation scolaire au secondaire. À l’époque, ma motivation principale à exercer ce métier était de pouvoir offrir une éducation sexuelle aux jeunes et prévenir par ricochet les grossesses à l’adolescence. Tout au long de ma formation, mes travaux, recherches et stages ont été dirigés en ce sens. À ce moment, je me disais que si j’arrivais à démontrer à des adolescents que la pénétration n’est une fin en soi, j’aurai alors réussi mon mandat. Loin de moi l’idée d’être crue ou déplacée dans mes propos, mais je trouve plutôt déconcertant et alarmant que les jeunes filles, par exemple, ne sachent pas insérer un tampon comme il se doit, mais qu’elles aient déjà eu des relations sexuelles à quelques reprises…

apparaître plus précocement dans le parcours scolaire ? De toute manière, ne pouvons-nous pas hypothétiquement affirmer que les jeunes les plus vulnérables ne seront pas majoritaires sur les bancs collégiaux ?

Je crois mordicus que les cours d’éducation à la sexualité devraient être à l’horaire comme un cours indépendant, et non inséré à l’intérieur d’un autre programme quelconque. Au fil de mes rencontres avec les élèves, j’ai réalisé à quel point l’éducation à la sexualité était insuffisante dans notre système d’éducation actuel. Loin de moi l’idée de dénigrer le bon vouloir et les compétences de ceux qui offrent ces formations depuis tant d’années, mais je trouve aberrant de constater les dommages sous-jacents d’une éducation déficiente qui auraient peut-être été amoindris si la formation avait été préventive et amenée de manière ouverte, complète et pertinente. Par ailleurs, le secondaire est la période la plus vulnérable en ce qui a trait à la sexualité. La sphère sexuelle gêne, déstabilise, questionne, intrigue. C’est à ce moment que nous désirons être rassurés, informés, guidés. C’est également à cette étape de notre vie que nous explorons candidement ce terrain inconnu et si attirant. Alors pourquoi si peu de cours s’offrent lorsque ces jeunes sont entre la période de l’enfance et celle où on leur demande de devenir autonomes et de bons citoyens responsables ? Pourquoi les cours biologie de la sexualité et philosophie de la sexualité s’offrent-ils en formation collégiale alors que de réfléchir sur le sujet devrait

LA BOÎTE À QUESTIONS : UN CLASSIQUE TOUJOURS D’ACTUALITÉ!

À défaut d’avoir un cadre pédagogique idéal, il convient comme enseignant de se demander comment contribuer à une éducation à la sexualité de qualité à l’intérieur de notre programme disciplinaire. Le volet sexualité comprend tout ce qui se rattache à l’être humain dans sa globalité, et beaucoup de ces dimensions s’insèrent bien dans le programme d’ÉCR puisqu’elles suscitent de nombreux questionnements éthiques. Ce texte vise notamment à vous partager mon expérience afin de vous offrir quelques pistes sur les besoins (parfois criants) des élèves.

Afin de bien planifier ces périodes de discussion-formation-prévention-éducation, je me devais de compléter et même d’aller au-delà de ce qu’ils ont appris à l’école, soit les moyens de contraception, les ITSS ou tout ce qui touche le côté physiologique de la sphère sexuelle. Par conséquent, à mes toutes premières rencontres, je questionnais les jeunes à propos de ce qu’ils aimeraient aborder comme sujets. Un immense malaise s’est toujours installé lors de cette fameuse question. C’est donc dans le respect de la timidité reliée à ce thème que je plaçais une boite à questions ou suggestions, dans la salle de bain. J’y avais également énuméré une liste de thèmes ou de questions pouvant être abordés à l’intérieur des ateliers. Ainsi, les élèves pouvaient être à l’aise d’écrire ce qui les intéressait ou tout simplement leurs questions plus pointues ou plus personnelles. Je prenais toujours le temps de choisir quelques questions plus générales afin de bâtir un atelier d’une heure sur le sujet. Toutefois, toutes les questions plus précises étaient répondues une fois par semaine sur une feuille recto verso que je photocopiais afin que les jeunes puissent en prendre une copie lors de leur passage à la salle de bain.

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Les adolescents sont curieux, ouverts, intéressés et possèdent un signifiant désir de se sentir bien dans leur sexualité. J’ai donc offert des ateliers aux jeunes mères, aux jeunes de la rue et aux décrocheurs scolaires. Puis, lors de mes deux dernières années avant mon retour sur les bancs universitaires, j’ai offert bénévolement quelques cours sur la sexualité à des jeunes en adaptation scolaire au secondaire. Ma sœur, enseignante en FPT (formation préparatoire au travail) auprès de jeunes âgés entre 14 et 17 ans, me suppliait d’offrir ce cours à sa place. « Isabelle, je ne me sens pas apte à enseigner à ces jeunes qui ont, pour la plupart, une sexualité active et loin d’être saine. Tu vas retrouver, dans une seule classe, toutes les clientèles avec lesquelles tu as travaillé depuis 15 ans : contexte de pauvreté, manque d’estime de soi, toxicomanie, prostitution, abus sexuels, difficultés scolaires en tous genres, violence, etc. S’il te plaît, aide-moi à les aider. » J’ai accepté. Puis, de bouche à oreille et en accord avec la direction, je me suis fait un plaisir d’aller d’une classe à une autre pour être la personne ressource. Ces jeunes, tout comme ceux avec lesquels je suis toujours intervenue, avaient un besoin imminent d’être écoutés, rassurés, informés sur toutes les questions qu’ils avaient, tous genres confondus. Bien sûr, il est primordial d’aborder le niveau génital de la sexualité, mais il est tout aussi important d’amener au programme les dimensions personnelle et identitaire ainsi que le respect.

connaître que ses doutes et inquiétudes méritent qu’on les nomme, à connaître comment communiquer, à comment dire non, à reconnaître les bons et les mauvais secrets, à reconnaître ce qu’est la violence psychologique ou physique ou sexuelle afin de ne pas les tolérer… est un enfant qui deviendra un adulte moins vulnérable et plus épanoui. Par ricochet, il sera plus tolérant, plus responsable, et ce, tant au niveau de ses comportements que de ses choix. Voyons à long terme et permettons-nous d’être novateurs en introduisant une nouvelle matière à l’intérieur de notre cursus scolaire, celle que je nommerais tout simplement : la sexualité humaine. D’ici là, je recommande aux enseignants de ne pas hésiter à aller chercher l’aide de spécialistes pour les accompagner dans cette dimension sensible mais essentielle de leur travail.

ISABELLE BEAUREGARD

Les questions des élèves étaient souvent des cris du cœur et me permettaient de voir à quel point ces jeunes avaient besoin de parler, de comprendre, de se rassurer… Globalement, voici quels types de questions que je me souviens d’avoir reçu et qui pourraient être abordées dans le programme d’ECR : Comment reconnaître mes limites et de quelles manières les nommer ? Telle pratique est-elle mauvaise ? Suis-je obligée de faire… ? Est-ce possible d’aimer à nouveau après une peine d’amour… C’est quoi l’amour ? Toutes ces questions sont pertinentes et méritent que l’on s’y attarde. Que ce soit en les abordant directement avec eux ou en les référant au besoin à quelqu’un plus apte à les aider.

sexologue et étudiante au baccalauréat en adaptation scolaire au secondaire à l’UQAM

En conclusion, un enfant qui apprend tôt le fait de respecter qui il est dans sa différence, qui apprend à s’aimer et à s’accepter tel qu’il est, à développer une tolérance envers autrui, à respecter ses limites, à re-

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RELIGION ET SEXUALITÉ

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// GUY MÉNARD | professeur retraité du département de sciences des religions de l’UQAM et de la déesse Parvâti; et la sexualité humaine peut être mise à contribution pour retrouver cette unité perdue. Pour de plus anciennes civilisations encore, celles qui fleurirent dans le Croissant fertile plusieurs millénaires avant l’ère chrétienne, la sexualité, dans ses dimensions à la fois extatique et procréatrice, a souvent été considérée comme l’un des principaux véhicules — sinon le principal vecteur — de la vie religieuse. Cette vision des choses donna lieu à diverses pratiques sexuelles rituelles qui, par la suite, furent souvent considérées avec mépris par des religions «concurrentes» (celle de la Bible, en particulier) qui n’y virent que de la «prostitution» sacrée.

