l'ÉCRan Avril 2016 | Arts

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ÉCRan

Éthique et Culture Religieuse | articles et nouvelles

HIVER 2016, VOLUME 6, NUMÉRO 1

DOSSIER ARTICLES

Arts

Les arts en éducation : La pensée de Martha Nussbaum

De la connaissance de l’art à la reconnaissance de l’autre La littérature en ÉCR! Pourquoi pas? Élaborer des réseaux de livres en ÉCR à l’aide du site Livres ouvert Art, religion et interdisciplinarité La chanson : un art mineur, un apport majeur? Slam ton ÉCR!

CHRONIQUES

Recherche et pratique en dialogue Littérature jeunesse Trucs de prof!

Association québécoise en éthique et culture religieuse


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SOMMAIRE ÉDITORIAL

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ARTICLES LES ARTS EN ÉDUCATION : LA PENSÉE DE MARTHA NUSSBAUM

CHRONIQUES

TRUCS DE PROFS! AVOIR DU PLAISIR À FAIRE DE L’ÉCR AU PRIMAIRE

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Anne-Marie Duclos

Marianne Picard

Doctorante en psychopédagogie, Université de Montréal

DE LA CONNAISSANCE DE L’ART À LA RECONNAISSANCE DE L’AUTRE

Enseignante de 5e et 6e année au collège Jean de la Mennais

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Maia Morel

Chargée de cours à l’UdeM et l’UQAT

LA LITTÉRATURE EN ÉCR! POURQUOI PAS?

Stéphanie Déziel

RECHERCHE ET PRATIQUE EN DIALOGUE LA PRATIQUE DU DIALOGUE EN CLASSE : DÉFIS ET SAVOIRS PROFESSIONNELS

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LITTÉRATURE JEUNESSE

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Entrevue avec Chantal Bertrand

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Enseignante en philosophie au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue

ÉLABORER DES RÉSEAUX DE LIVRES EN ÉCR À L’AIDE DU SITE LIVRES OUVERTS

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Catherine Chiasson

Libraire jeunesse à la Librairie Bric à Brac

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Rachel Deroy-Ringuette

Collaboratrice au site Livres ouverts

ART, RELIGION ET INTERDISCIPLINARITÉ

Mélanie Dubois

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Enseignante au Pensionnat Saint-Nom-de-Marie et chargée de cours à l’UQAM

LA CHANSON : UN ART MINEUR, UN APPORT MAJEUR?

Directeur de la revue Sylvain Fournier

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Rédactrice en chef invitée Chantal Bertrand Réviseure linguistique Julie Coutu

Alexandre Bazinet

Enseignant en adaptation scolaire

SLAM TON ÉCR !

Alexis Forget d’Amour, Camille Lafrenière et Pierre-Luc Beaudry

Réalisation graphique Alexandre Poirier

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Impression Imprimerie Lanaudière Photo de couverture Dreamstine 24664066

Baccalauréat en adaptation scolaire au secondaire à UQAM

courriel : ecran@aqecr.com site web : www.aqecr.com Changements d’adresse et retours postaux ASS. QUEBECOISE EN ÉTHIQUE ET CULTURE REL. CP 1283 L’EPIPHANIE SUCC BUREAU-CHEF L’EPIPHANIE, J5X 4S9 Dépôt légal : Bibliothèque et Archives Canada ISSN 1916-8047

Depuis 2008, cette publication est conçue à l’initiative de l’Association québécoise en Éthique et culture religieuse (AQÉCR) qui en est l’éditeur. L’Association québécoise en Éthique et culture religieuse (AQÉCR) se dégage de toute responsabilité par rapport au contenu des publicités publiées dans ses pages. De plus, les opinions énoncées dans cette revue n’engagent en rien l’AQÉCR et sont sous l’entière responsabilité des auteurs.

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ÉDITORIAL

/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

A

u moment d’écrire ces lignes, nous sommes en pleine campagne électorale. Alors que cela devrait être une belle occasion de réfléchir à des questions éthiques et de dialoguer, mon premier réflexe face à ce triste cortège d’appels au clan et aux sentiments, de demi-vérités et de vraies-duperies, a été d’organiser une chasse aux sophismes… Nul doute que le butin sera impressionnant, mais je ne peux évidemment m’empêcher d’en être attristée. J’ai aussi ce poème de Gérald Godin qui me trotte en tête et dont voici un extrait : T’en souviens-tu, Godin ?/astheure que t’es député/t’en souviens-tu/de l’homme qui frissonne/qui attend/l’autobus du petit matin/après son chiffre de nuit ? Il me rappelle la pertinence et la puissance des repères artistiques dans une réflexion éthique. En effet, réfléchir sur des questions éthiques, ce n’est pas seulement une démarche « mathématique » dans laquelle on « mesurerait » le degré de rationalité des arguments proposés. Il y a aussi cette dimension humaine, donc complexe, car riche d’ambigüités, que l’art peut nous permettre d’appréhender. Je me souviens avoir introduit le sujet de la surconsommation avec des élèves de deuxième secondaire avec La complainte du progrès de Boris Vian. Le rire qui en avait découlé, avec différentes nuances de jaune, avait cassé la glace et favorisé une discussion à propos de nos propres paradoxes : « On recycle, mais on achète des tonnes de gadgets inutiles », faisait remarquer un élève; « On dit que notre famille est la chose la plus importante, mais on passe beaucoup plus de temps devant nos écrans », constatait une autre.

CHANTAL BERTRAND

Rédactrice en chef invitée

L’art est une manière différente d’aborder le phénomène religieux. Par exemple, la lecture d’un roman permet d’approfondir notre compréhension des dimensions personnelles, expérientielles, morales, sociales, d’un phénomène religieux. Je pense, par exemple, au merveilleux roman d’Herman Hesse, Siddartha, que Martin Dubreuil a longtemps fait lire à ses élèves1. L’art permet aussi de développer notre créativité, de voir les choses autrement… bref, il nous aide à penser « en dehors de la boite », pour reprendre une expression populaire. Face aux défis éthiques (entre autres) qui attendent l’humanité, nos jeunes en auront grandement besoin. Ils et elles devront pouvoir puiser dans un bagage culturel qui les « éduque à leur humanité » pour ne pas se laisser enliser dans la vision utilitariste qui s’étend dangereusement à toutes les sphères de la vie. La mission de « passeur culturel » des enseignantes et des enseignants me semble aussi naturelle qu’essentielle car, ainsi que le mentionne Etienne Barilier, une société instruite, instruite mais sans culture compte autant de dupes et d’aliénés qu’une société ignorante.

1

Revoir à ce sujet son texte dans le numéro de l’ÉCRan du printems 2010 intitulé Siddhartha : une utilisation pédagogique du roman d’Herman Hesse.

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Bref, il me semble que de travailler avec des œuvres d’art de genres variés (chants, slams, poèmes, romans, peintures, sculptures, œuvres architecturales, performances, street-art…) est non seulement stimulant, mais aussi extrêmement enrichissant, et ce, même en dehors du thème «Art et religion». Afin d’enrichir notre réflexion sur l’art et l’ÉCR, nous vous proposons des textes variés, certains plus théoriques, d’autres plus pratico-pratiques. Anne-Marie Duclos nous dresse un admirable portrait de l’apport des arts à l’éducation. La littérature est à l’honneur avec un texte de Stéphanie Déziel sur la pertinence d’intégrer la littérature à notre enseignement. Pour compléter ce beau plaidoyer, Rachel Deroy-Ringuette nous présente l’approche des réseaux de livres avec des exemples liés aux thèmes du primaire et du secondaire. Dans la version en ligne, qui comporte des textes supplémentaires et que je vous encourage donc à consulter, vous trouverez notamment un bel article de Maia Morel sur l’apport des arts plastiques à la reconnaissance de l’autre. Pour sa part, Mélanie Dubois nous présente une SAÉ qui donne de beaux résultats, permettant aux élèves d’enrichir leur culture artistique et de mieux comprendre le phénomène religieux par une porte d’entrée toute en couleurs et en symboles. Par ailleurs, si la chanson est un art mineur selon Serge Gainsbourg, elle est aussi un tremplin formidable en classe d’ÉCR et Alexandre Bazinet nous explique pourquoi. Il nous propose également une sélection de titres qui vous donnera sans doute le goût de convier en classe Georges Brassens et sa mauvaise réputation, Charles Aznavour et son goût de liberté, Abd Al Malik et ses appels à la tolérance, et bien d’autres. Finalement, deux étudiants et une étudiante de l’UQAM vous invitent à mettre vos élèves au défi et à composer un slam en ÉCR. D’ailleurs, bien des thèmes sont très inspirants pour cet art : ordre social, justice, questions existentielles… Par ailleurs, dans la chronique « Truc de prof », Marianne Picard nous explique comment elle prend du plaisir à enseigner l’ÉCR au primaire grâce aux communautés de recherche philosophique. Dans la chronique «Littérature », Catherine Chiasson nous propose de nouveau de belles trouvailles pour aborder des thèmes au primaire et au secondaire et je signe cette fois la chronique « Dialogue entre la recherche et la pratique » en vous présentant mon projet doctoral sur la pratique du dialogue en classe. Au plaisir de vous lire à ce sujet, et tous les autres, sur la page Facebook de l’AQECR. Bonne lecture !

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LES ARTS EN ÉDUCATION : LA PENSÉE DE MARTHA NUSSBAUM

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// ANNE-MARIE DUCLOS | Doctorante en psychopédagogie, Université de Montréal L’ESSENTIELLE SENSIBILITÉ POUR ÊTRE RATIONNEL

LES ARTS ET LES ÉMOTIONS

L

’art émeut. Le spectateur autant que l’artiste passent par un processus qui implique des émotions. Longtemps, le pouvoir et l’influence des émotions sur les pensées ainsi que sur les comportements humains ont été minimisés, sous-estimés, voire réprimés. Les grands penseurs tels que Kant et Platon percevaient les émotions comme trompeuses et perturbatrices. De nos jours, bien que l’interaction entre les émotions et la cognition ait été démontrée dans les domaines de la neurologie, de la psychologie et de la physiologie, la rationalité demeure privilégiée face à l’émotivité par la majorité des sociétés, des organisations gouvernementales et des structures de travail.

Encore aujourd’hui, les émotions, de nature inconsciente, sont très peu étudiées considérant leur place essentielle dans la vie et dans la survie de l’homme. Dévaluer l’importance des émotions dans nos vies a pour conséquence de surévaluer la rationalité en ce qu’elle doit tout guider. Pour le neurologue Antonio Damasio, « Être rationnel, ce n’est pas se couper de ses émotions. Le cerveau qui pense, qui calcule, qui décide n’est pas autre chose que celui qui rit, qui pleure, qui aime, qui éprouve du plaisir et du déplaisir. Le cœur a ses raisons que la raison est loin d’ignorer.» (2006, quatrième de couverture). Certes, les émotions peuvent dans certains cas nuire à notre capacité à raisonner, mais l’absence d’émotions ou l’incapacité à ressentir des émotions peuvent profondément perturber notre raison et notre jugement qui nous distinguent des autres espèces animales : « la capacité d’exprimer et de ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels. » (2006, p. 9). De plus, il est maintenant démontré que l’absence d’émotions peut donner lieu non seulement à un vide intérieur terrible, mais aussi à des actes graves et dangereux.

