Wijnmakelaarsunie - Courtiers Vinicoles

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RENCONTRE

JOHN MONARD

DUC DE BOURGOGNE EN FLANDRES Bientôt cinquante ans qu’il parcourt la Bourgogne. Pour déguster, acheter et revendre. John Monard, avec Les Courtiers Vinicoles, est importateur de vins à Diepenbeek, en Flandres, en Belgique. Regards sur les vins de Bourgogne et petits commentaires sur le caractère des vins et des Bourguignons.

REPÈRES 1965 : Reprise de l’activité familiale d’importation de vins en Belgique. 1968 : Premier séjour d’une semaine en Bourgogne suivi de 360 autres. La société Les Courtiers Vinicoles en chiffres. 28 millions d’euros avec une équipe de 30 personnes. 2 500 000 bouteilles de vins commercialisées par an. 600 000 bouteilles de Bourgogne (40 % du CA de la société).

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Comment votre histoire avec les vins et singulièrement la Bourgogne a débuté ? C’était le 1er mai 1965. C’était par amour du vin et du fait de mes racines familiales. Mon père organisait de nombreuses dégustations à la maison. Le vin était notre univers. Mon père avait un petit négoce de vins et quelques clients. Mais, j’ai commencé tout seul, puis il m’a transmis ses clients. J’avais 20 ans, alors. Je me suis intéressé à la Bourgogne en 1968. Je suis parti une semaine en Bourgogne. Je me souviens avoir séjourné à Meursault, au motel du Soleil Levant. Il existe toujours d’ailleurs, au-dessus du camping ! Comment avez-vous été accueilli ? Debout de bonne heure, j’allais dans les villages visiter les domaines. Le premier vigneron chez qui j’ai été était Henri Potinet, à Monthelie. Il avait des meursaults et il m’a superbement reçu. En pensant que si c’était comme ça avec tous les domaines, je n’aurais jamais assez de temps. Henri Potinet m’a tenu des heures. À cette époque, tout le monde avait le temps. Plus qu’aujourd’hui en tout cas. C’est aussi ça la Bourgogne… Oui, cet accueil au domaine, à déguster pendant des heures, a duré longtemps. C’est toujours un peu comme ça. Nous avions surtout dégusté des vins blancs. Potinet avait des vieux millésimes. J’ai fait ma première verticale de dix millésimes. Assez impressionnant et rare, même à l’époque. J’ai découvert les terroirs. Le vigneron était très patient. Puis, il m’a dit : « vous avez besoin de vins. Je vous fais confiance. » Il mettait ses vins en bouteilles. Ce n’était pas forcément un gage de qualité mais c’est ce que demandaient les clients. Je l’avais pressenti. J’ai commencé comme cela.

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C’était facile de rentrer dans les domaines ? Non, il y avait de la défiance. J’étais jeune et les Bourguignons se demandaient si j’allais les payer. Sans le dire, c’est ce qu’ils pensaient. Mais rapidement, j’ai su gagner leur confiance. Après la Côte de Beaune, j’ai travaillé la Côte de Nuits. À l’époque, la Bourgogne produisait plus de vins rouges. Oui, mais il y avait aussi des vins blancs, bien sûr. Meursault, Puligny-Montrachet… Les blancs étaient peut-être techniquement moins bien faits qu’aujourd’hui. Les vignerons étaient moins formés et n’avaient pas de conseils œnologiques, ceux qui ne dénaturent pas les vins. Mais les vins plaisaient à nos clients. Je le sentais bien. À cette époque, la demande était pour des vins plus rustiques. Des noms, des appellations qui plaisaient plus. La place du domaine était-elle aussi importante qu’aujourd’hui ? Non. Les domaines vendaient beaucoup au négoce. Les clients recherchaient avant tout des appellations : volnay, pommard, gevreychambertin, chambolle-musigny, etc. Sans se préoccuper du domaine. Aujourd’hui, c’est impensable. Souvent, le domaine devient le premier critère de choix. Devant l’appellation. Avec l’évolution technique, le millésime n’est plus aussi primordial. Il a perdu de son importance. Même dans les soi-disant petits millésimes, les vins sont très corrects. Il n’y a plus de petits millésimes.


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Comment a évolué la qualité des vins de Bourgogne ? Ils sont beaucoup plus raffinés. Les jeunes vignerons, maintenant, cherchent à exprimer les terroirs et leurs différences. Des parcelles qui ne sont ni premier cru ni grand cru sont mises en avant. Même si les bourgognes ont toujours été des vins de terroirs, cette notion a été encore renforcée. Avec une précision accrue. Il n’y a quasiment plus d’assemblage de premiers crus pour constituer une cuvée.

Est-ce que la Bourgogne ne devient pas trop compliquée ? Les Bourguignons « redécoupent » leurs appellations traditionnelles, indiquent les lieux-dits en leur sein. Le projet de classement des climats par l’UNESCO amplifie le phénomène. Avec le Clos-de-Vougeot, par exemple. Le bas du clos, le haut de clos ! Pour certains clients, cela apporte de la confusion. Je ne pense pas que ce soit une nécessité de rediviser encore un peu plus. Absolument pas. Mais libre à ceux qui veulent le faire. Pour la Belgique, la Bourgogne se limite-t-elle aux vins de Côte-d’Or ? Non, bien sûr. Chablis était même devenu un

de Côte Chalonnaise ont un très bon rapport qualité/prix. Les belles bouteilles ont quitté les tables des restaurants -sauf exception, pour de grands événements- et sont plus facilement ouvertes à domicile. Pour deux raisons : au restaurant, elles deviennent très chères et parce que l’on peut boire plus facilement chez soi, sans craindre de reprendre le volant. La Bourgogne intéresse toujours la Belgique, avec Bordeaux ou se fait, aussi, des grands vins. Mais, les vins de Bourgogne sont des vins de luxe. Leurs clients sont sans cesse sollicités par d’autres achats de luxe. Nous devons être très actifs sur le marché. Les Bourguignons viennent égale-

“ Dans 80 % des cas, les gens achètent des vins à garder, qu’ils boivent tout de suite. Mais les Belges aiment les vins mûrs.” nom générique pour désigner un vin blanc sec. Il y a aussi rully, montagny, mercurey en Côte Chalonnaise. Le Mâconnais est aussi une belle région pour la qualité de ses vins et surtout les pouilly-fuissé.

