Mag #20

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Sur la couv : NO ONE IS INNOCENT THERAPY? DIRTY SHIRT WHEELFALL SOLAR FLARE RECORDS DOUR XTREME FEST MOTOCULTOR FEST SHIKO SHIKO REFUSED LA MALTERIE


TEXTE EDITO

EDITO

Je suis arrivé à Lille en 2009 pour raisons professionnelles (bosser chez un disquaire-arnaqueur d’occasions qui porte un nom quasi-similaire à une marque de feuille à rouler) et évidemment aussi pour des motivations extra-professionnelles. Et parmi celle-ci : voir des concerts, voir des concerts, voir des concerts... j’avais soif, vraiment soif de concerts. Mais aussi de bières et de rencontres. Et de rencontres autour d’une bière... En plus de son nom houblonné, de par sa programmation, La Malterie s’est tout de suite imposée comme une évidence. Pour 7 euros, je pouvais voir Masters Musicians Of Bukkake ou Joe Lally (Fugazi), profiter de cet incroyable vivier de groupes locaux talentueux (Ed Wood Jr, Cercueil, Shiko Shiko, Berline0.33...) et m’enivrer de bières à prix raisonnables avec des personnes qui partageaient des goûts musicaux, une esthétique commune, des envies, un projet de vie... Bref, un lieu carrefour : de rencontre, de confrontation artistique, d’extase éphémère... L’extase, même éphémère, c’est toujours bon à prendre pour une génération comme la nôtre qui a appris à vivre dans le marasme ambiant et cela, constamment. Tu te souviens d’une époque où on ne parlait pas de crise ? Personnellement, non. Après quelques années de fréquentations assidues de La Malterie, une des associations programmatrices de ce lieu fini par me demander si j’aimerais occuper un poste (ça reste du bénévolat et de l’activisme hein...) de programmateur parce qu’on partageait des goûts musicaux et que je leur semblais correspondre à la philosophie du lieu. Mon infiniment petite notoriété de Fenec m’offrait également une pseudo-crédibilité pour y être. Ce à quoi j’ai répondu par la positive tout en étant bien incertain de pouvoir mériter pleinement cette fonction. S’ensuit 4 ans d’organisation de concerts. Et putain, remplir cette foutue jauge de 120 personnes avec des groupes que j’adore a été l’un des trucs les plus stimulants de ma vie. Je me suis bien sûr parfois lamentablement planté mais j’ai aussi eu quelques belles réussites qui m’ont galvanisées et confortées comme jamais dans mes activités aussi bien à la malterie qu’avec le W-raton laveur. En 4 ans de participation à La Malterie, des trucs géniaux, j’en ai vécus... En plus de la symbiose intellectuelle et humaine que l’on peut parfois rencontrer dans un fonctionnement associatif, j’ai été humainement séduit par des musiciens que j’aimais modérément. J’ai aussi eu d’énormes déceptions humaines avec des gens que j’estimais (les Peter Kernel ne sont que des grosses merdes imbues d’eux-même, voila, ça c’est fait...). Un lieu de ce type cristallise aussi des fractures sociétales (la solitude, la pauvreté...) et il faut négocier avec ces abominables aspects. Mais au final, tout ce que l’on retient, c’est le positif, l’endorphine, le frisson, le partage, le sentiment palpable de faire parti d’un projet pas anodin... Jusqu’à il y a quelques années, Lille a vraiment été une ville où il faisait bon vivre lorsque tu étais amateur de musique et d’arts. C’était simple, ça foisonnait de partout. Sauf que depuis quelques-mois, Martine A. (j’ai bien envie de me faire une Bedos vs. Morano sauf que j’ai pas les fonds nécessaires...) fait la nique aux bars concerts et lieux alternatifs, source de nuisances sonores et d’alcoolisme sur la voie publique selon la municipalité. Sauf (bis) que La Malterie fait face à des problèmes qui semblent insolubles sans le concours de cette municipalité qui souhaite concentrer et proposer une conception de la culture bien à elle. Visible, spectaculaire et tant qu’à faire facilement digérable. Il paraît qu’en temps de crise, c’est toujours la culture qui morfle. La Malterie n’est pas un cas isolé et des lieux de culture qui en bavent, il y en a plein. Sauf que non. De la thune il y en a et des caisses. Et on te parle pas des grands crus viticoles qui se cachent dans les caves des hôtels de ville des plus grandes municipalités de France. Sauf que c’est tellement plus simple de filer 200.000 boules à un imposteur-contentpourien-connard comme Jeff Koons pour une soi-disant oeuvre d’art en forme de bite ou de névrose œdipienne qui offre une visibilité médiatique à la municipalité que de sauver un lieu qui a un véritable rôle social, économique et culturel dans un territoire bien précis. Le Dans l’ombre consacré à Aurélien de La Malterie te donnera de plus amples informations concernant les missions et les difficultés de ce lieu INCONTOURNABLE à Lille. Et votre serviteur dans quelques mois sera orphelin de cette stimulation culturelle, intellectuelle, relationnelle et plus encore mais peu importe au final... Je suis en colère mais imagine le public qui afflue régulièrement pour voir les événements qui va se retrouver orphelin d’une certaine conception de la culture. Imagine la colère des 100 artistes résidents à la malterie qui vont perdre leur lieu d’émulation et de travail. Imagine les 6 salariés qui vont perdre un métierpassion mais également une source de revenu. Monde de merde. Mais profite de La Malterie et de tous ces endroits qui ont vocation à défricher la culture, il est bien encore temps de montrer ton soutien et de célébrer une autre culture. 2

David


SOMMAIRE

SOMMAIRE [04] [NO ONE IS INNOCENT] [08] HANGMAN’S CHAIR [10] THE ARRS [12] VESPERINE [13] REVOK [14] THERAPY? [19] DIRTY SHIRT [24] GENERAL LEE [26] ZUUL FX [28] SOLAR FLARE RECORDS [32] MEMBRANE [35] WHEELFALL [41] REFUSED [44] DOUR FESTIVAL [58] XTREME FEST [64] MOTOCULTOR FEST [74] SHIKO SHIKO [76] EN BREF [84] IL Y A 10 ANS [85] CONCOURS [86] DANS L’OMBRE 3


INTERVIEW TEXTE

INTERVIEW> NO ONE IS INNOCENT Avec un retour en fanfare de No One Is Innocent, il nous fallait poser des questions à sa tête pensante Kémar, alors forcément ça parle de l’évolution depuis Drugstore mais surtout de Propaganda et un peu de politique...

Avant de parler du nouvel album, revenons sur Drugstore, à froid, quel est ton sentiment sur cet album ? Drugstore est un album qui nous a permis de nous échapper de la routine. Depuis le début du groupe, on a toujours cherché à ne jamais faire le même album. Sans la direction musicale de Drugstore on n’aurait jamais composé des morceaux comme «Drugs» et «Johnny Rotten» qui font toujours partie de la setlist live... Est-ce que les critiques qu’il a subies ont influencé les choix pour Propaganda ? Pas du tout. Comment avez-vous géré le départ de Camille qui avait pris beaucoup d’importance au sein du groupe ? Camille est le réalisateur de trois albums de No One. Il a beaucoup compté pour nous pendant ces périodes. Après tout ce qu’on a vécu ensemble, il était temps pour No One de brancher un autre réalisateur. Propaganda est certainement l’album le plus proche de ce que faisait le No One des tout débuts, c’était une volonté de revenir à quelque chose de plus direct ? Pour composer Propaganda, on a décidé de lâcher les ordis et de rester tous ensemble en répét pour faire

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naître les titres. C’est pourquoi on a eu l’impression de se replonger 20 ans en arrière pour donner naissance à l’énergie brute de l’album. C’est Fred Duquesne qui a enregistré l’album, pourquoi l’avoir choisi lui ? Fred Duquesne fait partie de notre bande de potes, on connaît son travail depuis longtemps. On a tout de suite pensé à lui pour la réalisation. Au départ il nous a proposé de se retrouver 5 jours dans son studio pour maquetter 5 titres, et en sortant on n’avait plus aucun doute... c’était le mec de la situation. Vous avez enregistré «live» comme peut le laisser croire le clip de «Silencio» ? Beaucoup de morceaux ont été enregistrés live ... comme «Djihad propaganda», «Massoud», «Silencio», «Charlie». Au rayon des changements, il y a également l’arrivée chez VeryCords, pourquoi ce choix ? Parce que le boss de VeryCords connaît No One depuis des années et on parle le même langage.


Vous allez partir faire du bruit dans l’hexagone en novembre / décembre, vous allez préparer une set-list identique pour chaque date ou vous avez bosser plein de titres et ferez une sélection en fonction de l’état d’esprit ? On joue chaque concert de No One comme si c’était le dernier, c’est pour ça qu’on ne vit jamais la même chose.

Le racisme s’est banalisé, la xénophobie gagne des élections, la belle France unie et républicaine de Charlie n’était qu’une illusion ? Qu’on arrête de nous casser les couilles avec l’esprit du 11 janvier. La France qui est sortie dans la rue, et dont on fait partie, n’avait à notre avis qu’un seul but, rendre hommage à ceux de Charlie qui sont tombés. En ce qui nous concerne, on a écrit ce morceau parce qu’on a toujours été en phase avec les idées défendues par Charlie Hebdo.

Oli Crédit photo : DR

INTERVIEW TEXTE

Plus de 20 ans après, les problèmes dénoncés avec l’éponyme sont toujours présents, les messages transmis par les artistes ne servent donc à rien ? Ce n’est pas le message des artistes qui va changer quoique ce soit... Sauf si tu t’appelles Bob Marley. Avant de balancer des messages faut pas oublier qu’on fait de la musique et que ça reste le plus important. Ceci dit, l’ADN de No One a toujours été d’utiliser nos morceaux pour dire des choses. Libre à chacun d’adhérer ou pas.

Merci Karen chez VeryCords, merci aux No One Is Innocent et à Kémar en particulier.

Qui est le plus responsable de cette ambiance générale pourrie ? Les politiques ? Les médias ? Les parents qui n’ont pas su éduqué leurs enfants ? La pire chose que l’on constate depuis des années c’est la Lepenisation des esprits. Mais malheureusement c’est les politiques de droite et de gauche qui sont les plus responsables. Ce sont ceux-là qui ont laissé faire. Les sujets chauds et politiques sont toujours plus inspirants, tu n’as pas de lassitude à les traiter ? Aucune lassitude tant que notre musique reste à la hauteur. Avec la montée en puissance de la hyène, vous allez avoir du boulot dans les années à venir, le No One résistant pourrait aller jouer dans des villes où le FN est aux commandes ? Jouer dans des conditions «hardcore» pour défendre une cause ? On n’a pas attendu la montée du FN pour aller dénoncer les sales idées de ce parti. On a été à l’initiative du mouvement des groupes qui ont défendu les gens de Vitrolles. A l’avenir on répondra présent dans les villes qui nous appelleront pour résister aux sales idées. Les conditions Hardcore ne nous font pas peur.

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INTERVIEW


LES DISQUES DU MOMENT

NO ONE IS INNOCENT Propaganda (Verycords)

No One Is Innocent est un groupe réactif et c’est quand les sujets sont les plus graves que Kémar excelle. On avait pu s’en rendre compte avec «La peau» ou sur Utopia, et au travers de Gazoline avec la nouvelle mouture du combo qui m’avait passablement ennuyé avec Drugstore. En 2015, le climat mondial est au terrorisme et à la résurgence de masses fascisantes qui pensent que leurs problèmes sont causés par les autres... On sent un No One Is Innocent impliqué, prêt à en découdre avec les idées comme avec les riffs, Propaganda renoue avec leur glorieux passé au propre («20 ans») comme au figuré. Welcome back. «Nous sommes tous Charlie» clame Paris et le Monde entier début janvier, «des cartouches d’encre contre les munitions (...) face à eux faut faire front», les slogans claquent, les mots de Zapata repris par Charb servent de texte pour que le message passe et repasse «je préfère mourir debout que vivre à genoux». Comme les textes, les guitares sont ciselées et la rythmique tabasse, aux oubliettes les sons électro surproduits du Drugstore, on laisse la place à la basse («Silencio»), aux distos, aux frappes sèches et à un Kemar qui reprend les rènes pour traiter des sujets chauds du moment : peur globale et embrigadement explosif sur «Djihad Propaganda», les

idées brunes de la sirène/hyène «Putain si ça revient», surveillance et destruction à distance avec «Drones». Et quand, le leader charismatique du groupe se fait davantage poète («Silencio»), c’est pour tacler une présidence inopérante malgré les beaux discours... Même si c’est très agréable à écouter, son rayon, ça reste l’action et rien de tel qu’une punchline en anglais pour faire bouger même si l’essentiel reste compréhensible par tous les francophones («Barricades», «Kids are on the run»). Pour ceux qui ne sont pas attentifs aux textes (sérieusement ?), pour bouger, il suffit de suivre les coups de baguette et de médiator parce que ça ne rigole pas et ça enquille les riffs saturés sans perdre le groove qui est aussi une de leur marque de fabrique. Quand ça se calme, comme sur «Massoud» (encore un révolutionnaire à l’honneur), on se rapproche musicalement d’un «Autobähn babies» et donc mon Graal Utopia... C’est d’ailleurs un titre («Nomenklatura») de mon album fétiche que No One Is Innocent était venu jouer à Nulle Part Ailleurs, on retrouve le lancement d’Antoine de Caunes qui bouffe un peu leur nom pour célébrer leurs «20 ans» (un peu plus même). Dans ce titre, le groupe se met en scène (comme le faisait Silmarils ou le fait encore Mass Hysteria), se rappelant son histoire pour constater que les thèmes du début des années 90 n’ont pas forcément changé, le racisme ambiant fait toujours des ravages (de «La peau» à «Un nouveau Scottsboro») et il reste donc des chansons à écrire pour les générations qui n’ont pas encore compris qu’on habitait la même planète... Un dernier titre punk-défouloir en anglais (chanté par Shanka entre deux alarmes) qui dénote un peu et No One Is Innocent range les guitares et le micro... Pour mieux les ressortir dans tous les coins de l’hexagone où ils mettront le feu. Putain que ça fait du bien. Oli

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LES DISQUES DU MOMENT

HANGMAN’S CHAIR This is not supposed to be positive (Music Fear Satan)

Hangman’s Chair fête ses 10 ans cette année avec un quatrième album intitulé This is not supposed to be positive, on savait le groupe peu optimiste dans sa musique et son imagerie, le split avec Acid Deathtrip de l’an dernier n’a pas vraiment coloré leurs idées, la guillotine ensanglantée n’est en effet pas un truc très positif... Et le mec au chapeau (Anatole Deibler, le plus célèbre bourreau de France) n’inspire pas confiance non plus même si les couleurs ambiance pastel nuancent le tout et rajoutent davantage de tension. Et si je passe autant de temps à disserter sur ce très réussi artwork (signé Dave Decat à l’origine, le même illustrateur que pour Hope// Dope//Rope), c’est qu’il est vraiment raccord avec la musique proposée par les Parisiens : un sludge toujours plus inquiétant que chaleureux malgré des teintes ultra agréables. L’alternance de riffs ultra lourds et gras et de passages aussi lumineux que le soleil du désert (coucou Mars Red Sky) est toujours la règle de base pour construire des titres lancinants qui lézardent sur les rochers avant de, parfois, s’exciter quelque peu pour rejoindre une mare de vase. Entre le Nevada et la Louisianne, il y a quelques kilomètres mais les Hangman’s Chair connaissent des raccourcis pour relier les deux et créer leur paysage

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sonore. Une ambiance qui vire au sublime quand ils calment peu ou prou le rythme, on obtient alors des morceaux de la trempe de «Your stone» ou «Flashback» qui sont juste «beaux». Et c’est déjà pas mal. Entre les éternelles références sludge (Down) et stoner (Kyuss), on peut ajouter une pincée de grunge plaintif à la Alice in Chains (pour le chant de «Requiem» ou les grattes hâchées et métalliquement plus claires de «No one says goodbye like me»). Si la voix (et ses nombreuses facettes) semble être un des éléments les plus accrocheurs de ce This is not supposed to be positive, les Parisiens démontrent avec «Les enfants des monstres pleurent leur désespoir» (tout un programme) qu’elle n’est pas indispensable pour composer un titre réussi d’Hangman’s Chair. Ceci dit, quand ils répondent tous présents et jouent sur tous les tableaux, on a le droit à des morceaux d’exception comme ce «Cut up kids» de grande classe. This is not supposed to be positive se révèle être un nouveau chef d’oeuvre. Peut-être plus mais pas moins. Oli


LES DISQUES DU MOMENT

LES OGRES DE BARBACK 20 ans ! (Irfan)

riche carrière du groupe, et le mélange d’un répertoire axé « musique du monde » et des morceaux pur « Ogres » agrémentés des percussions et cuivres chaleureux de la fanfare fonctionne à merveille. La magie opère dès les premières notes, son paroxysme étant atteint avec le fabuleux « Rue de Panam » chanté en chœur par un public bouleversé et conquis.

20 ans. Dieu que le temps passe vite. Alors que la scène alternative sous toutes ses formes (fusion, puis ska reggae) prenait tout son sens au milieu des années 90, Alice, Mathilde, Sam et Fred, quatre jeunes frères et sœurs multi instrumentistes et déjà ouverts d’esprit, se lancent dans la grande aventure en formant Les Ogres de Barback pour proposer un répertoire aussi diversifié que touchant. Le quatuor, au fil des ans et dans la grande tradition indépendante, structurera ses activités pour ainsi créer son label et même ses propres structures de tournée (et notamment son fameux chapiteau itinérant Latcho Drom). Le groupe, en deux décennies, passera des performances de rue aux grandes salles sans que les mass médias traditionnels ne s’en préoccupent. Mais même sans cela, les Ogres, en vingt piges, gagneront le respect tant du public que des groupes de tous styles confondus.

La deuxième galette réserve également de belles surprises avec une multitude d’invités croisant le fer avec « nos » Ogres. Des vieux compagnons de route, des vrais amis croisés ci et là, bref, des moments de vie partagés avec des artistes qui leur sont chers. On retrouve ainsi des membres de Tryo, La Rue Kétanou, Les Fils de Teuhpu, Les Têtes Raides, et j’en passe. Preuve en est que la qualité et l’extrême sympathie des quatre frères et sœurs n’est plus à prouver. Et la musique dans tout ça ? C’est un joyeux bordel organisé, une fête pendant la fête, une alchimie presque évidente entre des amoureux de la chanson au sens large du terme. Des chansons populaires, qui parlent à chacun de nous, et qui resteront pour la plupart des classiques du groupe. Sans accès aux grosses radios et aux chaines de télé, Les Ogres de Barback, au line-up inchangé depuis leurs débuts, ont su, en deux décennies, conquérir un public fidèle et loyal. La popularité et la crédibilité du groupe est incontestable, et rester actifs vingt ans durant, aussi bien en studio que sur scène, révèle la force qui les pousse à perdurer dans ce droit chemin : la passion. Et l’amour de la Musique. Chapeau bas, et merci pour tout. À dans vingt ans ! Gui de Champi

Alors, quand on a vingt ans, ça se fête, et la fratrie Bruguière n’a, une nouvelle fois, pas fait les choses à moitié en proposant un double album live, dense et riche. Comme eux ! Sur la première galette, le groupe est accompagné de l’excellente fanfare Eyo’nlé rencontrée au Bénin et avec laquelle les Ogres ont tourné pendant un an. Cette magnifique collaboration fera date dans la

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LES DISQUES DU MOMENT

THE ARRS Khrónos (Verycords)

Si Soleil noir était un album de transition et de renouveau, Khronos est celui qui enfonce le clou du retour «aux sources», à savoir un album de métal hardcore sans concession où les mélodies et les moments de calme se comptent sur les cordes d’une guitare (à part l’interlude «Les rives du temps», il y a toujours de la vitesse, de la tension ou de la hargne). Certes, avec cette nouvelle galette, The ARRS ne fait pas que dans le bourrinage intensif mais ce n’est pas loin d’y ressembler quand même car les parties qu’on repère le plus facilement lors des premières écoutes sont celles les plus violentes et notamment l’apport de Ju (Benighted) sur le titre éponyme placé au coeur de l’opus. Ca (sur)growle sur des grattes stridentes et une rythmique ultra puissante et ça défonce les tympans. Ca tombe plutôt bien car si tu t’es procuré cet album, ce n’est pas non plus pour te bercer avant de dormir. Alors, oui, ça blaste et ça hurle quasiment tout le temps et l’étiquette «metalcore» oubliée mais ce n’est pas pour autant que The ARRS a perdu en qualité, en écriture et en intelligence (s’il suffisait de passer en chant clair pour être moins con, ça se saurait). La preuve en un seul titre, «Prophétie», où le groupe incorpore des samples de discours historiques, avant de reprendre les

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mots les plus forts de Badinter lors d’un discours sur le Vel d’Hiv (Je ne demande rien, aucun applaudissement, je ne demande que le silence, que les morts appellent : «Taisez-vous !» Ou quittez à l’instant ce lieu de recueillement, vous déshonorez la cause que vous croyez servir) enchaînant sur la «marche funèbre» de Moulin par Malraux devant le Panthéon qui explose dans nos oreilles avec le final haut perché de Poun (Black Bomb A), et tout ça en 3’30». Et tout est mesuré, amalgamé, ciselé pour que ça sonne «Juste». Rarement un travail de mémoire d’une telle qualité n’aura été mené aussi loin par un groupe de métal en France, j’apporte donc les félicitations du jury. Difficile de mettre un autre morceau derrière cette superbe «Prophétie» mais «Le journal de ma haine» tente le coup et le réussit grâce, entre autre, à l’intervention de la voix de Kubi échappé un instant des Hangman’s Chair pour donner, lui aussi, un coup de main et du relief à un titre de ses potes. D’ailleurs, avec l’éviction du chant clair, les différents guest sont les bienvenus (il y a également Alex d’Obey the Brave) pour sortir un peu du bloc monolithique qu’est devenu un album de The ARRS. Retour aux sources musicales, brutales, violentes pour les Parisiens qui traitent de leurs thèmes favoris (Condition humaine était déjà un clin d’oeil à Malraux, je te conseille d’ailleurs fortement la lecture de tout ce qu’il a écrit...) avec l’aide de leurs amis et de leur producteur fétiche Francis Caste (Heros assassin, Trinité...). Alors certes, c’est pas franchement «nouveau» mais putain qu’est-ce que c’est bien branlé. Oli


LES DISQUES DU MOMENT

ENABLERS

The rightful pivot (Exile On Mainstream Records/Atypeek Music) la guitare cristalline et éthérée, les arrangements parcimonieux de cordes, ces chœurs très surprenants à la David Bowie ... Si en plus, le groupe se renouvelle dans le propos, il y a de quoi être subjugué... Le dernier morceau «Enopolis» étonne et détonne positivement : cela commence comme du Enablers tout craché puis Sam Ospovat, le batteur, s’illustre par un jeu free désarticulé, l’onirisme qui se dégage des arrangements tandis que Pete vient jouer les troubles fêtes au sein d’un titre atypique et foutrement beau... Bref, une fort belle manière de clouer le bec aux sceptiques. Il y en a ? Enablers vient d’annoncer une tournée européenne et vu la qualité de leur live, tu aurais bien tort de t’en priver. Tu louperais un groupe qui en plus d’exceller sur disque, excelle aussi dans cette exercice. Quasi 4 ans après Blown realms and stalled explosions, Enablers revient avec un album intitulé The rightful pivot. La pochette est classe, le contenu va s’avérer l’être aussi mais comment en douter avec un groupe de cette trempe. Un disque d’Enablers, ça commence souvent par un titre dantesque (remember «Patton») puis la musique à tendance à se faire oublier pour rechoper périodiquement l’attention grâce à la prose vindicative de leur frontman et des instrumentations toujours méticuleuses. Et titre d’ouverture génial il y a avec «Went right» et ses «what the fuck white boy» animés par le toujours aussi sur-habité Pete Simonelli et des motifs musicaux en mode montagne-russe, assez agressif mais pas trop quand même. Sur cette première piste, le Enablers qui allait chercher l’auditeur par la peau du dos semble être toujours présent. Le deuxième titre, «She calls after you», est aussi une belle réussite, une mise en (haute) tension qui n’éclate finalement jamais. En allant plus loin dans les écoutes, on s’aperçoit bien vite que The rightful pivot est un excellent cru, dans la lignée qualitative du précédent et même quelques crans au dessus. La maîtrise des musiciens a déjà été largement prouvé, les 6 pistes suivantes ne vont qu’enfoncer le clou. Comment en effet ne pas céder aux 9 minutes de «Look» qui cumule bien des atouts : cette voix charismatique,

David

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LES DISQUES DU MOMENT

VESPERINE

Parmi les autres (Send the Wood Music) s’il ose se délivrer des vertiges de la pensée close). Ces paroles ne sont pas assez souvent mélodieuses (dommage car le chant clair semble plus naturel que sa version lourde), elles servent surtout à tendre et alourdir une atmosphère pourtant déjà bien saturée en stress métallique. Parce qu’avec des morceaux étendus entre 7 et 12 minutes, les Lyonnais ont le temps de faire monter la pression et ainsi de faire honneur à un de leurs groupes favoris (Cult of Luna). Les ambiances inquiétantes passent aussi par un riffing entêtant (celui au coeur de «Le métamorphe») et la menace omniprésente de se prendre un mur de son sur la tronche. Tel un ciel noirci par un orage en formation, Vesperine installe un sentiment permanent d’anxiété puisque l’on sait que cela va finir par craquer sous le poids de ce climat lourd et malsain. Dans les années 2000, Rémi (chanteur), Pierre (guitariste) et Aurélien (batteur) jouent ensemble au sein de Capsule ODC, leur rap métal fait du bruit dans la région lyonnaise mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est la suite qu’ils donnent à cette aventure à partir de 2011 et qui prend le nom de Vesperine. Ils sortent une première démo (2 titres) en 2013, changent quelque peu leur line-up avec les arrivées de Jéremy (bassiste) en 2013 puis de Loïc (guitariste) en 2014. Aguerris sur scène aux côtés d’Asidefromaday ou Impure Wilhelmina, c’est avec l’aide de ses fans que le quintet enregistre les trois titres de Parmi les autres qui n’est pas vraiment un EP puisqu’il atteint presque la demie-heure de musique... Produit par Fabrice Boy (Stereotypical Working Class, Young Cardinals, Lodz...) au printemps 2015, cet album à l’artwork lumineux (vraiment très classe) sort le 21 septembre chez Send The Wood Music. Vesperine commence par la «Fin» et donc avec un petit peu d’humour, alors que ces textes sont assez sérieux et pessimistes, en français (et plutôt audibles pour du post hardcore), ils sont bien écrits et valent la lecture (en voilà d’ailleurs quelques lignes Se ranger derrière la même cause / Se ranger dans la même case / Et perdre l’envie / De connaître autre chose / Ainsi l’esprit s’élève

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La vague de couleur du superbe artwork (signé Corto Rudant) et ce sublime bleu du disque risquent de t’emporter si tu te lances dans l’écoute de Parmi les autres, le noir si présent n’est pas une fatalité, la lutte avec la lumière risque d’être sauvage et peu importe qui sort vainqueur car c’est ce combat infini qu’on écoute avec délice. Oli


LES DISQUES DU MOMENT

REVOK

Bunt of grau (Music Fear Satan) néanmoins excellent. «Dear worker», c’est l’inverse, le titre défonceur de portes par excellence, à la limite du grindcore, étonne et fait figure de perle noir dans un ensemble extrême mais toujours assez finement tourné vers la mélodie. C’est d’ailleurs une des clés de la réussite de cet album : un savant équilibre entre le clair et l’obscur, entre la virulence et la mélodie, entre le chant clair et le chant à gorge déployée. Revok arrive facilement à choper et renouveler l’attention, à varier les surprises pour ne pas lasser. A titre d’exemple, l’ambiant «Equilaterra» ou l’intro de «Perfection is a sin» peuvent paraître des pistes/phases assez anodines au départ mais prise dans la globalité de Bunt of grau, elles permettent à l’auditeur de ne pas définitivement se noyer dans la monotonie du ‘core. 4 ans d’attente pour un nouvel album, c’est foutrement long. Surtout qu’à l’époque, les Revok avaient mis tout son petit monde O.K et K.O avec Grief is my moniker. Le groupe re-débarque avec Bunt of grau via notamment Music fear Satan. Verdict après 10 écoutes ? Mouais, Revok, c’était mieux avant, il y un air de déjà vu dans c’t affaire et on peut comprendre les commentaires un peu acerbes et définitifs à l’égard de cette sortie sur la blogosphère. Verdict après 20 écoutes ? On valide haut la main et on ne comprend plus les commentaires un peu acerbes et définitifs sur la blogosphère. Bref, il va falloir le mériter ce Bunt auf grau pour en saisir toutes les subtilités et l’essence. Enfin, la dynamite plutôt parce c’est bien de hard dont il s’agit.

