Pierre Frankinet — Vétérinaire-nutritionniste

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Entretien avec Pierre Frankinet Vétérinaire-nutritionniste à Liège (Belgique)

Entretien mené par Camille Bordet-Sturla Le 4 avril 2014, à Liège.


Sur les origines du métier du Docteur Frankinet et le choix de travailler avec les animaux d'élevage, en particulier les bovins. a

Vous travaillez au sein de la société Alfra, fondée en 1935 par votre grand-père. Si je ne me trompe pas, votre société réalise des produits alimentaires que vous vendez ensuite aux éleveurs. C’est bien ça ? Pouvezvous nous expliquer le fonctionnement de cette société ? a

P.F. : Alfra est une société qui a été fondée il y a assez longtemps. Notre travail a toujours été d'aller directement chez les éleveurs. Au départ, dans les années 1970, c'était les porcs et la fabrication d'aliments directement à la ferme. On va directement chez les gens, on les encadre au niveau de ce qu'ils ont besoin de produire chez eux, on regarde ce qu'ils ont à disposition en fonction des surfaces, des régions, parce que c'est variable. En France, notre activité s'est


développée il n'y a pas très longtemps, il y a peut-être dix, quinze ans. Au départ, c'était l'OS Blanc-bleu, l'organisme de sélection Blanc-bleu qui nous a demandé d'encadrer leurs éleveurs au niveau du management de l'alimentation de cette race particulière qui n'a rien à voir avec les autres races françaises : c'est comme ça qu'on a été en contact avec des éleveurs en France. Depuis assez récemment, on a un collaborateur qui s'occupe maintenant de nous relayer sur le terrain en France parce que c'est quand même assez loin. Êtes-vous une entreprise unique en Europe, ou avez-vous des concurrents sur votre segment de marché ? P.F. : Beaucoup de gens produisent ce qu'on produit à l'échelle européenne, mais peu d'entre eux font notre métier. Le produit, c'est le support de notre métier, et pour ça on a 3


beaucoup de concurrents, beaucoup plus grands que nous : Alliance Nutrition Animale par exemple en France... Notre plus-value, c'est l'activité de conseil, c'est le suivi des éleveurs. C'est comme ça qu'on fait notre trou depuis vingt ans et qu'on a une croissance régulière chaque année. La question, c'est plus d'avoir la main d’œuvre qualifiée pour faire correctement notre travail, c'est aussi pour ça qu'on ne cherche pas à grossir plus que ça. Comment se fait-il que ce soit un organisme de sélection qui ait fait appel à vous ? P.F. : Parce que la Blanc-bleu, c'est une très petite race au départ en France. Le but de l'OS c'était de se développer, d'avoir de plus en plus d'éleveurs adhérents et de développer la race en France. Leur problème était qu'ils n'avaient 4


pas de soutien technique indépendant sur le terrain, ils ne savaient pas former les gens pour ça. Donc c'est pour ça qu'ils ont d'abord demandé des gens pour du conseil, et puis de fil en aiguille, on en est arrivés à suivre de plus en plus d'éleveurs de ce côté-là. Pourquoi avoir choisi de soigner des animaux d’élevage plutôt que des animaux domestiques ? P.F. : C'est beaucoup plus stimulant ! Quand vous soignez un chien ou un chat, les gens ont une relation affective avec leur animal. Si vous aimez la médecine humaine, la technicité des actes médicaux, il faut aller plutôt vers ça. Mais si vous aimez l'entrepreneuriat, les relations professionnelles avec les éleveurs, le fait de leur faire gagner de l'argent en même temps que 5


vous en gagnez vous-mêmes, c'est une chose différente. C'est d'abord le côté financier, stratégique, qu'on aborde en premier. Si par exemple vous avez une pathologie récurrente qui arrive dans une exploitation, type problème de déplacement de caillette (quatrième compartiment de l’estomac des animaux ruminants qui secrète la présure servant à la fabrication du fromage, ndlr), pour soigner la vache malade vous allez y passer les trois quarts de votre journée. Si vous avez un troupeau de vingt-cinq vaches, vous allez prendre le temps de la soigner. Si vous en avez cent cinquante, vous allez prendre la vache et l'amener à l'abattoir, parce que vous n'allez pas perdre votre temps à la soigner. En revanche, vous allez vouloir à tout prix éviter que ça recommence. Donc vous m'appelez et moi je fais en sorte que ça n'arrive plus grâce à 6


l'alimentation. Je suis obligé d'avoir une vision économique à long terme de l'exploitation pour fournir un conseil pertinent, et c'est ça qui est gai ! Quand vous êtes devenu vétérinaire, vous saviez déjà que vous vouliez travailler dans les élevages ? P.F. : En fait comme c'est une société familiale, j'ai vécu là-dedans depuis tout petit. J'ai d'abord travaillé en France, en Normandie, pour devenir praticien professionnel. C'est ça qui est frustrant : quand on vous apprend à devenir vétérinaire praticien, on vous apprend à soigner, pas à réfléchir. Donc si vous avez 10% de déplacement de caillette, à cette époque-là, on vous demandait de venir toutes les opérer, pas de vous demander pourquoi ça arrivait. 7