UNE DOUBLE PERSPECTIVE

O

n peut envisager au moins deux façons d’aborder les rapports entre religion et sexualité1 : d’une part, en explorant comment les religions, à travers le temps et l’espace, ont tenté de réguler la sexualité humaine; d’autre part, en examinant comment celles-ci se sont servi de l’expérience sexuelle pour s’exprimer elles-mêmes, c’est-à-dire pour expliciter leurs croyances, leurs dogmes, leurs symboleWWWs et leurs rituels. La première de ces perspectives est assez évidente: qu’il s’agisse en effet des cultes de l’antiquité ou des traditions issues de la Bible, des spiritualités originaires de l’Orient ou des croyances autochtones, toutes les religions ont systématiquement tenté de baliser la sexualité, de régir celle-ci au moyen d’injonctions et d’interdits, de tabous et de valeurs. Et cela, en dépit de la diversité vertigineuse — et souvent contradictoire — du «contenu» même des balises ainsi mises en œuvre : alors que plusieurs traditions ont par exemple considéré la procréation comme unique fin légitime de la sexualité (judéo-christianisme, stoïcisme antique) d’autres ont au contraire toléré pratiquement toutes les pratiques sexuelles (coït interrompu, onanisme, homosexualité) à la condition que celles-ci demeurent stériles (entre autres, divers courants issus du gnosticisme ancien, certaines sectes médiévales).

D’autres traditions, dans l’Occident chrétien mais également dans l’hindouisme et le bouddhisme, ont certes eu davantage tendance à voir dans la sexualité un formidable obstacle au «salut» — ou à la «libération», quelle que soit la manière de voir les choses. Pour le christianisme (du moins dans plusieurs de ses formes), elle tendrait à faire négliger le Créateur au profit de ses créatures; pour les traditions orientales, en exacerbant constamment le désir, elle enchaînerait les humains à l’Illusion (maya) et, par là-même, au cycle sans fin des réincarnations, c’est-à-dire à la souffrance sans cesse recommencée. Dans de tels cas, on peut tout de même considérer que ces traditions, dans le but d’expliciter le contenu de leurs dogmes, ont utilisé la sexualité pour ainsi dire «en creux», à la manière d’un repoussoir. D’HIER À DEMAIN

Moins évidente, la seconde approche apparaît néanmoins fort intéressante : plusieurs traditions religieuses de l’humanité, en effet, n’ont pas hésité à utiliser l’expérience humaine de la sexualité pour tenter de faire comprendre quelque chose de leurs mystères les plus profonds et les plus sacrés, pour indiquer en quelque sorte le chemin du «salut». Ainsi, pour la mythologie grecque, Éros est une divinité primordiale, considérée comme principe de création, d’organisation et de conservation du monde. Pour l’Inde, l’unité fondamentale de l’être est représentée par l’étreinte éternelle du dieu Shiva 1

Un tel parcours historique, pour légitime et intéressant qu’il soit en lui-même, ne limite toutefois pas notre regard aux ombres disparues du passé. Il permet en effet aussi de dégager un certain nombre de modèles et de patterns dont on peut retrouver la présence, futce inconsciemment et de manière diffuse, dans le vécu sexuel de notre temps. De ce fait, une telle investigation est susceptible d’offrir une intelligibilité accrue à l’expérience humaine de la sexualité, complémentaire

Ce texte renvoie à une trentaine d’années d’enseignement sur ce thème au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal.

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à celle que l’on doit à l’éclairage des autres sciences humaines (psychologie, sociologie, anthropologie, etc.). L’étude des rapports entre religion et sexualité offre, pour sa part, des angles d’approche originaux, uniques et, à certains égards, irremplaçables.

à la transcendance, la quête des sens et la quête du sens. Rappelons-nous peut-être, à cet égard, que le français possède une expression populaire qui renvoie à l’expérience «planante» de la jouissance sexuelle : «s’envoyer en l’air». Quand on y pense, une telle expression pourrait tout aussi bien désigner une expérience centrale de la vie religieuse, celle de la prière et de l’extase mystique qui, elles aussi, à leur manière, cherchent à faire «décoller» les humains de la lourdeur du réel et à les faire accéder à la béatitude spirituelle de quelque «septième ciel». On ne s’étonnera pas, dès lors, que religion et sexualité aient eu dans le passé — et continuent d’avoir dans le présent, pourvu qu’on soit attentif à les vtpercevoir — de nombreux et fascinants rapports.

Ainsi, par exemple, la prise en compte de cette dimension permet de mieux voir comment l’Occident s’est — c’est le moins qu’on puisse dire — compliqué la vie en tentant, dans sa «mythologie amoureuse», de faire coïncider deux patterns issus du moyen âge européen, mais pour l’essentiel contradictoires et inconciliables : la conception de l’amour-passion, enracinée dans l’éros des anciens Grecs et la conception de l’amour-oblation (ou «charité» = agapè), issue de la pensée évangélique et inspiratrice de l’institution du mariage chrétien. Et si l’Occident, par ailleurs, de la littérature Harlequin au cinéma d’Hollywood, a largement hérité sa conception romanesque de l’amour de la tradition «courtoise» du moyen âge européen, il conserve vraisemblablement aussi des vestiges d’une très ancienne sexualité «extatique», que l’on pourrait par exemple retrouver dans certains comportements de notre temps — libertinage, échangisme, hédonisme généralisé, etc. — dont on a souvent tendance à sous-estimer la signification et la portée.

GUY MÉNARD

professeur retraité du département de sciences des religions de l’UQAM

DE L’ÉTREINTE À LA PRIÈRE : S’ENVOYER EN L’AIR À vrai dire, l’étude des rapports entre religion et sexualité met en lumière un bon nombre de paradoxes et d’ambivalences qui forcent à quitter le confort des idées reçues pour penser à nouveaux frais cette intersection singulière de l’expérience humaine où se croisent, se poursuivent, se fuient et s’étreignent la plongée dans l’immanence et l’aspiration RESSOURCES EN LIGNE L’éducation à la sexualité dans le cadre de la réforme de l’éducation

Conçu et créé par la sexologue Francine Duquet, ce document explique l’éducation à la sexualité dans le cadre de la réforme scolaire, offre des pistes d’intervention, des conseils professionnels, présente des exemples types de questionnement par tranche d’âge et bien d’autres choses… Une référence de base incontournable. http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2003/sexualite.pdf Ça Sexprime Le magasine des intervenants menant des activités d’éducation à la sexualité auprès des jeunes du secondaire Vous y trouverez du contenu varié et pertinent, des pistes d’intervention et des activités. Une ressource essentielle ! http://casexprime.gouv.qc.ca/fr/accueil