David

Le premier titre, «Old marrow», fait figure de rouleaucompresseur et de carte de visite classe, une belle alternance et cohabitation de fureur/moments mélodiques. Trois minutes 58 suffisent pour que le «your anger dissipate» raisonne, Revok règle ton cas et te rappelle que s’il y a un patron du genre en France, c’est vers eux qu’il faut regarder... La suite n’est pas en reste avec «Polluted ideas» dont le chant clair ressemble à du Mastodon tandis que le mid-tempo «Eroded mind» caresse l’auditeur dans le sens du poil avec du Revok tout craché mais

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INTERVIEW TEXTE

INTERVIEW>THERAPY? En pleine promo de son nouvel album Disquiet, c’est Andy Cairns himself qui répond à nos questions qui porte sur ce nouvel album du trio. Le frontman inusable répond comme il est dans la vie ou sur scène, avec simplicité et honnêteté ! Therapy? a connu le succès dans les années 90 et n’a jamais cessé de composer et de sortir des disques. Comment analysez-vous l’évolution du rock en 20 ans et le fait que, sans être devenu confidentiel, votre groupe n’a plus la popularité qu’il a connue en 94 avec Troublegum ? Je n’analyse pas ces choses-là. Je suis trop occupé à écrire des chansons, à jouer de la guitare, à écouter de nouveaux morceaux, à lire des livres et à apprécier l’instant présent pour m’attarder sur le passé et sur l’état du rock. Dans le groupe, nous écoutons de la musique qu’elle soit d’hier ou d’aujourd’hui et dans tous les genres. Concernant notre succès dans les années 90, nous nous estimons déjà chanceux d’avoir eu du succès, surtout qu’étant originaires d’Irlande du Nord, qui est un coin tout petit, on a dû batailler pour se faire entendre au départ. Nous avons appris il y a bien longtemps à rester fidèles à nous-mêmes et à ne pas suivre les tendances. Je pense que c’est pour ça que nous aimons toujours faire de la musique. En plus, nous n’avons jamais ressenti le besoin d’être des « Rock Stars », donc ça ne nous tracasse pas trop de ne pas traîner avec des stars du cinéma ou des mannequins.

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Vous avez toujours mis en avant, dans vos enregistrements, la paire basse/batterie plutôt que les guitares, ce qui est assez rare pour un groupe de rock. C’est ça le secret de votre son ? Oui, sinon nous ressemblerions à tous les autres groupes de rock. Nous sommes fans de rythme, de toute façon. Depuis toujours, nous aimons James Brown, NWA, Public Enemy, Can et bien d’autres... Tout comme Fugazi, Big Black et le punk. 10 ans sans changer de batteur, ça rend les choses plus faciles ? Oui, Neil est un batteur fantastique mais c’est aussi une personne très ouverte et honnête. Nous avons de meilleures discussions au sein du groupe, depuis 10 ans. Les mensonges et les subterfuges peuvent ronger un groupe de l’intérieur. Nous avons tous changé depuis 1990 et nous en sommes arrivés à la conviction que le groupe dans son ensemble ne se résumait pas aux besoins d’un ou deux égoïstes. Disquiet, Anxiety, Suicide-Pact, Trouble... Ce thème du malaise revient très souvent dans les titres d’album, pourtant sur le plan personnel, vous allez bien, c’est facile de faire du rock quand tout va bien ?


Quelle est la signification de la pochette de Disquiet, sale et dérangeante au demeurant ? Vous avez laissé travailler Nigel Rolfe ou vous lui avez fait des demandes précises ? Comme toujours avec Nigel, nous lui envoyons un exemplaire de l’album, il l’écoute et il nous envoie une photo. Nous décidons de l’utiliser ou non. Jusqu’à présent, pour tous les albums qu’il a créés pour nous, nous sommes très contents du résultat. Si tu me demandes quelle est la signification de la photo, je ne sais pas. Je ne sais jamais. Tout ce que je peux te dire, c’est que nous lui faisons confiance pour interpréter nos sons comme il veut. Le clip de «Still hurts» est dans la lignée de l’artwork, c’est aussi une sorte de «lyric vidéo» mais en très travaillée, comment est venue l’idée ? «Still hurts» a été réalisé par une boîte de prod’ vidéo de Manchester appelée Sitcom Soldiers. C’est la troisième vidéo qu’ils nous font et comme Nigel Rolfe, nous leur faisons entièrement confiance. Notre seule demande pour celle-ci était que le groupe n’y apparaisse pas. C’est comme ça qu’ils ont eu l’idée de faire écrire les paroles par des individus de générations différentes. Ça nous a plu et je pense que ça complète le morceau. Avec «Vulgar display of powder», vous faites un clin d’œil à Pantera, avec un son très lourd au passage, vous pourriez faire une reprise de Pantera ? Oui mais sans solo à la Pantera, parce que ce style n’est pas le mien. Mais les riffs sont très bons. Vous avez donné des concerts spéciaux pour l’anniversaire de Troublegum. Est-ce difficile d’abandonner la plupart de ces chansons maintenant ? Certains des morceaux les plus connus de l’album sont tellement connus par le public qu’un concert sans eux semble bizarre. Ça vaut vraiment le coup de voir la foule réagir comme elle le fait quand on les joue.

Avec 14 albums différents, ça peut être difficile. On doit toujours laisser de côté un truc que quelqu’un veut entendre.

INTERVIEW TEXTE

Je pense que ceux qui vivent au 21ème siècle et qui ne se mettent jamais en rogne méritent une médaille. Ceux qui sont heureux, vraiment heureux à notre époque sont des exceptions. Moi, je me réconforte comme je peux. Écrire et chanter des chansons m’évite de payer un psy. Je suis honnête au sujet de mes problèmes. C’est le fait de les garder pour soi qui crée toute la détresse.

Parle-nous de ce label Amazing Record Co., comment s’est fait ce choix ? C’est un jeune label du Nord-Est de l’Angleterre avec de gros projets et plein d’idées. Leur enthousiasme pour la musique nous a attiré vers eux et jusqu’à présent, c’est un plaisir de travailler avec eux. L’un de nos patrons de chez Blast Records travaille maintenant chez Amazing Record Co., alors c’était plus facile de changer pour une boîte où nous avions déjà un ami. Vous aviez d’autres possibilités après la fermeture de Blast Records ? Deux autres labels étaient intéressés pour nous signer mais après les avoir rencontrés, nous avons décidé qu’Amazing Record Co. était celui qu’il nous fallait. Avoir des problèmes avec un label, c’est obligatoire aujourd’hui ? Je pense que c’est plus difficile d’avoir un label à long terme. Comme les artistes peuvent assurer une bonne partie des relations publiques eux-mêmes, les labels n’investissent plus autant d’argent qu’avant. Sauf bien sûr s’il s’agit d’une bande de jolis minets pop et qu’ils pensent qu’ils vont leur rapporter un paquet, ou encore d’un phénomène rap, métal ou punk pour ados, avec une forte présence sur les réseaux sociaux qu’ils pensent pouvoir exploiter. Peu de groupes font carrière avec le même label comme par le passé ? Je ne sais pas trop... Manic Street Preachers ont le même label depuis vingt-cinq ans et ils marchent toujours bien, après tout. Merci Andy, merci Therapy et merci à Elodie et au staff Him Media pour le relais. Oli Crédit photo : DR

Comment faites-vous vos set lists ? On essaye de jouer la majeure partie du dernier disque avec quelques chansons des anciens albums autour pour que le set sonne bien.

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LES DISQUES DU MOMENT

KID FRANCESCOLI With Julia (Yotanka Records)

Ce nom gravite autour de moi depuis plusieurs années, à travers les newsletters pro, les magazines spécialisés print et web, les flyers... Et pourtant, il aura fallu attendre 2015 pour que votre serviteur daigne remarquer enfin ce phénomène electro-pop dont tout le monde parle à droite et à gauche, j’ai nommé Mathieu Hocine aka Kid Francescoli. Découvert de façon hasardeuse lors d’une soirée à travers le titre «Does she ?», le troisième disque du Kid, With Julia, est né de sa rencontre faite à New York en 2009 avec une ravissante américaine nommée Julia Minkin. D’où ce titre d’album. Pour vous la faire courte, les deux sont présentés par des amis communs, s’entendent à merveille, se découvrent une passion commune pour la musique et certains artistes comme Air. Lui, a déjà deux albums à son actif, elle, chante comme ça, pour le plaisir. Ils finissent par se mettre ensemble tout en commençant à composer des morceaux en commun. L’idée de faire un album à deux fait surface, les échanges d’idées ainsi que les enregistrements se font à distance (certaines voix ont même été capturées par Skype !) car Mathieu est reparti en France et puis, pouf, ils se séparent. Une année difficile pour Kid Francescoli, qui va pas mal jouer sur la tournure finale que prendra With Julia. Le Marseillais décide de terminer ce disque suite à un échange encourageant

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avec Julia, et fait appel à ses potes Simon Henner de Nasser et Mathieu d’Oh! Tiger Mountain pour produire ces romances pleines de mélancolies qui seront rendues publiques au cours de l’année 2014. J’en conviens, et ce n’est pas les intéressés qui me contrediront (prenons l’exemple de Björk qui récemment fut dans l’incapacité de jouer en live son Vulnicura, évoquant pour expliquer ses annulations, l’intensité émotionnelle qu’il lui procure), il n’est pas évident du tout de sortir des morceaux très personnels, surtout dans ce cas présent. Il y a toujours cette part de naïveté à l’eau de rose liée aux sentiments forts qu’on reproche à l’artiste, et là, difficile d’y échapper avec ce With Julia. Il y a évidemment beaucoup de tendresse dans cette musique, forcément de la complicité avec les deux chants («Boom boom», «Mr Knowitall»), une honnêteté résistante à toute épreuve mais ce sont bel et bien les quelques hits qui font (sauvent ?) ce disque : des petits bijoux de la trempe de «My baby», démontrant le talent de chanteuse de Julia, ou l’excellente et sensuelle «Does she», voire l’introductive «Blow up» qui pourtant n’est pas mise en valeur par l’accent anglais défaillant du Marseillais. Cela peut être «cute» pour les anglophones si l’album s’exporte, mais assez vite affreux pour les Français sensibles à la langue de Shakespeare. Pour le reste, certaines chansons déséquilibrent méchamment le disque et font tâche tels que la paresseuse et soporifique «I don’t know how», l’agaçante et déjà-vu «Discoqueen» ou même «Dirty blonde» qui coule dans la mignardise. Si on touche du doigt l’influence évidente d’Air (surtout sur «Italia 90» où là c’est carrément la main), With Julia est surtout un album electro-pop de notre temps, une musique languissante relatant une expérience humaine forte, avec ses bons et mauvais côtés. Loin d’être l’album de l’année, tout en ayant de bons arguments à faire valoir, With Julia aura surement le mérite de parler davantage à ceux qui ont vécu pareille histoire qu’à des mélomanes en manque de trouvailles électro-pop. Ted


LES DISQUES DU MOMENT

THE PRESTIGE Amer (Basement Apes Industries)

larsen qui traîne a été étudié pour être utile à l’oeuvre de destruction totale orchestrée par The Prestige. Au cours du cataclysme ambiant, on récupère quelque peu avec des morceaux qui connaissent des moments de calme tout à fait relatif car pour certains, la pression ne fait que monter («Léger de main»), et pour les autres, le couperet finit plus ou moins vite par tomber sur le titre qui passe alors en mode «côté obscur» («Négligée», «Marquee»). Dans tous les cas, c’est réussi et les Franciliens arrivent aisément à nous plonger dans leur univers, si sombre et décadent soit-il. Et le pire, c’est qu’on y prend du plaisir.

Alors qu’il n’était qu’assistant pour Black mouths, Amaury Sauvé (Birds in Row, As We Draw...) a géré en chef la nouvelle prod’ de The Prestige qui enquille les noms qui ont du sens en confiant le mastering à Bob Weston (Nirvana, Shellac...) et en continuant de travailler avec (entre autres) Basement Apes industries (Membrane, General Lee, Plevre, Morgue...).

Pour finir, un petit détail qui montre que The Prestige t’aime, ils ont sorti l’album dans diverses éditions collector avec 2 pochettes différentes mais toutes aussi classes l’une que l’autre. C’est peut-être un «détail» mais ça montre à quel point les gars ont réfléchi à leur album comme un tout où rien n’est négligé, c’est à ce prix qu’on obtient le prestige... Oli

Si ce terrible Amer est excellent et surpasse (question de goût) son prédécesseur, c’est peut-être parce que la langue de Voltaire (qu’Aurelio n’imaginait pas s’intégrer à la noirceur musicale du combo il y a 3 ans) fait des incursions fracassantes et réussies. Les textes oscillent entre cadavres exquis et poésie surréaliste mais plus qu’un message clair, c’est l’ambiance qu’ils apportent par leurs sonorités qui compte, et que ce soit dans la douceur (toute relative) ou le chaos, ça colle. The Prestige préfère largement amener la guerre dans nos oreilles qu’y accrocher des fleurs... Au rang des compos chaotiques au possible, tu trouves une belle liste avec entre autres «Bête noire», «Enfants terribles», «Voir dire» ou «Apaches», c’est alors un déluge de riffs et de coups qu’on prend en travers de la tête et si on a l’impression de vivre l’apocalypse, le groupe ne frappe pas au hasard, tout cela est savamment construit, le moindre

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LES DISQUES DU MOMENT

BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB Live In Paris (Abstract Dragons)

‘’Beat the devil’s tatoo’’ a ‘’Spread your love’’ en passant par d’autres titres un peu plus rares mais tout aussi jouissifs. Un peu plus de deux heures de rock’n’roll qui puent la classe et la maîtrise jusqu’au bout et qu’on retrouve sur le DVD de ce même concert. La réalisation est superbe, le montage hypnotisant, la lumière lysergique et le cadrage digne d’un grand western. Sans compter la prod sonore, tout aussi propre que fidèle, qui laisse apprécier toutes les subtilités du son vaporeux et lourd du trio des Californiens. Deux heures intenses et donc pas forcément digestes pour tout le monde mais qui rassasieront plus qu’assez les die hard du Club.

Black Rebel Motorcycle Club fait partie de ces groupes qui pourraient allègrement servir de définition à une certaine idée du rock. Un look blouson noir absolument démodé mais qui tient bon, des membres charismatiques, dont un sosie de James Dean, des cordes implacables capables de déclencher une émeute avant d’appeler à la transcendance, des voix charismatiques, sensibles et furieuses, et enfin une attitude aussi authentique que rugueuse. En 15 ans de carrière le gang n’a jamais démérité, rejoignant la catégorie de ces formations n’ayant jamais été propulsée dans la stratosphère médiatique mais qui malgré tout résistent à toute les tempêtes et continuent de naviguer sur une fan-base fidèle et solide. Cette fan-base sera comblée par la sortie de ce superbe CD/DVD Live in Paris qui prend place dans le décor incroyable du Trianon. Grosse surprise de cette sortie, c’est la performance spéciale livrée par le groupe pour l’occasion. En effet, il n’y a pas un mais deux CDs live, dont le premier n’est rien de moins que l’interprétation en intégral de leur dernier album en date, Specter at the feast (2013). Le deuxième CD lui renferme la seconde partie du concert, une setlist ‘’best-of’’ des plus croustillantes avec les plus grands classiques du groupe, de

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Et comme les fans, c’est bien connu, n’en ont jamais assez, ils trouveront également un sympathique documentaire sur la vie en tournée du groupe, à condition d’être anglophone. Un documentaire dans la même veine que ceux qu’on a l’habitude de voir sur ce genre de DVD mais qui s’avère toujours intéressant tout en révélant quelques petites anecdotes classiques de la vie sur la route. Bref, si tu es client du BRMC, fonce sur ce CD/DVD Live in Paris et son artwork bien léché. Par contre si tout ce que BRMC t’évoque c’est la chanson que tu as entendu dans une pub avec Robert Patinson, alors commence par écouter le second CD du concert qui sera pour toi une excellente porte d’entrée dans l’univers du groupe de Frisco. Elie


LES DISQUES DU MOMENT

DIRTY SHIRT Dirtylicious (Promusic Prod)

speed-folk locale et qui ouvrent et ferment l’album) ou les différents textes dans leur langue maternelle (je n’y comprends absolument rien, même avec les textes dans le livret), bref, même quand on se retrouve au fin fond d’une fête roumaine distordue, et alors que ce n’est pas du tout notre culture, ces violons, ces sons, cette énergie nous ravissent... Si tu as kiffé les quelques passages bien «arméniens» de SOAD, tu risques d’A-DO-RER cet album salement délicieux. Dirty Shirt nous a écrit un paquet de titres qui s’écoutent et se réécoutent indéfiniment sans jamais perdre en saveur et en plaisir. Dirtylicious n’est pas seulement un prétendant au titre de meilleur album de métal roumain ou du meilleur album de métal mais tout simplement un des meilleurs albums de l’année. FELICITARI !!! Dirty Shirt nous a habitué à de bons albums mais alors celui-là... Il est vraiment exceptionnel !!! Dirtylicious, c’est la somme de tout ce que les Roumains ont fait de mieux jusqu’à maintenant. En prouvant une fois de plus que l’on pouvait tout mélanger et tout amalgamer, le combo prend le meilleur de ce qu’il aime ailleurs pour l’intégrer dans son métal balkanique folklorique avec délice.

Oli

Un groupe roumain, un producteur français, un mixeur américain, un artwork plutôt mexicain (en fait non, c’est également une tradition roumaine -locale- de décorer les sépultures avec des cranes multicolores), secoue bien fort et tu obtiens un putain d’album métal, une bombe qui pourrait être mondiale tant les sensations ressenties peuvent toucher qui que ce soit où que ce soit car qu’est-ce que ce Dirtylicious est organique ! Impossible de résister à ces rythmiques, à ces riffs, à ces chaloupages, à ces orientalités, à ces coups de gueule comme à ces mélodies, tout est ciselé pour nous percuter le corps et l’esprit. Et même quand le groupe va chercher au plus profond de ses racines avec «Ciocarlia» ou «Calusarii» (les pistes instrumentales qui nous plongent dans une ambiance

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INTERVIEW TEXTE

INTERVIEW>DIRTY SHIRT Si c’est au guitariste (et chargé des samples) qu’on a posé des questions à propos du nouvel excellent album de Dirty Shirt, c’est que Mihai vit en France depuis une dizaine d’années et manie notre langue bien mieux que la plupart de nos concitoyens ! Du coup, des réponses directes, sans le filtre de la traduction pour en savoir plus sur Dirtylicious, le Wacken et la Roumanie...

Vos albums précédents étaient très bons mais celui-là est juste exceptionnel ! Vous en avez conscience ? Merci pour ce compliment. Sans fausse modestie, nous sommes fiers de ce qu’on fait, parce que nous sommes sincères dans notre musique et on fait tout cela avec beaucoup de passion et sacrifices. Vous avez senti que vous enregistriez un album encore meilleur ? Dès le début on a senti qu’on avait un très beau projet sous la main et j’ai quasiment été tout le temps très confiant. C’est vrai qu’il y a eu des moments de pression après Freak show, un album qui a eu un succès considérable avec des critiques quasiment unanimes et très positives, un feedback exceptionnel en concert et un public de plus en plus large. Même moi, je considère qu’il y a quelques titres de cet album qui ressemblent à des «tubes», je pense à «Bad apples», «Freak show», «Ride», «Saraca inima me». Et puis, surtout après notre réussite à Wacken, il y avait une attente de la part du public et de la presse. Mais ces moments étaient éphémères, et comme je le disais, j’ai été confiant dans ce projet, un peu fou. Le fait de travailler avec des gens très talentueux et impliqués, ça te met forcement en confiance.

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Le groupe a l’habitude de jouer en France, il y a d’autres pays où vous jouez régulièrement ? Après la Roumanie, la France c’est le deuxième pays du groupe, le fait que j’habite ici depuis 14 ans n’y est pas pour rien. C’est aussi le pays où on a le plus de public et des retours positifs de la presse. C’est donc tout à fait naturel de jouer très souvent en France, et déjà je peux t’annoncer que l’année prochaine on prépare des dates ici. Sinon, lors de nos tournées européennes et de nos quelques petites «sorties» du pays, nous avons joué en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Autriche et en Hongrie. Vous pouvez plaire au monde entier, il y a des pays en particulier où vous avez vraiment envie d’aller jouer ? Parmi les pays où on n’a pas encore joué, personnellement j’aimerais qu’on joue en Angleterre et aux EtatsUnis... Le truc classique ! Vous préparez une tournée européenne, il y a des lieux où vous avez hâte de retourner ? En France en premier lieu, c’est évident. On prépare déjà un bon truc pour le printemps 2016. De bonnes nouvelles sont en train de prendre forme...


Votre musique traditionnelle est encore très présente, vous faites écouter vos versions à des gens qui n’écoutent pas de métal ? Oui, bien sûr, et ça plaît. Ca permet même à des gens d’accepter le son métal après plusieurs écoutes. Et surtout, en live, il nous est arrivé de jouer dans des festivals avec un public très différent de ce qu’on fait, mais chaque fois on a réussi à conquérir les gens. Après des années de musique, comme musicien ou spectateur, je pense qu’en concert, le style de musique est moins important que la façon dont tu la joues, si tu es sincère ou non sur scène et si tu transmets quelque chose aux gens. Il m’est arrivé plus d’une fois d’adorer des concerts de groupes que je n’écoute jamais. Quelle est l’importance de Charles dans l’enregistrement de l’album, les morceaux sont beaucoup modifiés quand vous êtes en studio ? Notre collaboration avec Charles a commencé en 2009 avec l’enregistrement de Same shirt different day. Charles a un grand rôle dans le son de Dirty Shirt, et depuis on a fait tous les albums ensemble. Au fur et à mesure, j’ai progressé aussi dans la production et donc on l’a fait en partie nous-mêmes désormais même si c’est toujours Charles qui donne la touche finale. Concernant l’enregistrement, nous sommes très ouverts, et on enregistre énormément de choses. On travaille très librement dans ce sens. Puis lors des arrangements, on fait des choix... En France, les Roumains sont très mal perçus, caricaturés comme des mendiants ou des voleurs, vous souffrez de cette xénophobie quand vous êtes chez nous ? Pas du tout. Sans être hypocrite, le public rock/métal est beaucoup plus instruit que la moyenne, et surtout il est formé par des gens ouverts d’esprit. Vraiment, on ne nous a jamais traité de telle sorte, ni en France, ni ailleurs en Europe.

Au contraire, nous sommes très bien accueillis par l’équipe des salles et par le public.

INTERVIEW TEXTE

L’artwork s’inspire du folklore mexicain ? Pourquoi ce choix ? C’est loin de la Roumanie... Non, ce n’est pas du folklore mexicain, mais bien du folklore roumain, de la région de Maramures, c’est là d’où on est originaire, une des régions où les traditions ont été le mieux préservées en Roumanie. Ce sont des couleurs et des motifs spécifiques de Maramures, qui par je ne sais quelle coïncidence, sont semblables à celles du Mexique. Il y a même un cimetière à Sapanta, appelé le «Cimetière joyeux» où les tombes sont ornées de stèles en bois, peintes avec des couleurs vives, des gravures de type naïf, des poèmes, tout ça dédié à la mémoire du mort.