Et ne pourrait-on pas imaginer de faire les deux, soigner et prévenir ? P.F. : Le problème, c'est la méthode de rétribution. Les gens ne sont pas encore capables de donner de l'argent pour de la matière grise. Notre revenu ne vient pas directement du conseil, mais du concentré d’oligoéléments qu'on vend à l'éleveur pour qu'il complète ses rations, ça représente 1%, 2% de l'alimentation, c'est pas grand chose mais on ne pourrait pas se rémunérer que sur du conseil. Je suis vétérinaire, donc je collabore avec mes collègues qui travaillent sur l'exploitation (celui qui vient en tant que dentiste, celui qui s'occupe de la gestation, celui qui s'occupe de l'insémination artificielle...), donc chacun son métier : la perception de la spécialisation des 8


métiers est telle que je ne peux pas sortir de mon activité de conseil en nutrition. Maintenant vous êtes principalement sur du bovin ? P.F. : Bovin 100%. Peut-être encore un client en porc, et on développe aussi la nutrition pour chevaux, mais ce n'est pas pour la viande, c'est pour le sport. Maintenant il ne faut pas oublier que dans toute la recherche sur l'alimentation du bovin, ce qu'on recherche, c'est la performance. Mais attention, ce n'est pas en contradiction avec le bien-être et le confort de l'animal : il faut du bien-être pour avoir de la performance. Pourquoi aujourd'hui ce sont les vétérinaires qui sont obligés de s'occuper de l'alimentation et pas des gens qui sont très spécialisés dans une branche, c'est qu'il faut 9


intégrer tous ces paramètres-là pour dégager de la performance zootechnique qui fera de la performance financière derrière. Tout part de la région dans laquelle on est. Vous allez voir, ici, ce qu'on fait ici dans une grande région de culture, des gens dans le centre de la France ou même dans les Ardennes belges ne sont pas capables de le faire parce que le terrain n'est pas pareil. Dans des régions d'Ardennes ou moins favorisées, qui sont plus sur une base d'herbe, on va avoir des rations différentes : ici on est plus sur des sous-produits issus des grandes cultures. Tout ça fait que l'éleveur doit s'adapter pour tirer le maximum de sa région, de son terroir. C'est ça la différence avec du porc ou de la volaille : ils sont carrément hors sol, donc l'alimentation qu'on va fournir sera exactement la même à 500 km de distance.

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Surtout que la nourriture d'un porc est quand même largement importée... P.F. : Non. Pas vraiment. La majeure partie de l'alimentation d'un porc, c'est des céréales. Mais la différence avec les bovins, c'est que l'alimentation du porc et de la volaille est en grande partie concurrente de celle de l'homme. A l'inverse du bovin qui valorise en grosse partie tout ce qui n'est pas valorisé. En porcs vous devez avoir un équilibre protéique que vous allez chercher dans le soja. Les besoins du porc en lysine sont fort importants, et le soja est une source protéique qui apporte ça, par apport à du tourteau de lin ou des choses comme ça. Donc forcément, ils sont dépendants du soja pour les acides aminés, et ça, ce n'est pas produit localement. Mais en grosse partie, l'aliment porc c'est quand même 70% de céréales. Et ça ne 11


représente pas de fourrage, pas de paille, pas d'herbe, c'est en grande partie ce qu'on appelle des concentrés. Tandis que les bovins consomment du maïs plante entière, des sousproduits, comme des dérivés de la betterave sucrière, des drêches de brasserie (c'est-à-dire le malt fermenté, moins l'amidon et moins les sucres, c'est un sous-produit très riche en protéines de très bonne qualité), des vinasses de betteraves, bref que des choses que personne ne veut utiliser, sauf la vache. Ici, les vaches laitières consomment beaucoup d'herbe, donc la protéine ne vient pas du soja mais de l'herbe. En comparaison avec des vaches laitières qui consomment beaucoup de maïs plante entière, où là on est obligés d'équilibrer avec du soja. Donc au niveau du bovin, on peut être relativement indépendant des achats extérieurs, à condition d'avoir le bon 12


management – et ça, c'est notre travail. C'est d'essayer d'orienter les éleveurs pour faire un minimum d'achats extérieurs, d'utiliser ce qu'ils savent produire. Et ça n'a rien à voir avec le fait d'être bio, on est d'accord. C'est juste l'exploitation de la surface pour en obtenir le plus de revenu. Pourquoi avez-vous décidé spécialiser dans le bovin ?