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RESSOURCES (SUITE) Comité pour la diversité sexuelle et l’identité de genre (CSQ) Des suggestions de livres pour les bibliothèques scolaires et collégiales notamment sur la diversité sexuelle, le genre, l’identité sexuelle et l’intimidation. http://www.colloquehomophobie.org/ressources-documentaires/litterature-jeunesse/ Conférence en ligne de la sexologue Francine Duquet La conférence s’intitule L’ancrage de l’éducation à la sexualité en Éthique et culture religieuse, et vous pouvez la regarder dans le confort de votre foyer… D’ailleurs, vous trouverez sur le site du GRÉÉ (Groupe de recherche en éducation éthique et en éthique de l’éducation) beaucoup de textes et de vidéos sur l’éducation en éthique et sur l’éthique de l’éducation qui valent le détour. Site du GRÉÉ : https://gree.uqam.ca/activites/27-conference-de-francine-duquet.html Réflexion de Normand Baillargeon Une réflexion philosophique sur l’éducation à la sexualité à l’école : Parler de sexualité à l’école de Normand Baillargeon. Pour alimenter votre propre réflexion sur le rôle de l’école dans l’éducation à la sexualité des jeunes, nourrissez-vous de ce texte publié sur le site de la revue À Bâbord. Site de la revue À Bâbord ! : https://www.ababord.org/Parler-de-sexualite-a-l-ecole Ruban en route De activités gratuites à télécharger. Il y a bien sur un volet plus informatif, mais on y favorise également la réflexion éthique, notamment à l’aide de mises en situation, sur des sujets divers : ce que c’est que de vivre avec le VIH et les ITSS, les effets de la consommation de drogues et d’alcool, la banalisation de l’agir sexuel et bien d’autres. http://www.rubanenroute.org Oser… être soi-même Outils didactiques et diaporamas d’accompagnement pour outiller les jeunes face à l’hypersexualisation. Le tout est gratuit et très bien conçu. http://www.hypersexualisationdesjeunes.uqam.ca/outils.htm LIVRES Ève – Enquête philosophique sur la sexualité et l’amour | Michel Sasseville aux éditions PUL Ouvrage intéressant et complet pour animer des communautés de recherche philosophiques d’une grande richesse sur le thème de la sexualité par des sujets variés et passionnants : l’amour, le désir, la relation, la jalousie… Faire l’éducation à la sexualité à l’école primaire Ce livre, écrit par deux sexologues, contient des suggestions pour se préparer à faire de l’éducation à la sexualité, explique bien les différentes dimensions qu’elle comporte tout en proposant des activités pour les trois cycle du primaire. De plus, de nombreuses collections pour philosopher avec les enfants et les adolescents contiennent des titres appropriés pour faire de l’éducation à la sexualité. Par exemple, dans la collection Goûters Philo, on trouve le titre Les garçons, les filles.

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ENTREVUE L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ EN MILIEU MULTIETHNIQUE (ET L’IMPORTANCE DE COORDONNER L’ÉCOLE EN SANTÉ)

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// MÉLANIE DUBOIS | enseignante à l’école secondaire « Saint-Nom-de-Marie » et chargée de cours à l’UQAM Question : Vous avez enseigné pendant 14 années en milieu multiethnique. Nous avons souvent l’impression que ces milieux sont beaucoup plus conservateurs en ce qui a trait à la sexualité et aux rapports hommes/femmes. Avez-vous ressenti des résistances particulières ou des besoins plus spécifiques ?

ment aussi que dans leurs traditions (religieuse ou culturelle) cela n’existe pas! Il y a un gros travail de déconstruction des préjugés à réaliser auprès de ces groupes. Par exemple, je faisais souvent des parallèles entre les discours racistes, sexistes, homophobes, antisémites... afin d’exposer leurs similarités. Les entraves au dialogue m’étaient d’une grande utilité afin de pointer les faux jugements. J’utilisais plusieurs repères, dont les droits de la personne, les valeurs d’égalité et de justice, etc. Étant face à une clientèle multiethnique qui vit ou qui a vécu la discrimination raciale ou religieuse, il était plus facile de les sensibiliser à l’homophobie en faisant ce type d’analogie entre les types de discours discriminatoires.

Réponse : Il est vrai que l’on n’enseigne pas tout à fait de la même façon selon les milieux. Chacun a ses particularités, ses besoins et il faut en tenir compte si nous voulons avoir un impact sur notre clientèle. Enseigner l’éducation à la sexualité en milieu multiethnique comporte de nombreux défis. Tout d’abord, il est important de tenir compte du fait qu’il y a souvent plus d’élèves dans la classe qui sont croyants et pratiquants que dans un milieu plus homogène et francophone. Par exemple, lorsque j’abordais des sujets tels que la contraception, je n’hésitais pas à dire que cela concernait tous les élèves, tant ceux qui étaient actifs sexuellement que ceux qui attendaient le mariage, puisque même marié, les couplent utilisent la contraception afin de ne pas avoir un enfant par année! De cette façon, en tenant compte du choix de certains élèves de se « préserver » jusqu’au mariage, ceux-ci se sentaient respectés et participaient davantage au cours. De plus, certains élèves ne reçoivent aucune éducation à la sexualité à la maison, puisqu’il s’agit d’un sujet très tabou. Souvent, les enseignants sont les seuls adultes à qui ces élèves peuvent poser des questions. Alors, lorsque ceux-ci se sentent en confiance... ils n’arrêtent plus!

Être homosexuel au secondaire n’est pas facile. Être le seul garçon ouvertement homosexuel de son école est, sans aucun doute, un véritable calvaire. Q : Vous avez été responsable du projet École en santé de votre établissement de l’époque. Quelles ont été vos réalisations et qu’en retenez-vous ? R : J’ai coordonné le projet École en santé de 2011 à 2012 et mon principal rôle a été de colliger tous les ateliers et toutes les activités réalisées dans l’école par tout le personnel et les intervenants du milieu. Ensuite, j’ai pu brosser un portrait de tous les thèmes abordés afin de cibler ce qui manquait. Il était aussi plus simple de gérer les offres d’ateliers et d’activités venant de l’extérieur, puisque nous avions une vue d’ensemble de tout ce qui se faisait, à quel moment et que nous connaissions nos besoins. Bref, pour qu’il soit effectif et efficace, le projet École en santé a besoin d’être coordonné par une ou

Selon mon expérience, je dirais que le sujet le plus difficile à aborder en milieu multiethnique est celui de l’homosexualité, puisque pour plusieurs élèves provenant de familles religieuses, et ce peu importe la religion, l’homosexualité est considérée comme contre-nature. Certains croient qu’il s’agit d’une décision personnelle et que la personne homosexuelle a donc choisi la « dépravation ». Nombreux aussi sont ceux qui affir-

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plusieurs personnes qui lui donnent une ligne directrice afin que tous les intervenants de l’école travaillent ensemble. Sinon, chacun fait « sa petite affaire » dans son coin, il n’y a pas de cohérence et cela a beaucoup moins d’impact.

Les intervenants du GRIS vont principalement dans les écoles secondaires, mais aussi dans les cégeps, les maisons de jeunes et les centres jeunesse de la grande région métropolitaine. Il suffit d’en faire la demande par téléphone ou directement sur leur site Internet. Généralement, selon la disponibilité des bénévoles, l’organisme envoie un homme et une femme homosexuel ou bisexuel en classe afin de répondre ouvertement aux questions des jeunes en abordant ce qu’ils ont vécu et de ce qu’ils vivent encore à titre de gais, lesbiennes ou bisexuels.

Q : Quelles réactions avez-vous observées chez vos élèves ? R : Les élèves, autant les garçons que les filles, aiment discuter de relations amoureuses. Toutes les questions concernant la jalousie, les comportements malsains, le désir versus l’amour... sont très populaires auprès d’eux. Ils ont tellement de questions et peu de lieux où en discuter de façon sérieuse et surtout avec un adulte ouvert et prêt à répondre à leurs interrogations, qu’ils sautent sur l’occasion dès qu’on leur permet de discuter de ces sujets.