Vous vous êtes fait remarquer au Wacken, vous avez eu le soutien de la Wacken Foundation pour votre tournée en Roumanie, ça correspond à quoi ? C’est assez simple. Wacken Foundation est liée au festival juste par le fait qu’elle est soutenue financièrement par Wacken Open Air et elle bénéficie de sa tutelle. La fondation soutient financièrement beaucoup de projets métal en Europe. On a tenté notre chance, on a fait un dossier et on a reçu une réponse positive. Nous avons demandé de l’argent pour pouvoir louer de l’équipement comme une table de mix digitale et quelques accessoires et avoir les techniciens nécessaires pour faire une tournée avec 9 musiciens sur scène et avec des dates très proches. Ca a changé quelque chose pour vous en Allemagne ? Bien sûr, avec la réussite à Wacken on a coupé quelques bonnes étapes et on a pris un raccourci dans la «carrière» du groupe. Après un prix à Wacken tu ne deviens pas une «star» internationale, mais tu commences à avoir un nom dans ton pays et puis un petit nom au niveau international. Egalement, je reconnais que le prix est venu vraiment au bon moment de la carrière du groupe, juste avant d’enregistrer Dirtylicious. Ainsi, l’argent, l’équipement et les contrats d’endorsement de Randall et Washburn qui ont suivis, ont été une d’une aide extraordinaire. Mais au-dessus de tout cela, ce qu’on a vécu à Wacken ça restera pour toujours une expérience personnelle et musicale unique. Vous avez fait une tournée en Roumanie, des salles de concert se construisent ou c’est toujours très difficile d’avoir de bonnes conditions pour jouer ? Pour cette tournée, on a eu la plus grosse prod’ de toutes les tournées de Dirty Shirt. Avec 9 musiciens sur scène et beaucoup d’équipements, tu peux imaginer le bordel et la logistique nécessaire... On a été «obligés « de jouer dans des salles avec des vraies scènes. Et aujourd’hui la scène roumaine est incomparable par rapport à il y a 10 ans. La Roumanie a aujourd’hui de très bons groupes de plus en plus «pros» au niveau de leur son, leur image et leurs concerts. Et la Roumanie est bien présente dans les tournées des groupes internationaux de tous niveaux. Heureusement, tu peux jouer dans de bonnes conditions à peu près partout. Ce n’est pas encore comme en France, mais ça va !!!

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INTERVIEW

Vous arrivez à vivre de votre musique ou vous avez des jobs à côté ? Sauf Dan Petean, le petit dernier arrivé dans le groupe, et les collaborateurs et techniciens qu’on rémunère, tous les membres du groupe ont un job, certains ont des familles et des enfants. On fait tout cela par pure passion et tout ce qu’on gagne avec la musique et réinvesti dans le groupe. C’est la seule façon de progresser pour un groupe, et sans cette attitude, nous ne serions jamais arrivés où on est aujourd’hui... Merci Mihai, merci Dirty Shirt, fonce écouter leur dernier album et les voir en concert car ça vaut vraiment le détour ! Oli Crédit photo : DR


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LES DISQUES DU MOMENT

GENERAL LEE

Knives out, everybody ! (Basement Apes Industries) sauterie quelques amis comme Manon (petite cerise sur le gâteau «Night chaser», dont la voix douce hante régulièrement le studio Boss Hog), Alex de The Prestige tout à fait dans le moule pour «The beast inside» et Vincent (AqME, The Butcher’s Rodeo) qui, par sa clarté fugitive, allège quelque peu le tourbillonnant «Hellbound on VHS».

Le General Lee nouveau est arrivé et il n’a pas fait les choses à moitié ! La mue amorcée avec Raiders of the evil eye est désormais achevée, au placard les longues séquences de riffs pesantes et les inspirations lunesques, le hardcore n’ roll prend désormais toute la place. Si à leurs formidables débuts, les Nordistes faisaient traîner leurs idées, elles vont désormais à 100.000 à l’heure, en exagérant (à peine), il doit y avoir autant de coups de médiators dans «Fuel injected suicide machine» que dans l’intégralité de leur premier album. Ca mouline dans tous les sens, c’est du rock n’ roll gesticulatoire version très véner et c’est juste jouissif. Alors, les petits plats dans les grands, c’est quoi exactement ? Déjà, c’est un artwork de classe internationale puisqu’ils nous ont déniché l’illustrateur canadien Matt Ryan, un passionné de cinéma (comme eux), qui a déjà travaillé avec du beau monde (Cancer Bats, Every Time I Die et pas mal d’autres...) pour pondre un dessin ultra personnalisé (entre bagnole star, bikini, cascade, santiags, flingues, extra-terrestres et zombies). Côté son, c’est encore à Clément Decrock, le boss du Boss Hog (Tang, As We Bleed, L’oeuf, Kill me this Monday, Errata...) qu’ils ont confié leur destin, et ça sonne méchamment bien (encore). Enfin, ils ont convié à leur

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Et tout ça, ce n’est que du détail à côté du ressenti général : littéralement une grande claque dans la gueule. Même les trucs sur lesquels je suis plutôt réticent d’habitude deviennent excellents, le meilleur exemple sont les choeurs (j’ai vraiment beaucoup de mal avec ce procédé), ceux qui terminent «The conqueror worm» sont bouleversants d’utilité, impossible d’imaginer le titre sans eux. Si musicalement, la transformation est enfin aboutie, General Lee n’a pas changé d’humeur et allie souvent déconnade à références historico-cinématographico-musicales (je crois que c’est comme ça qu’il faut dire !), en témoignent des titres comme «Sergio Leone built my hotrod» (ou comment le maître du western spaghetti remplace le Jesus de Ministry) ou «Letter of Aaron Kominski from Hell» (ou comment l’un des potentiels «Jack l’Éventreur» se retrouve à écrire une lettre depuis l’enfer ... ou un film traitant de ladite histoire). Les jeux avec les mots sont aussi poussés que ceux avec les riffs, ça chauffe donc à tous les étages et devant la complexité des constructions, la façade est clairement kiffante. Plutôt que de sortir les couteaux, sortez les cartes bleues ou les biftons et chopez-moi cet album ! Oli


LES DISQUES DU MOMENT

ROPOPOROSE Elephant love (Yotanka Records)

Le premier contact que j’ai eu avec Ropoporose a été scénique. Ca remonte à la dernière édition du festival de La Ferme Électrique cet été et la prestation fut pour le moins laborieuse, du moins au départ, pour se terminer comme elle aurait dû commencer, à savoir de belle manière. Pas super convaincu dans la façon de l’exprimer (avec des réglages urgents à effectuer sur la justesse vocale de la miss), la musique me plaisait tout de même. L’idée de jouer à deux avec des boucles de guitares enregistrées en direct pour pallier l’absence d’instrument supplémentaire, le truc qui peut se révéler assez vite casse-gueule sans maîtrise ; ces effluves d’indie-pop juvéniles et bricolées qui laissent un sourire bête et émerveillé quand elles traversent les oreilles... Bref, il ne me manquait plus que d’écouter leur premier album Elephant love pour asseoir mon opinion sur ce groupe qui mérite tout de même que l’on s’y intéresse un tant soit peu. Pourquoi ? Parce qu’ils ont été approchés puis signés sur la sérieuse écurie Yotanka Productions (Kid Francescoli, Zenzile, Von Pariahs) et que les relais effectués dans la presse ont globalement été très encourageants.

rien, Ropoporose se défend super bien, son style à la fois furibond et fragile, est accrocheur. Difficile donc de passer son chemin. De plus, les dix titres d’Elephant love sont des appels constants à la nostalgie - l’influence de Sonic Youth étant très présente - et les mélodies pleines de mélancolie qui en découlent constituent le moteur créatif de ce disque. Dès lors, comment ne pas succomber à «Day of may» ou la sublime «Whu-whu» ? Deuxièmement, parce qu’il y a une exigence musicale déjà très présente pour des artistes aussi jeunes qui tentent, comme leurs grands frères et sœurs de Peter Kernel, de jouer la carte des guitares saillantes et de réveiller les foules (la suite «Empty-headed»/»Elephant love»). Certains arrangements sonores et utilisations d’instruments, comme le mélodica et le xylophone sur «40 slates», corroborent cette exigence envers euxmêmes et cette volonté de proposer du contenu varié et de qualité. Il y a bien d’autres raisons d’écouter ce disque, mais cela prendrait surement plus de lignes, alors on vous laisse découvrir et faire vos propres avis sur cette petite féerie pop qu’est Elephant love, qui démontre qu’avec du boulot et sans complexe, on peut vraiment faire les choses bien, surtout quand l’adolescence n’est qu’un récent souvenir. A bon entendeur. Ted

Le webzine aux longues oreilles va se ranger aussi du côté des avis positifs. Premièrement parce que, l’air de

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LES DISQUES DU MOMENT

ZUUL FX

Live in Japan (Okult Records)

Vraiment sympa que cette nouvelle sortie de Zuul Fx parce que dans ce digipak se cache un DVD pas vraiment comme les autres. Parce que ce n’est pas tout à fait un documentaire sur leur tournée au Japon, ce n’est pas vraiment non plus l’intégralité d’un concert enregistré au pays du soleil levant, non, c’est plutôt l’histoire de Zuul Fx racontée face caméra par son fondateur, frontman et seul membre originel encore présent : Zuul. A travers différents chapitres (sept au total) qui retracent la discographie du groupe jusqu’à aujourd’hui, on (re) découvre l’évolution du combo (et quelques anecdotes) avec Zuul mais aussi des photos, des petites vignettes vidéo d’archives et des coupures de presse. Chaque partie est accompagnée d’un morceau live capté au Japon. Les clubs ne sont pas grands, le public n’est pas franchement bouillant mais le quatuor se démène et balance ses compos avec un son énorme. Du point de vue de la vidéo, les salles étant assez petites, c’est filmé «près des corps» donc les cadrages sont approximatifs et ça bouge pas mal, il y a toujours au moins 2 caméras ce qui donne un rendu plus correct que la simple vidéo souvenir. Le monteur a fait ce qu’il a pu avec les rushes (ça n’a pas toujours du être facile, en témoigne ce qui est gardé sur le «Beat the crap out» de Nagoya). Les lieux dans lesquels le groupe a joué n’étant pas les

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plus belles salles du Japon, les éclairages sont à l’avenant, très decevants, et limitent le light-show à ... quasi rien... même à Tokyo sur cette scène à damier magique. Mais peu importe, ce DVD n’est pas là pour graver pour l’éternité un concert de folie mais bien pour permettre à Zuul Fx de faire le point après une dizaine d’années d’existence et, surtout, de se faire plaisir en compulsant l’album photos de sa vie comme de ses dernières vacances. Euh, un DVD live avec uniquement 6 titres et du blabla, y’a moquage non ? Non. Parce que dans le digipak se cache aussi un CD (bon, «se cache» c’est vite dit vu qu’on le trouve tout de suite aussi) et au final, on se demande si le DVD ce n’est que le bonus du CD. A moins que ce ne soit l’inverse... En tout cas, les deux réunis, ça devient un must have de Zuul Fx. Alors, dis, c’est quoi ce CD ? Ce CD, c’est pour commencer les fameux 6 titres mastocs captés au pays du soleil levant («rising sun» en anglais pour ceux qui s’intéressent aux sous-titres, d’ailleurs, ils sont dispos en anglais si ton correspondant ne parle pas bien le français). Six morceaux, ok, c’est juste bon pour un EP alors les gars ont envoyé du bonus sur le bonus avec les trois titres de Ass music, la toute première démo (quasi introuvable aujourd’hui). Le son a beau être signé Francis Caste, on est loin de la qualité des dernières prods du groupe mais toute leur rage et leur puissance sont déjà bien là (les trois morceaux dont l’inusable «Behind the light» seront retravaillés pour le premier album). Et si tes oreilles ne saignent pas encore, monte un peu le son, il te reste 9 plages pour arranger ça car tu as le droit aux versions démos de 9 titres de By the cross. Live in Japan c’était donc «hier» (septembre 2014) mais c’est un véritable bond dans le passé qu’on s’offre avec cette double rondelle puisque tous les premiers enregistrements du groupe s’y trouvent et même si, là encore, le son des démos n’est pas énormissime, ça s’écoute très bien et démontre, s’il le fallait, que le groupe n’a pas attendu longtemps avant d’être au taquet pour envoyer son bon gras métal-indus. Oli


LES DISQUES DU MOMENT

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EN BREF SOFY MAJOR

PIGS

FASHION WEEK

Waste

Wronger

Prêt-à-porter

(Solar Flare Records)

(Solar Flare Records)

(Solar Flare Records)

Deux ans après Idolize, Sofy Major remet le couvert avec Waste et encore une fois, on n’aura strictement rien à dire de négatif de ce nouveau cru. Le trio aborde cette nouvelle mouture le décapsuleur entre les dents avec «Waste», un titre massue, très Unsane, une basse qui percute, une voix qui prend les tripes, un songwriting de haute tenue et une sacrée entrée en matière. Le reste, c’est l’oktoberfest du noiseux avec une série de titres tout aussi bandants les uns que les autres, une accumulation de moments de bravoures, de riffs qui te percutent la tronche et un groupe dont il est difficile de remettre en cause la conviction. Seule la reprise des Les Thugs m’a un peu surpris au départ mais il est ardu de ne pas admettre que le groupe a remarquablement réussi à se la réapproprier. Encore un sacré parpaing (dans la gueule) à l’édifice Sofy Major. Et la pochette superbe, totalement en adéquation avec l’esprit du groupe, va rendre l’édition vinyle totalement indispensable.

Pour les cancres au fond de la classe, Pigs, c’est Dave Curran (Unsane), Andrew Schneider (ingé-son au CV long comme l’instrument de travail de Rocco...) et Jim Paradise (Ex-Player’s Club). Après un premier album intitulé You ruin everything, le groupe revient aux affaires les crocs encore plus acérés avec Wronger. 9 titres dont une intro’ indus-noise plombante («A great blight») et un intermède red-neck («Mouth dump») qui en fera marrer plus d’un. Inutile de tergiverser sur ce retour du trio, c’est une baffe monumentale et on y retrouve tout ce que l’on attend d’un projet avec Dave Curran : riff en acier trempé, voix papier de verre, compositions turgescentes et songwriting millimétré. Ce texte pourrait amplement s’arrêter là mais on oublierait de te dire qu’il y a même un featuring cinglant de Julie Christmas (Spylacopa, Made Out Of Babies...) sur «Bug boy» qui devrait rappeler le meilleur de son ancien groupe. Au final et même en multipliant les écoutes, un album qualitativement aussi monstrueux que le Visqueen d’Unsane, c’est dire si c’est un indispensable pour les fans du père Curran et pour les amateurs de noise-core qui ne débande jamais.

Après American Heritage et The Great Sabatini, encore un groupe que Solar Flare Records a eu la brillante idée de placer sous les projecteurs des amateurs du label. Car en plus d’être doté d’un certain humour (la bio parodique de Nirvana, les références au monde...), Fashion Week évolue dans un noise-hardcore qui fait du bien aux oreilles et ce dès le premier titre «Fendi bender» : l’alternance jouissif de chant clair et de passages hardcore-heavy à la Will Haven trouveront immédiatement un écho chez les amateurs du genre. Un album qui enchaîne les titres excellents et vindicatifs («Chorusace», «Fur Free Friday») mais pas dénué de prise de risques comme sur le à la fois beau et épique «Klosstrophobia» ou l’on voit apparaître un clavier doucereux, une incartade positive que Fashion Week ne tardera pas à saloper à grands coup de décibels et de râles coreux. Seule la piste «Haute topic» et ses inclinaisons très émo-rock à la Thursday me laisseront froid mais votre serviteur a toujours eu une sainte horreur des jeudis. Ce groupe n’a donc strictement rien à voir avec l’univers musical du film de Robert Altman (ni le tube dégueulasse d’Ini Kamoze...). On valide et plutôt deux fois qu’une.

David

David David

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EN BREF

BIG BUSINESS

PORD

WATERTANK

Battlefields forever

Wild

Destination unknown

(Solar Flare Records)

(Solar Flare Records)

(Solar Flare Records)

Big Business : Hello Mathieu, salut, on est Big Business, tu sais, la section rythmique des (The) Melvins, tu nous connais ? ça nous brancherait vachement que tu ressortes notre album Battlefileds forever via ton label.

Dès le premier titre, «Staring into space», c’est la boucherie noise sous influences Amphetamine Reptile : la basse entame les «noise-stilités» puis la batterie et la guitare viennent se tailler la part du cake pour incontestablement asseoir la domination sonore. Une entame d’album carnassière et jouissive qui place d’emblée le niveau très haut. Sauf que la seconde piste, «I’m swimming home», surpasse encore la précédente : une intro’ quasi classic-rock (j’ai presque envie de citer Led Zep’...) et un morceau qui joue avec les nerfs, multipliant les cassures rythmiques jusqu’à ce break cinglant et ce final explosif. Mortel de chez mortel. Le reste, c’est aussi de la balle : Pord étire son propos, multiplie les coups de butoir sans pour autant faiblir ni laisser entrevoir ne serait-ce que l’ombre d’un ventre-mou. A ce titre, «On the couch», le dernier morceau, fait figure d’expérience paroxystique avec ses 11 minutes qui commencent le couteau entre les dents puis après une subite coupure, change nettement de tonalité et t’emmène très loin, très très loin avec une digression quasi post-noise-rock : ou comment pervertir sa propre formule pour mieux la sublimer. La classe encore une fois.

Probablement l’un des groupes les plus attachants du label dans la démarche, il suffit de lire les interviews en mode total nonchalance et zéro ambition, mais aussi grâce à la musique qu’ils développent, Watertank revient enfoncer le clou avec un second album intitulé Destination unknown. 9 titres pour une durée de 35 minutes où le groupe à géométrie variable semble parfaitement quelle direction prendre lorsqu’il s’agit de faire du heavy-rock sludgisant avec des mélodies catchy et un chant qui invite à l’accompagner dans ce trekking émotionnel. On pense toujours à Torche mais il est nettement palpable que Watertank cherche à s’en éloigner notamment avec ces ambiances lumineuses très pop light. Le disque commence sur un puissant et très Helmet «Automatic reset» et se termine sur un «Destination unknown» justement symbolique de cette évolution pop. Entre ces deux pistes, il y a 7 pépites qui n’attendent qu’à être découvertes et le doux glissement stylistique qu’opère Watertank est d’autant plus évident. L’auditeur joliment déstabilisé ne peut qu’être pressé d’entendre la suite. Si ‘il y en a une bien sûr.

Mathieu (boss de Solar Flare Records) : Hein ? Ouais, ouais c’est ça... Les gars, vous êtes vraiment pas drôles mais je dois avouer que votre accent est pas mal. Et au passage, moi je suis Henry Rollins. Enchanté les mecs. Big Business : Ah non Mathieu, ce n’est pas une blague, on nous a vraiment vanté les mérites de ton travail, on aimerait que tu ressortes cet album pour nous et si tu es ok, on se rencontre prochainement. Mathieu (boss de Solar Flare Records) : Ah ouaaaaaaais ! Putaindebordeldemerde ! Cette conversation est totalement fictive et imaginée, Mathieu te racontera mieux que nous (un de ces jours) comment la connexion s’est faite. L’album initialement sorti en 2013 reste une perle pour les fans de heavy-warrior-rock à tendance sludge. A se procurer d’urgence.

David

David David

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INTERVIEW TEXTE

INTERVIEW>WATERTANK Nouveau fleuron de la scène noise française, les Nantais de Watertank signent un deuxième album et l’emportent avec les honneurs. Plus varié et aboutit que son prédécesseur, Destination unknown vient rejoindre la liste des jolis cadeaux de rentrée offert par Solar Flare Records aux cotés de Pigs et Sofy Major. Entretien avec Thomas, le chanteur du groupe, un entretien que l’on qualifiera de... « concis ». Vous êtes un groupe aux influences immédiatement reconnaissables, quand on parle de vous on cite systématiquement Torche, Helmet, Quicksand, etc... Malgré cela et contrairement aux autres groupes aux influences trop évidentes, vous réussissez à percer et à créer un univers musical unique. Comment vous faites ? Le name-dropping sert surtout à nous situer dans le paysage musical global, mais bien entendu ça ne nous définit pas totalement, heureusement nos références sont bien plus larges. On a les éléments pour s’en détacher et définir au fur et à mesure notre identité. Ces influences sont souvent des formations américaines des années 90. C’est une époque qui revient un peu en force en ce moment. D’après vous, qu’est-ce qu’il y a de si spécial avec le rock des années 90 ? Dur d’être objectif vu que notre culture rock s’est construite à cette époque, on peut dire qu’elle nous semblait avoir une plus grande importance qu’aujourd’hui car plus médiatisée. Est-ce que ça vous gonfle pas un peu d’être toujours ramené à vos influences, comme je suis exactement en train de le faire par exemple ?

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Non, on assume à fond, aucun souci. Sans être des fanboys, on a évidemment beaucoup de respect pour ces groupes grâce auxquels on a construit les bases de Watertank. Quand on se ballade sur le net pour regarder un peu ce qu’il se dit sur vous, on trouve beaucoup de chroniqueurs qui ressentent un peu de nostalgie à l’égard des 90’s en vous écoutant. Watertank c’est quand même pas juste un revival-band pour ceux qui font leur crise de la quarantaine, si ? Si on veut surfer sur un quelconque revival, on devrait plutôt monter un cover band de Metallica ou Rage Against The Machine, on remplirait bien mieux les clubs. Vous êtes chez Solar Flare Records, un label français qui se revendique du DIY et qui mise sur le physique de qualité, avec un catalogue assez noisy/post hardcore. Est-ce que ça aussi c’est pas une éthique très 90’s au fond ? C’est plutôt ancré dans les 80’s, et galvaudé depuis. Tu retrouves du DIY partout, même dans les magazines spécialisés seniors. De notre point de vue, c’est surtout un instinct de survie face à l’uniformisation générale, plutôt qu’une revendication.


C’est la fin, à vous le mot de la fin. Merci, Gloire à Jésus !

INTERVIEW TEXTE

Solar Flare Records abrite quelques uns des meilleurs groupes noise hexagonaux : vous, Sofy Major, Pord et j’en passe. La scène noise française n’est pas forcément la scène qui a eu la reconnaissance qu’elle méritait jusqu’à présent. Est-ce que vous n’avez pas le sentiment que c’est un peu en train de changer ? À l’échelle nationale, la scène noise est plutôt réputée pour ses groupes 90’s, l’âge d’or des Bastärd, Condense, Tantrum, Portobello Bones, Hint et bien d’autres.

Merci Thomas, merci Watertank ! Elie Crédit photo : DR

D’après vous, comment se porte la scène rock indépendante en France et quel avenir vous lui prédisez ? Aucune idée, je pense que chacun fait son petit bout de chemin, de manière isolée, mais je ne me retrouve pas dans une scène rock indépendante globale, ça reste du copinage à petite échelle, chacun dans son cercle restreint. Et vu la galère grandissante pour trouver des dates et l’argent perdu quand on est un petit groupe ou un label indépendant, je reste un peu sceptique sur ce que nous réserve le futur. Y a-t-il des choses un peu spéciales de prévues au niveau physique pour la sortie de Destination unknown comme une édition vinyle particulière... L’album est sorti en LP, CD et digital, rien de bien foufou donc pas d’édition spéciale sous forme de jokari ou terrine de canard Watertank, désolé. L’artwork de Destination unknown fait un peu penser à celui d’ ‘’Idolize’’ de vos collègues de Sofy Major. On y retrouve notamment le concept de la tête sans visage. C’est un simple hasard ? Dans la forme, il y a des similitudes, en effet. Il s’agit de mon arrière grand-père sur des rails, la photo originale est très graphique et collait complètement aux thèmes de Destination unknown. Votre musique oscille entre petits passages mélancoliques et gros passages à tabac, particulièrement sur ce nouvel album. C’est quelque chose de conscient ou c’est simplement une recherche mélodique ? C’est notre credo, virils mais corrects.

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LES DISQUES DU MOMENT

MEMBRANE

Reflect your pain (Basement Apes Industries) qu’ils étaient pressés de revenir aux affaires, non pas que les morceaux soient bâclés (bien au contraire, si tu as compris le travail réalisé sur l’artwork, tu sais qu’ils ne laissent rien au hasard) mais les idées semblent simples, directes, le combo a cherché l’efficacité dans des schémas qui ont fait son identité et sa marque de fabrique. L’aventure aurait pu se terminer mais il en est tout autrement, le changement c’est maintenant et comme c’est dans la continuité, c’est réussi.

Oli

Du split avec Sofy Major, on a failli passer au split tout court mais après un court passage dans les limbes, Membrane a refait surface. Inspiré par les tréfonds des remaniements de personnel, le trio a joué aux chaises musicales, Nico prenant le chant en plus de la guitare et trouvant en Max (batteur de Run of Lava et Feet in the Air) puis Alban (bassiste mais aussi chanteur), les pièces manquantes à la survie du projet. Pour autant l’âme tourmentée de Membrane est toujours là : les riffs noisy tombent comme des grêles, la saturation est lugubre, la rythmique étouffante, les chants de Nico et Alban fidèles à la tradition noise/presque claire ou filtrée juste ce qu’il faut pour hérisser les poils. Dans cet océan de noirceur les gars ont pensé à, de temps à autres, calmer le jeu histoire d’appesantir encore davantage le propos jusqu’à l’étouffement mais aussi à convier Floriane qui oeuvre pour le label Impure muzik (et a joué avec Joss (de Gantz et Hiro au sein de You Witches)) sur deux titres («Breath» et «Lonesome») où sa voix limpide éclaire un ensemble que le trio rend encore plus sombre pour la mettre en valeur. Avec Yann Marchadour, Membrane n’a enregistré que 6 titres mais on sent à travers cette grosse demie-heure

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LES DISQUES DU MOMENT

DIMONÉ

Bien hommé mal femmé (Estampe) promesses non abouties ; la pochette est pourtant intrigante, le dossier de presse alléchant. Reste une voix, entre Mickaël Furnon (« Chutt chutt shut up », « Maquille-moi ») et Alain Bashung (« Un homme libre »), qui, malgré toutes les tentatives de nous happer en incarnant le propos (« Venise ») finit par lentement lasser. Même chose pour les textes, un peu trop - systématiquement - imagés, qui achèvent souvent de nous perdre en route (sans les paroles sous les yeux). Mais si l’écriture de Dimoné peut laisser de marbre, l’artiste a au moins le mérite d’essayer là où une grande partie de la scène pop-rock française a soit échoué, soit abandonné.