de

vous

P.F. : Parce que le cochon, ça ne m'intéresse pas du tout. C'est pas marrant, c'est de l'ordinateur... Ce qui est intéressant dans le bovin, c'est justement cette fermentation qui fait qu'on a un rendement extraordinaire avec au départ quelque chose qui ne vaut rien, ou à l'inverse, on pense que ça va aller et ça ne se passe pas du tout de la manière dont on pense, c'est ça qui 13


fait l'expérience. Si une vache mange la même chose mais qu'elle le mange en cinq fois, elle ne produira pas la même quantité de lait que si elle le mange en huit fois... Donc gérer le comportement des animaux en même temps que gérer la composition des aliments, c'est aussi ça, mon boulot. Vous n'avez jamais pensé à devenir éleveur vous-même ? P.F. : Si si, c'était ma première idée. J'ai beaucoup de confrères qui sont devenus éleveurs. Mais je n'ai pas l'accès à la terre, donc je peux faire une croix dessus, je ne peux pas tout commencer de zéro. Mais beaucoup de mes collègues qui étaient fils d'éleveurs sont devenus éleveurs eux-mêmes. J'aime beaucoup ce métier qui demande beaucoup de stratégie, d'intelligence, et puis c'est une histoire 14


d'équipe. C'est tout le temps de la remise en question. Un jour ça réussit, dans trois mois ça peut être la foire... Rien n'est jamais acquis. Ce qu'on conseille aujourd'hui en termes d'alimentation et de marketing, ça n'a rien à voir avec ce qu'on conseillait il y a dix ans. Grâce à la recherche, à l'expérience des éleveurs, à l'observation, au temps... En bovin, c'est un métier très intéressant, très varié, jamais routinier. En porc, toute la filière est intégrée ; nous, on avait des clients qui produisaient leurs céréales, qui avaient un moulin, ils achetaient un peu de farine de viande (parce qu'à l'époque on pouvait encore acheter ce genre de trucs), et on leur fournissait les compléments à mélanger au reste de l'alimentation et à donner à leurs porcs ; mais maintenant c'est fini tout ça. Ils vendent leurs céréales à la coopérative, il y a de grosses fabriques d'aliments qui leur mettent 15


les porcelets dans un hangar qu'ils ont dessiné eux-mêmes, et eux ils n'ont plus qu'à ramasser les crevés, à regarder si tout est bon, si le ventilateur est bon... En termes de technicité, c'est beaucoup moins intéressant d'être éleveur porcin que bovin. Mais quand on voit tout ce qu'il faut faire avant de produire le premier kilo de viande, ça demande vraiment de la passion… Quelles sont vos préoccupations premières lors de l'élaboration d'un programme alimentaire ? P.F. : L'objectif n°1, c'est l'autonomie. C'est de maximiser ce que l'éleveur peut faire chez lui, au niveau de ce qu'il produit mais aussi au niveau du temps de travail. Mais chaque année c'est à refaire. Parce que pour le porc, vous faites une formule ici, vous le donnez à des 16


porcs en Bretagne, si elle marche ici elle marchera là-bas. Pour le bovin, l'herbe du mois de mai n'est pas la même qu'au mois de juillet... Ça demande plus de travail, plus d’interventions, et ça, ça ne peut pas être fait par ordinateur. Ça dépend de la terre, des locaux, de la façon de travailler... Donc on doit se déplacer très souvent chez les éleveurs. Ça consomme beaucoup de main d’œuvre. C'est pour ça que notre société s'est surtout développée sur le bouche à oreille, parce qu'on n'a plus le temps ni de s'occuper de la communication, ni de suivre un grand nombre d'éleveurs. Quelle forme prend votre partenariat avec les éleveurs ? Comment s’organise votre coopération ? Élaborez-vous des programmes alimentaires sur-mesure en 17


fonction de vos clients, ou avez-vous des programmes-types parmi lesquels ces derniers peuvent choisir ? P.F. : Chaque catégorie d'animal a un menu particulier. Une vache qui doit nourrir son veau n'a pas la même alimentation qu'une génisse de douze mois ou qu'un taureau à l'engraissement parce que les objectifs ne sont pas du tout les mêmes. Donc les programmes sont élaborés pour chaque éleveur. Quand on va travailler en France, on essaye de regrouper, parce que c'est quand même loin, mais sinon on vient quand les éleveurs nous appellent. Il y a les grosses périodes : la rentrée à l'étable, la gestation, l'ouverture des silos de fourrage : souvent un ou deux mois après on contrôle les performances qui ont été réalisées suite à ce plan d'alimentation ; et puis après il y a une autre 18


grosse période c'est la mise en prairie, parce que toutes les rations changent ; donc là on a beaucoup d'interventions. Il y a aussi toutes les déviations de performance. Pour un élevage normal, on va dire qu'on y va cinq ou six fois par an. Et le reste du temps, on a des suivis téléphoniques. Vous dites que votre objectif est d'améliorer la productivité des élevages. Mais de quel type de productivité s'agit-il ? Est-ce une augmentation qualitative ou quantitative de la production ? P.F. : Ça dépend de l'éleveur. Si l'éleveur est boucher à la ferme, ou qu'il vend à un boucher local, on va chercher à avoir une qualité extrêmement stable. Donc on va chercher à faire rentrer dans l'alimentation des matières 19