Dans mon cas, les interventions du GRIS ont toujours été bénéfiques auprès de ma clientèle. Lorsque je faisais ma demande auprès du GRIS, je spécifiais que je voulais avoir, si possible, des bénévoles de différentes communautés culturelles, puisque j’étais dans une école multiethnique. Généralement, c’était possible et je recevais donc des intervenants Noirs, Latinos, Arabes… Certains élèves qui avaient des préjugés et qui rencontraient une personne homosexuelle d’une autre culture réalisaient que l’homosexualité ne se retrouvait pas que chez les « Blancs, Québécois de souche ». De plus, la plupart des intervenants sont des professionnels ou des étudiants universitaires, donc cela permettait à mes élèves de rencontrer des modèles gais, lesbiennes et bisexuels. Enfin, ils réalisaient que ces gens étaient comme eux malgré leurs différences. Cela était aussi très aidant pour mes élèves qui étaient homosexuels et qui vivaient quotidiennement le rejet et l’intimidation.

J’ai aussi été très surprise de voir à quel point les questions d’égalité homme par opposition à la femme suscitaient aussi beaucoup d’intérêt chez les garçons. C’est comme s’ils réalisaient pour la première fois l’ampleur des injustices faites aux femmes dans le monde. Q : Vous avez invité régulièrement le GRIS dans vos classes. Pouvez-vous présenter cet organisme et leurs interventions, puis expliquer pourquoi vous y avez eu recours ? R : GRIS-Montréal est un organisme communautaire à but non lucratif qui a pour mission de démystifier l’homosexualité et la bisexualité chez les jeunes.

Voici justement un témoignage d’un de mes anciens élèves qui a vécu l’expérience du GRIS dans ma classe et qui, à l’âge adulte, a décidé de s’impliquer auprès du GRIS-Montréal.

Le GRIS-Montréal (Groupe de Recherche et d’Intervention Sociale) est un organisme communautaire à but non lucratif dont la mission générale est de favoriser une meilleure connaissance des réalités homosexuelles et bisexuelles et de faciliter l’intégration des gais, lesbiennes, bisexuels et bisexuelles dans la société. Comme pour la lutte contre le racisme, l’intégration d’une minorité dans la société ne peut se faire qu’en s’efforçant d’éliminer l’ignorance et les préjugés. Or, l’école est un milieu où les valeurs des jeunes prennent forme et où l’ignorance cède la place à la connaissance. C’est pourquoi le GRIS-Montréal a choisi de s’adresser principalement aux jeunes en milieu scolaire afin de leur offrir en priorité ses services de démystification de l’homosexualité et de la bisexualité. (http://www.gris.ca/)

Témoignage de Eugene Ceban, étudiant en relations industrielles ÊTRE HOMOSEXUEL AU SECONDAIRE N’EST PAS FACILE.

Être le seul garçon ouvertement homosexuel de son école est, sans aucun doute, un véritable calvaire. Ce fut pourtant ma vie durant la quasi-totalité de mon passage au secondaire. Sans grande surprise, ce ne sont pas les souvenirs les plus tendres que j’ai gardés de

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faites auprès des élèves. Enfin, l’école prévoit, dans sa planification, des interventions coordonnées entre tous les partenaires de l’école. Par exemple, il y a des ateliers portant sur la cybercitoyenneté (devoirs et responsabilités sur Internet, cyberintimidation, etc.) qui sont donnés de concert par tous les enseignants de la première année du secondaire. Chacun contribue aux activités dans son cours et un document commun, pour tous les élèves, a été produit à cet effet. Ce type d’intervention coordonnée a beaucoup plus d’impact sur les élèves, puisque ceux-ci entendent parler de ce sujet à travers différents cours et sous différents angles. Malheureusement, ce n’est pas dans tous les milieux qu’il y a une telle organisation, pourtant nécessaire à l’application de ce programme si essentiel!

cette époque. Toutefois, les bénévoles du GRIS-Montréal m’ont prêté main-forte dans ce moment de vulnérabilité. L’intervention des généreux bénévoles du GRIS m’ont aidé, en tant que personne gaie, à élucider plusieurs aspects de ma propre ma vie. En voyant ces beaux modèles de gais et de lesbiennes devant ma classe, enfin, je ne me sentais plus seul! Par ailleurs, ils ont également aidé mes camarades de classe à mieux comprendre l’homosexualité en répondant en toute franchise à toutes leurs questions les plus taboues. Bien sûr, cette intervention ne changea pas radicalement la perception des élèves par rapport à l’homosexualité, mais ce fut tout de même un très grand pas vers la bonne direction. La graine de l’ouverture d’esprit était maintenant semée! En voyant les changements positifs qu’une seule intervention puisse apporter, j’ai décidé également de m’impliquer au sein du GRIS en tant qu’intervenant. En tentant de concilier les études et le travail, une tâche qui n’est pas si évidente, j’essaie tout de même de consacrer quelques dizaines d’heures par année à ce magnifique organisme, parce qu’il a véritablement un impact sur les jeunes.

Voici quelques suggestions basées sur les thèmes en éthique pour chacun des cycles du primaire et du secondaire pour faire de l’éducation à la sexualité. (voir page de droite)

Enfin, les interventions du GRIS ont aussi permis à certains jeunes de faire leur « coming out » avec moi ou avec leurs amis. Pour certains, ce fut très libérateur de pouvoir avouer qui ils sont. Malheureusement, pour certains, cela se passe moins bien dans leur famille. Par exemple, après son « coming out » auprès de sa famille, un de mes élèves m’avoua avoir accepté de faire une thérapie pour « guérir » son homosexualité. Il souhaitait vraiment être accepté par sa famille très religieuse. C’est triste d’entendre ce genre de témoignage. Je lui ai souhaité de s’accepter tel qu’il est...

MÉLANIE DUBOIS

enseignante à l’école secondaire « Saint-Nom-de-Marie » et chargée de cours à l’UQAM

Q : Vous enseignez maintenant dans une école privée pour filles seulement. Quels sont les principaux points de ressemblance et de différence entre ces deux milieux ?

DIALOGUONS

R : Ce sont deux milieux totalement opposés, avec des priorités et des problématiques différentes. Tout d’abord, il s’agit d’une école de filles, d’un milieu plutôt homogène et aisé. Mon ancienne école était mixte, multiethnique et défavorisée. De plus, dans mon nouveau milieu, une intervenante a été engagée pour coordonner le programme École en santé. Il y a donc une très grande cohérence entre tous les ateliers et les interventions

Quelles activités avez-vous réalisées en lien avec les thèmes du programme d’ÉCR pour faire de l’éducation à la sexualité ? Comment cela s’est-il déroulé ? Comment les élèves ont-ils réagi ?