Derrière Dimoné (« Démon » en catalan) se cache un vieux briscard. Dominique Terrieu, de son vrai nom, navigue en effet en marge de la scène punk et rock française depuis bientôt 30 ans. Musicien au sein de formations au succès relatif comme Les Sulfateurs Espagnols ou Les Faunes, le Montpelliérain a entamé une carrière solo depuis la fin des années 90 (son premier album, Effets pervers, est paru en 1999). Réalisé par son ami musicien de toujours, Jean-Christophe Sirven, Dimoné nous revient en 2015 pour son quatrième disque en quinze ans : Bien hommé mal femmé.

Évidemment tout n’est pas à jeter : « Chanson d’amour », « Encore une année » sont des titres marquants car bien dosés. Tout comme certains détails de production, concernant les choeurs notamment, qui s’avèrent rafraîchissants (« Maquille-moi »). C’est malheureusement trop peu pour maintenir complètement l’attention pendant les 47 minutes du disque. Une sortie finalement bien sage. Antonin

Envisagé comme l’album d’une certaine « confirmation » (on ne peut pas dire que son nom soit sur toutes les lèvres), l’esprit se veut rebelle, baroudeur et défricheur. Jouant beaucoup sur son expérience, le - bientôt - cinquantenaire cherche avant tout à raconter des histoires, à montrer qu’il a vu, vécu, appris, parfois. Le souci c’est que l’album ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick, n’évitant pas la plupart des travers de la chanson française d’aujourd’hui et d’hier, en terme de production notamment. Pas si rock, malgré l’attitude, les musiques offrent souvent un faible soutien au propos (le gentillet « Les triples axel »), nourrissant son lot de

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LES DISQUES DU MOMENT

FRANCK CARTER & THE RATTLESNAKES

Blossom (International Death Cult)

était un modèle à suivre... Mais comme le surexcité de service est un excellent vocaliste, il varie rapidement les tons et les degrés d’éraflure, se laissant même aller jusqu’à de très beaux passages en chant clair donnant du relief à des titres qui, du coup, sortent davantage du lot («Devil inside me», «Beautiful Death»). Du côté des serpents à sonnettes, ils ont de quoi s’exprimer car si Frank Carter est bien entendu la tête de proue et le principal compositeur, les gaillards qui l’entourent y vont de leur grain de sel, apportant ici un petit solo bien rock n’ roll («Trouble»), là une rythmique plombée («Fangs»), et déborde parfois du cadre pour surfer sur le chaos («Rotten blossom»).

En 2011, on pouvait être sceptique sur l’avenir de Frank Carter ailleurs que dans Gallows, mais après tout, pourquoi pas. En 2013, on le croyait bel et bien perdu pour la cause HxC, s’étant lui-même enterré dans la mièvrerie pop rock Pure Love. En 2015, il revient avec un nouveau projet dénommé Frank Carter & The Rattlesnakes, pourquoi pas, jetons donc une oreille... On comprend tout de suite que la mésaventure Pure Love appartient au passé. Si le titre pouvait laisser songeur (Blossom, c’est un truc de fillettes ça !), l’artwork était un peu plus engageant (encore que la ritournelle sur les amplis qui crament avec le placement de produit qui va bien puisse être largement critiquée) et le son bien brut de décoffrage a mis les points sur les «i», enfin surtout les barres sur les «t» vu le nombre de «i»... Ca sonne «live», ce n’est pas du pur punk HardCore old school à la Gallows parce que ça semble plus construit, plus rock à la base et donc plus facile à écouter tout en gardant une sévère dose de testostérone et de nervosité/ Bref, pour moi, c’est plus agréable à prendre dans la tronche que Gallows... Sur l’introductif «Juggernaut», Frank use de sa voix éraillée comme si le chant du Kurt Cobain de Bleach

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Bref, alors qu’on n’y croyait pas trop, Blossom signe le retour en fanfare de Frank Carter, avec ses Rattlesnakes, il a repris du poil de la bête, va pouvoir en découdre avec son public sur scène (au sens propre comme au figuré, attention à ne pas trop t’y frotter si tu le découvres en live) et tout ça, c’est plutôt une bonne nouvelle parce que du côté de Gallows, le talent est désormais aux abonnés absents... Oli


LES DISQUES DU MOMENT

WHEELFALL Glasrew point (Sunruin Records)

cinématographiques et électroniques, qui rappellent FWF, le projet solo de Fabien, (Chaos Echoes, Phazm), viennent calmer le jeu par moment pour prendre le temps d’installer une atmosphère prenante, rappelant même les sonorités d’un Vangelis sur «A night of dark trees». Chaque titre trouve aisément sa place, sa durée, et regorge de surprises sonores et d’idées brillantes, que ce soit dans la variété du chant, les rythmes, l’approche des guitares ou les nappes électroniques qui habillent l’album ici et là. Car la tracklist elle non plus n’est pas conçue au hasard, l’enchaînement de certains titres permettant de leur donner un sens différent, nous offrant même quelques triplettes absolument parfaites.

Les tripodes sont les seuls à avoir survécu à Interzone, sorti il y a déjà trois ans. Et ils règnent désormais en maîtres sur ce Glasrew point, colossal double album qui voit les Nancéiens sortir du carcan parfois étriqué du stoner/doom. Difficile d’y coller une étiquette précise, mais cet opus s’adresse définitivement aux fans de métal extrême, de l’Indus de Trent Reznor au Post-Hardcore de Cult Of Luna en passant par l’ambiance inclassable du Monotheist de Celtic Frost ou d’un album de Neurosis. Un virage stylistique à 190° où Wheelfall défonce absolument toutes les portes qui s’ouvrent à lui sans jamais s’y perdre ou devenir pompeux. En nous trimbalant de paysages lunaires en ambiances païennes, Glasrew point nous fait revivre la descente de Dante aux enfers avec inventivité et style.

Inutile de préciser que l’ambiance général donne clairement dans le genre lugubre, mécanique, froid et violent (l’excellentissime «Vanishing point») voire carrément torturé («Sound of salvation») même si quelques rayons percent les nuages par endroit («Pilgrimage» notamment, qui invite l’auditeur à ne pas se suicider juste à la fin du premier CD). Malgré cela, Glasrew point possède une véritable atmosphère plus attirante et cathartique que repoussante, en plus d’une concision dans le propos qui donne envie d’y revenir régulièrement. A noter que l’album sera vendu avec un roman écrit par Blandine Bruyère qui relate le récit de ce double album, même si l’album lui-même possède déjà une force d’évocation suffisante pour vous faire faire votre propre récit. Elie

Glasrew point n’est pas conceptuel qu’a moitié puisque ce sont un peu plus de 80 minutes de musique sombre, anxiogènes et épiques qui nous sont proposées cette fois. Et pourtant Wheelfall évite l’écueil quasi systématique du double album indigeste et finalement inécoutable. Tout en gardant la cohérence nécessaire, l’album varie les ambiances, les styles et les nuances sonores grâce entre autre à un énorme travail de recherche en studio. Quelques superbes interludes

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INTERVIEW TEXTE

INTERVIEW>WHEELFALL Rencontre avec Fabien, chanteur, guitariste et tête pensante de Wheelfall à l’occasion de la sortie de Glasrew Point. Un double album implacable débarrassé du carcan stoner qui promet de mettre Nancy à genoux, et plus si affinités.

Votre nouvel album est un concept album accompagné d’un roman. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur le scénario et sur la conception de ce roman ? Tout notre concept repose sur des constats. Le roman de Glasrew point prend place dans la société actuelle, c’est ni plus, ni moins, qu’une observation des interactions humaines, sociologiques et technologiques. C’est plus nécessairement de la SF comme auparavant sur Interzone, plus quelque chose dans le genre de ce qu’a fait James Graham Ballard avec Crash. C’est un peu comme si tu étais un scientifique qui regarde le monde d’en haut et qui s’amuse à créer des situations diverses pour voir ce qu’il va se produire. On a commencé à écrire le roman en se basant sur ces thèmes-là. On s’est vite retrouvé avec une trentaine de pages de concept et d’idées et c’est là qu’on s’est dit qu’on pouvait carrément essayer d’en faire une vraie histoire qui prendrait place dans ce contexte. On s’est dit qu’on allait confier ça à quelqu’un qui non seulement avait le sens de l’écriture, mais surtout qui était extérieur au groupe, pour avoir un autre point de vue sur l’ensemble. C’est Blandine Bruyère, une amie à nous, qui s’est chargé d’adapter nos idées en créant des personnages et tout ce qui va avec. Et je vais quand même te résumer vite fait le synopsis.

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C’est quatre personnages qui se rencontrent par hasard dans une station service, dans un pays du type Europe du Nord avec une ambiance assez urbaine. Ils vont être pris à parti par une masse de gens sans vraiment savoir pourquoi et sont contraints de fuir le continent sur un petit rafiot. Ils finissent par se retrouver sur une île qui de prime abord semble coupée de toute ces mauvaises choses, une sorte d’utopie. Mais en fait c’est pas forcément un abri. [rires] C’est d’actualité ça un peu, non ? Des gens qui sont contraints de fuir un continent sur un petit rafiot ! Pourquoi pas ! Mais on avait conçu l’histoire avant tout ça quand même. On n’a pas fait exprès ! [rires] Pourquoi un changement de style aussi radical ? Razle-bol du stoner ? Pour plusieurs raisons. Premièrement, pendant la composition de cet album j’ai eu une très grosse remise en question personnelle. C’est d’ailleurs pour ça que cet album est peut être plus dirigé par moi. Même si les autres ont suivi et ont amené des tas de bonnes idées, l’impulsion vient quand même de moi. Donc j’ai fait le point sur ce que je voulais et sur ce que j’étais musicalement, et j’ai aussi voulu faire la paix avec toute l’éducation


Et ce changement de style, il impose quoi pour la suite ? La seule chose que ça impose c’est... c’est qu’il n’y ait rien d’imposé en fait ! [rires] Là comme ça, je ne sais pas du tout comment ça va évoluer. Par contre, je sais que je n’ai pas envie qu’on attende autant de temps avant de refaire quelque chose (NDLR : Trois ans ont séparé la sortie d’Interzone et celle de Glasrew point). Après, au niveau du style, mes groupes préférés ont toujours fait quelque chose d’un peu différent à chaque album, que ce soit NIN, Swans ou même Morbid Angel ! Je ne m’en fais pas trop pour ça, par contre, ça ne sera peut être pas aussi radical. Parce que là j’ai l’impression qu’en lâchant un peu le cadre, on a trouvé quelque chose de plus profondément enfoui en nous donc c’est peut être moins sujet à changement. Mais peut-être pas. Et pourquoi un double album ? A cause du concept ou parce que vous aviez énormément de choses à dire musicalement ? Je pense que oui, ça ne pouvait que sortir sur un double. Déjà, il y avait la problématique d’illustrer le roman mais on avait aussi beaucoup de choses à dire. Parce que tu vois, mine de rien, au niveau de la durée des morceaux on est sur un format plus court qu’auparavant, ce qui n’empêche pas que ça soit vachement plus long [rires]. Moi le principe doom/stoner du truc hypnotique et répétitif, j’ai effectivement fini par en avoir un peu marre. Là, le but c’était qu’on ne se fasse jamais chier. Qu’il n’y ait pas de redite. Donc, quand on trouvait que c’était assez on coupait et on passait à un autre morceau. Au regard de ça et de la durée de l’album, je pense que oui, on avait beaucoup de choses à dire. C’est votre deuxième concept-album. Pourquoi vous ne faites pas comme tout le monde, en enchaînant juste les bons riffs et les bons morceaux ? En ce qui me concerne, j’aime beaucoup les œuvres conceptuelles. D’ailleurs, c’est là que je me rends compte de l’importance que mon éducation classique a eu sur moi. Et effectivement pour moi le format ‘’chanson’’ c’est trop restrictif. J’ai eu l’habitude d’écouter des grandes symphonies ou des grands mouvements, des trucs où il se passe des choses sur la durée. Après ça ne veut

pas dire qu’il faut être pompeux. Mais là dans le double album, il y a des thèmes qui reviennent régulièrement, au début, au milieu, à la fin, des leitmotivs. Comme des personnages qui évoluent et se déplacent. Et Interzone par exemple, même si c’était un concept-album avec une histoire et une trame, on pouvait découper ça en morceaux indépendants. Là, il y a des alliances qui se font et des enchaînements qui ont vraiment du sens. Certains morceaux ne peuvent pas être compris sans le suivant ou le précédent.

INTERVIEW TEXTE

classique que j’ai reçue. J’ai passé plus de 15 ans en conservatoire avant de faire du rock, en partie pour être en contradiction avec tout ça. Là j’ai pu marier les deux. Pour faire simple je ne me suis imposé aucun cadre. Ce qui est sorti là était purement naturel, c’était le retour aux vraies envies, aux vraies influences.

Comment on compose un concept album ? C’est le schéma classique de la jam ou c’est plus calculé en fonction de ce que raconte l’histoire ? C’est un gros mélange des deux. Quand je compose, j’ai toujours des images et des couleurs en tête, et forcément ça m’amène à faire quelque chose de narratif. Parfois je joue un riff et ça m’évoque telle partie de l’histoire, à l’inverse il y a des passages du roman dont on essaye de trouver comment illustrer l’émotion et l’ambiance en musique. Des fois même une simple note peut t’évoquer quelque chose, du stress, une couleur. Et du coup après, on jam autour de cette note par exemple. Là aussi il y a une idée de liberté, que ça soit dans la façon de composer ou d’enregistrer. On a raisonné comme si on avait acheté une boîte à outils en fait : pour tel morceau j’ai besoin de cette méthode de composition, sinon je n’arriverais pas à mes fins, donc je la prends ; pour un autre, une autre méthode etc... Donc il y a des choses écrites et d’autres qui viennent d’une improvisation. Thibaut vous a rejoint au synthé. C’était une nécessité pour faire tout ce que vous vouliez faire ? Il fait les guitares additionnelles aussi. C’était vraiment une nécessité. Si on voulait faire ce qu’on voulait, on ne pouvait pas lésiner sur les moyens, ni sur les personnes. Et surtout pour défendre ce genre de musique en live on avait besoin d’un zicos de plus. Là en répétition, ça marche très bien, mais si un jour on se rend compte qu’on a besoin de plus, il y aura plus. En plus Thibaut est un très bon ami à nous. Il venait même jouer sur scène avec nous avant sur des rappels (NDLR- Thibaut venait chanter ‘’July’’, un morceau de Slo Burn repris par Wheelfall). Il était dispo et c’est un très bon instrumentiste. Il était hyper motivé donc ça s’est fait tout seul. On entend un peu de tes projets parallèles dans ce nouvel album. Des riffs blacks qui rappellent Phazm et des ambiances qui rappellent ton projet solo, FWF... Il y a aussi pas mal de Chaos Echoes. Pendant ma remise en question, le premier album de Chaos Echoes a

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INTERVIEW TEXTE

quand même joué un grand rôle, parce qu’en l’écoutant j’avais l’impression de retrouver des choses très intellectualisées mais qui passent très simplement. Ça m’a permis d’intégrer tout ce que je voulais dans un format de musique ‘’populaire’’ pour parler grossièrement. C’est d’ailleurs après avoir écouté cet album que je les ai rejoints ! FWF a été créé durant cette même période, ça m’a beaucoup aidé. Et pour Phazm, j’ai aussi intégré le groupe au même moment donc j’ai été exposé à pas mal de nouveaux horizons en même temps. En fait, j’ai composé l’intégralité de Glasrew point pour faire simple. Les autres ont eu un grand rôle pour tout ce qui touche aux arrangements et aux idées. Par exemple, Niko (NDLR : le batteur) m’avait signalé qu’il aimerait avoir quelque moments de lumière dans un ensemble qu’il trouvait quand même vachement lugubre et impénétrable, sans respirations. C’est pour ça qu’il y a «Pilgrimage» à la fin du premier disque, par exemple. Et finalement il s’intègre très bien entre «The drift» et «Shelter». Une super triplette d’après moi ! [rires] Comment ça va se passer en live ? On aura la version intégrale de l’album ? Et est-ce que vous allez intégrer d’anciens morceaux du registre stoner à la setlist ? Déjà, on ne jouera pas l’album en entier. Pas dans l’immédiat du moins. Il nous faudrait vraiment plus de zicos pour pouvoir tout interpréter sur scène. Il y a des morceaux avec plein de claviers, 8/9 guitares. ce n’est pas possible sur scène pour le moment. Donc on centre sur certains morceaux, et déjà en faisant ça, rien qu’avec les nouveaux morceaux, on a une très grosse setlist. On jouera forcément d’anciens morceaux, mais pas beaucoup et probablement en rappel. A terme, on aimerait bien les réarranger, les remettre au goût du jour. Mais pour le moment je ne pense pas qu’on puisse se permettre de faire des setlists d’1H30, pour ça il faut attendre que l’album ait fait un peu plus de chemin je pense. Il faut rester modeste et creuser le sillon. Des dates justement ? Il y a la release party au Hublot à Nancy le 18 septembre, avec Joy Disaster et Dog n’ Style. Un moment familial étant donné que notre batteur joue pour Joy Disaster et a aussi joué dans Dog n’ Style ! Normalement on a une deuxième date à Nancy en octobre, on sera avec Thot, un groupe belge que j’aime beaucoup, ça devrait être à la Machine à Vapeur je crois... c’est à confirmer... [rires]. Après les deux là, on ne reverra pas Nancy avant un moment. Je n’aime pas voir le même groupe tout les mois au même endroit, ça me gave rapidement et je finis par perdre l’intérêt pour ces

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groupes-là, et je n’ai pas envie qu’on tombe là dedans. Et en dehors de Nancy ? Oui ! En fait, on est en train de préparer une tournée de deux semaines qui se déroulera d’ici fin octobre. Pour l’instant, il n’y a que quelques dates de confirmées, Le Mans avec Presumption, un groupe Doom du coin, Rennes, avec Fange, des bons potes à nous, avec un mec d’Huata dedans, puis Lille, Paris... et on cherche dans l’Est en Suisse, en Allemagne, Belgique, pour la deuxième semaine, avec Haut&Court, un groupe de grind strasbourgeois. Ça va être rigolo [rires] A toi le mot de la fin ! Eh bien, merci beaucoup ! Merci Fabien, merci Wheelfall. Elie Crédit photo : DR


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EYO NLE BRASS BAND Empreinte du père (Irfan)

Soyons sincères. Sans les Ogres de Barback, peu d’entre nous auraient entendu parler de la fanfare Eyo’nlé Brass Band. Et quand bien même les initiés auraient eu vent de cette formation, il n’aurait pas été forcément évident de trouver des disques sur le marché français. Mais grâce à Irfan le Label (structure auto gérée par les Ogres), la fanfare béninoise va pouvoir inonder le marché, et je peux te dire que c’est une excellente nouvelle. Eyo’nlé Brass Band dans le W-Fenec mag peut semble saugrenu, voir complètement hors sujet. Oui, c’est vrai. Mais pas tant que ça, car notre but premier, c’est de parler de groupes qu’on aime. Punk, rock, métal, reggae. Tant que ça fonctionne, on en parle. Et la world music ne déroge pas à la règle. Alors autant poser les bases tout de suite, je n’ai que très très peu de références dans ce domaine. J’ai bien pu croiser ce genre de groupe dans des festivals, mais ça s’arrête là. Et je trouve personnellement très enrichissant de s’ouvrir à de nouveaux mondes musicaux. Je ne savais pas exactement comment appréhender la chronique d’Empreinte du père, album des huit musiciens du Bénin. Car oui, j’ai mes codes quand je dois disséquer un disque de rock. Sauf que là, je n’ai pas de

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repères. Alors, j’ai enfourné la galette dans ma platine, et je ne me suis pas posé de questions. J’ai juste écouté. Et savouré. Car oui, j’aime Eyo’nlé Brass Band. Je n’écouterai pas ce disque tous les jours, c’est certain, mais voilà le genre d’album qui détend et qui te fait explorer des univers méconnus pour des rockeurs comme je le suis. Eyo’nlé Brass Band, véritable fanfare mêlant musique traditionnelle africaine, jazz et blues, est divertissant et entraînant. Les percussions africaines se mélangent aux multiples cuivres pour un melting pot riche en couleurs et en diversité. Le chant est parfois en béninois (ça doit être ça la langue du Bénin, hein ?) et en français. Entre les compositions qui donnent frénétiquement l’envie de danser, le groupe rend hommage à Georges Brassens (« Le temps ne fait rien à l’affaire »), à Serge Gainsbourg (« Le poinçonneur des Lilas »), aux Ogres de Barback (« Ces tonnes de gens ») et même à Fela Kuti ( « Water no get enemy »). Finalement, tout ça est logique : le brassage musical de Eyo’nlé se veut festif et universel, et les seize titres composant cet Empreinte du père sont une ode au voyage et au mélange des genres dans la béninolexicomatisation de cet arc-en-ciel musical. Avec son artwork coloré mêlant simplicité et efficacité, Empreinte du père m’a fait faire le tour du monde en 70 minutes. Eyo’nlé Brass Band m’a fait découvrir son univers uposmique, riche et varié, et je ne suis maintenant pas étonné que Les Ogres de Barback aient craqué sur cette fanfare au point de tourner massivement sur toutes les routes de France et de lui proposer de sortir ce bel album. Une sincère et touchante aventure humaine, tout simplement. Gui de Champi


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REFUSED Freedom (Epitaph)

Groupe culte de chez culte, cité en référence par à peu près tout le monde, qu’on soit indé, hardcore ou punk, voire emo ou simplement rock saturé, Refused avait marqué de son empreinte la décennie 90, montrant aux ricains qu’on pouvait sortir de nulle part et imposer sa marque. En 2012, le groupe était remonté sur scène, après une dizaine d’années de décès clinique et de désespoir (c’était bien sympa The (International) Noise Conspiracy mais incomparable). Mais aussitôt reformé, aussitôt re-mort, mais quand Jon Brännström annonce s’être fait viré, on se dit que le combo existe toujours... Et il retourne en studio (avec Magnus Flagge leur bassiste d’origine) sous la houlette de Nick Launay (allez, pour le plaisir, une short list des groupes qu’il a produit : Girls Against Boys, Deckard, Killing Joke, Midnight Oil, Supergrass...), pas forcément habitué au HxC mais respecté pour la qualité et le tranchant du son qu’il capte. A noter que leur compatriote Shellback a produit deux titres (les meilleurs), ce qui a dû bien le changer de Britney Spears, Usher, Avril Lavigne ou Taylor Swift !

leur style a tellement été pillé que leurs attaques frontales, tant rythmiques que mélodiques, sont aujourd’hui la norme et il est difficilement envisageable d’avoir un opus aussi marquant en 2015. Il nous faut donc rester calme et prendre cet album comme celui d’un groupe qui avait envie de rejouer ensemble et d’envoyer quelques messages toujours d’actualité. On doute que les responsables de la «Françafrique» et du système post-colonial installé au Congo ne soient des fans de Refused et reviennent sur leurs erreurs mais le combo y va de ses idées et ouvrira peut-être certains esprits en mettant de la lumière sur des sujets peu médiatiques. Soyons honnête, ce n’est pas uniquement pour leur engagement politique qu’on apprécie Refused (même si cela n’enlève rien, bien au contraire), non, c’est surtout pour leur capacité à écrire des compos qui font «bing dans ta face» et de côté-là, pas de souci, dès l’inaugural «Elektra», on est rassuré, les gars ont gardé les recettes et le sens du rythme qui fracasse («Dawkins Christ», «Destroy the man» dont les bruitages de l’arrière plan semblent ressusciter Michael Jackson !!!) ou décontenancé car si c’est trop facile, c’est pas du jeu... («Old friends / New war», «Thought is blood», l’excellentissime «366»). Refused est donc bel et bien de retour, pas pour donner une nouvelle leçon mais pour se réapproprier le territoire incandescent d’une scène hardcore punk qui lui doit beaucoup et semblait naviguer à vue depuis plusieurs années. Faites donc gaffe à vos fesses, les bottes de Refused ne sont pas loin... Oli

Et il en fallait du tranchant parce que l’hibernation n’a pas ankylosé les Suédois, alors, fatalement, ce Freedom n’est pas au niveau de The shape of punk to come mais l’époque est différente, l’attente a été longue et

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TALIA

Thugs they look like angels (Send The Wood Music) puisqu’elle y va de quelques petits choeurs. Elle apporte un peu de douceur par sa voix, d’autres morceaux sont eux aussi plus doux même sans son renfort vocal, c’est le cas de «Self induced fever» cool et sympatoche ou «The flood» dont la tonalité est davantage grunge FM (on pense aux mauvais côtés de Nickelback... parce que oui, ils en ont eu de bons mais ça, c’était avant). Dans l’ensemble, Thugs they look like angels n’est peutêtre pas aussi marquant que son prédécesseur mais il faut dire qu’on a pu s’habituer au ton de Talia et que l’effet de surprise joue un peu moins, il n’en reste pas moins un album agréable à écouter et qui démontre qu’on peut faire du rock ailleurs que dans les bars le samedi soir... Oli Depuis Permanent midlife crisis, Talia a surtout joué dans la capitale, ouvrant aussi bien pour Lonely the Brave que pour Reverend Horton Heat pendant que son clip de «Every minute every hour» enchaînait les vues sur Youtube (50.000, ce n’est pas rien !!!). Le trio ne s’est pas reposé sur ses lauriers et a composé puis enregistré une dizaine de nouveaux titres qui sortent via Send the wood music à la mi-octobre. Le joli dessin de la pochette donne moins dans la crise de la quarantaine, l’ado attardé ou le rocker sur le retour, place cette fois-ci au monde de l’enfance avec le manège et l’insouciance d’un petit bisou échangé entre deux petits anges. Pour autant, on navigue toujours dans les mêmes eaux pour la musique : du rock un peu crade et bien envoyé. Si l’album est très homogène, quelques titres se dégagent comme ce «American bride» qui pose de très bonnes bases, parce qu’avoir un très bon premier morceau est un truc très important, tout comme en avoir un bon dernier («Bounty killers» remplit parfaitement son rôle). «It’s been oh so long» avec son intro explosive est plus rock, plus rugueux, plus accrocheur avec ce petit côté Therapy? dans le chant qui ne me déplaît pas du tout... Tout comme ce «Play dead» où Alice se met en valeur, et pas uniquement avec son jeu de basse

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> DOUR 2015 Dour, mon amour. Le slogan est connu des habitués, mais son sens prend toujours plus de poids au fil des années. 2015 est celle des records, c’est à peine croyable lorsque les chiffres apparaissent devant nos yeux : 5 jours, 270 artistes, 8 scènes pour une fréquentation exceptionnelle de 228 000 festivaliers en cette 27ème édition. Une édition pas dégueulasse du tout dont le duo magique Cactus/Ted vous en relate toutes ses festivités.

