ous avons parfois dĂ©plorĂ© la concentration de sorties importantes en automne, au dĂ©triment dĂautres saisons plus faibles en termes Ă©ditoriaux. Par ailleurs, l'an dernier, nous nous inquiĂ©tions Ă la mĂȘme Ă©poque d'un manque de sorties de qualitĂ©. Essoufflement des Ăż grosses locomotives Ćž que sont les sĂ©ries Ă succĂšs d'hier, indigence conceptuelle, scĂ©naristique et visuelle des nouvelles sorties... Le printemps devait-il signifier plongeon qualitatif ? Fort heureusement, ce ne semble pas ĂȘtre le cas en 2012, qui a dĂ©jĂ apportĂ© de nombreuses nouveautĂ©s passionnantes. Trop, en fait, pour toutes figurer dans nos pages. MĂȘme si Ăż la relĂšve Ćž des sĂ©ries Ă succĂšs d'antan n'est pas encore lĂ , la multiplication des initiatives, des bonnes surprises, et l'exploration en BD de thĂšmes aux horizons Ă©largis, fournissent une source riche de lectures apprĂ©ciables. De la quantitĂ© viendra la qualitĂ©, dit-on. Sans plus attendre, plongeons dans ce torrent de parutions rĂ©centes. OLIVIER THIERRY et JEAN-PHILLIPE RENOUX
Zoo est édité par Arcadia Media 45 rue Saint-Denis 75001 Paris Envoyez vos contributions à : contact@zoolemag.com Directeur de la publication & rédacteur en chef : Olivier Thierry Directeur commercial et marketing : Jean-Philippe Guignon, 01.64.21.96.44 jpguignon@zoolemag.com Conseillers artistiques : Kamil Plejwaltzsky, Howard LeDuc Rédaction de ce numéro : HélÚne Beney, Olivier Pisella, Louisa Amara, Julien Foussereau, JérÎme Briot, Kamil Plejwaltzsky, Julie Bordenave, Olivier Thierry, Vladimir Lecointre, Thierry Lemaire, Didier Pasamonik, Jean-Philippe Renoux, Wayne, Camilla Patruno, Gersende Bollut, Michel Dartay, Boris Jeanne, John Young, Thomas Hajdukowicz, Philippe Cordier, Egon Dragon, Jean-Marc Lainé, Alix de Yelst, Manuel F. Picaud, J.-B. Thoret, Audrey Retou, Stéphane Urth Couverture : Jim Publicité : pub@zoolemag.com ⹠Jean-Philippe Guignon, 01.64.21.96.44 jpguignon@zoolemag.com ⹠Marion Girard, 06.34.16.23.58 marion@zoolemag.com ⹠GeneviÚve Mechali-Guiot, genevieve@zoolemag.com Collaborateurs : Yannick Bonnant et Audrey Retou Remerciements : François Peneaud
06 - GRAND ANGLE FÂŻTE SES 10 ANS m
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numéro 40 - mai-juin 2012 ACTU BD 10 12 13 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 33 34 36 37 38 39 40
- LA BD ISRAĂLIENNE Ă lĂheure française - LE ROI DES SINGES : bon sauvage ou sauvage assassin ? - ZORN ET DIRNA : vivre et pourrir - LA MORT DE STALINE : la guerre de succession - END : le dĂ©but de la fin - LA DOUCE : François Schuiten dans le bon wagon - LA GRANDE ĂVASION : Ă©chappĂ©e(s) belle(s) - LE ROYAUME : le forgeron amoureux - ARIA : ni miĂšvre ni soumise - SAGA VALTA : il Ă©tait une fois dans le Nord - GRRREENY : la radioactivitĂ© refait des siennes - CONQUISTADOR : la fin des temps - LE BEL ËGE : Tu peux pas comprendre ! - LUNES BIRMANES : lĂenfer aprĂšs lĂenfer - EVERYBODY LOVES TANK GIRL / BURLESQUE GIRRRL - CASSIO : les chemins de la perdition - FURIOSO : recette du Saint Ă la sauce stigmates - LORNA : lĂattaque de la femme de 50 pieds - MA VIE POSTHUME : vivre aprĂšs la mort, un pari compliquĂ© ! - CHRONIQUES
RUBRIQUES 04 42 46 56 60 62 64 68 69 75 80
- AGENDA / NEWS : du beau monde Ă Paris Villepinte, Singeries... - REDĂCOUVERTE : Les Pieds NickelĂ©s, Mickey par Gottfredson - MANGAS & ASIE : Blood Lad, 7 Shakespeares... - COMICS : Rex Mundi, BĂȘtes de somme, Superior, Turf - ART & BD : Mangapolis, Le Jardin des couleurs - JEUNESSE : Rita et Machin - LABORATOIRE : Concours Cazenove, MMC BD : retour sur images - LA RUBRIQUE EN TROP : Diabolik - SEXE & BD : LĂËle mystĂ©rieuse - VIDE POCHE : sĂ©lection de produits culturels, high-tech... - STRIPS & PLANCHES : IlĂ©ana, Amour, passion et CX diesel
CINĂ & DVD 70 - PROMETHEUS : Ă©nigmatique Prometheus 72 - COFFRET CRUMB : lĂart comme exutoire 74 - DARK SHADOWS / LES MUPPETS, LE RETOUR
JEUX VIDĂO DĂ©pĂŽt lĂ©gal Ă parution. ImprimĂ© en France par ROTO AISNE SN. Les documents reçus ne pourront ĂȘtre retournĂ©s. Tous droits de reproduction rĂ©servĂ©s.
www.zoolemag.com
76 - PANDORAĂS TOWER : tentacule-moi mon amour ! 78 - MAX PAYNE 3 : la samba des pĂ©toires
Prochain numĂ©ro de Zoo : le 4 juillet 2012 * disponible Ă©galement Ă Japan Expo et au Comic ConĂ
DIABOLIK : PAGE 68
Le logo Ăż coup de cïŹur Zoo Ćž distingue les albums, films ou jeux vidĂ©o que certains de nos rĂ©dacteurs ont beaucoup apprĂ©ciĂ©s. Retrouvez quelques planches de certains albums citĂ©s par Zoo Ă lĂadresse www.zoolemag.com/preview/ Le logo ci-contre indique ceux dont les planches figurent sur le site.
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Ădito m © Jim / Bamboo / Grand Angle 2012
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Tous Ă Lyon ! En sept ans, LyonBD s'est inscrit dans le top des festivals et n'a pas Ă rougir de ses confrĂšres d'AngoulĂȘme, Blois ou Saint-Malo. Fort de son succĂšs, il revient cette annĂ©e avec dĂ©sormais trois espaces d'exposition (Palais du commerce, FNAC Bellecour et HĂŽtel de Ville). Plus de 100 auteurs prĂ©sents, un espace BD alternative, des ateliers pour enfants, le fameux Ăż atelier croquis Ćž et une scĂšne avec des impros BD et des battles de dessinateurs. Tout cela, toujours en Ă©troit partenariat avec le QuĂ©bec. Un festival qui sait aussi ĂȘtre original avec la piĂšce Sur les planches ! qui donne vie Ă une BD sur scĂšne avec participation du public, et le projet online Ăż Webtrip Ćž, coordonnĂ© par Jean-Christophe Deveney, proposant un road-trip europĂ©en, dessinĂ© par 12 auteurs (Jouvray,Yuio, Efa, Jimmy Beaulieu...). Une initiative qui vivra au-delĂ du salon, avec une suite participative. LyonBD, les 23 & 24 juin 2012 infos sur www.lyonbd.com WAYNE
Des bulles et du son Le Festival BullesZik refait du bruit ! ParrainĂ©e par Jean SolĂ©, cette 6e Ă©dition accueillera de nombreux auteurs (Chauzy, Besseron, Half Bob, LĂ©croart, Loustal, Mo et Ju/CDM, Sandoval...) et exposants (Onapratut, MĂȘme Pas mal, Sombrebizarre, La CafetiĂšre,VideCocagne...) dans une ambiance musicale et festive. Quand musique et BD se retrouvent, la rue de Bagnolet n'a qu'Ă bien se tenir ! BullesZik, les 9 et 10 juin 2012 â Paris XXe. Programmation musicale et dĂ©tails des exposants sur : www.bulleszik.com WAYNE
JusquĂau 23 septembre 2012 infos sur www.cbbd.be WAYNE
OAMB 28 Jean SolĂ©, le dessinateur bien connu des lecteurs de Fluide Glacial et invitĂ© dĂhonneur du prochain festival BullesZik (voir plus haut) est longuement interviewĂ© dans ce 28e numĂ©ro dĂOn a marchĂ© sur la bulle. Au sommaire Ă©galement :Valp, Ted BenoĂźt et Gwendal Lemercier. Comme toujours, deux exlibris sont offerts. On a marchĂ© sur la bulle, n°28, 5,50 âŹ
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Si humain et si... miesque A
prĂšs le partenariat fructueux entre les Ă©ditions Futuropolis et le MusĂ©e du Louvre, cĂest au tour de Casterman de parvenir Ă faire entrer la bande dessinĂ©e au musĂ©e, en lĂoccurrence au MusĂ©um national dĂHistoire naturelle, grĂące Ă lĂalbum Singeries. Dans ce rĂ©cit de Denis Petit mis en images par Humphrey Vidal, un Ă©rudit tente de se suicider par overdose de littĂ©rature. Il nĂy gagne que sa mĂ©tamorphose en une crĂ©ature Ă michemin entre le singe et lĂhumain. Le thĂšme a sĂ©duit Guillaume Lecointre, biologiste et professeur au MusĂ©um national dĂHistoire naturelle, qui signe la prĂ©face de la bande dessinĂ©e. Car avec cette transformation, la frontiĂšre homme / singe et la frontiĂšre homme / animal, trĂšs importantes dans notre culture, sont transgressĂ©es. LĂHomme sĂest toujours valorisĂ© en se considĂ©rant supĂ©rieur aux (autres) grands primates, ses cousins gĂ©nĂ©tiques. LĂidĂ©e dĂune Ă©volution humaine qui passe par une plus grande part de singe en nous serait intolĂ©rable... Des thĂšmes qui Ă©voquent lĂopposition toujours persistante de certaines communautĂ©s amĂ©ricaines Ă la thĂ©orie de lĂĂ©volution de Darwin. JĂRĆME BRIOT
c Singeries, de Denis Petit et Humphrey Vidal Casterman, 120 p. couleurs, 20 âŹ
Du beau monde Ă Paris Villepinte L
es premiĂšres informations relatives aux Ă©ditions 2012 de Japan Expo, la grandmesse annuelle des amateurs de culture japonaise, et Comic ConĂ, sa petite sïŹur dĂ©diĂ©e plus spĂ©cifiquement aux comics, Ă la sciencefiction et aux sĂ©ries, nous parviennent peu Ă peu. Voici une premiĂšre liste des invitĂ©s confirmĂ©s.
Bestiaire dessinĂ© € l'occasion du centenaire de sa naissance, le Centre Belge de la BD (Bruxelles) prĂ©sente une exposition consacrĂ©e Ă l'ïŹuvre du dessinateur nĂ©erlandais Marten Toonder. Auteur entre autres des sĂ©ries Capitaine Cappi, Petit Panda et Tom Pouce diffusĂ©es dans la presse quotidienne, il plaçait dans ses productions pour la jeunesse une critique acerbe de l'homme qui sĂ©duisait aussi les adultes. Son vaste bestiaire anthropomorphique lui a donnĂ© son surnom de Ăż Walt Disney hollandais Ćž.
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© Salma et Libon / DUPUIS - 2012
en bref
JAPAN EXPO Kohei Tanaka : compositeur de musique d'animes légendaires comme One Piece ou Game Keeper Naoki Urasawa : invité d'honneur manga, auteur de Monster, 20th Century Boys... Kenji Inafune : invité d'honneur jeux vidéo, créateur de Mega Man et Street Fighter IV Flow : groupe de musique J-rock trÚs attendu sur les scÚnes européennes Makoto Shinkai : animateur et réalisateur de Voices of a Distant Star et du trÚs acclamé Voyage vers Agartha
COMIC CONâ Ivan Reis : invitĂ© d'honneur comics, l'un des dessinateur vedette de la bande de DC Comics. Il a notamment travaillĂ© sur Aquaman, Superman, etc. Raphael Albuquerque : dessinateur chez Marvel et DC Comics, connu notamment pour des titres comme Blue Beetle, Superman / Batman, The Uncanny X Force, Crimeland-Mondo, Urbano Mahmud Asrar : co-crĂ©ateur de Dynamo 5 Tony S. Daniel : illustrateur de Batman Detective Comics
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Japan Expo 13e Impact et Comic'con Saison 4
du 5 au 8 juillet, Paris Villepinte, Zoo en sera le partenaire
3 ALBUMS PARUS CHEZ DUPUIS
Amour, Passion et CX diesel, de Fabcaro, James et BenGrrr CĂest un peu Dallas chez les Bidochons. Il y a le patriarche Ă la santĂ© chancelante, sa femme Cynthia, leurs quatre enfants : Bill, Pamela, JeanMortens et Brandon, le propriĂ©taire de la boĂźte de nuit le Chunga Club. Il y a aussi les piĂšces rapportĂ©es : Jessifer, la femme de Brandon mais qui Ăż a du vĂ©cu Ćž avec tout le monde, y compris le postier, puis Tony, le mari alcoolique et chĂŽmeur de Pamela, et Elton, leâ hmmâ colocataire de Jean-Mortens. Et surtout, il y a lĂintrigue : qui hĂ©ritera de la CX diesel du pĂšre ? Machinations, coups bas et rĂ©parties cinglantes fusent. Des gags trĂšs drĂŽles en une demi-page qui se lisent comme on mange des chips : quand on arrive Ă la derniĂšre on se dit : Ăż Nooon !! YĂen a pluuus ! Ćž
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GRAND ANGLE : LA COLLECTION GRAND SPECTACLE DE BAMBOO
© Galandon et Monin / GRAND ANGLE
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Fluide Glacial, 48 p. couleurs, 10,80 ⏠OLIVIER THIERRY
Remington, Arc 1 : USH, de Tot et AdriĂĄn
Ankama, 112 p. couleurs, 14,90 ⏠PHILIPPE CORDIER
La Leçon de PĂȘche, de Böll et Bravo Un pĂȘcheur somnole dans sa barque lorsquĂun touriste lui demande pourquoi il ne dĂ©veloppe pas son Ăż commerce Ćžâ Lorsque Böll (19171985), prix Nobel de littĂ©rature en 1972, Ă©crit cette fable souriante, lĂAllemagne vit le boom Ă©conomique des annĂ©es 60. Cinquante ans plus tard, elle nĂa pas pris une ride et prend tout son sens sous le trait de Bravo ! DĂ©nonçant avec humour et cynisme la course au profit et au succĂšs face Ă la douceur de vivre, cette leçon nĂemmĂšne pas seulement le petit lecteur Ă la pĂȘche, mais aussi sur la voie de la sagesse. Un ouvrage indispensable en temps de crise ! GlĂ©nat, coll.Vitamine, 40 p. couleurs, 12,20 ⏠HĂLËNE BENEY
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EX-LIBRIS DE LĂENVOLĂE SAUVAGE, CI-DESSOUS : CECI EST MON CORPS
CrĂ©Ă©e en juin 2002 au sein de la maison dâĂ©dition Bamboo, la collection Grand Angle fĂȘte ses 10 ans. Sans tambours ni trompettes, elle prend sa place dans le paysage du 9e art. Cet anniversaire, câest lâoccasion de faire le point avec HervĂ© Richez, le directeur Ă©ditorial du label.
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sont pas tout Ă fait les mĂȘmes rĂ©seaux de distribution non plus. LĂhumour est plus axĂ© vers la grande distribution, tandis que les albums Grand Angle sont en grande majoritĂ© vendus dans les librairies spĂ©cialisĂ©es.
uisque vous ĂȘtes Ă lĂorigine de la crĂ©ation de Grand Angle, racontez-nous comment ça sĂest passĂ© ? Je faisais partie de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration dĂauteurs qui travaillaient avec Bamboo et je faisais de lĂhumour. JĂavais une sĂ©rie, Sam Lawry, qui nĂavait jamais vu le jour et que jĂavais un peu abandonnĂ©e. Un jour, Olivier [Sulpice, crĂ©ateur des Ă©ditions Bamboo, NDLR] mĂa demandĂ© de lire cette sĂ©rie pour voir ce que je faisais dans un registre diffĂ©rent. Il a bien aimĂ© et mĂa dit que le jour oĂč Bamboo pourrait se le permettre financiĂšrement, on ferait cet album. Le temps a passĂ© et, en 2001, ce fameux jour est arrivĂ©. On a recherchĂ© un dessinateur et puis on a crĂ©Ă© une collection parce que publier Sam Lawry tout seul, ça nĂavait pas de sens.
Qui a trouvĂ© le nom ? CĂest moi. € lĂorigine, cette collection visait la publication de thrillers avec une touche de fantastique. Et une certaine proximitĂ© avec le cinĂ©ma. € lĂĂ©poque, il nĂy en avait pas tant que ça dĂailleurs. LĂexpression Grand Angle est liĂ©e Ă lĂimage, mais montre aussi la palette possible du ton des histoires, qui peut aller du grand spectacle jusquĂĂ lĂintimiste.
Et ce nĂĂ©tait pas possible de lancer Sam Lawry dans le catalogue Bamboo ? Il fallait se dĂ©marquer du catalogue Ăż humour Ćž existant ? Oui, cĂĂ©tait une volontĂ© de la part dĂOlivier de ne pas mĂ©langer les genres car les collections rĂ©alistes et humoristiques ne se travaillent pas totalement de la mĂȘme maniĂšre. Ce ne
Les premiĂšres sorties comme Sam Lawry ou Thomas Silane Ă©taient tout Ă fait dans ce genre. Mais avec le temps, le catalogue a Ă©voluĂ©. Avec Montserrat, une autobiographie de Julio Ribera, et LĂEnvolĂ©e sauvage, un
© Marie et Goethals / GRAND ANGLE
Ankama, cĂest avant tout Dofus. Si lĂĂ©diteur Ă succĂšs tente cette annĂ©e de faire bouger les lignes Ă©ditoriales, cĂest en misant dĂabord, prudemment, sur un thĂšme de son univers. Pas besoin dĂĂȘtre jeune et / ou joueur pour apprĂ©cier cette reprise en album dĂune sĂ©rie de fascicules kiosque contant les exploits de deux frangins voleurs. Action, humour, rĂ©fĂ©rencesâ en grand dĂ©miurge du monde de Dofus, Tot garde son lecteur en terrain connu / conquis. LĂEspagnol AdriĂĄn se charge de dynamiser les planches dĂun trait mĂȘlant manga et Ăż Ă©cole sĂ©rie B Ćž.
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o u v e r t u r e © Laurent Mélikian pour Bamboo éditions
E album sur la Shoah de Laurent Galandon, nous avions amorcĂ© un virage vers autre chose que du thriller. La sortie de ces albums, nos envies Ă©ditoriales qui ont Ă©voluĂ©es, font qu'aujourd'hui la collection a trois axes dĂexpression, avec une veine historique romanesque, quĂon pourrait rĂ©sumer par Ăż leur histoire a fait la grande Histoire Ćž, une veine plus intimiste, et puis toujours des thrillers ou polars. MalgrĂ© ces trois thĂ©matiques, il nĂy a pas de collections Ă lĂintĂ©rieur de Grand Angle. En rĂ©alitĂ©, on en a crĂ©Ă© trois : Grand Angle, Angle Fantasy, pour la crĂ©ation dĂunivers, et Angle de vue, dans laquelle a Ă©tĂ© publiĂ©e LĂEnvolĂ©e sauvage par exemple. Cela dit, on ne sort que 30 Ă 35 albums par an, ce qui ne reprĂ©sente, en comptant les suites, quĂentre quatre et six nouvelles sĂ©ries par an. CĂest dĂ©jĂ difficile dĂimposer un label dans un marchĂ© qui compte plus de 4500 sorties annuelles, alors avec trois collections et si peu dĂalbums dans chacune, cĂest vite devenu mission impossible. Au bout de trois ans, on a rationnalisĂ© et tout regroupĂ© sous le vocable Grand Angle. Pour le moment, contrairement Ă Bamboo qui a Les Profs, Les Rugbymen ou Les Sisters, il nĂy a pas une locomotive pour Grand Angle. € quoi ça tient dĂaprĂšs vous ? Peut-ĂȘtre dĂ©jĂ parce quĂon fait peu de livres par an, et donc la locomotive est plus difficile Ă trouver. Vu le peu de sĂ©ries nouvelles quĂon lance chaque annĂ©e, la probabilitĂ© dĂavoir un gros succĂšs est plus faible. Maintenant, nous avons de bons espoirs sur Ambulance 13, de Cothias et Ordas. Et nous avons eu aussi de trĂšs bons rĂ©sultats sur certaines sĂ©ries dont Thomas Silane, l'EnvolĂ©e Sauvage, Sam Lawry, Le Messager et quelques autres. Le fait de travailler dans la durĂ©e avec nos auteurs, dĂavoir une qualitĂ© dĂĂ©coute, crĂ©e un bouche Ă oreille positif qui nous amĂšne de nouveaux auteurs et de nouveaux projets. On espĂšre que cette façon de faire sera payante Ă un moment.
© Cothias, Ordas et Mounier / GRAND ANGLE
En termes de ventes, de mise en place, les albums de la collection se situent environ Ă quel niveau ? La collection a atteint son Ă©quilibre depuis deux ans. Les ventes sont variables bien sĂ»r. Nos meilleures ventes se situent entre 15 000 et 25 000 exemplaires sur les sĂ©ries que j'ai Ă©voquĂ©es juste avant, ce qui est trĂšs bien aujourdĂhui compte tenu de lĂĂ©tat actuel du marchĂ©. Nos plus faibles sont lĂ©gĂšrement au-dessus
HERVĂ RICHEZ, DIRECTEUR DE LA COLLECTION GRAND ANGLE
du niveau de vente moyen observĂ© sur le marchĂ©. Le passage de Bamboo et du label Grand Angle chez Delsol diffusion a fait du bien, et nos mises en place ont largement progressĂ© depuis deux ans. De plus, nous travaillons tous nos titres sur la durĂ©e. On ne va pas hĂ©siter Ă faire des remises en place rĂ©guliĂšres. Notamment sur des opĂ©rations spĂ©ciales, comme les commĂ©morations du 11 novembre pour Ambulance 13 par exemple. La particularitĂ© de nos livres, cĂest quĂils vivent longtemps. On cherche Ă©galement beaucoup de partenariats. Pour Ambulance 13 ou Pour un peu de bonheur, ça sĂest fait avec le Service de SantĂ© des ArmĂ©es. Pour Le Cahier Ă fleurs, on a travaillĂ© avec le CCAF (Conseil de Coordination des Organisations ArmĂ©niennes de France). Nous avons aussi des actions spĂ©cifiques Ă destination de l'Ăducation Nationale qui commencent Ă donner des rĂ©sultats. Quels sont les projets pour les mois Ă venir ? Une nuit Ă Rome de Jim [voir page suivante, NLDR], lĂaventure scĂ©naristique de La LignĂ©e [voir page suivante, NDLR], et puis lĂarrivĂ©e dans les prochains mois de Xavier Fourquemin qui nous rejoint pour une sĂ©rie splendide qui sĂappelle Le Train des orphelins, scĂ©narisĂ©e par Philippe Charlot qui a fait Bourbon Street chez nous et dont le tome 2 va bientĂŽt sortir. Quelle est lĂambition de Grand Angle pour lĂavenir proche ? Je pense quĂon nĂaura jamais vocation Ă faire beaucoup de livres. Parce que cĂest la dĂ©fense de ces
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AMBULANCE 13
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Blanche-Neige, de Maxe LĂHermenier et Looky
© Jim / GRAND ANGLE
livres qui nous anime et quĂon ne peut pas le faire correctement avec trop de sorties. JĂai un certain nombre dĂauteurs avec lesquels jĂai envie de travailler le plus longtemps possible, pour ne pas les citer, tous les auteurs de La LignĂ©e. On va continuer dans cette voielĂ , avec beaucoup dĂaccompagnement. Mais peut-ĂȘtre avec des bouquins de plus en plus beaux graphiquement. Et puis lĂarrivĂ©e de Jim, le dĂ©veloppement de notre collaboration avec Patrice Ordas, l'accueil de deux ou trois nouveaux scĂ©naristes, tout ça va rĂ©orienter quelques-unes de nos envies. Cela gĂ©nĂšre de nouveaux projets qui en appelleront forcĂ©ment dĂautres.
Quel ovni que cet album splendide rĂ©inventant trĂšs librement le conte de Blanche-Neige. (Un film sort en mĂȘme temps.) Les dessins magnifiques, sensuels, expressifs ne sont pas sans rappeler les meilleurs auteurs amĂ©ricains des annĂ©es 90 : Marc Silvestri, Jim Lee, Dave Finch et le dĂ©funt Dwayne Turner. Les dĂ©cors sont somptueux, la colorisation de grande qualitĂ©. On en oublie presque le scĂ©nario. Le numĂ©rique y est pour beaucoup dans cette rĂ©ussite, puisque les personnages et dĂ©cors sont modĂ©lisĂ©s en 3D, avant dĂĂȘtre ensuite dessinĂ©s au crayon. Des auteurs Ă suivre et qui auraient mĂ©ritĂ© une pleine page dans ce numĂ©ro si nous les avions remarquĂ©s Ă temps.
LES NOUVEAUTĂS CHEZ GRAND ANGLE UNE NUIT € ROME Pendant la fĂȘte organisĂ©e pour ses 40 ans, RaphaĂ«l reçoit un cadeau inattendu par la Poste. Une cassette VHS le montrant Ă 20 ans avec Marie, sa copine de lĂĂ©poque. Un film quĂils avaient tournĂ© tous les deux et dans lequel ils se faisaient la promesse de passer ensemble une nuit Ă Rome 20 ans plus tard. Le temps a passĂ© depuis, mais la petite sĂ©quence frappe RaphaĂ«l en plein cïŹur. Cette
Ankama, 64 p. couleurs, 13,90 ⏠EGON DRAGON
UNE NUIT € ROME
cassette nĂa pu ĂȘtre envoyĂ©e que par Marie, et le message est clair. Elle prend rendez-vous avec lui et tient Ă lui rafraĂźchir la mĂ©moire. Mais comment aurait-il pu oublier la jeune femme ? Pour les moments de bonheur intense, mais aussi pour ce quĂelle lui a fait subir, sa fascination pour elle nĂa pas cessĂ©. Toutefois, aujourdĂhui il vit heureux avec Sophia, la femme quĂil aime. Va-t-il prendre le risque de renouer avec ses premiĂšres amours ? CĂest Ă cette interrogation que Jim, scĂ©nariste et dessinateur, sĂattache Ă rĂ©pondre dans cette comĂ©die senti-
© Galandon et Berlion / GRAND ANGLE
Toby mon ami, de Gregory Panaccione Nouvelle curiositĂ© de qualitĂ© dans la collection Shampooing. Voici donc les aventures de Toby. Album sans texte, ce petit pavĂ© raconte le quotidien du chien, meilleur ami dĂun homme aux yeux vides qui vit au bord de la mer. Les deux compĂšres passent leur temps ensemble, lĂanimal passant sa journĂ©e entre manifestations dĂaffection pour lĂhumain qui constitue une part importante de son monde, explorations et envie de manger. Ăvidemment, le chien finit par se poser des questions etâ Tout ce que lĂon peut dire, cĂest quĂissu de lĂillustration publicitaire et du storyboard dĂanimation, Gregory Panaccione montre ici tout son talent. € dĂ©couvrir !
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Delcourt, 144 p. couleurs, 14,30 ⏠JOHN YOUNG
Nodame Cantabile,T.14, de Tomoko Ninomiya Le manga a cette capacitĂ© Ă nous faire pĂ©nĂ©trer des univers trĂšs Ă©trangers (ici, le monde de la grande musique, des conservatoires et des virtuoses) en les investissant dĂhistoires trĂšs universelles (ici, une jeune godiche amoureuse dĂun super beau mec). Et 14 tomes aprĂšs le dĂ©but des aventures de la pianiste la plus sale du Japon, voilĂ tout le monde transfĂ©rĂ© Ă Paris, oĂč se retrouvent petit Ă petit la plupart des personnages des tomes antĂ©rieurs â mais Nodame nĂarrive toujours pas Ă faire craquer Chiakiâ Pika, 192 p. n&b, 7,05 âŹ
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LA LIGNĂE
mentale trĂšs rĂ©ussie. Ăż Jim est une Ă©ponge, ajoute HervĂ© Richez, il sĂinspire de tout ce quĂil rencontre. Et il trouve des pitchs trĂšs accrocheurs. On sĂest tous posĂ©s cette question de se demander ce qui se passerait si on recroisait un amour de jeunesse, ou si on lui avait donnĂ© rendez-vous. Ăa nous renvoie Ă nos rĂȘves, Ă ce quĂon est devenu et aux concessions quĂon a dĂ» faire par rapport Ă ce quĂon voulait ĂȘtre. CĂest un thĂšme universel. Ćž LA LIGNĂE Ăż Avec Laurent Galandon, se souvient HervĂ© Richez, on Ă©voquait la qualitĂ© des sĂ©ries amĂ©ricaines et le fait quĂils utilisaient des pools de scĂ©naristes. Ăa nous a intĂ©ressĂ©s et on a dĂ©cidĂ© de lancer lĂidĂ©e avec JĂ©rĂŽme FĂ©lix et Damien Marie, juste pour voir. On a fait une premiĂšre session en associant le dessinateur Olivier Berlion. Les idĂ©es ont fusĂ©. On sĂest pris au jeu. Ćž En dĂ©coule cette tĂ©tralogie, sorte de saga familiale fantastique qui suit quatre gĂ©nĂ©rations de Brossard dont lĂaĂźnĂ© subit Ă chaque fois une malĂ©diction terrible : mourir dans sa 33e annĂ©e. Antonin en 1937, Marius en 1954, Maxime en 1973, Diane et David en 1994, tous vont devoir vivre avec cette angoisse du compte Ă rebours. Quel est donc le mystĂšre qui se cache derriĂšre cette diablerie ? Et pourquoi cette lignĂ©e a-t-elle Ă©tĂ© choisie ? Des questions auxquelles il nĂest pas forcĂ©ment simple de rĂ©pondre Ă huit mains. Les quatre scĂ©narios ont pourtant Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en commun et un des scĂ©naristes a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© pour chaque album avec la responsabilitĂ© du dĂ©coupage. Ăż Il y a deux rĂšgles : les auteurs qui participent doivent avoir un peu dĂadmiration pour les autres et abandonner totalement leur ego dĂauteur pour crĂ©er une entitĂ©. Tout le monde a acceptĂ© cette rĂšgle du jeu. Ćž THIERRY LEMAIRE
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La BD israélienne
Ă lâheure française © Asaf Hanuka / STEINKIS
De plus en plus dâauteurs israĂ©liens publient en France. Une bande dessinĂ©e originale, diffĂ©rente, inïŹuencĂ©e par la bande dessinĂ©e francophone, mais qui nâen renie pas pour autant son identitĂ©.
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© Galit et Gilad Seliktar / ĂĂ & LĂ
i Galit Gaon identifie Uri Muri de Arieh Navon (dessins) et Leah Goldgerg (textes), publiĂ©e dans lĂhebdomadaire pour la jeunesse Davar LeYeladim en 1936, comme la premiĂšre BD Ăż israĂ©lienne Ćž1, alors que nous sommes encore dans une Palestine sous mandat britannique, cĂest parce que ses protagonistes sont sans ambiguĂŻtĂ© des enfants sionistes, nĂ©s en Terre Sainte, parlant naturellement lĂhĂ©breu, vivant dans un environnement reconnaissable. Ces pages construisent un imaginaire identitaire qui sera lĂun des ciments de la nation Ă naĂźtre. Un bon nombre dĂautres auteurs de bande dessinĂ©e israĂ©liens suivront cette voie avec une certaine originalitĂ© graphique, parfois influencĂ©e par la bande dessinĂ©e amĂ©ricaine. Le Canard du dessinateur Dudu Geva (1950-2005), si cĂ©lĂšbre que sa statue trĂŽne aujourdĂhui sur le toit de la mairie de Tel Aviv, nĂappartient Ă aucun courant de la BD et les adolescents boutonneux de Zbeng de Uri Fink (nĂ© en 1963) sont finalement aussi Ă©loignĂ©s des modĂšles admirĂ©s par son auteur fĂ©ru de super-hĂ©ros amĂ©ricains quĂils sont proches des jeunes IsraĂ©liens futiles quĂils reprĂ©sentent. Cela change avec Michel Kichka. Ce dessinateur dĂorigine belge (nĂ© en 1954, il a publiĂ© ses premiers dessins dans la revue de Michel Deligne, Curiosity Magazine) fait son Ăż Alyah Ćž (son Ăż retour Ćž en IsraĂ«l) en 1974 Ă la suite de la Guerre du Kippour. Il Ă©tudie le graphisme Ă la fameuse Ă©cole de Bezalel Ă
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KO € TEL AVIV, DĂTAIL DE LA COUVERTURE
JĂ©rusalem, puis devient un caricaturiste apprĂ©ciĂ© dans son pays comme Ă lĂĂ©tranger. Enseignant Ă son tour Ă Bezalel, il y dispense les premiers cours de BD en IsraĂ«l et emmĂšne avec lui Ă AngoulĂȘme plusieurs annĂ©es de suite une gĂ©nĂ©ration dĂĂ©tudiants, rĂ©guliers ou non, qui font la bande dessinĂ©e israĂ©lienne dĂaujourdĂhui : Uri Fink, les frĂšres Hanuka, Gilad Sheliktar, Shay Sharkaâ Mais aussi le groupe Actus Tragicus, cette avant-garde de la BD israĂ©lienne nĂ©e en 1995, fondĂ©e par Rutu Modan et
Yirmi Pinkus, bientĂŽt rejoints par dĂautres : Mira Friedmann, Itzik Rennert et Batia Kolton.
UNE NOUVELLE GĂNĂRATION QUI MULTIPLIE LES SUCCĂS Le premier auteur israĂ©lien Ă publier en France est Asaf Hanuka. Curieux parcours que le sien : nĂ© en 1974, Asaf a un frĂšre jumeau : Tomer. Asaf fait des Ă©tudes de BD en France, Ă Ămile Cohl Ă Lyon, tandis que son frĂšre fait ses Ă©tudes Ă la School of Visual Arts. Le premier fait des albums en France (Carton jaune, avec Didier Daeninckx, chez Emmanuel Proust Ă©ditions, Pizzeria Kamikaze avec Etgar Keret chez Actes Sud...), le second fait une carriĂšre dĂillustrateur Ă succĂšs Ă New York. Dans KO Ă Tel Aviv quĂil publie ces jours-ci chez Steinkis, il abandonne le style rĂ©aliste classique de ses dĂ©buts pour une ligne moderniste influencĂ©e par lĂexpĂ©rience quĂil partage Ă New York avec son frĂšre Tomer. Leur travail commun, Bipolar, fera prochainement lĂobjet dĂune publication chez Dargaud. KO Ă Tel Aviv est vĂ©ritablement une bande dessinĂ©e israĂ©lienne. Racontant son quotidien Ă Tel Aviv, cet album est le pendant indispensable des Chroniques de JĂ©rusalem de Guy Delisle, qui en a dĂailleurs signĂ© la prĂ©face. En racontant la vie de Koby Franco, un jeune chauffeur de taxi israĂ©lien dĂune vingtaine dĂannĂ©es qui rencontre une fille, soldate de lĂarmĂ©e israĂ©lienne, qui lui rĂ©vĂšle que son pĂšre, avec lequel elle aurait eu une liaison et dont il nĂa plus de nouvelles, a pu ĂȘtre tuĂ© lors dĂun attentatsuicide, Modan fait dĂentrĂ©e un coup dĂĂ©clat retentissant. Dans lĂenquĂȘte quĂentament ses deux hĂ©ros, Modan fait
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IRANIANS WE LOVE YOU ! i la bande dessinĂ©e israĂ©lienne nĂen est quĂĂ ses balbutiements, de plus en plus de jeunes artistes ont S choisi dĂexprimer Ă travers elle un propos politique ou contestataire. Zeev Engelmayer ou Yonatan Wachsmann, par exemple, ont intĂ©grĂ© le neuviĂšme art dans des crĂ©ations qui se veulent Ă mi-chemin entre art contemporain et caricature. Ronny Edry, une autre figure emblĂ©matique de cette nouvelle vague, a quant Ă lui relayĂ© un propos original sur les relations entre Arabes et Juifs Ă travers Le Doigt de Dieu1. Son point de vue se veut trĂšs critique Ă lĂencontre des deux communautĂ©s quĂil juge trop fermĂ©es, campĂ©es sur un certain nombre de positions. LĂauteur utilise un trait naĂŻf et brut Ă lĂimage de ses protagonistes et de la tournure de son rĂ©cit particuliĂšrement pessimiste. LĂauteur a crĂ©Ă© Ă©galement un site internet Ă la suite dĂune anecdote particuliĂšrement Ă©tonnante. En 2011, lĂauteur a publiĂ© sur Facebook plusieurs montages graphiques sur lesquels on pouvait lire Ăż Iranians We Love You Ćž, afin de manifester son opposition Ă la guerre. Rejoint par des centaines de blogueurs israĂ©liens et iraniens, la page internet est devenue un site oĂč sĂexpriment Ă travers clichĂ©s et illustrations un trĂšs grand nombre de personnes, dont Michel Kichka et Kianoush Ramezani2. KAMIL PLEJWALTZSKY 1 2
Traduit en français et disponible aux éditions La CafetiÚre. http://www.israelovesiran.com
un portrait saisissant de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne, fataliste et dĂ©sabusĂ©e, mais en mĂȘme temps vivante et dĂ©terminĂ©e. Son trait est Ăż une ligne claire fragile Ćž basĂ©e sur une documentation scrupuleuse. SaluĂ© par Joe Sacco, lĂauteur de Palestine, une nation occupĂ©e (Vertige Graphic), Exit Wounds de Rutu Modan (Actes Sud) reçoit le Prix France Info et le Prix du Meilleur album Ă©tranger Ă AngoulĂȘme en 2008. NĂ© en 1977, Gilad Sheliktar publie avec sa sïŹur Ferme 54 chez Ăa & LĂ , un livre singulier et trĂšs graphique sur le kibboutz de son enfance qui figure dans la sĂ©lection dĂAngoulĂȘme 2009. LĂannĂ©e suivante, il publie chez Atrabile Les DĂ©mons de Mongol oĂč sa poĂ©sie infuse dans une ligne claire et enfantine.