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DES SUJETS ET DES THÈMES

PRIMAIRE

Les relations interpersonnelles dans des groupes, des exigences de la vie de groupe Sujets possibles : L’amitié et les premiers émois amoureux. Les comportements liés à l’apparence, au respect du choix de l’autre

Des personnes membres de la société, des exigences de la vie en société Sujets possibles : Des préjugés, des généralisations et des stéréotypes

L’élément de contenu La diversité des relations parmi les membres d’un groupe est une belle occasion d’aborder l’amitié (on pourrait par exemple discuter de la possibilité d’amitié entre les garçons et les filles), mais aussi des premiers émois amoureux… De très beaux livres pour enfants peuvent servir de support à des dialogues sur ce sujet. Pensons notamment à Lola a le cœur qui bat de Sylvie Poillevé et Virginie Fraboulet, à Je suis fou de Vava de notre académicien préféré, Dany Laferrière, ou encore au classique de la littérature jeunesse, Petit Zizi de Thierry Lenain et Stéphane Poulin. D’ailleurs, ce dernier permet également d’aborder les relations conflictuelles. Échanger sur l’amour et l’amitié en cercle, pendant la semaine de la Saint-Valentin, en savourant des petits cœurs en chocolat ? Bonne idée…

L’élément de contenu Des préjugés, des généralisations et des stéréotypes est tout désigné pour faire de l’éducation à la sexualité! On peut aborder les stéréotypes de genre de nombreuses manières. On commence par demander aux élèves, à l’aide d’images trouvées dans les publicités, de dresser le portrait stéréotypé de la beauté des hommes et des femmes. On peut ensuite parler de la beauté, des standards imposés dans les médias et des conséquences sur le développement de leur identité, de leur estime personnelle et les relations entre les genres. On termine la réflexion éthique en réalisant avec les élèves « un mur de la beauté » sur lequel ils devront présenter un modèle de femme et d’homme dans leur environnement qu’ils et elles trouvent beaux ou belles. On colle une photo sur une feuille avec quelques lignes expliquant pourquoi on trouve cette personne belle. On valorise ainsi la beauté sous diverses formes. Laissez-nous également vous suggérer un livre pour alimenter un dialogue sur les différences entre sexes : Idées reçues sur les filles et les garçons d’Agnès Aziza et Manu Boisteau publié chez Oskar jeunesse. Plusieurs idées stéréotypées sont illustrées et déconstruites de manière claire et amusante. Par exemple : les filles ne savent pas conduire; en classe, les garçons sont turbulents ou encore les garçons sont des scientifiques, les filles des littéraires.

SECONDAIRE

L’ordre social Sujets possibles : Le harcèlement de rue

On peut d’abord présenter ces trois vidéos : - Le harcèlement de rue à Bruxelles : https://www.youtube.com/ watch?v=TazhIzP5cx8 - Le harcèlement de rue à New-York : http://www.dailymotion.com/video/ x28uedh_harcelement-de-rue-a-new-york-camera-cachee-vostfr_news - Le harcèlement de rue au Caire : http://www.dailymotion.com/video/ x281s9w_harcelement-de-rue-en-egypte_news

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DES SUJETS ET DES THÈMES (SUITE)

L’ordre social (suite)

Ensuite, demander aux élèves de formuler des questions éthiques pour dialoguer en grand groupe ou en petits groupes sur le harcèlement de rue. Par la suite, pourquoi ne pas écrire une lettre ouverte sur le sujet en utilisant des normes (notamment l’égalité entre les hommes et les femmes) et des repères (d’ordre légal, moral et autres) ? Il est certain que vous trouverez au moins un journal (ne serait-ce que le journal local) qui sera ravi de la publier. Beaucoup de réflexion et de fierté en perspective...

La liberté

Il peut être intéressant de définir et d’échanger à propos des notions comme l’intimité et la liberté d’expression. Par la suite, on peut aborder les repères légaux : lois sur l’atteinte à la réputation, sur le harcèlement… Si possible, on invite un policier ou une policière à venir aborder ces questions avec les élèves.

Sujets possibles : Liberté d’expression et réseaux sociaux

Par ailleurs, voici un roman sur la cyberintimidation qui peut être utilisé pour rendre le tout plus concret : Un clic de trop de Rhéa Dufresne. L’auteure y aborde l’importance des réseaux sociaux dans la vie des jeunes et les conséquences imprévisibles qui peuvent parfois en découler. Un livre qui favorisera des dialogues riches puisqu’il est près de la réalité des élèves et de leurs intérêts. De plus, la fin ouverte se prête très bien à la délibération. En équipe, les élèves pourraient décider de ce que devrait faire Léa.

L’autonomie Sujets possibles : La dépendance affective et sexuelle

La revue Ça s’exprime a publié un numéro disponible en ligne sur la dépendance affective et sexuelle : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2004/04-314-01.pdf On peut d’abord délibérer à partir du questionnaire proposé dans la revue. On peut poursuivre en grand groupe par un dialogue sur la dépendance affective et sexuelle, l’autonomie, l’identification des tensions que l’on peut ressentir pour trouver un équilibre entre notre relation amoureuse, notre identité propre, nos amitiés, notre famille, nos études. On peut ensuite demander aux élèves de définir en équipes ce qu’est une relation saine. Ils et elles doivent justifier, exemplifier leur définition et identifier les conséquences possibles d’une relation saine et d’une relation malsaine. La revue Ça sexprime propose d’autres pistes d’intervention, dont un concours d’affiches sur le thème de l’amour sans dépendance à mettre sur pied pour souligner la Saint-Valentin. On y offre également des ressources pour les élèves qui en auraient besoin.

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DES SUJETS ET DES THÈMES (SUITE)

La justice, l’avenir de l’humanité Sujets possibles : L’égalité entre les hommes et les femmes d’ici et d’ailleurs

En guise d’éléments déclencheurs, on peut lire quelques données sur la situation des femmes au Canada dans l’histoire. Par exemple, on peut rappeler qu’en 1928, les femmes n’ont pas été reconnues comme « des personnes » par la Cour Suprême, ou encore que la femme mariée avait le statut légal de « mineure » jusqu’en 1964. Par la suite, on peut créer en groupe un collimage (scrapbook) de l’évolution du droit des femmes au Québec. La première page pourrait être un portrait de la situation des femmes en 1920 et la dernière de 2000 à aujourd’hui. Chaque équipe pourrait être responsable de faire une recherche et d’illustrer (dessins, collages) une décennie en parlant des principaux droits acquis à chaque étape (droit d’être jurée, d’avoir un compte de banque, de garder son nom suite au mariage, d’avoir accès à la contraception et à l’avortement, l’accès aux études, la reconnaissance du viol conjugal), mais aussi les défis toujours d’actualité (le plafond de verre, la parité, violence conjugale…). Sur chacune des pages, on demande aux élèves d’écrire une question éthique en lien avec le sujet. On peut ensuite discuter de la justice en lien avec les deux finalités du programme (reconnaissance de l’autre et poursuite du bien commun). On peut finalement ouvrir à la situation des femmes dans d’autres pays en cherchant où les droits énumérés plus tôt ne sont toujours pas reconnus et les conséquences que cela entraine sur les femmes en particulier et sur la société en général.

L’ambivalence de l’être humain Sujets possibles : L’estime de soi, les troubles alimentaires

Le roman Seule contre moi, qui traite de troubles alimentaires, est tout désigné pour aborder le thème de l’ambivalence de l’être humain. Il saura toucher les élèves par l’expression claire et efficace des tiraillements de l’adolescence de manière large, mais aussi de façon plus particulière, du fil qui mène à l’anorexie, et qui se déroule jusqu’à la guérison, fragile. Sans lourdeur excessive, mais sans jovialisme ni complaisance non plus, ce livre nous permet d’aborder de différentes manières l’ambivalence de l’être humain. Léa Clermont-Dion, qui a elle-même souffert de troubles alimentaires, l’exprime bien dans sa préface : « Vouloir être la plus belle fille au monde, mais maigrir pour fuir; vouloir être remarquée, mais s’effacer; vouloir être aimée, mais tenir les autres à distance ». On peut aussi passer de ce drame personnel à la société et ses standards de beauté irréalistes qui nous conditionnent, puis à l’échelle planétaire en mettant en parallèle les sociétés d’abondance où l’on se prive pour correspondre à des critères esthétiques et celles où la faim est le lot quotidien. On peut évidemment réfléchir à cela sans le roman. Il y a différents reportages ou témoignages que l’on peut utiliser pour aborder les mêmes sujets, notamment « Beauté fatale » produit par Guillaume Lespérance et mettant en vedette Léa Clermont-Dion, ou encore « La peau et les os », et « La peau et les os, après » qui peuvent servir de tremplin intéressant pour aborder ces questions.