Jour 1 - MERCREDI 15 JUILLET Le premier jour, soit mercredi et non jeudi comme à l’accoutumée, c’est déjà 35 000 campeurs qui ont plantés leurs tentes. Quelque part, on s’en doutait au vu de l’attente interminable dans les bouchons avant d’arriver à l’entrée de la plaine de la machine à feu. La motivation est au maximum, et il y en faut car nous ne sommes pas au bout de nos peines : on se confronte quelques heures plus tard à une longue et lente queue devant l’accès du festival, puis, une fois rentrés avec nos pass, on fait face à un camping quasi complet, obligé de trainer nos fesses (et nos bagages) au bout du camping D. Résultat des comptes, nous arrivons à 23h sur le site du festival alors que débute le show du londonien masqué SBTRKT. N’ayant pas compris l’engouement autour de cet artiste électronique depuis quelques années, on reste toujours incrédule face à ce show aux ambiances lumineuses agréables mais qui ne décollera jamais. La faute à des vocalises qui desservent le propos instrumental déjà pas très excitant au départ, comme ce chanteur rappelant par moment Youssou N’Dour... Bon, OK, celle-là, elle était facile. S’en suit le truc qui va nous motiver à repartir fissa à notre campement : 2 Many

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DJ’s. Les deux frangins Dewaele, membre de Soulwax, présentent un DJ set rythmé de mash-ups plus ou moins «grand public» mais pas assez subtil pour nous emporter. Même lorsque retentit «Girls» des Beastie Boys, cela ne permet pas de remonter le niveau d’un set qui peinera à convaincre. Même l’accueil du public semble tiède. Décidément, on en est certain, les deux quadras auraient pu largement se faire détrôner par la mère de Cactus aux platines. Et on ne vous permet pas de douter des goûts musicaux de la mère de Cactus. Jour 2 - JEUDI 16 JUILLET Première «vraie» journée de cette édition. On se lève au son des «Bon Dour !», accent asiatique oblige, de nos voisins de campement. On retrouvera cette pauvre blague tout au long de notre séjour en Belgique, sans parler du fameux «Dourrreeeeuh !», marque emblématique du festival qui l’utilisera d’ailleurs pour sa com’ (panneaux, teeshs...). Notez quand même que ce cri de ralliement sempiternellement exhibé à toutes les sauces deviendra assez vite rébarbatif à la longue, surtout pendant cinq jours. On débute la journée en passant devant Soviet Suprem,


Histoire de se rincer les oreilles de tous ces riffs endiablés, nous partons voir l’instant funk-soul habituel de Dour. Après Charles Bradley il y a quelques années, c’est au tour d’un autre descendant musical de James Brown de prendre le relais avec Lee Fields & The Expressions. Sensualité cuivrée et énergie avec sueur incluse étaient donc prévues au programme en cette journée ensoleillée. Un show propre et respectable qui s’avère être un must pour serrer de la gueuse à Dour, quoique bien trop court. Retour à la Cannibal Stage pour ce qui reste l’un des meilleurs moments de la journée, à savoir le concert du trio A Place To Bury Strangers, venu défendre son dernier album Transfixiation. Son rock post-punk-shoegaze

saturé, sombre et puissant est un bouillon sonore sensationnel qui frise le mur du son et percute le thorax. En terme d’impact sonore, c’est un peu notre Neurosis de 2011 en quelque sorte, même si le style est totalement différent. Et quand le groupe finit son set dans le public, tu te dis que c’est quand même la grosse classe.

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le nouveau groupe d’ R.Wan de Java et de Toma de La Caravane Passe, confirmant notre impression sur ce rap balkanique comique, à savoir que ça ne nous touche pas du tout. La scène chanson franco-française n’est pas souvent du pain béni, ça se saurait. A éviter donc, sauf si on se perd sur le site ou qu’il n’y a rien à côté. Sauf qu’à Dour, il y a toujours plein de choses à voir. Trop de choses à voir. Et cela nous amène aux fameux dilemmes, aux choix parfois cornéliens à faire. On a décidé volontairement cette année de ne pas courir comme des fous de scène en scène mais plutôt d’apprécier du mieux qu’on pouvait chaque univers que proposaient les artistes. En ce sens, nous avons pas mal squatté la Cannibal Stage (la scène relevée en décibels rock voire electro) en ce jeudi pour découvrir Krokodil, du hardcore velu comptant dans ses membres des gars de Gallows, Sikth, Cry For Silence, Hexes. Un univers qu’on connaît bien, pas surprenant mais plaisant et énergique pour débuter la journée. Que dire d’Orange Goblin si ce n’est qu’ils ont déroulé leur stoner rustre avec une certaine maîtrise. Jouissif. Mais pas trop longtemps. Dans le même pedigree, Blue Pills nous a agréablement plongé dans un rock bluesy 70’s avec une rage vocale émanant de Miss Elin Larsson, annoncée par certains comme la nouvelle Janis Joplin. Ils n’en étaient pas loin ! Juste avant cela, on est allé découvrir l’univers psych-funk d’Unknown Mortal Orchestra. Nos oreilles répondent positivement aux couleurs et aux mélodies proposées par le groupe. Une appréciation qui est toutefois à confirmer hors du rush qui fait face à nous à ce moment précis de la journée.

Changement de décor sous la Petite Maison Dans La Prairie avec le syrien Omar Souleyman, adepte d’une techno orientale tellement kitch et monotone qu’on en devient assez vite amusé (ou pas, c’est selon). Cette prestation reste hallucinante tant ce style musicale est en marge avec le reste de la programmation. C’est ce qu’on appelle les joies de Dour ! Malheureusement, le tant attendu Squarepusher ne nous a pas beaucoup vus, un petit quart d’heure tout au plus. Car entre les passages en presse, les obligations diverses et les fameux dilemmes, il est assez difficile de tout voir. Surtout quand passe un MC-Hero quasiment en même temps et qu’on ne veut vraiment pas le louper du tout, genre «premier rang». Le britannique touche à tout nous laisse donc un souvenir périssable avec du bon et du moins bon. A revoir. A revoir aussi la prestation du fameux MC-Hero qu’est le mythique KRS-One. Une tuerie ! Il est difficile de rendre

un hommage correcte à cet acteur majeur de la scène «rap conscient» tant sa prestation a été généreuse, ponctuée de quelques moments forts et de l’approbation ‘finger in ze nose’ du public qui montera sur scène à la fin du show. Avec œuf corse un «Sound of the police» d’anthologie. La Boombox is «on fire». Un des grands moments de Dour 2015. Cette deuxième journée a été «dour dour» et nous laisse un peu KO, la chaleur et la marche y sont pour beaucoup.

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Nous vaguons et flânons sur quelques scènes avant de partir nous reposer car le vendredi s’annonce géantissime, avec quelques trucs immanquables.

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On a loupé : Igorrr, Solstafir, Kvelertak, Electric Wizard, Modeselektor, Mark Ronson. Jour 3 - VENDREDI 17 JUILLET Ce jour débute par un passage hasardeux devant la tente de la Petite Maison Dans La Prairie, attirés par la prestation tout en finesse du trio electro bruxellois Vuurwerk. C’est onirique, parfait pour un réveil en douceur surtout que la suite du programme fait place à des phénomènes électriques. Les Liégeois de IT IT Anita, malgré un second guitariste diminué, vont délivrer un set noise-rock inspiré et vivant. On savait que le groupe était très bon sur disque, c’est aussi le cas en live et les présents au Labo ne le regretteront pas. Une confirmation pour ceux les connaissant

pagné de musiciens délivrera un excellent show. Si les disques se révèlent souvent purement «strictly hiphop, voir un peu plus...», en live, c’est tout l’éclectisme de celui qui dit ne plus écouter de rap depuis quelquesannées qui émerge. Les érudits de la plume numérique utiliseraient l’expression «syncrétisme de bon aloi» pour ces morceaux subtilement et intelligemment réarrangés pour l’occasion. Moment fort : La Boombox qui scande «Baiser ! baiser ! baiser ! Ouh ! Ouh !». C’est toujours un plaisir non dissimulé de retrouver nos Lofofora sur scène. Les Parisiens nous ont offert sur un plateau un show comme il ont l’habitude de nous en concocter : une énergie contagieuse pleine de sincérité avec la grande gueule de Reuno en sus, qui n’hésite pas à lancer quelques blagues au public quand bon lui semble. On les a retrouvés par la suite en presse pour une interview collective pleine de décontraction et de rigolade. Lofo, quoi ! Même si nous n’avons pas pu nous délecter de tout leur show, problème de planning oblige, Deerhoof garde un standing de haute qualité sur les planches. Son batteur, Greg Saunier, est toujours un atout considérable pour faire pulser cette machine expé-noiserock et la voix de Satumi embellit à merveille ce package faussement pop abasourdissant de sa douceur et de sa cocasserie.

déjà, probablement une excellente découverte pour les autres. Vos deux serviteurs étant très fan du rappeur versaillais Fuzati, inutile de dire que nous étions impatient d’assister à ce show anniversaire de l’album le plus marquant du Klub Des Loosers, Vive la vie. Et le flowman accom-

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Moment drôle de la journée : alors qu’on pensait avoir l’excellente Chelsea Wolfe face à nous sous la Jupiler Dance Hall, on se rend compte en partant qu’il s’agit en fait de Zola Jesus ! L’américaine nous lâche une prestation relativement mollassonne, une electro-pop mélodique mais lassante malgré la jolie voix qui l’habille. Le charisme n’est pas présent et la nana peine à convaincre. Dommage. Que dire du live de Tony Allen Review, exclu mondiale, si ce n’est que la musique n’était pas bien mar-


Sunn O))) était l’une de nos attentes, une expérience cosmique à ne pas rater selon certains. Ce fut un fiasco, un gros foutage de gueule. En une demi-heure (on a réussi à tenir jusque-là...), il s’est produit grosso merdo la résonance d’une seule et même note fragile et plaintive par sa lancinante basse. Une mélasse sonore dont on ressort plein de questionnements, est-ce que le drone c’est mieux en live ou sur disque ? Est-ce qu’il faut prendre un stupéfiant pour faire passer la pilule ? Cela nous conforte à l’idée d’aller oublier ça devant un truc tout aussi extrême pour nos oreilles : du rap game avec Kaaris. Quitte à le faire, hein, autant être jusqu’au-boutiste. Le mec au corps musculeux de Sevran n’en avait déjà pas assez de la canicule de la journée qu’il en remet une couche et brûle, par ses punchlines assassines, la Boombox qui porte bien son nom pour le coup. Conquis ? Pas surpris, en tout cas. On connaît IZI les codes de ce milieu mais ce qu’on savait moins, c’est que le rappeur a pas mal fans en Belgique. On est toujours un peu perplexe concernant un live de Fear Factory. Faut dire que la formation de cyber-métal a bien bougé, ce qui fait qu’on ne sait plus vraiment qui sera devant nous à chaque fois qu’ils jouent. On sait juste qu’ils vont sortir Genexus. C’est finalement deux titres qui sortiront du show («Photomech», «Soul hacker»), assez peu pour en avoir un aperçu. Burton a toujours un peu de mal à tenir la justesse de ses chants clairs.

Set list de festival type avec majoritairement des vieux morceaux pour faire plaisir à tous. De mémoire, cela devait bien faire 3-4 ans que les Landais de Gojira n’avaient pas fait de passage à Dour. Ils offriront un show comme d’habitude très habité, une set-list variée et puissante qui a ravi les nombreux présents. Après cette rasade de sons globalement agressifs, on profite de l’électro planant de Kid Francescoli pour se remettre de nos émotions. En plus, la blonde qui chante est très jolie, sa voix doucereuse et timide passe nickel sur l’instru. Non, franchement, ce couple marseillais nous a fait du bien. Contempler sereinement la mélodique drum & bass de DJ Fresh sur la Last Arena après une journée aussi chaude et éprouvante, c’est. chaud ! Dans tous les sens du terme. Son set part un peu dans tous les sens avec son MC, s’en est trop, nous nous éclipsons en pensant déjà à demain et en cochant quelques troubadours à ne pas louper.

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quante, plate et easy- l i sten i ng , malgré la présence d’Oxmo Puccino, rappeur qui était acclamé par la critique il y a quelques années. Ah oui, et le père Tony est pote avec un certain Damon Albarn (ils ont collaboré ensemble sur le tout aussi plat projet The Good, The Bad & The Queen...) qui est venu lui faire un coucou pour lui souhaiter bon anniversaire, le chanteur de Blur participant à deux titres pour l’occasion, certainement l’un des événements majeurs et le plus attendu du festival... On aurait aimé beaucoup plus mais ce cher Damon avait d’autres obligations le soir-même au Portugal. Mine de rien, c’est pratique un jet privé.

On a loupé : C2C, The Wombats, Joy Wellboy, Pendulum (DJ Set), Danny Brown, Cannibal Ox, CocoRosie, AntiFlag, The Black Dahlia Murder, Dope D.O.D, Nina Kraviz, Great Mountain Fire.

Jour 4 - SAMEDI 18 JUILLET C’est samedi, le début du week-end, les premiers signes de fatigue commencent sérieusement à se faire sentir dans tout le corps. Les festivaliers les plus téméraires sont devant la révélation hardcore Deez Nuts. Enfin, «révélation», pas tant que ça en fait. Les Australiens pratiquent ce qu’une partie de la scène NYHC faisant dans les 90’s, soit une musique métal-punk hargneuse teintée de hip-hop. Gros riffs et énergie sont au programme, les fans sont au taquet. Changement de décor avec un groupe qu’on avait déjà vu à Dour en 2013 : BRNS. Le quatuor belge reste irrésistible sur les planches quand il dévoile son accrocheuse formule sonore : une pop-rock alambiquée, aérienne et expérimentale. On retiendra ce magique «My head is into you» qui nous a fait le plein

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sensationnel. A ne pas rater s’ils passent près de chez vous. On est passé devant le vétéran Horace Andy en formule reggae. On le préfère dans ses collaborations, plus ambitieuses artistiquement, tel que l’évident Mezzanine de Massive Attack. Cependant, il n’a pas démérité du tout, Sleepy reste Sleepy. Et comme on dit dans les milieux autorisés : «Grâce à Sleepy, j’ai trouvé une totale liberté d’esprit vers un nouvel âge réminiscent». Acid Baby Jesus était noté en priorité sur notre liste, longtemps à l’avance. Et pour cause, à l’image de leurs quelques disques, les Grecs nous livrent un set totalement psyché et sombrement décomplexé. Forcément, on adore. Direction la Cannibal Stage : trois ans après leur première inoubliable venue, les Suicide Silence font une harangue à la foule, l’invite à se lâcher sous les décibels métal du combo. Ca reste carré mais d’un niveau en-dessous par rapport à la première fois, effet de surprise en moins. Même remarque plus tard pour Agnostic Front dans un autre registre. Notez que c’était d’ailleurs foncièrement le contraire pour Terror, toujours sur la même scène quelques instants après. On les avait déjà vus à maintes reprises dans le passé, mais sur ce show-là, les ricains ont été impériaux. Entre temps, Mars Red Sky proposait un stoner-rock psyché plaisant sous le Labo : la voix de Julien, très éthéré et atypique pour le genre, ajoute un supplément de sin-

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gularité à une formule qui a déjà fait ses preuves. Les titres s’enchaînent sans déplaisir et lassitude, ce qui n’est déjà pas si mal. Le groupe du guitariste des Libertines, Carl Barât And The Jackals a fait plutôt bonne impression avec son rock typique aux forts accents british. Les compositions, fleur bleue par-ci, frondeuses par-là, n’ont pas toujours très bonnes, mais on ne va non plus apprendre à un anglais à faire du rock. On se dirige sous le Labo pour apprécier la prestation de Laetitia Sheriff, et autant vous dire que c’est du tout bon. Quelle volupté dans son rock qui me rappelle à la fois celui de Shannon Wright et Serena Maneesh. Un très bon moment qui sera encore plus intense avec le Parisien Jessica93. La force tranquille, c’est seul au commande qu’il égrène d’ondes darkwave la populace venue le voir. La sauce a pris indéniablement, envoûtant davantage les premiers rangs. Son show impeccable et implacable nous laisse l’impression d’un type qui n’a plus rien à prouver en live à l’heure actuelle. «Vivement le prochain album !». Sur l’affiche, c’était la «star» du samedi. Lauryn Hill l’a joué : arrivée une bonne demi-heure de retard, relation froide avec le public de Dour après l’avoir confondu avec celui de Bruxelles, show qui met du temps à se mettre en place. C’en est trop ! Le festivalier de la plaine de la machine à feu n’a pas de temps à perdre avec ces conneries, on ratera visiblement «la meilleure partie» du show. Tant pis pour elle, Autechre joue en même temps,


On a loupé : Defeater, Hatebreed, Roni Size, The Drums, The Bloody Beetroots (DJ Set). Jour 5 - DIMANCHE 19 JUILLET C’est souvent avec tristesse que l’on aborde la dernière étape de notre séjour à Dour. Ce fut tellement intense que le dimanche rime avec indolence, tout en essayant quand même de profiter au maximum du temps qu’il nous reste et des festivités qui s’opèrent à l’intérieur. Pourtant le début fait mal aux oreilles. Nothing But Thieves fait fuir tant la voix aiguë et mielleuse de son chanteur est insupportable, et puis leur musique l’est tout autant. Mais pourquoi donc ces Anglais étaientils programmés ? Et sur la Cannibal Stage de surcroit ? On passe ensuite à la nouvelle scène du Labo pour voir Spagguetta Orghasmmond, un groupe parodique belge œuvrant dans le ridicule assumé : musique kitchissime à souhait genre Frédéric François/Franck Mickaël mais version Jupiler et moustache foisonnante, costumes en adéquation tout droit sorti des placards de mamie mais une mamie qui a pris ses habitudes vestimentaires dans les clips de Village People et certains films de John Travolta... Rigolo deux titres et on est passé à autre chose... Le niveau est vite rattrapé par la formation qui suit, à savoir Raketkanon qui développe un univers propre confectionné sur disque par Sir Albini. Belle publicité pour les Gantois qui méritent que leur math-noise-rock bidouillée de bout en bout soient largement diffusé à la populace. Retour sur terre

en passant devant le set de Tiken Jah Fakoly, présent sur la Last Arena avec ses nombreux musiciens. L’ivoirien est venu présenter son Dernier appel, un reggae pacificateur plein de conscience sociale et politique. Pas franchement fan depuis de nombreuses années, nous constatons simplement que Tiken a fait le job, comme d’habitude, devant un parterre de fans inconditionnels. Au final, ça passe toujours bien le reggae en festival en buvant un bon Jack.

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et ça c’est immanquable vu le peu de concert qu’ils font. Rob Brown et Sean Booth nous plongent dans un noir profond pour mieux nous immerger dans leur électro IDM expérimentale et déshumanisée. Un final parfait avant de penser à partir dans les bras de Morphée. Une réflexion assez fugace dès lors que la pluie commence à bien tomber sur Dour.

Ce qui a suivi est resté dans les bonnes mémoires de ce Dour 2015. GoGo Penguin ne se fait pas prier pour faire jaillir son arsenal jazzy avec une pointe électro pour le rendre, disons, un peu plus moderne. C’est très mélancolique, le soleil a du mal à sortir, pas de doute, on est vraiment dimanche. Et quoi de mieux que du post-punk pour se remettre de tout ça ? Eagulls fait forte impression avec son post-punk à la fois mélancolique et rageur. Le petit charisme du chanteur, ressemblant vaguement à un Macaulay Culkin version perfide Albion, y est pour beaucoup. La qualité de la musique entre bruine et lumière aussi hein... On avait entendu beaucoup de bien de Rejjie Snow (après enquête, aucun lien de parenté avec Jon Snow... désolé...), le petit prodige hip-hop made in Ireland. Et sa prestation ne fera pas mentir sa réputation à la limite de la hype : le bonhomme se démène comme un beau diable pour défendre sa version des faits. Le public de la Boombox est ravi, nous aussi. Encore une belle découverte électro avec Débruit. Le Français, roi de l’échantillonnage, nous fait voyager à travers ses trouvailles et son tricotage sonore, le tout savamment rythmée. Ça plaît au public qui semble avoir lui aussi trouver chaussure à son pied en ce dimanche après-midi qui file à une vitesse folle. Nous avions vu And So I Watch You From Afar au même endroit il y a deux ans. Cette fois-ci, le quatuor de Belfast compte un album de plus à son actif avec le récent Heirs. Pas de changements majeurs entre les deux shows, c’est toujours aussi

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puissant, dansant mais également hypnagogique entre deux balafres données par ses rythmiques math-rock. Après, faut aimer le style, c’est comme tout. Les têtes d’affiche ne sont souvent pas ce qu’il y a de plus intéressant à Dour et ce sera le cas avec Santigold, La prestation ridicule de la soirée. Musique sans intérêt et interprétation au même niveau. Les autorités douriennes invoqueront même un soupçon de playback pour seconder la pseudo-diva, c’est un comble . Et la chanteuse arbore un nœud papillon jaune tout aussi ridicule. A jeter. Snoop Dogg à Dour ? Ca peut paraître bizarre quand on sait que le rappeur préfère en général la proximité des petites salles et des aftershows. C’est d’ailleurs là qu’il excelle l’ayant vu par le passé. Devant 20 000 personnes présentes devant la scène de la Last Arena, le Doggfather a joué 40 minutes au lieu d’1h15. Mauvais point, d’autant plus qu’il quitte la scène au milieu d’un morceau. Et la prestation ? Le minimum syndical avec un son qui n’arrive pas vraiment jusqu’à nos oreilles. Pas une escroquerie, mais presque malgré quelques oldies et des reprises de classiques (dont le «I love rock n’ roll de Joan Jett façon playback, youhou...). Ouais, si, une escroquerie en fait. La fin de festival rêvée, on l’a eu : contempler Jon Hopkins derrière ses machines pour un voyage électro interstellaire avec un super travail vidéo dont le passage du clip de la magistrale «Open eye signal». Un show béton tout en maîtrise propice à l’introspection. Que demande le peuple ? On a loupé : Chinese Man, Al’Tarba, Infected Mushroom, Clap! Clap!.