Cette suprématie de la rationalité s’explique entre autres par la société de la connaissance dans laquelle nous vivons, c’est-à-dire une société où les technologies et la mondialisation facilitent la grande consommation de connaissances, mais aussi où règne l’économie du savoir, soit la promotion des savoirs qui ont un «impact». Dans son ouvrage Les émotions démocratiques : Comment former le citoyen du XXIe siècle ? (2011), la grande philosophe américaine Martha Nussbaum critique cette logique de l’éducation et son obsession pour l’utilité économique : « “impact” est le mot à la mode et par “impact”, le gouvernement entend essentiellement impact économique » (p. 128). Elle dénonce le fait que les arts et les humanités doivent constamment défendre leur existence et justifier leur utilité devant le gouvernement. Dans cet article, nous verrons de plus près l’importance des émotions, puis nous présenterons la notion de citoyen empathique qui défend les arts et humanités dans la pensée de Nussbaum.

De plus, la capacité d’imaginer notre monde, mais aussi celui des autres, découle des sentiments et est étroitement liée à l’empathie. L’esprit humain ne se limite pas à servir nos intérêts personnels, mais possède aussi la capacité naturelle de « se mettre dans les souliers de l’autre ». On assiste donc à une conciliation ou à une réconciliation entre deux concepts qui semblaient si différents et même à l’opposé pour certains: la raison et les émotions. L’être humain forme un tout dans lequel les parties ne sont pas séparées ou indépendantes les unes des autres.

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Damasio aspire à une compréhension des émotions autant cognitive qu’émotionnelle, qui tendrait vers un bien-être collectif. Selon lui, il est nécessaire d’accorder plus d’attention à la vulnérabilité du monde intérieur afin d’affronter les problèmes actuels de la société, notamment dans les domaines de la violence et de l’éducation.

on ne forme plus de poètes ou de gens en littérature. On ne forme que ce que l’industrie d’entreprise financière veut pour alimenter la machine à multiplier l’argent. » Il est triste de constater que la rationalité et l’économie de marché dominent nos sociétés ainsi que notre système éducatif.

LES ARTS ET L’ÉDUCATION

LA PENSÉE DE NUSSBAUM

Le Programme de formation de l’école québécoise (2006) qui ne manque pas d’associer les arts aux aspects affectifs indique : « L’étude et la pratique des arts ouvrent la voie au monde de la sensibilité, de la subjectivité et de la créativité. Elles permettent de découvrir et de construire la signification des choses à partir des sens et de la communiquer par des productions artistiques. Mettant en valeur l’intuition et l’imagination, les arts participent aux formes d’intelligences qui permettent d’appréhender le réel, de le comprendre et de l’interpréter. » (p. 190). Il est aussi intéressant de souligner que l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) stipule : «Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.» Le fameux historien de l’art Sir Herbert Read (1893-1968) va plus loin dans la nécessité des arts en éducation: « L’art devrait être la base de l’éducation. Le but de l’éducation est donc la création d’artistes - de personnes efficaces dans les différents modes d’expression. » Pourtant, malgré leur importance réaffirmée, les arts ainsi que la richesse culturelle des humanités (notamment le domaine des langues, de la philosophie, de la littérature et de la musique) sont en voie d’extinction.

Afin de contrer ce type d’éducation basée sur la compétitivité économique que Martha Nussbaum nomme « l’éducation tournée vers le profit économique », l’auteure propose une « éducation tournée vers la démocratie ». Selon elle, trois compétences démocratiques sont indispensables à la résolution des problèmes mondiaux qu’affrontent actuellement nos sociétés : le raisonnement critique, la citoyenneté mondiale et l’imagination sympathique. Il semble impératif de former des citoyens empathiques, c’est-à-dire des citoyens qui développent la capacité de penser de façon critique, d’aborder les problèmes mondiaux en tant que citoyens du monde et d’imaginer avec bienveillance la situation d’une autre personne. De plus, l’auteure défend fermement le maintien des sciences humaines et des arts comme remparts aux attaques capitalistes sur nos droits et libertés. Au nom du progrès économique, nos démocraties ainsi que les habiletés les protégeant sont en danger, provoquant ainsi ce que Nussbaum décrit comme une « crise planétaire de l’éducation ». Par opposition, l’éducation à la démocratie encourage les élèves et les étudiants à surpasser les frontières de leurs perspectives courantes afin d’atteindre une sensibilité intellectuelle qui leur permet de participer comme membre empathique, critique et actif d’une communauté égalitaire. La sensibilité à l’égard de l’autre et du monde qui nous entoure se veut inséparable d’une vie démocratique. En effet, comment pourrait-on vivre ensemble sans se soucier ni même sans être en mesure d’imaginer la réalité sensible des autres citoyennes et citoyens qui forment et participent à notre société? Évidemment, les arts et les humanités telles que la littérature peuvent propager et perpétuer certains stéréotypes et discriminations, mais Nussbaum les perçoit principalement comme des instruments d’ouverture et de connaissance: « le rôle des arts dans la vie humaine comme consistant es-

L’intellectuel progressiste et professeur à l’école des HEC Monsieur Omar Aktouf explique: « on dit paradoxalement que nous sommes dans une économie de savoir et de connaissances, mais en même temps, on n’a jamais si peu éduqué. On est en train de transformer l’institution d’éducation en institution qui forme des gens « employables », ce qui est horrible. Est-ce qu’aujourd’hui, un Victor Hugo serait employable? Est-ce qu’aujourd’hui, un Socrate serait employable? Non! Mais que serait l’humanité sans Socrate, sans Aristote, sans Verlaine, sans Victor Hugo, sans Rimbaud? Nous serions des animaux! Aujourd’hui, sous le prétexte que le marché n’en veut pas,

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sentiellement à nourrir et étendre la capacité d’empathie » (p. 101). La démocratie impose que l’on traite les autres avec considération, respect et tolérance, en explorant les avantages et les limites de leurs applications. Grâce aux arts, les élèves et les étudiants s’engagent dans des expériences sensibles et apprennent à déterminer leurs engagements envers eux-mêmes et envers les autres. De cette manière, ils se préparent à l’exercice de leur citoyenneté dans une société pluraliste et ouverte sur le monde.

son La Virevolte: « L’Art, dans ses expressions les moins commercialisées et les plus affranchies du “marché de l’art”, reste l’un des derniers bastions non colonisés par la rationalité économique. Plus précisément, l’art engagé propose une voie totalement opposée à celle de la culture dominante capitaliste. Elle est dans son processus de réalisation et dans son expérience esthétique, en mettant le sujet au centre de l’action, un affront aux aberrations du système et à sa tendance à la désappropriation du sujet en tant qu’acteur de son expérience. Mais c’est, avant tout en tant que moyen d’action sociale, une célébration de la pluralité, de la grande mosaïque humaine et de sa beauté. »

Bref, l’éducation ne peut plus se baser que sur les profits économiques puisqu’elle mettrait ainsi la démocratie en péril. L’éducation doit plutôt préparer les enfants et les adolescents d’aujourd’hui à devenir des citoyens responsables, empathiques, engagés et critiques. Une conception riche de leur citoyenneté globale ainsi que la reconnaissance de la vulnérabilité et des faiblesses humaines peuvent ainsi permettre le dévouement à des causes sociales qui donnent un sens au respect et à la réciprocité essentiels en démocratie.

RÉFÉRENCES Chomsky, N., & Brouillette, R. (2008). L’encerclement : la démocratie dans les rets du néolibéralisme: Saint-Paulin, Québec : Films du Passeur : Montréal : Amoniak Films Distributions.

LES ARTS CONTRE LA RAISON ÉCONOMIQUE

Damasio, A. R. (2003). Spinoza avait raison. Paris : Odile Jacob.

La suprématie de la rationalité, du quantifiable et de «l’impact économique» en éducation ne propose qu’une vision unidimensionnelle et aseptisée du monde. Cette perspective bornée évacue les mystères de la beauté qui nous entourent et y soustrait la sensibilité et la fraîcheur de l’émerveillement devant les arts et humanités.

Damasio, A. (2006). L’erreur de Descartes : la raison des émotions. 2e édition. Paris : Odile Jacob. Nussbaum, M. C. (2010). Not for Profit : Why Democracy Needs the Humanities. Princeton, NJ: Princeton University Press. Nussbaum, M. (2011). Les émotions démocratiques : comment former le citoyen du XXIe siècle ? Paris : Climats.

Plutôt que de se diriger vers l’aporie ou de demeurer dans une logique qui se veut de plus en plus antidémocratique, nous allons devoir trouver des solutions aux problèmes engendrés par une politique économique dominante qui recherche constamment la croissance et le capital. Il devient primordial de permettre aux enfants et aux adolescents de développer une conscience plus profonde de leurs responsabilités comme citoyens du monde, notamment par l’empathie et la créativité. Au sein de ce monde motivé par les profits et l’individualisme, un engagement citoyen authentique semble nécessaire au maintien de la démocratie et en vue du progrès de l’humanité.

Nussbaum, M. (2012). Capabilités : comment créer les conditions d’un monde plus juste ? Paris : Climats. Read, H. (1943). Education Through Art. London; Faber Editions. Organisme pour les arts Engrenage Noir (2011). Célébrer la collaboration : Art communautaire et art activiste humaniste au Québec et ailleurs. Montréal, LUX Éditeur.

J’aimerais terminer le présent article par une citation touchante de Guy Lévesque, coordonnateur de la Mai-

ANNE-MARIE DUCLOS

Doctorante en psychopédagogie Université de Montréal

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FORMULAIRE D’ADHÉSION Membres réguliers 50 $

Nom :

Étudiants et retraités 25 $

Membres associés 75 $

Adresse :

Je, soussigné(e), demande mon adhésion à l’Association Québécoise en Éthique et Culture Religieuse (AQÉCR). Je m’engage à observer les statuts, les règlements, les décisions et à payer la cotisation annuelle fixée par l’assemblée générale. Mon adhésion entrera en vigueur le jour de mon admission par l’AQÉCR. En foi de quoi j’ai signé le :

Téléphone (résidence) : Téléphone (travail) : Courriel :

Commission scolaire :

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Veuillez faire parvenir un chèque par la poste au nom de l’AQÉCR :

Fonction :

ASS. QUÉBÉCOISE EN ÉTHIQUE ET CULTURE REL. CP 1283 L’ÉPIPHANIE SUCC. BUREAU-CHEF L’ÉPIPHANIE, J5X 4S9

DIALOGUONS L’auteure cite Omar Aktouf qui affirme que : « on dit paradoxalement que nous sommes dans une économie de savoir et de connaissances, mais en même temps, on n’a jamais si peu éduqué. On est en train de transformer l’institution d’éducation en institution qui forme des gens “employables”, ce qui est horrible. » Êtesvous d’accord ou en désaccord avec ce constat ? Pourquoi ? L’auteure a écrit : « Il devient primordial de permettre aux enfants et aux adolescents de développer une conscience plus profonde de leurs responsabilités comme citoyens du monde, notamment par l’empathie et la créativité. » Cela vous semble-t-il souhaitable, et pourquoi ? Si oui, comment est-il possible de le faire ? Par exemple, quelles stratégies utilisez-vous, quelles activités, faites-vous ou aimeriez-vous faire à cette fin ?

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DE LA CONNAISSANCE DE L’ART À LA RECONNAISSANCE DE L’AUTRE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// MAIA MOREL | Chargée de cours Université de Montréal et UQAT naître l’autre, à le reconnaître en tant qu’égal, et à entrer avec lui dans une véritable relation de parité.

LE BESOIN DE RECONNAISSANCE

« L’homme est un animal social »

L’ART COMME OUVERTURE À L’AUTRE

C

L’enseignement des disciplines artistiques – que ce soit à l’école, à l’université ou ailleurs – fait généralement référence à des théories ou des modèles qui font de l’art un moyen de représenter le monde. Cependant, les réalités éducatives actuelles nous obligent à nous demander si cette approche convient encore à une pratique scolaire qui se soucie de plus en plus de la construction d’une culture publique prenant en compte la diversité.

ette formule d’Aristote, dans le livre I de la Politique, est souvent reprise comme exprimant ce qui est le fond même de la nature humaine. Lorsqu’Aristote formule cette définition de l’homme, ce n’est toutefois pas à une dimension technique de la société qu’il pense (division du travail) mais à une exigence morale : la société est le lieu où peuvent s’établir le bien et la justice, et c’est pourquoi elle est nécessaire à l’homme.