premières qui vont changer le moins possible, peu importe le prix, dans une certaine mesure, parce que le consommateur qui vient en direct veut quelque chose qui soit toujours la même chose : même goût, même couleur, même texture... La question de savoir s'il est meilleur qu'un autre, c'est un autre problème, mais en tout cas il veut que son morceau de viande soit toujours le même, parce qu'il le connaît, il sait que c'est ce qu'il aime. Par contre, si la personne vend de la viande au kilo, on va essayer de maximiser la marge quantitative, c'est beaucoup moins important de savoir si la couleur est différente. Ça demande de gérer aussi la performance de reproduction, parce que c'est une garantie au niveau de la viande... Donc il faut tout gérer en même temps.

Sur la sélection génétique, la modification des races et le choix des races par les éleveurs. 20


Ne trouvez-vous pas choquant qu'on ait créé des races dans le but de les faire coller aux envies alimentaires des Hommes ? P.F. : On ne les a pas créées, on les a améliorées. Je ne vois aucun problème éthique là-dedans, puisque ce n'est pas de la modification génétique, c'est adapter la race aux contraintes qu'on veut lui imposer. Par exemple, on arrête pas de parler de la production de méthane et des gaz à effet de serre, et c'est clair que c'est un problème. Eh bien s'il faut deux vaches pour produire 10 000 litres de lait, la surface nécessaire est plus importante, de même que la quantité de fourrage et la quantité de méthane fournie au litre de lait, donc ça dépend ce qu'on veut... On voit bien que dans ce cas-là, une agriculture extensive produit plus de méthane. En plus dans des pays comme ici, si on 21


n’intensifie pas, il n'y a plus d'agriculture à cause de la place. Le terrain est en concurrence avec l'habitat, avec l'industrie, donc ça oblige à intensifier l'agriculture. Mais sur la modification des races, certaines associations dénoncent un appauvrissement de la biodiversité et des problèmes de santé qui remettent en cause le bien-être animal associés à ces races modifiées, notamment l'incapacité de mettre bas naturellement, la nécessité d'avoir systématiquement recours à la césarienne... P.F. : En fait, justement, des études très bien ont été faites sur le bien-être animal et le stress, qui ont démontré que le stress par césarienne est un problème non pas pour la vache mais pour le veau qui était trop peu stressé à la naissance ! Si 22


on prend le taux de mortalité global en bovin, c'est 2% avec la césarienne, tandis qu'avec les races limousine, charolaise, etc, ça fluctue entre 12 et 17%. Il y a plus de mortalité avec les accouchements naturels qu'avec les accouchements par césarienne. Le taux de cortisol (l'hormone du stress) des veaux qui naissent par césarienne est beaucoup plus faible, même parfois trop. Si on veut qu'un veau ait une bonne activité cardio-respiratoire à la naissance, on peut toujours le pendre, comme on fait avec les bébés, pour dégager les voies respiratoires supérieures. Vous savez, en Belgique, plus de 50% des enfants naissent par césarienne... Les césariennes, c'est un faux problème. La deuxième chose, au niveau des pathologies, c'est toujours la même question : ça dépend ce qu'on veut. Si on veut une alimentation qui représente 10 ou 17% des 23


dépenses d'un ménage sur le mois, on est condamné à avoir quelque chose qui produit. Si demain, le lait qu'on vend à cinquante centimes, on se met à le vendre un euro, un euro cinquante, on ne cherchera pas à avoir de la productivité extrême à condition que le terrain soit disponible. Et puis l'autre avantage de cette race, c'est que ce sont des vaches très calmes, très gentilles. Alors comment expliquez-vous que de plus en plus d'éleveurs reviennent à des races plus traditionnelles ? P.F. : En Belgique, ça a été une catastrophe pour ceux qui ont fait ce choix. Sur un hectare qui vaut 50 000 euros, ce n'est pas rentable du tout. Les seules personnes qui ont fait ça en Belgique l'ont fait pour pouvoir bénéficier des 24


primes en passant en bio. Ils passent en bio pour avoir les primes, en plus ça leur fait moins de travail : il faut moins les nourrir l'hiver, il n'y a pas d'encadrement strict de la nutrition, et puis il y a souvent moins d'animaux... Maintenant, le problème est purement financier. Ce sont plutôt des aménagements de fin de carrière, des gens de 50, 55 ans qui sont propriétaires de leur terrain, sauf que le jour où ils voudront céder leur exploitation, personne ne voudra reprendre un terrain avec des animaux qui ne sont pas rentables par eux-mêmes... Ils sont rentables par les primes, mais pas par euxmêmes ! Pourtant, le prix d'une viande bio est plus élevé qu'une viande lambda... Ça n'équilibre pas au niveau financier ?