DIDIER PASAMONIK
Gaon, Galit, Israeli Comics, Part 1 : The Early Years, The Israeli Cartoon Museum, Holon, 2008.
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© Kichka / DARGAUD
Michel Kichka vient de publier son premier album de BD en France. DeuxiĂšme
GĂ©nĂ©ration - Ce que je nĂai pas dit Ă mon pĂšre (Dargaud), dont nous vous avons parlĂ© dans le prĂ©cĂ©dent numĂ©ro de Zoo. Le paradoxe, cĂest quĂil publie en France bien aprĂšs ses Ă©mules. DeuxiĂšme GĂ©nĂ©ration est une ïŹuvre forte, magistrale, dans laquelle il ose se confronter Ă un sujet que lĂon croyait Ă©puisĂ© avec le Maus de Spiegelman : la Shoah. Il le fait avec une simplicitĂ©, une empathie, une sensibilitĂ© et un sens du dĂ©tail qui imposent le respect. Son dessin sĂinspire de ses maĂźtres franco-belges, Morris et Gotlib, mais affiche une personnalitĂ© et une sĂ»retĂ© dans le trait hĂ©ritĂ©e de sa longue carriĂšre de caricaturiste. QuĂon ne sĂy trompe pas : DeuxiĂšme GĂ©nĂ©ration est probablement lĂun des ouvrages les plus marquants de lĂannĂ©e 2012.
DEUXIËME GĂNĂRATION
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d © Bonifay, Meddour et Paitreau / VENTS DâOUEST
Tramp,T.10, Le Cargo maudit, de Kraehn et Jusseaume Il sĂagit dĂun thriller maritime situĂ© dans les annĂ©es 50. Le capitaine Yann Calec aime le grand large, ses prĂ©cĂ©dentes aventures formaient des cycles de trois albums. Revenu Ă Rouen le temps dĂun album one-shot, il dĂ©cide de se mettre Ă son compte, mais doit se confronter Ă un armateur malhonnĂȘte et Ă des syndicalistes intransigeants. Le lecteur curieux pourra en profiter pour embarquer sur cette sĂ©rie bien Ă©crite et agrĂ©ablement dessinĂ©e qui remporte un succĂšs mĂ©ritĂ© en librairies.
Dargaud, 56 p. couleurs, 13,99 ⏠MICHEL DARTAY
Top 10,T.1, Bienvenue Ă Neopolis, de Alan Moore et Gene Ha FraĂźchement diplĂŽmĂ©e de lĂĂ©cole de police, Robyn Slinger est affectĂ©e au Commissariat du dixiĂšme district. Jusque lĂ , on se croirait dans une sĂ©rie tĂ©lĂ© du style Hill Street Blues ou NYPD Blues, mais lĂaction se dĂ©roule Ă Neopolis, ville uniquement peuplĂ©e de super-hĂ©ros. Alan Moore y prĂ©sente une impressionnante galerie de personnages dotĂ©s de pouvoirs, de noms ou de costumes improbables. Beaucoup dĂhumour dans les situations et les dialogues, le dessin trĂšs fouillĂ© de Gene Ha est un rĂ©gal pour les yeux ! Moins ambitieux que Watchmen ou V pour Vendetta,Top 10 reste un excellent divertissement !
Urban Comics, 160 p. couleurs, 15 ⏠JEAN-PHILIPPE RENOUX
Un Prince Ă croquer, T.1, EntrĂ©e, de Patricia Lyfoung et Fleur D. En marge de La Rose Ăcarlate, Patricia Lyfoung nous plonge dans une nouvelle sĂ©rie romanticocomique, autour de la gastronomie, situĂ©e dans la capitale. On y dĂ©couvre Nicolas, prince europĂ©en cloĂźtrĂ© dans son chĂąteau, qui sĂenfuit Ă Paris pour Ă©viter un mariage arrangĂ©. Totalement inadaptĂ© Ă la vie quotidienne mais hyper enthousiaste, le jeune homme sĂinstalle dans la vie de lĂambitieuse Margot, cuisiniĂšre de talent dans un grand restaurant parisien. Au long des quatre tomes prĂ©vus, ces deux hĂ©ros antagonistes ne manqueront pas de nous faire un menu aux petits oignonsâ
Delcourt, 48 p. couleurs, 10,95 ⏠HĂLËNE BENEY
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BON SAUVAGE OU SAUVAGE ASSASSIN ? Au dĂ©but du XXe siĂšcle, Ă Londres, qui se remet Ă peine des meurtres de Jack lâĂ©ventreur, une nouvelle bĂȘte rĂŽde⊠Serait-ce le sauvage qui vivait parmi les singes ? Philippe Bonifay revisite avec astuce la lĂ©gende de Tarzan.
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our fĂȘter les 100 ans de Tarzan, voici chez Vents dĂOuest par Philippe Bonifay et Meddour une interprĂ©tation en BD de la cĂ©lĂšbre nouvelle dĂEdgar Rice Burroughs. Les auteurs y font un clin dĂïŹil, par le choix du nom français du protagoniste, aux loufoques Voyages trĂšs extraordinaires de Saturnin Farandoul dĂAlbert Robida, lequel 33 ans avant Burroughs avait mis en scĂšne un enfant sauvage Ă©levĂ© parmi les singes.
REJETĂ PAR LES HOMMES ET LES SINGES Dans cet ouvrage superbement mis en couleurs par StĂ©phane Paitreau, le lecteur retrouvera les grandes lignes de lĂhistoire quĂil connaĂźt dĂ©jĂ : lĂenfant â ici Saturnin donc, et pas John Greystoke â Ă©choue sur une Ăźle sauvage de BornĂ©o oĂč il est recueilli par les gorilles jocko, dits aussi orangsoutans, ou encore Ăż hommes des bois Ćž ; il y vit libre jusquĂĂ ce que le bateau du capitaine Lastic le retrouve et le confie Ă une mission en Afrique, oĂč il sera adoptĂ© par un lord anglais. TrĂšs jeune, il a donc dĂ©jĂ connu lĂexclusion de deux groupes auxquels il voulait appartenir : les singes et les Noirs. Il a Ă©tĂ© heureux parmi les deux,
mais on lui a expliquĂ© quĂil Ă©tait diffĂ©rent, trop homme parmi les premiers, trop blanc parmi les seconds. Ce qui est sĂ»r, cĂest quĂil se sent trĂšs diffĂ©rent des ĂȘtres parmi lesquels il est obligĂ© de vivre maintenant.
LA PART ANIMALE Coup de gĂ©nie du scĂ©nariste, on le retrouve non pas Ă Baltimore, mais dans la ville de Londres, au dĂ©but du XXe siĂšcle, oĂč Darwin a semĂ© ses idĂ©es sur lĂĂ©volution et la sĂ©lection naturelle, oĂč a Ă©tĂ© lu le roman de Stevenson LĂĂtrange cas du docteur Jekyll et Mister Hyde et oĂč a sĂ©vi Jack lĂĂ©ventreur. CĂest dans ce contexte que lĂinspecteur Mark Douglas, du Yard, enquĂȘte sur les meurtres en sĂ©rie de jolies rouquines. On apprend Ă la fin de ce premier tome â histoire prĂ©vue en deux volumes â que le mari jaloux arrĂȘtĂ© par la police nĂest pas le coupable. Et il y a fort Ă parier que Saturnin / Lord John Arthur Livingstone, pour lĂinstant au centre de la curiositĂ© de la bonne sociĂ©tĂ© et heureux pour une histoire dĂamour naissante, ne tardera pas Ă se trouver mĂȘlĂ© Ă tout ceci et Ă des regards qui pourraient changer rapidementâ On dĂ©couvrira sĂ»rement dans le tome
2 si Philippe Bonifay penche plus pour une interprĂ©tation Ă la Rousseau du bon sauvage, ou si notre protagoniste recĂšle des pulsions inavouables et sĂavĂ©rera ĂȘtre un animalâ Mais Ăż nĂestce pas ce que nous sommes Ćž tous au fond, comme sĂinterroge un personnage ? CAMILLA PATRUNO
LE ROI DES SINGES, T.1 de Bonifay, Meddour et Paitreau Vents dĂOuest, 56 p. couleurs, 13,90 âŹ
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Vivre et pourrir © Morvan et Bessadi / MC PRODUCTIONS
AprÚs 11 ans et six tomes, Zorn & Dirna, la série de Jean-David Morvan et Bruno Bessadi, se conclut. Retour sur une saga macabre et familiale.
avec ce sixiĂšme tome. LĂinversion des valeurs habituelles (ici, tuer cĂest souvent faire acte de bontĂ©) et les marivaudages issus des changements de corps sont trĂšs divertissants. Le dessin de Bessadi, jamais Ă©lĂ©gant ni plaisant, mais riche en dĂ©tails sordides, dĂ©peint avec justesse lĂEnfer sur Terre. La dĂ©composition des corps est le reflet de la dĂ©crĂ©pitude morale dĂune sociĂ©tĂ© oĂč le respect du bien-ĂȘtre dĂautrui est simplement niĂ©. LĂinfamie des castes dirigeantes y est sans limites. Le traitement Ăż cartoonesque Ćž et rigolard de lĂensemble est assez surprenant pour un sujet qui traite de lĂextermination industrielle, mais lĂoriginalitĂ© de cette sĂ©rie lui permet de briller dans un paysage Ă©ditorial oĂč fantasy rime trop souvent avec monotonie. VLADIMIR LECOINTRE
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n univers de fantasy nĂest pertinent que sĂil se dĂ©marque de notre Moyen Ëge par quelques inflexions allant au-delĂ de lĂajout de dragons. Dans lĂunivers de Zorn et Dirna, les auteurs ont juste changĂ© une loi universelle et sĂamusent Ă en observer les consĂ©quences : plus personne ne meurt depuis que la Mort en tant quĂentitĂ© a Ă©tĂ© capturĂ©e. Loin dĂapporter la joie Ă©ternelle comme les plus naĂŻfs pourraient le croire, cĂest un cauchemar que cette absence a dĂ©clenchĂ©. En effet, plusieurs axiomes dĂ©coulent de la modification principale : 1) Les Ăąmes (ici synonymes de consciences) ne disparaissent jamais, ni ne trouvent le repos : elles restent confinĂ©es dans des corps qui continuent Ă vieillir, Ă se ratatiner, Ă pourrir. Exception : voir 2. 2) Si lĂaxe cïŹur-cerveau est sectionnĂ©, lĂĂąme sĂĂ©chappe du corps dĂ©sormais inerte et rĂ©ellement mort... et va se rĂ©fugier dans le corps vivant le plus proche. 3) ConsĂ©quence : plusieurs consciences peuvent coexister dans le mĂȘme corps.
TUER, UN ACTE DE BONTĂ
© Morvan et Bessadi / MC PRODUCTIONS
Le prolixe scĂ©nariste Morvan exploite avec jubilation et inventivitĂ© toutes les possibilitĂ©s quĂoffrent ces postulats dans une aventure qui trouve sa conclusion
ZORN & DIRNA, T.6 NOTRE PËRE QUI ÂŻTES ODIEUX
de Morvan, Bessadi et Lerolle, Soleil, 56 p. couleurs, 14,30 âŹ
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Une sorte de Tank Girl made in Russia donne son nom Ă ce 2e one-shot du Ăż label Ćž Bang. Excellente dĂ©couverte que ce livre qui ne respire pourtant pas la joie de vivre. Focus sur Ivan, flic Ă la ramasse, obnubilĂ© par Katinka, une barge / tueuse de retour aprĂšs des annĂ©es dĂobsession. Deveney dĂ©marre prĂšs du clichĂ© (le commissaire Sharko de Franck Thilliez nĂest pas loin de cet Ivan), mais Ă©volue vite vers plus dĂoriginalitĂ©. Godart a un trait riche (Improbable McKean, ou Muth, qui encrerait librement Christian Lax). Des corps tordus comme les Ăąmes des personnages, des couleurs sobres et sombres, pour un rĂ©cit qui nĂa quĂun dĂ©faut : un goĂ»t de trop peu.
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STALINE : la guerre de succession © Nury et Robin / DARGAUD 2012
Katinka, de Jean-Christophe Deveney et LoĂŻc Godart
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Akiléos, 64 p. couleurs, 14,25 ⏠PHILIPPE CORDIER
Dog, de Vincent Perriot Vincent Perriot sĂest fait remarquer avec TaĂŻga rouge (Dupuis) et Belleville Story (Dargaud). Ayant dĂ©butĂ© chez un tout petit Ă©diteur, il lui confie la publication de son nouveau livre, dont il est Ă la fois scĂ©nariste et dessinateur. Le livre est atypique : muet, cĂest une succession de pleines pages noir et blanc qui nous narrent les mĂ©saventures dĂun clochard Ă New York, rejetĂ© partout oĂč il passe. Avec un style spontanĂ© et nerveux, comme si De CrĂ©cy, Blutch et Larcenet avaient fumĂ© le mĂȘme gros pĂ©tard avant de dessinerâ
AprĂšs avoir mis en scĂšne la mort inattendue de Staline dans un premier tome rĂ©compensĂ© par le Prix du meilleur album Historia, Nury et Robin nous invitent aujourdâhui Ă ses funĂ©railles.
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n assistera donc Ă une cĂ©rĂ©monie grandiose, bien rĂ©pĂ©tĂ©e pour Ă©viter dĂĂ©ventuelles bĂ©vues, mais aussi Ă la surprise et au dĂ©sarroi des deux enfants de Staline. Le lecteur participera Ă©galement aux nombreuses intrigues des prĂ©tendants Ă la relĂšve de lĂHomme de Fer, Ă leurs alliances et Ă leurs trahisons. Favori disposant dĂune longueur dĂavance, Beria, le puissant chef du NKVD (police secrĂšte de lĂURSS) qui sĂĂ©tait emparĂ© des dossiers secrets de Staline, sera finalement Ă©vincĂ© Ă lĂinitiative de Khrouchtchev. Tout cela implique de longues discussions des membres du Politburo, mais les auteurs parviennent Ă rendre passionnants ces conciliabules Ă huis clos. Thierry Robin commente son travail : Ăż Dans une sĂ©quence de neuf pages, on voit huit personnes parler politique assis autour dĂune table. Il y avait dĂ©jĂ beaucoup dĂintensitĂ© dans les dialogues de Fabien. Je nĂavais jamais illustrĂ© une
Ăditions de la Cerise, 128 p. n&b, 19 ⏠MICHEL DARTAY
Les Ă©ditions Onapratut ont le goĂ»t dĂ©licat d'inaugurer une collection Alambic â au nom explicite â avec trois albums alcoolisĂ©s en format carrĂ©. Je suis bourrĂ©e mais je t'aime quand mĂȘme d'AnaĂŻs Blondet prĂ©sente en saynĂštes trash et rentrededans, une Gros DĂ©gueulasse au fĂ©minin, qui arrive parfois Ă mettre du bon sens dans une flaque de vomi ! Une cuite sinon rien de Fred Langout, largement autobiographique, met en scĂšne un dessinateur glandeur en Ă©briĂ©tĂ© assumĂ©e, mais aussi... des verres qui parlent ! Plus original, Monsieur Piche de Radi est une rĂ©Ă©dition des vignettes (souvent sous-titrĂ©es) de Monsieur Piche, sorte de parodie de MonsieurMadame dans un humour plus sage que les prĂ©cĂ©dents titres. De la potacherie qui tĂąche, Ă consommer sans modĂ©ration ! Onapratut, 112 p. n&b, 7 âŹ
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© Nury et Robin / DARGAUD 2012
Collection Alambic
telle scĂšne et jĂy ai pris beaucoup de plaisir. Et sans tricher (pas de vue de la façade avec une bulle qui sort dĂune fenĂȘtre !). Il a fallu choisir des cadrages diversifiĂ©s pour faire vivre la scĂšne, mais sans excĂšs non plus. Pour plus de clartĂ©, jĂai souvent dĂ» cadrer la personne qui parle : Beria pose une question et Khrouchtchev rĂ©pond. Mon maĂźtre dans ce domaine, cĂest Mankiewicz, qui a montrĂ© que lĂon pouvait ĂȘtre bavard sans jamais ĂȘtre ennuyeux. Ćž Thierry Robin sĂest passionnĂ© pour ce diptyque. Il explique ainsi son engouement : Ăż JĂavais de la famille communiste, il y avait mĂȘme un portrait de Staline dans le salon de mon grand-pĂšre. JĂavais comme projet une biographie de Staline, projet qui sĂest vite rĂ©vĂ©lĂ© trop Ă©norme. Ces deux livres sur sa mort et la lutte de succession sont un formidable portrait de cette sociĂ©tĂ©. JĂassume les espoirs quĂa eus ma famille aprĂšs-guerre, il y a eu, en France, une vraie tentative de changer la sociĂ©tĂ© dans un esprit de grande solidaritĂ©. Je comprends leur traumatisme quand on a dĂ©couvert que ces dirigeants Ă©taient tous des criminels de masse ou des psychopathes (saurat-on jamais combien Beria a violĂ© de gamines russes ? On a mĂȘme retrouvĂ© des ossements dans la cave de sa datcha), le tout dans un climat pesant de paranoĂŻa et de beuveries. Ćž Les auteurs ont respectĂ© la rĂ©alitĂ© des faits et des lieux. Le dessinateur prĂ©cise : Ăż JĂai accumulĂ© beaucoup de documentation sur le sujet (que je vais bientĂŽt ranger dans des cartons). Je pense que le ton de comĂ©die noire donnĂ© par Fabien passe mieux ancrĂ© dans un environnement authentique et prĂ©cis. On nous a reprochĂ©s de romancer, mais tous les Ă©vĂ©nements sont historiques, rapportĂ©s
par des tĂ©moins et mĂȘme filmĂ©s pour certains. Comme souvent, on ne peut faire mieux (ou pire) que la rĂ©alitĂ©, surtout quand on touche aux aberrations du systĂšme communiste. Ćž Les dialogues de Fabien Nury mettent bien en Ă©vidence lĂaspect Ăż langue de bois Ćž de la rhĂ©torique marxiste et de la dialectique communiste. Et lĂabsurditĂ© de ce rĂ©gime bureaucrate basĂ© sur la terreur est Ă©vidente. Toujours avec Fabien Nury, Thierry Robin prĂ©pare actuellement un nouveau projet sur la Russie de la fin de lĂĂ©poque tsariste, ce qui tĂ©moigne de lĂintĂ©rĂȘt des auteurs pour ce grand pays Ă lĂhistoire violente et tragique. JEAN-PHILIPPE RENOUX
LA MORT DE STALINE, T.2 FUNĂRAILLES
de Fabien Nury et Thierry Robin, Dargaud, 56 p. coul., 13,99 âŹ
© Canepa et Merli / MĂTAMORPHOSE
Le début de la fin «
This is the end Ćž, chantait de sa voix grave le roi lĂ©zard. Mais dans la BD qui nous intĂ©resse ici, de quoi parle-t-on au juste ? De la fin, traduction du mot end, ou de lĂagrĂ©gation des initiales de trois jeunes filles que sont Elisabeth, sa meilleure amie Nora et sa sïŹur Dorothea ? Un peu des deux en rĂ©alitĂ©. Le premier Ă©pisode du triptyque sĂattarde sur Elisabeth et ses trois animaux domestiques, un chat-serpent, un crapaud-araignĂ©e et une chauve-souris-poulet. Sur son terrible pouvoir quĂelle va devoir apprivoiser. Et surtout sur le fait que lĂadolescente est morte. Ou pas. Il faudra attendre la fin du troisiĂšme tome pour avoir toutes les informations de cette histoire Ă clefs. DĂici lĂ , on se laisse porter par lĂambiance inquiĂ©tante distillĂ©e par Barbara Canepa et les dessins somptueux rĂ©alisĂ©s
Ă quatre mains avec Anna Merli. Quelques questions dĂ©fricheront peut-ĂȘtre le terrain.
Zoo : End est une histoire assez Ă©sotĂ©rique. Quel est son propos ? Barbara Canepa : LĂhistoire, comme pour Skydoll, cĂest de comprendre pourquoi on est vivant. Dans Skydoll, lĂhĂ©roĂŻne est une poupĂ©e qui respire, qui vit, sans ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un ĂȘtre vivant. Dans End, Elisabeth a 13 ans. CĂest une ado. Ni une enfant ni une femme. Elle sent que son corps se transforme. Et elle dĂ©couvre quĂelle possĂšde un pouvoir monstrueux, celui de donner la mort. Et elle ne sait pas pourquoi. Elle est dĂ©jĂ Ă un moment traumatisant de la vie dĂune femme, et en plus, elle peut donner la mort. CĂest un pouvoir affreux, mais tout
© Canepa et Merli / MĂTAMORPHOSE
End, la nouvelle série de Barbara Canepa et Anna Merli, reprend les thÚmes chers à la créatrice de Skydoll dans une ambiance victorienne inquiétante à souhait. On se laisse entraßner avec délice dans ce labyrinthe.
le cheminement de cette jeune fille sera de comprendre que sans la mort, il ne peut pas y avoir la vie.
© Canepa et Merli / MĂTAMORPHOSE
Dans cet album, la peur est un des ressorts principaux. Quand on dĂ©couvre ce quĂest la mort, souvent Ă travers ses animaux domestiques ou ses grands-parents, cĂest un premier choc dans lĂenfance. CĂest pour ça que le premier tome se base beaucoup sur la peur. Dans les deux suivants, ça Ă©voluera.
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Il y a notamment cette scĂšne effrayante du cauchemar dĂElisabeth qui rĂȘve quĂelle se rĂ©veille dans un cercueil. CĂest un cauchemar que je fais souvent. Comme mon lit est placĂ© contre un mur, parfois je me retrouve face au mur, je le touche, je ne sais plus oĂč je suis. LĂ , cĂest la panique totale. DĂailleurs, dans cet album, qui nĂest pas pour autant autobiographique, jĂai mis toutes mes peurs.
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Cette thĂ©matique est quand mĂȘme trĂšs liĂ©e avec votre histoire personnelle. Mon pĂšre est mort dĂune leucĂ©mie quand jĂavais cinq ans. Et ma mĂšre nĂa pas osĂ© me le dire. Comme il Ă©tait commandant dĂun paquebot, elle me disait quĂil Ă©tait sur les mers. Elle a attendu mes neuf ans pour me lĂannoncer. Ăa mĂa beaucoup perturbĂ©e. Cette obsession de la mort et de lĂabandon ne mĂa jamais quittĂ©e. CrĂ©er des histoires de bande dessinĂ©e, cĂest une façon dĂĂ©vacuer ces angoisses. Et toujours avec cette ambiance victorienne que vous apprĂ©ciez beaucoup. Avec Anna, on aime beaucoup cette pĂ©riode qui produit des artistes comme Arthur Rackham, Edmond Dulac, John Bauer, les prĂ©-raphaĂ©lites. € cette Ă©poque, le romantisme sublimait la mort en reprĂ©sentant lĂextase. On en retrouve aussi lĂarchitecture avec les grandes verriĂšres, les monuments funĂ©raires du PĂšre Lachaise. Eh non, ce nĂest pas le PĂšre Lachaise, cĂest inspirĂ© du cimetiĂšre de GĂȘnes, le plus grand et le plus beau dĂEurope. CĂest un peu Ă lĂabandon, certaines tombes sont ouvertes, mais on peut le visiter. Il y a des monuments exceptionnels, dĂune taille gigantesque. Les tombes de lĂalbum existent vraiment. On a Ă©tĂ© sur place pour prendre des photos. Il y a aussi une grande place laissĂ©e Ă la nature. Mais une nature toujours un peu inquiĂ©tante. Pour moi, la nature est comme ça. TrĂšs belle mais Ă©galement effrayante. CĂest la nature qui domine lĂĂȘtre humain, et pas le contraire. LĂanimal le plus dangereux pour lĂhomme est un joli petit crapaud jaune dont la peau est recouverte dĂun des poisons les plus mortels, celui que les Jivaros utilisent pour chasser.
© Canepa et Merli / MĂTAMORPHOSE
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MĂ©fiez-vous, si vous rĂ©ussissez Ă Ă©vacuer toutes vos angoisses, vous allez finir par ne plus avoir dĂinspiration. Tout Ă fait. Je pense quĂaprĂšs Skydoll et End, jĂai terminĂ© la bande dessinĂ©e. Je voulais dire ça dans ma vie. Je lĂai fait dĂune maniĂšre un peu lĂ©gĂšre avec Skydoll, plus sombre avec End. Je suis allĂ©e au bout de mes intentions. AprĂšs, jĂaimerais me lancer dans lĂĂ©criture pour raconter mon histoire avec mon pĂšre. PROPOS RECUEILLIS PAR
THIERRY LEMAIRE
END ELISABETH
de Barbara Canepa et Anna Merli, Soleil, coll. MĂ©tamorphose, 56 p. coul., 13,99 âŹ
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FRANĂOIS SCHUITEN
DANS LE BON WAGON AprĂšs lâarchitecture et sa grandiose collection des CitĂ©s obscures, et 30 ans aprĂšs son Ă©pisode Le Rail avec Claude Renard, François Schuiten a choisi une locomotive peu banale comme sujet de son premier album comme auteur complet, mais aussi comme point de dĂ©part de dĂ©veloppements multiformes.
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LOCOMOTIVE RESCAPĂE Fruit de plus de deux ans dĂun travail ciselĂ© et pointilleux, rĂ©alisĂ© au crayon et plume Ă lĂencre de Chine, lĂalbum de 84 planches en noir et blanc, vivant et Ă©mouvant, prolonge lĂambiance des CitĂ©s obscures et ses mondes imaginaires. LĂ©o Van Bel est un vieux machinistemĂ©canicien sur la 12004, une locomotive quĂil connaĂźt par cïŹur. Or, un tĂ©lĂ©phĂ©rique Ă©lectrique doit remplacer le train et remiser les locomotives Ă la casse. Trop dur pour LĂ©o qui veut Ă©pargner Ăż sa Ćž Douce. Avec la complicitĂ© dĂElya, mystĂ©rieuse voleuse muette, il va tenter de sortir la loco-
© Manuel F. Picaud
n 2007, lĂartiste belge postule pour crĂ©er la scĂ©nographie de Train World, un nouveau musĂ©e du chemin de fer Ă Bruxelles. Il se rend Ă Louvain dans un hangar de la sociĂ©tĂ© de chemin de fer belge oĂč sont entreposĂ©s dĂanciens wagons et locomotives. Un engin lĂinterpelle aussitĂŽt. Ăż CĂĂ©tait magique de voir surgir cette machine qui appartient Ă la fois au passĂ© et au futur. Elle avait lĂair perdu comme une espĂšce de Belle au bois dormant qui ne demandait quĂĂ se rĂ©veiller. Ćž Conçue Ă partir de 1935, cette locomotive Ă vapeur aĂ©rodynamique, au joli carĂ©nage profilĂ©, est la seule rescapĂ©e de la sĂ©rie 12 construite en six unitĂ©s seulement. Selon la lĂ©gende, des cheminots auraient sauvĂ© de la ferraille le dernier exemplaire. SĂ©duit, le Grand Prix de la Ville dĂAngoulĂȘme 2002 imagine une histoire Ă©tonnante en son hommage. € la maniĂšre des machinistes de lĂĂ©poque, il lui donne un petit nom affectueux, La Douce.
FRANĂOIS SCHUITEN POSE DEVANT LA MYTHIQUE LOCOMOTIVE
motive de la ferraille. Au-delĂ de lĂhistoire, fort linĂ©aire sur le sauvetage du patrimoine industriel, François Schuiten Ă©voque, avec ses accents oniriques, cette indispensable transmission de savoir intergĂ©nĂ©rationnelle, son obsession dĂauteur.
RĂALITĂ AUGMENTĂE DĂune rencontre avec les Ă©quipes de Dassault SystĂšmes, sociĂ©tĂ© spĂ©cialisĂ©e dans les logiciels de conception 3D, naĂźt une curieuse extension de lĂalbum, qui pourrait sembler un gadget futile. Ăż JĂaurais aimĂ© que la locomotive sorte du livre tel un pop-up virtuel Ćž, imagine lĂartiste.
Les ingĂ©nieurs ont relevĂ© le dĂ©fi, en modĂ©lisant la locomotive et la traduisant dans le trait de François Schuiten. € partir de lĂ , ils vont permettre au lecteur, en se servant du livre devant leur webcam, de guider la locomotive, sous une musique angoissante de Bruno Letort, jusquĂĂ une surprise finale. Cette Ăż rĂ©alitĂ© augmentĂ©e Ćž, trĂšs fidĂšle au trait initial, accessible sur le site www.12-ladouce.com, est surprenante et ajoute une nouvelle dimension Ă la BD en prolongeant lĂĂ©merveillement du dessin et la complĂ©mentaritĂ© entre tradition et modernitĂ©.
mi-juin. Enfin, Ăż sa Douce Ćž sera la star du musĂ©e quĂil scĂ©nographie et dont lĂouverture Ă Schaerbeeck vient dĂĂȘtre confirmĂ©e pour 2014. Au final, François Schuiten signe une ïŹuvre originale, puissante et dense. MANUEL F. PICAUD
© François Schuiten / CASTERMAN 2012
DIVERSES EXPOSITIONS
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LĂartiste poursuit son travail de mĂ©moire en rĂ©alisant diverses variations. SĂil expose des planches originales dĂun trĂšs grand format Ă la Maison Autrique Ă Bruxelles jusquĂen novembre et Ă la vente Ă la Galerie 9e art Ă Paris en juin, il vend dĂautres tirages Ă Bruxelles Ă la librairie-galerie BrĂŒsel et des dessins sur des photos de Bruxelles de Marie-Françoise Plissart Ă la Galerie Champaka. Le chĂąteau de Vincennes accueillera dĂautres de ses ïŹuvres Ă Vincennes Ă partir de la
LA DOUCE de François Schuiten, Casterman, 88 p. couleurs 18 âŹ
zoom Une histoire en deux parties publiĂ©e de façon rapide dans lĂhebdo Spirou. La petite Marion accompagne sa mĂšre qui revient sĂĂ©tablir dans le village de ses grandsparents, tout prĂšs de la mer. Marion remarque des sculptures bizarres sur les rochers, et un ermite inquiĂ©tant habite dans le phare tout proche. Mention spĂ©ciale aux couleurs qui vous feront ressentir le contact de la houle et des embruns ! Une sĂ©rie atypique, oĂč les deux auteurs font preuve dĂune grande personnalitĂ©.
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ĂchappĂ©e(s) Belle(s) AprĂšs lâaudacieux challenge Sept, Delcourt dĂ©bute une nouvelle sĂ©rie concept dirigĂ©e par David Chauvel : La Grande Ăvasion. En effet, point de personnage rĂ©current, mais un thĂšme commun : de grands rĂ©cits dâĂ©vasion dans des contextes historiques et gĂ©ographiques variĂ©s. Lâaventure commence au Maroc Ă la ïŹn du XIXe siĂšcle⊠Biribi, par Ricard et Thomas © Guy Delcourt Productions â 2012
La MĂ©moire de lĂeau,T.1 et 2, de ReynĂšs et Vernay
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Dupuis, 48 p. couleurs, 12 ⏠MICHEL DARTAY
Bravo les Brothers, de Franquin Il sĂagit de lĂavantderniĂšre histoire (plutĂŽt quĂaventure) de Spirou et Fantasio imaginĂ©e par Franquin. LĂaction se dĂ©roule Ă la rĂ©daction du journal, oĂč Fantasio fait du journalisme, collĂšgue dĂun certain gaffeur qui offre ici un trio de singes de cirque Ă ses amis. Jannin a recolorisĂ© les pages, et lĂĂ©diteur nous propose la reprise des fac-similĂ©s des originaux de Franquin, dont la cote a rĂ©cemment dĂ©passĂ© en salle des ventes les 100 000 euros pour une couverture. Avec des commentaires Ă©rudits et prĂ©cis de Bocquet et Honorez !
Dupuis, 88 p. couleurs, 24 ⏠JEAN-PHILIPPE RENOUX
Le Livre des destins,T.5, La DerniĂšre Page, de Biancarelli et Le Tendre Depuis quĂil a mis la main sur un livre magique oĂč sa vie est racontĂ©e, le jeune Roman (un prĂ©nom prĂ©destinĂ©) traverse le monde au rythme de pĂ©ripĂ©ties effrĂ©nĂ©es. Les cinq tomes de la sĂ©rie, dĂ©sormais finie, sont un vibrant hommage Ă lĂaventure et aux figures de la culture populaire de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle : Peter Pan, Fritz Lang, Tintin, Howard Hughes, les premiers super-hĂ©ros (trĂšs rĂ©jouissant T.3). La valse des rĂ©fĂ©rences et des rebondissements peine cependant Ă convaincre totalement. Les ficelles sont trop grosses et le recours Ă une confrĂ©rie occulte trop facile. Biancarelli est un bon disciple de Rossi, mais son encrage un peu lĂąche eĂ»t mieux profitĂ© dĂun format plus petit.
Soleil, 48 p. couleurs, 13,95 ⏠VLADIMIR LECOINTRE
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iribi. Un terme Ă©trange qui dĂ©signait lĂensemble des bagnes de correction pour les rĂ©calcitrants de lĂarmĂ©e française dans les colonies dĂAfrique du nord. CĂest dans un de ces horribles camps, en 1898, que se dĂ©roule lĂhistoire du premier tome de La Grande Ăvasion. LĂinsurgĂ© corse Ange Lucciani dĂ©barque dans un univers terrible oĂč les tĂȘtes dures sont matĂ©es de main de fer par le chaouch La ChĂątaigne. SĂ©vices corporels, viols, isolement, chĂątiments, famine, humiliationsâ Tout est fait pour dĂ©grader les hommes au rang de bĂȘtes dociles. MalgrĂ© cette panoplie tortionnaire censĂ©e lĂasservir, lĂendurci Lucciani est bel et bien dĂ©cidĂ© Ă sĂĂ©chapper de cet enfer et Ă©chafaude un plan ingĂ©nieux avec des co-dĂ©tenus pour atteindre la mer, au-delĂ du dĂ©sert.
LA GOĂT IMPĂRIEUX DE LA LIBERTĂ LĂunivers carcĂ©ral est un sujet que connaĂźt bien le scĂ©nariste Sylvain Ricard (20 ans ferme, Dans la colonie pĂ©nitentiaire), Ă©galement habituĂ© aux histoires dĂhommes en lutte et en quĂȘte
dans des univers hostiles et Ăąpres (Banquise, Kuklos, Stalingrad Khronika). Il livre donc avec facilitĂ© un rĂ©cit acerbe oĂč le sang se mĂȘle dans la bouche au goĂ»t impĂ©rieux de la libertĂ©. Il sĂest adjoint les services du dessinateur Olivier Thomas, habituĂ© aux polars et aux rĂ©cits durs, qui offre des gueules aux chicots pourris, taillĂ©es dans la souffrance, et des corps endoloris, dans des paysages arides et caniculaires. Sang et eau.