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> CONCLUSION Dour c’est (pêle-mêle) : - Dourrreeeeuh ! (T’as beau l’oublier, ça revient assez vite en général) - de la bière - de la bière.. - de la bière... (changez de marque s’il vous plait !) - des pauses bières sur le parking parce que, c’est pas qu’on n’aime pas vos bières, mais bon... Si en fait, on ne les aime pas. Un comble au pays du houblon et des bières de dégustation - la galère pour retrouver ta bagnole sur le parking, même à deux - un marathon (à vérifier car j’ai pas pris mon podomètre) - un soin faciale 100% à la bière parce que la boue, ça rend la marche à pied avec un verre dans la main sacrément périlleuse. Soin visage à l’efficacité éprouvée par Ted. - du Jack (quand même, merde, on est à Dour) - des serveuses méga canons triées sur le volet (dédicace à celles du stand JD et celui de Jupi en presse) - des rencontres fortuites, intéressantes ou non - essayer parfois de communiquer avec des gens dans des langues incompréhensibles et indéfinies - des retrouvailles (un coucou spécial aux Lillois) - un gars de la sécu qui porte un t-shirt «quenelle épaulée» -> Antisémite ! - des Flamandes... - des Flamands qui font semblant de ne pas comprendre le français


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- de la chaleur (un peu partout) - donc plein de transpiration (un peu partout) - de la boue (ben oui, quand même, c’est normal après 4 jours de canicule) - des calemdours - «Tu cherches quelque chose ?» - «T’aurais pas une clope steup ?» - «T’aurais pas vu ma copine ? Elle est blonde aux yeux bleues.» - plein de courage pour aller aux toilettes (mais vraiment plein) - un transit intestinal capricieux - une passerelle d’accès qu’on aimerait ne plus jamais prendre - des sardines de tente qui ne se plantent pas - des huttes de sudation le matin (mais sans le rituel spirituel) - des vivres qui partent en couilles au bout de deux jours - du bricolage - des inventions stupéfiantes comme le lance-pierre géant mais avec des chaussures à la place - payer une douche 2 euros et attendre une heure - de la sauce aux frites - de l’eau du robinet qui t’oblige de manière foudroyante à retourner aux toilettes - des glissades inattendues, tu sais, juste après la fin des planches en sortant d’une tente... - ne pas trouver de cure-dent chez les «restaurateurs» - de l’herbe (du gazon quoi, pour se poser dessus) qui sent fort par moment - des siestes pas prévues du tout, mais pas du tout, du tout - des copains/copines qui ne viennent pas (qu’est-ce que vous foutez bordel !) - Dourman et l’homme des bois, les habitués qu’on croise à chaque fois - un dournoi de foot - «baiser, baiser, baiser, baaaaaaaiiiiiser !» - une attente pour arriver et une autre pour repartir, genre 3h. Cool ! - des auto-stoppeurs agressifs qui s’agrippent à ta caisse en sortant du festival. Ben ouais, faut bien rentrer bordel ! - surtout de la super musique et de belles découvertes à faire : ceci est un rappel pour ceux qui ne viennent pas pour ça

Merci à la Dour Team http://www.dourfestival.eu

Tu viens avec nous l’année prochaine ? Ted & David

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WARSAWWASRAW Sensitizer (Music fear Satan)

pour te procurer Sensitizer, «Hells angles» devrait parachever le boulot de séduction et te convaincre de la maîtrise du groupe quand il s’agit de doser subtilement un album qui pourrait assez vite être redondant. Bref, si t’es en manque de sensation forte, Sensitizer remplira parfaitement son office. WARSAWWASRAW a beau avoir perdu quelques membres dans son histo rique, cela ne l’empêche pas de sonner aussi heavy qu’une armée de 1000 musiciens avides de musique carnassière. David

Derrière ce violent palindrome WARSAWWASRAW se cache un duo parisien (guitare/batterie) tout aussi violent. Sans écouter le disque, la parution de l’album sur Three One G (Zeus !, Rextox...), le label de Justin Pearson de The Locust indique déjà la correction punkhardcore-noise qui va pointer. Et le nombre de titres ainsi que la durée moyenne des pistes en question, entre 30 secondes et deux minutes, semble afficher un disque cinglant de chez cinglant. Et ce sera foutrement cinglant. Le premier titre, «Nipplesin», fait l’effet d’un véritable coup de poing dans la tronche : dynamique d’enfer, le propos est pas très loin d’un Nostromo qui aurait bouffé du lion. Oui, c’est possible. Les pistes s’enchaînent, se ressemblent en mode monomaniaque «exutwar», sans pour autant lasser. Grâce à des pistes où le groupe s’éloigne de cette ligne éditoriale de la terre brûlée. Enfin pas trop quand même, faut pas déconner. «Hells angles» fait figure de sommet avec ses 8 minutes qui emmènent le groupe sur le terrain d’un Cortez : il commence comme du WARSAWWASRAW pur-jus puis le tempo subit un sévère coup de frein, le duo se fait épique et tremblement post-harcdore, le riff ralentit et un chant clair arraché apparaît... S’il fallait un argument massue

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T.A.N.K des instruments qui se complètent parfaitement, des chants maîtrisés dans chaque registre, vraiment, c’est du sacrément bon boulot à tous les niveaux. Et pour un tel résultat, il y a forcément derrière un énorme travail préparatoire pour que chaque plan, chaque frappe, chaque note soit à sa place. Bravo donc au combo pour avoir réussi à ciseler un tel album. Un boulot d’autant plus complexe que Björn « Speed » Strid de Soilwork (dont ils sont fans) à répondu favorablement à leur invitation, il a donc fallu penser «Blood relation» avec un membre de plus, et pas des moindres... C’est réussi tout comme l’apparition de Jessy Christ (chanteuse qu’on a pu entendre chez Herrschaft) sur «The edge of time». Des titres qu’on sort de la track-list à contre-coeur tant l’ensemble est cohérent et forme un tout à prendre forcément dans son intégralité. Malédiction ? On peut se poser la question... Parce que juste après avoir enregistré Spasms of upheaval (leur deuxième album qui, va savoir pourquoi, a évité la case W-Fenec) T.A.N.K se séparait de son guitariste Eddy et le remplaçait par Nils (de Lyr Drowning) et deux ans plus tard, juste après avoir enregistré Symbiosis, T.A.N.K annonçait le départ de son guitariste de toujours Symheris (remplacé depuis par Charly). Certes, le groupe sait désormais réagir et assurer des concerts sans tous les acteurs de la composition mais on peut connaître situations plus simples pour sortir et promouvoir un album. Surtout que si celui-ci est aussi bon, c’est en bonne partie grâce aux guitares... Au passage, note combien je reste circonspect au vu du nombre de zicos qui quittent leur groupe juste après l’enregistrement, comme si ils ne savaient pas avant que ça ne marcherait plus (mais que peut-être il y a un peu d’oseille à se faire ?), ce n’est pas forcément le cas présent mais je tenais à partager ce sentiment désagréable. Là, on a du mal à penser que la symbiose n’était pas totale car le groupe apparaît encore uni et capable d’envoyer dans tous les sens, du plus clair au plus obscur, du plus rapide au plus lourd, du plus saturé au plus tranchant, avec des samples, des parties épurées,

Bravo également à David Potvin (guitariste de OneWay Mirror) qui réalise une grosse production (avec quelques parties enregistrées par Symheris) mais aussi un mixage et un mastering de grande qualité (et en plus il fait des choeurs !), le tout chez Lyzanxia (au Dome studio donc), studio bien connu d’Abysse, Beyond The Styx, Holding Sand) où Think of A New Kind a désormais ses habitudes. Bravo aussi à Rusalkadesign qui réalise un très bel artwork dans le style de ceux du Strychneen studio (Stomb, Hacride, Noein, Trepalium, Straight on Target...) même si l’image choisit pour être sur la couverture de l’album n’est pas, à mon goût, la plus réussie de la série. Avec cette nouvelle oeuvre métallique résolument moderne, T.A.N.K enfonce le clou encore plus profondément, on leur souhaite juste de pouvoir maintenir un tel niveau de créativité et d’exigence artistique pour continuer leur aventure perpétuellement relancée... à moins de briser la malédiction ? Oli

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ACOD

II the Maelstrom (Autoproduction) plus sombres (avec des parties growlées du plus bel effet) comme les plus aériens (grâce à quelques petites mélodies bien senties). Pour varier les ambiances, ACOD est allé chercher du côté de quelques instrumentations au moment d’arranger ses titres, comme ce violon sur «Cold», ou a demandé à leur producteur de participer à «Unleash the fools», il se trouve que l’homme derrière les manettes est Shawter (Dagoba), c’était donc assez «facile» de l’intégrer dans ce titre. Ce n’était peut-être pas la même mayonnaise pour Bjorn Strid (Soilwork) qui apporte un peu plus de relief à «Ghost memories» avec des chants alors très tranchés qui se répondent sur une rythmique lourde et un peu simpliste en apparences. Le résultat risque de ne pas plaire à tout le monde tant ce morceau dévie un peu de la ligne tracée le reste du temps par ACOD. Avec son entrée en matière gojiresque, ACOD se rappelle à notre bon (et frais) souvenir puisque peu de temps nous sépare de l’EP qui avait titillé nos oreilles voilà quelques mois (Another path...). Si tu ne te l’étais pas procuré, rien de grave puisque l’intégralité de ses titres se retrouvent ici, l’ordre n’est pas le même mais leur intégration avec les autres morceaux est bien réussie, l’excellente qualité des 5 titres s’étend et s’entend sur les 13 d’II the Maelstrom. J’ai déjà pas mal de bien d’Another path..., tu peux aller relire l’article et il va falloir ajouter quelques bonnes choses encore. Déjà, côté artwork, le groupe a progressé, le choix est moins malheureux même si on est encore très loin de la qualité des pochettes du moment (surtout dans le death et le métal qui tabasse où certains rivalisent de classe). Comme quoi, avoir un artiste de renom (Vasco a bossé pour Keep of Kalessin, Slayer, Dark Funeral, Dimmu Borgir...) ne fait pas tout, m’enfin, chacun ses goûts. Côté musique, et encore une fois, c’est ce qui prime largement sur tout le reste, faut vraiment être du côté des éternels grincheux pour trouver à redire sur cet album qui allie puissance et efficacité, savamment dosé pour être aussi homogène que diversifié. Le groupe en lui-même est capable de jouer dans les registres les

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Amateur de death ouvert, il est temps de plonger dans le Maelstrom des Marseillais qui sont aujourd’hui au meilleur de leur forme. C’était attendu mais ce troisième album d’ACOD est bel et bien l’une des sensations métal de l’année. A savourer. Oli


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AND SO I WATCH YOU FROM AFAR Heirs (Sargent House / Differ-Ant)

mélodiquement la composition. Mais le groupe doit également se prémunir d’un excès d’orgueil sur ce point là, car au fil de la lecture du disque, les vocalises à base de «oh oh, oh oh oh, oh oh» peuvent vite devenir un cauchemar pour l’auditeur. Ce n’est évidemment pas le cas de tous les morceaux, même si on ressent cette facilité à toujours vouloir meubler de voix des parties de pistes qui n’en ont pas toujours besoin. Je pense par exemple à «Animal ghosts», qui en plus de cela intègre des bouts de trompettes qui n’apportent vraiment pas grand chose au morceau.

Petite polyphonie introductive, le tempo féroce se lance, les guitares s’entrelacent, les chœurs suivent, silence... La machine And So I Watch You From Afar est lancée avec «Run home», morceau introductif, autant énergique que planant. Ce titre sous tension marque l’empreinte d’un groupe déjà bien installé confortablement sur le territoire des musiques rock qui se veulent alambiquées, tout en dévoilant ses côtés chaleureux et un brin fédérateurs. Heirs, soit les héritiers en VF, est la dernière salve sonore des gars de Belfast. Un cocktail détonant de math-rock et de post-rock (pour faire court), une formule modulable faussement pop au sein de laquelle le groupe a déjà fait ses preuves, notamment avec All hail bright futures, dont la filiation pour le coup est plus que stupéfiante.

La volonté d’And So I Watch You From Afar de rendre ce Heirs le plus éclatant possible n’est pas un mal en soit. On aime son brin de folie totalement domptée, ses moments de quiétude tutoyant les cieux et sa «coolitude» assumée, mais certains morceaux un peu longs, dont «Heirs», fonctionnent beaucoup plus sur scène que sur disque. «Tryer, you», titre qui suit et sonne le glas d’une manière tendant vers quelque chose d’épique et censé être le bouquet final éblouissant comme dans un feu d’artifice, n’apporte déjà plus grand chose à ce stade de l’écoute car le cadeau est déjà ouvert depuis plusieurs dizaines de minutes. Peut-être aurait-il fallu revoir l’ordre d’apparition des chansons ? Dommage, mais cela n’enlève en rien la qualité relativement excellente de ce quatrième album. Ted

Les Nord-Irlandais sont toujours habiles quand il s’agit de rendre leur musique facile à l’écoute sans que leur maîtrise technique en devienne indigeste et prenne le pas sur le reste (un problème récurrent de pas mal de formations de nos jours). Bien au contraire, elle est même de plus en plus atténuée par un élément important dans l’évolution du quatuor : la présence du chant. «These secret kings I know» en est un bel exemple, tout en chœurs contrôlés, ce titre en sort bonifié car il sert

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XTREME FEST 2015 Décibel, canicule & explosion de nuques

Certains migrent en juillettiste vers le sud pour se dorer la cacahuète comme un beignet des plages saturé de graisse, alors que d’autres vont se fracturer au plus géant et extrême festival de tout le grand sud : l’Xtreme Fest.

L’année d’avant le festival avait profané les terres épiscopales d’Albi, pour sa troisième édition il revient comme lors de sa première dans l’enceinte du site de Cap Découverte, ancien bassin minier devenu base de loisir avec plage et lac, skate park, et encore plus encore... Pour ce jeune festival à l’ambiance zouké et à la convivialité sudiste, il dispose d’une salle de concert climatisée en plus d’une scène extérieure, l’ensemble étant à taille humaine pour une union oldschool entre les groupes et un public de furies et de furieux venus se récurer les cages à miel, et se tuméfier les genoux avec Death, HxC et Punk. JOUR 1 - Wake the dead Le festival est à trois quart d’heures de chez moi, elle est pas belle la life quand même hein ? Ok vous êtes prêt ? Extra-balle d’entrée car c’est le trio Sticky Boys qui a fait le baptême du feu sur la scène extérieure de la EMP Stage. J’ai déjà vu ce groupe à plusieurs reprises, le seul changement pour moi réside dans le fait qu’il a dû jouer face au soleil. Les gars luisaient en deux minutes tellement ils suaient, mais ils ont labouré le pit avec ce bon vieux hard rock des familles qui fait remuer le corps, même quand celui-ci ne ventile plus assez. Le

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groupe a dégagé un show millimétré comme lors de son passage au Hellfest de cette année. C’est garanti en testostérone et autres riffs piqués à AC/DC, avec la vitalité et les riffs d’Airbourne. Oui c’est vrai si ce n’est pas original à cause du duplicata entendu avec les groupes précités, mais ça le fait direct. Car franchement cela fait un bien fou dans un festival où tu sais qu’il va te tonner du death et du punk HxC sans discontinue. Envers de décor à la X Stage, la grande salle intérieure, avec le groupe Cobra. Ce groupe a inventé le hard rock alternatif sous le courant subversif et corrosif du mensuel Hara Kiri (ancêtre de Charlie Hebdo). Dans le milieu underground du rock moderne, la hype a fait sortir le venin de Cobra par une éjaculation malicieuse de folie urbaine. De la sorte que l’esbroufe côtoie la provocation sans encombre. Originaires des Alpes Maritimes, lieu de villégiature people par excellence et de fonds de pension pour retraités confits, ces punks rappeurs apparaissent à contresens en tant que géniaux affabulateurs ou peut-être même en prétentieux connards opportunistes. Nul ne le sait, et il ne vaut mieux peut-être pas le savoir pour ne pas en briser la magie noire. Pourtant, au firmament des joies providentielles que la


Les suivants m’ont retourné une fois encore, et ce pour la seconde fois d’affilée et en un mois d’intervalle. Birds In Row est capable avec son rock bruitiste d’une dramatisation de certains éléments profonds, provoquant la caresse d’un coup avec le choc de leur noisy abrasive/ post-hardcore. Jouant à l’extérieur et plein sud/sun, le jeune trio s’est défoncé à rendre avec alternance une maturité musicale explosive, brûlante, ainsi qu’une part d’ombre mystérieuse à leur excellent set. Je vous conseille leur dernier album You, me and the violence tout aussi révélateur. C’est donc avec la moiteur des corps baignant dans leur jus de sueur, que l’on est rentré dans la salle climatisée pour se tempérer, sauf que dans les arènes du défoulement nous y attendait Black Bomb A. Par conséquent le combo a électrocuté le public par des appels à l’émeute, oui carrément. Et ceci jusqu’au sacrifice de sa santé physique et mentale. Leur métalcore a fourni de quoi enhardir les hardcoreux jamais à bout de souffle, même après une prestation agressive, qu’à la fin de cette joyeuse lutte avec Black Bomb A, les jeunes trépignaient encore d’impatience de se refoutre des mornifles en bombant leur torse herculéen pour certains, et encore trop chétif pour résister à l’étau des autres. Mais qu’importe, dehors sur la EMP Stage, Strung Out a fait au punk mélodique ce que Strung Out exécute en haranguant la foule en répétition, et avec un chant faux s’il vous plaît. Le groupe a fait de son mieux pour réveiller la génération mercurochrome, mais leur punk à roulette n’a pas bous-

culé les souvenirs. Ce style étant jugé trop adolescent pour les métalleux très certainement. Ce qui ne fut pas le cas pour les prêcheurs sanguinaires de Carniflex qui avaient posé leur hameçon respectif sur la X Stage, et surtout sur la première préoccupation des pêcheurs de l’extrême : la peur d’affronter un groupe de cet acabit. Car ce groupe de death moderne, à la technicité abrutissante, a vilipendé sa musique à un croc de boucher, avec l’apport de vociférations inhumaines, et un tourbillon de notes deathaliques terriblement efficaces sur des rythmiques froides. Les gars n’ont pas fait semblant pour abattre un set monolithique et exténuant.

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navigation de plaisance apporte aux jeunes loup de la finance pendant le jeter de l’ancre dans une crique du sud-est, avec la tentation de forniquer avec des eurasiennes mineures, Cobra en prolonge la frustration par des lyrics outranciers, avec un heavy punk caustique comme bande-son. Car aussi saugrenu que cela puisse paraître, il y a des mélodies chez ce groupe, et il ne faut pas s’arrêter comme un con devant son incitation au chaos, à la crudité de la misère sociale sous l’égide d’une rhétorique réactionnaire. Avec l’attitude hardcore d’un Stupeflip crew sous le fer heavy de Trust, le groupe a posé son happening de NTM sous coke, en tapant du pied avec les rangers des Béruriers Noirs. Ça fonctionnait parce que le groupe a joué le jeu à fond, avec son jeu de dupe, son jeu de pute, sans jamais usurper la société du spectacle. Comme toujours, plus c’est gros, plus ça passe, et ce groupe est aussi énorme qu’un Congolais dans une Tonkinoise. Cobra a du venin, son set fut donc mortel, un très bon show !

Je ne sais pas si vous le savez mais la calvitie du quadragénaire se repère moins bien dans un pit dévolu aux groupes de HxC. Là-bas, la coupe militaire y est légion et n’est pas étrangère à la confrontation d’une danse belliqueuse. C’est devant un bataillon de cranes courts que Comeback Kid est revenu mettre sa surdose de HxC mélo, et a soumis même les chevelus à sa démence sonique. Avec la main sur le cœur et le poing levé, le groupe a rasséréné, offrant pour sa seconde venu à l’Xtreme Fest un concert maousse costaud. Aussi puissant que la dimension de sa renommée en sculpte l’effervescence. Tu peux les voir 200 fois, c’est ce genre de combo à la Sick Of It All qui te met à la régulière une claque monumentale à chaque fois. Les quadriceps et les dorsaux ayant bien travaillé, nous étions repus, baignant dans la béatitude d’après l’effort. Je me suis confortablement assis dans les hauteurs de la grande salle, et oui c’est magnifique il y a des fauteuils comme au cinoche. Alors que de faux amplis tapissaient le fond de scène, présageant le fait que l’on allait avoir un volume sonore aussi importante que la tête dans un pot échappement d’un avion A380, la foule en frissonnait d’excitation, pendant que je ricanais bêtement à l’avance du set de Black Label Society. L’entrée de scène fut aussi pathétique que l’ascension du Tourmalet par un cadre supérieur en trottinette. Le leader de la bande, le sieur Zakk Wylde s’est pointé avec la barbe de Dusty Hill (MDR si j’avais écris Frank Beard quand même nan ?). Bon dès le début sa guitare pointait mais à côté du cochonnet, là c’est con ! N’empêche pas que le salaud n’arrêtait pas de se masturber avec, c’était dégoûtant en plus qu’insupportable. Du si bécare en passant par les gammes ioniens, l’infatigable Wylde fut exténuant de supposer que son solo interminable

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était le nec plus ultra de la musique, surtout dans un festival de punk/HxC/métAl. Le problème de son hard rock-grungy-indus c’est qu’il a mis de côté le côté punk pour épouser les attitudes princières des divas consensuelles des stades. Contre toute attente Zakk ne nous a malheureusement pas sorti sa double guitare, on aurait au moins pu rire. Finalement Black Label Society a produit un set grand public pour divertir les fans des émissions Pimp My Ride et Turbo, c’était donc chiant pour les fans de 30 millions d’amis. Le dernier set de la soirée fut interprété par les espagnols de Toundra. Je ne connaissais pas du tout ce groupe, donc en toute simplicité je me suis recueilli à

leur joli climat délétère, à cette mélancolie douceâtre pour une musique instrumentale agitant les sens, afin d’extrapoler vers une explosion de quiétude post stoner. Au point d’y être complètement réceptif, comme attiré et bercé par la même délicatesse nacrée des Allemands de Colour Haze, des spasmes évanescents des Ecossais de Mogwaï, et des consonances progressistes de Tool. Très agréablement surpris au point d’en être ému, la magie a opéré sur un public en quasi transe, où la reconnaissance n’était plus fictive mais réelle. Le groupe en ressentait l’admiration en détendant sa beauté claire obscure, dans le spectre envoûtant de sa musique céleste. Plaisir d’offrir joie de recevoir, Toundra a su mettre en évidence des qualités d’interprétation dans ses compositions instrumentales de la plus belle des façons. Le festivalier s’est donc retiré vers son couchage avec les yeux couvert d’une poussière de nuit d’étoiles, et la caresse musicale de Toundra comme élixir de rêver en toute aise.

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JOUR 2 - Ex tenebris lux Pour cette deuxième journée, il faisait toujours aussi chaud, et comme l’Xtreme Fest a réduit l’espace entre la scène et le public cette année, il y a juste une barrière de sécurité d’à peine un mètre de large, je vous laisse imaginer le côté oldschool et l’interaction évidente qu’il peut y avoir comme résonance entre les groupes et le public. Du coup en une demi-heure à peine, les basques d’Adrenalized ont toré leur punk rock mélodique en plantant les banderilles de Strike Anywhere, No Fun At All, Less Than Jake, jusqu’à ce que d’un riff de muleta, et la mort dans l’âme, le groupe quitte l’arène en nage. Le groupe pourtant habitué de la canicule espagnole a joué face contre face devant un public atrophié par le soleil, et la chaleur était accablante, mais elle n’aura réduit en rien leur énergique set. Une partie du public profane a découvert les gestuelles mélodiques et la hardiesse produite par les ibères. Les connaisseurs plus sensibles à la beauté des passes techniques du combo, qu’au combat dans le pit, ont apprécié la valeureuse lutte du groupe, notamment par sa technique et sa rapidité d’exécution. Adrenalized en matador punk assénera tous ses coups avec passion, par de multiples estocades portées dans les règles de l’art de la rue et des rampes de sk8. Ce qui va à l’inverse des dadaïstes de Psykup, qui ont fluidifié les cortex avec de quoi se badigeonner la tête pour les vingts prochaines années dans un asile. C’était aussi dément que génialement absurde, ce groupe n’ayant aucun comparatif tant il décloisonne de tout style, car ce groupe indéfinissable est possédé par et pour un style unique qu’il nomme ‘’d’autruche-core»??? (entre Alice In Chains et Faith No More versus Primus), et surtout qu’il intensifie en live de la plus exorbitante manière. Sans compromission, on est retourné dans la bouffée de chaleur extérieur où D.R.I a fait ce que Dirty Rotten Imbeciles exécute en trois temps, trois mouvements avec son punk thrashy, et la même setlist que depuis trois plombes. C’était bien fun, les coudes ont valdingué, les pieds sont montés jusqu’au menton, les torgnolles ont sifflé, les filles ont éclaté les mâles du pit, et tout le monde a fini trempé comme des serpillières, avec une température corporelle de 42°Celsius. D.R.I c’est la base du crossover en matière de sk8board


Bon sinon, j’ai à peine 7 Seconds pour vous dire que c’était de la dynamite. Groupe culte de hardcore des 80’s le groupe a joué rang serré autour de son aura, de son culte, de son intégrité, de sa loyauté en un style musical, LE HXC, à une culture de l’esprit et une discipline du corps, et tout ceci pour le bonheur des connaisseurs de l’Xtreme Fest. Le combo a enchaîné les hits comme Rocky a sulfaté ses coups de poings sur Apollo Creed dans Rocky 2. Avec une maturité de plus de trente ans d’age, 7 Seconds a secoué les puces sans apparaître comme de vieux croûtons. D’autant plus que si tu veux mettre la jeunesse dans la poche, il te suffit de leur jouer la cover «If the kids are united» de Sham 69 et et le tour est joué pour fédérer un max. C’est ce qu’a accompli le groupe, et pour les vieux il leur a balancé le hit de Nena « 99 luftballons». 7 Seconds a joué vite, fort comme un bon vieux HxC qui te regonfle tes vies et ton énergie pour poursuivre l’aventure de la grande life, trop bon dude !

Après cette douche, oui ça commence à sentir salement la chaussette du vestiaire à force de bouger dans tous les sens, je me pose de façon à admirer le prochain carnage. Pour faire suite à l’abattoir du Hellfest, c’était un camp d’extermination que nous a conté les charcutiers de Floride de Cannibal Corpse. Leur set fut à la hauteur de leur charnier : aussi terrifiant que gigantesque. Je vous passe les détails techniques puisque la finalité c’est que Cannibal a dévoré tout cru. Si tu ne captes rien à cette débauche d’hémoglobine sonore, c’est que tu es transsexuel et apprécie plus la musique de Kanye West. Il faut de tout pour faire un monde, celui de Cannibal Corpse est à base de tripes chaudes, de vésicules biliaires, et de tout un tas d’abats soniques salement jouissif pour obtenir une descende d’organes chez les filles, et un simple malaise vagal pour les durs à cuire. Forcément il y a de la perversion à apprécier un tel band, je ne vais pas vous le cacher.

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pour moi. Tu ne peux pas prétendre te fracasser la clavicule sur du David Guetta, ni même du Slipknot. Il n’y a que D.R.I qui te fournira l’adrénaline adéquate pour te relever après, en affichant le sourire béa de circonstance une fois que tu seras plâtré au urgence. Fin du set, la foule compacte se déplaçait comme une houle d’une scène à l’autre. L’individu n’était plus. Même celui qui pensait être au dessus des autres n’était rien. Comme ce jeune mâle bombant son torse par pure animalité, dont le visage émacié de rigueur par le duvet d’un bouc ne masquait pas le désarroi de suivre le troupeau comme une simple chèvre. Il retrouvera son audace devant le set efficace d’Iron Reagan. Le combo a permis à de nombreux moshers de se péter une rupture des vertèbres dans un pit saturé de secousses dansantes. Pour rappel, le gentleman Gui De Champi avait le zizi tout dur quand il les a vus au Hellfest cette année. Pour ma part je mets un bémol a ce all star band (avec des membres de Municipal Waste et de Darkest Hour), parce que la resucée de leur tambouille musicale est plus que redondante. Donc ok les gars jouent très bien, ils sont dans le truc à donf, mais ils ne font rien avancer du tout. Il manque le petit truc en plus pour se démarquer. Là c’est calibré, filtré pour demeurer figé dans une esthétique, des codes dévolus en un style bien distinct. Niveau loyauté ils sont à 100%, et niveau intégrité je me pose encore la question, même si la finalité c’est que l’on en a rien à foutre, le tout c’est que Iron Reagan balance sa purée de riffs comme D.R.I l’effectue depuis ses débuts, et que cela ne va pas plus loin.