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P.F. : Non, parce que la ration qu'il faut acheter pour engraisser un bovin n'est pas fondamentalement différente en bio et en conventionnel. Le problème c'est que pour faire de la viande bio il faut acheter des céréales bio, qui coûtent beaucoup plus cher que des céréales traditionnelles. Donc la marge que vous dégagez sur un kilo de viande vendue est la même. Sauf que vous avez besoin de beaucoup plus de surface pour produire tout ça. Dans ce cas, quel est l'intérêt des éleveurs à passer au bio ou à retourner vers des races plus traditionnelles ? P.F. : Les subventions. C'est pas l'éthique qui les motive, c'est uniquement des problèmes financiers. Mais attention, ça n'a rien à voir avec la qualité de la viande. Je serais toujours 26


curieux de faire un test à l'aveugle avec des gens entre de la viande bio et non bio et de voir laquelle ils choisiraient. Le but de l'éleveur bio c'est de ne pas faire de frais, donc il doit acheter le moins possible. Ce sont des logiques économiques complètement différentes. Ceux qui sont en fin de carrière sont prêts à faire des sacrifices économiques pour avoir moins de travail. D'autant que c'était souvent des gens qui n'étaient déjà pas très productifs en conventionnel parce qu'ils ne mettaient pas suffisamment d'énergie dans leur travail, donc ils passent bio pour avoir des primes. Bon, alors c'est sûr, il existe aussi des éleveurs qui sont bio depuis longtemps, vingt-cinq ans, et qui eux ont eu une démarche réellement éthique. Mais ça, c'est un pourcentage infime. L'appauvrissement de la biodiversité qui 27


découle des modifications génétiques des races ne vous semble pas problématique ? P.F. : Si, mais ça, c'est à l’État de s'en occuper. Il faudrait créer un laboratoire de conservation des races, indépendamment du business de la viande. Un peu de la même façon que les zoos. On pourrait très bien subventionner dans telle ou telle région certaines races pour les préserver, mais la production alimentaire, c'est autre chose. Ce serait de la production à perte. C'est comme dans la culture : on entretient bien des bâtiments qui ne sont pas du tout rentables ! Il a des sous, l’État, pour ce genre de choses. Nous, on est dans un métier qui est là pour nourrir les gens, pas pour conserver le patrimoine culturel. C'est pas au secteur privé de s'en occuper, c'est à l’État. Je suis pas en train de vous dire qu'il faut que tout le monde 28


mange de la Blanc-bleu : la Charolaise, la Salers, si elles sont dans leur berceau, avec le terroir qui leur faut et les consommateurs à la clef, tant mieux ! Mais on ne peut pas demander aux éleveurs de vivre avec une Salers et son veau à l'hectare, ils ne pourraient jamais. Tout doit être fait en fonction du terroir. C'est l'Europe des régions et l'adaptation des races au terroir. La raison pour laquelle la Blanc-bleu marche au nord de la France, c'est parce que ce sont des régions de cultures, ils n'ont pas la place pour faire des races plus traditionnelles.

Sur la question du bien-être animal et de la diminution de la consommation de viande. Que pensez-vous des associations qui militent pour le végétarisme pour des raisons d'éthique et de bien-être animal ? 29


P.F. : Le problème, c'est de savoir ce qu'on veut. Au niveau de l'alimentation humaine, il faut quand même un certain équilibre : la consommation de viande est nécessaire. La manière dont on la produit, c'est un autre débat. Mais je ne suis pas certain qu'au niveau de la santé humaine, la production végétale soit mieux encadrée que la production animale. Je ne planterais jamais une salade dans mon jardin, moi ! Je vis à côté d'un aéroport, si je mange la salade de mon jardin, je serai plus malade qu'en mangeant une salade élevée sous serre et achetée dans un supermarché... Certes, mais votre salade n'éprouvera sans doute pas la même souffrance qu'une vache... P.F. : Qu'est-ce que c'est que la souffrance animale ? De toute façon, si vous voulez de la 30


performance, vous êtes condamné au bienêtre. Si je prend l'exemple d'une vache laitière, si elle n'est pas couchée suffisamment dans sa journée, il y a 20% de sang qui passe en moins dans sa mamelle, donc la production laitière est inférieure. Donc si la vache est entravée dans son déplacement, si elle ne mange pas suffisamment, la conversion de son alimentation en lait sera mauvaise. Enfin, si on regarde les élevages de porcs, on ne peut pas vraiment dire que le bien-être soit au cœur des préoccupations des éleveurs... P.F. : Le porc, c'est autre chose. En bovin, si vous ne faites pas du bien-être, vous n'aurez pas de performance. J'ai des clients qui ont cent cinquante vaches, ils traient six mille litres par 31


jour : s'ils enlèvent huit vaches, le reste se sent mieux, a plus de place, moins de conflit entre les animaux, il y aura plus de lait et il sera meilleur. Tout ce qu'on fait pour améliorer leur confort sera bénéfique pour l'éleveur. Maintenant, la question de savoir s'il faut manger de la viande ou boire du lait, il faut plutôt la poser à des réels médecins nutritionnistes. Au niveau de l'équilibre alimentaire, je ne vois pas comment on peut se passer de protéines si on veut la même espérance de vie. Et puis tout ce qui est végétal n'est pas forcément bon ! C'est sûr. Pour autant, beaucoup de gens militent pour une consommation au moins réduite de viande, on sait qu'aujourd'hui on en mange trop, surtout dans les pays en voie de développement...