Guerre froide (Tunnel 57) et en Sibérie (La Balade de Tilman Razine). La promesse de belles échappées. WAYNE
HUIT ĂVASIONS Biribi est le premier tome dĂune collection de huit fictions sur le thĂšme de la dĂ©tention, qui sĂĂ©talera jusquĂen janvier 2014, avec environ une sortie tous les deux mois, signĂ©es Denys, LeSaĂ«c, Palumbo, Kris, Jouvrayâ AprĂšs ce premier volume, la sĂ©rie nous emmĂšnera sur un terrain archĂ©ologique (Le Labyrinthe), dans lĂimmensitĂ© spatiale (Void 01), dans lĂunivers de la mafia new-yorkaise (Fatman), au cïŹur de la bataille de DiĂȘn BiĂȘn Phu (DiĂȘn BiĂȘn Phu), dans une ville-prison futuriste (Asylum), dans lĂAllemagne de la
LA GRANDE ĂVASION, T.1 BIRIBI
de Sylvain Ricard et Olivier Thomas, Delcourt, 64 p. coul., 14,95 âŹ
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Génération mal-logée !, de Yatuu
© Benoßt Feroumont / DUPUIS 2012
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enoĂźt Feroumont a commencĂ© sa carriĂšre dans lĂanimation avec des dessins animĂ©s trĂšs remarquĂ©s au festival belge Anima, Ă Annecy ou mĂȘme Ă Cannes. LĂun de ceux-ci (Dji vou veu volti, soit Je vous aime en patois de LiĂšge, visible sur Youtube) attira lĂattention du RĂ©dacteur en chef de Spirou qui lui passa commande dĂune sĂ©rie basĂ©e sur le mĂȘme thĂšme. Dans un petit royaume charmant, Ă lĂabri des guerres et conflits, oĂč le peuple ne souffre pas de disette et nĂest pas opprimĂ© par les impĂŽts, une jolie servante du roi se fait chasser du chĂąteau par une reine aussi jalouse quĂacariĂątre. Entreprenante et bonne cuisiniĂšre, elle ouvre donc une taverne. Le costaud du village, le forgeron François, Ă©prouve un profond sentiment pour Anne et multiplie les avances. Les bouquets de fleurs en mĂ©tal ne parviennent pas Ă sĂ©duire la belle, qui fait preuve dĂun sacrĂ© caractĂšre. Cette sĂ©rie est trĂšs agrĂ©able Ă lire, elle
En attendant l'aube,T.1, Les LumiĂšres de la ville, de Monier et Chabaud Tom passe son temps Ă observer les gens, la ville, la vie de sa fenĂȘtre, jusqu'au jour oĂč il aperçoit une mystĂ©rieuse jeune femme sur les toits. ObsĂ©dante, elle finit par l'inviter Ă la rejoindre... Un projet de longue haleine que concrĂ©tise enfin FrĂ©dĂ©ric Chabaud. Un rĂ©cit onirique, dans la veine de Broussaille, BD qui a influencĂ© le scĂ©nariste Ă©tant jeune. L'histoire est servie par un dessin Ăż carte Ă gratter Ćž numĂ©rique, original, dense et beau. Ce premier volet des aventures des contemplatifs nocturnes est une parenthĂšse sur la ville et on a hĂąte de voir quelles loufoqueries poĂ©tiques recĂšle ce voyage Ă la Alice.
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© Benoßt Feroumont / DUPUIS 2012
Poivre & Sel, 56 p. coul., 13,50 ⏠WAYNE
Tourbillon, 94 p. couleurs, 6,10 ⏠HĂLËNE BENEY
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ImaginĂ©e par BenoĂźt Feroumont, la sĂ©rie Le Royaume se dĂ©roule au Moyen Ăge comme Johan et Pirlouit. Mais ici, lâaccent est mis sur les relations sentimentales plus que sur la magie ou les conïŹits guerriers.
12bis, 90 p. couleurs, 13,90 ⏠OLIVIER PISELLA
Qui a dit que les enfants nĂavaient pas dĂhumour et encore moins, dĂhumour noir ? Pas AdĂšle en tous cas, qui du haut de ses trois pommes, balade son regard cynique et sa drĂŽlerie sur son quotidien ! Car la gamine nĂaime pas quĂon lui mente (dire quĂelle croyait avoir un bĂ©bĂ© lion et que cĂest un chat. Ha !), les choses tiĂšdes ou fades, les gens bĂȘtes, et passe son temps avec Magnus, son ami imaginaire mort sous la rĂ©volution. Cela donne de petits albums plus acerbes que Calvin et Hobbes et plus rigolos quĂEmily The Strange. Une sĂ©rie de gags simplement gĂ©niale !
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LE FORGERON AMOUREUX
AprĂšs avoir dĂ©noncĂ© la condition de stagiaire dans Moi, 20 ans, diplĂŽmĂ©e, motivĂ©e... exploitĂ©e !, Yatuu sĂattaque Ă lĂĂ©pineux problĂšme du logement Ă©tudiant. La jeune Videl (rĂ©fĂ©rence probable au personnage de DBZ, les rĂ©fĂ©rences au manga se retrouvent Ă©galement dans le dessin), vient dĂĂȘtre admise Ă lĂuniversitĂ© de Ăż la Borbonne Ćž. Elle va alors se confronter au chemin de croix que constitue la recherche dĂun logement dĂ©cent Ă prix correct. Une gageure, car les prix mentionnĂ©s (exorbitants) sont ceux de Paris. LĂalbum, bien que sympathique, ne nous apprend rien de nouveau sur le sujet et manque un peu de relief. On regrettera aussi le point dĂexclamation du titre qui Ă©voque davantage une fĂącheuse manie quĂune rĂ©elle indignation.
Mortelle AdĂšle,T.1 et 2, de Tan et Miss Pricklye
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renouvelle avec fraĂźcheur et humour le thĂšme mĂ©diĂ©val. Les personnages sont bien typĂ©s et toujours amusants, les dialogues lĂ©gers et enjouĂ©s, Ă la façon des meilleures sitcoms ou comĂ©dies thĂ©Ăątrales. Des petits oiseaux fort bavards expriment avec franchise leurs opinions. LĂalbum prĂ©sente une sĂ©rie dĂhistoires complĂštes qui permettront au moins Ă lĂinfortunĂ© François dĂapprendre les rudiments de la lecture et de lĂĂ©criture, Ă dĂ©faut de sĂ©duire sa belle. PubliĂ©e dans Le Journal de Spirou de façon rĂ©guliĂšre, la sĂ©rie est actuellement Ă©crite par MaĂŻa Mazaurette qui a prĂ©fĂ©rĂ© en faire une suite de gags en une planche.
3 QUESTIONS Ă BENOĂT FEROUMONT Le Royaume semble se concentrer sur la relation amoureuse de François et Anne. Ătait-ce prĂ©vu dĂšs le dĂ©part ? BF : Pas vraiment. Je voulais explorer le dĂ©cor du Royaume en compagnie de cette jeune servante exclue du chĂąteau. Anne rencontre François dĂšs le premier album et leur relation fut lĂoccasion de nombreuses histoires drĂŽles autour de ce couple improbable et impossible. Plusieurs histoires sont apparues avec pour seul but dĂanimer les pages du Journal de Spirou. Quelques unes de ces histoires courtes se suivaient, jĂai donc organisĂ© les choses pour que cela puisse tenir en un album cohĂ©rent centrĂ© sur cette relation. OĂč est situĂ© au juste ce joli Royaume ? Les murs des maisons Ă©voquent la France du Sud ou lĂItalie, plus que la Belgique ! Eh bien, dans ma tĂȘte, il est situĂ© en Toscane. Mais il est fortement influencĂ© par lĂarchitecture mĂ©diĂ©vale du sudouest de la France oĂč lĂon trouve de trĂšs beaux villages Ă ruelles. En dessinant
Le Royaume, je retrouve les sensations de mon enfance, quand je passais mes Ă©tĂ©s Ă la campagne, chez mes grands parents. Anne prend-elle du plaisir Ă repousser les avances de François ? Aucun, quoique des fois elle est un peu vache avec luiâ Elle aime bien François, cĂest sĂ»r. Mais François sĂy prend tellement mal avec elle ! Au lieu de lĂĂ©couter, il ne fait que lui imposer un mariage et tout ce qui sĂensuit. Elle est trop indĂ©pendante pour accepter de suivre ce projet trop Ă©vident que François lui propose. De cela elle nĂa pas besoin, ni envie. CĂest une femme qui veut sĂassumer par elle-mĂȘme. Tant que François ne comprendra pas cela, il nĂa aucune chance de lĂĂ©pouser. Et François nĂest pas bien malin. JEAN-PHILIPPE RENOUX
LE ROYAUME, T.4 VOULEZ-VOUS MĂĂPOUSER
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de BenoĂźt Feroumont, Dupuis, 48 p. coul., 10,60 âŹ
zoom Un grand nombre de personnages dont les parcours se croisent, une temporalitĂ© chamboulĂ©e, des dialogues sarcastiques ou dĂ©calĂ©s et une forte inclination pour la violence : tous les tenants du nĂ©o-polar posttarantinien sont bien en place. Los Angeles est une jungle oĂč les prĂ©dateurs dĂhorizons divers finissent toujours par se confronter. Rien de trĂšs audacieux dans cette sĂ©rie B, mais lĂĂ©quipe artistique â qui a bien assimilĂ© Paul Pope â sait installer le lecteur dans un divertissement confortable, notamment grĂące Ă une pointe de raccolage. Difficile toutefois de sĂintĂ©resser aux destins de personnages qui restent des archĂ©types peu convaincants.
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NI MIĂVRE, NI SOUMISE Depuis plus de 30 ans, Michel Weyland alimente avec constance la fantasy franco-belge avec la blonde Aria : un univers Ă la fois rassurant et Ăąpre, qui a connu quelques Ă©volutions. © Michel Weyland / DUPUIS
Blue Estate,T.2, de Victor Kalvachev
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Ankama, 80 p. couleurs, 13,90 ⏠VLADIMIR LECOINTRE
Fairy Quest,T.1, de Paul Jenkins & Humberto Ramos
MasquĂ©,T.2, Le Jour du fuseur, de Serge Lehman et StĂ©phane CrĂ©ty En se lançant dans la thĂ©matique du super-hĂ©ros, Serge Lehman et StĂ©phane CrĂ©ty avaient promis de tenir un rythme proche de celui des comics amĂ©ricains ; ce tome 2 arrive donc trĂšs peu de temps aprĂšs un premier opus fort rĂ©ussi. Dans cette suite, Brafford reprend conscience aprĂšs avoir Ă©tĂ© mis en contact avec lĂĂ©nergie mystique qui habite Paris. Pendant ce temps, un autre personnage vit le mĂȘme genre de mutation... Cette relecture du superhĂ©ros Ă la française est toujours aussi efficace, le mix dĂinfluences trĂšs bien menĂ© par les auteurs. La naissance Ă la fois du hĂ©ros et du vilain donnent Ă©videmment envie dĂen savoir immĂ©diatement plus.Vite, la suite !
Delcourt, 48 p. couleurs, 13,95 ⏠JOHN YOUNG
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croyait morts (T.33). Si un certain mysticisme infuse la sĂ©rie, elle est aussi traversĂ©e par des problĂ©matiques contemporaines. Les Ă©pisodes 30 et 31 se font ainsi clairement lĂĂ©cho des angoisses de lĂauteur face Ă lĂessor de lĂintĂ©grisme religieux. Quant au nouvel album, il met en scĂšne un serial killer nĂayant rien Ă envier Ă ceux des romans de Thomas Harris et face auquel la miĂšvrerie nĂest pas de mise. Ainsi, la sĂ©rie Aria apparaĂźt comme un refuge imaginaire utopique, un idĂ©al champĂȘtre et harmonieux, qui serait rĂ©guliĂšrement menacĂ© et envahi, mais tout aussi rĂ©guliĂšrement rĂ©Ă©quilibrĂ© et nettoyĂ©.
spontanĂ©itĂ© dans la crĂ©ation : Ăż CĂest un personnage que je dĂ©couvre au jour le jour. LorsquĂun enfant naĂźt, on ne sait pas ce quĂil va devenir. Ćž Un enfant, Aria ne tarde dĂailleurs pas Ă en avoir un (T.20 et 21, 1998-1999).
BLESSURES ET GUĂRISONS Son fils â Sacham â est atteint par une malĂ©diction, due aux eaux dĂun lac magique dans lequel elle Ă©tait jadis tombĂ©e (T.4, 1984 !). La peau du nourrisson est couverte dĂĂ©cailles et il connaĂźt une croissance accĂ©lĂ©rĂ©e : en quelques mois il a dĂ©jĂ la stature dĂun adolescent : Ăż Il Ă©tait Ă©vident pour moi quĂun jour Aria serait mĂšre... mais je me suis retrouvĂ© piĂ©gĂ© : je ne la voyais pas avec un bĂ©bĂ© et des casseroles, alors il fallait que je trouve une astuce pour que Sacham soit rapidement indĂ©pendant. Ćž LĂenfant dĂAria sera bientĂŽt guĂ©ri, grĂące Ă cette magie psychanalytique si particuliĂšre Ă lĂunivers de lĂauteur, oĂč lĂon exorcise en mĂȘme temps passĂ© et dĂ©mons. Autre blessure bientĂŽt rĂ©parĂ©e : Aria retrouve ses parents, dont elle avait Ă©tĂ© sĂ©parĂ©e petite et quĂelle
VĂRONICA ANTUNEZ et VLADIMIR LECOINTRE
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Glénat, 56 p. couleurs, 13,90 ⏠ALIX DE YELST
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orsquĂen 1979 Michel Weyland crĂ©e Aria pour Le Journal de Tintin, il cherche avant tout Ă se faire plaisir. Elle est une guerriĂšre sans attaches, libre et bien dans sa peau, Ă©voluant dans un univers fantastique dĂapparence mĂ©diĂ©vale riche dĂun bestiaire et de rites magiques forts inventifs : Ăż Aria rĂ©pond Ă un besoin dĂĂ©vasion, de sortir du bĂ©ton, de lĂacier, de la pollution... Cet univers me permet de dessiner la nature, des vĂȘtements et des maisons diffĂ©rentes. Ćž Pour lĂaspect de son hĂ©roĂŻne, lĂauteur nous dit sĂĂȘtre inspirĂ© tout dĂabord de la chanteuse du groupe Abba, Agnetha FĂ€ltskog, son visage ayant Ă©voluĂ© par la suite. Son caractĂšre aussi subira quelques inflexions. Dans le tome 18, VĂ©nus en colĂšre (1996), nous est dĂ©voilĂ© le viol quĂelle a subi adolescente. DĂ©sormais, son passĂ© aventureux nĂapparaĂźt plus comme le fruit dĂune nature curieuse, joviale et entreprenante, mais comme une fuite perpĂ©tuelle, consĂ©quence dĂun traumatisme. Cette Ă©volution ne fut pas anticipĂ©e par Michel Weyland, trĂšs adepte dĂune certaine
© Michel Weyland / DUPUIS
€ Bois-desContes, le tyrannique Grimm rĂ©git les faits et gestes des personnages : tout dans les contes doit se passer comme dans le script. Un seul mot dĂordre : ne variez pas ! CĂest sans compter la lassitude et lĂaspiration Ă la libertĂ© du Petit Chaperon Rouge, dĂ©terminĂ©e Ă libĂ©rer ses compatriotes du joug de Grimm et de ses histoires devenues des rĂŽles quotidiens et monotones. Avec lĂaide du Grand MĂ©chant Loup, elle part en quĂȘte du Vrai-Monde, un endroit mythique oĂč tous pourraient ĂȘtre libres. Aventure pour petits et grands patinĂ©e de fantasy, addictive et bien menĂ©e, Fairy Quest porte un regard original sur lĂenvers du dĂ©cor au pays des contes.
ARIA, T.34 LE VENTRE DE LA MORT
MICHEL WEYLAND
de Michel Weyland, Dupuis, 48 p. couleurs, 12 âŹ
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Ismahane,T.2, de Sasha et Girard Il y a des diptyques qui alternent le chaud et le froid. Le premier volume dĂIsmahane, sur fond de Guerre du Liban, dĂ©crivait la jeunesse de cette jeune fille musulmane, Ă©levĂ©e dans un village relativement Ă©pargnĂ© par le conflit. LĂespoir dominait. Dans ce second tome, cĂest le malheur qui prend toute la place. De retour de France avec Malek, un cousin dont elle est tombĂ©e amoureuse, Ismahane assiste Ă lĂenterrement de son pĂšre. Ce nĂest que le premier dĂune cascade dĂĂ©vĂ©nements dramatiques. Toujours bercĂ© par lĂarriĂšre-plan politique du Liban, le rĂ©cit relie intelligemment lĂĂ©preuve au sein dĂune famille Ă la grande Histoire et donne des clefs pour mieux comprendre les mentalitĂ©s.
IL ĂTAIT UNE FOIS
DANS LE NORD
Les Enfants rouges, 96 p. n&b, 16,50 ⏠THIERRY LEMAIRE
Dans mon open space, T.4,Variable dĂajustement, de James
Dargaud, 48 p. couleurs, 11,99 ⏠MICHEL DARTAY
La TraversĂ©e du Louvre, de David Prudhomme LĂauteur dĂ©ambule dans les galeries du musĂ©e du Louvre. Il cherche Jeanne et, accessoirement, lĂinspiration pour son livre surâ Le Louvre. Il devient acteur de son rĂ©cit, pour mieux multiplier les angles dĂobservation. GrĂące Ă lui, notre ïŹil suit autant David que les ïŹuvres, que les spectateurs. Malin. Et brillant. Que Prudhomme soit lĂun des meilleurs dessinateurs actuels, cĂest un fait. Mais le voici roublard, jouant avec nous de notre (in)culture, sans nous juger. Celui qui attrape des rĂ©fĂ©rences artistiques (nombreuses) sera flattĂ©, mais qui ne les voit pas, ou les ignore, aura passĂ© un moment magique, guidĂ© par un as de la haute voltige armĂ© de son seul crayon et de couleurs pastel.
Futuropolis, 80 p. couleurs, 16 ⏠PHILIPPE CORDIER
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Lâheroic fantasy, souvent dĂ©criĂ©e par quelques aristocrates de la bande dessinĂ©e dâauteur, connaĂźt plusieurs rĂ©ussites dâenvergure. Tout le monde a en tĂȘte La QuĂȘte de lâoiseau du temps (premier cycle), Thorgal, Conan, ou plus rĂ©cemment lâexcellent Servitude. Dufaux et Aouamri se lancent aujourdâhui dans une Ă©popĂ©e trĂšs prometteuse avec Saga Valta.
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aga Valta dĂ©bute de façon classique. Valgar et Astridr fuient devant les armĂ©es dĂun beaupĂšre rendu furieux par une union quĂil nĂa pas souhaitĂ©e. Mais la princesse sur le point dĂaccoucher doit stopper sa course pour donner naissance Ă son enfant. Alors que les hordes qui les poursuivent sont sur le point de les rattraper, Valgar dĂ©cide de sĂenfuir seul dans la forĂȘt des arbres morts, un lieu malsain qui abrite le repĂšre dĂune crĂ©ature dangereuse rĂ©pondant au nom dĂOgerth-le-sinueux. Pendant que Valgar perd les soldats dans cet enfer vĂ©gĂ©tal et quĂil panse ses blessures, Astridr et son fils sont ramenĂ©s de force sur les terres paternelles. Jusque-lĂ le dessin et le scĂ©nario semblent se situer Ă la croisĂ©e de La QuĂȘte de lĂoiseau du temps et de la geste de Thorgal. La poursuite dans les bois plus particu-
© Aouamri et Dufaux / LE LOMBARD
Dargaud propose une compilation de ces gags dĂune demi-page publiĂ©s dans lĂhebdo de news Ă©conomiques Challenge. James y dĂ©peint sa vision de la vie dĂentreprise, Ă©tayĂ©e par une expĂ©rience de prĂšs de 20 ans dans ce milieu fĂ©roce. Les animaux remplacent les humains, leur apparence se donne les traits de leur fonction. Si les gags sont rarement hilarants, il y a beaucoup de justesse dans les situations. Quelques bonnes idĂ©es sont insuffisamment traitĂ©es, comme lĂarrivĂ©e dĂun couple dĂauditeurs, ou dĂun commercial atypique. LĂalbum passionnera les amateurs de psycho-sociologie dĂentreprise !
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Photo : Catherine Lambermont / DARGAUD © 2002 / DARGAUD
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© Aouamri et Dufaux / LE LOMBARD
JEAN DUFAUX
liĂšrement Ă©voque les grandes heures de Bragon et PĂ©lisse. Mais la suite des pĂ©ripĂ©ties de Valgar nous entraĂźne vers quelque chose de diffĂ©rent. Le hĂ©ros, qui dĂ©sire faire valoir ses droits, sĂempresse de trouver un alliĂ© en la personne de Skarperdinn. Ce seigneur, qui est sur le point de guerroyer contre Sörr-le-dĂ©chirĂ©, a besoin dĂun avis Ă©clairĂ© pour dĂ©faire les crĂ©atures sanguinaires qui servent dĂavantgarde Ă son ennemi. Valgar, grĂące Ă sa science de la guerre, devient rapidement le favori dĂun Skarperdinn tout aurĂ©olĂ© de sa victoire contre son rival. Mais Hildegirrd-aux-courts-cheveux, la femme de ce dernier, nourrit ses propres projets. Parmi ceux-lĂ , il y a la conquĂȘte du cïŹur de Valgar.
de plus devient un jeu de dupes complexe oĂč tous les personnages doivent composer avec leur part dĂombre. DĂšs lors, le scĂ©nario de Jean Dufaux sĂĂ©mancipe de ses rĂ©fĂ©rences pour trouver sa propre voie, mĂȘme si sa Complainte des landes perdues est Ă elle seule un classique du genre. Mohamed Aouamri parvient lui aussi Ă se dĂ©marquer en soignant les arriĂšre-plans, la profondeur et les ambiances, chose que la fantasy nĂavait pas connue depuis le Conan de Sal Buscema â rien que ça. LĂorchestration des regards par le dessinateur ainsi que certaines tensions scĂ©naristiques rappellent par instant les fameux duels du western spaghetti pendant lesquels les yeux se cherchent avant que les colts fassent parler la poudre. Or, le premier volume de Saga Valta est bel est bien un round dĂobservation tendu qui augure dĂun dĂ©chaĂźnement Ă venir. Pas Ă©tonnant que Mohamed Aouamri cite Il Ă©tait une fois la RĂ©volution parmi ses films prĂ©fĂ©rĂ©s. En dĂautres mots, Saga Valta apporte un langage et un ton nouveau Ă la fantasy. KAMIL PLEJWALTZSKY
LES SOUFFRANCES DU JEUNE VALGAR € partir de ce moment, Saga Valta se transforme en une aventure dĂ©senchantĂ©e : les bonnes intentions de Valgar cĂšdent devant les charmes dĂHildegirrd, et les rĂȘves de vengeance deviennent soudainement moins impĂ©rieux. Ce qui nĂĂ©tait alors quĂune Ă©popĂ©e
SAGA VALTA, T.1 de Jean Dufaux et Mohamed Aouamri, Le Lombard, 56 p. couleurs, 14,45 âŹ
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Marc Chalvin, lĂauteur des strips des Fous que Zoo publie rĂ©guliĂšrement, sĂoffre une sorte dĂHappy Sex aux Ă©ditions de La Musardine : des gags en une ou deux planches sur la sexualitĂ©, un peu moins crus que ceux de Zep cependant. Tour Ă tour drĂŽles, fins, sensibles et toujours bien sentis, ces sketches flirtent parfois avec lĂabsurde, inclinaison qui fait la patte de lĂauteur. On retiendra notamment une divagation hilarante sur un pĂ©nis qui fait de la lumiĂšre. Que Marc Chalvin ne se / nous prive surtout pas dĂun deuxiĂšme tome dans la mĂȘme veine.
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La radioactivitĂ© REFAIT DES SIENNES Si la radioactivitĂ© a permis Ă Spider-Man dâacquĂ©rir des super-pouvoirs, sur le petit tigre Grrreeny elle a eu pour effet de le changer de couleur. Il est devenu vert... en colĂšre et Ă©colo. © Midam, Adam, Netch, Patelin, Thitaume et Araceli Cancino - MAD FABRIK 2012
Libido Blues, LĂun dans lĂautre on sĂen sort, de Marc Chalvin
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La Musardine, 48 p. couleurs, 12,90 ⏠OLIVIER PISELLA
RevoilĂ Popeye, collectif 70 ans aprĂšs la mort de son crĂ©ateur Segar, le marin mal embouchĂ© amateur dĂĂ©pinards est tombĂ© dans le domaine public en Europe, et le petit Ă©diteur Onapratut lui dĂ©die un Ă©pais volume. On retrouve dans cette compilation dĂhistoires complĂštes et de gags quelques noms connus : Fred Neidhardt, Thibaut SoulciĂ©, Caritte, Saive et Wayne. Tous les auteurs concernĂ©s semblent sĂĂȘtre amusĂ©s Ă la reprise de cet univers brutal et sans pitiĂ©. Un peu de gauloiserie, mais pas de façon systĂ©matique ! Les jeunes auteurs revisitent ce monument, et le modernisent avec recueillement.
Onapratut, 176 p. n&b, 22 ⏠MICHEL DARTAY
OĂBoys,T.3, Midnight Crossroad, de Colman et Cuzor. Fin du cycle au Mississippi en 1935. Le jeune Huck Finn arrive Ă Memphis oĂč il espĂšre bien retrouver son ami, guitariste afro-amĂ©ricain trĂšs douĂ©. Dans les clubs de la ville convergent tous ceux qui veulent se faire un nom dans le blues, mais Huck ne sĂattend pas Ă la rĂ©alitĂ© quĂil dĂ©couvrira. Dessin magnifique de Cuzor, dans la lignĂ©e des meilleurs Blueberry du regrettĂ© Giraud (il semble quĂil travaille actuellement Ă un spin-off de XIII). Le scĂ©nario de Colman est assez sombre, la sĂ©grĂ©gation sĂajoutait Ă la rĂ©cession.
Dargaud, 54 p. couleurs, 13,99 ⏠MICHEL DARTAY
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l est vert et, comme Hulk, il nĂest pas content ! On a polluĂ© son lac, on a manquĂ© de respect Ă son environnement, les braconniers arpentent sa forĂȘt : le petit tigre Grrreeny, nouvelle crĂ©ature de Midam, a de quoi se plaindre. Minute, minute, on a dit Midam ? Le crĂ©ateur de Kid Paddle et Game Over, le gars qui voulait ĂȘtre camionneur, aime les monstres et envoie ses jeunes personnages voir des films au titre gore tel que La Cervelle est vivante ? Ce Midam-lĂ , qui se range dans un discours politiquement correct et trĂšs en vogue avec un petit personnage mignonâ ?! Ăa y est, la cinquantaine approche et il nous fait une crise fleur bleue ? Araceli Cancino, son Ă©pouse et associĂ©e dans la maison dĂĂ©dition Mad Fabrik, a Ă©laborĂ© ce projet conjointement avec lui et se montre trĂšs engagĂ©e dans le suivi et le dĂ©veloppement de cet univers : Ăż Grrreeny est tout sauf correct ou gentillet â DĂabord, il sĂintĂ©resse Ă lĂĂ©cologie parce quĂil a eu ce fameux accident [il a nagĂ© dans un lac
polluĂ© par la radioactivitĂ©, NDLR] qui lĂa rendu vert. Sans cet Ă©vĂ©nement, il nĂaurait probablement pas eu un intĂ©rĂȘt particulier pour le sujet. Comme Kid Paddle, Grrreeny a un cĂŽtĂ© assez trash. Il faut rappeler quĂil tue les trafiquants dĂanimaux qui osent sĂaventurer dans sa rĂ©serve. Mais contrairement Ă Kid Paddle, Grrreeny est encore un bĂ©bĂ© et il a ce cĂŽtĂ© mignon propre aux jeunes fĂ©lins. Le plus important est que Grrreeny nĂest pas omniscient. Il se pose des questions, cherche des solutions Ă sa portĂ©e, commet des erreurs de comprĂ©hension et nĂa pas un discours catastrophiste sur lĂenvironnement. Ćž PrĂ©publiĂ© dans la presse en Belgique dĂšs sa crĂ©ation en 2009, le petit tigre vert est devenu la mascotte du magazine Wapiti il y a deux ans. Un livre pĂ©dagogique et ludique avec ce personnage, Les Carnets de Grrreeny, avait paru en 2010. Vert un jour, vert toujours nĂen est pas la suite, mais bel et bien une BD, 48 pages de gags par Midam et deux autres scĂ©naristes, Thitaume et Patelin, avec le fidĂšle Adam en support au dessin, ainsi que Netch. Le format est donc moins Ăż pĂ©dagogique Ćž, mĂȘme si les informations reportĂ©es sont toujours correctes. Ăż Notre façon dĂaborder lĂĂ©cologie est dĂ©ter-
minĂ©e par les caractĂ©ristiques propres Ă lĂunivers Grrreeny. Ce nouvel album est une BD dont le but est de faire rire Ćž, conclut Araceli Cancino. CAMILLA PATRUNO
GRRREENY, T.1 VERT UN JOUR, VERT TOUJOURS
de Midam, Adam, Netch, Patelin, Thitaume et Araceli Cancino, Mad Fabrik, 48 p. couleurs, 10,95 âŹ
zoom Ănorme succĂšs des Ă©ditions Delcourt avec plusieurs centaines de milliers dĂexemplaires vendus, il nĂest donc pas Ă©tonnant de voir surgir une spin-off aux LĂ©gendaires avec cette sĂ©rie Origines. Le premier tome, DanaĂ«l, raconte la jeunesse du hĂ©ros Ă©ponyme devenu Faucon dĂargent comme son pĂšre avant lui. Ne sachant pas comment ĂȘtre Ă sa place dans lĂarmĂ©e de son frĂšre, le jeune homme va vivre de grandes aventuresâ On pourrait se dire quĂil y a lĂ un beau coup commercial, ce serait dĂ©nigrer la sincĂ©ritĂ© de Patrick Sobral dans les aventures de ses personnages. On la retrouve dans cette suite qui ne dĂ©mĂ©rite pas. Les fans seront ravis et en redemanderont Ă coup sĂ»r !
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La fin des temps Lâempire AztĂšque sâest effondrĂ© en emportant avec lui le secret dâun trĂ©sor inestimable. MĂȘme sous la torture, le dernier empereur CuauhtĂ©moc, pas plus quâaucun des grands prĂȘtres, ne se rĂ©signĂšrent Ă trahir ce qui devait appartenir pour toujours Ă Kukulcan. De lĂ naissent les lĂ©gendes⊠© Dufaux et Xavier / GLĂNAT 2012
Les Légendaires Origines,T.1, Danaël, de Patrick Sobral et Nadou
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Delcourt, 48 p. couleurs, 10,95 ⏠JOHN YOUNG
Lloyd Singer,T.7, de Luc Brunschwig et Olivier Martin Ăż Oh non ! Ils ont changĂ© de dessinateur ! Ćž, commence-t-on par penser en feuilletant lĂalbum. Certes, Olivier Martin souffre un peu de se couler dans les pas dĂOlivier Neuray, mais dĂšs que lĂon sĂinstalle dans la lecture, toute mauvaise impression disparaĂźt. Le scĂ©nariste Luc Brunschwig maintient son thriller sur les sommets de la narration en ne cessant de le renouveler. Dans ce dĂ©but de troisiĂšme cycle, Lloyd et les siens semblent sĂenfoncer dans les tĂ©nĂšbres, tandis que la lumiĂšre se fait sur le refoulĂ© familial. Creuser la fragilitĂ© de celui qui incarnait la force et la sĂ©rĂ©nitĂ© est la grande idĂ©e de cette sĂ©rie. Angoissant et trĂšs rĂ©ussi, malgrĂ© une maquette de couverture toujours atroce.
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ette nouvelle sĂ©rie signĂ©e Jean Dufaux et Philippe Xavier se dĂ©roule pendant un intervalle de la conquĂȘte du Mexique par Herman CortĂšs. Ce dernier, accusĂ© par Diego VelĂĄzquez de CuĂ©llar de sĂ©dition et de dĂ©sobĂ©issance, se voit contraint dĂintercepter une expĂ©dition dirigĂ©e contre lui. Face Ă lĂurgence de la situation, il dĂ©cide de laisser derriĂšre lui une garnison dĂune centaine dĂhommes Ă Tenochtitlan, la capitale de lĂempire AztĂšque. LĂempereur Moctezuma II, qui y siĂšge, commence Ă ĂȘtre sensible aux rumeurs selon lesquelles ces hommes venus de lĂEst ne sont pas les Teules1 dont parlent les lĂ©gendes. Ses propres conseillers ainsi que des Ă©missaires de Pedro de Alvarado le pressent de faire exĂ©cuter ces usurpateurs qui, par ailleurs, ont outrepassĂ© les ordres du roi dĂEspagne. Oczu, grand prĂȘtre en charge des sacrifices, devine que CortĂšs convoite le trĂ©sor impĂ©rial. Il propose de mettre Ă lĂĂ©preuve la loyautĂ© de ce
Grand Angle, 48 p. couleurs, 13,90 ⏠VLADIMIR LECOINTRE
Alors quĂAlex est un ado timide qui nĂose pas dĂ©clarer sa flamme Ă la jolie Leila et cumule les petites hontes au lycĂ©e, son grand-pĂšre (ancien agent secret) disparaĂźt. Toute la famille (et Leila) va alors plonger dans une Ă©trange affaire dĂespionnage, oĂč le courage va sĂavĂ©rer ĂȘtre une qualitĂ© indispensableâ et hĂ©rĂ©ditaire ! Lançant la collection Bdkids Okapi (nouveau label fait dĂaventures grand format pour les 10-15 ans), cette chouette sĂ©rie mĂȘle humour et action sur une toile de fond abordant des problĂ©matiques ados.
Bayard, 56 p. couleurs, 9,95 ⏠HĂLËNE BENEY
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© Dufaux et Xavier / GLĂNAT 2012
Espions de famille,T.1, Bons baisers de papy, de Gaudin et Ronzeau
dernier en fomentant un piĂšge. Et en effet, pour acheter la clĂ©mence du Roi, CortĂšs demande Ă un groupe dĂaventuriers de pĂ©nĂ©trer dans la chambre du trĂ©sor pour sĂemparer dĂune partie de ses richesses pendant quĂil est occupĂ© avec les troupes de Pedro de Alvarado. Conquistador raconte lĂĂ©chec de cette entreprise et la fuite dĂ©sespĂ©rĂ©e dĂHernando Del Royo dans la jungle.
PIRATES OU CONQUISTADORS ? Le scĂ©nario profite des zones dĂombre qui Ă©maillent la colonisation espagnole des AmĂ©riques pour dĂ©velopper une intrigue oĂč lĂaventure cĂŽtoie fantastique et rĂ©alitĂ©s historiques. Le tout est servi par la mise en images remarquable de Philippe Xavier qui exalte le climat dĂĂ©trangetĂ© du rĂ©cit. Jean Dufaux force le respect pour sa crĂ©ativitĂ© et ses ressources inĂ©puisables en matiĂšre de scĂ©nario, ce qui ne lĂempĂȘche pas de faire de temps Ă autres des choix contestables. Dans Conquistador, on relĂšve en effet que les principaux protagonistes sont trĂšs stĂ©rĂ©otypĂ©s et dĂ©tonnent par rapport au contexte historique. On imagine mal, par exemple, quĂHerman CortĂšs ait pu confier la responsabilitĂ© dĂune attaque contre les AztĂšques Ă une femme. Une femme forte en gueule qui collectionne les amants et manie lĂĂ©pĂ©e aussi habilement quĂun bretteur. Quant Ă ses compagnons dĂarmes, on a plus ou moins le sentiment de les avoir croisĂ©s au hasard des diffĂ©rents volets de Pirates des CaraĂŻbes.
MalgrĂ© ce bĂ©mol, la sĂ©rie saura transporter un public large, et notamment les amateurs dĂaventures Ă la Jack Sparow. KAMIL PLEJWALTZSKY
c Rendez-vous page 43 pour gagner des exemplaires de Conquistador T.1 1 Demi-dieux venant du royaume des morts, situĂ© Ă lĂEst par delĂ la grande mer. Les Teules, selon la lĂ©gende, devaient revenir parmi les AztĂšques au moyen de grands navires pour amorcer la fin des temps. Chez les AmĂ©rindiens du sud, la couleur de peau des non-morts Ă©tait dĂ©crite comme pĂąle.
CONQUISTADOR, T.1
de Jean Dufaux et Philippe Xavier, GlĂ©nat, Hors Collection, 64 p. couleurs, 14,95 âŹ
zoom Pas facile de parler des derniers moments de son pĂšre. Pietro Scarnera a choisi la sobriĂ©tĂ© pour dĂ©crire cinq longues annĂ©es pendant lesquelles le sien est restĂ© dans un Ă©tat vĂ©gĂ©tatif aprĂšs un arrĂȘt cardiaque. Le sujet est lourd, mais le traitement sans pathos de lĂexpĂ©rience Ă©prouvante de lĂauteur permet au lecteur de ne pas ĂȘtre accablĂ©. DĂun point de vue graphique, prioritĂ© est aussi donnĂ©e Ă la lĂ©gĂšretĂ© : le dessin oĂč le blanc domine est juste rehaussĂ© de quelques aplats gris, pas de cases tracĂ©es, des personnages sans fioritures, pas dĂeffets. Le rĂ©cit reste poignant et aborde, en filigrane, le problĂšme de lĂeuthanasie. Une maniĂšre Ă©mouvante de traiter la relation pĂšre-fils.
