Zoo mars 2014

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Lunes vénitiennes, une fable en trois actes À

de course contre le temps ou plus exactement, à rebrousse-temps. Vient ensuite la présence des frères maçons et de leurs opposants : Cagliostro, Casanova et la confrérie des défenseurs de la croix. Sans oublier la menace de lÊordre noir, du fascisme et de ses adeptes. Ici, à Venise, lÊocculte et le politique ne font quÊun.

INTERMEZZO Ce qui est appréciable dans la démarche de Vianello, cÊest quÊelle prolonge effectivement celle de Pratt. Avec un sens prononcé de lÊéconomie, lÊauteur parvient à restituer les atmosphères et à rendre compte de lÊétrangeté des lieux. La construction elliptique des trois actes de sa pièce accentue cette impression et confère au récit un parfum dÊabsurde tout à fait en phase avec lÊintention de Pratt et la tradition populaire du théâtre italien. On se dit que parmi toutes les tentatives de prolongement dÊune fluvre de bande dessinée (Astérix, Blake et Mortimer, etc.) celle de Vianello est non seulement la plus légitime mais aussi la plus juste – la plus pertinente. Même si Corto nÊest pas présent dans lÊalbum, il reste néanmoins caché dans lÊombre de cette ÿ Lune vénitienne Ÿ. Quant à Pratt, son fantôme circule nonchalamment dans et entre les cases... Il manque néanmoins à Vianello une

fluvre ou un album plus complet, plus long, pour quÊil puisse exprimer toute sa mesure et que les lecteurs se rendent aussi pleinement compte de son rôle déterminant dans lÊavènement de Corto. LÊauteur aura-t-il encore cette envie ? Rien nÊest moins sûr. Mais il serait dommage que le rideau retombe sans que le savoir-faire de Vianello puisse sÊêtre exprimé à travers un récit de longue

haleine. On compte donc sur les éditions Mosquito et sur le bouillonnant Michel Jans pour encourager lÊauteur à sÊaventurer vers un projet qui relèvera davantage du roman graphique. KAMIL PLEJWALTZSKY

Lire lÊarticle intitulé Vianello, un auteur effacé (p. 26) dans Zoo n°46.

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© Lele Vianello / MOSQUITO

Venise il sÊest toujours tramé des intrigues. CÊest une tradition locale qui remonte au temps où Byzance essayait vainement de maintenir son hégémonie commerciale en Méditerranée. La cité des doges est devenu ainsi un portique entre le Moyen-Orient et lÊEurope. Un portique économique et mystique. Il nÊen fallait pas plus pour que Venise devienne la ville rêvée de Corto Maltese. Lelle Vianello, qui fut lÊun des plus fidèles assistants dÊHugo Pratt1, participa activement à la scénographie des fameuses Fables de Venise et fut aussi lÊauteur dÊun guide touristique où le célèbre marin présente les hauts lieux de la cité des doges. Parce quÊil y a résidé en compagnie de Pratt, Vianello a été saisi par la théâtralité et les intrigues qui habillent la lagune. Lunes vénitiennes peut être considéré en outre comme une sorte de postface ou une suite aux Fables de Venise. Outre la similarité des lieux, on retrouve dÊautres ingrédients essentiels qui participèrent à cette aventure de Corto Maltese. En premier lieu, il y a les apparitions presque fantomatiques ou les invocations des différents acteurs de cette farce. Tous surgissent de nulle part pour disparaître ensuite, comme happés par la brume ou les méandres du temps. Ajoutez à cela cette fuite incessante sur les toits de Venise ou ce sentiment

© Lele Vianello / MOSQUITO

Troisième album de Lelle Vianello aux éditions Mosquito et toujours ce sentiment de retrouvailles avec le monde d’Hugo Pratt. On espère que ces galops d’essai aboutiront un jour à une œuvre plus dense qui pourra rendre compte du talent d’un auteur resté trop longtemps dans l’ombre du maître.

LUNES VÉNITIENNES

de Lele Vianello, Mosquito, 64 p. n&b, 13 €

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