La Belgique a été l’un des premiers marchés à l’exportation pour les vins de Bourgogne. Oui, il a même été le premier. Mais, les Bourguignons le savent. Il y a des « bons » en dehors de la Bourgogne et nous retrouvons ces nouveaux vins en Belgique. Souvent, ils sont une porte d’entrée, une initiation pour le monde des vins. Les Bourguignons se doivent d’être actifs.

Les prix des vins augmentent. Comment réagit le consommateur belge ? Les Belges rouspètent mais continuent d’acheter. Cependant, ils achètent des appellations moins onéreuses que précédemment. Les vins

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ment en Belgique. Nous organisons beaucoup de dégustations ; nous sommes sur le terrain.

Est-ce que les Bourguignons ont changé ? Il y a cinquante ans, les mentalités étaient plus fermées. Aujourd’hui, la Bourgogne et les Bourguignons sont plus ouverts. Bon, jusqu’à un certain point. Il y a toujours cette attitude de protection. Il faut toujours savoir ouvrir les portes. Les Bourguignons restent très « examinateurs ».

Avec le succès, les prix qui augmentent, ne prennent-ils pas la grosse tête ? Est-ce la grosse tête ? Certains, oui, n’ont pas besoin de vendre leurs vins. Mais les Bourguignons ont toujours le cœur à la bonne place. Ils aiment recevoir, accueillir. Il me reproche de ne pas rester assez longtemps, de ne pas venir assez souvent. Bon, ils aiment moins ceux qui ne font que passer et prendre 6 bouteilles.


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Un souvenir de dégustation ? J’ai dégusté un jour avec madame Cosson, au Domaine des Lambrays. Mais tout d’abord, elle n’avait pas voulu me recevoir, moi un Belge. Son mari était mort en Belgique durant la guerre. Puis, finalement, elle m’avait gardé une journée entière. Ces vieux clos-des-lambrays, pas encore grand cru, étaient fantastiques. 1961, 1947… nous sommes remontés jusqu’en 1937.

Les Belges aiment-ils toujours autant les vieux vins ? Dans 80 % des cas, les gens achètent des vins à garder, qu’ils boivent tout de suite. Mais les Belges aiment les vins « mûrs ». L’intérêt pour des vins plus âgés revient. La mode de vouloir boire le vin dans la barrique se calme. Elle venait de ces dégustations organisées avec des vins très jeunes.

Qu’est ce qui a fait évoluer les vins de Bourgogne ? La formation des vignerons mais aussi le travail du sol. Il ne faut pas laisser mourir le sol. Il faut être présent dans les vignes. Les jeunes en sont tout à fait conscients. Les rendements ont aussi baissé. Dans les années soixante-dix, les récoltes étaient le double de maintenant. Les prix ont aussi évolué… Mais les Bourguignons doivent savoir que les clients n’accepteront pas que les prix de leurs vins continuent de grimper. Qui plus est, nous savons que 2014, hormis pour les villages de la Côte de Beaune qui ont été touchés par la grêle, est un bon millésime, tant en qualité qu’en quantité.

Quels autres vins appréciez-vous ? Bordeaux bien sûr. Et Le nord du Rhône ; les condrieux sont des vins fantastiques. J’aime aussi beaucoup les vins de Loire. J’étais persuadé que le sauvignon n’avait pas vocation à faire des grands vins. Je suis revenu de cette idée. Dans les meilleurs terroirs, le sauvignon donne des vins merveilleux.

Photographies et propos recueillis par : Thierry Gaudillère (avec Jolien Somers)

JOHN MONARD, BOURGUIGNON DU NORD Dire que John Monard connaît la Bourgogne est un euphémisme. Il la parcourt depuis près de cinquante ans. « 360 voyages » explique-t-il. Il reconstruit le duché de Bourgogne, entre Flandres et Beaune. Et la Bourgogne, il la connaît par ses vins, par ses hommes. Dans les caves des Courtiers Vinicoles, à Diepenbeek, sont entreposées les bouteilles des plus grands domaines. De Bourgogne et d’ailleurs. Chaque année, plus de 2,5 millions de bouteilles y transitent. Bordeaux, Champagne, Loire, Alsace, Italie… La Bourgogne se taille la part du lion : 20 % en volume, mais près de 40 % en valeur. Les Courtiers Vinicoles sont pré-

sents sur tous les marchés : particuliers mais aussi restaurants ; traiteurs de Belgique, du sud de la Hollande. Mais surtout, John Monard aime la Bourgogne, les rencontres qu’elle engendre. Il parle des heures des domaines. Il connaît dans les moindres détails les hommes, les fils et filles qui prennent la succession de leurs parents. Intarissable, Il est un acteur attentif. Toujours à chercher un nouveau domaine, à demander des échantillons pour proposer des nouveautés à ses clients. Il le dit luimême : « le vin est pur, le vin me touche, le vin c’est la vie. »

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