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« Tu peux pas comprendre ! » © Merwan / DARGAUD 2012
Journal dĂun adieu, de Pietro Scarnera
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ĂĂ & LĂ , 80 p. n&b, 13 ⏠THIERRY LEMAIRE
Pas facile de lancer une organisation secrĂšte subversive. Comment recruter des coconspirateurs tout en restant secret ? Comment dĂ©marcher des clients potentiels tout en restant discret ? Les deux protagonistes, Grand Un (il est petit) et Petit Deux (il est grand) vont en faire lĂexpĂ©rience au travers de ces gags en une planche qui fleurent bon la nostalgie et lĂinnocence. Nos deux rebelles en herbe sont en fait totalement inoffensifs et apprennent le mĂ©tier sur le tas (dĂennuis). Le tout par un vĂ©tĂ©ran du dessin, du design graphique, du multimĂ©dia et autres arts Ă©tranges. Une bouffĂ©e dĂair frais, sans prĂ©tention et drĂŽle.
Poivre & Sel, 56 p. couleurs, 14 ⏠EGON DRAGON
Les Schtroumpfs de lĂordre, de Jeroen de Coninck, Alain Jost et Thierry Culliford De bisbilles entre voisins en incivilitĂ©s rĂ©pĂ©tĂ©es, le Grand Schtroumpf entend ramener le calme dans le village en instaurant des rĂšgles que le Schtroumpf Ă lunettes, Ă©paulĂ© de Schtroumpf costaud â les Schtroumpfs de lĂordre â, veilleront Ă faire respecter. Trop zĂ©lĂ©s, ceux-ci devront dĂ©masquer le saboteur dĂune foire qui tourne au vinaigre. LĂunivers confortable crĂ©Ă© par Peyo est respectĂ© Ă la lettre dans cette aventure qui sĂavĂšre ĂȘtre une agrĂ©able surprise, aprĂšs de rĂ©cents rĂ©cits Ă la limite de la trahison. Joliesse du trait, rebondissements finement amenĂ©s, clin dĂïŹil au Schtroumpfissime et habile dĂ©nonciation du tout rĂ©pressif, un album schtroumpfement emballant.
Le Lombard, 48 p. couleurs, 10,60 ⏠GERSENDE BOLLUT
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Non, tu ne peux pas comprendre si tu nâas pas eu 20 ans et toutes ces sortes de choses que cet Ăąge apporte. Tout devient drame Ă 20 ans, et la relativitĂ© nâest encore quâune thĂ©orie bien abstraite. Penchons-nous avec indulgence sur cette pĂ©riode oĂč tout nâest quâĂ©motions.
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oici le deuxiĂšme volet de cette trilogie consacrĂ©e Ă des morceaux choisis de vies de jeunes adultes. Il nĂy aura pas de rĂ©elles surprise pour celui qui a accrochĂ© au tome 1, il continuera Ă suivre avec intĂ©rĂȘt ces moins de 30 ans en construction. Les hommes de ce livre sont plutĂŽt au second plan, cĂ©dant la place Ă nos trois amies Violette, HĂ©lĂšne
et Lila, observĂ©es de façon plus linĂ©aire que dans le tome 1 (puisque cette fois, les rencontres ont toutes dĂ©jĂ eu lieu). Colocation, amours, galĂšres, trahison, famille, fac, jobsâ tout y passe. Un microcosme Ă la loupe. Le lecteur allergique Ă la Ăż nouvelle scĂšne BD Ćž et Ă son Ă©conomie (apparente) de moyens, restera Ă la porte dĂune histoire ancrĂ©e dans le quotidien le plus Ăż banal Ćž.
© Merwan / DARGAUD 2012
Les Conspirateurs,T.1, DĂ©sorganisation secrĂšte, de Pascal Thivillon
CĂŽtĂ© dessin, Ă©vacuons dĂoffice le sujet qui doit revenir rĂ©guliĂšrement aux oreilles de cet auteur : ok, cĂest sĂ»r, il y a du Bastien VivĂšs (et de la palette graphique) dans ce trait, mais on ressent plus des influences communes quĂautre chose. Pas de plagiat. Avec un format plus court, la frustration existerait sans doute car un style graphique minimaliste et un faible nombre de pages ne font pas bon mĂ©nage pour un sujet de ce type. Cependant, sur la longueur, ça tient plutĂŽt bien la route. La narration est dĂ©compressĂ©e, lorgnant plus du cĂŽtĂ© de Taniguchi que vers la frĂ©nĂ©sie de certains comics, mais cĂest cohĂ©rent avec le thĂšme. On est Ă des annĂ©es lumiĂšre de la grande aventure, sauf si votre idĂ©e dĂun souffle Ă©pique rĂ©side dans le suspense insoutenable consistant Ă savoir si Lila couchera, encore, avec le mec dĂune copine, ou si HĂ©lĂšne saura faire fonctionner le four. Mais Merwan est un auteur malin, et pour nous accrocher il joue sur la durĂ©e, des expressions efficaces et des dialogues qui sonnent assez justes (sans faire trop Ăż djeuns Ćž Ă la mode).
Petite interrogation sans grande importance : quelle est la cible visĂ©e par Le Bel Ăąge ? Le jeune ado / adulte concernĂ© qui vit quelque chose de proche ? Le quadragĂ©naire nostalgique de sa jeunesse perdue (façon Klapisch et son Auberge espagnole), ou juste le lecteur Ăż branchĂ© Ćž ? AprĂšs lecture on peut ĂȘtre tentĂ© de se dire Ăż tout ça pour ça ? Ćž mais on a suivi lĂhistoire, et on se demande ce qui va arriver ensuite aux personnages. Bien jouĂ©, donc. Le plus bel Ăąge ? Pas sĂ»r. Mais pas le plus inintĂ©ressant non plus. PHILIPPE CORDIER
LE BEL ËGE, T.2 TERRITOIRE
de Merwan, Dargaud, 72 p. couleurs, 14,99 âŹ
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LâENFER APRĂS LâENFER Lunes birmanes, par Sophie Ansel et Sam Garcia © Guy Delcourt Productions â 2012
Vivre en Birmanie est souvent un calvaire. Mais sâen Ă©chapper est encore plus douloureux. Avec Lunes birmanes, Sophie Ansel et Sam Garcia dressent un tableau qui fait froid dans le dos.
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oulever un coin de voile est parfois aussi salutaire que terrifiant. De ses longs sĂ©jours en Birmanie, en Malaisie et en ThaĂŻlande, Sophie Ansel nĂa pas seulement rapportĂ© des photos de voyage, elle a aussi accumulĂ© des rencontres inoubliables, des tĂ©moignages bouleversants. La situation politique de la Birmanie, rebaptisĂ©e Myanmar par la dictature, nous la connaissons grĂące Ă la mĂ©diatisation du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi. LĂabsence de libertĂ© dĂexpression, les exactions rĂ©pĂ©tĂ©es des militaires, les emprisonnements arbitraires oĂč la torture est la rĂšgle rythment la vie des Birmans depuis des dĂ©cennies. Rien de nouveau malheureusement sous le soleil des rĂ©gimes totalitaires. LĂexpĂ©rience de Sophie Ansel en Asie du Sud-Est rĂ©vĂšle toutefois une partie trĂšs peu connue et bien plus sombre du malheur birman.
DE CHARYBDE EN SCYLLA On pourrait croire en effet que les Birmans qui parviennent Ă quitter le pays, au prix de risques insensĂ©s et engraissant au passage des passeurs sans scrupules, sont tirĂ©s dĂaffaire, tirĂ©s
dĂenfer. Il nĂen est rien. Ce qui les attend en ThaĂŻlande, et surtout en Malaisie, est encore plus ahurissant. Ăchapper aux rĂ©seaux de vendeurs dĂesclaves est dĂ©jĂ une premiĂšre prouesse. Une fois arrivĂ©s Ă destination, rĂ©fugiĂ©s dans des campements de fortune dans la forĂȘt ou des squats urbains, les plus chanceux travaillent au noir, exploitĂ©s sans vergogne. ConsidĂ©rĂ©s comme des parias, ils sont traquĂ©s pour ĂȘtre parquĂ©s dans des camps insalubres oĂč les brimades physiques sont monnaie courante et les dĂ©cĂšs quotidiens. € travers Lunes birmanes, une histoire romancĂ©e qui par moment penche un peu trop vers le catalogue des horreurs, Sophie Ansel met en lumiĂšre ce chemin de croix des aspirants Ă la libertĂ©. Salutaire et terrifiant. THIERRY LEMAIRE
LUNES BIRMANES de Sophie Ansel et Sam garcia, Delcourt, coll. Mirages, 208 p. couleurs, 22,95 âŹ
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Si différentes et pourtant si proches
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ertes, Ă premiĂšre vue, on pourrait penser que les hĂ©roĂŻnes de ces deux sĂ©ries nĂont pas grand chose en commun. DĂabord, je le reconnais, leurs influences musicales ne sont pas tout Ă fait sur la mĂȘme longueur dĂonde. Violette, la chanteuse et contrebassiste du groupe Grrrl, est Ă fond dans le rockabilly, alors que Tank Girl ne jure que par le MC5, Funkadelic, les Cars ou Praxis (humâ cĂest ce qui sĂappelle des goĂ»ts Ă©clectiques). Et puis, il faut bien en convenir, lĂopposition entre les deux jeunes femmes concerne aussi lĂapparence. LĂune est voluptueuse et trĂšs fĂ©minine, lĂautre est punk et un brin garçon manquĂ©. Enfin, et ce nĂest pas le moins important, leur vie sentimentale diverge de maniĂšre assez remarquable. Le petit ami de la premiĂšre est chanteurcompositeur dans le mĂȘme groupe quĂelle, celui de la seconde est unâ euhâ kangourou nommĂ© Booga. Mais tout ce qui les sĂ©pare nĂest rien Ă cĂŽtĂ© de ce qui les rĂ©unit.
FONCER TĂTE BAISSĂE CĂest au fin fond de lĂĂąme quĂil faut plonger pour y dĂ©couvrir leur lien secret. Le mĂȘme caractĂšre fort, la mĂȘme volontĂ© de prendre sa vie en main, le mĂȘme goĂ»t pour foncer tĂȘte baissĂ©e, le mĂȘme optimisme 34
© François Amoretti / ANKAMA
© Alan Martin et Jim Mahfood / ANKAMA
Oh les ïŹlles, oh les ïŹlles, elles me rendent marteau. Chez Ankama, on les prĂ©fĂšre RockânâRoll avec Burlesque Girrrl et Everybody loves Tank Girl, deux albums aux accents fĂ©ministes qui dĂ©potent.
en lĂavenir. Avec pour chacune de ces Thelma et Louise du neuviĂšme art des audaces qui façonnent les grandes victoires personnelles. Pour Violette, cĂest dĂabord lĂacceptation de ses rondeurs et la rĂ©solution de surmonter sa peur en sĂeffeuillant sur la scĂšne dĂun spectacle de burlesque. CĂest ensuite la dĂ©cision de jouer pour la premiĂšre fois devant les autres membres du groupe un morceau de son cru. Oublier sa timiditĂ© donne Ă Violette le curieux pouvoir de toucher le cïŹur de ceux qui lĂentoure. Ăa donne Ă rĂ©flĂ©chir. Pour Tank Girl, qui est plutĂŽt du genre Ă se la couler douce et Ă pencher du mauvais cĂŽtĂ© de la loi, la timiditĂ© nĂest pas vraiment un problĂšme. CĂest plutĂŽt son impulsivitĂ© qui pourrait lui causer quelques soucis commeâ perdre la vie par exemple. Heureusement quĂelle peut compter sur son kangourou dĂamoureux, toujours lĂ pour surveiller ses arriĂšres avec son gros calibre. Comment choisir entre la douce Violette et lĂimpĂ©tueuse Tank Girl, deux amazones sur le fil du rasoir ? La vie de bĂ©dĂ©phile est parfois dure, mais comme le dit si justement Booga, Ăż si lĂunivers Ă©tait entiĂšrement fait de caoutchouc, jamais personne ne se ferait mal. Ćž THIERRY LEMAIRE
c BURLESQUE GIRRRL
de François Amoretti, Ankama, 64 p. couleurs, 11,90 âŹ
c EVERYBODY LOVES TANK GIRL dĂAlan Martin et Jim Mahfood, Ankama, Label 619, 80 p. couleurs, 12,90 âŹ
zoom Un samedi soir, un jeune homme et une demoiselle se rencontrent en boĂźte de nuit, puis couchent ensemble. Une fois lue cette phrase, vous savez absolument tout de lĂhistoire. Non, rien dĂautre Ă signaler. Ah si. Des QR Codes (assez laids dans la mise en page soit dit en passant) parsĂšment les pages de cet album. LancĂ©es en janvier dernier, les Ă©ditions BookBeo veulent en effet faire du Ăż livre hybride Ćž. Alors on sĂexĂ©cute et, muni de son smartphone, on scanne les QR Codes pour avoir accĂšs Ă du contenu additionnel : ce que pensent les protagonistes, mini-clips sommairement animĂ©s, etc. LĂ encore, on reste stupĂ©fait devant lĂindigence de ce qui nous est proposĂ©. Si lĂidĂ©e de combiner BD et multimĂ©dia recĂšle un quelconque potentiel, alors BookBeo nous en fait la dĂ©monstration en creux.
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LES CHEMINS
DE LA PERDITION La saga de Cassio commence lĂ oĂč celle de Jules CĂ©sar sâest achevĂ©e : par les quatre coups de couteau que lui ont assenĂ©s ses meurtriers. En exhumant son tombeau, lâarchĂ©ologue Ornella Grazzi tente, plus de 18 siĂšcles plus tard, dâĂ©lucider le mystĂšre qui aurĂ©ole ce crime. © Desberg et ReculĂ© / LE LOMBARD 2012
Samedi soir, dimanche matin, de Ninon et JĂ©rĂŽme DĂAviau
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BookBeo, 36 p. n&b, 12 ⏠OLIVIER PISELLA
Zarla,T.4, Rage, de Janssens et Guilhem Zarla est une petite blonde qui sĂhabille comme AstĂ©rix : tresses blondes, pantalon rouge, casque Ă cornes, Ă©pĂ©e sur le cĂŽtĂ©. Elle vit dans un monde fantastique oĂč les chiens se transforment en bull-guerriers, silhouettes humaines Ă tĂȘte de chien. Heureusement, il y a beaucoup dĂhumour, de rythme et de tendresse dans le scĂ©nario de Janssens, et Guilhem sĂacquitte plutĂŽt bien du dessin. TĂ©mĂ©raire, Zarla est incapable de quoi que ce soit. Heureusement, son fidĂšle chien Hydromel la protĂšge grĂące Ă son talent de transformiste.
Dupuis, 48 p. couleurs, 10,60 ⏠MICHEL DARTAY
Les Insectes en BD, de Vodarzac, Cazenove et Cosby Les petites bĂȘtes Ă six pattes, deux antennes et quatre ailes, ça vous embĂȘte ? CĂest que vous nĂavez pas lu cet album ! Non seulement vous y apprendrez Ă dĂ©couvrir le vrai et le faux du monde des insectes, mais le tout en riant franchement. Chaque planche de gag revient avec humour et dynamisme sur une espĂšce (sur les trois millions existantes !), tordant souvent le cou aux idĂ©es reçues. Et en cette pĂ©riode prĂ©-estivale, rien de ce qui gratte, pique, dĂ©mange ne vous sera plus Ă©tranger.Vous ne vous gratterez plus par hasardâ
Bamboo, 48 p. couleurs, 10,60 ⏠HĂLËNE BENEY
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TU QUOQUE ANTINOĂ...
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es quatre premiers tomes de Cassio dĂ©masquent un Ă un les assassins du jeune orateur romain Ă travers les documents que rassemble lĂarchĂ©ologue. Le lecteur passe donc dĂune Ă©poque Ă lĂautre et suit deux intrigues Ă la fois, car certains talents de Cassio nourrissent la convoitise de plusieurs de nos contemporains. Des documents attestent non seulement des prĂ©dispositions du hĂ©ros comme guĂ©risseur, mais aussi de lĂexistence de remĂšdes miraculeux mis au point par lui. La grande originalitĂ© de la sĂ©rie, cĂest cette narration Ă double temps. La reconstitution et le dĂ©cryptage des textes autour de Cassio fonctionnent comme une sorte dĂenquĂȘte policiĂšre partant dans la direction du crime politique, et qui rĂ©vĂšlent par la suite des intrigues plus troubles. Stephen Desberg exploite le contexte historique et fait intervenir, par exemple, Marcion et les premiers chrĂ©tiens dissidents pour mĂątiner lĂintrigue dĂun parfum de complot. Il dĂ©livre au pas-
sage une explication tout Ă fait intĂ©ressante quant Ă lĂorigine de lĂantisĂ©mitisme. Le scĂ©nariste sĂamuse en outre Ă faire planer le doute sur lĂidentitĂ© et les motivations profondes des assassins de Cassio. LĂun dĂentre eux, notamment, nĂa aucune raison apparente de participer Ă la conjuration ; tout lĂintĂ©rĂȘt Ă©tant de dĂ©couvrir au fil des volumes les causes de son revirement.
premiers, on peut espĂ©rer que Cassio ait amorcĂ© un retour dans le droit chemin quĂest celui de la simplicitĂ©. KAMIL PLEJWALTZSKY
POIGNARD OU STRANGULATION ? Les trois premiers tomes de la sĂ©rie sĂ©duisent par leur efficacitĂ© et offrent une immersion dans une Rome antique quelque peu diffĂ©rente des pĂ©plums habituels. Les choses se gĂątent en revanche avec le quatriĂšme volume, aussi touffu quĂempruntĂ©. Les pages autrefois aĂ©rĂ©es se retrouvent soudainement investies par un encombrement de cases trop bavardes. Heureusement, le cinquiĂšme tome revient vers de meilleures dispositions et une trame policiĂšre plus convaincante. MĂȘme si ce nouvel opus nĂatteint pas tout Ă fait la qualitĂ© des trois
CASSIO, T.5 LE CHEMIN DE ROME
de Stephen Desberg et Henri ReculĂ©, Le Lombard, 48 p. couleurs, 12 âŹ
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Recette du Saint à la sauce stigmates © Chiavani / FUTUROPOLIS 2012
Ătre miraculĂ©, ce nâest pas toujours une bĂ©nĂ©diction⊠Surtout quand la religion sâen mĂȘle et compte proïŹter de lâĂ©vĂ©nement providentiel pour galvaniser le peuple !
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omme la plupart des dessinateurs italiens Ă©pris de bande dessinĂ©e qui cherchent Ă vivre de leur art en Italie, Lorenzo Chiavini a dĂ©marrĂ© sa carriĂšre en travaillant pour les parutions Walt Disney locales, le magazine Topolino ou le Journal de Mickey. Et comme la plupart des dessinateurs italiens qui veulent exprimer une ïŹuvre plus personnelle et moins formatĂ©e, Chiavini a fini par sĂexiler en France, en espĂ©rant y trouver un public plus rĂ©ceptif Ă son art. AprĂšs PĂ©nĂ©lope et Marguerite, un premier album publiĂ© aux Enfants rouges, Chiavini sĂinstalle Ă AngoulĂȘme, en rĂ©sidence Ă la Maison des auteurs. LĂ , il dĂ©marre un nouveau projet : Furioso.
© Chiavani / FUTUROPOLIS 2012
AU NOM DE DIEU
Moyen Ëge, au temps des croisades. La population dĂune ville de la chrĂ©tientĂ© connaĂźt la disette. Au cours dĂun office religieux, une sainte relique, la lance utilisĂ©e pour blesser le Christ aux cĂŽtes lorsquĂil Ă©tait sur la croix, glisse des mains de lĂĂ©vĂȘque qui la brandit. Elle tombe sur la foule et blesse superficiellement un anonyme, chasseur de rats de son mĂ©tier, lui provoquant une blessure semblable Ă celle du Christ. Toute la foule prĂ©sente crie au miracle, et voilĂ
notre homme promu au rang de Saint et bientĂŽt dĂ©signĂ© comme le Paladin capable de mener les armĂ©es chrĂ©tiennes Ă la victoire. De quoi effrayer les MahomĂ©tans, dans le camp adverse ? Oui, car si lĂIslam ne dĂ©signe pas de Saints, il apprĂ©cie lui aussi les miracles et les faveurs divines. Il sĂagirait donc de trouver un Ă©lu dĂAllah Ă opposer Ă ce Paladinâ Comment les hommes utilisent le nom de Dieu, ou celui dĂAllah, pour servir leur quĂȘte de pouvoir ou leurs intĂ©rĂȘts politiques ; voilĂ le thĂšme de ce livre, rĂ©alisĂ© dans un graphisme trĂšs actuel, relĂąchĂ© mais plein dĂassurance, quelque part entre le style dĂOlivier Jouvray, de Frank Bourgeron et celui de Dupuy et Berberian. JĂRĆME BRIOT
FURIOSO de Lorenzo Chiavini, Futuropolis, 136 p. couleurs, 18 âŹ
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LâATTAQUE DE Thriller psychologique, Conductor propose de mener lĂenquĂȘte Ă lĂintĂ©rieur de la tĂȘte dĂune jeune flĂ»tiste obsĂ©dĂ©e par lĂimage dĂun crĂąne, alors quĂune momie sans tĂȘte a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans son conservatoire. Chaque journĂ©e de lĂenquĂȘte est racontĂ©e sous lĂangle des diffĂ©rents protagonistes, lĂhĂ©roĂŻne, son psy, son petit ami, le flic, la copine trop jolie pour ĂȘtre honnĂȘte â dans un drĂŽle de mĂ©lange entre MPD-Psycho et Nodame Cantabile !
LA FEMME DE 50 PIEDS Lorna est une de ces productions foutraques dont Roger Corman1 avait le secret Ă la ïŹn des annĂ©es 50. Lâauteur, BrĂŒno, mise sur la dĂ©rision et le rythme endiablĂ© de sĂ©quences qui visitent Ă peu prĂšs tous les genres du cinĂ©ma bis. Mais est-ce sufïŹsant pour faire un bon album ? © BrĂŒno / GLĂNAT 2012
Conductor,T.3, de Manabu Kaminaga et Nokiya
Ki-oon, 208 p. n&b, 7,65 ⏠BORIS JEANNE
Horus, le petit roi, de LiliOum A. LĂAmoulen et Moureau Horus, le prince faucon Ă lĂïŹil protecteur et sacrĂ©, est encore tout petit mais il se prĂ©pare dĂ©jĂ Ă prendre un jour la relĂšve de son pĂšre, le roi des dieux, Osiris. Cependant, sur les rives du Nil, dĂAnubis (dieu chacal), son demifrĂšre, Ă Seth (dieu des tempĂȘtes), son oncle, les autres dieux convoitent son trĂŽneâ En plus dĂune jolie histoire, les auteurs nous offrent en fin dĂalbum une vĂ©ritable prĂ©sentation de lĂĂgypte ancienne, ses mythes et ses coutumes, Ă travers des pages bonus ludiques et instructives. Chouette !
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© BrĂŒno / GLĂNAT 2012
Charonne-Bou Kadir, de Jeanne Puchol
Tirésias, 92 p. n&b, 12,20 ⏠THIERRY LEMAIRE
SHOCK !!
Ă©sumer Lorna en quelques lignes nĂest pas chose simple, tant il sĂagit dĂune coursepoursuite narrative un peu absurde. Cela commence avec un quidam qui semble partager quelques gĂšnes avec lĂespĂšce arachnide, et cela se termine par un combat entre une femme gĂ©ante et notre brave homme du dĂ©but qui, entre temps, a bĂ©nĂ©ficiĂ© des effets secondaires dĂun mĂ©dicament permettant de dĂ©velopper lĂappareil reproductif masculin. Dans lĂintervalle, on fait la connaissance dĂune star du porno trĂšs sollicitĂ©e, dĂun extraterrestre pingouin, dĂun chercheur revanchard et dĂun militaire qui ferait mieux dĂy regarder Ă deux fois avant de presser la gĂąchette.
BrĂŒno fait partie de ces auteurs qui, Ă lĂinstar du truculent Guillaume Griffon2, ne se lassent pas de rendre hommage Ă tout un pan de la culture populaire longtemps mĂ©prisĂ© par une certaine critique. LĂauteur sĂexprime Ă travers un univers narratif unique et fait preuve de beaucoup dĂinventivitĂ©. Il ne se contente pas de citer ou dĂĂ©numĂ©rer.
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Ankama, 56 p. couleurs, 14,90 ⏠HĂLËNE BENEY
La manifestation contre lĂOAS du 8 fĂ©vrier 1962, la foule chargĂ©e par la police, les morts qui sĂentassent dans lĂescalier du mĂ©tro Charonne, Jeanne Puchol avait une bonne raison dĂen parler puisque sa mĂšre vĂ©cut lĂĂ©vĂ©nement de lĂintĂ©rieur, en Ă©chappant au pire, un peu par chance. En mĂ©langeant souvenirs, tĂ©moignage de ses parents, citations dĂĂ©poque et allĂ©gorie, Jeanne Puchol dresse le bilan des deux derniĂšres annĂ©es de la Guerre dĂAlgĂ©rie. Soutenu par des noirs profonds, le rĂ©cit se focalise sur la vague de violence gĂ©nĂ©rĂ©e par lĂOAS et le FLN en mĂ©tropole, et dĂ©crit en dĂ©tail le dĂ©roulement de la manifestation. Une bonne façon de prendre connaissance du massacre de Charonne.
HORROR !
TERROR !!! AujourdĂhui, Ăż hĂ©las Ćž serait-on tentĂ© dĂĂ©crire, il est de bon ton de porter au pinacle tout et nĂimporte quoi. La mode est au kitsch, au Bollywood navrant et Ă lĂart populiste plutĂŽt que populaire. En marge des productions qui assument dĂ©libĂ©rĂ©ment leur filiation au Ăż genre Ćž, viennent se greffer dĂautres qui utilisent la citation pour combler un manque Ă©vident de talent. Plus grave, il y a peu est apparu une forme dĂaristocratie au sein de cette tendance. Pour donner un cĂŽtĂ© chic Ă ce pan de la culture jusque-lĂ infrĂ©quentable, elle a fait appel Ă un anglicisme vierge de toute connotation. Tout le monde a entendu ce terme dĂ©clinĂ© Ă toutes les sauces. CĂest le mot Ăż vintage Ćž.
FRENZY !!!! Le danger, pour une pochade tout aussi brillante soit-elle comme lĂest Lorna, est dĂĂȘtre amalgamĂ© dans cette nĂ©buleuse dĂïŹuvres indigentes. LĂ ou le Ăż vintage Ćž sĂĂ©vertue Ă diviser les
lecteurs entre initiĂ©s et profanes, le rĂ©cit accommodĂ© par BrĂŒno vise Ă rassembler autour dĂune Ă©vocation festive. Il suffit pour cela de se laisser entraĂźner par les pĂ©ripĂ©ties improbables de la femme de 50 pieds et de ne pas bouder le plaisir simple du divertissement. KAMIL PLEJWALTZSKY
RĂ©alisateur et producteur de nombreux films de Ăż genre Ćž dont la trĂšs cĂ©lĂšbre Petite Boutique des horreurs. 2 Auteur de lĂexcellent Apocalypse sur Carson City (AkilĂ©os). 1
LORNA de BrĂŒno, Treize Ătrange, 160 p. bichromie, 17,25 âŹ
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© Hubert et Zanzim / GLĂNAT 2012
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Vivre aprĂšs la mort :
un pari compliquĂ© ! Quand on parle de vie aprĂšs la mort, mĂȘme si des milliers de scĂ©narios peuvent ĂȘtre envisagĂ©s, le fait est que lâon pense le plus souvent Ă la rĂ©incarnation. Mais câest sans compter lâimagination dâHubert et de Zanzim, qui revisitent le mythe du zombie.
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os deux auteurs auraient pu surfer sur le succĂšs du zombie moderne, dont les critĂšres sont parfaitement dĂ©finis (un physique repoussant, une envie insatiable de chair fraĂźche et une propension Ă pousser des cris gutturaux), mais il nĂen est rien. Ce type de mortvivants, qui fait fureur depuis une quarantaine dĂannĂ©es dans les films de Georges Romero, les jeux vidĂ©o Resident Evil, ou encore plus rĂ©cemment dans Walking Dead (BD chez Delcourt et sĂ©rie TV), ne fait pas lĂunanimitĂ© chez Hubert et Zanzim, qui ont dĂ©cidĂ© de sĂattaquer dans Ma vie Posthume Ă une vision plus intimiste de cette lĂ©gende. Il est vrai quĂEmma Doucet nĂest pas un zombie ordinaire. Vieille femme aigrie en apparence mais possĂ©dant un cïŹur fougueux et tendre, notre protagoniste se replonge avec nostalgie dans sa folle jeunesse. ParallĂšlement Ă ces flashbacks romantiques, Emma cherche Ă comprendre les circonstances de sa mort et rĂ©apprend Ă vivre en tant que morte-vivante. ÂŻtre un zombie avec une conscience, cĂest loin dĂĂȘtre simple. Certes, on pourrait dire quĂaprĂšs les vampires qui brillent au soleil, on nous propose des zombies possĂ©dant une Ăż Ăąme Ćž et que cela dĂ©na-
ture la lĂ©gende. Et pourquoi pas ? AprĂšs tout, ce type de revenants tire ses origines de la magie vaudou et leurs images sont trĂšs Ă©loignĂ©es de lĂidĂ©e moderne quĂon sĂen fait. Enfin, cĂest avec beaucoup de lĂ©gĂšretĂ© et dĂhumour quĂHubert et Zanzim abordent ce sujet, et ils le font bien. Sans parler de la qualitĂ© graphique, qui en fait une valeur sĂ»re. AUDREY RETOU
MA VIE POSTHUME, T.1 NE M'ENTERREZ PAS TROP VITE
de Hubert et Zanzim, GlĂ©nat, coll. 1000 feuilles, 48 p. couleurs, 12,25 âŹ
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Wunderwaffen,T.1
Fraction
FreakAngels,T.6
Crime SuspensStories,T.1
Restons calmes !
de Richard D. Nolane et Maza, Soleil, 56 p. couleurs, 14,30 euros
de Shintaro Kago, IMHO, 210 p. n&b, 18 euros
de Warren Ellis et Paul Duffield, Le Lombard, 144 p. couleurs, 16 euros
collectif, Akiléos, 208 p. n&b, 26 euros
de Soledad Bravi, Casterman, 119 p. couleurs, 14,25 euros
ls sont 12 (six filles et six es Ă©ditions AkilĂ©os Ăuchronie est une Ăero-guro, vous garçons) et ils ont des poursuivent leurs I L spĂ©culation cĂ©rĂ©brale connaissez ? Ce genre L L super-pouvoirs. Alors quĂils rĂ©Ă©ditions des Ăż E.C. Ă©tablie Ă partir dĂaltĂ©rations littĂ©raire qui mĂȘle Ă©rotisme
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elon une rĂ©cente enquĂȘte Ipsos, prĂšs S de six Français sur dix
de la rĂ©alitĂ© historique. Delcourt en a fait la sĂ©rie Jour J, bien aprĂšs les Ă©diteurs amĂ©ricains qui, avec What if ? pour Marvel et les Elseworlds pour DC, avaient inaugurĂ© ce genre en BD. LĂ , cĂest Soleil qui sĂy met. Nolane, le scĂ©nariste de FĂ©lix Molinari pour la sĂ©rie Tigres volants, imagine un 1946 oĂč les Nazis auraient repoussĂ© le dĂ©barquement amĂ©ricain en Normandie grĂące Ă des avions plus sophistiquĂ©s. LĂensemble peut faire penser aux albums Paquet, qui ont dĂ» servir de ligne de mire. Un accent particulier est mis sur les combats aĂ©riens. Les couleurs informatisĂ©es donnent un certain panache Ă lĂensemble, rĂ©alisĂ© par un dessinateur bosniaque sans doute trĂšs heureux de travailler pour le porteur marchĂ© franco-belge. Il y a beaucoup de cases Ă©troites en panoramique, trĂšs jolies ! Un pilote trĂšs douĂ©, patriote sans ĂȘtre nazi, se fait dĂ©corer par le sinistre FĂŒhrer qui ressent son manque dĂenthousiasme, et lĂexpĂ©die sur le front roumain oĂč lĂespĂ©rance de vie des pilotes, mĂȘme excellents, est rĂ©duite Ă quelques semaines. Goebbels et Goering y apparaissent dĂune façon qui occulte leurs principaux travers personnels (obsession sexuelle ou mĂ©galomanie), il suffit de regarder Inglourious Basterds de Tarantino ou de chercher sur Wikipedia pour sĂen convaincre. Dommage quĂune certaine complaisance (involontaire ?) nous semble sĂĂ©chapper de ce curieux album.
(ero) et Ă©pouvante (dans guro il faut entendre gore) aurait Ă©tĂ© crĂ©Ă© par le grand maĂźtre japonais du roman policier Edogawa Ranpo. Certains auteurs de manga se sont spĂ©cialisĂ©s dans ce style, comme Junji Ito, Suehiro Maruoâ ou Shintaro Kago, qui aprĂšs ses Carnets de massacre revient chez IMHO avec Fraction. En apparence, il sĂagit de lĂhistoire dĂun serial killer surnommĂ© Ăż le tronçonneur Ćž par les journaux, un psychopathe dont le rituel criminel consiste Ă sĂ©duire des jeunes femmes pour ensuite les dĂ©couper en deux. LĂaffaire passionne et terrorise le public, et dĂ©clenche une sorte de mode Ă Tokyo, ce qui attise la fureur et la paranoĂŻa du meurtrier. Mais les apparences sont trompeuses, et le premier convaincu en est Shintaro Kago lui-mĂȘme. LĂauteur se met en scĂšne dans ce rĂ©cit, et explique comment lĂhistoire quĂil raconte lui donne envie dĂarrĂȘter lĂeroguro pour se lancer dans les histoires Ă Ă©nigmesâ Il sĂensuit un rĂ©cit fascinant par ses mises en abyme, une vĂ©ritable leçon sur la puissance des images, lĂusage du trompe-lĂïŹil en bande dessinĂ©e et tout un discours sur lĂart et la maniĂšre de manipuler le lecteur. La dĂ©monstration est impeccable, on se croirait furtivement dans un chapitre des ouvrages thĂ©oriques de Scott McCloud (LĂArt invisible, chez Delcourt)... Le rĂ©cit se conclut par une interview dĂanthologie et quelques nouvelles courtes mais trash.
Ă©taient adolescents, ils ont provoquĂ© lĂapocalypse. Depuis, ils reconstruisent un Ăźlot de civilisation au sein de Londres dĂ©vastĂ©e. DĂabord distribuĂ©e gratuitement sous la forme dĂun webcomic (six planches par semaine), cette crĂ©ation des Anglais Warren Ellis et Paul Duffield joue pleinement la carte du feuilleton. LĂaction, concentrĂ©e sur quelques jours, sĂĂ©tire pourtant sur plus de 800 pages et trouve sa conclusion dans ce sixiĂšme tome. Cette lenteur permet de bien comprendre les personnages et leur environnement. Whitechapel, quartier Ă©mergĂ© au sein dĂune capitale Ă demi engloutie, fait figure dĂĂźle sur laquelle survivent des naufragĂ©s. Variation steampunk du mythe de Robinson, FreakAngels colporte Ă©galement sa dose de rĂȘve et dĂutopie : quand presque tout a Ă©tĂ© dĂ©truit, tout est Ă rebĂątir, avec la possibilitĂ© dĂassainir les fondations mises Ă nu. Ainsi, ce feuilleton met en scĂšne de jeunes hĂ©ros amenĂ©s Ă se poser des problĂšmes de gestion politique. Leur position sĂapparente Ă celle dĂun gouvernement rĂ©volutionnaire arrivĂ© au pouvoir et devant gĂ©rer les consĂ©quences dĂune guerre civile. Si vous ajoutez Ă cette originalitĂ© thĂ©matique la richesse des interactions entre les protagonistes et lĂhumour des dialogues, vous obtenez un des rĂ©cits postapocalyptiques les plus rĂ©jouissants de ces derniĂšres annĂ©es.