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CHRONIQUE RECHERCHE ET PRATIQUE EN DIALOGUE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// GAËLLE KINGUÉ-ÉLONGUÉLÉ | enseignante au préscolaire-primaire et candidate à la maitrise en sciences de l’éducation à UQAM Question : Qui êtes-vous ?

dent la société. L’analyse des représentations sociales qu’ils véhiculent n’est pas récente mais de nos jours, les représentations sociales du féminin dans les manuels scolaires ne sont plus spécifiquement étudiées. Pourtant, l’évolution de la société québécoise engendrée par l’immigration a rendu la population féminine plus hétérogène que jamais. On prend de plus en plus conscience que les femmes ne sont pas toutes soumises aux mêmes formes de stéréotypisation, de préjugés ou de discriminations. Comme le fait d’être une femme n’explique pas ces différences, il faut se pencher sur d’autres éléments qui composent l’identité de chacun, comme la couleur de la peau et la religion. La recherche en éducation ne s’intéresse pas beaucoup aux représentations sociales qui sont véhiculées par le matériel didactique sur ces femmes à l’intersection de plusieurs identités qui peuvent être autant de sources de discrimination sur papier et dans le monde réel.

Réponse : J’ai grandi dans un quartier populaire de Paris et j’ai immigré à Montréal il y a 11 ans. Avant d’arriver dans mon domaine actuel, je suis passée par un diplôme de 1er cycle universitaire en Économie et gestion en France. Au Québec, j’ai entrepris des études en Éducation préscolaire et enseignement primaire qui m’ont menée à m’inscrire à une maitrise en sciences de l’éducation à l’UQAM. Ce parcours m’a conduite à m’intéresser aux aspects socioculturels de l’éducation, et plus spécifiquement aux représentations sociales des groupes minoritaires. Plus précisément, j’aime interroger la manière dont les stéréotypes, les préjugés et la discrimination liés à l’identité sexuelle, ethnique ou religieuse sont perpétués dans la société. Q : Quel est votre objet d’étude et pourquoi l’avoir choisi ? R : Mon projet de mémoire porte sur les représentations sociales des femmes croyantes racisées1 dans des manuels scolaires d’éthique et culture religieuse du secondaire. Dans l’imaginaire collectif, elles sont généralement illustrées par les femmes musulmanes, voilées et arabes. La recherche a montré que les femmes croyantes racisées sont souvent considérées comme passives et soumises à une religion qui les éloigne de l’égalité et de la liberté. Mais comment sont-elles représentées dans les manuels d’un programme qui traite de culture religieuse et qui doit contribuer à la reconnaissance de l’autre et à la poursuite du bien commun ?

ELLES SONT TROP SOUVENT RÉDUITES À UN MODÈLE FIGÉ ET, EN DÉFINITIVE, PAS SI REPRÉSENTATIF DES MUSULMANES DU QUÉBEC.

Les manuels scolaires contribuent à diffuser le système de valeurs, les normes et les conduites qui sous-ten-

1

Aujourd’hui, en recherche et en sociologie, le mot « race » ne renvoie plus à des différences biologiques qui détermineraient des comportements différents qui découleraient de prédispositions génétiques (par exemple : les Noirs sont fainéants, les Arabes sont voleurs ou les Asiatiques sont forts en maths). La « race » est plutôt une catégorisation construite à partir de l’histoire, du politique, de la psychologie et du social. Elle fait partie de l’expérience de vie de nombreuses personnes puisqu’elle affecte la manière dont elles sont perçues et considérées, souvent indépendamment de leurs actions propres.

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Q : Que souhaitez-vous comprendre et expliquer ?

Q : Comment votre étude pourrait-elle être utile pour les enseignants et les enseignantes ?

R : À travers ses finalités, ses compétences et le concept d’altérité qui l’anime, le programme d’ECR est celui dont les manuels scolaires devraient, a priori, contenir des représentations sociales plus justes et plus enclines à favoriser un changement de perception des membres minoritaires de la société, comme les femmes croyantes racisées. Il est également intéressant de voir si un programme qui traite de culture religieuse présente la diversité des identités religieuses des femmes croyantes racisées les plus visibles, les musulmanes. En effet, elles sont trop souvent réduites à un modèle figé et, en définitive, pas si représentatif des musulmanes du Québec. N’oublions pas que les manuels scolaires sont aussi des agents de changement. En les analysant, on peut contribuer à ce qu’ils soient plus en adéquation avec la société qui les produit et plus ancrés dans ce à quoi elle aspire.

R : Même si le matériel didactique est approuvé, il va sans dire qu’il faut garder l’esprit critique quant aux contenus. Il en va de même avec le matériel et les exemples choisis en dehors des manuels scolaires. Le même que celui que l’on veut développer chez les jeunes. Toutefois, il peut y avoir certains biais inconscients qui faussent notre perception et donc notre analyse du matériel utilisé. Mon travail s’articule donc autour de trois de ces biais : penser que toutes les femmes sont égales dans notre société ; se dire que la race (au sens biologique du terme) explique des différences de comportement là où la culture serait une meilleure explication ; considérer qu’être une femme croyante, c’est être rétrograde. Je pense que les résultats de cette étude pourront permettre aux enseignants d’être plus critiques par rapport à certaines représentations sociales, contribuant ainsi à les faire évoluer positivement dans leurs classes et, par extension, dans la société.

Q : Qu’avez-vous appris jusqu’à maintenant ? R : Pour le moment, je n’ai pas encore explicitement analysé le contenu des manuels approuvés par le MELS. D’un point de vue conceptuel, ce qui ressort le plus actuellement est la grande subjectivité qui entoure les représentations sociales puisqu’elles sont dictées et légitimées par le groupe dominant afin de servir un certain ordre social. Les groupes minoritaires, quels qu’ils soient, subissent les représentations sociales qu’on leur accole. On comprend alors qu’être femme, racisée et avec une religion affichée de manière plus visible que la plupart des gens, donne très peu de prise sur le contrôle de sa propre image. Après la crise des accommodements raisonnables, les débats entourant la Charte du Parti Québécois dont les propos étaient tantôt virulents, tantôt inexacts ou décontextualisés, après les attentats terroristes récents, la question des représentations sociales des croyances religieuses autres que chrétiennes dans le monde occidental devient cruciale pour favoriser le vivre-ensemble. Les trois compétences du programme d’ÉCR prennent ici toute leur importance compte tenu de ce qui peut être véhiculé par les médias. Pour la suite, il me fera plaisir d’en reparler ici lorsque j’aurai terminé mon mémoire.

GAËLLE KINGUÉ-ÉLONGUÉLÉ

enseignante au préscolaire-primaire et candidate à la maitrise en sciences de l’éducation à UQAM

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CHRONIQUE LITTÉRATURE JEUNESSE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// CATHERINE CHIASSON | libraire jeunesse à la Librairie Bric à Brac POUR LE PRIMAIRE

La grande fabrique de mots, Agnès de Lestrade et Valeria Docampo Compétences Pratiquer le dialogue, réfléchir sur des questions éthiques

Ce livre est tout à fait propice pour sensibiliser les élèves, à l’aide de la discussion, à l’importance de choisir les bons mots comme condition favorable au dialogue.