De fait, l’art a toujours été le lieu d’une rencontre avec « l’autre ». Souvenons-nous, en effet, que de tout temps, les arts plastiques se sont nourris de l’altérité. Censés surprendre, étonner, émerveiller, soucieux de nouveauté, avides d’innovations, leur histoire est jalonnée de mouvements et d’échanges qui sont comme un hommage à la différence culturelle : influences italiennes, de l’Antiquité, orientales, chinoiseries, russeries, japonisme, art nègre, exotisme, que serait l’art occidental sans cette effervescence multiculturelle ? Le milieu artistique lui-même est intimement marqué par l’internationalisme, à la fois par le fait qu’il accueille un grand nombre d’étrangers et par le goût des voyages qui a caractérisé de nombreux créateurs ou amateurs d’art.

Cette exigence de sociabilité s’est accrue considérablement avec l’éclatement culturel qui a touché les sociétés occidentales au cours des dernières décennies et a conduit à une floraison de revendications en provenance de groupes jusque-là marginalisés ou opprimés : femmes, minorités ethniques, autochtones, migrants, réfugiés, personnes handicapées, minorités sexuelles... Force est de constater que, même s’il existe de nombreuses associations de toutes natures qui se penchent sur les différences de religion, de culture, d’appartenance ethnique, sur le racisme, les droits de la personne, l’homophobie, etc., ces points sont à l’origine de multiples revendications et/ou conflits… Dès lors, la question de la compréhension mutuelle, de la tolérance, de la cohabitation, du vivre ensemble apparaît comme essentielle. La reconnaissance de l’autre est à ce point essentielle qu’elle constitue, avec la poursuite du bien commun, l’une des deux grandes finalités du programme d’éthique et culture religieuse.

Cette ouverture à l’autre, ce besoin de se nourrir des différences, qui fut d’abord « géographique », a, durant les dernières décennies, pris une importance essentielle dans la production, la consommation et la commande artistiques, et cela pour plusieurs raisons. 1. Le mode de consommation de l’art, et donc son rôle, a radicalement changé. Il perd peu à peu son statut d’objet esthétique pour devenir un objet intellectuel. Or, cette approche se fait dans un esprit de pluralité, l’in-

Nous souhaitons nous interroger ici sur le rôle que l’art (et spécifiquement les arts plastiques) peut jouer dans l’acquisition de cette indispensable capacité à con-

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terprétation de l’œuvre d’art favorisant systématiquement le recours à la pensée divergente. En effet, comme le rappelle Gudykunst en définissant les conditions de la communication interculturelle, « [i]l est impossible de communiquer un contenu d’une personne à une autre, seul le message lui-même est transmis »1. C’est bien ainsi que procède la communication artistique, dans une optique participative, collaborative et inventive, qui mène à la construction d’un signifiant partagé, ce qui en fait une véritable propédeutique à l’acceptation et à la compréhension de l’autre.

Peut-on en effet se contenter d’un simple commentaire esthétique lorsque la ville d’Andorre accueille un monument intitulé Hommage à l’immigrant2 ? L’installation d’un banc public commémorant les victimes du Sida dans un pays où le problème est largement ignoré n’estelle pas plus efficace pour sensibiliser la société qu’un discours officiel3 ? Et une exposition comme Dialogue Deux – présentée durant l’été 2015 par le Centre d’exposition de Rouyn-Noranda avec pour ambition proclamée de « rétablir le dialogue » avec les cultures autochtones – ne représente-t-elle pas bien plus qu’une présentation de créations artistiques4 ?

2. Parallèlement, le statut de l’artiste a été profondément modifié. Habité par une véritable euphorie du geste créateur qui le conduit à explorer tous les moyens qui s’offrent à lui, en rupture avec les arts visuels « traditionnels » (avec en particulier une remise en question radicale de la notion de beau), il revendique un rôle d’acteur public pleinement impliqué dans les débats sociaux contemporains. Loin du chevalet, l’artiste semble aujourd’hui trouver sa raison d’être dans les formes d’engagement les plus diverses.

UNE NOUVELLE APPROCHE DE L’ART À L’ÉCOLE Les arts apparaissent donc comme l’un des terrains les plus propices pour développer la connaissance et, par là, la reconnaissance des autres. L’école, qui l’a bien compris, confie désormais à l’enseignement des arts un rôle essentiel de découverte des valeurs du vivre ensemble. L’enseignant devient alors l’architecte d’un enseignement fondé sur la construction d’une culture partagée qui tient compte de la diversité ; pour ce faire, il a la possibilité de nourrir ses projets pédagogiques des expériences des multiples artistes ayant prôné dans leur création ces valeurs (Voir dans le Programme de formation de l’école québécoise – Arts plastiques la Compétence 3 : Apprécier des œuvres d’art). À titre d’exemple, on pourrait mentionner l’intérêt éducatif d’un travail autour des créations de Christian Boltanski et notamment des œuvres appelant à la tolérance et à l’égalité ainsi que de ses dénonciations de l’Holocauste et de l’antisémitisme (Autel du Lycée de Chases, 1988, Réserve du Musée des enfants, 1989, Personnes, 2010, et autres). Il s’agit là d’un moyen unique pour sensibiliser les élèves, mais aussi le public en général, à l’un des problèmes majeurs de l’histoire de l’humanité, et les aider à comprendre que, par-delà leurs

D’une certaine manière, l’art a mis fin à la période « moderne » de son histoire durant laquelle il s’était trouvé marginalisé par une société qui ne voulait voir en lui qu’un agrément. Pour emprunter la devise de Area revues, il « pense le monde », il est devenu un moyen de connaissance et d’action. « L’art, écrit Catherine Millet, est devenu contemporain en nous parlant de notre vie de tous les jours. » (p. 31). Pas de combat qu’il ne mène, pas de lutte où il ne soit présent : conflits, grèves, manifestations, écologie, équité, reconnaissance des droits des minorités, l’art se veut un outil à part entière de la médiation sociale et du débat public. Il est donc un tremplin stimulant et pertinent pour d’autres disciplines et leurs divers contenus, notamment en ÉCR, domaine qui s’intéresse au sujet éthique et au phénomène religieux.

1

« Meanings cannot be transmitted from one person to another. Only messages can be transmitted. » (p. 9, passage en gras dans l’original). https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Homenatge_a_l%27immigrant._Antonio_Tenreiro._Andorra_134.jpg. Statue inaugurée en 2010. 3 http://www.mediafire.com/view/wdh3vdoi0pi2acu/arta_implicata_art_implique.pdf 4 http://www.cern.ca/ 2

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différences, tous les hommes sont égaux en valeur et en dignité. On peut également évoquer l’œuvre d’un autre grand artiste, considéré comme un chantre de l’écologie et de la spiritualité universelle : Friedensreich Hundertwasser (Église St.-Barbara, Bärnbach, 1987-1988, Maison de Hundertwasser-Krawina, Vienne, 1990-1991, Le Droit de fenêtre, 1988, et autres) ; son travail représente un terrain de réflexion privilégié sur l’humanisme, sur le droit à l’expression individuelle, et donc sur la reconnaissance de chaque personne dans sa vision du monde. Les ponts possibles avec les thèmes d’ÉCR sont clairs et multiples, et chaque enseignant pourra sélectionner ce qui convient à ses objectifs. Il peut être intéressant, lorsque possible, de réaliser un projet interdisciplinaire arts plastiques et ÉCR, en utilisant ces œuvres pour des dialogues riches tant en lien avec le volet éthique qu’avec la culture religieuse. L’important est de garder à l’esprit le fait que l’art est directement impliqué dans la réflexion sociale, dans la résolution des conflits et contribue au progrès. Dans cette optique, l’enseignant pourrait inclure dans ses projets des activités d’appréciation et, dans un second temps, il pourrait utiliser des projets de création pour mettre en valeur l’expérience artistique de ses élèves (Programme de formation de l’école québécoise – Arts plastiques, Compétence 1 : Réaliser des créations plastiques personnelles).

RÉFÉRENCES Aristote. (1874). Politique (trad. Barthélémy Saint-Hilaire). Paris : Librairie philosophique de Ladrange. Disponible à l’adresse http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/tablepolitique.htm (consulté le 28-08-2015). Gouvernement du Québec. Ministère de l’éducation. (2006). Programme de formation de l’école québécoise. Version approuvée. Gouvernement du Québec: Ministère de l’éducation, 2006. Disponible à l’adresse http://www1. mels.gouv.qc.ca/sections/programmeFormation/pdf/prform2001.pdf (consulté le 28-08-2015). Gudykunst, W. B. (2004). Bridging differences. Effective Communication. Londres : Sage Publications. Kerlan, A. (2004). L’art pour éduquer ? La tentation esthétique. Sainte-Foy, QC : Presses de l’Université Laval. Millet, C. (2006). L’Art contemporain. Histoire et géographie. Paris : Flammarion.

MAIA MOREL Chargée de cours UdeM et UQAT

L’art n’est pas fait « pour décorer les appartements », aurait déclaré Picasso à propos de Guernica, il est aussi dans la rue, et partout, et sa vocation est bien de servir d’outil dans la formation du citoyen (Kerlan, 2004).

DIALOGUONS

En conclusion, l’art s’est toujours enrichi des différences, d’où qu’elles viennent et quelle que soit leur nature. Dans ses formes les plus contemporaines, il peut sembler parfois violent, provocant et même, ce qui est le comble, laid. Mais c’est bien de notre quotidien qu’il nous parle, quotidien marqué par des demandes de reconnaissance émanant d’une société de plus en plus diversifiée. L’art fait partie de cette diversité, il revendique lui aussi le droit à l’opinion, à l’expression, à la participation sociale. L’accepter dans ce nouveau rôle, lui ouvrir la porte des écoles, c’est se doter d’un outil irremplaçable pour apprendre à vivre ensemble, tous.

Faites-vous lire des romans à vos élèves ? - Si non, pourquoi ? - Si oui, lesquels ? Comment fonctionnez-vous (lecture à la maison, en classe…) ? Quels sont les défis et les avantages d’utiliser la littérature pour travailler les thèmes du programme ?

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LA LITTÉRATURE EN ÉCR! POURQUOI PAS?

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// STÉPHANIE DÉZIEL | Enseignante en philosophie au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue

(…) la littérature a quelque chose à voir avec la compréhension de la vie, avec l’interprétation du monde vécu, avec le sens des actions et des passions des hommes. — Danièle Sallenave

dition humaine, par exemple : la folie, la mort, l’amour, le pouvoir, le bien, le mal, etc. La lecture de livres permet de sortir l’élève de son expérience individuelle, de «[…]l’étroit enfermement en lui-même et dans son temps » (Sallenave, 1997 : 31). Il peut ainsi voir ce qu’il y a de général dans l’agir et dans la condition humaine, donc accéder à l’universalité, c’est-à-dire à ce qui se retrouve en chaque être humain. Par exemple, le livre Les raisins de la colère de Steinbeck traite de l’injustice. Robinson Crusoé de Daniel Defoe traite de la solitude. La ferme des animaux de Georges Orwell traite du pouvoir. La littérature dévoile les grandes questions qui nous offrent des choix, des alternatives qu’Allan Bloom résume ainsi : liberté-nécessité, bien-mal, âme-corps, moi-autre, éternité-temps, être-néant, etc. Selon lui, il faut être conscient de ces alternatives, y penser intensément « en reconnaissant que tout choix implique un grand risque et entraîne de lourdes conséquences » (Bloom, 1987 : 257).

