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Source : Enquête Pratiques culturelles des Français, 2008 - DEPS ministère de la Culture et de la Communication

On voit que la fréquentation des spectacles et concerts dépend très fortement du niveau de diplômes, et de la catégorie socioprofessionnelle. Les études sur les origines «ethniques» des spectateurs en revanche n’existent pas pour la raison légale évoquée, mais les Arabes et les Noirs sont visiblement très rares dans les salles de spectacles.

Les causes du rejet

Quelles en sont les raisons ? Le prix des places y a une part : chômeurs, employés, ouvriers assistent plus volontiers à des spectacles gratuits, et les arts de la rue sont moins clivants que les autres domaines du spectacle vivant. Mais les arguments avancées par les classes populaires pour ne pas aller au théâtre ne sont pas celles-ci, mais un «ce n’est pas pour moi». Peur de ne pas comprendre ? L’absence de représentation des classes populaires sur les scènes, pourrait expliquer que le public ne soit pas intéressé, ne s’y sentant pas représenté. La réponse est cependant à nuancer : le hip hop, le rap rassemblent des publics plus divers mais les festivals de Théâtre arabe intéressent peu les publics issus de l’immigration. Une metteur en scène Franco Ivoirienne comme Eva Doumbia, lorsqu’elle fait jouer des femmes noires sur la condition Afropéenne à la Criée, rassemble un public un peu plus mixte, mais majoritairement blanc. Mais lorsqu’une chorale amateur de femmes comoriennes intervient dans un spectacle sur l’histoire des Comores (Kara, une épopée comorienne, de Salim Hatubou, joué à la Friche), de nombreuses familles comoriennes sont dans la salle.

Les œuvres populaires

«Tout ce qu’ils nous donnent, c’est des idées pour nous endormir.» Il s’agit d’examiner cette phrase prononcée par un Parisien de 28 ans lors des émeutes de 2007 à Villiers-le-Bel. Les spectacles vivants que «nous» présentons sur nos scènes sont-ils faits pour «les» endormir ? Si la réponse est certainement négative pour le spectacle vivant public, l’affirmation que la culture vient d’un «ils» (les artistes ? Les écrivains?) vers un «nous» (le peuple ? les pauvres ?) est claire tout autant que son rejet est grand. Face à cet art vivant fait par une élite intellectuelle masculine issue de catégories socioprofessionnelles supérieures, faire un constat d’échec de la démocratisation culturelle est facile, mais inexact. D’une part parce que l’élargissement sociologique progressif du public est une réalité, d’autre part parce que le public du spectacle vivant est de plus en plus nombreux. Une des réponses fréquentes à ce constat d’un art clivant sociologiquement est de proposer des œuvres que l’on juge «populaires». Mais le sens de ce mot est très variable : il se confond parfois avec des propositions bénéficiant d’une notoriété médiatique. La question d’un art populaire au sens de fait par des artistes issus de la «diversité» est rarement posée, à l’exception de la musique (musiques du monde, rap, slam, rock) ou de la danse hip hop. Par ailleurs l’intégration dans les spectacles professionnels de groupes amateur, en particulier de chorales, prouve que ces questions préoccupent les artistes. De même que les spectacles participatifs, qui sont co-écrits et/

ou co-interprétés par des volontaires amateurs non constitués en groupes.

Ouvrir les portes

Reste ouverte, et la perspective est passionnante, l’idée d’un spectacle vivant qui, fabriqué par tous, représenterait d’autres problématiques. Sans tomber dans l’essentialisme, il est à parier que des artistes femmes, des artistes différents par leur origine sociale ou par leur culture métissée, parleraient autrement, et inventeraient les nouvelles formes qui découlent de nouveaux propos. Et pas seulement dans les marges du hip hop ou du rap. Il s’agit de fabriquer un art populaire qui ne soit pas mineur, ni pauvre par ses formes, qui ne soit pas non plus désintégré par son intégration dans la Haute Culture... AGNÈS FRESCHEL


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