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P.F. : C'est vrai, mais on mange plus de porc et de volaille que de bovin. Donc c'est un problème de comment on gère les ressources, c'est comme pour les biocarburants. Le porc et la volaille sont concurrents de l'Homme, c'est ça le problème. Mais ça fait de la protéine animale pas chère. Jusqu'à quand, c'est autre chose... On sait qu'en termes de calories nécessaires pour produire un kilo de viande, si on utilisait le même nombre de calories pour produire des aliments végétaux, on pourrait produire beaucoup plus et donc nourrir beaucoup plus de monde... P.F. : Un bovin, on lui donne de la cellulose, de l'énergie, et lui il fabrique de la protéine animale : ça n'a rien à voir avec une céréale. Vous ne pouvez pas nourrir des gens rien qu'avec des 33


fruits ou du pain. Il y a un paquet de gens qui seraient déjà contents d'avoir des fruits ou du pain ! P.F. : C'est clair, mais pas dans les sociétés occidentales. C'est un autre problème, c'est la question du prix des céréales. Si on enlevait déjà les céréales qu'on utilise pour les biocarburants, on en aurait déjà une certaine dose supplémentaire pour nourrir l'humanité ! Mais si on utilisait une grande partie des terres qui sont dévolues à l'alimentation du bétail pour l'alimentation humaine, ça résoudrait aussi le problème... P.F. : Sauf que toutes les terres ne peuvent pas fournir de l'alimentation humaine, surtout ici. Ce 34


n'est pas labourable. La question se pose sur les régions de grande culture, et encore ! Toutes les terres labourables sont déjà destinées à l'alimentation humaine. Surtout que la quantité de céréales nécessaires à l'alimentation d'un bovin est minime comparée à celle dont ont besoin les porcs ou les volailles. Dans ce que vous allez donner à manger au bovin, il va détruire une bonne part de la cellulose, il va détruire ce qui est assez dur par une flore, et c'est cette flore-là qui produit de la protéine microbienne qui va servir à faire du lait ou de la viande. La proportion de céréales là-dedans est minime. Une vache de sept cent kilos mange moins de céréales qu'un porc qui en fait cent dix !

Sur les labels, l'interdiction des antibiotiques préventifs, l'impact des scandales alimentaires. 35


Que pensez-vous des labels attribués à la viande, y voyez-vous un réel gage de qualité ? P.F. : Chez nous, les labels ont eu la belle époque dans les années 1995 – 1998, avec la grosse crise de la viande qui était due à une surproduction. Les vaches valaient à peu près la moitié de leur prix actuel. La production de viande était très mal en point, et à ce momentlà, la viande labellisée gardait un prix relativement élevé malgré les contraintes administratives, les contraintes de production, et a eu un relatif succès. Mais maintenant que les gens vendent leur viande à un bien meilleur prix, les labels disparaissent les uns après les autres. C'est différent en France, on n'a pas les mêmes labels. En France, les labels sont plus que nécessaires. La filière est très structurée chez vous, donc ça assure un revenu constant 36


et régulier, surtout pour des productions un peu marginales et atypiques. Ici, au niveau du consommateur, ça n'a pas d'importance parce que la grosse majorité des élevages sont intensifs. Il n'y a pas de différence entre une viande label et une viande traditionnelle. En France, je ne sais pas si c'est un gage de qualité, mais en tout cas, c'est un gage de constance et de régularité du produit. Pour la qualité... Qu'est-ce que c'est que la qualité ? Ça se discute... Le label garantit que le gars qui va acheter un morceau de viande Label Rouge à Limoges va retrouver la même chose qu'à Lille, mais ce n'est pas le cas du label bio par exemple. Ça dépend de la manière dont est construit le label. Claude Piron de Borlez : Ils vont trop loin, dans le label bio. Une personne malade, elle va bien 37


se soigner avec des antibiotiques ! Alors si le consommateur veut bien prendre des médicaments, pourquoi il m'interdit, à moi, de soigner ma bête qui est malade ? P.F. : En termes de qualité nutritionnelle, forcément, le bio sera meilleur qu'un autre, il respectera un cahier des charges. De là à dire qu'il sera meilleur qu'un autre, qualitativement, c'est pas vrai. Il n'y a plus d'antibiotiques dans la production de bovin, même en traditionnel, c'est beaucoup trop réglementé. L'interdiction des antibiotiques à dose sub-thérapeutique dans l'alimentation européenne n'a pas fait baisser la consommation globale d'antibiotiques. La différence, c'est qu'on en met à dose thérapeutique sous prescription. Mais en quantité, ça n'a pas baissé, en tout cas en production industrielle (donc porc, volaille, 38