Comme par un fait paradoxal, la suite de la programmation m’a fait froid dans le dos, avec la danse des canards de The Exploited, qui s’est déroulée comme convenu pour les punks à chien, puisqu’ils n’étaient pas là, étant

toujours en train d’essayer de glaner un truc à boire autour de leur toilette sèche qui leur sert de moyen de locomotion. Du coup on s’est retrouvés comme des cons a tapoté du pied sur les titres ras de caniveau des Ecos-

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sais, parce que nous sommes des gens polis et bien éduqués. Toutefois, on doit à cette médiocrité musicale une rage que le punk de 77 s’en souvient comme de sa première vérole. Car sur l’empreinte de cette fougue anarchiste, allant à contre-sens de son époque pour en révolutionner à tout jamais la culture populaire, de nombreux groupes ont bâtis leur fondation dessus, comme les millionnaires de Metallica par exemple. Voilà après cela je pensais avoir passer le pire, mais non, est arrivé Ensiferum, sorte de Boney M du métOl versus pagan épique. Le groupe a fait appel à l’époque de l’inquisition, où la torture ne se limitait pas à écouter l’album de Justin Bieber en boucle, puisque nous avons eu droit aux instruments de tortures médiévales (biniou, etc...) que le groupe a cru utile d’en imposer la tourmente. Mais comme d’habitude avec ce style festif, les suppliciés étaient heureux comme tout d’être mutilés de la sorte. Chemin faisant, un orage s’est abattu. Ah ! et bien pour une fois merci les divinités de me comprendre enfin, attends quoi c’est vrai faut pas déconner, Ensiferum, merdeeeeeeeeee. Par contre 7 Weeks n’a pas pu jouer dehors, et a été tout bonnement annulé, gâchant la fin de soirée. Jour 3 : Skate to Hell Dernier jour pour un dimanche de chaleur, et c’est sur la scène gratuite à l’extérieur du festival que le groupe Forus a déversé son punk mélodique à la vitesse du Millenium Falcon du contrebandier Han Solo et de son second Chewbacca. On s’est retrouvés propulsés avec Strike Anywhere, Face to Face et consorts dans la stratosphère de tapping, et d’une technicité à quadruple énergie. Un

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très bon set qui aurait largement mérité de se retrouver sur une scène plus appropriée vu les qualités du band. Surtout qu’après c’est Get Dead sur la EMP Stage en extérieur qui s’est contenté d’un punk’n’roll convivial, avec tout le fun de la Californie tout de même. C’était sympathique mais pas aussi transcendant que Forus par exemple. Suite à l’annulation de Rise Of The Northstar c’est le groupe Ta Gueule qui a obtenu une promotion canapé en passant sur la grande scène. Ta Gueule a fermé le clapet fécal à tout le monde à base d’un assourdissant punk heavy-röck bien grassouillet, d’une surdose d’humour caustique et une très bonne dose de foutre sonique, pendant tout leur show. Pointant un hommage appuyé à David Carradine avec leur titre « Strangulation masturbatoire » par ci, à la macrobiotique avec « Subutex » par là, où à la passion amoureuse avec « 666Phyllis », que je me dois de mettre une mention spéciale à cette déflagration fantaisiste et corrosive à s’en taper les couilles contre le sol, et ceci à plusieurs reprises même. Non ce n’est pas vulgaire, par contre tout aussi répréhensible en terme de percussion, le combo No Turning Back a fait frotter les nuques avec son HxC bas du front pour une embrassade avec le bitume chez les voltigeurs du pit. Dans une région d’ovalie comme le Tarn il y a une expression typique pour traduire leur set : c’était viril, mais correct. Bon je n’en garde pas un grand souvenir, même si le combo a fourni de quoi se remuer les articulations. En fait j’attendais avec impatience Toxic Holocaust. Là pour le coup le revival thrash a trouvé ses maîtres en la matière. Sur disque j’avais des érections, sur scène j’ai eu


Puis c’était aux grands frères Burning Heads de nous offrir leur punk Clashien avec classe. Vu et revu en concert, et pourtant le jour où ce groupe ne sera plus on pleurera comme des cons, parce qu’il aura marqué à jamais. La preuve en est avec la sortie d’un tribute Fire walks with me en leur honneur, avec le gratin des punkers de l’hexagone pour en faire ressortir toute la splendeur. Tout aussi emblématique d’une époque où le punk mélodique avait pignon sur rue, où la jeunesse découvrait enfin autre chose que Madonna et Motley Crüe, les Suédois de Satanic Surfer ont écrit des hits qui valaient le détour, au point de venir en contracter le grand frisson fiévreux plus de 20 piges plus loin. Le band a envoyé la sauce et les quadragénaires faisaient des bonds de petits lapins sur-excités, alors que les trentenaires se charcutaient la tronche avec la jeunesse rebelle. Si musicalement Satanic Surfer a fait lustrer ses muscles comme jadis, pour l’émotion (hormis la grosse dose nostalgique) c’est le chant de Rodriguo qui a tout balayé. Il s’est concentré sur le chant désormais, il ne fait plus la batterie et le chant comme à l’époque. Du coup ce gars a un grain vocal et une précision pour le style, qu’il met tout le monde sur le cul. C’était vraiment émouvant de revoir ce groupe, de s’immerger dans cette mouvance musicale qui n’a pas fait salle comble au Xtreme Fest par ailleurs, mais un super groupe pour un super set de hits. Il y a un gars qui s’est jeté de la fosse en réalisant un plongeon de compétition, et ça je le rajoute à la prestation du groupe, et ça mérite un 10 en note artistique !! Fallait redescendre en douceur après ce set, mais les very hardcoreux de Terror ont entériné leur statut de brute épaisse avec le groove pugnace de L.A. Les gamins du pit en ont fait les frais, cul par dessus tête tout le long d’un set vindicatif, et sans la présence charismatique du leader et maître chanteur Scott Vogel. On s’est retrouvés la tête dans la mêlée au ras du sol à chercher la moindre particule de filet d’air. Juste après cela, nous tournions une page d’histoire, celle pendant laquelle Simon De Monford croisa sa haine

cathartique des Albigeois en ordonnant l’inexpiable «Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens». Des siècles plus tard face à la descendance cathare, c’est Behemoth qui a remis au goût du jour cette sentence, mais contre les ordres de civitas. Pourtant l’épreuve de feu pyrotechnique de Behemoth est demeurée confinée dans son aura, en jouant dans une salle ne lui permettant pas d’user d’artifices probant. Cependant le groupe maîtrise tellement les flammes par la prestance tyrannique de sa musique, qu’il a juste fallu aiguisé son jeu scénique dans l’austérité d’un monastère de religieuse. Malgré un show rôdé jusqu’à la moindre virgule, Behemoth en puissant, a reproduit un set impérial de black death métal à faire vomir tous les fans de catéchisme. Alors que Ta Gueule nous proposait d’aller se faire enculer quelques heures auparavant, Behemoth nous disposait d’aller au diable ! Ce que nous fîmes dans le cœur de la sacristie X Stage. Le groupe a abattu sa loi de talion et nous a soumis à son mépris pour la race des faibles grandeur nature, et maléfice compris.

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mon divin fluide qui a coulé. Surtout avec un set cousu de main de fer dans cette cote de maille heavy qui te montait au nez. Enfin du putain de bon thrash, épais, goulu, heavy mec. Pas de tape à l’œil, mais l’œil du tigre, de celui qui te bouffe. Après cela j’avais un mal de chien de la nuque au vertèbre, et celui qui m’a offert la vue de son dos patché au regard d’une relecture des emblèmes du thrash des 80’s, n’avait pas l’air mieux que moi.

Si l’Xtreme Fest a renforcé sa gageure pour le métöL avec les auxiliaires de fin de vie que sont Behemoth, il n’en oublie pas pour autant de joindre sa part de folie punk contestataire de sale gosse, en programmant à la fin du week-end l’Opium Du Peuple pour tous ses ouailles. Ce groupe est devenu le Bollywood du camping trois étoiles, avec sexe, gaudriole, punk, anarchisme libertaire à gogo ! Il a servi un répertoire digne de la tournée de Salut les copains avec l’état d’esprit de Gröland & Hara-Kiri tout à la fois. On s’est vraiment bien marré avec ce mélange de théâtre de boulevard et de pole dance punky tellement que c’était con ! Et l’Xtreme Fest c’est terminé sur ce gag en fait ! En synthétisant le week-end, il s’est très bien déroulé, le festival prend encore ses marques, et s’améliore de ses erreurs. J’espère enfin qu’il va se stabiliser, et je suis persuadé qu’avec le temps il va se bonifier pour créer un festival unique et différent. Je tiens à remercier tous les bénévoles et le crew du Xtreme Fest pour s’être damnés dans cette mission et offrir un week-end extrêmement cool & fun ! Sachez par ailleurs qu’en 2016 l’Xtreme Fest s’annonce comme The festival of the beast ! Ciao ; ) & See you in hell ! Bir Crédit photos :Denis Charmot http://denischarmot.wix.com/denis-charmot-photos

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MOTOCULTOR FEST 2015 TEXTE LIVE

Cet été le Motocultor Fest a encore labouré le terrain pendant 3 jours ultra métalliques pour le plus grand plaisir des festivaliers qui ont répondu en masse... Malgré tout le festoche n’est pas encore sûr de pouvoir continuer longtemps sans subventions, traînant de vieilles dettes comme un boulet... En attendant des jours meilleurs, voilà quelques clichés pris par Ludovic Beyan, notre envoyé spécial sur place.

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INTERVIEW TEXTE

INTERVI OU : SHIKO SHIKO Notre intervi «ou» est souvent l’occasion de poser des questions «con con», les Shiko Shiko ne se sont pas fait priés pour rentrer dans le jeu et envoyer des réponses qui te parleront beaucoup ... ou pas. Mais sans trop creuser, tu peux déjà bien te marrer...

Akira ou Virgile ? Arekushi Taiko : Tetsuo JC : Argile Yamaneko : Gilles 3000 Gilles 3000 : Les deux en même temps Japonais ou nippon ? Y : Tiger Wok JC : Homme crabe AT : Poney nippon G : Au plus offrant Maki ou sushi ? AT : Okonomiyaki JC : Souchon Y : Souchez, une petite ville bizarre où j’allais faire du vélo G : Sauvons les océans, arrêtons de manger Moshi moshi ou pika pika ? JC : Picon Picon AT : Doki Doki Y : Pika Pika, sans aucun doute G : Le truc Jaune

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Hyphen Hyphen ou Jean Jean ou Zombi Zombi ? JC : Zombi Zoubi AT : Pan Pan Pan (feu super groupe de Lyon : https:// www.youtube.com/watch?v=85VsEhUgXpI ) Y : Duflan Duflan (feu super groupe de Belgique : https:// www.youtube.com/watch?v=7feTOqglJZc ) G : Clairement Hyphen Hyphen Duran Duran ou The The ? JC : The The (zut) Y : «The reflex» de Duran Duran en boucle jusqu’à la mort ! AT : André Duracell G : Les homos Oui-Oui ou Mimi Cracra ? AT : Michel Gondry JC : Nissan Micra Y : Nissan Gondry (dans mes rêve les plus fous, elle existe !) G : La gosse


FNAC ou O’CD ? AT : Rapishare Y : Quelque part records. Coucou Marc ! JC : O’CD : C - cher G : Téléchargement illégal

Bruxelles ou Paris ? AT : Non merci, trop de touristes JC : BXL RPRSNT, PRS FDP Y : Franchement, Bruxelles G : Brussels ma belle

Fricadelle ou Maroilles ? JC : Fricadelle au Maroille AT : Falafel au maroille Y : Ni l’un, ni l’autre. Un bon welsh avec une Ciney et l’addition s’il vous plait. Merci. G : No comment

Noise ou Electro ? JC : Jungle AT : 12 volts Y : Bruit blanc G : L’un dans l’autre Aéronef ou Malterie ? Y : Malterie, Lille, 20ans JC : Stade Pierre Mauroy AT : La malterie volante G : L’un sur l’autre

INTERVIEW TEXTE

Miou-Miou ou Boutros-Boutros Ghali ? JC : Mion Mion, un chat trop cool Y : Yaya, un chat trop cool AT : Tic & Tac G : Miou miou elle est super dans les valseuses

Nord ou Nord-Pas-de-Calais-Picardie ? JC : Nord-Pas-de-Calais-Picardie-Bavière-OkinawaCreuse Y : Juste Pas-de-Calais. Toujours dans mon coeur. AT : Wallonie G : Demande à Martine Aubry ! Merci aux Shiko Shiko ! Oli & David Crédit photo : DR

Concert ou studio ? JC : T2 AT : Enregistrement live Y : Concert symphonique avec écrans géants, effets pyrotechniques et des hommes baudruche gonflables aux bras ondulants ! G : L’un comme l’autre Faire le Tour de Chauffe ou se faire chauffer à Tours ? JC : T’habites Bourg-la-Reine ? AT : Tours, ville d’avenir ! Y : Tour de France G : Tour à tour Licorne ou poney ? JC : Miss Rainicorne Y : The Unicorns AT : Bojack Horseman G : Celui qu’on bouffe LOSC ou RCL ? Y : J’ai grandi à Lens, donc très peu pour moi merci. JC : La New Team AT : LSD G : Connais pas ces groupes

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EN BREF DANCE TO THE END

MONOPHONA

BLUEBIRD SUPERNOVAE

Take it or leave it

Black on black

Are you real ?

(Autoproduction)

(label)

(Autoproduction)

Il y a quelques petits trucs qui n’étaient pas déplaisants mais pas forcément non plus utiles sur le premier EP de Dance to the End. Et le quatuor, en réécoutant son travail, a dû avoir le même sentiment que moi puisque pour ces nouvelles compositions, ils ont enlevé ces petites choses (des influences comme celle de Joy Division ou le math-rock, des bricolages, des sons inattendus) pour se concentrer sur ce qui faisait et fait encore plus leur force : l’énergie et les mélodies. Ils n’ont pas renié tout ce qui faisait leur identité il y a 2-3 ans mais ça s’est fondu dans l’ensemble et les Bordelais apparaissent désormais plus simplement comme un excellent groupe pop rock «à l’anglaise» (même si l’accent n’y est pas toujours impeccable). Le groupe joue donc à la fois sur la dynamique (le rythme est assez élevé) et les harmonies tout au long de Take it or leave it (le titre n’apparaît qu’à l’intérieur de l’artwork, il est extrait des textes de «Prayer for rain»), y compris sur le final «Air lane», un mini instrumental aux allures post-rock. Et si dans cet océan de douceurs vives, tu dois te faire une idée en un seul morceau, écoute l’entraînant «Candle in the dark» et tâche d’y résister.

Monophona nous vient du Luxembourg et c’est assez rare pour le souligner. Fruit de la rencontre en 2011 de Claudine (voix, guitares, synthé) et Philippe ‘Chook’ Schirrer (producteur et DJ reconnu), le projet a pour ambition de mélanger sons électroniques, expérimentaux, et sons acoustiques plus intimistes, se définissant même comme de la « headphone music ». Complété en live par un batteur, le trio a sorti récemment son second album, Black on black. Et à l’image de nombreuses productions électroniques actuelles (Rone notamment), on a parfois du mal à y voir plus qu’un fond sonore si l’écoute ne se fait pas dans le bon contexte même si le début du disque possède son lot de pépites. Cependant le reste de l’album ne décolle volontairement pas, préférant développer son registre : planant, sombre et minimaliste. Pour les adeptes du genre, l’ensemble est tout de même plus qu’agréable à l’écoute, à défaut de marquer durablement.

Ca ne m’était personnellement jamais arrivé de recevoir un CD promo trois ans après sa sortie, c’est d’autant plus plaisant lorsqu’il est bon. Bluebird Supernovae semble d’ailleurs, selon sa page Facebook, avoir déjà enregistré de nouveaux morceaux entre temps, sans pour autant évoquer une sortie. C’est de bon augure, surtout après la mise en bouche de leur dernier EP Are you real? à travers duquel une poprock incandescente se diffuse allègrement. Les petits gars de Méry-sur-Oise savent manier l’art de composer des morceaux qui nous parlent instinctivement dans un univers spacieux invoquant les plus beaux rêves. Forcément, puisque cela nous parle, les influences ressortent, citons Radiohead sur «A thousand years» ou le subtil mélange entre Air et Pink Floyd sur «The park (Under the stars)». L’œuvre de Syd Matters ou de Mogwai n’ont également pas de secret pour le quatuor qui apprécie, tout comme eux, le raffinement et l’élégance. D’un esthétisme sonore appelé «Post-pop intergalactic» par leurs géniteurs, Are you real ? souhaite donc pousser les frontières de la pop en les amenant très très haut. On leur souhaite bon courage car beaucoup tendent déjà vers ce dessein, à commencer par leurs propres références. Réponse au premier album ?

Oli

Antonin

Ted

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EN BREF

CRAZY TOWN

NO SHANGSA

L’OBJET

The brimstone sluggers

Blind-driving

Toucan

(Membran)

(Gigors Electric Records)

(Structure Records)

The Brimstone Sluggers était le premier groupe des deux membres fondateurs de Crazy Town, on est alors en 1995 et ils changeront rapidement de nom pour l’actuel. Le succés météorique de «Butterfly» issu de leur premier album The gift of game (1999) est emblématique de l’époque, rock et métal fusionnent sur les radios et les torses tatoués brillent de mille feux. Le deuxième opus fait un flop, le groupe se sépare, leur guitariste Rust Epique décède en 2004. Fin de l’histoire. Jusqu’à une reformation pour quelques concerts et quelques titres qui émergent sur le net, avec un remaniement de personnel, le groupe est vraiment de retour aux affaires en 2013 et sort donc The brimstone sluggers à la fin de l’été 2015. Un titre en forme de retour aux sources mais qui aujourd’hui sonne daté, la faute à une prod’ lisse et formatée et à des compos qui n’ont rien d’alternatif. Et si je ne suis pas expert en flow hip hop, je n’ai pas l’impression que là aussi le groupe arrive à (ré) inventer quoi que ce soit. Pas dans le rythme (ça en manque énormément) et donc trop souvent à côté de la plaque, Crazy Town sort son troisième opus avec 10 ans de retard. Sans intérêt.

Encore un album que l’on découvre sur le tard, une galette qui s’était perdue il y a deux ans dans une valise. C’est avec des remords de ne pas l’avoir découvert beaucoup plus tôt que j’enfile Blinddriving dans le mange-disque. Encore plus quand j’accroche spontanément à son math-rock noisy instrumental. Le trio valentinois No Shangsa donne donc priorité à une combinaison claviersguitares-batterie pour s’exprimer, faire rugir les amplis, développer des rythmiques souvent (très) agitées («La croisière abuse») tout en donnant par moments de l’espace aux instruments, notamment aux guitares («Carré russe», «Hooker with a cigar»). Le bon équilibre émotif et l’offre riche en mélodies dont fait preuve Blind-driving, sans pour autant jouer le coup des plages ambiantes creuses, inhibe les désagréments souvent liés aux musiques imprévisibles, qui plus est sans chant. Ce sont d’ailleurs des styles conçus davantage pour le live où l’expression est à vivre pleinement. Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire. Mais avant cela, jetez vous sur ces dix titres.

A l’instar de ce nuage de fumée bleue qui est amené à disparaître, le groupe L’Objet est insaisissable et reste l’un des groupes lillois les plus fascinants. Après un Plank hypnotique et motorik en diable, les voilà de retour avec Toucan via leur propre label Structure Records. Et si Plank lorgnait véritablement du coté de l’Allemagne de Can et Neu!, Toucan semble plus que jamais une belle ode au métissage mais en intégrant cette fois-ci des influences afrobeat et exotica. Le propos est beaucoup plus électronique, majoritairement instrumental, hypnotisant en diable et toujours sacrément charmeur pour les oreilles avides de musique qui décloisonne les oreilles. L’album se termine sur un «Toucan» de plus de 7 minutes vraiment beau : on croirait volontiers à une coopération décentralisé entre l’Allemagne et les musiciens issus du mouvement éthiopique. Ce qui résume parfaitement l’état d’esprit de L’Objet. Faire le pont entre des influences datant de quelques décennies et aussi une volonté de sonner moderne. La classe quoi...

Ted

David

Oli

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EN BREF FUMER TUE

PRO-PAIN

ALABASTERDS

Dune

Voice of rebellion

Dumb music for hipsters

(Autoproduction)

(Steamhammer)

(Autoproduction)

A l’heure où j’écris ces lignes et après «Lieven», un dernier single envoyé sur la toile courant avril, le groupe strasbourgeois Fumer Tue a rendu les armes après deux ans d’aventures musicales et humaines. Il faut dire aussi que son style musical ne se prête pas forcément à de grandes évolutions, à moins d’en changer sensiblement sa formule. Car cette synthpop 80’s gorgée de new wave et d’autres joyeusetés électro punk fait un retour assez marquant en France dans le milieu underground ces dernières années, un peu comme le retro-gaming. Avec Dune, son dernier EP sorti en septembre 2014, Fumer Tue n’a d’autres ambitions que de donner du fun, comme diraient les Québécois, à des gens qui en ont besoin. Et avec sa production low cost mais propre, ses sonorités épurées mais efficace pour procurer le déhanchement le plus total, et ses mélodies entêtantes et contagieuses, Dune fait le job à la perfection. Un disque à passer en (fin de) soirée et à partager avec tes amis pour leur montrer que ta playlist, ben elle est pas si dégueulasse que ça en fait. Et te faire passer, par la même occasion, pour un défenseur du Made In France.

Si on n’aime pas trop les groupes qui prennent des risques en faisant évoluer leur musique, il y en a quelques uns qui apportent une sorte de garantie, un «label», ce n’est écrit nulle part mais on est certain de ne pas être trompé sur la marchandise. Pro-Pain est de ceuxlà. S’il y a eu pas mal de changements de line-up par le passé, ça n’a pas bougé depuis 2011 et le métal massif des New Yorkais ne vieillit pas (Gary Meskil envoie du gras depuis le tout début des années 90 tout de même). Chant guttural option messages scandés, rythmiques et riffing en mode repeat, décrochages du manche à l’intention des mâchoires, breaks, solos d’école et si le tout dépasse les 3 minutes 30, ça fait un titre épique qui mérite de donner son nom à l’opus («Voice of rebellion» donc). Cette quinzième distribution de pains ne demande pas beaucoup de réflexions et n’apporte pas grand chose au monument Pro-Pain mais ça permet au groupe de repartir en tournée et de donner une autre vie (bien plus intéressante) à ces compositions.

Alabasterds, à ne pas confondre avec Alabastards avec des bouts de Neige Morte, revient avec un EP 5 titres vraiment rafraîchissant. Ces mecs ont beau avoir un peu plus de la vingtaine, ils ont pourtant des références de quadra et offrent avec Dumb music for hipsters (j’en suis un, tu en es un, eux aussi, t’inquiètes, on est entre nous...) un joli pont entre Nirvana, McLusky et des références rock plus calibrées. Parcourir cet EP est d’emblée très jouissif avec le titre «Soma» : une petite décharge punk-rock avec une basse bien en avant, un chant cobainien, un sens du riff efficace et une urgence qui fait instantanément plaisir. L’urgence, c’est aussi ce que l’on retrouve chez «Hostile machine» et la plupart des titres de ce Dumb music for hipsters. En tout bon chroniqueur étroit d’esprit, j’ai évidemment tiqué sur l’introduction de «Rollercoaster» en mode ska-punk No fx mais le groupe arrive à pervertir le style pour en faire un morceau qui pourrait plaire même aux non-fans du genre et il se pourrait bien qu’avec le temps et les écoutes, le titre devienne un des sommets de cet EP sacrément bien troussé. En plus, ces petits gars sont sacrément bons en live. Tu attends quoi ?

Oli

Ted David

78


EN BREF

HERSCHER

DEATH

KILL ME THIS MONDAY

Herscher

N.E.W.

Kill me this monday

(Autoproduction)

(Drag City)

(Klonosphere)

Depuis leur premier EP en 2010, le duo auvergnat Herscher a gagné un instrument et ce n’est pas une guitare (ça aurait été trop simple) mais un petit synthé bien crado qui vient s’ajouter à la basse et la batterie. Pour être certain d’avoir un son poussiéreux titanesque, les gars sont retournés bosser avec Serge Morattel (Knut, Impure Wilhelmina, Shora, Year Of no Light... mais aussi leur deuxième EP). Le résultat est à la hauteur des espoirs placés dans le combo pour tous ceux qui aiment se faire mal au crâne avec de la musique. C’est lourd, ça sludge, ça doom, ça grésille de partout, ça pulse même parfois (le génial «Bandana»), le chant lourd (peu fréquent) semble un peu forcé (pourquoi chanter, laissez tout en instrumental ! Ou alors en mode incantation claire comme sur «Apocatastase»), le synthé n’apporte que des touches de gris foncé dans cet univers noir de crasse, c’est donc un régal pour les amateurs de métal obscur qui penseraient que Sunn O))) est trop pop. Et si l’adjectif «drone» te fait peur, laissetoi tenter puis porter par la rythmique et les saturations des Clermontois, tu risques de changer d’avis (ou de choper la migraine mais bon, faut savoir prendre des risques dans la vie !).

Pour resituer l’histoire de Death, le groupe de proto-punk de Détroit et non le groupe de death métal du regretté Chuck Schuldiner, il faut remonter en 1974 et l’enregistrement de ...For the whole world to see, un album compilant les chansons de ce trio de frangins dont le style vacille entre celui des Who, d’Alice Cooper et des Stooges. Ayant eu des soucis avec leur maison de disque de l’époque Colombia Records, relatif à l’utilisation de leur patronyme jugé anti-commercial, le groupe splitte juste après avoir sorti un 7» sur un autre label. En 2009, soit 35 ans après, l’album sort grâce à Drag City et le public le découvre notamment à travers l’excellent morceau punk «Freakin’ out» dans un épisode de la série «How I met your mother». Le groupe qui a depuis repris vie en tournée, sort N.E.W., un nouveau disque en avril 2015 dont l’esprit n’est pas très éloigné de ses précédents, un peu moins fougueux mais avec une prod’ bien meilleure. Notre avis : Présenter une œuvre d’un genre musical qui a vécu ses grandes heures de gloires des décennies passées et ancré dans le temps, n’a pas grand intérêt aujourd’hui, si ce n’est celui de pouvoir lui rendre hommage et de faire passer à chacun un certain goût de nostalgie. Une belle preuve d’opiniâtreté de la part des frères Hackney.

Fort d’un Ep qui rencontrait déjà l’approbation, le groupe nordiste Kill Me This Monday revient cette fois-ci avec un album dix titres (les 3 pistes du premier EP y figurent aussi...) qui devraient également rencontrer l’approbation des oreilles averties sans trop de problème tant le groupe semble maîtriser ses influences, son identité et son songwriting. Les influences ? Une pincée de Deftones, un bout de Thrice, un poil de Queens Of The Stone Age, une cuillère à soupe d’Incubus bonne période, des gimmicks postcore également mais Il est de plus en plus difficile de les cerner tant le groupe propose une identité qui lui est propre. Il s’agit là d’une collection de morceaux très aboutis qui sentent la réflexion et les répétitions en mode stakhanovistes. A noter qu’on aime particulièrement quand le groupe salope son univers très léché et travaillé avec un chant hurlé («Fat bottom sandwich», «Crying for help», «War») qui ajoute un peu de vinaigre dans un très bon vin.