D

ans cet article, nous allons traiter des finalités que permet d’atteindre le recours à la littérature dans une classe d’Éthique et culture religieuse (ÉCR). Nous démontrerons que la littérature aide à réfléchir aux questions liées à la condition humaine tout en développant le souci de l’autre. LA LITTÉRATURE POUR RÉFLÉCHIR À L’ÊTRE HUMAIN Selon nous, la littérature a vraiment sa place dans les classes d’ÉCR, et ce, tout d’abord parce qu’elle permet une réflexion enrichie sur des questions éthiques et existentielles qui sous-tendent ce cours. En effet, la littérature nous aide à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et notre propre existence. Bien sûr au quotidien, le monde est là, nous y sommes tous plongés, mais nous ne le voyons pas, nous n’y prenons pas garde. Nous vaquons à nos occupations, réglons les tracas de la vie ordinaire et nous divertissons pour nous changer les idées. Les adolescents n’échappent pas à ce phénomène. Leur vie est remplie de passe-temps (réseaux sociaux, cinéma) et d’obligations (études, travail). Les livres créent une mise à distance, ils nous arrachent au monde pour nous le rendre autre, revu et éclairé. Grâce aux livres, nous connaissons mieux notre existence vécue. Nous ne faisons pas que subir la vie et ses événements, nous réfléchissons à ceux-ci et à leur sens. Comme le dit Danièle Sallenave : «Les livres seraient donc le chemin pour revenir au monde. […]» (Sallenave, 1991 : 43).

L’une des compétences du cours d’ÉCR est la réflexion sur des questions éthiques. L’élève doit examiner les choix possibles face à une situation qui implique des valeurs ou des normes en conflit. Les livres dévoilent justement des situations concrètes vécues par des personnages confrontés à de tels choix. Ces histoires vues en classe toucheront sûrement l’élève et le porteront à réfléchir à ses propres choix. Il est bon non seulement d’aborder intellectuellement en classe des concepts éthiques tels que le courage, l’amitié, le bien, la mort, mais il faut aussi se nourrir d’exemples concrets qui aident à mieux approfondir ces réalités existentielles. La littérature donne à penser des situations incarnées, elle révèle les choix d’existence auxquels nous sommes confrontés. Elle offre des exemples de situations vécues, de personnages qui sont face à des alternatives et qui doivent prendre des décisions. Avec l’élève, il est possible d’examiner les conséquences, les implications de ces choix. Par exemple, s’il lit La mort D’Ivan Ilitch de Tolstoï, il pourra prendre conscience que les personnages du livre vivent comme si la mort n’existait pas. Il réfléchira alors aux conséquences d’une telle attitude et à sa propre

Que trouve-t-on dans les livres? Des personnages qui vivent ces réalités universelles dans lesquelles nous nous reconnaissons tous. Tous ces problèmes liés à notre con-

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façon de percevoir sa propre finitude.

d’Etty Hillesum, nous ressentons sa peur et sa souffrance lors de sa déportation dans un camp de concentration. L’œuvre Roméo et Juliette de Shakespeare nous fait vivre l’amour passionné. Avec Le cri des oiseaux fous, Dany Laferrière nous fait éprouver la douleur de l’exil forcé. Toutes ces émotions enrichissent notre vie intérieure. Elles passent à travers nous, nous marquent et nous aident à découvrir l’humain. Le contact avec les autres nous modifie, nous transforme et nous fait grandir. L’utilisation de la littérature dans les classes d’ÉCR prépare l’élève à son métier d’être humain. Elle le rend plus ouvert à tout ce qui fait l’être humain : ses angoisses, ses espoirs, ses colères, etc. La violence et les préjugés sont trop souvent liés à l’ignorance. Quand on comprend l’autre, on a beaucoup moins tendance à le juger. L’élève aura un esprit plus ouvert s’il apprend à connaître les divers visages de notre humanité. Il développera une plus grande capacité à s’émouvoir du sort de l’autre en épousant son propre point de vue. N’est-il pas vrai que plus on comprend l’humain, mieux on accueillera l’autre ?

LA LITTÉRATURE POUR S’OUVRIR À L’AUTRE Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. — Térence Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. — Proust Une autre raison pour laquelle la littérature s’avère tout à fait pertinente dans les classes d’ÉCR, c’est qu’elle rejoint l’une des finalités de ce cours; la reconnaissance de l’autre. En effet, elle permet de développer chez l’élève la sympathie humaine élargie. C’est ce que Martha Nussbaum définit ainsi : « […]cette capacité à imaginer l’effet que cela fait d’être à la place d’un autre, à interpréter intelligemment l’histoire de cette personne, à comprendre les émotions, les souhaits et les désirs qu’elle peut avoir. » (Nussbaum, 2011 : 121-122). Rousseau rappelle dans son grand livre sur l’éducation, Émile, que le pédagogue doit fournir à l’élève des récits qui lui permettent d’apprendre à s’identifier au sort des autres, à voir le monde à travers leurs yeux et à ressentir leurs souffrances par l’imagination. L’élève peut ainsi développer sa compassion et se sentir lié aux autres. Par le biais de ses lectures, il est beaucoup plus apte à comprendre l’expérience de l’autre parce que les livres offrent un éventail de formes que peut prendre la vie. Ces livres dévoilent l’expérience d’autres individus de toutes les cultures et de tous les temps. Ils permettent encore une fois à l’élève de sortir de lui-même pour se mettre à la place de l’autre : « La fiction littéraire, la poésie, le roman, dira Sallenave, nous font sortir de nos limites, nous offrent à l’incarnation, nous permettent d’accéder à l’autre, dans sa bêtise, dans sa souffrance, dans ses peurs, dans sa joie » (Sallenave, 1991 : 167).

RÉFÉRENCES Sallenave, D. (1991) Le don des morts : sur la littérature, Paris, Gallimard. Sallenave, D. (1997) À quoi sert la littérature? : entretien avec Philippe Petit, Paris, Textuel. Bloom, A. (1987) L’âme désarmée : essai sur le déclin de la culture générale, Montréal, Guérin. Nussbaum, M. (2011) Les émotions démocratiques, comment former le citoyen du XXIe siècle?, Paris, Climats. Rousseau, J. (1966) Émile ou de l’éducation, Paris, Garnier-Flammarion. De Romilly, J. (1998) Le trésor des savoirs oubliés, Paris. De Fallois.

STÉPHANIE DÉZIEL

Enseignante en philosophie au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue

Les livres donnent l’occasion à l’élève de vivre diverses émotions humaines. Bien sûr, la vie quotidienne offre son lot d’expériences. Nous vivons la douleur des séparations, la joie des retrouvailles, etc. Cependant la littérature offre une plus grande variété d’expériences. Comme le dit si bien Jacqueline de Romilly : « L’expérience accumulée dans la littérature […] offre un registre plus étendu et plus frappant que la plupart des vies » (De Romilly, 1998 : 143). La littérature fait souvent vivre des émotions et des réalités que nous ne pouvons pas vivre personnellement. Par exemple, à la lecture d’Une vie bouleversée

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ÉLABORER DES RÉSEAUX DE LIVRES EN ÉCR À L’AIDE DU SITE LIVRES OUVERTS

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A

u cours des dernières années, le recours à l’utilisation de réseaux de livres en classe s’est répandu. Cette pratique, conventionnellement adoptée en classe de français, peut facilement et avantageusement se transférer en classe d’ÉCR. Dans cet article, nous exposerons une démarche d’élaboration de réseaux de livres1 et suggérerons des modalités de travail à l’aide d’exemples concrets. Mais avant tout, il nous apparaît opportun de définir le concept de réseau de livres. Selon Boutevin et Richard-Principalli (2008), « le mot « réseau » désigne les liens à construire et à expliciter avec les élèves entre les œuvres littéraires. La lecture en réseau met des textes en résonnance autour d’un questionnement commun […] » (p.226). Ainsi, le réseau se distingue de la simple bibliographie puisqu’il permet d’associer les œuvres littéraires par une intention pédagogique et des questionnements sous-jacents.

er à l’intention pédagogique. En effet, le choix de livres découle de l’intention, mais celle-ci peut se modifier au fil des lectures et des titres disponibles. Pour faciliter le choix de livres selon les thèmes d’ÉCR, Livres ouverts propose des listes disciplinaires. Ainsi, sous la rubrique « Lecture dans toutes les disciplines », située dans le bandeau supérieur de la page d’accueil du site www.livresouverts.qc.ca, des listes de livres en fonction des cycles et des contenus de formation des différentes disciplines sont disponibles. Pour qu’un réseau de livres soit porteur, il faut compter un minimum de quatre livres différents traitant du thème choisi et apportant des points de vue variés. Étape 3 : Le choix des questions Afin de guider les élèves dans leurs discussions, l’enseignant doit préalablement préparer des questions invitant à la réflexion. Tel que stipulé dans le document Livres ouverts et la création de réseaux de livres, « les questions proposées doivent être ouvertes, laisser libre cours à diverses réponses possibles et provoquer d’authentiques situations de communication » (p.4). Ces questions peuvent d’ailleurs servir de fondement à la compétence 3 du programme d’ÉCR, « Pratiquer le dialogue ». L’enseignant doit aussi laisser libre cours aux questions émises et proposées par les élèves au fil des lectures et des discussions subséquentes.

LES ÉTAPES POUR ÉLABORER UN RÉSEAU DE LIVRES2 Étape 1 : Le choix de l’intention pédagogique Dans le contexte d’ÉCR, l’intention pédagogique s’élabore à l’aide des thèmes du programme de la discipline. Les éléments de contenu des différents cycles offrent d’excellents points de départ à sa construction. Si l’intention pédagogique doit être claire, elle n’est toutefois pas définitive dès le départ, puisqu’il est possible de la modifier au fil des autres étapes. Elle détermine le but à atteindre par les élèves suite à la mise en œuvre d’un réseau thématique.

Étape 4 : Le choix des activités complémentaires Cette étape permet d’approfondir le thème exploré, par exemple, par le biais de l’écriture. Les pistes d’exploration, disponibles dans les notices complètes de Livres ouverts, peuvent orienter l’élaboration d’activités complémentaires.

Étape 2 : Le choix des livres Cette étape est cruciale et doit nécessairement s’alli-

1 Voir le document intitulé Livres ouverts et la création de réseaux de livres disponible sur le site www.livresouverts.qc.ca, sous la rubrique « Dossiers pédagogiques » située sur le bandeau supérieur, dans la section « La création de réseaux de livres ». 2 Notez que ces étapes ne sont pas séquentielles, mais plutôt itératives, puisqu’il s’agit d’un travail de construction constant au fil des découvertes littéraires, des questionnements et des réflexions.

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Un livre d’amorce commun à tous et lecture, en sous-groupes, de livres différents Suivant cette modalité, l’enseignant lit un livre à l’ensemble du groupe et discute avec les élèves du thème, guide les réflexions et les questionnements, s’assure que tous ont une compréhension commune du texte et de la thématique. Ensuite, à l’intérieur de sous-groupes, les élèves lisent chacun un livre différent et discutent entre eux du thème. Finalement, un retour en grand groupe s’effectue pour confronter les points de vue des différents sous-groupes et consolider les apprentissages.

DES SUGGESTIONS DE MODALITÉS POUR EXPLOITER DES RÉSEAUX DE LIVRES En contexte de classe, l’exploitation de réseaux de livres peut prendre différentes formes. Les exemples de modalités suivants sont des suggestions et d’autres pourraient s’y ajouter. De plus, il est possible d’adapter ces façons de procéder en fonction des cycles, des livres disponibles ou des thèmes à traiter. Des livres différents à exploiter en grand groupe Selon cette modalité, l’enseignant lit différents livres et les élèves discutent d’abord en dyades puis en grand groupe. C’est la mise en relation entre les livres qui permet aux élèves d’approfondir une thématique ou un élément de contenu.