aquaculture, tout le bazar...) Mais dans l'élevage bovin, c'est 0. Dans tout ce qui est production de bovin, de lait... La consommation d'antibiotiques est nulle. C. PDB. : Et ça c'est encore un problème lié à la traçabilité... Quand on a une bête qui se casse une patte, qui se blesse, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on va savoir la sauver ? Si on sait la sauver, on commence un traitement, mais si on commence le traitement et que ça ne va pas, on a investi des frais dessus, c'est une perte totale. Donc qu'est-ce qu'on fait, on va laisser tomber. On va attendre et voir ce que ça donne, si elle guérit d'elle même. Ou si ça ne va pas, si ça traîne un petit peu, une fois qu'elle a bien souffert, sans antibiotique sans rien parce qu'on n'oserait pas... Parce que de toute façon il y a des vétérinaires dans les abattoirs, ils voient 39


tout de suite une bête qui n'est pas tip top en bonne santé, donc s'ils voient qu'il y a un peu du sang au niveau de l'encolure, il lui fait une piqûre et si on retrouve des antibiotiques, ou quelque chose qui ne devrait pas se trouver dans la chaîne alimentaire, c'est des pénalités pour nous, on reprend toutes les cartes de l'éleveur, on lui met « résidus ». Et après c'est toutes les bêtes qui sont contrôlées pendant un an. C'est un bazar fou... P.F. : Toutes bêtes qui vont à l'abattoir sont contrôlées. Autrement dit, sur le plan du bien-être animal, cette interdiction des antibiotiques a des effets inverses de ceux qu'on souhaitait au départ...

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C. PDB. : Oui. Tenez, trois jours plus tôt, j'ai un taureau qui était sur trois pattes, et je ne lui ai rien fait. Il a eu ça le jeudi ou le vendredi avant Pâques. P.F. : C'est ce que j'expliquais tantôt. Il ne faut pas que le traitement coûte plus cher que le rendement qu'on peut en avoir. Si Claude voit son taureau comme ça, avec sa hanche ou sa patte de travers, médicalement parlant on pourrait faire quelque chose, mais vu ce que ça va coûter on préfère parfois envoyer un peu plus vite à l'abattoir. C. PDB. : Avant, on piquait, on intervenait tout de suite. Mais peut-être que ce n'était pas une bonne idée, parce que c'est sûr que les résidus se retrouvaient dans la chaîne alimentaire, peut-être qu'il y a eu abus, ça moi je ne sais pas. 41


P.F. : La salubrité des aliments qui sortent de la chaîne est bonne, meilleure qu'il y a quarante ou cinquante ans, ça c'est certain. Maintenant, ça c'est la salubrité. En ce qui concerne la qualité ce n'est pas la même chose. C'est subjectif de quelle qualité est-ce qu'on parle. C. PDB. : Aujourd'hui le métier est beaucoup plus contraignant, restreignant de paperasserie. Et puis c'est pratiquement impossible d'être aux normes, puisque par définition ce sont des bêtes qui vivent... Si on cumule toutes les heures de tout le monde, on est quasiment à une journée complète de travail pour faire de l'administratif. P.F. : Après c'est sûr que ça se répercute sur le consommateur, c'est lui qui paye les pots 42


cassés. Si on regarde le nombre d'intoxications alimentaires et de maladies dues directement à ce qu'on mange, c'est quand même pas fréquent.

Sur l'impact des scandales alimentaires et de la réglementation européenne sur les pratiques d'élevage et le métier de vétérinairenutritionniste. Votre travail a-t-il subi l’impact des différents scandales sanitaires liés à la viande ? Vos relations avec les éleveurs a-t-il évolué ? P.F. : Oui, surtout au niveau de la traçabilité. Par exemple, en 1999, la crise de la dioxine a fait qu'on s'est vus imposer l'obligation de détailler la composition de nos aliments, et surtout de tracer les lots de matière qui rentrent dans la composition. Je dois pouvoir dire où sont partis 43


tous mes compléments. A notre échelle, ça nous a quand même mis de grosses contraintes : ça représente une unité de main d’œuvre supplémentaire. Mais ça nous a aussi permis, au niveau qualitatif, de faire beaucoup plus attention au niveau de nos politiques d'achats. On privilégie toujours les sites de productions européens parce qu'il y a beaucoup de produits qui sont importés d'Europe. Mais les Chinois se sont engouffrés là-dedans. Ils produisent des matières souvent à bas coût, mais qui sont beaucoup plus douteuses au niveau qualitatif. Donc nous, comme éthique et comme diminution de risque, on cherche toujours à acheter dans des sociétés connues même si elles sont plus chères, car le risque est trop grand. Les lois et normes européennes ont-elles 44