Comics Ćž (comics dĂhorreur des annĂ©es 50) avec deux nouveaux titres : Tales From The Crypt et Crime SuspensStories. Si beaucoup connaissent le premier, le second ne bĂ©nĂ©ficie pas de la mĂȘme aura. Dans lĂesprit de beaucoup, E. C. Comics est la rĂ©fĂ©rence en matiĂšre dĂĂ©pouvante, puisque de nombreux gĂ©ants ont attestĂ© de lĂinfluence de ces rĂ©cits sur leur propre travail (David Cronenberg, George Romero, Stephen King, Frank Millerâ). Crime SuspensStories est pourtant tout aussi crĂ©atif et truculent que son grand frĂšre. Alors comment expliquer ce manque de reconnaissance ? LĂune des raisons est que le fantastique estampillĂ© E. C. crĂ©e Ă lui tout seul un genre nouveau qui est lĂĂ©pouvante. Les rĂ©cits policiers quant Ă eux font partie depuis longtemps du paysage culturel amĂ©ricain.Au moment oĂč Crime SuspensStories dĂ©bute, plusieurs titres concurrents lorgnent vers ce style. Le cinĂ©ma nĂest pas non plus en reste, puisque beaucoup de productions comme Dead On Arrival utilisent des thĂšmes voisins. Pourtant, Ă y regarder de plus prĂšs, on remarquera que les histoires de Crime SuspensStories vont-elles aussi innover au fil du temps et se diriger vers quelque chose qui ressemble aux balbutiements du thriller moderne. LĂambiance se veut Ă miparcours entre le fantastique et le policier, avec en prime une causticitĂ© qui frĂŽle lĂinsolence. Pour toutes ses perles scĂ©naristiques et son humour noir, cet album mĂ©rite de figurer en bonne place dans une bĂ©dĂ©thĂšque.
dĂ©clarent pratiquer une activitĂ© physique rĂ©guliĂšre. LĂhĂ©roĂŻne de Restons calmes serait plutĂŽt de ces concitoyens adeptes du canapĂ©, jusquĂau jour oĂč son impitoyable pĂšse-personne tire le signal dĂalarme, soulignant une culotte de cheval naissante imputable Ă une motivation davantage portĂ©e sur les plaquettes de chocolat englouties plutĂŽt quĂarborĂ©es. RĂ©fractaire aux rĂ©gimes, notre brave mĂšre de famille prend le taureau par les cornes et se lance dans la course, investissant dans les chaussures, le legging et le tee-shirt adĂ©quats. Inventant les excuses les plus farfelues pour remettre ses exercices au lendemain, elle se fixe en outre des objectifs inatteignables, et essuie autant les dĂ©sagrĂ©ments climatiques que les quolibets de sa progĂ©niture (ah, le jogging ringard !), tentant de fuir ces ados aux modes de vie insondables ou aux remarques vexatoires. Dans un style dĂ©pouillĂ© presque abstractif, lĂillustratrice Soledad Bravi livre un chouette album qui sent le vĂ©cu et vire malicieusement Ă lĂĂ©tude de cas des divers profils de sportifs (du dimanche ou confirmĂ©s), avec mine de rien quelques conseils pour se dĂ©rouiller, sous le vernis dĂun humour somme toute peu corrosif. En sus, un regard avisĂ© sur le conflit des gĂ©nĂ©rations et le machisme ordinaire de la sociĂ©tĂ©â
MICHEL DARTAY
JĂRĆME BRIOT
VLADIMIR LECOINTRE
KAMIL PLEJWALTZSKY
GERSENDE BOLLUT
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Les Pieds NickelĂ©s : © Philippe Riche / VENTS DâOUEST
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es Pieds NickelĂ©s, lĂhistorien Jean Tulard de lĂAcadĂ©mie française ne manque jamais de souligner leur cousinage avec ArsĂšne Lupin, le Ăż gentleman-cambrioleur Ćž de Maurice Leblanc. Ils sont le produit dĂune Ă©poque troublĂ©e, minĂ©e par lĂAffaire Dreyfus et les attentats anarchistes, et oĂč la RĂ©publique sĂĂ©tablit dans une ambiance nationaliste exacerbĂ©e qui mĂšne tout droit Ă la PremiĂšre Guerre mondiale. Ăż Leur caractĂ©ristique, dit Tulard, cĂest que ce sont des anarchistes qui ne sont pas sanglants. Ćž1 Leur nĂ©cessitĂ© ? Faire ripaille, alors quĂils sont fauchĂ©s. Ce sont des indignĂ©s en action. Leurs escroqueries sont dĂune 42
sophistication folle, oĂč le jeu de mots Ă LĂAlmanach Vermot fleurit Ă chaque occasion. Faut-il passer un barrage ? Le premier des trois complices exhibe un faux document tricolore : Ăż Police ! Ćž Le second montre une Ăż police dĂassurance Ćž, le troisiĂšme le certificat dĂune Ăż peau lisse sans bouton Ćž! CrĂ©Ă©s par Louis Forton (1879-1934), ils apparaissent dans lĂhebdomadaire LĂĂpatant des frĂšres Offenstadt Ă partir du n°9 du 4 juin 1908. Les origines juives et allemandes de leurs Ă©diteurs leur valent une vigoureuse campagne de dĂ©nigrement, et mĂȘme un procĂšs (que les Offenstadt gagneront) de la part dĂune certaine presse de lĂĂ©poque. Ces actions haineuses avaient dĂ©jĂ poussĂ© les Offenstadt Ă dĂ©baptiser leur entreprise, le 21 septembre 1908, pour lui donner lĂappellation de Ăż SociĂ©tĂ© Parisienne dĂĂdition Ćž (SPE), au patronyme moins Ăż marquĂ© Ćž... Longtemps, Les Pieds NickelĂ©s seront mis Ă lĂindex dans les paroisses, et les familles convenables Ă©taient priĂ©es de ne pas les lire. Jean Tulard rappelle dans son essai que leurs aventures Ă©taient interdites dans les prisons car on y trouvait tous les moyens de sĂĂ©vader !
DE LOUIS FORTON à RENà PELLOS En février 1934, Louis Forton meurt. Les personnages sont briÚvement repris par Aristide Perré, entre 1936 et 1938, puis par Badert en 1940. Mais la magie
a disparu, dĂautant que pendant lĂOccupation, la SPE est Ăż aryanisĂ©e Ćž et quĂune bonne partie de la fratrie Offenstadt finit ses jours dans les camps nazis. La SPE reprend ses droits en 1948 et confie les Pieds NickelĂ©s Ă RenĂ© Pellarin, dit Pellos, qui relance vĂ©ritablement la sĂ©rie, grĂące notamment aux scĂ©narios ingĂ©nieux de Pierre Colin, alias Roland De Montaubert, qui en devient le principal scĂ©nariste. Il est dĂautant plus dans son domaine de compĂ©tence que, dans la Ăż vraie
vie Ćž, notre auteur officie comme... juge de paix ! Pellos assure 112 albums considĂ©rĂ©s parmi les meilleurs, en particulier ceux scĂ©narisĂ©s par Montaubert. Dans les annĂ©es 1960, la SPE est absorbĂ©e par les Ă©ditions Georges Ventillard, notamment propriĂ©taires de LĂAlmanach Vermot. Pellos arrĂȘte de dessiner la sĂ©rie en 1981. AprĂšs plusieurs tentatives de reprise, les ventes dĂ©clinant, elle finit par sĂarrĂȘter en 1988 et disparaĂźt du kiosque oĂč elle avait prospĂ©rĂ© 80 ans durant. Les Nouveaux Pieds NickelĂ©s © Unter / ONAPRATUT
La Nouvelle Bande des Pieds NickelĂ©s, Trap et Oiry © Guy Delcourt Productions â 2012
La sĂ©rie est nĂ©e en 1908 sous le crayon de Forton, puis remise au goĂ»t du jour aprĂšs la Seconde Guerre mondiale par Pellos. Cent ans aprĂšs leur crĂ©ation, les Ă©diteurs se lâarrachent... Entre ruses et ïŹlouteries, retour sur lâitinĂ©raire de ces escrocs franchement sympathiques.
R UN RENOUVEAU FAVORISĂ PAR LE DOMAINE PUBLIC Mais leur exploitation continue. La sociĂ©tĂ© Ventillard cĂšde en 2002 la licence dĂexploitation des albums aux Ă©ditions GlĂ©nat, qui publient sous leur marque Vents dĂOuest de jolies intĂ©grales des aventures signĂ©es Pellos (Le Meilleur des Pieds NickelĂ©s, 9 tomes parus). En 2006, un nouveau film est annoncĂ©
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(il y en avait eu trois auparavant : en 1948, en 1950 et en 1964) qui ne voit pas le jour, tandis que les Ă©ditions GlĂ©nat envisagent de continuer les aventures de notre trio dĂescrocs, ce qui se concrĂ©tise en 2011, avec Les Pieds NickelĂ©s de Philippe Riche (Vents dĂOuest) dont le deuxiĂšme album, Le Candidat providentiel, est sorti il y a peu. Mais un petit futĂ© surveille la manïŹuvre en embuscade : Louis Forton Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ© en 1934, les droits de sa crĂ©ation tombent dans le domaine public Ă partir de 2005. Guy Delcourt entreprend de relancer cette sĂ©rie en 2009, mais en la modernisant avec des nouveaux auteurs : Patrick Cerf et StĂ©phane Oiry. CĂest La Nouvelle Bande des Pieds NickelĂ©s. Ils sĂappliquent Ă reprendre strictement Les Pieds NickelĂ©s originaux : alors que Pellos avait crĂ©Ă© des personnages aux tailles diffĂ©rentes, et affublĂ© Croquignol, le plus longiligne de la bande, dĂun monocle dĂaristocrate, Cerf et Oiry veillent Ă les dessiner tous Ă la mĂȘme taille. Ventillard rĂ©agit pourtant en assignant Delcourt en justice pour Ăż contrefaçon Ćž, Ăż usage abusif Ćž des marques et pour Ăż concurrence dĂ©loyale Ćž. Mais le Syndicat National de lĂĂdition soutient Delcourt en intervenant volontairement Ă lĂinstance Ă ses cĂŽtĂ©s. Par ailleurs, les Ă©ditions Onapaprut publient en 2010 un collectif dĂauteurs en hommage aux mĂȘmes personnages. Le 1er juillet 2011, le Tribunal de Grande Instance de Paris dĂ©boute le Groupe Ventillard de ses demandes. Il confirme que Les Pieds NickelĂ©s sont bien dans le domaine public, mais pas les ïŹuvres ultĂ©rieures de Pellos, qui appartiennent toujours Ă Ventillard, dĂ©clarant cependant que le dĂ©pĂŽt des marques quĂils avaient effectuĂ© Ă©tait Ăż frauduleux Ćž, et que leur usage
PrĂšs de 120 000 exemplaires
en était libre. DÚs lors, Delcourt comme Glénat ont le droit de publier les nouvelles aventures de nos trois turlupins, en parallÚle, chacun de leur cÎté. Ribouldingue, Croquignol et Filochard doivent bien rire de ce mauvais tour ! DIDIER PASAMONIK 1
Les Pieds-Nickelés de Forton, Ed. Armand Colin, 2008
Lecteurs de Zoo, qui ĂȘtes-vous ?
à Renseignements et kit média disponibles sur notre site www.zoolemag.com et par e-mail : pub@zoolemag.com
© Dufaux et Xavier / GLĂNAT 2012
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FLOYD GOTTFREDSON, dans lâombre de Walt Disney © Floyd Gottfredson / WALT DISNEY
Pendant 45 ans, Floyd Gottfredson fut le dessinateur en chef des strips quotidiens de Mickey, et pourtant, il nâa jamais signĂ© ses bandes. GlĂ©nat rend hommage Ă cet artiste et Ă son Ćuvre, dans une collection grand format aussi luxueuse quâĂ©rudite.
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Ăil est un des personnages les plus dĂ©clinĂ©s en bande dessinĂ©e, Mickey Mouse naĂźt au cinĂ©ma dans des courts mĂ©trages dĂanimation, sous les crayons de Walt Disney et de son associĂ© Ub Iwerks. Il y aura tout dĂabord deux films muets, Plane Crazy (fin 1927) et GallopinĂ Gaucho (1928), mais ces deux films ne sont guĂšre remarquĂ©s. Le succĂšs arrive enfin avec Steamboat Willie, un court mĂ©trage particuliĂšrement innovant, puisquĂil sĂagit du tout premier film dĂanimation de lĂhistoire
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du cinĂ©ma bĂ©nĂ©ficiant dĂun son synchronisĂ© aux images. La Walt Disney Company retient donc le 18 novembre 1928, date de la premiĂšre projection publique de ce court-mĂ©trage, comme date de naissance officielle de Mickey Mouse.
DU CELLULOĂD AU PAPIER € cette Ă©poque, Walt Disney, pionnier dans le domaine du dessin animĂ©, ne fait pas grand cas de la bande dessinĂ©e. Mais en homme dĂaffaires avisĂ©, il sait saisir une opportunitĂ© quand elle se prĂ©sente. CĂest le cas en 1930, quand le King Features Syndicate lui propose de rĂ©aliser une adaptation de Mickey en strips quotidiens pour les magazines. Ub Iwerks est chargĂ© pendant quelques semaines de ce travail supplĂ©mentaireâ mais il se fĂąche avec Walt Disney, claque la porte et part fonder son propre studio. Le daily strip est trĂšs temporairement confiĂ© Ă Win Smith, qui assistait jusque lĂ Iwerks et rĂ©alisait lĂencrage des dessins ; puis ce dernier dĂ©missionne Ă son tour. Au pied levĂ©, un jeune dessinateur va le remplacer : Floyd Gottfredson. Cette fois, cĂest lĂhomme de la situation, et mĂȘme mieux que cela, puisque Gottfredson occupera la fonction jusquĂĂ son dĂ©part Ă la retraite en 1975. Sa carriĂšre comptera donc la rĂ©alisation de plus de 15 000 strips quotidiens, sur une durĂ©e de 45 ans ; non comptĂ©es les Sunday pages que Gottfredson assumera Ă©galement de 1932 Ă 1938. Gottfredson avait Ă©tĂ© recrutĂ© par Walt Disney en 1929 en tant quĂintervalliste, cĂest-Ă -dire animateur
secondaire chargĂ© de rĂ©aliser les dessins intermĂ©diaires qui donnent lĂillusion du mouvement, entre les dessins principaux imaginĂ©s par les animateurs. Au cours de son entretien dĂembauche, il avait dĂ©clarĂ© Ăż Je suis davantage intĂ©ressĂ© par la bande dessinĂ©e que par lĂanimation Ćž, ce Ă quoi Disney lui avait rĂ©pondu : Ăż Il vaut mieux que tu ne tĂy intĂ©resses pas. La bande dessinĂ©e est un travail ingrat, et il nĂy a pas de futur lĂ -dedans. LĂanimation, cĂest lĂavenir ! Ćž.
GOTTFREDSON ET BARKS : DEUX TEMPĂRAMENTS TRĂS DIFFĂRENTS Le parcours artistique de Floyd Gottfredson, tout en discrĂ©tion, peut sans doute sĂexpliquer par ces Ă©vĂ©nements fondateurs. Toute sa vie, Gottfredson aura gardĂ© Ă lĂesprit le fait que le daily strip de Mickey Mouse Ă©tait un produit dĂ©rivĂ© du dessin animĂ©, et que lĂanimation primait sur la BD aux yeux de Walt Disney. Contrairement au lumineux Carls Barks, qui sĂĂ©tait totalement appropriĂ© lĂunivers de Donald et lui avait apportĂ© toutes sortes de personnages secondaires (dont lĂOncle Picsou, GĂ©o Trouvetou, les Rapetou ou Miss Tick), Floyd Gottfredson reste dans le sillage du studio dĂanimation, tant pour les personnages que pour leur Ă©volution graphique. Ce sont les concepteurs des dessins animĂ©s qui prennent la dĂ©cision de modifier les yeux de Mickey Ă la fin des annĂ©es 1930 : jusquĂalors reprĂ©sentĂ©s sous la forme dĂun ovale noir traversĂ© dĂun trait blanc, les yeux deviennent plus classiques, avec paupiĂšres, iris et sourcils.
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© Floyd Gottfredson / WALT DISNEY
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CRAYONNĂ DE FLOYD GOTTFREDSON POUR LE COURT-MĂTRAGE DĂANIMATION MICKEYĂS SERVICE STATION (1935)
a proposĂ© au Syndicate, Ă la fin des annĂ©es 1940, que lĂon nous permette de signer nos bandes. Ćž Le Syndicate (la structure chargĂ©e de distribuer les BD dans les journaux) sĂy Ă©tait opposĂ©, arguant que la signature Disney apportait une valeur qui risquait dĂĂȘtre diluĂ©e par lĂajout de noms supplĂ©mentaires.
ANTHOLOGIE MAOUSSE Dans lĂintĂ©grale Mickey par Gottfredson en cours de publication chez GlĂ©nat, non seulement les scĂ©naristes et encreurs sont nommĂ©s avant chaque histoire, mais des articles apportent un Ă©clairage sur le contexte de lĂĂ©poque, sur les influences et les rĂ©fĂ©rences. Ces dossiers et une fabrication particuliĂšrement soignĂ©e raviront les amateurs de Mickey, Minnie, Dingo, Pat Hibulaire et tant de personnages dont les aventures, 80 ans aprĂšs leur premiĂšre publication, restent dĂune grande fraĂźcheur. JĂRĆME BRIOT
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Ou qui lui font porter des habits citadins, Mickey renonçant Ă son Ă©ternelle culotte rouge Ă boutons caractĂ©ristique des premiĂšres annĂ©es. De la mĂȘme maniĂšre, quand au cours des annĂ©es 1940 le scĂ©nariste Frank Reilly dĂ©cide de faire du hĂ©ros un personnage de banlieusard amĂ©ricain trĂšs droit et moral, Gottfredson restera nostalgique du Mickey espiĂšgle des dĂ©buts, mais respectera la dĂ©cision ; une posture que le dessinateur rĂ©sume ainsi : Ăż JĂai toujours pensĂ© que conserver lĂesprit des dessins animĂ©s faisait partie de notre travail. Ćž En somme, on sent chez Gottfredson lĂamour de lĂouvrier fidĂšle Ă sa compagnie, et un vĂ©ritable respect pour le Ăż produit Ćž Mickey, mais pas fondamentalement une Ăż dĂ©marche dĂauteur Ćž. Une telle diffĂ©rence dĂattitude entre Gottfredson et Barks sĂexplique peut-ĂȘtre par le fait que Mickey est vite devenu lĂemblĂšme de la sociĂ©tĂ© Disney, une icĂŽne sacralisĂ©e, sanctuarisĂ©e, moins propice aux interprĂ©tations personnelles que le trublion Donald. € noter, lĂabsence de mention du nom des dessinateurs et scĂ©naristes, qui a fait croire Ă des gĂ©nĂ©rations de lecteurs que cĂĂ©tait Walt Disney en personne qui sĂoccupait de tout, nĂĂ©tait pas une demande de ce dernier, comme sĂen souvient Gottfredson : Ăż Walt lui-mĂȘme
LĂËGE DĂOR DE MICKEY,T.2
BARKS ET GOTTFREDSON
par Floyd Gottfredson, Glénat, 128 p. couleurs, 29,50 ⏠Tome 3 à paraßtre le 20 juin
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AprĂšs avoir Ă©ditĂ© en 2010 le oneshot pilote, titrĂ© 1999-2001 the Pilot Edition, Tonkam reprend la sĂ©rie de Kazuya Minekura, disponible aussi en version animĂ©e. Les fans sĂinterrogent sur la toile : il sĂagit quand mĂȘme de lĂauteur de Saiyuki et le graphisme est vraiment allĂ©chant, mais les informations en provenance du Japon, oĂč la sĂ©rie venait tout juste de redĂ©marrer, ne sont pas claires sur la suite. Pour ceux qui se sentent prĂȘts Ă se lancer : le bus game du titre est un jeu dĂespionnage financĂ© par des entreprises dont le but est de se saisir de disquettes contenant des information secrĂštes et capitales, avec un gros magot Ă la clĂ©. Un peu comme Marche ou crĂšve de Stephen King. On ne sait pas encore, cependant, ce quĂil arrivera aux concurrents Ă©liminĂ©s.
Nouvelle série de Yûki Kodama éditée chez Kurokawa et dont le premier volume sortira le 10 mai, Blood Lad joue la carte plutÎt tendance des vampires sur un ton humoristique pas désagréable.
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Ăocculte a toujours plu dans la fiction, parce quĂon a toujours aimĂ© Ă se faire peur. Cependant, depuis quelques temps, on assiste Ă un retour en force du bestiaire horrifique : zombies, fantĂŽmes et vampires qui brillent sont en tĂȘte de gondole des espaces culturels de France, de Navarre et du monde. Pas Ă©tonnant alors que la fiction nippone, dĂ©jĂ riche en monstres autochtones, utilise et dĂ©tourne les codes occidentaux du genre. Blood Lad est de cette veine. On suit donc Staz, vampire branleur qui nĂaime rien tant que la culture populaire japonaise (comprendre : mangas, dessins animĂ©s, figurines, jeux vidĂ©oâ). Il rĂšgne sur tout un pan du monde des dĂ©mons, et ça lui va trĂšs bien comme ça. JusquĂau jour oĂč, par un truchement improbable, une humaine nommĂ©e Fuyumi se retrouve dans son secteur. Sous le charme, il dĂ©cide de la protĂ©ger. Grand mal lui en prend : la pauvre est dĂ©vorĂ©e par une plante carnivore. Ne subsistent que ses os, et son spectre. Le vampire se met alors en tĂȘte de la ressusciter. Va donc dĂ©buter une Ă©popĂ©e Ă cheval entre monde des humains et des dĂ©mons, avec rencontres loufoques, bagarres dantesques et romances naissantes.
Saviez-vous que le parti communiste japonais compte 400 000 inscrits et connaĂźt un succĂšs croissant depuis la crise Ă©conomique ? Cette publication de lĂĂ©diteur japonais East Press ne reflĂšte cependant pas une prise de position politique, puisquĂil est spĂ©cialisĂ© dans lĂadaptation en manga dĂïŹuvres cĂ©lĂšbres, parmi lesquellesâ Mein Kampf ! LĂalbum se veut donc didactique et, si la qualitĂ© artistique nĂest pas vraiment au rendez-vous, le but est atteint. Les idĂ©es marxistes sont illustrĂ©es par une histoire fictionnelle : on suit Bill, Frank, Simon et dĂautres ouvriers exploitĂ©s qui, dans lĂEurope industrielle du XIXe siĂšcle, se lĂšvent contre un systĂšme socio-Ă©conomique injuste. On vit leur colĂšre, leurs craintes, leur solidaritĂ©.
LâANTI-TWILIGHT YĂ»ki Kodama sĂest rĂ©appropriĂ© les poncifs de la littĂ©rature vampirique â et par extension fantastique â pour les remettre Ă la sauce shĂŽnen (manga pour adolescent) action-comĂ©die. Le vampire nĂest plus cet Ă©lĂ©gant suceur de sang sĂ©ducteur. Il est devenu rebelle, plus prompt Ă la baston quĂĂ la diplomatie, et plus costaud que
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Afterschool Charisma,T.4, de Kumiko Suekane
Ki-oon, 210 p. n&b, 7,65 ⏠BORIS JEANNE
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Monstres & Cie
Karl Marx - Le Manifeste du Parti Communiste, de Variety Art Works
LĂacadĂ©mie SaintKleio accueille des clones de personnages cĂ©lĂšbres : Mozart, Freud, NapolĂ©on, JFK, Einstein, Hitlerâ sont Ă©duquĂ©s dans lĂidĂ©e dĂaller plus loin que leur original, ou dĂen rectifier les excĂšs. Ăvidemment, ça ne plaĂźt pas Ă tout le monde, et les clones ont mauvaise presse Ă lĂextĂ©rieur. Mais dans ce tome 4, cĂest Ă lĂintĂ©rieur de lĂacadĂ©mie que ça se passe, quand le bal de fin dĂannĂ©e est pris pour cible par un commandoâ de prĂ©cĂ©dents clones des Ă©lĂšves ! Jeanne dĂArc risque dĂy avoir trĂšs chaud.
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BLOOD LAD :
Tonkam, 160 p. n&b, 7,99 ⏠CAMILLA PATRUNO
Soleil Manga, 192 p. n&b, 6,95 âŹ
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© 2010 Yuuki Kodama / KADOKAWA SHOTEN Co., Ltd.
visuel japonais
Bus Gamer,T.1, de Kazuya Minekura
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romantique. La communication de Kurokawa, lĂĂ©diteur français du manga, a dĂailleurs beaucoup jouĂ© sur cet aspect. Au premier abord, le trait peut sembler un peu simple et datĂ©, mais lĂĂ©nergie qui sĂen dĂ©gage fait vite sĂĂ©vanouir cette impression. Par exemple, la caractĂ©risation physique des personnages â en particulier le travail sur les visages â est telle quĂon assimile instantanĂ©ment leurs traits Ă lĂattitude que leur a donnĂ©e lĂauteur (regard fatiguĂ© et moue dĂ©sabusĂ©e pour Staz, grands yeux naĂŻfs et bouche discrĂšte pour Fuyumiâ). On nĂa donc aucun mal Ă sĂy attacher trĂšs rapidement. Ajoutez Ă cela les scĂšnes de bagarres plutĂŽt rĂ©ussies, lĂhumour (de situation comme visuel) qui fait mouche, et la narration qui soulĂšve au fur et Ă
mesure des enjeux un peu plus profonds que la simple gaudriole, et vous aurez un dĂ©but dĂhistoire particuliĂšrement rĂ©jouissant. Avec ce premier volume de Blood Lad, YĂ»ki Kodama rĂ©ussit le pari risquĂ© de la sĂ©rie fantastique, le genre Ă©tant Ă lĂheure actuelle trĂšs reprĂ©sentĂ© dans lĂĂ©dition manga. On attend de voir si les volumes suivants seront Ă la hauteur. THOMAS HAJDUKOWICZ
BLOOD LAD,T.1
de YĂ»ki Kodama, Kurokawa, 176 p. n&b, 7,65 âŹ
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Kazuo Kamimura : ivre de femmes et de dessins Venue recevoir le prix Zoom Japon dĂ©cernĂ© Ă son pĂšre pour La Plaine du Kanto, Migiwa Kamimura en a proïŹtĂ© pour nous parler de la richesse de lâĆuvre de son pĂšre, connu en France pour Lady Snowblood, Le Fleuve Shinano, Lorsque nous vivions ensemble, Lâapprentie geisha, et Folles passions.
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uel est lĂaspect du travail de votre pĂšre que lĂon ne connaĂźt pas, en dehors du gekiga, le Ăż manga historique Ćž ? MĂȘme lĂEncyclopĂ©die Kamimura mise en ligne lĂannĂ©e derniĂšre nĂest pas complĂšte ! Il a fait beaucoup dĂillustrations de couvertures, pour des romans, Ă lĂintĂ©rieur des livres aussi, des histoires courtes dans des revues pour collĂ©giens et lycĂ©ens. Son responsable Ă©ditorial mĂa rĂ©cemment dit que cĂĂ©tait mon pĂšre lui-mĂȘme qui avait suggĂ©rĂ© de dessiner pour les ados, parce quĂil avait une fille, cĂest-Ă -dire moi, qui ne pouvait pas lire les histoires quĂil publiait habituellement ! Mais ça nĂa pas trĂšs bien marchĂ©, puisque ses lecteurs sont des adultes qui veulent voir des femmes et des scĂšnes un peu Ă©rotiquesâ Combien de planches avez-vous Ă gĂ©rer en hĂ©ritage ? On nĂa jamais comptĂ© les planches, cĂest Ă©norme, mais les illustrations sont au nombre de 670. Il y a encore beaucoup de planches en noir et blanc chez les Ă©diteurs, car Ă lĂĂ©poque il travaillait tellement quĂil nĂavait pas le temps de gĂ©rer tout cela.
Izeru © by Kazuo Kamimura
QuĂest-ce quĂil prĂ©fĂ©rait dans son mĂ©tier ? Il nĂa jamais Ă©tudiĂ© le manga ni Ă©tĂ© assistant puisquĂil a Ă©tĂ© vite recrutĂ© dans la publicitĂ©, et donc il voulait raconter des histoires en un seul dessin. Il lui fallait nourrir sa famille et il a rapidement rencontrĂ© le succĂšs
avec le manga, mais il avait toujours envie de faire des dessins en une page. Et ce quĂil prĂ©fĂ©rait vraiment, cĂĂ©tait boire de lĂalcool et jouer de la guitare ! Quel genre dĂhomme Ă©tait votre pĂšre ? Estce quĂil aimait Ă©crire ses histoires ? Avec le succĂšs il a Ă©normĂ©ment travaillĂ©, donc soit il dessinait, soit il buvait, et rentrait rarement Ă la maison. CĂĂ©tait quelquĂun de trĂšs timide et trĂšs gentil. Il avait un tempĂ©rament dĂartisan et donc de dessinateur, pour lui lĂhistoire ne comptait pas vraiment et donc il laissait volontiers lĂĂ©criture Ă dĂautres personnes. Surtout Hideo Okazaki [Le Fleuve Shinano, NDLR].
EXTRAIT DE LĂAPPRENTIE GEISHA
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KAMIMURA PËRE ET FILLE
Comment le prĂ©senter aux Français ? Il Ă©tait extrĂȘmement douĂ© pour dĂ©crire la beautĂ© des femmes et des corps fĂ©minins. Ce nĂest pas seulement Ăż le peintre de lĂĂšre Showa Ćž [surnom de Kamimura au Japon, NDLR] ! CĂĂ©tait un artiste qui dessinait toutes les Ă©poques, et qui nĂest pas non plus rĂ©ductible au manga, car il a fait beaucoup dĂautres choses â dĂoĂč lĂEncyclopĂ©die, qui montre ce
quĂon ne connaĂźt pas de mon pĂšre. Je dirais plutĂŽt que cĂest Ăż le peintre ivre des tableaux de femme Ćž ! Comme Hokusaiâ Il lĂaimait beaucoup, cĂest pour cela quĂil a fait Folle passion. Vous venez en France pour recevoir un prix : est-ce que votre pĂšre avait des liens avec la France ? En 1972, Ă lĂĂ©poque de Lorsque nous vivions ensemble, il travaillait tellement quĂil lui a fallu faire une pause, et il est venu un mois en Europe, il a visitĂ© Paris, il a beaucoup aimĂ© Van Gogh, Toulouse-Lautrec, le cinĂ©maâ Mais il paraĂźt quĂil ne faisait que boire ! Quel est le manga de votre pĂšre que vous prĂ©fĂ©rez ? Je nĂai dĂ©couvert lĂïŹuvre de mon pĂšre quĂaprĂšs sa mort, et jĂaime beaucoup La Plaine du Kanto et Folles passions, mais aussi Hotaruko, qui contient beaucoup de chansons populaires. PROPOS RECUEILLIS PAR
BORIS JEANNE
zoom La vie Ă lĂintĂ©rieur de la ville fortifiĂ©e et hypermoderne de Sensoram est certes sĂ©curisĂ©e par rapport au monde extĂ©rieur dĂ©vastĂ©, mais on ne peut pas dire quĂelle soit folichonneâ Pas Ă©tonnant que Niko, Ă©lĂšve modĂšle, sĂennuie, se laisse intriguer par le petit nouveau au gros flingueâ et quĂelle finisse par se mettre dans le pĂ©trin. La sociĂ©tĂ© oĂč elle se trouvait si Ă lĂaise sĂavĂšre donc ĂȘtre un systĂšme dictatorial qui contrĂŽle jusquĂaux gĂšnes humains â sujet seulement Ă©bauchĂ© dans ce premier tome. Par lĂauteur de Sept milliards dĂaiguilles, une histoire de rĂ©sistance pas particuliĂšrement originale mais sympa, qui sera terminĂ©e en trois volumes. Parmi les aspects les plus intĂ©ressants, les discordes au sein de la rĂ©sistance.
Doki-Doki, 192 p. n&b, 7,50 ⏠CAMILLA PATRUNO
Waltz,T.2, de KĂŽtaro Isaka et Megumi Ćsuga Dans la sĂ©rie shĂŽnen bourrin avec personnages aux visages en lame de couteau, ultraviolence et contre-plongĂ©es complaisantes vers de larges postĂ©rieurs fĂ©minins, je voudrais Waltz, ou lĂaffrontement dĂun tueur Ă gage juvĂ©nile (auquel sĂidentifie le lecteur ado) avec toute une tripotĂ©e dĂautres assassins sur contrat, dont le boss sĂappelle Ăż le briseur de nuques Ćž. Un manga qui charcle, qui explose et qui Ă©crabouille, mais dans un style heureusement toujours lisible !
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Retour dans lâactualitĂ© dâun grand du manga : Harold Sakuishi, lâhomme qui a fait vibrer les ados au son pop-rock des 34 tomes de Beck. Il fait le grand saut du grunge à ⊠Shakespeare : en choisissant de situer sa nouvelle sĂ©rie dans lâAngleterre de la ïŹn du XVIe siĂšcle, il proïŹte dâune zone dâombre dans la vie de lâimmense dramaturge Ă©lisabĂ©thain pour lâassocier Ă une Ă©tonnante histoire dâimmigrĂ©s chinois.
ĂTRE OU NE PAS ĂTRE UN HĂROS DE MANGA CĂŽtĂ© rĂ©alisation, le trait a beaucoup Ă©voluĂ© depuis Beck, Ă©tonnamment dĂailleurs : les visages sont beaucoup plus ronds et caricaturaux, pas autant que chez Tezuka, mais la ligne est forte et permet paradoxalement de mieux sĂy retrouver parmi une plĂ©thore de personnages, dĂabord Ă Londres dans le milieu du thĂ©Ăątre, ensuite dans le Chinatown de Liverpool oĂč dĂ©file toute une galerie de Chinois. Sakuishi parvient Ă alterner entre grands yeux / grande bouche dĂ©formĂ©e façon Dragon Ball, et des cases plus travaillĂ©es oĂč il prend le temps dĂimposer les traits de ses personnages, chez les Anglais comme chez les Chinois. HĂ©ros charismatique comme en a besoin le genre, son Shakespeare ressemble Ă un Ralph Fiennes blond aux yeux bleus, et la suite nous montrera comment converge le destin du dramaturge anglais, dont une dizaine dĂannĂ©es sont complĂštement mĂ©connues avant son succĂšs londonien, et celui de ces Chinois Ă©chouĂ©s en Angleterre â de Shakespeare vous nĂavez encore rien vuâ
Kurokawa, 192 p. n&b, 6,95 ⏠BORIS JEANNE
Wolfsmund,T.1, de Mitsuhisa Kuji Le tyrannique seigneur qui contrĂŽle la passe du SaintGothard semble avoir des pouvoirs surnaturels qui dĂ©masquent tous les mensonges des clandestins qui essaient de se sauver de lĂautre cĂŽtĂ© des Alpes, au point que lĂendroit est surnommĂ© Ăż Wolfsmund Ćž, la gueule du loup. Le suspense est trĂšs bien construit : lorsque lĂon suit Liese et Georg, les deux premiers personnages, on prend pour acquis quĂils survivront, mais ce nĂest pas le cas, pas plus que ça ne lĂest pour la suivante, Johanna. Qui donc pourra jamais Ă©chapper Ă ce super-mĂ©chant, si mĂȘme Guillaume Tell a Ă©chouĂ© ? Les Ă©ditions Ki-oon, aprĂšs Ăbelblatt, poursuivent leur choix de bonnes histoires fantasy noires et mĂ©diĂ©vales. Dommage seulement pour le graphisme peu soignĂ©.
Ki-oon, 192 p. n&b, 7,65 ⏠CAMILLA PATRUNO
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SHAKESPEARE IN LOVE avec lâAsie SHICHININ NO SHAKESPEARE © 2010 Harold SAKUICHI / Shogakukan Inc.
Ethnicity 01,T.1, de Tadano Nobuaki
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CONNECTED HISTORIES
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omment Sakuishi en est-il arrivĂ© Ă cette Ă©poque ? Plusieurs Elizabeth au cinĂ©ma, les Tudors Ă la tĂ©lĂ© : cĂest une pĂ©riode incroyablement fertile. On dirait quĂil a lu 1602 de chez Marvel [mini-sĂ©rie qui rĂ©inventait les hĂ©ros Marvel dans lĂEurope de 1602, NDLR], et sans doute des livres comme Le Chapeau de Vermeer de Timothy Brook ou Les Quatre Parties du monde de Serge Gruzinski. En effet, si le dĂ©but de lĂhistoire nous montre le succĂšs de Shakespeare Ă Londres en 1601 (lĂannĂ©e dĂHamlet) face au tournant puritain de la bonne sociĂ©tĂ©, toute la suite de ce premier tome nous
emmĂšne dans le quartier chinois (imaginaire ?) de Liverpool, oĂč il mĂ©lange une prĂ©sentation de cette diaspora chinoise avec des Ă©lĂ©ments de surnaturel autour dĂune jeune fille Ă lĂangoissant pouvoir de prĂ©monition. Sakuishi se retrouve Ă la pointe de lĂhistoire globale, qui met en valeur les trĂšs anciens contacts entre les mondes asiatiques et europĂ©ens, mais aussi africains et amĂ©ricains, Ă partir des voyages de Christophe Colomb et Vasco de Gama. Beck montrait de jeunes Japonais fascinĂ©s par la culture occidentale â le rock â, 7 Shakespeares renverse le rapport en implantant une communautĂ© chinoise en Angleterre.