Exemple selon l’intention pédagogique suivante : Découvrir, à l’aide des récits, différentes situations d’entraide dans les groupes . 1. Lecture en groupe de Cinq souris sans logis: des souris colocataires s’entraident pour bâtir une maison et aident un chat mal en point.

Voici un exemple avec l’intention pédagogique suivante : Reconnaître le caractère unique des différents personnages3.

2. Discussion sur les actions des personnages, les situations d’entraide, l’effet de celle-ci sur le groupe, etc.

1. Lecture par l’enseignant des livres suivants : • Caramba: un chat découvre ses aptitudes uniques. • Comme toi : un lapin et un cochon se comparent et s’acceptent tels qu’ils sont. • Elmer : un éléphant différent veut se fondre dans la masse. • Quatre petits coins de rien du tout : ue Petits ronds s’adaptent pour intégrer un Petit carré.

3. Lecture en sous-groupes des livres suivants : • 100 bonshommes de neige: un quartier, sous l’impulsion d’une élève, se rallie afin qu’une enseignante endeuillée retrouve le sourire. • Freddy Banana : un propriétaire de cirque tombe en panne et se fait aider par des inconnus. • Tour de lapin : un lapin convainc les autres qu’ensemble ils peuvent combattre un chien qui se croit le plus fort • La petite poule rousse : une poule se voit refuser de l’aide pour la confection d’un gâteau.

2. Discussion guidée par des questions après chaque lecture, en dyades, puis en grand groupe : • En quoi les personnages sont uniques? • Comment vivent-ils avec leurs différences? • Comment les autres personnages réagissent-ils face aux différences? • Est-ce qu’il est possible d’être à la fois pareils et différents? • Toi, qu’est-ce qui te différencie des autres et te rend unique?

4. Discussion en équipe à propos des récits à l’aide des questions suivantes : • Qu’apporte l’entraide dans la vie des groupes présentés dans les récits? • De quelle manière certains personnages aident ou nuisent au bien-être du groupe? • Est-ce nécessaire de connaître les gens pour les aider? Explique. • Les situations d’entraide sont-elles toujours initiées par un meneur? Explique.

3. Activité complémentaire : création d’une murale présentant des personnages différents avec un élément identique.

3

Cette intention s’inspire de l’élément de contenu « Moi, un être vivant unique » pour le premier cycle du primaire.

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5. Retour en grand groupe pour terminer la discussion.

RÉFÉRENCES

Un livre par sous-groupe et échange en grand groupe sur les différents livres Cette modalité permet d’exploiter en équipe un même livre afin de construire une compréhension commune du texte lu et de sa portée. Une discussion de groupe permet ensuite une comparaison et une mise en relation des livres lus afin d’approfondir la thématique abordée.

Boutevin, Christine et Patricia Richard-Principalli (2008), Dictionnaire de la littérature jeunesse, Paris : Magnard-Vuibert

Exemple selon l’intention pédagogique suivante : Découvrir la façon dont l’avenir est dépeint dans les récits d’anticipation .

OUVRAGES LITTÉRAIRES CITÉS

Livres ouverts, Livres ouverts et la création de réseaux de livres, repéré à : http://www.livresouverts.qc.ca/Documents/Dossiers-pedagogiques/Reseaux/ Livres_ouverts_et_la_creation_de_reseaux_de_livres.pdf, (consulté le 27 août 2015) MELS, Programme d’Éthique et culture religieuse, repéré à : http://www.mels.gouv.qc.ca/programme-ethique-et-culture-religieuse/, (consulté le 27 août 2015)

Allen-Gray, Alison (2011 c2004), Unique, Montrouge : Bayard jeunesse Bousquet, Charlotte (2012), Le dernier ours, Paris : Rageot Côté, Geneviève (2009), Comme toi, Toronto : Scholastic Delye, Pierre (2013, c2007), La petite poule rousse, Paris : Didier jeunesse Engler, Michael (2011), Tour de lapin, Zurich : Minedition Gay, Marie-Louise (2005), Caramba, Saint-Lambert : Dominique et compagnie Huxley, Aldous (2005, c1932), Le meilleur des mondes, Paris : Pocket Jaccaz, Sonia (2011), Freddy Banana, Paris : L’élan vert Mills, Sam (2010), Black out, Paris : Naïve McKee, David (2013, c1989), Elmer, Paris : L’école des loisirs Orwell, George (2007, c1949), 1984, Paris: Gallimard, Poulin, Andrée (2011), 100 bonshommes de neige, Saint-Lambert : Dominique et compagnie Ruillier, Jérôme (2012, c2004), Quatre petits coins de rien du tout, Namur : Mijade Tashiro, Chisato (2000), Cinq souris sans logis, Zurich : Minedition

1. Lecture, au choix, par équipe, des titres suivants : • 1984 : un système totalitaire où les pensées sont surveillées et le passé renié. • Black-out : un adolescent remet question les principes dictés par l’État. • Le dernier ours : un déséquilibre écologique force le recours à des manipulations génétiques. • Le meilleur des mondes : une hiérarchie programmée dicte le mode de vie d’un monde futuriste. • Unique : un adolescent en quête de ses origines se questionne sur le clonage. 2. Discussion en sous-groupes puis en grand groupe à propos des récits à l’aide des questions suivantes : • Quels travers de la société actuelle sont amplifiés dans les récits d’anticipation? • Quel est le profil-type des personnages dans ce genre de récits? • En s’appuyant sur les exemples du texte, indiquer si la vision du futur présentée dans les récits est crédible. • Quelles valeurs universelles sont véhiculées dans les romans présentés?

RACHEL DEROY-RINGUETTE Collaboratrice au site Livres ouverts

Au terme de ces exemples, il apparaît clair que l’utilisation de réseaux de livres peut s’arrimer avantageusement au programme d’ÉCR. Peu importe la modalité choisie, ce qui est important de retenir, c’est la démarche de création de réseaux de livres et son essence, c’est-à-dire une intention pédagogique claire, des livres minutieusement choisis et des questions suscitant le dialogue et la réflexion sur les éléments de contenu retenus. Ensuite, les élèves ne pourront que bénéficier de l’apport de la littérature dans les cours d’ÉCR.

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ART, RELIGION ET INTERDISCIPLINARITÉ

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// MÉLANIE DUBOIS | Enseignante au Pensionnat Saint-Nom-de-Marie et chargée de cours à l’UQAM

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armi les thèmes du programme d’ÉCR qui sont difficiles à aborder en classe, celui des références religieuses dans les arts et dans la culture en est un. L’élément de contenu Des œuvres d’art à caractère religieux, est un vaste thème plus ardu puisqu’il peut couvrir plusieurs types d’arts dont l’architecture, la musique, la littérature, la sculpture, la peinture... et que les enseignants d’ÉCR n’ont pas nécessairement une formation en art. Une autre contrainte est que les élèves ont peu de connaissances, de culture «religieuse» (personnages et récits bibliques). Il est donc difficile pour eux de reconnaître la présence du religieux dans l’art profane (peintres contemporains, publicités, vidéos de musique...). Dans cet article, je vous proposerai quelques pistes pour surmonter ces obstacles et je vous expliquerai comment j’ai réussi à aborder concrètement ces éléments de contenu en classe.

LES OUTILS Avant de leur faire analyser une œuvre religieuse, j’ai préparé plusieurs activités pédagogiques qui avaient pour unique objectif d’outiller mes élèves et de leur permettre de mieux comprendre l’univers biblique. Par exemple, je leur ai fait écouter un reportage destiné aux jeunes portant sur les trois monothéismes1. Les élèves ont dû aussi répondre à un questionnaire qui leur a servi de notes de cours. Ensuite, en classe, j’ai ajouté à ces notes quelques notions complémentaires. Ces diverses notions serviront de base à la compréhension de l’œuvre religieuse que les élèves analyseront plus tard. L’ANALYSE J’ai d’abord divisé la classe en dyades. Chacune sélectionne une œuvre parmi celles disponibles et réalise une recherche sur l’artiste, trouve et résume le récit biblique dont il est question, explique la signification du texte pour les croyants, explique les fonctions et significations des personnages présents dans l’œuvre. Cette recherche servira à la préparation d’une présentation orale qui a pour objectif de partager l’information trouvée. Les élèves doivent donc prendre des notes durant les présentations, puisque celles-ci serviront à la préparation d’un examen. Ces notes doivent être conservées, puisqu’elles seront utilisées l’année suivante lors d’un projet sur l’art profane. Sans ces connaissances, il est difficile de reconnaître et de comprendre la présence du religieux dans l’art profane; c’est pourquoi je traite de cet élément de contenu l’année suivante, puisque les élèves sont prêts à analyser des œuvres d’artistes peintres contemporains faisant référence à la culture biblique dans leur production artistique2.

LES PRÉALABLES Tout d’abord, il importe de choisir une forme d’art avec laquelle on est à l’aise. Il est plus motivant de se renseigner sur un sujet qui nous intéresse et il sera, par le fait même, plus facile d’en parler aux élèves. Dans mon cas, j’ai un faible pour la peinture, c’est pourquoi j’ai décidé de faire un projet sur les personnages et les récits bibliques dans l’art pictural chrétien. J’ai sélectionné vingtcinq œuvres de peintres différents faisant référence à des récits bibliques (Adam et Ève, Noé, Jacob et Rachel, la naissance de Jésus, la crucifixion...) que je connaissais bien. L’objectif de mon projet était surtout de familiariser les élèves avec la culture biblique commune aux trois religions monothéistes.

1

C’est pas sorcier -Religion 1 “ Un Dieu, 3 religions”: https://www.youtube.com/watch?v=597FFBeCs8U&list=PLJEsmA9EyYOO0jIpF1CMLzyJX9muoRXHJ&index=5 2 Todd Schorr: http://www.toddschorr.com/Home/index.html — Mark Ryden: http://www.markryden.com/index.html — Daniel Martin Diaz: http://danielmartindiaz.com/

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L’APPORT ESSENTIEL DE L’ART PLASTIQUE L’apport de l’enseignant d’art plastique est, selon moi, essentiel, lorsque cela est possible. De toute évidence, l’étude des courants artistiques, des artistes et des productions (couleurs, textures, lignes de force, perspective...) apporte une dimension supplémentaire à la compréhension de l’œuvre. Il en résulte donc des analyses beaucoup plus intéressantes et enrichies de la part des élèves. Lorsque j’ai travaillé de pair avec ma collègue d’art3, nous avons ensemble amené les élèves à interpréter le message « possible » que l’artiste voulait transmettre par son œuvre. Évidemment, cette interprétation était appuyée par de nombreux concepts et notions vus en art et en ÉCR. Les résultats étaient époustouflants! Ce travail final était évalué à la fois en art et en ÉCR. L’enseignante d’art était tellement motivée par notre projet qu’elle faisait réaliser aux élèves une œuvre d’art à partir du message de l’artiste dégagé dans leur interprétation. L’école s’est donc remplie d’œuvres d’élèves avec de multiples symboles religieux: une magnifique vitrine pour nos deux cours!4

MÉLANIE DUBOIS

Enseignante au Pensionnat Saint-Nom-de-Marie et chargée de cours à l’UQAM

Enfin, ce projet amène les élèves au plus haut niveau de la taxonomie d’Anderson et Krathwohl (Bloom), c’est-à-dire la création. Composer une nouvelle œuvre à partir du message d’un autre artiste incite les élèves à se questionner sur leur travail, sur le message qu’ils veulent transmettre, comment ils vont le transmettre, quels symboles et matériaux ils utiliseront pour le faire, etc. Ce travail de création assure une réelle acquisition des connaissances, tant en ÉCR qu’en art, puisque l’élève doit utiliser ses acquis dans les deux matières afin de réaliser cette tâche. Bref, l’interdisciplinarité est enrichissante pour les enseignants, puisque les projets qui en découlent sont alimentés par deux disciplines qui se complètent et cela permet de créer des projets beaucoup plus complexes. L’interdisciplinarité est d’autant plus formatrice pour les élèves, puisque cela leur permet de pousser leurs réflexions, de transférer leurs connaissances d’une discipline à l’autre et d’arrêter de penser en vase en clos!