Thème Des personnes membres de la société Élément de contenu Des différences comme source d’enrichissement dans la société

Présentation de l’ouvrage Dans le pays de la grande fabrique de mots, ces derniers ne se prononcent pas avec autant d’aisance que dans le nôtre. En effet, ils proviennent d’une usine qui leur accorde à chacun un coût selon leur degré d’importance. Ainsi, pour s’exprimer, il faut acheter les mots d’abord et ensuite les avaler. Rares sont les enfants qui ont accès au mot. Heureusement, certains jours de grands vents, quelques mots s’envolent et sont capturés dans des filets à papillons. C’est ainsi que Philéas a attrapé trois mots qu’il garde pour les offrir à l’élue de son coeur. Trois mots qu’il devra déclamer avec originalité. Ce nouvel album d’Agnès de Lestrade nous plonge au coeur d’un univers qui semble d’emblée loin de notre réalité et qui pourtant nous la rappelle avec intelligence. Les différences sociales y sont symboliquement dépeintes pour que comprenions que l’argent peut acheter beaucoup, mais que la véritable richesse réside dans notre authenticité. Il nous enseigne aussi que les mots ont une puissance et sont autant de trésors qu’il faut utiliser avec sagesse.

DIALOGUONS Utilisez-vous la littérature (romans, albums) dans vos classes ? Pourquoi ? Avez-vous des suggestions à nous proposer ? Au plaisir de vous lire…

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POUR LE SECONDAIRE

Entre chiens et loups - Tome 1, Malorie Blackman Compétence Réfléchir sur des questions éthiques Thèmes Justice, l’ambivalence de l’être humain Éléments de contenu Des questions de justice, des ambiguïtés de l’agir humain

Présentation de l’ouvrage L’expression « entre chien et loup » renvoie au crépuscule, à cette heure où il fait trop sombre pour que l’homme différencie les deux. Entre chiens et loups est aussi le premier tome de la saga de Malorie Blackman qui dépeint une histoire d’amour originale bien qu’impossible entre Callum et Sephy dans un univers où les Primas – les Noirs – ont le pouvoir et la richesse et où les Nihils – les Blancs – vivent dans la misère et la violence. Dans ce monde d’intolérance et d’inégalités, les deux adolescents ne peuvent s’aimer librement. S’ils ont grandi en ne distinguant pas leurs différences, ils doivent maintenant affronter la faille immense qui s’ouvre entre eux. L’ethnocentrisme et le racisme dépeints dans ce roman coup de poing soulèvent nombre de réflexions quant à nos propres comportements. Il suffit de s’attarder quelque peu à l’actualité pour réaliser tristement que les préjugés et les inégalités entre les êtres humains existent encore bien malgré nous. Ce roman nous force à nous remettre en question grâce à des personnages qui s’éloignent des stéréotypes et nous fait vivre une gamme d’émotions grâce à son inquiétant réalisme.

CATHERINE CHIASSON

libraire jeunesse à la Librairie Bric à Brac

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CHRONIQUE : TRUCS DE PROF LES TIC, UN INCONTOURNABLE EN ÉCR

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// MARC LANDRY | enseignant au collège Notre-Dame

V

ous le savez, la vie d’un prof d’ÉCR n’est pas de tout repos: sujets sensibles à aborder, neutralité à préserver et nombre d’élèves à satisfaire démesuré! Avant même d’être une source d’information et de contenu pour nos cours, les TIC devraient principalement nous servir à nous faciliter la vie et, par le fait même, simplifier la vie de nos centaines d’élèves.

Google Drive permet de créer des textes de façon simple et qui s’enregistrent dans « le nuage » automatiquement. Aucun travail ne peut être perdu. J’ai créé un document de base avec des liens qui permettaient de sélectionner virtuellement les fiches qui étaient au mur. Comme je suis le propriétaire des tous ces documents, j’ai la possibilité de permettre à mes élèves de modifier ces derniers. J’ai envoyé une invitation personnelle à chacun de mes élèves via courriel leur donnant accès aux différentes pages du document. Vous comprenez probablement la suite…

GOOGLE, VOTRE MEILLEUR AMI! Pourquoi Google? Premièrement, c’est gratuit et sans publicité si votre école est inscrite au GAFE (Google apps for education). Deuxièmement, les outils Google fonctionnent bien sur presque toutes les plateformes électroniques. Vos élèves peuvent commencer un travail en classe ou au laboratoire sur ordinateur PC, consulter les consignes du travail sur leur téléphone intelligent en chemin vers la maison et compléter la rédaction de leur essai sur le Mac de maman après le souper!

Pour éviter le chaos, les élèves devaient aller prendre le post-it du concept sur lequel ils souhaitaient travailler et le coller sur le devant de leur table de travail. Les autres élèves pouvaient savoir qui travaillait sur quoi et passer une information pertinente croisée en lisant un texte sur un autre concept. Une fois que chaque élève avait terminé son bout de rédaction, il inscrivait son nom sur le post-it et le replaçait au mur de la classe.

Tout cela est possible grâce à « l’interconnectivité » des différents outils Google. Un seul compte. Un seul mot de passe. Un seul fureteur. Pour que le tout fonctionne bien, l’utilisation du fureteur Google Chrome est essentielle. Il deviendra la base de vos interactions avec les différentes applications. En utilisant correctement la barre de favoris, vous retrouverez tout ce qui est nécessaire pour travailler efficacement: votre boite de courriel, votre agenda, votre disque dur virtuel et peut-être même l’accès à votre salle de classe. Nous reviendrons sur ce dernier item plus loin dans l’article.

Je me suis installé au centre de la classe avec mon ordinateur. Je pouvais suivre l’évolution des découvertes des élèves en direct sur mon écran. D’autres étapes de la SAÉ ont suivi pour en arriver à une évaluation de la compréhension des éléments de base du christianisme. Les élèves pouvaient se référer au document d’information qu’ils se sont eux-mêmes fabriqué en collaboration. CLASSROOM, VOTRE SALLE DE CLASSE VIRTUELLE Une des applications les plus intéressantes du moment dans l’univers de Google pour l’éducation est Classroom. Avec le grand nombre d’élèves, il est parfois difficile de suivre quand arrive la remise des travaux ou même la distribution de ceux-ci. Classroom vous permet de créer des leçons ou des cours complets virtuellement. Comme dans une vraie classe, chaque élève y est présent et vous y êtes aussi. Vous pouvez communiquer avec les

DES EXEMPLES D’UTILISATION EN ÉCR Récemment, avec mes élèves de quatrième secondaire, j’ai voulu explorer les concepts qui sont à la base du christianisme. J’ai donc apposé des post-it avec différents éléments fondamentaux de cette religion. Une trentaine au total.

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élèves au moyen de ce médium (les élèves recevront une notification personnelle dans leur boîte de courriels si vous ajoutez un élément au cours), un élève peut vous poser une question à vous ou à toute la classe. Vous pouvez y répondre ou laisser le groupe y répondre. Vous pouvez même faire taire une personne à l’aide d’un simple clic!

EN GUISE DE CONCLUSION Les technologies ne remplaceront jamais ce pourquoi l’enseignant est payé: enseigner. Certains spécialistes voient dans l’arrivée des nouvelles technologies un miracle pédagogique. Ne vous laissez pas avoir par cela. Un enseignant qui fait remplir des pages de cahiers d’exercices à ses élèves n’est pas un bon enseignant. Celui qui le fait virtuellement non plus. La technologie doit servir le cours d’ÉCR et non le contraire.

Mes élèves de cinquième secondaire ont réalisé individuellement une vidéo sur une question éthique dans le cadre d’une SAÉ sur l’avenir de l’humanité. Les consignes ainsi que la grille de correction du projet ont été rendu disponibles dans Classroom. Un tutoriel sur « comment déposer le travail » y était aussi disponible. J’ai pu suivre la progression des remises virtuellement et voir d’un seul coup d’oeil qui avait remis son projet en retard. Certains élèves y ont même écrit des astuces pour faciliter l’aspect technique de la réalisation.