Oli

David

Ted

79


EN BREF DEFEATER

ROME BUYCE NIGHT

TAULARD

Abandoned (Epitaph)

Indian castle of Morocco

Les abords du lycée

(Zero égal petit intérieur)

(Et Mon Cul C’est Du Tofu ?)

Comme les Tang n’ont rien sorti depuis quelques temps, il faut bien trouver un groupe émo-hardcore de bonne facture pour combler le vide, et pourquoi pas Defeater ? Les Américains livrent effectivement un excellent quatrième opus qui mêlent des sons clairs de grande qualité à une voix écorchée des plus touchantes. Il y a peu de chances que les natifs de Boston aient déjà entendu les Lillois mais les deux groupes sont vraiment très proches. Ceux qui signent cet Abandoned sont plus expéditifs et ne laissent pas traîner les choses, pas question chez eux de se laisser embarquer dans des constructions plus post-quelque chose même si la partie instrumentale du «Vice & regret» final pourrait coller, il y a toujours ce timbre éraillé pour nous servir de guide. Du coup, l’ensemble tourne un peu en rond, trop homogène, les constructions se ressemblent un peu toutes et si le style est parfaitement maîtrisé, les brisures et les fêlures sont pour l’intime et les textes plus que dans la musique où les changements de rythme et les breaks ne surprennent pas. Le jugement est un peu sévère mais les gars sont capables d’envoyer un morceau acoustique ou un instrumental mortel au milieu de tout ça pour donner bien plus de relief et ne le font pas, dommage car on passe pas loin d’une perle.

Rome Buyce Night est un groupe précieux. Non pas parce qu’ils se font rare mais parce que tout ce qu’ils sortent trouve un écho retentissant chez votre serviteur. Et ça ne manquera pas avec The indian castle of morocco, un EP six titres qui fleure bon les envies de métissage et d’horizon lointain. Enfin, pas si loin, le Maroc, c’est à deux heures d’avion pour cinquante boules. Mais quand même. En six titres, Rome Buyce Night arrive à concrétiser en musique le voyage improvisé : tu mets les pieds dans un lieu et tu attends que des choses extraordinaires surviennent. L’attention de l’auditeur est à chaque reprise renouvelé très facilement grâce à un propos à la fois cohérent mais ouvert à toutes les sorties d’autoroute. Le groupe démarre d’une idée, souvent un riff ou une mélodie un peu crade, et la développe pour inciter à l’évasion émotionnelle, parfois via des vibes orientalisantes très diffuses et ça marche... Un titre comme «Blonde peroxydée» dénote grandement de par son spoken-word à la fois doux et acéré ainsi que par son instrumental désenchanté. Rome Buyce Night reste un des secrets les mieux cachés du post-quelque-chose en France. Et c’est particulièrement honteux tant la démarche de ces mecs pue la classe.

Taulard fait sans conteste partie de mes groupes de punk-rock VF préférés du moment. Je rajouterais peut-être également Pierre & Bastien, un trio parisien maniant parfaitement le second degré, contrairement à Taulard qui nous relate plutôt des anecdotes de vie, des galères et autres souvenirs délicats. Le premier album des Grenoblois intitulé Les abords du lycée, m’a littéralement mis une petite claque. Alors qu’en live c’est la sueur et la lombalgie assurée, sur disque sa musique a une saveur tout aussi particulière. Il faut dire que le quatuor est un peu à part sur cette scène étant donné qu’il joue sans guitare électrique. Elle est remplacée par un clavier cheap aux sons vintages ce qui attribue à la formation une sonorité atypique et reconnaissable parmi mille autres. La section rythmique est animée grâce à une basse tricotant des notes à cent à l’heure pour une production sonnant très brute, sans artifice et sans réelle profondeur. Ce LP de synth-punk distille douze morceaux plus ou moins rapides comprenant au passage son lot de tubes tenaces et efficaces («Ville portuaire», «Les dangers du stop», «Les abords du lycée», «Impasse»). Un groupe attachant dont les mélodies s’imprègnent vélocement dans le cerveau tout en nous ramenant également à la dure réalité de la vie par la prose de son chanteur. Ted

David Oli

80


EN BREF

INA-ICH

ASIAN DUB FOUNDATION

ONCE HUMAN

Ma chair et mon sang

More signal more noise

The life I remember

(iNH-iCH Prod)

(ADF Communications)

(earMUSIC)

L’artiste franco-vietnamienne KimThuy Nguyen, connue sous le pseudo Ina-Ich depuis 2006, est actuellement en train de finaliser en trio son troisième album avec son compagnon, le batteur Aurélien Clair, et le bassiste/ guitariste Brad Thomas Ackley, un musicien de Mathieu Chédid (-M-). Entre temps, le groupe a sorti en avril dernier un EP intitulé Ma chair et mon sang sur son propre label iNH-iCH Prod, histoire de baptiser sur disque la nouvelle formation. Ces quatre titres virevoltent tel un pinceau de calligraphe, Kim lâchant ses nerfs en français sur des compositions rock ultra-énergique façonné par un arsenal électronique dont seul Brad a le secret. Punk dans l’expression mais néanmoins formaté musicalement, Ina-Ich renvoie à ce qu’était les Rita Mitsouko fut un temps, le style en moins. Quoique, quand on écoute le couplet de «Comme un garçon», la similitude est manifeste. Pourtant, le groupe parle plutôt de Nine Inch Nails, Björk ou The Prodigy quand il évoque ses maîtres de composition. On aime l’univers (très bel artwork au passage fait par Madame) un peu foldingue et décalé (excepté pour la torturé «Je t’emmène») de ce groupe francilien qui devrait encore nous réserver de belles surprises à l’avenir.

Etrange idée que celle de sortir un album uniquement au Japon (The signal and the noise en 2013), étrange idée aussi que celle de le retravailler quelque peu pour une sortie européenne sous un autre nom (More signal more noise) deux ans plus tard... Avec Asian Dub Foundation, on peut s’attendre à tout tant il est difficile de suivre ce collectif qui pourrait bien prendre comme surnom le titre de ce premier morceau «Zig zag nation». S’il y a de la guitare et de la batterie sur cet opus, ce n’est pas le point central, le collectif a fait la part belle à la world music d’origine pakistano-indienne avec des instruments aux sonorités orientales, des flûtes, des percussions... le tout mixé avec du dub et de gros passages genre «teuf improvisée dans une étable de Camden». Une fois le nuage de MarieJeanne dissipée, il reste un album à la cool, ouvert sur une musique différente sur laquelle il n’est pas évident d’accrocher. En tout cas, chez moi, ça ne fonctionne pas ... à trop avoir ajouté de bruits, j’ai perdu le signal.

Surtout connu pour être le premier guitariste de Machine Head, Logan Mader a également joué avec Soulfly ou Medication avant de devenir un excellent producteur (Five Finger Death Punch, Cavalera Conspiracy, Gojira, Fear Factory, ...). Sa rencontre avec Lauren Hart va le pousser à former un nouveau groupe : Once Human. La demoiselle est très mignonne mais c’est surtout par sa voix qu’elle va séduire bon nombre de mâles en mal de métal sombre et ultra péchu. Entre Death bien membré et Black démaquillé, il n’y a pas grand chose de féminin dans la musique du combo et ce n’est pas pour nous déplaire. Mêmes les guitares sont plus mélodiques que le chant (c’est quelque peu dommage car Lauren est également capable de charmer son petit monde en chant clair, «Demoneye» ou «I am war»), et tant pis si elles virent un peu heavy parfois (sur des solos dispensables) parce que l’ensemble ne manque pas d’efficacité. Le mélange des genres est assez réussi et compense le manque d’originalité de parties qu’on a l’impression d’avoir déjà entendues ailleurs. Quand il joue sur les contrastes tant au chant que dans la musique, Once Human est plus accrocheur («The life I remember»), pourquoi pas creuser cette voie dans le futur, si futur il y a...

Ted

Oli

Oli

81


EN BREF PORN

BULLET FOR MY VALENTINE

LIMB

Deconstruct (Les disques Rubicon)

Venom

Terminal

(RCA Records)

(New Heavy Sounds)

La discographie de Porn est une sorte d’éternel recommencement, après chaque «pause», le combo repose des bases avant de redécoller, après un EP de remixes/covers et une sorte de best of, les lascars nous sortent un digipak en mode best of remixé avec des covers et de l’inédit. Une compilation hétéroclite en apparence mais qui a pour elle de sonner Porn et si Deconstruct va bien au travail de leurs potes sur les 6 derniers titres, l’ensemble est plutôt bien construit et bénéficie d’une prod uniforme et permet d’entrer facilement dans l’univers du groupe même si tu as raté l’épisode From the void to the infinite où l’on trouvait déjà la reprise de «Lullaby» de The Cure. «This is the way the world end», seule nouvelle composition est un bel instrumental mais le coeur du LP, ce sont bien ces covers, avec donc «Rain» de The Cult et «Eleanor Rigby» des Beatles qui sont totalement Pornisés, très bons dans cet exercice, les Lyonnais jouent donc en terrain conquis avant de laisser d’autres triturer leurs compos. Herrschaft, Divine Shade ou Vigilante sont de la partie et y vont de leur touche perso pour réarranger en douceur quelques vieux titres. Ma préférence va vers le travail de R-One qui bosse alors plus comme un producteur avec une vision différente qu’un «simple» remixeur.

Putain de gâchis ! Voilà ma première pensée à l’écoute de ce nouvel opus de Bullet For My Valentine. Parce qu’il faut bien l’avouer, ces mecs-là ont un talent certain pour la composition, savent utiliser leurs instruments et ont plutôt tendance à gâter leurs fans (ne serait-ce que cette pochette en mode illusions 3D de la version deluxe de l’album). Mixant allégrement et sans vergogne ambiances métalcore et solos heavy old school, le groupe envoie du très lourd durant quelques beaux passages mais ne peut s’empêcher de tout foutre en l’air l’instant d’après avec des mélodies sirupeuses catastrophiques. Au hasard, balance «Worthless» : hurlement pour attaquer, rythmique plombée, petites notes pour installer la tension, et ... le drame, le chanteur se retrouve quasi tout seul pour faire le beau, avant ensuite de remettre du gras dans le miel. Virez-moi toutes ces sucreries pour ados et on a un étalon metalcore. Dégagez-moi aussi ces immondes choeurs de gamin (la convention de Genève ne l’a pas interdit après This is war de 30 Seconds To Mars ?) et tout ce qui ralentit la progression du venin. Merde les gars, plutôt que de vous peigner les poils, envoyez la purée !

Limb rejoindra la constellation déjà bien chargée des groupes britanniques à tendance sous-accordée. Chant guttural, groove sludge, riffs façon Yob aux accents rock’n’roll bienvenus. De manière amusante, la formation anglaise me rappelle un peu le style des Lorrains d’A Very Sad Story qui officient eux aussi dans une veine stoner/ sludge aux accents de Pantera. La prod’ de Russ Russell fait le boulot sans faire d’éclats, à l’image de l’ensemble de cet album plus que sympathique mais trop peu original pour vraiment retenir l’attention. Difficile également de retenir un titre ou deux qui sortirait vraiment du lot dans un pavé un peu linéaire (sauf peut être «Morturay teeth», avant tout pour ses accents plus extrêmes) que «Cocytus» finit un peu de plomber en fin de parcours avec un format plus long qui raconte globalement la même chose que le reste, et ce malgré une partie ouvertement doom bien appuyée sur un riff qui ne brille pas non plus par son originalité. La musique de Limb mérite probablement plus d’être vécue en live que sur album, les musiciens ne déméritant pas une seule seconde. Pour le reste, voilà un album qui, comme tant d’autres, n’évoque pas grand-chose de plus qu’un «pas mal, mais déjà trop entendu...» dans l’univers actuel du stoner/doom.

Oli

Elie Oli 82


IL Y A 10 ANS

EN BREF

SMASH HIT COMBO

OHHMS

LABASHEEDA

Playmore

Cold

Changing lights

(Slam Disques)

(Holy Roar Records)

(Presto Chango Records)

Si les Smah Hit Combo étaient Parisiens et avaient commencé à sortir leurs disques il y a 20 ans, ils auraient été les leaders d’une scène en ébullition reléguant les Pleymo ou Enhancer au rang de «petits joueurs» du nu-metal de par un son autrement plus puissant. Mais voilà, ils ont déboulé avec 10 ans de retard et sont originaires d’Alsace... Le public, plutôt jeune (toi ?), ne boude pas son plaisir de les écouter jouer un peu plus, le public plutôt vieux (moi ???) trouve qu’ils sont très bons dans ce qu’ils font même si le playground a déjà été plus que visité. Textes dans l’ère du temps (et pas uniquement adulescents comme certains les résument, écoute «Le vrai du faux» pour t’en convaincre), rythmiques implacables, riffing efficace, jolis gestes techniques, temps construits pour que ça claque dans les enceintes et pour que le groupe fracasse tout sur scène (ce sont des experts à ce niveau-là)... rien à redire donc sur la qualité intrinsèque de cet album, si j’avais 20 ans de moins, j’accrocherais certainement des posters de Smah Hit Combo dans ma chambre. Mais là, j’en ai pas loin de 40 et j’en suis presque à me planquer pour écouter l’album pour ne pas être taxer de jeuniste. Tant pis, je fais mon rebelle et l’écris haut et gras : bien joué les gars !

Que les punks passent leur chemin. Cold, le nouvel EP d’Ohhms tient plus d’une demi heure avec seulement deux titres, et pas avec des patterns à 220bpm. Les Anglais officient dans un doom progressif aux accents postmetal majestueux, avec une voix à dominante claire et l’avantage de ne pas sonner exactement de la même manière que tous leurs confrères sabbathiens qui pullulent. L’EP s’ouvre sur «The anchor» qui tisse une longue litanie somptueuse avant d’écraser la tonalité six pieds sous terre tout en restant là encore au-dessus du panier. Après un solo ouvertement hard rock et un break monolithique, les revoilà qui relancent un énorme rouleau compresseur sludge accompagné d’une incantation chamanique des plus gargarisantes. Le morceau se termine en apothéose sur une douce ambiance psychédélique jam 70’s qui débouche sur un final bien épique. Un ensemble très progressif donc, lié par une atmosphère assez prenante. Le deuxième morceau continue dans le même style, avec beaucoup de changement d’ambiance également et des riffs tout aussi bons, dans une veine plus sombre et un chant plus rauque. Une formule qui fait ses preuves en format court et qui ravira tout les amateurs de musique progressive.

Le joli nom de Labasheeda correspond à un bled en Irlande mais aussi à un groupe d’Amsterdam et c’est bien du groupe, formé en 2004, dont il va être question ici. Un combo qui sort en 2015 sont quatrième long format et donne dans le «art-punk» si on en croit sa définition. Perso, je dirais plutôt pop que art mais si tu t’attends à des mélodies à roulettes, tu fais fausse route, la base est clairement pop-rock, c’est le traitement qui est plus punk. Et «punk» dans le sens d’anarchique, un bordel plutôt organisé tout de même ou instruments divers (le violon tient une grande place) et saturations particulières sont réfléchies et prennent leur place aux bons moments pour dynamiter des compos plutôt agréables et faciles d’écoute («Changing lights») car la voix de la frontwoman est assez délicate. Labasheeda, c’est donc davantage une An Pierlé qui aurait recruté Sonic Youth en backing band que Salvador Dali chantant avec Green Day. Tout comme l’imagerie utilisée, la production fait sonner le tout avec un côté vieillot travaillé, je soupçonne même les Hollandais de volontairement «rater» quelques passages pour rester fidèle à leur esprit punk et «live». Si tu es amateur d’aventures et de découvertes autant que d’un rock brut et différent, va fouiner sur leur bandcamp...

Oli Elie

Oli

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IL Y A 10 ANS : GOJIRA From Mars to Sirius (Mon slip)

échappatoire : la lumière de Sirius, un soleil célébré par différents peuples (dont les Dogons) et à qui on donne un pouvoir de régénérescence... From Mars to Sirius serait donc un chemin initiatique, la voie (lactée) vers un nouveau cycle mais aussi vers l’inconnu (existe-t-il un Sirius C ?), cette route que construit Gojira est faite d’étapes de repos salvatrices («Unicorn», le dantesque «Flying whales», «From Mars») et de passages en vitesse lumière («Backbone», «The heaviest matter of the universe», «In the wilderness», «To Sirius»), on y croise quelques OVNIs tel ce fabuleux «Where dragon dwells» (qui est en train de supplanter dans mon coeur le «Space time»)... Et encore une fois la technique se met au service de la composition, des mélodies, de la puissance pure et sans arrière pensée («Global warning»). Retrospectivement, on peut presque penser que cet album est le dernier du «Gojira français» tant le groupe a ensuite pris une dimension internationale. C’est une aventure un peu à part dans leur discographie et c’était il y a déjà 10 ans...

Intersidéral et sidérant, From Mars to Sirius est certainement l’album de la décennie... à venir ! A moins que leur prochain opus n’aille encore plus loin, ce qui semble aujourd’hui difficilement réalisable. Oli

Chef d’oeuvre. Uniquement deux mots car on manque de superlatifs pour parler de ce nouvel opus de Gojira... On avait parlé de «monument», on les avait qualifié de «monstrueux», d’»énormes» et on les pensait lancés sur une trajectoire simple et directe, mais voilà que débarque From Mars to Sirius et Terra incognita comme The link sont renvoyés aux oubliettes, paraissent fades à côté de ce petit dernier qui pose les nouveaux jalons de notre univers métallique. Gojira sait équilibrer violence et sensations, on le savait, là, ils repoussent leurs limites et les nôtres, jamais un groupe n’avait autant réussi à faire ressentir autant de choses avec une musique réputée difficile d’accès. Au son hors du commun (et nettement meilleur que sur les albums précédents qui étaient loin d’être mauvais !), aux compos vives et tranchantes, Gojira ajoute la réflexion sur notre monde vu du ciel, notre planète océane se transforme et se détruit peu à peu, seule

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CONCOURS >>> VESPERINE

Pour participer au concours, clique ici..

CONCOURS >>> REGAL Regal sera en concert à La Clef le samedi 14 novembre lors d’une soirée Rock Garage Psyché en compagnie des Canadiens de Chocolat et de Mathi & Mathi. Forcément une soirée «Régal Chocolat», on se devait de partager ! On te file donc 6 places pour ce concert ! Attention, il faut participer au concours avant le 5 novembre ! Bonne chance ! Pour participer au concours, clique là-dessus. http://www.laclef.asso.fr

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Mass Hysteria Arman Mélies Lofofora Banane Metalik Melted Space Zeus!

Chelsea Wolfe Monolog Artweg Parkway Drive The Long Escape ....... 85

CONCOURS TEXTE

Un gros EP et une belle claque, voilà ce que nous propose Vesperine et même si tu n’es pas du genre à avoir peur de faire une jolie découverte en suivant nos conseils, on va t’encourager à creuser cette question en t’offrant 2 packs «Vesperine» à savoir l’album Parmi les autres, le Tshirt du groupe, une affiche, un badge et pour vraiment te la péter en soirée le décapsuleur !!! Bonne chance !


INTERVIEW TEXTE

DANS L’OMBRE>AURELIEN Comme beaucoup de personnes travaillant dans le milieu de la culture, Aurélien est doté de plusieurs casquettes et il t’en parlera mieux que nous. Mais il est surtout chargé de communication à la Malterie, un lieu à vocation pluridisciplinaire basé à Lille qui connaît de sacrés difficultés actuellement. Et si on s’intéresse à la Malterie aujourd’hui, c’est parce que le lieu semble condamné à disparaître mais fête également ses 20 ans, c’est dire si c’est une institution dans le paysage culturel nordiste...

Quelle est ta formation ? Après le bac (L), études en culture à la fac en parallèle d’activités associatives : j’ai monté un label, j’organisais des concerts, des tournées.... Je finis avec 2 maîtrises pour faire bien sur le CV, et surtout grâce à mes activités annexes plein de contacts, de petites compétences ici ou là, qui ne demandaient qu’à se développer. Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ? Je dirige l’asso Dynamo qui mène des activités d’accompagnement de groupes, de montage de projets et de programmation autour de la scène régionale en musiques actuelles. Je m’occupe de la communication de la Malterie. Ça fait déjà beaucoup, alors j’ai un peu mis de coté mes autres activités. Je manage encore plus ou moins le groupe Tang mais on n’est plus aussi vivaces qu’avant, même si eux continuent à répéter et enregistrer, on a des emplois du temps qui permettent plus de tourner autant qu’avant. Peux-tu nous parler de la Malterie, ses multiples missions et des difficultés que traînent le lieu depuis quelques années ? La Malterie est une asso indépendante montée par des

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artistes il y a 20 ans, et toujours gérée par des artistes. C’est avant tout un lieu de travail pour des plasticiens et musiciens, qui y trouvent des espaces mais aussi des formes d’accompagnement et parfois des moyens pour développer leurs projets. C’est un lieu avec une énergie folle, qui fait énormément avec pas grand chose. Plein de gens, plein de beaux projets qui se croisent, ça donne quelque chose d’assez unique qu’il est plaisant de partager au quotidien. Tout ça se passe depuis le début dans un bâtiment, assez fou lui aussi, du quartier de Wazemmes à Lille. Malheureusement, la culture a peu à peu glissé d’un milieu d’initiatives citoyennes comme nous le sommes, à quelque chose de très institutionnalisée, et il n’y a plus aujourd’hui l’engouement politique pour les initiatives citoyennes. Alors après un paquet d’années à se développer et à développer plein de services innovants à destination des jeunes artistes, la Malterie se retrouve freinée par un contexte économique qui fait que les choix politiques mettent l’argent de plus en plus ailleurs que sur la culture ou sur une culture qui rayonne en apparence, ce qui n’est pas le cas d’un lieu de travail. En tout cas les moyens ont baissé depuis 2008 au regard de l’ampleur du projet. Aujourd’hui l’enjeu est double, car la location du bâti-


La malterie fête ses 20 ans bientôt... Oui, c’était un peu difficile de l’envisager vu le contexte, et puis finalement, on est pas là pour tirer la tronche, c’est l’occasion de montrer tout ce qu’on sait faire, de stimuler les énergies, de les partager avec les publics, et célébrer une longévité qui en soit est déjà bien parlante. Du coup on a décidé de faire du non stop, pendant 17 jours il se passe des choses, avec parfois plusieurs choses par jour... Du gros avec des concerts regroupant un paquet de musiciens, de l’intimiste avec des performances en toute petite jauge dans des ateliers d’artistes, et du lourd avec un week-end d’événements dans et aux abords de la Malterie. Je ne sais pas dans quel état on va finir ce marathon, mais j’ai hâte d’y être. Comment es-tu entré dans le monde du rock ? Ma sœur était à fond dans la musique, et ça m’a poussé dans ce sens là. J’étais ado, je cherchais de quoi ne plus m’ennuyer dans ma petite ville pas folichonne... je ne suis pas Lillois, et j’ai mis le doigt dans un engrenage en découvrant assez rapidement la scène punk hardcore, et tout un réseau d’organisation et de prise en main ... j’aime pas utiliser le terme «do it yourself». Alors vite j’ai organisé des concerts, joué dans des groupes, fait des tournées, sorti des disques. C’était un moyen de créer ce dont j’avais envie et de le partager. On était quelques potes bien impliqués, on nous prenait un peu pour des fous, mais on a fait plein de trucs très jeunes, et ça nous a donné le virus. Après de fil en aiguille je suis arrivé à Lille en connaissant déjà quelques activistes, j’ai vite organisé des trucs et fait mon label, mais je ne vais pas non plus raconter ma vie, ça ne va pas passionner grand monde...

pour leur première date en France car toutes les autres étaient annulées et que personne ne croyait dans ce groupe, ou alors Red Sparowes, pareil premier show en France... 31knots aussi. En fait tout ça c’est beaucoup de rencontres humaines, de temps partagé autour de vibrations...

INTERVIEW TEXTE

ment dans lequel nous somme depuis 20 ans arrive à terme, et il y a une volonté du propriétaire de vendre ou d’augmenter massivement le loyer, ce qu’il est en droit de faire. Donc ça plus le point évoqué au dessus : aie... Il faut donc trouver soit un nouveau lieu, soit un moyen de rester dans celui-là, mais quoi qu’il arrive il faut faire évoluer le modèle économique qui ne sera plus tenable à court terme.

Ton coup de coeur musical du moment ? J’avoue qu’en ce moment j’ai beaucoup de mal à écouter du rock, dans le cadre du taf j’écoute beaucoup de choses, mais du coup à la maison je coupe le son, ou alors j’écoute du rap, du classique, des choses qui m’aèrent la tête. Bref, pas de coup de cœur coup de cœur, mais je suis de plus en plus fasciné par les trucs un peu variété ou grand public qui ne se contentent pas de faire du consensuel, qui se permettent des trucs qui bousculent l’auditeur lambda, ou qui se font accompagner de gens qui donnent une âme à leur musique. Par exemple le dernier Miley Cyrus avec en réal Wayne Coyne, c’est impensable, mais le résultat est là... Certains titres de Kanye West aussi sont dingues. Et puis j’aime bien des gens qui arrivent à me donner l’impression qu’ils figent l’époque sur disque comme si ils en faisaient une photo... Jay Z est très bon à ce jeu là... Es-tu accro au web ? Oui et non, comme l’a dit je ne sais plus qui « the internet is over », internet est devenu sous-jacent à tout dans nos vies, ce n’est plus une activité en soi, un truc sur lequel tu vas, c’est maintenant contenu dans chaque activité. C’est un bon outil, mais il faut aussi arriver à s’en couper et ça je confesse c’est plus difficile, mais j’y travaille. A part le rock, tu as d’autres passions ? Courir, jardiner, et plein d’autres trucs clichés... Tu t’imagines dans 15 ans ? Oui et non, moi oui mais pas les autres ;-) Merci Aurelien ! Bon Anniversaire à La Malterie !!!

Une anecdote sympa à nous raconter ? Pfff y’en a plein, dont une grande partie ne peut filtrer publiquement sans compromettre des copains. Mon dernier souvenir marquant à la Malterie, c’est le concert de David Bazan qui m’a donné des frissons que je n’avais pas eu depuis un bail. Sinon des soirées folles avec des groupes comme Daughters, Knut... Des concerts de dingue comme 65daysofstatic un dimanche aprem

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