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Il est à noter que ce projet a eu lieu à l’École Évangéline de 2010 à 2013, CSDM. Je vous invite aller voir quelques exemples sur le site de Johanne Savard, école Évangéline: http://cybersavoir.csdm.qc.ca/animation/projets-encours/projet-darts-et-dethique/realisations-artistiques-deleves-inspirees-doeuvres-pop-surrealistes-2011-2012/

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LA CHANSON : UN ART MINEUR, UN APPORT MAJEUR?

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// ALEXANDRE BAZINET | Enseignant en adaptation scolaire

C

’est un fait généralement accepté que la musique est particulièrement importante pour les élèves. Cela donne de bonnes opportunités pour aborder la plupart des thèmes du programme de manière à susciter leur intérêt. L’utilisation de la chanson est d’autant plus intéressante qu’elle fournit rarement des réponses toutes faites et permet au contraire des discussions et des échanges en classe. Plus d’un enseignant utilise le cinéma pour susciter une réflexion éthique. Inutile de souligner ici l’avantage de la chanson pour ce qui est de la durée d’écoute, beaucoup plus brève. La chanson synthétise une idée, suggère une histoire en seulement quelques minutes. Sur ce point, l’enseignant doit être particulièrement attentif à la capacité de compréhension de ses élèves. Le vocabulaire est parfois inusité et les idées s’enchaînent très rapidement ; surtout durant une première écoute. On aura ainsi avantage à écouter la chanson, à la présenter (à la mettre en contexte), puis à la réentendre aussi souvent que nécessaire.

intéressant, avec cette pièce, de ne pas tout de suite faire entendre sa finale puisqu’elle comporte un “punch” : l’homme suivait, sans le savoir, sa femme qui venait d’avoir un malaise au travail. Cette finale permet de relancer la discussion. Plus rien des Cowboys fringants Thème : l’avenir de l’humanité Comment s’exprimerait le dernier humain de la Terre? Que vaut l’argent quand il ne reste plus rien? Que restet-il de significatif quand la société n’existe plus? Qu’est-ce qui vaut la peine qu’on le préserve? Emmenez-moi de Charles Aznavour Thème : la liberté La plupart des élèves ne sont pas très familiers avec la vieille chanson française. Il ne faut pas sous-estimer le choc esthétique qui prend souvent toute la place durant la première écoute. De plus, les élèves « n’oseront pas » aimer cela et il sera sûrement de bon ton de ridiculiser la chanson. Cette note vaut pour toutes les chansons françaises relativement anciennes. Cela dit, ce n’est surtout pas une raison de s’en passer tellement le filon est riche. Dans le cas de la chanson d’Aznavour, il peut être intéressant de faire écouter un extrait du film C.R.A.Z.Y de Jean-Marc Vallée. Le film illustre bien l’esprit de liberté qui anime la chanson.

Si la chanson fournit rarement des réponses toutes faites, elle transmet cependant un esprit, un souffle qui donne accès à des sentiments parfois oubliés, parfois encore non explorés. Cette qualité transpire à travers la musique et se manifeste souvent avant même qu’un mot ne soit chanté dans la pièce. (Ce phénomène explique en partie le succès de la musique anglophone, si populaire auprès de jeunes qui, dans une grande majorité, ne comprennent, au mieux, que vaguement les paroles.) Cette occasion de questionnement fournit de belles occasions de dialogue sur les thèmes du programme d’éthique et culture religieuse. Voici quelques exemples concrets en lien avec les thèmes qui sont au programme.

Les bourgeois de Jacques Brel Thème : L’ordre social Encore une « chanson histoire ». Des jeunes ridiculisent les vieux bourgeois. Mais comme la chanson évolue, ils deviennent eux-mêmes les vieux grincheux. Est-ce que tous les jeunes veulent contester l’ordre social? Estce que tous les vieux sont contre l’esprit de révolte? Est-ce que cet esprit de contestation que l’on associe souvent à la jeunesse est une bonne chose pour amener des changements sociaux ? Exemples à prendre dans la révolution tranquille et dans la grève du printemps 2012.

Ambulance de Tricot Machine Thème : l’ordre social Un homme dans sa Cadillac suit une ambulance en pleine heure de pointe pour s’éviter le trafic. Il est

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Soldat de plomb d’Abd Al Malik Thème : Tolérance et ambivalence de l’être humain Plusieurs questions sont soulevées dans cette pièce. Plusieurs images implicites sont aussi à expliquer. Il y a belle lurette que les enfants ne jouent plus avec des soldats de plomb, par exemple. Ou encore les différents sens du mot plomb dans la chanson. La finale peut mener à une réflexion sur les comportements autodestructeurs qu’ont parfois beaucoup de jeunes. La mauvaise herbe de Georges Brassens Thèmes : L’ordre social, l’autonomie Brassens, tant dans sa biographie que dans ses chansons, est une mine d’or pour ce qui est des thèmes éthiques. Il est intéressant de mentionner aux élèves qu’il s’est volontairement caché pour éviter de faire la guerre. Dans cette chanson, il revendique justement le droit de vivre sa vie d’une manière différente. Les hommes sont faits, nous dit-on, / pour vivre ensemble comme des moutons. / Moi je vis seul et c’est pas demain / que je suivrai leur droit chemin. La mauvaise réputation de Georges Brassens Thèmes : L’ordre social, la justice, l’autonomie Comme dans la pièce précédente, c’est le droit à la dissension qui est clamé ici. La finale de la chanson mène à questionner la justice. C’est tout un village qui s’attaque à celui qui préfère laisser courir les voleurs de pommes. Beaucoup de chansons de Brassens abordent ces thèmes avec concision et brio. On pense à Chanson pour l’Auvergnat, et à Mourir pour des idées, entre autres. Il ne s’agit bien sûr que de quelques exemples pour inspirer une réflexion. Tous ces auteurs sont des hommes francophones. Mais le spectre des chansons que l’on peut utiliser en éthique est très vaste, bien sûr. Il faut surtout retenir les capacités d’illustration d’un thème qu’elles rendent possible.

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ALEXANDRE BAZINET

Enseignant en adaptation scolaire


SLAM TON ÉCR!

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L

’art est depuis toujours un moyen d’expression privilégié qui permet aux artistes d’exprimer leurs idées et leurs émotions dans toute leur complexité. Il entraine le public dans des réflexions nouvelles et profondes sur un vaste éventail de sujets. Dans cette perspective, nous sommes d’avis que l’art est un moyen à privilégier afin de susciter le dialogue, le questionnement éthique et la reconnaissance de l’autre.

Néanmoins, pour certains enseignants et élèves, la composition d’un slam peut sembler une tâche difficile. On écoute quelques textes de Grand corps malade et, bien que l’écoute puisse faire germer des idées, on se sent dépassé et maladroit dans la formulation poétique de ses mots et de ses idées. Un atelier, comme celui donné par MC June, permet rapidement de faire passer ce malaise. Avec son humour et ses stratégies efficaces, le slameur nous fournit rapidement les outils dont on a besoin pour commencer l’écriture d’une œuvre personnelle et significative. De plus, l’enthousiasme de l’animateur et l’assurance avec laquelle il présente quelques-uns de ses textes donne l’envie soudaine de devenir artistes, d’approfondir nos idées et de les étaler à travers ces textes oralisés. Donc même si cela peut paraître un exercice périlleux, le fait de prendre son crayon et d’essayer de s’exprimer peut vite nous faire vivre un plaisir surprenant. Chez des élèves du secondaire, toujours à la recherche de motivation, qui bouillonnent d’idées, d’incertitudes et de revendications, imaginez à quel point un atelier aussi inspirant peut éveiller la passion et le désir de créer. Pour nous, du moins, ce fut le cas. Voici un slam de notre cru sur la différenciation pédagogique telle que perçue par nous, enseignants en adaptation scolaire.

Suite à un atelier donné par le slameur MC June dans le cadre d’un cours en formation des maitres à l’UQAM, le slam nous est apparu comme un mode d’expression extrêmement intéressant à travailler avec les élèves du secondaire. Ce medium artistique, semblable au rap, est une forme de narration poétique qui gagne en popularité au Québec depuis plusieurs années. Il permet d’aborder des enjeux qui peuvent être très personnels ou universels, comme des questionnements éthiques. Le propre du slam est d’utiliser la richesse artistique de la langue pour parler, avec une certaine poésie, d’un sujet ou d’une idée qui nous tient à coeur. C’est un moyen de communiquer une réflexion personnelle en misant sur l’esthétisme de la langue. Les slams, en plus d’être des créations demandant une réflexion pouvant être approfondie en ÉCR, permettent de faire un pont avec l’enseignement de la langue (poésie, rédaction de textes, jeux linguistiques) dans une approche pluridisciplinaire. En ÉCR, la force du slam serait aussi dans le double rôle qu’il confère aux élèves. Il permettrait de placer l’élève en position d’orateur et d’auditeur. Par le recours à la narration, l’orateur peut s’exprimer devant un groupe et partager sa vision personnelle et ainsi exprimer son individualité. Pour l’auditeur, le slam pousse à reconnaître l’autre dans sa vision du monde, sa complexité et sa différence. Le slam nous donne également l’opportunité de réfléchir à notre position personnelle face à l’idée exprimée, à l’enjeu abordé et ainsi de travailler notre jugement critique.

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FAIRE LA DIFFÉRENCE MC Alexis, Big Boss Beaudry et DJ Camlaf

Quand ton jeune arrive à l’école Et qu’il ne pense qu’à sniffer de la colle Pour oublier sa détresse, son stress l’ensemble de ses faiblesses. Que le matin il est déjà épuisé. Entrainé par la marée. Des savoirs trop compliqués. Chère sera son éducation en terme de motivation, de dévalorisation où on fera fi de ses passions Agressif. Dépressif. Loin d’être attentif. C’est comme ça qu’son enseignant le sent face à l’enseignement. Dans une classe d’«adapt» Où on n’se croit pas aptes À répondre aux exigences Sans vivre une souffrance. Intense Alors on prend un autre chemin Pour répondre à ses besoins. On prend en charge ses défis Et on différencie. On a des objectifs, certes Mais on mise sur la découverte. On cherche à le motiver. On arrive mieux préparé. Pour son individualité. Réappropriation de SON éducation Par une contextualisation. Expérimentation, meilleure adaptation, Un intérêt dans les leçons. C’est ça la différenciation. Alors au lieu de l’voir couler. De toujours le comparer. On lui offre une réussite adaptée à sa réalité.

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CHRONIQUE : TRUCS DE PROF AVOIR DU PLAISIR À FAIRE DE L’ÉCR AU PRIMAIRE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// MARIANNE PICARD | Enseignante de 5e et 6e année au collège Jean de la Mennais, La Prairie

Nous avons demandé à Marianne comment des enseignants et des enseignantes du primaire pourraient avoir du plaisir à faire de l’ÉCR au primaire. Voici sa réponse qui s’appuie sur son expérience personnelle. Pour elle, le plaisir passe par la philosophie avec les enfants.