MARC LANDRY

enseignant au collège Notre-Dame

DIALOGUONS Utilisez-vous les TIC dans vos classes ? Sinon, pourquoi ? Avez-vous des réticences personnelles, êtes-vous techno-poires ou avez-vous vécu de mauvaises expériences ? Si oui, avez-vous d’autres conseils ou des bons coups à partager ? L’auteur nous dit que «La technologie doit servir le cours d’ÉCR et non le contraire ». Avez-vous des exemples ou des commentaires ?

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VOTRE DIRECTION VEUT RÉDUIRE LE TEMPS CONSACRÉ À ÉCR?

1.

3.

EST-CE PERMIS?

Bonne question!

Le Régime pédagogique inclut Éthique et culture religieuse parmi les matières obligatoires devant être enseignées. Le nombre d’heures prévu à titre indicatif pour ÉCR est de 250 heures, soit 50 heures en première et deuxième secondaire, 100 heures en 4e secondaire, et 50 heures en 5e secondaire.

Tout aménagement proposé devra être soumis et approuvé par le Conseil d’établissement (CE) de votre école. À ce titre, il est bon de connaître l’article 86 de la Loi sur l’instruction publique (LIP).

Comme cela est à titre indicatif, rien n’empêche effectivement des « aménagements »…

2.

QUELS SONT CES «FAMEUX» AMÉNAGEMENTS POSSIBLES ALORS?

En vertu de cet article, le conseil d’établissement doit approuver le temps alloué à chaque matière obligatoire ou à option, proposé par le directeur de l’école en s’assurant de l’atteinte des objectif obligatoires et de l’acquisition des contenus obligatoires prévus dans les programmes d’études établis par le ou la ministre.

MA DIRECTION DIT QU’ELLE PEUT COUPER JUSQU’À 50% DU PROGRAMME. QU’EN EST-IL?

Bref, ils doivent s’assurer que les aménagements proposés (enlever une ou deux périodes par exemple) n’empêcheront pas l’atteinte des objectifs obligatoires et de l’acquisition des contenus obligatoires prévus dans le programme Éthique et culture religieuse.

Nulle part il est inscrit dans les documents ministériels qu’un pourcentage de « coupure » est possible ou admis. Ni 50%, ni 25%, ni même 10%!

Si le régime pédagogique prévoit 100 heures, sur quoi la direction s’appuie-t-elle pour avancer que les élèves pourront atteindre les objectifs obligatoires et acquérir les contenus obligatoires en un temps moindre? Elle a le fardeau de la preuve. Elle doit donc convaincre le CE, afin que ce dernier lui accorde ce qu’elle demande.

Si ce chiffre existe quelque part, c’est peutêtre du côté de votre commission scolaire. Vérifiez! Si c’est effectivement le cas, ce n’est en rien conforme à l’esprit du régime pédagogique…

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{ 4. �

DES RÉPONSES À VOS QUESTIONS...

}

FORMULAIRE D’ADHÉSION

LA DIRECTION DOIT-ELLE NOUS CONSULTER AVANT DE PROCÉDER À DES AMÉNAGEMENTS?

Nom : Adresse :

Les articles 85 et 86 de la LIP sous-entendent effectivement que la grille-matières s’élabore de concert avec le personnel enseignant. Votre convention syndicale vous donne probablement également un droit de regard à ce sujet. Informez-vous!

Téléphone (résidence) : Téléphone (travail) : Courriel :

Les témoignages recueillis rapportent que les directions collaborent généralement bien à ce sujet en consultant les enseignants en assemblée générale. La plupart du temps, les enseignants votent même l’adoption de la grille-matières.

Commission scolaire : Institution : Fonction :

Assurément, l’article 86 de la LIP oblige la direction à faire approuver la grille-matières par le CE.

Membres réguliers 50 $

Étudiants et retraités 25 $

Membres associés 75 $ � �� �

Je, soussigné(e), demande mon adhésion à l’Association Québécoise en Éthique et Culture Religieuse (AQÉCR). Je m’engage à observer les statuts, les règlements, les décisions et à payer la cotisation annuelle fixée par l’assemblée générale. Mon adhésion entrera en vigueur le jour de mon admission par l’AQÉCR. En foi de quoi j’ai signé le :

Signature Date Veuillez faire parvenir un chèque par la poste au nom de l’AQÉCR. ASS. QUÉBÉCOISE EN ÉTHIQUE ET CULTURE REL. CP 1283 L’ÉPIPHANIE SUCC. BUREAU-CHEF L’ÉPIPHANIE, J5X 4S9

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5. �

MA DIRECTION VEUT RÉDUIRE LE TEMPS CONSACRÉ À ÉCR ET NOUS NE SOMMES PAS D’ACCORD. QUE FAIRE?

Le CE se réunit généralement une fois par mois, un soir de semaine. Les invités sont admis. On accorde généralement une seule intervention aux « invités ». Soyez bien préparés! Placez le CE devant l’obligation de l’article 86 de la LIP. Demandez-leur en quoi les aménagements proposés (enlever une ou deux périodes par exemple) n’empêcheront pas l’atteinte des objectifs obligatoires et de l’acquisition des contenus obligatoires prévus dans le programme Éthique et culture religieuse.

Si la direction va quand même de l’avant avec la proposition, assurez-vous que la question sera débattue en assemblée générale et que votre position sera consignée par écrit dans une résolution où vos arguments à l’effet que les heures allouées au cours d’ECR ne permettront pas d’atteindre les objectifs obligatoires. Avant la tenue de l’assemblée, sondez vos appuis dans l’école. Il est possible de battre la proposition dans le cadre d’un vote. Cela est arrivé dans une école de Montréal où la direction voulait ajouter 2 périodes de français et retrancher deux périodes d’ÉCR en 4e secondaire.

Le CE vote quand même en faveur de la grille-matières sans répondre adéquatement à vos interrogations? Écrivez alors à l’AQÉCR pour nous faire part de la situation. Écrivez également à la direction des ressources éducatives de votre commission scolaire. Et placer le MELS en copie-conforme. Le Ministre de l’Éducation pourra alors contacter la direction de l’école concernée et lui demander pourquoi celle-ci ne remplit pas ses obligations.

L’équipe-école vote en faveur du projet de la direction? Vous n’êtes toujours pas d’accord? Présentez-vous devant le Conseil d’établissement (CE).

N’oubliez-pas de tenir votre syndicat au courant tout au long de votre démarche. Votre syndicat hésite à vous appuyer? Faites mention au passage qu’il pourrait s’agir d’un manquement à l’article 47.2 du Code du travail imposant au syndicat un devoir de juste représentation des salariés compris dans l’unité de négociation qu’il représente.

À tout moment dans vos démarches, vous pouvez contacter l’AQÉCR qui veillera à vous conseiller. Dans l’éventualité où vos besoins nécessitent un soutien juridique, l’AQÉCR pourra contacter Juripop pour obtenir de l’assistance.

Tout d’abord, concertez-vous avec les autres enseignants en ÉCR de l’école dès la réception de la grille-matière. Avisez par écrit le syndicat de votre démarche suite à cette concertation entre vous. Parlez de votre désaccord avec la direction en prenant soin de mentionner comment la grille-matière ne permet pas d’assurer l’atteinte des objectifs obligatoires et l’acquisition des contenus obligatoires. Préférablement, ne faites pas de démarche seul. À tout le moins, parlezen à l’AQÉCR qui pourra vous conseiller dans vos démarches.

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ESTRIE 8e édition

12, 13 et 14 novembre 2015

ÉTHIQUE À LA UNE Comment dialoguer?

LES JOURNÉES PROVINCIALES DE LA FORMATION CONTINUE EN ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE

Inscriptions en ligne : JPFC.AQECR.COM


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