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de Harold Sakuishi, KazĂ©, Seinen, 292 p. n&b, 9,99 âŹ
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Grandeur et décadence
DES MAGICAL GIRLS © Magica Quartet / Aniplex ⹠Madoka Partners ⹠MBS
Ume Aoki, soit les crĂ©ateurs originaux de la sĂ©rie) est prenante. Le lecteur plonge lentement de la luminositĂ© dĂun genre gĂ©nĂ©ralement pimpant et frivole vers lĂobscuritĂ© dĂun univers baroque, complexe et sombre. On reconnaĂźt les codes, mais ils sont dĂ©tournĂ©s avec tellement de talent quĂon ne peut que se laisser happer par le rĂ©cit. Ce rĂ©cit est dĂailleurs servi avec brio par le dessin de Hanokage, grĂące Ă son trait tantĂŽt mignon (disons mĂȘme Ăż kawaĂŻ Ćž, terme japonais utilisĂ© pour dĂ©signer ce qui est adorable) et rond, tantĂŽt sec, tourmentĂ©, voire tout Ă fait angoissant. Le traitement graphique du support papier respecte en cela grandement les efforts apportĂ©s Ă lĂanimation dĂorigine. Les quelques 146 pages et quatre chapitres que comptent ce premier volume (sur un total de trois) sont trĂšs convaincants. Beaucoup de questions sont soulevĂ©es mais laissĂ©es pour lĂinstant en suspens, attisant dĂautant plus la curiositĂ© du lecteur. Une frustration qui sera Ă moitiĂ© palliĂ©e le 4 juillet, jour de la sortie du volume 2. Un moindre mal en attendant une Ă©ventuelle acquisition de licence de la sĂ©rie originale pour la France.
SĂ©rie animĂ©e japonaise phare de lâannĂ©e 2011, Puella Magi Madoka Magica a Ă©tĂ© quasiment simultanĂ©ment transposĂ©e en manga. Un an Ă peine aprĂšs la publication japonaise, Doki-Doki Ă©dite cette courte sĂ©rie. Le premier volume est sorti le 9 mai. (ennemies jurĂ©es des puella magi, puisquĂelles rĂ©pandent le dĂ©sespoir). Enfin, Kyubey, petite bestiole adorable, cherche Ă la convaincre de devenir Ă son tour une dĂ©fenseuse du bien. Mais tout nĂest pas si simple, et le rĂŽle des puella magi est loin dĂĂȘtre aussi agrĂ©able que prĂ©vu. Madoka est donc tiraillĂ©e entre son dĂ©sir de sortir de son affligeante normalitĂ© (poussĂ©e par Kyubey) et celui de conserver son confort (incitĂ©e par Homura).
Madoka se contente donc pour lĂinstant de sĂimaginer des costumesâ
« PLUS RIEN NE MâEFFRAIE, MAINTENANT⊠» Critiquer ce manga est pĂ©rilleux, car la tentation de la comparaison avec le support original (le dessin animĂ©) est trop tentante. Mais essayonsâ LĂhistoire du Magica Quartet (pseudonyme qui regroupe Iwakami Atsuhiro, Akiyuki Shinbo, Gen Urobuchi et
THOMAS HAJDUKOWICZ © Magica Quartet / Aniplex ⹠Madoka Partners ⹠MBS
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es Ăż magical girls Ćž occupent les pages des mangas depuis que la bande dessinĂ©e japonaise pour un lectorat fĂ©minin sĂest largement dĂ©veloppĂ©e, soit Ă partir des annĂ©es 1960. Les codes de ce genre sont invariables : de jeunes filles dotĂ©es de pouvoirs magiques combattent pour le bien / lĂamour / la paix. Sakura la chasseuse de cartes et Sailor Moon sont parmi les ambassadrices les plus connues. Avec le temps, les histoires ont Ă©voluĂ©. Mais la diffusion de la sĂ©rie Puella Magi Madoka Magica, de janvier Ă avril 2011, semble avoir chamboulĂ© le genre pour un moment. Car si lĂhistoire commence assez classiquement, son dĂ©roulement prend rapidement le lecteur Ă contrepied, ses attentes Ă©tant contrariĂ©es par un scĂ©nario plutĂŽt retors. En somme, Puella Magi Madoka Magica effectue ni plus ni moins une dĂ©construction globale du mythe de la magical girl.
« PASSE UN PACTE AVEC MOI ET DEVIENS UNE PUELLA MAGI ! » Madoka est une collĂ©gienne lambda, qui mĂšne une vie lambda dans une ville lambda avec ses amies lambda Hitomi et Sayaka. Jusqu'au jour oĂč Homura, une nouvelle de la classe, la prend trĂšs solennellement Ă partie. Madoka ne comprend pas. Puis les choses sĂemballent : elle dĂ©couvre lĂexistence des Ăż puella magi Ćž (terme employĂ© dans le manga pour dĂ©signer les magical girls), puis des sorciĂšres 52
PUELLA MAGI MADOKA MAGICA , T.1
de Magica Quartet et Hanokage, Doki-Doki, 192 p. n&b, 7,50 âŹ
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Pin to Kona,T.1, de Ako Shimaki Le kabuki est une forme de thĂ©Ăątre japonais trĂšs codifiĂ©e, interprĂ©tĂ©e par des acteurs au maquillage Ă©laborĂ©. Le rĂŽle du sĂ©ducteur viril et Ă©lĂ©gant est celui du Ăż pintokona Ćž. Kawamura et Hiro sont deux acteurs lycĂ©ens. Le premier est lĂhĂ©ritier dĂune grande lignĂ©e mais mĂ©diocre dans ses performances, frustrĂ© par des annĂ©es dĂincomprĂ©hension avec son cĂ©lĂšbre et exigeant pĂšre. Le second est trĂšs douĂ©, sĂ©rieux et ambitieux. Leur rivalitĂ© sur scĂšne se reproduit dans la vie, puisquĂils tombent amoureux de la mĂȘme fille. Un premier tome Ă ne pas rater en raison de son graphisme soignĂ© et Ă son bon rythme, qui restitue tour Ă tour la querelle amoureuse, l'ambiance du lycĂ©e, et celle, ralentie et solennelle, de ce thĂ©Ăątre si particulier. Une petite pensĂ©e nostalgique pour Laura ou la passion du thĂ©Ăątreâ
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Walt Disney au PAYS DU SOLEIL LEVANT Donald, Dingo, Minnie, Tic et Tac... qui se baladent dans les pages de vos mangas ? Dans Kingdom Hearts et Princesse Kilala, deux nouvelles sĂ©ries publiĂ©es par Pika, vous pourrez juger du rĂ©sultat de cette greffe Ă©tonnante. Kilala, lĂhistoire dĂune adolescente prĂȘte Ă affronter toutes sortes dĂaventures pour retrouver sa meilleure amie Erica. Elle sera aidĂ©e par plusieurs Ăż princesses Ćž Disney : Cendrillon, Ariel, Blanche Neigeâ Ce nĂest pas adaptĂ© dĂun jeu vidĂ©o, mais le dĂ©veloppement y ressemble fort. € noter que le prince charmant Rei est habillĂ© un peu Ă la maniĂšre de Peter Pan, loin des beaux gosses hyper-lookĂ©s de certains mangas, mais la rivale en amour Sylphy (Ă paraĂźtre dans le T.2) est reprĂ©sentĂ©e de façon plutĂŽt sexy.
Kazé, coll. ShÎjo, 192 p. n&b, 6,69 ⏠CAMILLA PATRUNO
Crimson Shell, de Jun Mochizuki
Ki-oon, 210 p. n&b, 7,65 âŹ
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Kaitaishinsho ZĂ©ro,T.1, de Chiyo Kenmotsu LittĂ©ralement Ăż nouveau traitĂ© dĂanatomie Ćž, le Kaitai Shinsho du titre est traduit dans lĂalbum par Ăż traitĂ© de monstrovirologie Ćž, en accord avec les Ă©lĂ©ments fantastiques de lĂunivers du jeune Ăż chirurgien de lĂocculte Ćž Sotaro Narutaki. Pour opĂ©rer ses patients infectĂ©s par des monstres zoomorphes, il utilise aussi bien le sabre que les incantations ! Le zĂ©ro du titre est le numĂ©ro du volume que Sotaro et son assistante Momo recherchent, censĂ© receler le moyen dĂĂ©radiquer les crĂ©atures quĂils combattent. LĂhistoire est certes adressĂ©e Ă un public jeune, mais le ton frais et le graphisme vraiment chouette valent le dĂ©tour !
Panini, 184 p. n&b, 7,05 âŹ
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Les filles un peu moins jeunes, qui suivaient ce titre en anglais chez Tokyopop, frustrĂ©es depuis que lĂĂ©diteur amĂ©ricain avait arrĂȘtĂ© la licence, devraient ĂȘtre heureuses de connaĂźtre le fin mot de lĂhistoireâ
KINGDOM HEARTS © Disney Enterprises, Inc. / Developed by SQUARE ENIX
Claudia est une puissante sorciĂšre qui combat le noir pouvoir qui est tapi en elle. DĂ©vastĂ©e par la trahison incomprĂ©hensible de lĂĂȘtre qui lui Ă©tait le plus cher au monde, Claudia doit comprendre Ă qui se fier. Parce que bien souvent, les apparences sont trompeuses. Par lĂauteur de Pandora Hearts, une histoire assez simple Ă la morale Ă©vidente, Ă la base dramatique mais entrecoupĂ©e de scĂšnes humoristiques, visant un public surtout fĂ©minin et plutĂŽt jeune. Pensez Ă regarder sous la jaquette, cĂest lĂ que se cachent les minimangas bonus.
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UNE FUSION DIGESTE ? On peut quand mĂȘme supposer que le (trĂšs ?) jeune public auquel ces titres sĂadressent intĂ©grera le mĂ©lange beaucoup plus aisĂ©ment, naturellement mĂȘme, quĂun lecteur adulte, les nouvelles gĂ©nĂ©rations ayant aussi bien Ă©tĂ© nourries par les mangas que par l'univers de Disney. DĂailleurs, Osamu Tezuka, le dieu du manga, nĂadorait-il pas les personnages de tonton Walt ? CAMILLA PATRUNO
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e sursautez pas quand, en tournant la page 15, vous tomberez sur Donald aprĂšs avoir rencontrĂ© les trois jeunes protagonistes humains de ce qui semblait ĂȘtre un manga dĂaventure. CĂest normal, vous ĂȘtes en train de lire Kingdom Hearts, sĂ©rie manga estampillĂ©e Disney, adaptation dĂun jeu vidĂ©o rĂ©alisĂ© par Square Enix. Le principe est le mĂȘme en manga quĂen jeu vidĂ©o : le protagoniste Sora explore plusieurs univers Disney (La Belle au Bois Dormant, Alice au Pays des Merveilles, etc.), en croisant au passage quelques personnages du cĂ©lĂ©brissime Final Fantasy (LĂ©on, Yuffie, Cid), un jeu vidĂ©o bien connu depuis une dizaine
dĂannĂ©es. Pour les autres, ce sera un choc visuel et culturel. Bien que lĂunivers Disney comporte son lot de mĂ©chants, dĂembuches et dĂĂ©motions hautes en couleur, il est bizarre dĂentendre parler dĂĂ©pĂ©es, de voleurs de cïŹurs, de tĂ©nĂšbres qui avancent et de mondes qui disparaissent quand, Ă cĂŽtĂ©, il y a Pluto, Tic et Tac, Minnieâ Voire un Dingo qui, en voyageur attentionnĂ© Ă la Star Trek, se soucie de ne pas interfĂ©rer avec les mondes quĂil visite...
LES PRINCESSES DISNEY à LA RESCOUSSE Si Kingdom Hearts cible les garçons, pour les petites filles il y a Princesse
c KINGDOM HEARTS
sĂ©rie en 4 volumes, de Shiro Amano & Tetsuya Nomura, Pika Ă©dition, Disney, Square Enix, 7,05 âŹ
c PRINCESSE KILALA
sĂ©rie en 5 volumes, de Nao Kodaka & Rika Tanaka, Pika Ă©dition, Disney, 7,05 âŹ
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Sic Transit Rex Mundi
Voici une uchronie passionnante et documentĂ©e, se dĂ©roulant en France et rĂ©alisĂ©e par des AmĂ©ricains. Les tensions entre le duc de Lorraine, partisan de la guerre contre les califats et leurs alliĂ©s prussiens, et Louis XXII sont au plus haut. Mais la disparition dâun document dans la crypte de la Madeleine provoque des remous bien plus inquiĂ©tants. Des rumeurs courent selon lesquelles la trĂšs sainte Inquisition serait prĂȘte Ă tout pour le rĂ©cupĂ©rer. © Nelson et Ferreyra / Dark Horse Comics
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a sĂ©rie Rex Mundi a marquĂ© de son empreinte la bande dessinĂ©e amĂ©ricaine au dĂ©but des annĂ©es 2000. MĂȘme si lĂintrigue fonctionne autour dĂune conspiration, cela nĂest pas pour autant lĂĂ©picentre de son univers, car Rex Mundi est surtout une uchronie passionnante. Elle dĂ©peint la France du dĂ©but des annĂ©es 30 sous un rĂ©gime fĂ©odal oĂč lĂinquisition sert de police religieuse. LĂEurope sĂapprĂȘte Ă basculer dans un conflit entre les forces de lĂaxe (France, Russie, Angleterre) et les alliĂ©s (Prusse, Saint Empire Romain, Ămirat de Cordoue, Empire Ottoman) pour des motifs enfouis derriĂšre le prĂ©texte religieux. Les nombreuses similitudes par rapport aux protagonistes et Ă la trame gĂ©nĂ©rale du rĂ©cit avec le Da Vinci Code de Dan Brown laissent planer le doute quant aux sources dĂinspiration du romancier Ă succĂšs (Rex Mundi est bien antĂ©rieur au Da Vinci Code), mĂȘme si les deux intrigues sĂappuient sur le mystĂšre de Rennes-le-ChĂąteau. Un mystĂšre exploitĂ© une premiĂšre fois dans le Holy Blood, Holy Grail de Michael Baigent2. Mais Ă la diffĂ©rence du roman de Dan Brown, qui collectionne inexactitudes et approximations, Rex Mundi a bĂ©nĂ©ficiĂ© dĂun travail de documentation stupĂ©fiant par rapport aux lieux ou aux Ă©vĂ©nements auxquels il fait rĂ©fĂ©rence. Les chapitres sont entrecoupĂ©s en outre de fausses coupures de presse qui font part de lĂactualitĂ© Ă mesure que lĂhistoire progresse. Le scĂ©nariste Arvid Neslson a eu lĂintelligence de gratifier Rex Mundi dĂune suite dĂĂ©nigmes sans tomber dans le piĂšge de la surabondance et de lĂhermĂ©tisme. Trois dessinateurs ont participĂ© aux six volumes qui composent Rex Mundi. Chacun y a apportĂ© un style
et une ambiance diffĂ©rente. Eric J sur les deux premiers tomes dĂ©laye une atmosphĂšre sombre et Ă©trange. Jim Di Bartolo sur le troisiĂšme fait Ă©voluer la sĂ©rie vers le semi-rĂ©alisme. Quant Ă Juan Ferreyra, il favorise lĂexpressivitĂ© des personnages et la tension des diffĂ©rentes situations. Toutes ces qualitĂ©s font de Rex Mundi une saga fascinante qui se lit avec facilitĂ© en dĂ©pit de la densitĂ© de son contenu.
© Dark Horse Comics
ET IN ARCADIA EGO
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Tout commence avec le vol dĂun parchemin relatif Ă la lignĂ©e des Merovingiens dans une crypte de la Madeleine. Le pĂšre GĂ©rard Marin fait appel au docteur Julien SauniĂšre, un ami versĂ© dans lĂocculte, pour mettre la main sur le document dĂ©robĂ© avant que la trĂšs sainte Inquisition nĂen soit informĂ©e. € mesure que SauniĂšre progresse, une sĂ©rie de meurtres ponctue ses investigations. Ils conduisent le hĂ©ros Ă sĂinterroger sur le vĂ©ritable rĂŽle de Judas Iscariote, de saint JeanBaptiste et de lĂascendance de Godefroy de Bouillon. Mais
ses progrĂšs suscitent la colĂšre du frĂšre Moricant, chef charismatique de lĂInquisition, et lĂhostilitĂ© dĂune secte qui serait en possession du Graal. Pendant ce temps, le duc de Lorraine sĂapprĂȘte Ă amorcer la reconquĂȘte de lĂEspagne et prĂ©cipiter le reste de lĂEurope dans la guerre, non sans avoir dĂ©mis Louis XXII de son trĂŽne. Dans ce climat oppressant, SauniĂšre ne peut compter que sur lĂaide de Gen, un ancien amour de jeunesse qui officie en qualitĂ© de mĂ©decin personnel de Lorraineâ et sur celle dĂun mystĂ©rieux informateur qui semble trĂšs proche de lĂInquisition. € noter : la parution de lĂavant dernier volume de Rex Mundi a Ă©tĂ© diffĂ©rĂ©e et sera disponible en aoĂ»t prochain. On patientera donc avec les premiers volumes de la sĂ©rie. La couverture reproduite ici est celle de la version amĂ©ricaine. KAMIL PLEJWALTZSKY
Allusion à la locution latine Sic transit gloria mundi signifiant ÿ Ainsi passe la gloire du monde ƞ Scarce numéro 70, Rex Mundi par Aymeric Cingal
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REX MUNDI, T.5, LA VALLĂE AUX CONFINS DU MONDE de Arvid Nelson et Juan Ferreyra, Milady, 192 p. couleurs, 14,90 âŹ
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CHIENNE DE VIE ! Dorkin et Thompson © Guy Delcourt Productions â 2012
Ă Sommer Hill, le mal rĂŽde. SorciĂšres, zombies, loups-garous et golems menacent. Heureusement, une brigade dâintervention canine veille. Dormez tranquille, citoyens, les chiens de garde sont lĂ .
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van Dorkin, scĂ©nariste, sĂest illustrĂ© sur des Ă©pisodes de New Warriors chez Marvel ou WorldĂs Funniest chez DC, et sur des rĂ©cits du Goon dĂEric Powell. Jill Thompson, artiste cĂ©lĂšbre aux ĂtatsUnis1 et Ă©pouse du scĂ©nariste Brian Azzarello, a dessinĂ© quelques aventures du Sandman et sa sĂ©rie Scary Godmother, qui allie humour et surnaturel. Ensemble, ils racontent les aventures des Beast of Burden, ces Ăż bĂȘtes de somme Ćž qui luttent contre les crĂ©atures magiques et dĂ©moniaques qui menacent leur banlieue paisible. La sĂ©rie Beast of Burden est apparue en 2003 dans les Dark Horse Books, compilations au format poche consacrĂ©es aux fantĂŽmes, sorciĂšres, revenants et monstres. Une bande de chiens (et un chat) y est confrontĂ©e Ă des phĂ©nomĂšnes surnaturels. La structure de feuilleton permet des variations dignes des super-hĂ©ros : alliance entre anciens ennemis, retour dĂadversaires que lĂon croyait morts, mĂ©tamorphose et dĂ©couverte de pouvoirsâ Les sorciers quadrupĂšdes ont ensuite droit Ă une mini-sĂ©rie de quatre numĂ©ros complets, oĂč ils deviennent les dĂ©fenseurs officiels de Burden Hill. Les peintures de Jill Thompson se prĂȘtent aux pĂ©ripĂ©ties saugrenues et Ă la caricature, les mimiques des animaux Ă©tant irrĂ©sistibles. Les couleurs lumineuses contrastent avec la noirceur Ă©vocatrice des rĂ©cits, entre comĂ©die et drame. Delcourt compile ces aventures dans un album Ă©pais. Le traducteur, JĂ©rĂŽme Wicky, a eu lĂexcellente idĂ©e de fran-
ciser les noms : Burden Hill devient Sommer Hill (ce qui restitue en français le jeu de mot dĂorigine du titre), Ace devient Cador, Orphan devient Sans-Famille. Dobey le doberman, Carl le carlin et leurs compĂšres bĂ©nĂ©ficient de dialogues trĂšs vivants, aussi drĂŽles que touchants. Aux goules, spectres et mortsvivants, les BĂȘtes de Somme rĂ©servent un chien de leur chienne ! JEAN-MARC LAINĂ
LaurĂ©ate d'un Eisner award, la plus haute distinction amĂ©ricaine. Elle ïŹuvra notament sur Sandman, Wonder Woman, et sur la sĂ©rie fĂ©tiche du scĂ©nariste Grant Morrisson : The Invisibles. 1
BÂŻTES DE SOMME,T.1 MAL DE CHIENS de Evan Dorkin et Jill Thompson, Delcourt, coll. Contrebande, 184 p. couleurs, 11,99 âŹ
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zoom Le jour, John Dusk utilise ses superpouvoirs pour aider la police Ă arrĂȘter les criminels afin quĂils soient jugĂ©s lĂ©galement. La nuit, il continue plus discrĂštement Ă traquer le mal : ceux qui lui tombent alors entre les mains nĂauront jamais un procĂšs Ă©quitable... Le scĂ©nariste de la pertinente sĂ©rie Avengers Academy creuse le thĂšme trĂšs amĂ©ricain de la justice expĂ©ditive et du vigilantisme. Si la vie sous pression de son hĂ©ros nĂest guĂšre exaltante, lĂauteur ne semble pas dĂ©sapprouver ses choix. LĂabsence de charme du dessin de Viacava a le mĂ©rite de ne pas distraire le lecteur de la rĂ©flexion morale qui est le noyau de cette histoire.
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SUPERIOR : Mark Millar est de retour Superior est la nouvelle série en creator-owned de Mark Millar chez Marvel, dessinée par un Leinil Yu en grande forme. Un enfant malade se voit affublé de super-pouvoirs et veut régler tous les problÚmes du monde. Mark Millar aurait décidé de faire dans le gentillet ? Pas si sûr. © Millar et Yu / Icon Comics
Absolution, de Christos Gage et Roberto Viacava
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Glénat Comics, 192 p. couleurs, 14,95 ⏠VLADIMIR LECOINTRE
Criminal,T.6, Le Dernier des innocents, de Ed Brubaker et Sean Phillips Depuis 2007, chaque annĂ©e, les amateurs de roman noir ont un rendez-vous immanquable avec le 9e art : dans Criminal, le duo Brubaker (scĂ©nario) et Phillips (dessin) continue de projeter des ombres magnifiques. Les hommes sĂy dĂ©battent contre leur destin avec une obstination dĂ©sespĂ©rĂ©e. Chaque tome de cette noire comĂ©die humaine est une histoire complĂšte se concentrant sur un personnage, cependant, des protagonistes peuvent ressurgir dans un autre Ă©pisode, pour la plus grande joie du lecteur fidĂšle. Pour cette sixiĂšme livraison, avec son hĂ©ros assez antipathique, les auteurs ravivent leur inspiration dĂun zeste dĂhumour aigre. DĂ©lectable.
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ark Millar, cĂest Ultimates avec Bryan Hitch, lĂĂ©vĂ©nement Civil War, Wanted, les meilleurs Ă©pisodes de The Authority [nĂen dĂ©plaise aux fans de Warren Ellis, le crĂ©ateur de la sĂ©rie, NDLR], mais surtout, surtout, avec John Romita Jr, Kick Ass (prĂ©sent en clin dĂïŹil dans Superior sur une plaque dĂimmatriculation). Alors, quand il nous pond une histoire qui semble trĂšs amĂ©ricaine et gentillette, de premier abord on ne sait pas comment lĂaborder. Un hommage nostalgique aux hĂ©ros de lĂĂąge dĂor, avec ce Superman en rouge, mĂąchoire carrĂ©e et tout le tralala, ou alors mijote-t-il quelque chose de plus louche ? DĂšs les premiĂšres pages, un des personnages sĂexclame que les super-hĂ©ros qui ne tuent pas, qui ne sont ni cyniques ni torturĂ©s, sont Ăż nazes Ćž. JusquĂici, pas Ă©tonnant, de la part dĂun scĂ©nariste qui vient de terminer une sĂ©rie (toujours en creator-owned) aussi violente que Nemesis. Pourtant Superior la joue Ă fond sur lĂĂ©motion et lĂinnocence.
Delcourt, 112 p. couleurs, 14,95 ⏠VLADIMIR LECOINTRE
AprĂšs Preacher et The Boys, quand on pense Garth Ennis on pense violence, sexe, trash et humour noir. Alors quand on ouvre cette nouvelle sĂ©rie et quĂon plonge dans le journal intime en couleurs pastel dĂune mĂ©nagĂšre prĂ©occupĂ©e par lĂimpact environnemental de son nettoyant pour le solâ Rien, on patiente jusquĂĂ page 7 et on la retrouve en combinaison cuir noir sexy en train de dĂ©gommer des malfaiteursâ Ă la grenade, au flingue, au couteau et Ă mains nues. Et paf ! Elle a visiblement un compte Ă rĂ©gler et ne va pas sĂarrĂȘter avant lĂaccomplissement de son plan. Pas folichons les dessins de Batista, mais tout lĂintĂ©rĂȘt est dans les textes en commentaire et dans la façon dont les deux vies de la protagoniste entrent en collision dans sa tĂȘte aux moments les plus incongrus.
Panini, 150 p. couleurs, 13,20 ⏠CAMILLA PATRUNO
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© Millar et Yu / Icon Comics
Jennifer Blood,T.1, de Garth Ennis et Adriano Batista
EMBRASSER TOUTES LES CAUSES Simon Pooni est un garçon de 12 ans atteint de sclĂ©rose en plaque. Son vïŹu le plus cher est dĂarriver Ă bouger ses orteils sans devoir ressentir des souffrances infernales. Un jour, un singe parlant en tenue dĂastronaute le transforme en Ăż Superior Ćž, hĂ©ros de comics et de cinĂ©ma crĂ©Ă© â dans la fiction de lĂalbum â dans les annĂ©es 30, quand les gens avaient besoin dĂĂ©vasion et dĂespoir, alors que la situation Ă©conomique Ă©tait dĂ©primante. AujourdĂhui, analyse Simon, un hĂ©ros indestructible et boy-scout est exactement ce dont le pays a besoin : en temps de crise et de chĂŽmage massif, quoi de mieux pour la nation que dĂaller proposer Ă Obama de gagner la guerre en Afghanistan et dĂattraper Ben Laden au passage ? Contrairement Ă Superman, qui avec ses pouvoirs aurait pu changer la face de lĂunivers mais ne touchait pas au statu quo, Simon a lĂintention de se rendre utile, pas seulement pour la veuve et lĂorphelin, mais aussi pour lĂenvironnement, lĂAfrique, etc.
ne devine pas encoreâ On est donc autorisĂ©s Ă prĂ©voir un dĂ©veloppement un peu plus noir, aprĂšs des dĂ©buts lĂ©gers et teintĂ©s dĂhumour. Notamment quand Simon et son meilleur ami Chris sĂen donnent Ă cïŹur joie en testant tous les pouvoirs de Superior, avec comparaison croisĂ©e entre ceux dĂ©crits par les films et ceux attribuĂ©s dans les BD homonymesâ le rĂȘve de tout gaminâ et de tout geek ! CAMILLA PATRUNO
DĂCOLLAGE EN DOUCEUR La question Ă laquelle Simon nĂa pas encore eu de rĂ©ponse est : pourquoi lui ? Et pourquoi doit-il attendre une semaine pour recevoir des explications du singe ? Il a tenu pour acquis que le singe Ă©tait un ange venu pour aider lĂhumanitĂ©, mais est-ce si simple ? Tout le monde nĂest pas beau et gentil, et un Ăż cadeau du ciel Ćž de cette portĂ©e a sĂ»rement des consĂ©quences que Simon
SUPERIOR,T.1 LE VïŹU MAGIQUE
de Mark Millar et Leinil Yu, Panini, 100 % Fusion Comics, 104 p. couleurs, 11,20 âŹ
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Hybridation standard © Jonathan Ross et Tommy Lee Edwards / EMMANUEL PROUST
Les fans des Soprano et de True Blood qui lisent de la BD vont ĂȘtre contents : Turf, la mini-sĂ©rie de Tommy Lee Edwards et Jonathan Ross, est traduite en français.
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a quatriĂšme de couverture lĂannonce en gros : Ăż Vampires vs Gangs Ćž. Nous sommes Ă New York en pleine prohibition et un clan de vampires roumains vient de sĂinstaller dans les parages. Si son chef, Gregori Dragonmir, est plutĂŽt un immigrĂ© qui fait profil bas, adepte de la discrĂ©tion et lĂintĂ©gration, son jeune frĂšre Stefan, fougueux et ambitieux, ne tarde pas Ă vouloir conquĂ©rir la ville et dispute leur territoire (Ăż turf Ćž en argot amĂ©ricain) aux diffĂ©rentes familles mafieuses. Cette voie belliqueuse emporte facilement lĂadhĂ©sion de ses troupes et les gangsters sont dĂ©cimĂ©s. Le caĂŻd Eddy Falco montre un peu plus dĂinitiative que ses confrĂšres et se retrouve Ă organiser la rĂ©sistance. Le crash dĂun vaisseau extraterrestre sur Coney Island pourrait bien lui fournir une assistance imprĂ©vue. CĂest donc un rĂȘve de geek que nous dĂ©roulent les auteurs. Le scĂ©nariste Jonathan Ross, vedette de la tĂ©lĂ© britannique, est assurĂ©ment un grand fan de comics et de rĂ©cits de genre. Sa narration est agrĂ©able, les rĂ©citatifs et les dialogues, quoiquĂun peu bavards, sont trĂšs bien Ă©crits et pleins dĂhumour. € la palette graphique, Tommy Lee Edwards se montre Ă©lĂ©gant et efficace. CĂest donc une mini-sĂ©rie fort distrayante et Ă©nergique qui se conclut avec ce second tome. Pourtant, on ne peut sĂempĂȘcher dĂĂ©prouver une pointe de dĂ©ception, car la premiĂšre partie pouvait nous laisser espĂ©rer davantage de surprises. En effet,
une fois son programme cernĂ© (en gros Ă la moitiĂ© du premier tome), lĂïŹuvre se dĂ©veloppe selon un schĂ©ma et un rythme parfaitement hollywoodiens qui sĂaccĂ©lĂšre dans le final explosif et spectaculaire de rigueur, nous laissant au bord de lĂĂ©puisement et de lĂindigestion. Ăż Tout ça pour ça ! Ćž, serait-on tentĂ© de penser : un produit bien formatĂ©. LĂadaptation cinĂ© est en route, comme cĂest Ă©tonnant ! Jonathan Ross connaĂźt bien son affaire. VLADIMIR LECOINTRE
TURF,T.2 de Jonathan Ross et Tommy Lee Edwards, Emmanuel Proust, 80 p. couleurs, 15,50 âŹ
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LĂexpo du pĂ©chĂ©
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© Miller
La ville japonaise
SORT DES CASES Non, ne vous contentez pas du souvenir de lĂadaptation cinĂ©matographique, plutĂŽt rĂ©ussie, de la sĂ©rie Sin City par Roberto Rodriguez. Il est impĂ©ratif de ne pas manquer lĂexpo-vente de 30 planches originales de la sĂ©rie choc Ă la galerie 9e Art. DĂabord pour la qualitĂ© graphique des pages. Ensuite parce que cĂest tout simplement la premiĂšre fois quĂelles sont exposĂ©es en galerie. Enfin, parce que vous nĂen reverrez pas de sitĂŽt, Frank Miller ayant conservĂ© la plupart de ses originaux. Ou alors, le plus sĂ»r moyen de pouvoir continuer Ă les contempler, cĂest dĂen acheter...
InitiĂ©e par la Maison de lâArchitecture de Poitou-Charentes, lâexposition Mangapolis dresse un panorama de la ville japonaise Ă travers les mangas. Une autre façon dâaborder la BD nippone.
Expo Sin City, Galerie 9e Art, Paris IXe, jusquĂau 22 mai. THIERRY LEMAIRE
LĂexpo des bandits LĂart brut, dĂ©fini par Jean Dubuffet aprĂšs-guerre, nĂa pas de frontiĂšres. Cet art des fous, des rejetĂ©s de la sociĂ©tĂ©, qui ne sĂappuie sur aucune tradition, hors la loi artistique, a pris racine Ă©galement en Italie. Et le moins quĂon puisse dire, cĂest que les productions de ces banditi dellĂarte ne laissent pas indiffĂ©rent. Peintures, sculptures, installations, collages, accumulations, la palette de leur talent est large. Les thĂ©matiques aussi, qui vont de la critique sociale Ă la nĂ©vrose profonde. Sans nul doute une expĂ©rience artistique forte. Expo Banditi dellĂarte, Halle St Pierre, Paris XVIIIe, jusquĂau 6 janvier 2013. THL
Contre tout chacal Un type qui voyagea en Chine, fut boxeur, diamantaire, journaliste et mĂȘme agent de renseignement pendant la Seconde Guerre mondiale, et accessoirement homme Ă femmes, pouvait-il crĂ©er un autre hĂ©ros que Bob Morane ? Charles-Henri Dewisme, alias Henri Vernes, Ă©tait prĂ©destinĂ© Ă devenir lĂun des auteurs jeunesse francophones les plus lus. Ses MĂ©moires couvrent la pĂ©riode dĂavant Bob Morane, dĂavant 1953, et pourraient sans aucun mal passer pour un Ă©pisode de lĂaventurier nĂ© le 16 octobre, comme son crĂ©ateur. Henri Vernes - MĂ©moires, Les Ă©ditions Jourdan, 490 pages, 22,90 ⏠THL
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ARK, 2005 - MANABU IKEDA - PHOTO BY KEIZO KIOKU - COURTESY OF MIZUMA ART GALLERY
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a ville dans les mangas. Bon sang mais cĂest bien sĂ»r. Il nĂy a quĂĂ feuilleter des bandes dessinĂ©es japonaises pour sĂapercevoir Ă quel point lĂespace urbain est prĂ©sent dans les cases. Il y a plusieurs raisons Ă cela. Ăż Le Japon est dĂabord Ă©minemment urbain, rappelle Xavier Guilbert, le commissaire de lĂexposition. Surtout aprĂšs lĂĂ©norme exode rural des annĂ©es 50 et 60. Et puis il y a la spĂ©cificitĂ© de la langue japonaise, dans laquelle le sujet nĂest pas du tout central et mĂȘme parfois absent. Les Japonais accordent ainsi beaucoup plus dĂimportance au contexte. Et dans la lecture des images, Ă ce qui se passe en arriĂšre-plan. Ćž
FOCUS SUR TOKYO On sĂen serait doutĂ©, cĂest Tokyo qui se taille la part du lion dans les reprĂ©sentations de la ville. Ăż Le Japon est trĂšs centralisĂ©. Dans les annĂ©es 60, le manga Ă©tait trĂšs prĂ©sent Ă Osaka. Avec la reconstruction, Tokyo a pris de plus en plus de poids. Toutes les maisons dĂĂ©dition sont aujourdĂhui dans la capitale, la plupart des auteurs aussi. Ils sĂinspirent donc de ce qui les entourent. Et puis ils travaillent Ă partir de rĂ©fĂ©rences photographiques et les livres portent plutĂŽt sur Tokyo. Ćž
Car la ville reprĂ©sentĂ©e nĂest pas fantasmĂ©e, mais bien rĂ©elle. LĂexposition rĂ©pertorie dĂailleurs les Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques de la rue japonaise prĂ©sents dans les mangas, tels les poteaux Ă©lectriques, les canaux et les passerelles. Et sĂattarde sur la ligne de mĂ©tro Yamanote, qui traverse les quartiers emblĂ©matiques de la capitale. Pour servir de guides, six auteurs publiĂ©s en français ont Ă©tĂ© choisis. Ăż Avec Adachi Mitsuru (H2) et Harold Sakaguchi (Beck) qui sont relativement grand public, Arai Hideki (The World is Mine) qui est un petit peu plus adulte, Nananan Kiriko (Every Day) pour une vision fĂ©minine, Manabei ShĂŽhei (Ushijima, lĂusurier de lĂombre) et Takahashi Tsutomu (Bakuon RettĂŽ) qui sont plus sombres, on a voulu mĂȘler mainstream et manga alternatif. Ćž ThĂšme cher aux Japonais, marquĂ©s par la guerre et les catastrophes naturelles, la vision post-apocalyptique de la ville nĂest pas oubliĂ©e. Une maniĂšre de boucler la boucle puisque Akira fut au dĂ©but des annĂ©es 90 le premier succĂšs des mangas publiĂ©s en France. Depuis, la bande dessinĂ©e nip-
pone a fait du chemin dans lĂhexagone. Une chose est sĂ»re, aprĂšs cette exposition, vous ne la regarderez plus de la mĂȘme maniĂšre. THIERRY LEMAIRE
MANGAPOLIS
Ă Poitiers (jusquĂau 16 juin), au musĂ©e de la BD dĂAngoulĂȘme (du 30 juin au 7 oct) et Ă Lille (du 16 oct au 22 dĂ©c).
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Le jardin secret © Will / DUPUIS - CHAMPAKA
de Will dévoilé
En parallĂšlle des populaires aventures de Tif et Tondu, Will a dĂ©veloppĂ© une remarquable Ćuvre picturale.