LA PHILO, C’EST QUOI? Philosopher, c’est se questionner, c’est réfléchir de manière critique et créative à des problématiques qui nous concernent (actualité, valeurs, enjeux sociaux, technologies, etc.1) en émettant des hypothèses, en évaluant nos raisons, en donnant des exemples. Bref, la philo, c’est donner son avis, mais c’est aussi changer d’avis sur un sujet… Et il n’y a pas d’âge pour commencer!

— Ah! Non! Je n’ai pas le temps de terminer mon projet sur les robots avec mes élèves… — As-tu un cours d’E.C.R. cette semaine? — Oui?! — Eh bien, termine ton projet pendant ce cours! — Bonne idée!

Première année

Mot déclencheur : la colère

C

Thème : des exigences de l’interdépendance entre les êtres humains et les autres êtres vivants

ombien de fois entendons-nous un discours semblable entre enseignants au primaire? Il n’est pas rare que le cours d’éthique et culture religieuse serve de « bouche-trou » aux autres matières dites plus importantes. ET POURTANT! Pour moi, le cours ÉCR est un cours chouchou, un cours prioritaire qui permet aux élèves de s’exprimer, d’ouvrir leurs horizons et de découvrir le plaisir de réfléchir ensemble à des sujets importants pour eux. Mon amour pour cette matière passe par le dialogue philosophique avec les enfants.

Élément de contenu : des traitements appropriés et inappropriés Support pédagogique : capsule animée ou livre Pourquoi je me mets en colère? de la collection « C’est quoi l’idée? »2 • • •

Dans cet article, je vais tenter de vous démontrer à quel point il est facile et motivant d’intégrer la philosophie pour enfants dans vos cours d’ÉCR. Pour ce faire, je vais vous expliquer cette approche pédagogique, vous aider à cibler les éléments déclencheurs de vos activités philosophiques, puis partagerai avec vous ce que je crois être de bons trucs qui aideront votre pratique. 1

Visionnage de la capsule ou lecture du livre; Réactions des élèves à main levée et imitation de gens en colère (cette partie est la plus drôle); Exercice: déterminer, lors d’un dialogue, les bonnes et les mauvaises façons de réagir à la colère en mettant, par exemple, les représentations des bonnes façons dans un panier vert et celles des mauvaises façons dans un panier rouge… Se pourrait-il qu’une réaction soit bonne ET mauvaise? Voilà qui favorisera de beaux dialogues…

Dans la progression des apprentissages du primaire en É.C.R. (section Connaissances liées aux thèmes en éthique), vous trouverez l’ensemble des thèmes à aborder dans la compétence 1 : réfléchir sur des questions éthiques. 2 Murrell, Rachel. Pourquoi je me mets en colère? Éditions Nathan. Lieu de publication : 2014 Éditions Nathan, Paris.

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La philosophie permet donc à l’enfant de développer une pensée qui lui est propre, et ce, en collaboration avec les autres. La communauté de recherche philosophique3 (CRP) est la plateforme pour y arriver. Dès la première CRP, on voit poindre un esprit d’entraide, d’écoute et de respect dans le groupe. À plus ou moins court terme, cette cohésion facilite GRANDEMENT la gestion de classe. Les bases sont alors établies et un monde de discussions philosophiques riches s’ouvre au groupe.

que sa participation valorisée, de même que la poursuite du bien commun parce que l’on tente de trouver la meilleure réponse commune construite par l’ensemble du groupe. COMMENT FAIRE DE LA PHILO EN CLASSE D’ÉCR? Trouver de bons déclencheurs sur des sujets liés au programme d’E.C.R.

(ÉCR : 1, Bouche-trou : 0)

Comme dans toutes les matières scolaires, un élève intéressé, c’est un élève qui sera certainement plus participatif. Ce qu’il y a de chouette avec la philo, c’est qu’à peu près tous les sujets sont matière à réflexion… il suffit de trouver l’avenue, en lien avec le programme d’ÉCR bien sûr, qui soulèvera davantage le questionnement.

POURQUOI INTÉGRER LA PHILO EN CLASSE D’ÉCR ? Comme nous le savons, le programme d’éthique et culture religieuse comporte trois compétences dont les principales visées sont respectivement : C1- réfléchir sur des enjeux éthiques; C2- manifester une compréhension du phénomène religieux; C3- pratiquer le dialogue. Quand nous dialoguons en classe d’ÉCR sous la forme d’une CRP, nous encourageons les élèves à réfléchir sur des enjeux éthiques par le biais des questions éthiques qu’ils formuleront eux-mêmes et auxquelles ils tenteront de répondre. De plus, comme le dit si bien Michel Sasseville, professeur de philosophie et spécialiste de la philosophie pour enfants, « toute communauté de recherche philosophique est, dans sa manière même de fonctionner, une communauté de recherche éthique ». Bien qu’il existe plusieurs formes de dialogues (la conversation, le débat, etc.), c’est la discussion qui conduit le mieux, selon moi, au vivre-ensemble souhaité par le programme.

(ÉCR : 2, Bouche-trou : 0) Il y a aussi du matériel conçu spécifiquement pour faire de la philo avec les enfants. Les histoires philosophiques de Matthew Lipman et, surtout, les exercices ainsi que les plans de discussion s’y rattachant en sont de bons exemples. L’avantage avec ce matériel, c’est qu’il est adapté au groupe d’âge auquel on enseigne et, qu’en plus, il soutient grandement l’animation de la communauté de recherche pour l’enseignant, car les exercices et les plans de discussion proposés aident les enfants à approfondir leur pensée. Aussi, plus simplement, on peut partir d’un mot, d’une image, d’un évènement d’actualité, d’une chanson, etc. Personnellement, ce sont ces façons de faire que j’aime beaucoup et que je privilégie, pour la bonne raison qu’elles touchent directement les préoccupations ou les intérêts des élèves.

Le dialogue philosophique, comme mode de discussion, privilégie la poursuite des deux finalités d’ÉCR. En effet, il favorise La reconnaissance de l’autre puisque chaque membre de la CRP est important et

3 Bien que de décrire la communauté de recherche philosophique (CRP) pourrait faire l’objet d’un autre article, je crois qu’il est judicieux de la présenter brièvement. La CRP est un dialogue philosophique entre plusieurs personnes qui recherchent la meilleure réponse possible à une question. Pendant une communauté de recherche, il y a des participants (2/3 du groupe), des observateurs (1/3 du groupe) et un animateur. Les observateurs ont pour tâche de relever l’utilisation de certains outils de pensée (raisons, exemples, définitions, comparaisons, etc.) et attitudes (respect, écoute, collaboration, etc.). L’animateur, quant à lui, est un guide mettant en lumière ces utilisations, créant les liens entre les idées et les participants, etc.

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5e année

(ÉCR : 4, Bouche-trou : 0)

Mot déclencheur : la vérité

De plus, au Québec, on fait notre place en philosophie pour les enfants! Voici les noms de certaines personnes qualifiées dont les ouvrages et/ou les cours universitaires peuvent vous aider à devenir d’excellents animateurs de CRP : Mathieu Gagnon (Université de Sherbrooke) et Michel Sasseville (Université de Laval).

Thème : des exigences de la vie en société • • • • •

Tempête d’idées autour du mot vérité; Élaboration, par les élèves, des questions éthiques à se poser en lien avec ce thème ou avec les sousthèmes s’y rattachant; Vote et choix de la question éthique qui sera abordée au cours suivant; Préparation à la communauté de recherche, soit se faire une tête sur la question; CRP au cours suivant.

Faire confiance à nos brillants élèves C’est surtout à cet élément qu’il est primordial de s’attarder. Les élèves adorent réfléchir pour donner leur avis. Ils aiment être entendus et la communauté de recherche philosophique est IDÉALE pour les engager dans un dialogue structuré et respectueux des idées des autres.

Si vous aviez vu le nombre de mains levées pour participer lors de cette CRP! Un doigt levé pour amener une nouvelle idée et deux doigts pour répondre à quelqu’un ou pour nuancer l’idée d’un compagnon de classe. « Oui, mais si ma tante me reçoit à souper et que je déteste le repas qu’elle me sert, je ne peux pas lui dire la vérité. Dans un cas comme celui-là, je crois qu’il est correct de mentir. » Mathis, 10 ans.

(ÉCR : 5, Bouche-trou : 0) Par le fait même, il ne faut pas sous-estimer nos cocos. Souvent, on s’imagine qu’un sujet n’est pas à leur portée, que c’est un sujet d’adulte. Détrompez-vous, on peut aller loin, très loin avec eux.

(ÉCR : 3, Bouche-trou : 0)

Voici des questions éthiques composées et discutées par mes élèves de 5e année qui n’ont que 10 ans :

Savoir bien s’entourer

• • •

Je suis très chanceuse. J’ai, dans mon milieu de travail, une collègue extraordinaire qui a su me guider dans ma pratique de l’enseignement de la philo pour enfants. Être seule et passionnée, c’est bien, mais être plusieurs, c’est mieux! Quand toute l’école suit la vague philosophique et que les élèves en font un peu tout le temps, c’est stimulant… Pour eux comme pour nous!4

Devrions-nous toujours dire la vérité? Qu’est-ce que l’amitié? Pourquoi utilisons-nous des stéréotypes dans la vie de tous les jours? Pourquoi inventons-nous des objets robotisés qui servent à faire des choses que nous sommes déjà capables de faire?

4 Si l’idée de l’implantation de la communauté de recherche dans votre école ou dans votre classe vous allume, je vous conseille de lire un article écrit par ma collègue, Desrochers, L. (2011). La communauté de recherche philosophique et le programme Éthique et culture religieuse au secondaire. Dans M. Gagnon et M. Sasseville (dir.), La communauté de recherche philosophique - Applications et enjeux (p. 67-84). Québec : Les presses de l’Université Laval. Résumé : En s’appuyant sur quelques années d’observation et d’expérimentation dans un collège, l’auteure dresse un bilan sommaire des résultats de la communauté de recherche philosophique (CRP). Elle jette un éclairage sur les réussites et les difficultés vécues en montrant comment la CRP rend de précieux services aux élèves. Il est notamment question de l’implantation de la CRP, des séquences d’apprentissages, du matériel pédagogique et de l’évaluation.

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• •

Devrions-nous privilégier les monocultures utilisant des pesticides chimiques ou le sort des abeilles est-il plus important? Qu’est-ce que la beauté? Et pourquoi la laideur entraine-t-elle souvent le rejet?

Les élèves, dès le début de leur parcours scolaire, apprennent donc à expliquer, à définir, à préciser, à donner des exemples, à donner des contrexemples et à construire leurs idées à partir de celles des autres, à émettre des hypothèses… Bref, ils développent une grande quantité d’outils de pensée et d’attitudes nécessaires aux citoyens critiques qu’ils deviendront. D’ailleurs, cette activité philosophique augmente certainement leur confiance et leur assurance à s’exprimer en public. (ÉCR : 6, Bouche-trou : 0) Le « pire », c’est que mes élèves en redemandent et qu’ils me remercient à la suite de chacune des CRP!!! Comme le dirait Maxime, 10 ans : « Les CRP, c’est trop cool! » (ÉCR : 7, Bouche-trou : 0) Finalement, la philo est, à mon avis, la seule discipline qui peut être un liant entre toutes les autres disciplines au programme. On peut faire de la philo en ÉCR, évidemment, mais on peut aussi en faire en français, en mathématique, en sciences, en histoire, etc. Alors, pourquoi s’en passer? Voilà une bonne question à discuter en CRP…

OUVRAGES DE RÉFÉRENCES Sasseville, M. (dir.) (2000) La pratique de la philosophie avec les enfants (2e édition). Québec : Les presses de l’Université Laval. Sasseville, M. et Gagnon, M. (2007) Penser ensemble à l’école. Québec : Les presses de l’Université Laval. Gagnon, M. (2006) Guide pratique pour l’animation d’une communauté de recherche philosophique. Québec : Les presses de l’Université Laval.

