Zut19 strasbourg

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125 “ On vient d’une famille très unie, et mon frère restera toujours mon frère. De l’extérieur, ça peut paraître compliqué, mais pour moi ça rend les choses plus simples. ” Marc Keller, président du RCSA

RC Strasbourg. L’un a le talent, l’autre le goût du travail – et comme on ne tient pas à périr dans un magma caricatural, on nuancera en disant que le talentueux n’était pas non plus allergique au travail et que le besogneux n’était pas non plus dénué de talent. Mais quand même, l’un avait dans les pieds ce que l’autre avait dans le bide. François et Marc, l’un a de la tchatche, l’autre soupèse chacun de ses mots. Quand le premier a la vanne facile, n’hésitant pas à chambrer ses joueurs, ses collègues, ou parfois celui qui passe, le second a le sourire enjôleur, le mot qui même s’il se veut piquant sera toujours suffisamment rond pour ne pas faire bobo. L’un est l’arrière-boutique, l’autre la vitrine. Pour ce portrait croisé, on a finalement rencontré les deux séparément. C’était mieux ainsi. Au lieu de voir l’un déteindre sur l’autre, ou lui voler sa couleur, on pouvait ainsi en profiter dans ce qu’ils ont à proposer individuellement. Car oui, les footballeurs sont des individus. « Il y a deux ans, j’ai signé un contrat de cinq ans avec Frédéric Sitterlé pour prendre la tête de l’équipe 1. Il est parti un an après, puis Marc est arrivé. Et maintenant, il est obligé de me payer et de travailler avec moi jusqu’au bout !, s’amuse François. Mais la probabilité de voir à Strasbourg un coach tenir son contrat du début à la fin est quand même très faible… » Marc, de son côté, confie : « On vient d’une famille très unie, et mon frère restera toujours mon frère. De l’extérieur, ça peut paraître compliqué, mais pour moi ça rend les choses plus simples. Il n’y a pas de doute sur l’honnêteté de l’autre, ni sur sa volonté de bien faire. On avait déjà un peu cette relation en 2002. Quand j’étais directeur général et François coach de l’équipe 2. » François Keller n’a jamais été choisi par son frère. En ce sens, il ne lui doit rien. La carrière de Marc, et son statut de Président,

en font inévitablement un possible facilitateur dont François, davantage dans l’ombre, serait le bénéficiaire. Et pourtant, non ! En 2002, Marc arrive avec IMG à la tête du Racing deux ans après que François a pris la tête du CFA2 avec l’équipe 2. Et aujourd’hui rebelote, Marc arrive deux ans après la prise de fonction de François à la tête de l’équipe 1. « Ce n’est jamais Marc qui m’a fait venir. » François dit ça sans animosité, il a simplement la sagesse de celui qui accepte aujourd’hui que l’on puisse reconnaître son travail à sa juste valeur. Et cette valeur tient précisément à l’indépendance de son lien fraternel. « J’ai été pour François un frein plutôt qu’un accélérateur, souffle Marc. Quand je suis parti du club en 2006, il a même un peu payé pour moi. Mais que je sois absent quelques années lui a aussi permis d’éclore. Les gens comme Nasser Larguet, Freddy Zix, Max Hild ou Jacky Duguépéroux ont toujours vu un fort potentiel en lui », renchérit-il. « Avec Marc, on a une relation de famille et de respect de la hiérarchie. C’est plus un paternel plus qu’un fraternel. On n’a jamais vraiment été potes, il est pour moi un vrai grand frère », conclut François. François Keller est un fidèle, qui ne lâche rien ni personne. Le genre de type qui, quand le navire coule, continue de jouer à la belote avec les passagers. Et entre deux atouts maîtres, il n’hésite pas à venir au secours. « Licencié le 30 juin 2011, j’ai été réembauché dans la foulée par Frédéric Sitterlé. J’avais passé des entretiens pour être coach adjoint, à Tours et Sedan. Ça a failli aboutir… Mais je voulais surtout rester actif et suivre les jeunes. Donc j’ai accepté de revenir à Strasbourg, d’abord gratuitement, pour encadrer les jeunes. Jusqu’à ce que l’on me propose de prendre la tête de l’équipe 1. Je n’ai pas eu le temps de gamberger, et puis je cherchais du boulot ! Et celui-ci n’est pas dégueu. » C’est vrai qu’il y a pire, entraîneur de Thionville par

exemple. Le boulot, certes, ne se refuse pas, mais il n’est pas non plus si simple. « C’est plus dur d’entraîner Strasbourg en National que certains clubs de L2 ! », lâchent les deux frangins. Les grands clubs, entendons par grands ceux qui ont une histoire, sont nombreux à avoir pris du temps pour retrouver une place au soleil ; on pense à Caen, Brest, Valenciennes ou, dans une moindre mesure, Nantes. D’autres ont plongé dans la galère peu avant ou après le Racing, Lens, Grenoble ou Le Mans. Et puis il y a l’exemple de Cannes qui ne voit toujours pas le bout du tunnel. « On a un peu l’image du PSG du National, mais c’est trompeur. Notre budget est loin d’être largement supérieur aux autres. Il faut se méfier, on peut végéter longtemps à ce niveau, c’est difficile d’en sortir… », confie Marc Keller. Porté par son lointain désir de devenir entraîneur, François y croit. Pour témoigner de sa passion, il faut se rappeler de sa décision, assez rare pour être soulignée, de laisser sa carrière de footballeur de côté, dès l’âge 26 ans. « J’ai eu l’opportunité d’aller au Mans, mais plutôt que de faire le saltimbanque en L2, j’ai préféré accepter la proposition du club qui consistait à encadrer les jeunes en CFA. Je n’avais que 26 ans mais j’avais la garanti d’intégrer le staff. J’ai préféré cela. Je suis fils de paysan, je réfléchis en construisant l’avenir. Le fait d’avoir joué la Coupe d’Europe me fait regretter de ne pas avoir eu plus de talent. Je vais essayer de rattraper ça dans ma carrière d’entraîneur ! » Quand François Keller a pris la tête de l’équipe 1, il a rapidement senti une différence majeure : « J’étais plus proche des joueurs quand j’étais coach de l’équipe 2. Là, il faut que je trouve une nouvelle distance. Avant, j’avais le rôle de celui qui relançait les joueurs, maintenant j’ai le rôle de celui qui peut les frustrer parce qu’il ne les fait pas jouer. »


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