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assionnĂ© de dessin, le jeune Willy Maltaite aurait bien aimĂ© suivre des Ă©tudes artistiques. RecalĂ© Ă lĂexamen dĂadmission, il rejoint lĂatelier de JijĂ© qui lui enseigne les bases de son art (dessin, peinture et sculpture), aux cĂŽtĂ©s des jeunes Morris et Franquin, peu avant leur dĂ©part aux Ătats-Unis. Charles Dupuis lui propose la reprise graphique des Tif et Tondu de 1949 Ă 1990, ce qui lui permettra dĂillustrer prĂšs de 40 albums, notamment sur des textes de Dineur (crĂ©ateur de la sĂ©rie dĂšs le premier numĂ©ro de Spirou en 1938), Rosy, Tillieux et Desberg. Will illustre ces aventures avec brio, mais les personnages quĂil nĂa pas crĂ©Ă©s lui pĂšsent, et il se console en dĂ©corant les cases de magnifiques paysages ou architectures. Avec ses amis Franquin, Macherot et Delporte, il crĂ©a plus tard la sĂ©rie Isabelle oĂč il sĂamusait bien plus, mĂȘme si elle obtint un succĂšs commercial mitigĂ©.
classiques, il sĂagit principalement de paysages ou de portraits, le plus souvent fĂ©minins. Les couleurs sont magnifiques, entre Gauguin et Van Dongen. CĂest le recueil de ses ïŹuvres intimes et privĂ©es qui est prĂ©sentĂ© dans ce livre, oĂč lĂon trouve en complĂ©ment de nombreuses illustrations isolĂ©es parues dans les journaux Spirou et Tintin (oĂč Will fut directeur artistique pendant deux ans). La galerie bruxelloise Champaka lui consacre une exposition en mai. JEAN-PHILIPPE RENOUX
VAGABONDAGES GRAPHIQUES Pendant ses heures de loisir ou Ă lĂoccasion des vacances dans des rĂ©gions ensoleillĂ©es, Will sortait sa palette de couleurs, et faisait de trĂšs jolies peintures. Il sĂagissait de rĂ©crĂ©ations, conçues pour son simple plaisir personnel. Les thĂšmes sont figuratifs et
LE JARDIN DES COULEURS
de Will, Dupuis, coll. Aire Libre / Champaka 120 p. couleurs, 45 ⏠61
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La Bande DessinĂ©e, de Christophe Quillien Voici le documentaire parfait pour initier les petits au NeuviĂšme art ! On y dĂ©couvre, Ă travers une soixantaine dĂentrĂ©es diffĂ©rentes, quels sont les auteurs et les styles qui existent, ici et Ă travers le monde, comment travaillent les auteurs, comment sĂinterprĂštent les genres, comment cet art influence notre vie de tous les joursâ Un guide complet conçu pour les enfants, truffĂ© de photos et de dessins, permettant dĂapprendre tout sur la BD et transformer vos petits loups en grands mordus.
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Rita et Machin : zou, rezou et Zouzous ! Vous ne connaissez pas les aventureuses bĂȘtises de cette mignonette ïŹllette et de son adorable cabot ? SĂ©ance de rattrapage grĂące Ă une nouveautĂ©, la sĂ©rie tĂ©lĂ©1 et Ă la refonte de la collection.
© Jean-Philippe Arrou-Vignod et Olivier Tallec / GALLIMARD JEUNESSE
Gallimard, coll.TothĂšme, 60 p. couleurs, 14,90 ⏠HĂLËNE BENEY
Jeanne,T.1 et 2, de Merwan Chabane et Bertrand Gatignol AprĂšs la version en noir et blanc, format manga, appelĂ©e Pistouvi, ce fabuleux conte sĂoffre une version en couleurs en deux volumes, format album, nommĂ©e Jeanne. Et autant dire que, bien quĂidentiques sur le fond, lĂun comme lĂautre sont simplementâ fantastiques et indispensables ! Nos deux hĂ©ros, Pistouvi le renard et Jeanne la petite fille, vivent ensemble dans une maison nichĂ©e dans un arbre, plantĂ© au milieu dĂun univers peuplĂ© dĂinsectes au goĂ»t dĂ©licieux, dĂoiseaux dingues et dangereux, dĂune femme-vent et dĂun homme-tracteur. Impossible de rĂ©sumer lĂinexprimable : cette sĂ©rie est douce, tranchante, bizarre, poĂ©tique, naĂŻve, tendre, violenteâ Bref, cĂest beau et bon. Un choc qui ne manquera pas dĂinterroger petits et grands.
Dargaud, 96 p. couleurs, 12,95 âŹ
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LĂEnfant et la Nuit, de Balazuc et Polanco Virgile et sa petite sïŹur ont bien du mal Ă trouver le sommeil depuis que leur maman est malade. Le petit garçon dĂ©cide dĂaller chercher le Jour afin que la lumiĂšre revienne dans sa maison et ramĂšne la chaleur dans son foyer. Mais Noctalia, reine de la Nuit, et son fils mĂ©decin, Evariste, veillent... Conte lyrique en sept scĂšnes et quatre tableaux, cet album, assistĂ© du CD du spectacle, raconte lĂabsence, lĂamour, la douleur, la joieâ Un voyage haut de gamme, Ă lire et Ă©couter en famille ! Gallimard Jeunesse, coll. GiboulĂ©es, Livre illustrĂ© : 64 p. couleurs + CD : 52mn, 21,69 âŹ
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orsquĂil sĂagit de partir en vacances, Rita â la petite fille â et Machin â son biennommĂ© chien â, donnent tout ce quĂils ont dans le ventre ! Surtout en voiture, lorsquĂils se sont gavĂ©s de bonbons, chips et autres douceursâ Entre les montagnes de valises de Ăż strict nĂ©cessaire Ćž, les grimaces dans les embouteillages, le mal des transports et la customisation perso de la nouvelle voiture de Papa, les deux compĂšres ne chĂŽment pas pour cumuler les bĂȘtises. Mais Ă©videmment, ce nĂest jamais de leur faute, Ă ces deux hypocritesâ
« CâEST PAS NOUS, CâEST PAS NOUS ! » Dessin dĂ©licat en noir et blanc, rehaussĂ© de touches de rouge, servant de savoureuses histoires Ă dĂ©guster dĂšs 4 ans : cĂest une petite joie de retrouver Rita et Machin dans ce nouvel album. Et pour marquer la sortie de cette nouveautĂ© estivale et lĂarrivĂ©e de leur sĂ©rie Ă la tĂ©lĂ©, le duo sĂoffre le relooking des cinq titres de sa collection (nouveau format carrĂ©, nouveau prix, nouvelle typoâ). Tendres, drĂŽles et lĂ©gers, Ă lĂimage du graphisme Ă©lĂ©gant et plein dĂhumour dĂOlivier Tallec, ces deux-lĂ ne sont jamais mĂ©chants : ils prennent juste chaque Ă©vĂ©nement de leur vie comme une grande aventure et nous embarquent avec eux dans leur fabuleuse insouciance quotidienne. Simpliste et enfantin ? Ăa tombe bien, cela sĂadresse aux tous petits lecteurs, auxquels on souhaite de conserver longtemps leur joyeuse dĂ©sinvolture ! HĂLËNE BENEY
Série diffusée du mardi au vendredi vers 8h45 sur France 5 dans Debout les Zouzous.
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RITA ET MACHIN PARTENT EN VACANCES
de Jean-Philippe ArrouVignod et Olivier Tallec, Gallimard Jeunesse, 32 p. couleurs, 6 âŹ
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8 albums « collector » pour les 10 ans de Cazenove Dans notre prĂ©cĂ©dent numĂ©ro, nous vous prĂ©sentions le concours organisĂ© par les Ă©ditions Bamboo pour fĂȘter les 10 ans de carriĂšre de Christophe Cazenove. Dans le cadre de cet anniversaire, lâĂ©diteur a sĂ©lectionnĂ© huit albums emblĂ©matiques de son scĂ©nariste-star qui bĂ©nĂ©ïŹcient ainsi dâun nouveau tirage en version collector (format plus grand, tirage limitĂ©, cahier bonus).
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© Cazenove et William / BAMBOO ĂDITIONS
ourquoi huit albums, et pas dix ? Si lĂanniversaire cĂ©lĂ©brĂ© est bien celui des 10 ans de Cazenove chez Bamboo, cĂest bien le concours consistant Ă trouver le prochain dessinateur de la sĂ©rie Mes CopĂs qui est mis en avant dans cette opĂ©ration. Les participants sont en effet invitĂ©s Ă mettre en images lĂun des huit story-boards rĂ©alisĂ©s par Cazenove ; vous en dĂ©couvrirez un diffĂ©rent dans chacun des cahiers bonus de ces rĂ©Ă©ditions, en plus Ăż dĂanecdotes des auteurs, recherches graphiques, dessins, scĂ©narios et gags inĂ©dits Ćž en rapport avec lĂalbum considĂ©rĂ©.
ENTRETIEN AVEC OLIVIER SULPICE, PATRON DES ĂDITIONS BAMBOO ET SCĂNARISTE DR
Comment avez-vous sĂ©lectionnĂ© ces huit albums ? En concertation avec Christophe, nous avons souhaitĂ© proposer huit albums reprĂ©sentatifs de sa carriĂšre de scĂ©nariste. Pour chaque album, on retrouve un dessinateur diffĂ©rent, Ă lĂexception dĂAndrĂ© Amouriq qui signe Les PrĂ©dictions de Nostra, son tout premier album, et une sĂ©rie pour laquelle le succĂšs a Ă©tĂ© plus consĂ©quent : LĂAuto-Ă©cole. Et puis, on ne pouvait pas Ă mon avis retracer le parcours de Christophe sans mentionner son excellente derniĂšre sĂ©rie en date, Les Petits Mythos. 10 rĂ©Ă©ditions pour les 10 ans de Cazenove, cela nĂaurait-il pas Ă©tĂ© plus marquant ? Christophe a rĂ©alisĂ© dĂautres sĂ©ries chez Bamboo, mais les huit que nous avons sĂ©lectionnĂ©es sont pour moi ses plus emblĂ©matiques. DĂautant que je nĂaime pas tirer sur la corde et huit sĂ©ries me paraissent suffisantes. Les tomes choisis sont-il censĂ©s ĂȘtre les meilleurs dans chaque sĂ©rie ? La sĂ©lection sĂest faite en accord avec Christophe et le dessinateur de la sĂ©rie concernĂ©e. Certains dessinateurs nĂĂ©taient pas trĂšs chauds pour une Ă©dition spĂ©ciale du tome 1 de leur sĂ©rie, car leur dessin a entre temps Ă©voluĂ©. CĂest le cas de StĂ©do pour Les Pompiers. Quel est lĂobjectif de ces rĂ©Ă©ditions ? € lĂorigine, le but est de rendre hommage Ă Christophe Cazenove, un des auteurs dont le parcours est indissociable de la rĂ©ussite de Bamboo. GrĂące Ă ces nouvelles Ă©ditions, les lecteurs pourront dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir certains albums pleins de qualitĂ©s, mais qui nĂont pas forcĂ©ment rencontrĂ© leur public. Je pense par
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exemple aux PrĂ©dictions de Nostra, qui a entre autres pĂąti dĂune moins bonne diffusion Ă lĂĂ©poque. Concernant le concours Mes CopĂs, cĂest pour nous un moyen original pour recruter un nouveau dessinateur de talent et ainsi renouveler notre Ă©quipe dĂauteurs. Tout le monde a sa chance et on sĂattend Ă avoir des belles surprises. Pour lĂinstant, nous nĂavons pas reçu Ă©normĂ©ment de planches, mais plusieurs auteurs nous disent travailler dessus et veulent soigner leur participation... Avez-vous pu observer une Ă©volution dans le travail de Cazenove au cours de ces 10 annĂ©es ? Christophe ne cesse de mĂĂ©pater. Je le trouve meilleur dĂalbum en album. Cela dit, quand jĂai relu Nostra, sa premiĂšre sĂ©rie chez Bamboo, jĂai pu constater que tous les ingrĂ©dients de ses futurs succĂšs Ă©taient dĂ©jĂ lĂ . Humainement, il nĂa pas changĂ©, il nĂhĂ©site pas Ă se remettre en question si je lui indique quĂun de ses gags est perfectible. Comme nous travaillons ensemble sur les scĂ©narios des Gendarmes, on a appris Ă se connaĂźtre. Je sais que lorsquĂil me dĂ©crit sommairement une idĂ©e de gag, le rĂ©sultat final sera Ă la hauteur. Dans les 10 prochaines annĂ©es, je prends le pari que Christophe nous surprendra encore. Quelle est votre sĂ©rie favorite de Cazenove ? Je les apprĂ©cie toutes ! En gĂ©nĂ©ral, lorsque je signe un projet quĂon me propose, cĂest que jĂy crois. En revanche, par respect pour le travail de Christophe, il mĂest arrivĂ© de lui refuser des sĂ©ries dont le sujet ne mĂintĂ©ressait pas. Quels seront vos critĂšres personnels pour dĂ©terminer le laurĂ©at du concours ? JĂattends dĂĂȘtre surpris, que le dessinateur ou la dessinatrice sĂapproprie la sĂ©rie Mes CopĂs dans un style qui lui est propre, tout en restant Ăż grand public Ćž. JĂespĂšre une
patte graphique diffĂ©rente de ce quĂon retrouve actuellement dans le catalogue Bamboo, comme ce fut le cas pour Les Sisters en son temps. Je dis ça, mais si Albert Uderzo dĂ©cide de participer, je ne serais pas contre ! PROPOS RECUEILLIS PAR
OLIVIER PISELLA
c DĂJ€ PARUS
âą Les Pompiers, T.9, Feu Ă volontĂ© de Christophe Cazenove et StĂ©do, Bamboo, 48 p. couleurs, 12,50 ⏠⹠Les PrĂ©dictions de Nostra, T.1, LĂAs des astres de Christophe Cazenove et AndrĂ© Amouriq, Bamboo, 48 p. couleurs, 12,50 ⏠⹠LĂAuto-Ă©cole, T.4, Formation accĂ©lĂ©rĂ©e de Christophe Cazenove et AndrĂ© Amouriq, Bamboo, 48 p. couleurs, 12,50 ⏠⹠Les Fondus de la cuisine, T.1 de Christophe Cazenove, HervĂ© Richez et Olivier Saive, Bamboo, 48 p. couleurs, 12,50 âŹ
c € PARAËTRE
âą Les Gendarmes, T.9, Un homme donneur ! de Christophe Cazenove et StĂ©do, Bamboo, 56 p. couleurs, 12,50 ⏠⹠Basket Dunk, T.6 de Christophe Cazenove, Arnaud Plumeri et Mauricet, Bamboo, 56 p. couleurs, 12,50 ⏠⹠Les Petits Mythos, T.1, Foudre Ă gratter de Christophe Cazenove et Philippe Larbier, Bamboo, 56 p. couleurs, 12,50 ⏠⹠Les Sisters, T.3, CĂest elle quĂa commencĂ© de Christophe Cazenove et William, Bamboo, 56 p. couleurs, 12,50 âŹ
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Pour participer au concours Mes CopĂs, rendez-vous sur : http://www.bamboo.fr/mescops/ Date limite de participation : 30 septembre 2012
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MyMajorCompany BD :
RETOUR SUR IMAGES Cela fait maintenant un peu plus de six mois que le fameux label participatif a lancĂ© sa branche dĂ©diĂ©e Ă la bande dessinĂ©e. Ă ce jour, quatre titres ont pu ĂȘtre Ă©ditĂ©s grĂące Ă lâinvestissement et au travail de promotion des internautes, et dâautres sont Ă venir ! Zoo revient sur lâexpĂ©rience de ces six derniers mois avec deux actrices de cette aventure MyMajorCompany BD.
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ous avez rencontrĂ© un franc succĂšs avec votre premier titre paru, Le ChĂŽmeur et sa Belle de Jacques Louis. Pour MMC et ses Ă©dinautes, quelles ont Ă©tĂ© les rĂ©ussites jusque lĂ ? Cet album a Ă©tĂ© financĂ© en moins dĂune semaine, ce qui est une vraie rĂ©ussite ; on a pu crĂ©er un rĂ©el enthousiasme autour dĂun jeune auteur, et cĂest cet engouement qui constitue notre premiĂšre source de satisfaction. Les internautes Ă©diteurs sont rĂ©tribuĂ©s Ă lĂannĂ©e, donc concrĂštement ils nĂont encore rien touchĂ©, mais ils ont participĂ© Ă lĂaventure, ont reçu un exemplaire du tome 1 plus un ex-libris signĂ©, et ils ont pu rencontrer lĂauteur aux salons du Livre de Bruxelles et de Paris. On leur a Ă©galement proposĂ© de participer en avant-premiĂšre Ă lĂĂ©dition du tome 2 : trĂšs peu de parts restaient disponibles pour le reste des Ă©dinautes une fois lĂalbum en ligne. Des erreurs Ă ne pas reproduire ? On ne peut pas vraiment parler dĂerreurs. On a ouvert la plateforme avec huit projets sĂadressant Ă des publics trĂšs diffĂ©rents. Certains ont eu du succĂšs, dĂautres nĂont pas fait lĂobjet du mĂȘme engouement, cependant nous ne regrettons pas ce parti pris. Nous voulons continuer Ă attirer un lectorat toujours plus variĂ© pour donner Ă tous les projets la chance de rencontrer leur public.
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ENTRETIEN AVEC SOPHIE POULIQUEN, CHEF DE PROJET MYMAJORCOMPANY BD
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QUELQUES UNES DES SĂRIES QUI SONT OU ONT ĂTĂ FINANCĂES SUR MMC BD : 1 - PLEINE LUNE 2 - LA BALLADE DE MAGDALENA 3 - PINK DAËQUIRI 4 - PIC PIC ANDRĂ ET SES AMIS 5 - LA FILLE DE LĂEAU 6 - LE CHĆMEUR ET SA BELLE 7 - AXEL ROCK 8 - SHRIMP
Les nouveautĂ©s continuent dĂarriver : nous avons trois albums Ă Ă©diter (Pleine Lune, La Ballade de Magdalena et le tome 2 du ChĂŽmeur et sa Belle), sans compter les titres que les Ă©diteurs sĂ©lectionnent et proposent au quotidien.
ENTRETIEN AVEC PAULINE MERMET, ĂDITRICE CHEZ DARGAUD
Pourquoi chercher le concours des maisons dĂĂ©dition au lieu de publier ces BD sous label MMC ? Nous venons du milieu musical Ă la base, et nĂavions pas la compĂ©tence nĂ©cessaire. Nous avons donc cherchĂ© des Ă©diteurs, et avons Ă©tĂ© contactĂ©s par Claude de St Vincent de MĂ©dias Participations qui nous a sollicitĂ©s pour collaborer sur MMC BD. Sans Ă©diteurs, on ne pourrait pas le faire, et on a la chance dĂĂȘtre associĂ©s aux meilleurs !
Depuis le début de votre collaboration avec MMC, comment définiriez-vous vos résultats ? On a actuellement de trÚs bons retours niveau visibilité et communication sur les albums mis en ligne sur MMC. La visibilité des jeunes auteurs étant notre objectif n°1, on peut parler globalement de trÚs bons résultats.
Quel premier bilan peut-on faire de ces six mois ? CĂest un bilan trĂšs positif, la collaboration avec les maisons dĂĂ©dition se dĂ©roule parfaitement bien et les projets ont une communautĂ© active : pour chacune des BD mises en ligne et donc pas encore Ă©ditĂ©es, le constat seul du nombre de lectures est une victoire en soi.
Quel est lĂavantage pour un Ă©diteur Ă travailler avec MMC plutĂŽt que dĂĂ©diter directement les auteurs qui se prĂ©sentent ? On vit aujourdĂhui une pĂ©riode dĂencombrement dans le monde de lĂĂ©dition, et hormis les sĂ©ries dĂ©jĂ connues qui marchent forcĂ©ment bien, on a de nouveaux auteurs qui ont du mal Ă ĂȘtre reconnus en
librairie. Le but de cette collaboration cĂest de faire le buzz avant lĂĂ©dition pour Ă©viter lĂĂ©cueil en librairie dĂ» Ă cet afflux de nouveautĂ©s tous les ans. Cette alliance avec des Ă©diteurs reconnus donnet-elle aux Ă©dinautes un sentiment de sĂ©curitĂ© ? LĂĂ©dinaute est invitĂ© Ă investir sur une ïŹuvre, donc en effet, cĂest rassurant pour lui de savoir celle-ci soutenue par un Ă©diteur comme Dargaud : ça lui permet de se conforter dans le bien fondĂ© de son placement, mais Ă©galement dĂĂȘtre associĂ© au processus de crĂ©ation et dĂĂ©dition dĂune BD. Comment voyez-vous lĂavenir de cette collaboration ? On souhaite dans un premier temps continuer Ă soutenir la jeune crĂ©ation, et aussi dĂ©velopper dĂautres types de projets ensemble, sous la forme par exemple de concours pour encourager la participation des internautes. De nombreux projets sont en prĂ©paration. PROPOS RECUEILLIS PAR
ALIX DE YELST
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Diabolik : le fumetto nero a 50 ans Cela fait 50 ans que le personnage Diabolik a vu le jour. Un hĂ©ros masquĂ© qui nâest pas au service de la justice, mais qui sâingĂ©nie Ă commettre les mĂ©faits les plus abominables. Une curiositĂ© que nous vous proposons de redĂ©couvrir.
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est une date dans la BD, pas seulement italienne. En novembre de cette annĂ©e-lĂ , paraĂźt le premier fascicule dĂun genre nouveau. Non seulement le format est celui dĂun livre de poche (en France on parlera plus tard de Ăż pockets Ćž) pour ĂȘtre lu dans le train, mais il raconte les aventures dĂun sale personnage en Jaguar type E, masquĂ©, mĂ©chant, fou, ancĂȘtre de tous les serial killers de la BD et du cinĂ©ma, une BD pour adultes comme on nĂen a jamais vu, oĂč le Mal lĂemporte toujours, qui prendra le nom de fumetto nero (= BD noire, et non Ăż fumĂ©e noire Ćž comme lĂĂ©crivent les ignorants de Wikipedia) : Diabolik, Ă©ditĂ© par les Ă©ditions Astorina et sous-titrĂ© La BD du frisson. On aurait dĂ» garder le titre du premier Ă©pisode, Le Roi de la terreur. Car ce sont des aventures effrayantes, terribles, avec un (anti-)hĂ©ros sadique qui ne pense quĂĂ tuer, faire souffrir, escroquer et punir. Le vilain complet. € ses cĂŽtĂ©s, sa complice et amante, Eva Kant, jolie et attirante, donc dangereuse pour les lecteurs. En face, un policier impuissant (50 ans aprĂšs, il nĂa toujours pas rĂ©ussi Ă arrĂȘter Diabolik), lĂinspecteur Ginko. Dialogues haletants, action sans pause, trois-quatre images par page, en noir et blanc, couverture frappante aux couleurs violentes.
DE MULTIPLES COLLABORATEURS € partir de 1965, la bande se branche sur lĂactualitĂ©. Le succĂšs est colossal. Le style est lancĂ©, les imitations pleuvent : Kriminal, Satanik, Sadik, Demoniak,
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LE FILM DANGER: DIABOLIK PAR MARIO BAVA - 1968
Killing, Genius, Zakimort... Traductions, film (Mario Bava), dessin animĂ©, TV, feuilleton radio, publicitĂ©s, romans, jeu vidĂ©o, dĂ©cors de voitures, web, parodies, rĂ©Ă©ditions... Diabolik a Ă©tĂ© imaginĂ© par Angela Giussani, une Milanaise de 40 ans. Elle est lĂĂ©pouse dĂun Ă©diteur pour la jeunesse avec qui elle travaillait depuis 1950, Gino Sansoni, des Ă©ditions Astoria. Autour de cette scĂ©nariste vont travailler une foule de dessinateurs, le premier restant anonyme et mystĂ©rieux, Francesco Zarcone (longtemps appelĂ© Ăż LĂAllemand Ćž, car trĂšs blond), aussitĂŽt disparu et jamais retrouvĂ©, et la couverture dessinĂ©e par Brenno Fiumali. Zarcone vite remplacĂ© par Gino Marchesi, Enzo Facciolo, Edgardo DellĂacqua, Glaudo Coretti, Lino Jeva, Sergio Zaniboni, Armando Bonato, Flavio Bozzoli, Victor Hugo Arias, etc., souvent en alternance. Le logo a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par Remo Berselli. TrĂšs vite, Angela Giussani appela Ă la rescousse sa sïŹur de six ans plus jeune, Luciana, qui Ă partir du 14e Ă©pisode Ă©crivit avec elle. Toutes deux avaient fait une premiĂšre tentative dĂĂ©dition en commun avec la sĂ©rie US Big Ben Bolt aprĂšs quelques pochettes de figurines pour des jeux. Elles embauchĂšrent ensuite Patrica Martinelli pour les aider, puis une foule de scĂ©naristes collaborĂšrent, dont les plus connus : Locatelli, Castelli, Ongaro, Saccarello, Erika Rossi, Gazzari, Mantelli... Angela meurt en 1987 Ă 65 ans et Luciana continue seule, puis laisse la direction
des scĂ©narios Ă P. Martinelli en 1992, puis la direction de lĂĂ©dition Ă Mario Gomboli en 1998, tout en continuant Ă superviser lĂĂ©criture jusquĂen 2000, peu avant sa mort en 2001 Ă 73 ans.
LE CĂTĂ SOMBRE DE LâĂME HUMAINE La conception du personnage, inspirĂ© du pionnier littĂ©raire FantĂŽmas, et celle du support pocket par les sïŹurs Giussani, leur sens du noir, du Mal, du morbide, en phase avec un public avide de lĂautre face de la mĂ©daille humaine, fut dĂšs le dĂ©part attaquĂ© de tous cĂŽtĂ©s : religieux, politique, artistique, Ă©thique, Ă©ducatif... Elles nĂen eurent cure et persistĂšrent dans le succĂšs. DĂšs 2003, les Grande Diabolik, avec des histoires plus longues et un autre format, revisitĂšrent le mythe, en reclassant les Ă©pisodes chronologiquement. En France, oĂč les critiques et la censure se dĂ©chaĂźnĂšrent, les fascicules parurent de 1966 Ă 1980. Il existe de nombreuses reprises, des albums, un site et un club en Italie. Un chef mafieux, Matteo Messina Denaro, fan de BD, fou de la sĂ©rie, se fit surnommer Diabolik et adapta mĂȘme sur les pare-chocs de sa propre Alfa Romeo deux mitraillettes comme Diabolik. Classe ! YVES FRĂMION
c FrĂ©mion est lĂun des plus fidĂšles hussards de Fluide Glacial. CĂest aussi un historien de la BD, un romancier et un scĂ©nariste (parmi dĂautres activitĂ©s).
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MĂLONIE NâA PAS
FROID AUX YEUX © Filobedo / TABOU
La gaudriole qui fut Ă lâhonneur pendant les annĂ©es 70 a rarement connu les honneurs du format cartonnĂ©. Les Ă©ditions Tabou comblent ce manque en publiant LâĂźle mystĂ©rieuse de Filobedo ; ce dernier se fait plaisir avec une succession de scĂšnes crues, des calembours Ă©culĂ©s et un humour potache. Attention les yeux !
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uelque part au milieu du Pacifique, un cargo navigue vers une destination mystĂ©rieuse : une zone oĂč un champ magnĂ©tique gĂ©nĂšre une ceinture nuageuse qui pourrait abriter une Ăźle inconnue. Mr Brody suppose quĂun avion amĂ©ricain transportant un trĂ©sor de guerre nazi sĂy serait Ă©crasĂ©. MĂ©lonie Sweet, une brune aux formes rebondies, a Ă©tĂ© choisie pour ĂȘtre la mascotte de lĂĂ©quipage et porter chance Ă lĂexpĂ©dition. LĂĂ©quipage a eu Ă choisir entre elle et un hamster, mais le manque de loquacitĂ© du rongeur fut rĂ©dhibitoire. Seulement voilĂ , notre MĂ©lonie sĂĂ©tiole et se morfond sur son transat au milieu de lĂĂ©tendue marine. Heureusement, lĂĂ©quipage la met Ă contribution dans la salle des machines. Notre hĂ©roĂŻne nĂhĂ©site pas une seconde Ă aller au charbonâ Mais on le sait, les kĂ©rogĂšnes sont salissants, et cĂest fort gĂ©nĂ©reusement quĂun marin assignĂ© au nettoyage du pont arrose de son tuyau le corps suintant et crasseux de MĂ©lonie. Les matelots en profitent pour se rincer lĂïŹil, mais comment les
en blĂąmer ? Pendant que les regards se focalisent sur le pont, le bateau vient heurter un banc de sable. Nul doute, lĂĂźle est Ă proximitĂ©, dĂautant que dĂimmenses cumulo-nimbus se forment Ă quelques nautiques de lĂ . Ni une ni deux, un canot est envoyĂ© en reconnaissance avec Ă son bord notre gentille MĂ©lonie. Fouler la terre ferme remplit dĂallĂ©gresse notre naĂŻade qui sĂĂ©merveille de la luxuriance alentours. Mais pendant que notre mascotte folĂątre dans les eaux dĂun lac, les membres de lĂexpĂ©dition voient se dresser Ă lĂhorizon la statue dĂun primate gigantesque. Cela ne vous rappelle rien ? MĂȘme pas King Kong ? J.-B. THORET
LĂËLE MYSTĂRIEUSE de Filobedo, Tabou, 64 p. couleurs, 15,20 ⏠69
zoom dvd
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© SND Distribution
© Twentieth Century Fox 2012
Underworld Nouvelle Ăšre
La guerre qui fait rage entre les vampires et les lycans n'a pas dit son dernier mot. Ce quatriÚme volet marque le retour de Kate Beckinsale dans le rÎle de Selene. AprÚs avoir été capturé par les humains et plongé dans un coma de 12 années, la vampire amatrice de cuir et de gros flingues se réveille dans un monde qui a bien changé. Underworld - Nouvelle Úre prend la tangente par rapport à l'univers gothique imaginé par Len Wiseman, au risque de déplaire aux fans de la premiÚre heure. A contrario, ceux qui recherchent l'action furieuse prenant le pas sur l'ambiance seront davantage réceptifs au film des Suédois MÄrlind et Stein. Un DVD M6 Vidéo JULIEN FOUSSEREAU
Le Havre Un cireur de chaussures porte assistance Ă un jeune clandestin africain perdu au cïŹur de la Porte OcĂ©ane. ĂnoncĂ© de la sorte, Le Havre pourrait se transformer en parpaing bien pensant. C'est sans compter Aki KaurismĂ€ki et sa direction artistique unique dont la stylisation emprunte Ă la fois au rĂ©alisme poĂ©tique des annĂ©es 30 et Ă Jacques Tati. Ses nobles influences se fondent parfaitement Ă son sens lĂ©gendaire de l'absurde et du dĂ©calage. € l'image de la prestation remarquable d'AndrĂ© Wilms, Le Havre s'impose comme une belle fable utopiste, d'une dignitĂ© bressonnienne et d'une humanitĂ© que ne renierait pas Chaplin. Superbe. Un DVD Pyramide VidĂ©o JF
Coffret World Cinema Foundation Volume 1 Martin Scorsese nĂest pas seulement un immense rĂ©alisateur, mais Ă©galement un acteur important dans la prĂ©servation du 7e art de tous les horizons. On en veut pour preuve ce coffret regroupant quatre films en provenance du Mexique, Maroc, SĂ©nĂ©gal et Kazakhstan. Chacun tĂ©moigne dĂun regard peu commun quand il nĂest pas affĂ»tĂ© ou Ă©mouvant sur la condition humaine. € ce titre, le regard ethnographique des RĂ©voltĂ©s dĂAlvarado de Fred Zinneman, la poĂ©sie sensuelle du Voyage de la hyĂšne de Djibril MambĂ©ty, lĂĂ©trangetĂ© hypnotique de La FlĂ»te de roseau de Ermek Shinarbaev constituent de sacrĂ©es dĂ©couvertes. Merci Marty ! Un coffret Carlotta JF
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TrĂšs attendu, Prometheus, le blockbuster de science-ïŹction de Ridley Scott, sortira dans les salles françaises le 30 mai prochain. Nous avons pu visionner une dizaine de minutes en avantpremiĂšre. Premiers enseignements.
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oilĂ prĂšs de deux ans que le microcosme cinĂ©philique se passionne pour le retour de Ridley Scott Ă la science-fiction. LĂengouement initial que suscita lĂannonce est grandement liĂ© au nom de code du projet : Alien Prequel. LĂidĂ©e mĂȘme que lĂauteur du premier film de cette saga culte revienne aux origines, soit avant le film fondateur de 1979, suffit Ă expliquer lĂembrasement automatique de la Toile du moindre effet dĂannonce sur le casting Ă la plus petite publication dĂun jeu famĂ©lique de photos officielles. Un des aspects les plus symptomatiques de notre Ă©poque Ăż connectĂ©e Ćž aux flux dĂinformations circulant Ă la vitesse supersonique fut cette valse des communiquĂ©s qui infirmaient la parentĂ© avec la mythologie Alien. Pour mieux faire volte-face ultĂ©rieurement. LĂĂ©crasante majoritĂ© emboĂźta le pas, alors quĂune rapide enquĂȘte en un clic de souris sur lĂidentitĂ© des producteurs faisait remonter un nom : celui de Brandywine Productions, Ă lĂorigine de tout ce qui a trait de prĂšs ou de loin Ă Alien au cinĂ©ma. Chose qui se confirmera lors des 10 min prĂ©sentĂ©es Ă la presse.
ET CES 10 MINUTES ? € lĂissue de ces premiĂšres images montrĂ©es en exclusivitĂ© Ă un parterre de privilĂ©giĂ©s, deux aspects dominent. Primo, Ridley Scott semble faire partie de ce
cercle fermĂ© de cinĂ©astes sachant utiliser intelligemment la 3D relief native [contenu filmĂ© Ă l'aide de camĂ©ras 3D, NDLR]. Lors dĂune sĂ©quence sur lĂĂźle Ă©cossaise de Skye dans laquelle un couple de scientifiques dĂ©couvre dĂĂ©tonnantes peintures rupestres, le jeu parfois dantesque avec la profondeur ravit les yeux. Il rappelle Ă quel point le procĂ©dĂ© peut magnifier des plans de coupe ou des scĂšnes de dialogues sĂil est bien gĂ©rĂ©. Secundo, un sentiment trĂšs familier persiste aprĂšs la sĂ©quence spatiale de rĂ©veil en hypersommeil. On pense Ă cette architecture dans les coursives du vaisseau Prometheus faisant Ă©cho Ă celles du Nostromo imaginĂ©es par MïŹbius, la prĂ©sence de la compagnie WeylandYutani ou encore ce capitaine taciturne, cette hĂ©roĂŻne forte, cet androĂŻde, que des avatars en puissance de Ripley, Ash, Parker, etc. Comme sĂil fallait rassurer Ă tout prix en convoquant les figures du passĂ©.