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MARIANNE PICARD

Enseignante de 5e et 6e année au collège Jean de la Mennais


CHRONIQUE : RECHERCHE ET PRATIQUE EN DIALOGUE LA PRATIQUE DU DIALOGUE EN CLASSE : DÉFIS ET SAVOIRS PROFESSIONNELS

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// ENTREVUE AVEC CHANTAL BERTRAND | Doctorante et chargée de cours Question : Qui êtes-vous ?

questions éthiques. Ils ont effectué une recherche évaluative comparant des groupes ayant reçu 1) un enseignement magistral, 2) avec dialogue en petits groupes ou 3) avec dialogue en grand groupe (groupe classe). Le nombre de personnes participantes était de 482. Il s’agissait d’une étude menée au secondaire dans un cours d’histoire et d’éducation à la citoyenneté. L’objectif était d’évaluer l’incidence de la pratique du dialogue dans la rédaction d’un point de vue moral sur un sujet qui avait été vu en classe, puis sur un autre sujet non abordé en classe pour voir la capacité de transfert. Ils en concluent que les étudiantes et les étudiants qui ont eu une approche dialogique de l’éducation à la citoyenneté dans le cours d’histoire ont eu, dans les deux cas, de meilleurs résultats dans la rédaction d’un point de vue moral. Plus précisément, cela signifie que les textes étaient plus et mieux étayés, c’est-à-dire qu’ils ont davantage référé aux valeurs morales et ont présenté un plus grand nombre de perspectives1 sur le sujet. Spécifions également que cela n’a pas nui aux objectifs propres au programme d’histoire. Cette étude contribue à mieux cerner la pertinence d’arrimer la pratique du dialogue au volet éthique, qui implique d’avoir recours à différents repères et de prendre en considération différents points de vue sur un sujet.

Réponse : Détentrice d’un baccalauréat en enseignement d’éthique et culture religieuse au secondaire et d’une maitrise en sciences des religions avec une concentration en études féministes, je porte avec autant de passion le chapeau de chargée de cours que de doctorante. Je suis également co-auteure de matériel scolaire et didactique avec Mélanie Dubois, ma grande amie et complice grâce à qui je garde un pied (et parfois deux) dans la pratique. Q : Quel était votre objet d’étude et pourquoi l’avoir choisi ? R : Au début de mon doctorat, je souhaitais étudier l’apport du programme d’ÉCR à la structuration de l’identité de l’élève. Cependant, j’ai rapidement réalisé que la compétence au dialogue, pivot du programme, comportait de grands défis et méritait d’être étudiée pour une meilleure pratique. Q : Qu’avez-vous appris ? R : Au moment où vous lirez ces lignes, je serai probablement en train de faire (enfin !) mon travail de terrain, c’est-à-dire rencontrer des enseignantes et des enseignants pour parler de leurs expériences relatives au dialogue en classe d’ÉCR au secondaire. C’est pourquoi je partage dans ce texte ce que m’a appris la documentation scientifique jusqu’à maintenant sur les apports du dialogue à l’éducation des élèves.

Le lien entre la pensée critique et la pratique du dialogue revient couramment dans la documentation scientifique, notamment en didactique des sciences en raison des enjeux éthiques intrinsèques à cette discipline. Par exemple, Frijters et al. ont réalisé une étude avec 297 élèves en biologie au secondaire. Comparant les résultats obtenus entre les élèves ayant reçu un enseignement basé sur le dialogue et un autre de type magistral, ils observent une différence significative sur l’esprit critique en faveur des premiers, et cela sans nuire aux apprentissages liés à la biologie. (Frijters et al.., 2008, p. 78-79)

Commençons par les apports relatifs au développement des compétences d’ordre intellectuel avec une étude de Schuiteman et al. (2011) qui est particulièrement intéressante en lien avec la compétence Réfléchir sur des

1 Parmi les exemples de perspectives, il peut y avoir des personnes occupant des situations différentes dans un contexte, ou avec des opinions diverses, voire opposées.

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De nombreuses études portant sur la philosophie pour enfants démontrent également l’apport positif du dialogue philosophique dans le développement de l’esprit critique de ceux et de celles qui y participent. Néanmoins, Gagnon (2008) observe que si les élèves développent leur esprit critique lors de discussions à visées philosophiques, il n’y a pas nécessairement de transfert sur les sources jugées expertes. Cela révèle donc un défi aussi stimulant qu’essentiel à considérer en termes d’intégration des apprentissages.

gramme, La reconnaissance de l’autre et La poursuite du bien commun qui s’incarnent dans une volonté partagée de travailler entre personnes égales en valeur et dignité dans un contexte social, qui n’est pas aussi égalitaire qu’il ne le prétend, pour plus de justice sociale. Bref, retenons que la pratique du dialogue en ÉCR est jugée essentielle dans le domaine de l’éducation en général et qu’elle est tout indiquée pour l’atteinte des finalités et le développement des compétences en ÉCR.

D’autres études démontrent l’intérêt du dialogue en contexte scolaire, dont celle de Abdu-Raheem (2011) qui établit que la pratique du dialogue en classe favorise de meilleures acquisitions et une meilleure rétention des connaissances transmises en classe, essentielles pour le développement des compétences.

Q : Comment votre étude pourrait-elle être utile pour les enseignantes et les enseignants ? R : Si la pratique du dialogue, lorsque réussie, porte de beaux et nombreux fruits, il est évident qu’elle comporte aussi son lot de difficultés. Dans le cadre de mon projet de thèse, je souhaite notamment documenter les défis rencontrés lors de la pratique du dialogue en classe d’ÉCR au secondaire mais aussi et surtout les savoirs professionnels qui ont été développés par les enseignantes et les enseignants. L’objectif ultime est de pouvoir offrir de la formation initiale et continue qui rencontre davantage les besoins de la pratique, par exemple en diffusant les savoirs professionnels développés sur le terrain.

Par ailleurs, Nadja (2006) a étudié les apports des Dialogues intergroupes (DI), qui consistent à former des groupes de personnes ayant des identités sociales différentes (par exemple des hommes et des femmes ou encore des Blancs et des Noirs) pour créer des relations, prendre conscience d’inégalités sociales institutionnalisées, explorer les similitudes et les différences entre les groupe, et pour faire la promotion de la justice sociale. Dans ces séances, les élèves doivent analyser de manière critique le sujet à l’étude (souvent controversé2), ce qui permet de comprendre les inégalités dans leur contexte plutôt que de les considérer comme une simple différence individuelle. S’inscrivant dans la démarche émancipatrice de Freire, les personnes participantes sont conscientisées aux liens entre éducation, loi, institutionnalisation, structure de pouvoirs, privilèges et inégalités sociales. Nadja observe que les IGD favorisent la construction d’une alliance dans une perspective de justice sociale. Ainsi, la prise de conscience des inégalités sociales à l’intérieur d’un DI aurait à la fois un impact pédagogique (compréhension de réalités sociales) mais aussi politique en donnant le goût de s’impliquer pour changer les choses plutôt que de s’inscrire dans un fatalisme conservateur. (Nadja, 2006, p.43) On peut donc faire le lien entre la pratique du dialogue (ici dans la forme spécifique des DI) et les finalités du pro-

RÉFÉRENCES Abdu-Raheem, B.O. (2011). Effects of discussion method on secondary school student’s achievement and retention in social studies, European Journal of Educational Studies, 3(2), p.293-301. Cassidy, C. (2013). Philosophy with children : learning to live well, Childhood and philosophy, Vol. 8, No. 13, p. 243-264. Frijters (2008) Effects of Dialogic Learning on Value-Loaded Critical Thinking, Learnind and Instruction, vol.18, no. 1, p.66-82. Gagnon, M. (2008). Québec : pratiquer la philosophie avec les enfants, l’importance de varier les approches. Diotime, no.37, document téléaccessible à l’adresse suivante : http://www.educ-revues.fr/DIOTIME/AffichageDocument. aspx?iddoc=38947, consulté le 2 décembre 2013. Nadja, B. A., Gurin, P. (2007). Intergroup dialogue : A critical-dialogic approach to learning about difference, inequality and social justice, New Directions For Teaching and learning, no. 111, p. 35-45. Schuitema, J., Boxtel, C. V., Veugelers, W. et Dam, G. (2011). The quality of student dialogue in citizenship education, Psychology Education, no.26, p.58107.

2 Par exemple, le racisme ou des mesures sociales comme la discrimination positive. En ÉCR, les thèmes de l’ordre social et de la justice sont riches de possibilités pour de tels dialogues.

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CHRONIQUE LITTÉRATURE JEUNESSE

////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// CATHERINE CHIASSON | libraire jeunesse à la Librairie Bric à Brac POUR LE PRIMAIRE

Tu me prends en photo Marie-France Hébert 2014. 400 coups : Montréal. Thème : Des exigences de la vie en société Élément de contenu : L’acceptable et l’inacceptable dans la société Sujets : Enfants, Guerre, Photographie de guerre

« Tu me prends en photo » revient comme une anaphore dans cet album puissant de Marie-France Hébert pour marquer la nette différence entre la réalité de cette fillette qui vit la guerre et celui qui la prend en photo. L’album qui s’inscrit on ne peut plus dans l’actualité représente un véritable prétexte pour aborder la guerre ainsi que ce qu’elle entraîne dans le quotidien des enfants qui en subissent innocemment les répercussions. Il présente encore notre sentiment d’impuissance face à des situations qui s’éloignent de notre propre réalité. En classe, la lecture de l’album s’inscrit autant dans la réflexion sur des questions éthiques que dans la pratique du dialogue. D’abord, il enjoint les élèves à cerner une situation d’un point de vue éthique pour ensuite en repérer les valeurs, les normes et les tensions. Il offre également la possibilité de discourir sur l’actualité et de donner son point de vue quant à la situation que vit autant la petite que le photographe.

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POUR LE SECONDAIRE

Les Aveux Martine Latulippe 2015. Québec Amérique : Montréal. Thème : La justice, l’ambivalance de l’être humain Élément de contenu : Des questions de justice, des expressions de l’ambivalence Sujets : Amitié, Amour, Homicide involontaire, Indimidation, Remords

Lorsqu’un nouvel adolescent arrive en milieu d’année à la polyvalente, il enclenche la machine à rumeurs. Il n’échappe également pas au regard de Mia qui vit un véritable coup de foudre. Mais alors que la raison de son transfert d’école éclate au grand jour, une question éthique se pose : est-il possible de pardonner un homicide involontaire ? Car le terrible secret que cache le beau ténébreux est aussi lourd que ses muscles : il a accidentellement causé la mort d’un autre élève qui en intimidait plusieurs. Les réflexions que suscite le nouveau roman de Martine Latulippe s’inscrivent dans la réalité actuelle des adolescents. Alors que l’intimidation est l’un des fléaux de la vie scolaire, l’auteure encourage les questionnements quant aux conséquences de la légitime défense en plus de soulever l’ambivalence quant à l’opinion que nous avons de ceux qui éclatent – n’en pouvant plus d’autant de violence physique et psychologique. De plus, « Les Aveux » a l’avantage de se lire rapidement. Ses chapitres sont courts et ses phrases concises. Le vocabulaire s’adapte autant aux élèves de quatrième et de cinquième secondaire et permet de répondre à la compétence selon laquelle les élèves sont appelés à pratiquer le dialogue ainsi qu’à réfléchir sur des questions éthiques.

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