Runner. Cette hypothĂšse dĂun trait dĂunion entre les deux meilleurs films de Ridley Scott est peut-ĂȘtre lĂaspect le plus excitant de Prometheus. Bien plus que de sĂattarder sur les origines de lĂendoparasite xĂ©nomorphe. Peut-ĂȘtre parce quĂĂ trop vouloir connaĂźtre une origine, une rĂ©ponse Ă nos peurs les plus viscĂ©rales, le risque est grand de dĂ©truire la puissance de cet effroi, liĂ© Ă lĂimaginaire de tout Ă chacun. JULIEN FOUSSEREAU
ET LE MYSTĂRE, B***** ? Loin de nous lĂidĂ©e dĂenterrer un film avant de lĂavoir vu car le scĂ©nario de Carlton Cuse (une des plumes de la sĂ©rie Lost) cache, on lĂimagine, une variation mĂ©taphorique du mythe de PromĂ©thĂ©e. Ensuite, la composition et la gestuelle entraperçues de David lĂandroĂŻde interprĂ©tĂ© par lĂexcellent Michael Fassbender confĂšrent un trouble rappelant les Nexus 6 de Blade
PROMETHEUS
de Ridley Scott, avec Charlize Theron, Noomi Rapace, Michael Fassbender..., 1h59, 20th Century Fox Sortie le 30 mai 2012
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ROBERT CRUMB :
© Paramount Home Entertainment
Le Chat potté
LâART COMME EXUTOIRE Autrefois objet de culte dans le milieu underground des annĂ©es hippies, lâĆuvre provocatrice de Robert Crumb se voit consacrĂ©e par une rĂ©trospective au MusĂ©e dâart moderne de Paris. Ă cette occasion, Crumb, le documentaire culte de son ami Terry Zwigoff, ressort dans les bacs. DR
Bien avant la fin des aventures de lĂogre verdĂątre Shrek, Dreamworks Animation avait annoncĂ© la mise en chantier dĂun spin-off sur Puss in Boots, alias Le Chat pottĂ©. Et, si la genĂšse du fĂ©lin au charme trĂšs latin face Ă lĂoie aux ïŹufs dĂor manque dĂampleur narrativement, elle nĂen demeure pas moins fort distrayante. Cette absence de profondeur se voit compensĂ©e par des traits dĂhumour verbaux magnifiĂ©s par Antonio Banderas en trĂšs grande forme. Comme Ă lĂaccoutumĂ©e, lĂapport de la haute dĂ©finition nĂest jamais aussi Ă©vident que dans lĂanimation infographique. Un Blu-ray Paramount Home Entertainment JULIEN FOUSSEREAU
Zarafa Jean-Christophe Lie a assistĂ© RĂ©mi Bezançon pour porter Ă lĂĂ©cran ce projet que ce dernier avait Ă cïŹur de rĂ©aliser. Librement inspirĂ© de lĂauthentique destin de la premiĂšre girafe arrachĂ©e Ă sa mĂšre lĂAfrique pour ĂȘtre exposĂ©e au Jardin des Plantes, Zarafa rĂ©conforte par cette animation 2D soignĂ©e, Ă lĂancienne, qui fait du bien dans une Ă©poque oĂč, trop souvent, on ne jure que par lĂinfographie. DĂautant que Lie a su recycler certains canons esthĂ©tiques en provenance de valeurs sĂ»res comme Michel Ocelot ou Sylvain Chomet. Du coup, on se montre plus indulgent sur quelques faiblesses dĂĂ©criture de Bezançon, notamment dans la conclusion. Un Blu-ray PathĂ© JF
Minuscule DiffusĂ© initialement sur France TĂ©lĂ©visions, Minuscule sĂenvisage volontiers comme un regard parodique dĂun documentaire animalier façon Microcosmos, secouĂ© par un burlesque enlevĂ© et protĂ©iforme. LĂefficacitĂ© du dispositif tient Ă la fois du format court (six minutes maximum par Ă©pisode) et du dĂ©calage produit par lĂintention de filmer des dĂ©cors rĂ©els bucoliques pour incruster ensuite numĂ©riquement une mĂ©nagerie facĂ©tieuse. Mais le coup de gĂ©nie est de ne jamais recourir Ă un commentaire ou une parole humaine intelligible. Parce que son fourmillement crĂ©atif fait trĂšs souvent mouche, Minuscule se recommande sans aucune rĂ©serve. Des DVD Editions Montparnasse JF
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vant son adaptation de Ghost World de Daniel Clowes en 2001 [film qui lança vĂ©ritablement la carriĂšre de Scarlett Johansson, NDLR], Terry Zwigoff a filmĂ© pendant six annĂ©es Robert Crumb et son entourage. De ses innombrables heures de rushes, il assemble en 1994 un des portraits dĂartiste les plus Ă©tranges et singuliers sur le pape de la contre-culture amĂ©ricaine. Loin, trĂšs loin, de lĂhagiographie policĂ©e que lĂon rencontre souvent dĂšs lors quĂil sĂagit de mettre en avant lĂïŹuvre et la personnalitĂ© dĂun crĂ©ateur, Crumb regarde avec une distance tantĂŽt ironique, tantĂŽt compassionnelle, mais toujours juste et nuancĂ©e, lĂauteur de Fritz the Cat et de la cĂ©lĂšbre couverture du vinyle de Cheap Thrills par Big Brother and the Holding Company. ĂrigĂ©e trop rapidement comme emblĂšme de la contestation culturelle flower power Ă la fin des annĂ©es 60, la production artistique de Robert Crumb se dĂ©finit essentiellement par ses personnages grotesques dans des situations aussi outrageantes que redoutables de prĂ©cision sur lĂĂ©tat de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine. Bien que rĂ©alisĂ©e Ă fortes doses de LSD, elle tĂ©moigne Ă la fois dĂune misogynie et dĂune misanthropie finalement peu compatibles avec lĂesprit hippie.
LâĂCHEC MADE IN USA ObsĂ©dĂ© sexuel, monomaniaque dans ses violons dĂIngres (tels que les disques 78 tours de jazz de la Grande
DĂ©pression), vieux con prĂ©coce, Robert Crumb, 51 ans Ă lĂĂ©poque, assume non sans humour son statut de dĂ©saxĂ© social. Ce grand Ă©chalas chaussĂ© de lunettes Ă verres pare-balles le revendique et va jusquĂĂ autoriser Zwigoff Ă approcher la famille dont il est issu. Pour un rĂ©sultat aussi impudique que fascinant dans la franchise des propos tenus : entre sa mĂšre Beatrice ravagĂ©e par des annĂ©es de prises rĂ©pĂ©tĂ©es dĂamphĂ©tamines, Charles son frĂšre aĂźnĂ© aussi talentueux que lui dans le dessin, dĂšs lĂenfance, reclus depuis lors dans la maison familiale avec une camisole chimique pour ne pas succomber Ă ses penchants pĂ©dophiles et destructeurs, et Maxon, le cadet devenu ascĂ©tique masochiste dont le quotidien oscille entre crĂ©ation artistique et mendicitĂ© pour survivre, les Crumb incarnent une certaine idĂ©e de la famille amĂ©ricaine dans son versant le plus sombre et dĂ©sespĂ©rĂ©. Plane le fantĂŽme dĂun pĂšre violent, dĂ©cĂ©dĂ©, ancien Marine reconverti en homme dĂaffaires, obsĂ©dĂ© par lĂidĂ©e de rĂ©ussite financiĂšre et de performance au point de renier ses fils marginaux.
sein de la vie amĂ©ricaine moderne plus supportable. Comme Crumb le dit luimĂȘme : Ăż Si je ne dessine pas pendant un moment, je deviens vraiment dingue, dĂ©pressif et suicidaireâ mais lorsque je dessine, jĂai des envies de suicide de toute maniĂšre ! Ćž Peut-ĂȘtre son exil dans le Languedoc depuis prĂšs de 20 ans lĂaura-t-il stabilisĂ©â JULIEN FOUSSEREAU
c Crumb de l'underground à la GenÚse Exposition au Musée d'Art moderne de Paris jusqu'au 19 août 2012. 11 avenue de Président Wilson Paris XVIe
DESSINER POUR SURVIVRE La rĂ©ussite de lĂexercice de Zwigoff rĂ©side dans cette explicitation de lĂexpression artistique et de son urgence. MĂȘme sĂil est question dĂune revanche sur son pĂšre, celui que lĂon a surnommĂ© le Bruegel du XXe siĂšcle dessine parce que cela lĂaide Ă rendre son existence au
COFFRET CRUMB
Collection Phares et Balises Crumb (1994) de Terry Zwigoff, 2h 16,99 âŹ
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Contrebande de Baltasar KormĂĄkur
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BURTON, DEPP, HUITIĂME ! I
nconnu chez nous, Dark Shadows, soap opera quotidien gothique virant peu Ă peu fantastique, gĂ©nĂ©ra un culte vivace aux Ătats-Unis de 1966 Ă 1971. Le projet Burton / Depp a conservĂ© lĂintrigue principale : la damnation de Barnabas Collins, riche gentleman du Maine Ă la fin du XVIIIe siĂšcle, dont le caractĂšre cavaleur provoque le courroux dĂune sorciĂšre Ă©conduite. Ivre de vengeance, elle assassine le grand amour de Barnabas avant de transformer ce dernier en vampire, lĂenfermer dans un cercueil en acier et maudire sa famille. 200 ans plus tard, Barnabas est accidentellement libĂ©rĂ© et entend bien sĂamender.
Sortie le 16 mai JULIEN FOUSSEREAU
The Deep Blue Sea de Terence Davies
Sortie le 20 juin JF
Off World de Matéo Guez Un jeune Philippin, adopté petit par une famille canadienne et obsédé par ses origines, décide de revenir à Manille, et plus particuliÚrement à Smokey Mountain, son immense bidonville. Off World raconte son voyage intérieur. Le Français Matéo Guez déploie un talent évident de mise en scÚne avec de belles fulgurances sensorielles et intimes. Malgré un budget serré et un tournage éclair, il est parvenu à mettre en avant une certaine beauté dans la laideur d'une décharge à ciel ouvert. On regrettera d'autant un gros coup de mou lors de la conclusion trop artificielle. Matéo Guez n'en reste pas moins un jeune réalisateur à suivre. Sortie le 27 juin JF
PEACE AND BLOOD Pas de doute, dĂšs les premiĂšres minutes, lĂaficionado Burtonien est en terrain connu tant le rĂ©alisateur dĂ©gaine nombre de ses obsessions stylistiques dĂ©sormais bien connues. Mais lĂexcellente idĂ©e est dĂavoir situĂ© le rĂ©cit en 1972, soit aprĂšs le soap, dans une AmĂ©rique en plein bouleversement sociologique. Le dĂ©calage de ce contexte post flower power avec
MARIAGE IMPOSSIBLE ? Dark Shadows diffuse une certaine fraĂźcheur tant il conjugue la moelle dĂ©jantĂ©e, gentiment dĂ©conneuse de Beetle Juice, avec le revival gothique aperçu dans Sleepy Hollow. Cela devient plus problĂ©matique quand ces Ă -cĂŽtĂ©s, aussi amusants soient-ils, apparaissent finalement plus intĂ©ressants que lĂhistoire principale axĂ©e sur la lutte amour / haine entre Barnabas et la sorciĂšre AngĂ©lique, pas aidĂ©e par le cabotinage dĂEva Green et une conclusion trĂšs laborieuse. En mĂȘme temps, ils traduisent peut-ĂȘtre une difficultĂ© presque insurmontable pour un objet filmique, arrĂȘtĂ© et en vase clos par dĂ©finition, Ă faire sienne la dramaturgie du daily soap, de nature feuille-
tonnesque, aux contours flous, et vouée à durer éternellement. Tel un vampire cathodique, en somme. JULIEN FOUSSEREAU
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Dark Shadows De Tim Burton Avec Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter, Eva Green Distributeur Warner Bros Durée 1h53 - Actuellement en salles
LES MUPPETS RELOADED Kermit, Peggy, Gonzo et les autres sont Ă©ternels. AprĂšs plusieurs longs-mĂ©trages poussifs, lâunivers de Jim Henson connaĂźt un beau retour aux sources nostalgique. porain sans jamais tomber dans le bĂȘta. Les Muppets, le retour se montre mĂȘme par moments trĂšs malin dans ses clins dĂïŹil autorĂ©fĂ©rentiels sur le spectacle en train de se jouer. Ăvidemment, le film nĂĂ©chappe pas Ă quelques baisses de rĂ©gime et, Ă lĂinstar des grincheux Statler et Waldorf, la tentation est grande de dire que cĂĂ©tait mieux avant. Mais, face Ă lĂĂ©mouvante nostalgie de cette derniĂšre cuvĂ©e, on ne quitterait notre balcon pour rien au monde.
© WALT DISNEY HOME ENTERTAINMENT
€ l'origine piĂšce de thĂ©Ăątre anglaise ayant connu un grand succĂšs dans l'aprĂšs-guerre, The Deep Blue Sea raconte la fin d'une liaison adultĂ©rine et les limites de la passion au quotidien sur fond de lutte des classes. Terence Davies, qui avait dĂ©jĂ traitĂ© de thĂšmes similaires dans l'excellent Chez les heureux du monde, semblait tout trouvĂ©. Las ! € trop coller Ă la piĂšce, il en oublie d'ĂȘtre cinĂ©aste. MalgrĂ© les talents cumulĂ©s de Rachel Weisz et Tom Hiddleston, The Deep Blue Sea est plombĂ© par un immobilisme qui sent les planches. Et la passion dĂ©vorante de se transformer en somnifĂšre puissant.
Barnabas, son parler anachronique et ampoulĂ©, est dĂautant plus fort. Et drĂŽle. Tim Burton sait tirer profit comme personne du potentiel comique pince-sansrire de Johnny Depp. La star assure le spectacle tant par le verbe haut que par sa gestuelle guindĂ©e, secondĂ© par Michelle Pfeiffer et Helena Bonham Carter, toutes deux parfaites.
© WARNEER BROS
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Tim Burton et Johnny Depp semblent ne plus se quitter. En adaptant pour le grand Ă©cran Dark Shadows, feuilleton gothique culte aux Ătats-Unis, ils rĂ©alisent un rĂȘve de gosse fort amusant quoiquâun peu brouillon. Remake amĂ©ricain du thriller islandais nerveux Rotterdam Reykjavik, Contrebande est le parangon actuel du film de sĂ©rie B aussi efficacement exĂ©cutĂ© que prĂ©visible. Dans cette trame classique de lĂancien dĂ©linquant expert en son domaine, contraint de replonger pour protĂ©ger les siens, Mark Wahlberg est clairement en pilotage automatique. La surprise vient plutĂŽt dĂun sens du rythme Ă©chappant de temps Ă autre Ă la norme hollywoodienne qui veut que l'on canarde toutes les dix minutes. Contrebande ne rentrera pas dans lĂhistoire, mais son absence de prĂ©tention et de glamour le rendent attachant.
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uĂest-ce quĂon a pu aimer les Muppets ! Jim Henson avait crĂ©Ă© une Ă©mission irradiĂ©e par cette simplicitĂ© Ă©vidente, cet humour Ă la fois rigolard et dĂune tendresse infinie. CĂĂ©tait une autre Ă©poque, plus insoucianteâ plus innocente aussi. Les Muppets, le retour en a parfaitement conscience en situant
son histoire dans un prĂ©sent matĂ©rialiste et bas de plafond qui semble avoir oubliĂ© Kermit et sa glorieuse troupe. Fan du show, le comĂ©dien Jason Segel (Marshall dans How I Met Your Mother) en a gardĂ© lĂesprit avec son scĂ©nario refusant la tonalitĂ© cynique surabondante dans lĂhumour contem-
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Les Muppets, le retour De James Bobin Avec Jason Segel, Amy Adams, Chris Cooper Distributeur : Walt Disney Home Entertainment En DVD et Blu-ray
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Téléviseur Panasonic TX-P50VT50E 3D
Diagonale de l'Ă©cran : 50" - 127 cm, 3D TV Full HD certifiĂ©e THX, HD TV 1080p, TNT HD MPEG4 et tuner cĂąble/satellite. Les lunettes sont indispensables pour profiter de la 3D, 2 paires de lunettes incluses. Prix indicatif : 1999 âŹ
Livre numérique Kobo by Fnac
Deux millions de livres Ă tĂ©lĂ©charger, pratique, intuitif et facile Ă utiliser grĂące Ă son Ă©cran tactile. MĂȘme confort de lecture quâun livre papier avec des tailles de police adaptables, lĂ©ger comme un livre de poche, grande autonomie de lecture jusquâĂ 30 jours. Prix indicatif : 129,90 âŹ
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Nikon D5100
Appareil photo numĂ©rique reflex dotĂ© dâun objectif Nikon AF-S DX VR 18 - 55 mm f/3.5 - 5.6 G 16,2 Millions pixels ; SensibilitĂ© ISO : 100 - 6400 Prix indicatif : 629,90 âŹ
Casque UHF Sennheiser RS180 Sennheiser propose un casque sans fil UHF Ă©lĂ©gant dâune autonomie dâune vingtaine dâheures. Compatible jack 3,5 mm et livrĂ© avec adaptateur 6,35 mm. Prix indicatif : 199,90 âŹ
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Inazuma Eleven 2 : TempĂȘte de feu / glace Level 5
Depuis lĂannĂ©e derniĂšre, le phĂ©nomĂšne Inazuma Eleven sĂest bien implantĂ© avec un beau succĂšs dĂaudiences sur Gulli pour lĂanime. Concernant ce deuxiĂšme volet, Mark, Axel, Jude et les autres ont Ă peine le temps de savourer leur victoire au Football Frontier que des extraterrestres au jeu footballistique surhumain menacent la survie de lĂhumanitĂ©. Fondamentalement, les quelques nouveautĂ©s (arrivĂ©e des supers tirs du fond de terrain et possibilitĂ© de les ralentir avec des parades) bouleversent peu le gameplay Ăż Japan RPG Ćž. MalgrĂ© cela, les aventures de nos super hĂ©ros du ballon rond sont toujours aussi plaisantes Ă suivre.
TrĂšs vite, les taches violacĂ©es recouvrent les mains, le cou, le dos dâElena. Des bulbes Ă©clatent oĂč percent les premiers ïŹlaments. Sous la peau, les articulations fondent en magma douloureux. Sa voix se perd comme son visage. Elena bientĂŽt disparaĂźtra, Ă moins dâingĂ©rer la chair de maĂźtre. © Nintendo / Ganbarion
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mon amour ! Disponible sur Nintendo DS, compatible 3DS JULIEN FOUSSEREAU
Twisted Metal Sony Computer Entertainment Dans la catĂ©gorie Ăż pas bien fin mais dĂ©fouloir efficace Ćž, la sĂ©rie Twisted Metal a toujours occupĂ© une place de choix. Le petit dernier Ă paraĂźtre sur PS3 ne dĂ©roge pas Ă la rĂšgle : des clowns psychopathes Ă©chappĂ©s de Slipknot dans des vĂ©hicules blindĂ©s et armĂ©s jusquĂĂ la galerie se mettent sur la tronche dans un dĂ©corum routier apocalyptique. € ce petit jeu-lĂ , Twisted Metal cuvĂ©e 2012 est taillĂ© pour assurer en multijoueurs. CĂest effectivement le cas, mĂȘme sĂil faut faire avec un mode en ligne pĂ©nible dĂšs quĂil sĂagit dĂaccĂ©der Ă une partie. En outre, le mode solo est loin dĂĂȘtre des plus engageants. Disponible sur PlayStation 3 JF
Zumba Fitness 2 sur Wii / Rush sur X360 Kinect 505 Games AprĂšs le succĂšs de lĂĂ©dion de 2011, six millions dĂexemplaires vendus, Zumba Fitness revient sur Wii et Xbox360 Kinect avec de nouvelles chorĂ©graphies et options.Vous nĂaurez pas tout de suite la souplesse et la tonicitĂ© des danseuses du jeu, mais vous pouvez au moins dĂ©penser quelques calories en vous amusant. Les mouvements sont agrĂ©ables, dansants, on nĂa donc pas lĂimpression de faire de lĂexercice. MĂȘme sans aucune coordination, pas Ă pas, on parvient Ă suivre la chorĂ©graphie, car les mouvements sont rĂ©pĂ©tĂ©s plusieurs fois. Avec plusieurs niveaux de rythmes et des musiques variĂ©es, on peut sĂamuser trĂšs longtemps. On vous conseille de choisir la version Xbox 360 Kinect qui rĂ©serve plusieurs exclusivitĂ©s. Disponible sur Wii et Xbox 360 LOUISA AMARA
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rgence, concision et retour maison sont les clefs de PandoraĂs Tower. Une prĂȘtresse frappĂ©e dĂune malĂ©diction, aidĂ©e dĂun paladin et dĂune marchande aux airs de sorciĂšre, est cachĂ©e aux bords de deux mondes. Le gĂ©nĂ©rique fait office dĂintroduction, aussi serrĂ©e quĂune sĂ©rie B, jusquĂĂ surplomber 13 tours oĂč dĂ©bute la chasse aux monstres. Il faudra revenir, creuser plus profond lĂexploration des donjons pour ramener une Ă une les piĂšces de chair qui seules peuvent endiguer le mal. Habile dĂune chaĂźne puissante, Aeron le preux pourfend monstres et coffres avant de combattre chaque maĂźtre de donjon. IrrĂ©mĂ©diablement, la trame suit la trace des maĂźtres sans accuser rĂ©pĂ©tition et linĂ©aritĂ©, tant lĂarchitecture des tours se dĂ©veloppe insidieusement, et du fait mĂȘme de lĂurgence du retour avant lĂaltĂ©ration totale dĂElena. Recluse, elle attend sans rĂȘver dans lĂantichambre des promesses et des hontes. Espoir liĂ© Ă la guĂ©rison, fait de cadeaux et dĂattention, de fenĂȘtres sur lĂĂ©tat du monde environnant le cam-
pement. Violent dĂ©goĂ»t conscient du mal transformant Elena en masse de chair aux tentacules rampantes, habitĂ©e dĂune autre vie, alors quĂon peine ou prend plaisir aux combats dans les tours en contrebas. Et chaque morceau de chair Ă©cïŹurant quĂElena en spasmes ingurgite pour calmer la propagation parasite est une souffrance. Cette chaĂźne, aux pouvoirs nourris des victoires, assiste Aeron dans sa course contre le temps. Quasi vivante, elle emploie gracieusement les fonctions du combo nunchuck-wiimote (waggle, pointage, zoom, stickâ) pour tirer, lier, agripper, jeter, arracher, exploitant avec finesse les espaces tortueux des donjons en combats vifs et tactiques. Les objets trouvĂ©s dans les coffres et soumis Ă Maeva la marchande seront agencĂ©s diversement pour confectionner potions, armures et petits prĂ©sents. Cette dimension science & travaux renforce encore les liens du trio paria. Progressif sur tous les axes (Ă©quipement et combats, arcs interrelationnels et narratifs, fins multiples), cette fresque
terminale, intime et lugubre, surprend et, dĂun coup de chaĂźne, se hisse au sommet du genre aventure-action. STĂPHANE URTH
PANDORAĂS TOWER Nintendo / Ganbarion Action / Aventure / RPG Disponible sur Wii
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© Collectingsmiles
Colors! 3D Collectingsmiles
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MAX PAYNE 3 : la samba des pétoires
Envie dĂune pause dessin, sans sortir cahiers et pots dĂaquarelle ? DĂ©diĂ© aux gauchers comme aux droitiers, Colors! 3D offre plus quĂun carnet de croquis de secours et profite des fonctions 3D et Wi-Fi de la 3DS. Sa prise en main, aussi agrĂ©able en sessions courtes quĂadaptĂ©e Ă un travail Ă©laborĂ©, utilise tous les boutons. Les attributs du pinceau (couleur, Ă©paisseur, opacitĂ©â) et les outils de navigation (zoom, calquesâ) sont implĂ©mentĂ©s sur une interface claire avec raccourcis. Accessible et performant, construire une scĂšne au relief saisissant est simple avec les cinq calques superposables. Mesurez vos rĂ©alisations Ă celles postĂ©es sur www.colorslive.com ! Il est possible dĂimporter un sujet depuis de nombreuses sources : photo stockĂ©e sur carte SD, Ă©tape dĂun dessin rĂ©alisĂ© sur Colors! 3D. En effet, toute image conçue sur lĂapplication conserve un historique mĂ©morisant jusquĂĂ six heures de replay ! € vos stylets !
© Rockstar
AprĂšs neuf ans dâabsence, la franchise culte dâaction du dĂ©but des annĂ©es 2000 renaĂźt sous le soleil du BrĂ©sil grĂące Ă lâimpulsion de Rockstar. Pour un rĂ©sultat riche et explosif.
Disponible en tĂ©lĂ©chargement sur l'eShop de la Nintendo 3DS, 6 ⏠STĂPHANE URTH
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Yesterday Focus Home Interactive
Les Espagnols de Pendulo Studios font partie des derniers artisans du point & click Ă lĂancienne. Les nostalgiques de Monkey Island et Day of the Tentacle gardent en mĂ©moire la rĂ©ussite de la sĂ©rie Runaway. Leur nouveau bĂ©bĂ©, Yesterday, se veut nettement plus sĂ©rieux, mais sans rien perdre de la qualitĂ© irrĂ©prochable de leurs productions. Graphismes, voix et musiques crĂ©ent une ambiance parfaite. En nous donnant Ă incarner un personnage amnĂ©sique, le scĂ©nario sĂĂ©panche dans des rebondissements Ă foison. LĂhistoire est le point fort du jeu, avec une excellente galerie de personnages et des surprises jusquĂĂ la conclusion. Les Ă©nigmes sont classiques et un systĂšme dĂaide est disponible en permanence. On conseillera de ne pas abuser de la triche, sous peine de plier Yesterday en trois petites heures maximum. Car cĂest bien lĂ le seul point faible du titre : une durĂ©e de vie minimale. Le prix Ă payer pour un rythme sans temps mort et une grande variĂ©tĂ© dĂenvironnements. Disponible sur PC JULIEN FOUSSEREAU
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atrix rencontre John Woo. VoilĂ qui rĂ©sumait parfaitement la proposition de jeu faite en 2001 par Max Payne. Le titre de Remedy Entertainment fut lĂun des acteurs de la maturation du jeu de tir objectif avec cette histoire incroyablement sombre narrant la descente aux enfers dĂun agent new-yorkais des stups infiltrĂ© dans le Milieu aprĂšs que sa famille eut Ă©tĂ© sauvagement assassinĂ©e. Au-delĂ de ses influences fortes avec le roman graphique nĂ©o-noir, le joueur retint surtout un gameplay jamais vu auparavant, avec ses fusillades homĂ©riques et chorĂ©graphiĂ©es selon les codes des polars hongkongais de John Woo, et lĂemploi du bullet time de Matrix comme outil de jeu. En effet, Ă cause de sa forte dĂ©pendance aux analgĂ©siques, Max pouvait dĂ©clencher un ralentissement spatio-temporel pour mieux dessouder des cohortes dĂennemis avec style et maĂźtrise grĂące Ă son rĂ©ticule de visĂ©e maintenu en temps rĂ©el.
YâA DU SOLEIL ET DES GANGSTAS (DARLADILADADA) Huit ans aprĂšs sa tragĂ©die personnelle, Max est dans une impasse. Un concours de circonstances sanglantes le contraint Ă quitter New York pour devenir chargĂ© de la sĂ©curitĂ© rapprochĂ©e de la puissante famille Branco de SĂŁo Paulo. Pile poil le moment pour que la femme du
chef de clan se fasse enlever par un gang des favelas. Ăvidemment, ce rapt est lĂarbre cachant la forĂȘtâ Le connaisseur de polars saura dĂ©tecter rapidement les tenants et aboutissants dĂune machination Ă lĂancienne. Mais la forme, quant Ă elle, subjugue. Le processus dĂidentification du joueur pour Max Payne passait essentiellement par la voix de James McCaffrey auparavant sur des temps morts sous la forme de planches de comic book. Si quelques rĂ©miniscences de BD demeurent, Max Payne 3 louche bien davantage sur le septiĂšme art avec ses cinĂ©matiques oĂč la sursaturation colorimĂ©trique, la surimpression de morceaux de dialogues sur lĂĂ©cran et la camĂ©ra Ă lĂĂ©paule hyper nerveuse rappellent Man on Fire ou Tropa de Elite.
Rockstar respecte lĂhĂ©ritage des prĂ©cĂ©dents volets en refusant la santĂ© autorĂ©gĂ©nĂ©rative, et en profite pour dĂ©velopper une intelligence artificielle Ă©tonnamment agressive, vĂ©loce et tacticienne. Ainsi, Max Payne 3 revendique un fond old school sans renoncer Ă une forme trĂšs actuelle. Et cĂest franchement pas plus mal. JULIEN FOUSSEREAU
LA NOBLESSE DU CHALLENGE En cela, les excellents moteurs graphiques de GTA IV et Red Dead Redemption contribuent Ă faire corps avec la destinĂ©e de Max Payne dans les entrailles de SĂŁo Paulo. Rockstar apporte force dĂ©tails Ă lĂenvironnement et aux multitudes de corps appelĂ©s Ă ĂȘtre plombĂ©s. LĂinertie extrĂȘmement rĂ©aliste de ces derniers surprend constamment, celle de Max en particulier avec son immense variĂ©tĂ© de mouvements prenant en compte trajectoire, positionnement sur le terrain, puissance du calibre employĂ© ou encore rĂ©gion anatomique visĂ©e. DĂautant que
MAX PAYNE 3 DĂ©veloppeur : Rockstar Distributeur : Take-Two Interactive Sur Xbox 360, PS3 (18 mai) et PC (1er juin)
zoom Noir, de Götting Un roman noir en BD proposĂ© au format manga ! Un mĂ©cano polonais se fait licencier, il offre ses services Ă un gangster, mais il manque la cible dĂ©signĂ©e. En revanche, il rĂ©ussit Ă sĂ©duire briĂšvement lĂĂ©pouse du redoutable patron. Götting avait commencĂ© sa carriĂšre avec des rĂ©cits policiers que nĂaurait pas reniĂ©s la cĂ©lĂšbre SĂ©rie Noire. Son encrage charbonneux Ă souhait donne de la densitĂ© Ă son trait Ă©purĂ©. Proches des romans de Goodis, ses histoires correspondent parfaitement Ă lĂambiance du jazz. Deux Ă trois cases par pages, un rythme sĂ©quentiel trĂšs bref, une chute inattendue.
Barbier et Mathon, 160 p. n&b, 8 ⏠JEAN-PHILIPPE RENOUX
Photo de la favela, de AndrĂ© Diniz CĂest lĂhistoire dĂun petit garçon brĂ©silien qui se passionne trĂšs jeune pour la photo et devient plus tard un photographe rĂ©putĂ© qui expose dans le monde entier. Rien de bien exceptionnel, si ce nĂest que lĂenfant, dont le pĂšre est trafiquant de drogue, est nĂ© et vit dans la favela de Rio. Comment ? On peut donc sĂen sortir sans quitter une favela ? Mauricio Hora en est la preuve vivante et AndrĂ© Diniz raconte sa vie Ă grand coup de contrastes de noirs et blancs intenses. € la fin de lĂalbum, le lecteur nĂa plus quĂune envie, voir les fameuses photos de Mauricio, qui mitraille son quotidien avec un objectif et pas une arme Ă feu. Ăa tombe bien, elles sont reproduites en postface.
Des ronds dans lĂO, 96 p. n&b, 17 ⏠THIERRY LEMAIRE
La Vie de Norman,T.3 La Vengeance de Garance, de Stan Silas Norman ayant disparu, tous ses camarades se lancent bille en tĂȘte Ă sa recherche, aidĂ©s par leur maĂźtresse plus hystĂ©rique que jamais. Garance, de son cĂŽtĂ©, ne se sent pas dans son Ă©tat normalâ Dans un style SD (Ăż Super deformed Ćž) caractĂ©ristique de la culture geek, avec un trait pour le moins expressif, cette chouette sĂ©rie ne cesse dĂarracher des Ă©clats de rire, et de tenir en haleine grĂące Ă un jeu de piste honnĂȘtement nĂ©gociĂ©. Bien quĂutilisĂ©s Ă des fins dĂ©lirantes et bon enfant, certains dĂ©tails gore (ça dĂ©marre fort avec une fillette suspendue Ă un croc de boucher, se vidant de son sang) restent toutefois dĂ©conseillĂ©s Ă un jeune public.
Makaka, 64 p. couleurs, 13,40 ⏠GERSENDE BOLLUT
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ILĂANA est une jeune artiste roumaine qui a Ă©tudiĂ© la cĂ©ramique aux Beaux-Arts de Cluj-Napoca, Roumanie. Elle a appris le français en lisant des albums de BD au Centre culturel français de sa ville, et cĂest ainsi quĂelle a dĂ©cidĂ© dĂexpĂ©rimenter elle-mĂȘme cette forme d'art. Son premier album, Edouardo le renardeau, est sorti en avril 2009 chez Makaka Ă©ditions. En 2012 sortira Le Journal dĂun Dompteur de Chaises chez le mĂȘme Ă©diteur.
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zoom Munroe,T.3, de Christian Perrissin et Boro Pavlovic Cette saga familiale Ă la Dallas dans lĂunivers du cafĂ© prend la tournure dĂun polar haletant au cïŹur du Kenya aux accents toujours coloniaux et aux inĂ©galitĂ©s criantes. SoupçonnĂ© dĂun meurtre odieux, Sean Munroe, Ă©vadĂ© de prison, cherche Ă se venger de cette ignoble accusation. Son poursuivant, le vieil inspecteur noir Njoya, doute de plus en plus de sa culpabilitĂ©... Sa sïŹur cherche aussi Ă lĂinnocenter en se rendant dans le dangereux bidonville de Kibera. DĂ©cidĂ©ment, Christian Perrissin signe un thriller social original et percutant, fort bien mis en scĂšne et dessinĂ© par le Croate Boro Pavlovic. Leur 10e album en commun. Fin dans le T.4.
Glénat, 48 p. couleurs, 13,90 ⏠MANUEL F. PICAUD
LĂEnfant maudit,T.2, de Galandon et Monin AprĂšs leur fabuleux diptyque L'EnvolĂ©e sauvage, dont un second cycle sera dessinĂ© par Hamo, les deux auteurs terminent enfin une quĂȘte identitaire complexe offrant finalement un pont avec lĂïŹuvre initiale. Gabriel Clairemont a Ă©tĂ© abandonnĂ© en novembre 1945. AprĂšs une rixe dans une manifestation de mai 1968, le CRS AndrĂ© Robin lĂaccuse dĂĂȘtre un bĂątard de pĂšre boche. TroublĂ©, le jeune Creusois finit par ressentir le besoin de revenir sur ses origines et faire taire sa malĂ©diction. Le chemin est rude et plein de surprises... Laurent Galandon livre un rĂ©cit sensible, sublimĂ© par le dessin semi-rĂ©aliste dĂArno Monin.
Grand Angle, 58 p. couleurs, 13,90 ⏠MANUEL F. PICAUD
Ratman, de Sekihiko Inui PhonĂ©tiquement, Ratman pourrait passer pour un pastiche de Batman. Mais cĂest avec SpiderMan quĂil partage le plus de points communs. ShutĂŽ, un lycĂ©en de 15 ans, vouait un culte aux superhĂ©ros, avant dĂen devenir un lui-mĂȘme dans des circonstances cocasses. DĂ©sormais, il est Ratman, hĂ©ros Ă©pris de justice mais sapĂ© comme un supervilain, ce qui est fatal dans une sociĂ©tĂ© qui ne juge que sur les apparences. Quels que soient ses coups dĂĂ©clat, ShutĂŽ est poursuivi comme un malfaiteur, comme Peter Parker avant lui. Avec en prime lĂintervention rĂ©currente dĂun lot de petites culottes. De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilitĂ©s !
Kana, 180 p. n&b, 6,85 ⏠JĂRĆME BRIOT
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zoom Sherman,T.6,Le Pardon Jeannie, de Stephen Desberg et Griffo Dernier acte pour ce passionnant thriller questionnant la morale. Dans les annĂ©es 1950, le banquier Jay Sherman aimerait se faire pardonner ses relations confuses avec le rĂ©gime nazi et lĂabandon de sa fille Jeannie. AprĂšs lĂassassinat de son fils, un mystĂ©rieux maĂźtre-chanteur le menace de ruine et sa fille de mort. MalgrĂ© quelques rĂ©pĂ©titions, Stephen Desberg dĂ©noue complĂštement et brillamment lĂintrigue ancrĂ©e dans un contexte historique crĂ©dible. SpĂ©cialiste de la manipulation, il surprendra plus dĂun lecteur par la conclusion inattendue. Son complice Griffo livre dĂĂ©lĂ©gantes planches rĂ©alistes, joliment mises en couleurs. Une sĂ©rie rĂ©ussie.
Le Lombard, 48 p. couleurs, 12 ⏠MANUEL F. PICAUD
Gueule dĂamour, de Delphine Priet-MahĂ©o et AurĂ©lien Ducoudray Ëmes sensibles, sĂabstenir : mĂȘme si le trait de Delphine PrietMahĂ©o ne manque pas de dĂ©licatesse, lĂouvrage est assez dur pour bouleverser. Les gueules dĂamour, ce sont les gueules cassĂ©es, ces monstres difformes engendrĂ©s par la PremiĂšre Guerre mondiale. Fort de son expĂ©rience de documentariste, AurĂ©lien Ducoudray sĂempare du sujet sans concession : choc de lĂimpact, lente rĂ©insertion dans le quotidien, entre commisĂ©ration des bonnes ïŹuvres, petits arrangements avec les prostituĂ©es ou affinitĂ©s avec dĂautres damnĂ©s de la terre, tels les Africains des zoos humains. Un sujet coup de poing, Ă©minemment grave et toujours dĂactualitĂ©, mĂȘme si les mutilations physiques des soldats laissent dĂ©sormais plus souvent place Ă dĂinvisibles â mais non moins profonds â stigmates psychiques.
La Boßte à Bulles, 96 p. n&b, 19 ⏠JULIE BORDENAVE
Alger la noire, de Jacques Ferrandez, dĂaprĂšs Maurice Attia Un couple enlacĂ©, sans vie, est retrouvĂ© un matin de 1962 sur une plage dĂAlger. Le garçon est arabe, sur son dos les lettres OAS ont Ă©tĂ© gravĂ©es au couteau. Il est dans les bras de la fille dĂun notable europĂ©en de la ville. Est-ce un RomĂ©o et Juliette Ă la sauce pied-noir, ou sĂagit-il, comme le suspecte lĂinspecteur Paco Martinez, dĂun crime plus vaste, maquillĂ© pour le faire croire ? Polar palpitant dans un contexte historique sensible, et un Jacques Ferrandez parfaitement Ă lĂaise dans lĂexpression graphique de cette AlgĂ©rie de 1962 ; ce livre est Ă tous points de vue une rĂ©ussite.
Casterman, 132 p. couleurs, 18 ⏠JĂRĆME BRIOT
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AMOUR, PASSION ET CX DIESEL : Fabcaro, James et BenGrrr nous racontent lĂunivers impitoyable de la famille Gonzales. Entre les enfants qui convoitent ardemment la magnifique CX diesel du patriarche Harold et les scĂšnes de la vie quotidienne qui tournent au drame, on ne sĂennuit pas chez les Gonzales. Moustaches et nuques longues finiront de vous convaincre de la nĂ©cessitĂ© de dĂ©couvrir cette sĂ©rie addictive. c Amour, passion et CX diesel, 48 p. couleurs, Fluide Glacial