renforcé cet effet ? P.F. : Oui, beaucoup. Il y a deux choses : du côté zootechnique, comme les élevages ont beaucoup grandi, les normes européennes ont fait que le besoin d'encadrement est beaucoup plus important que quand les élevages n'avaient que vingt-cinq vaches. La manière de les nourrir, de s'en occuper, n'est pas la même. Donc en ça, ça a permis de développer notre activité. Ça nous a fait beaucoup évoluer aussi. Par exemple, sur la race Blanc-bleu-belge, la science nous a permis de changer complètement notre façon de les nourrir parce que les gens sont en recherche perpétuelle du meilleur rendement à l'hectare. Ici, l'hectare coûte 50 000 euros, en Flandre ça peut aller jusqu'à 70 000 à 80 000 euros, donc vous comprenez bien qu'on ne peut pas faire paître 45


une vache et son veau à l'hectare... Tout ça a fait que la Blanc-bleu est une vache très précoce : elle a son premier veau à 2 ans, elles fait généralement deux ou trois veaux, et après elle part à la casse, ça tourne très vite. C. PDB. : Le problème des consommateurs, si on prend l'exemple de la grippe aviaire : à un moment donné on a dit que ça allait peut-être arriver, on prévoit d'avoir une certaine crise, donc que les prix vont augmenter. Le consommateur, s'il est un peu intelligent, il devrait se dire c'est bien, le prix d'aujourd'hui n'est pas trop cher mais le prix va augmenter, il devrait se ruer sur la viande et la stocker dans son congélateur pour anticiper l'augmentation des prix. Mais non ! Qu'est-ce qu'il a fait ? Il a arrêté d'acheter. Quand un médecin décèle une maladie, le malade ne va pas s'engueuler avec le 46


docteur, il va être content parce que le docteur a trouvé sa maladie et va le guérir ! Et dans la chaîne alimentaire, quand on trouve quelque chose, le consommateur au lieu de dire « Magnifique ! On a trouvé quelque chose et ce n'est pas passé : c'est donc que les contrôles sont bons ! Je me fie aux contrôles et j'avance dans ce sens », et bien au contraire il change, il ne mange pas la même viande ou même il arrête d'en manger... En France, après la crise des lasagnes à la viande de cheval par exemple, les gens se sont massivement déportés sur de la viande labellisée. Vous ne pensez pas que les labels ou les certifications peuvent jouer un rôle suite aux crises alimentaires pour rassurer les populations ?

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P.F. : Ce sont des effets sporadiques... Ça dure six mois, et puis les gens reprennent leurs habitudes. Les habitudes de consommation alimentaire sont quand même relativement difficiles à enlever. La majorité des gens, ceux qui mangent de la viande tous les jours, je ne suis pas sûr que l'éthique ou les méthodes de production soient au cœur de leurs préoccupations. Ça intéresse une petite frange de la population très cultivée, mais l'ouvrier d'Arcelor-Mital, quand il va manger son hamburger au football le samedi soir, je suis pas sûr qu'il se pose ces questions... Tout ce qu'il veut c'est que ça ne lui coûte pas trop cher. Sauf que ça lui coûte cher au bout du compte, mais il ne le sait pas, il va payer son hamburger 2 ou 3 euros et il est content.

Sur la différence entre les modèles d'élevage intensif et extensif. 48


Les élevages avec lesquels vous travaillez appartiennent-ils plutôt au type intensif ou extensif ? Est-ce que cette donnée vous importe ? P.F. : En France, l'élevage bovin est encore relativement extensif, ce n'est pas pareil qu'en Belgique, parce qu'il y a un terroir plus favorable à l'élevage intensif. Tout à l'heure vous verrez des Blanc-bleu, c'est une race intensive par excellence, c'est-à-dire qui produit beaucoup de viande sans beaucoup manger. En France, le gars qui passe de Charolaises, Limousines, à la Blanc-bleu, il va pleurer parce que ça n'a rien à voir ! Les veaux sont beaucoup plus musclés, les techniques d'alimentation, les besoins des mères ne sont pas du tout les mêmes, les veaux sont plus fragiles parce que plus musclés... 49


Leurs besoins en énergie sont beaucoup plus importants : si la mère n'a pas beaucoup de lait, ça va beaucoup plus impacter ces veaux-là parce que leurs besoins énergétiques globaux sont plus importants. Par exemple, les besoins en antioxydants de ces races-là sont le double ou le triple de ceux des autres races. Maintenant, quand ce veau va grandir, il consommera moins de fourrage, moins d'intrant, pour faire plus de viande. Mais la technicité nécessaire pour faire ça est beaucoup plus importante que pour une vache lambda. On est obligé de faire des croissances importantes, donc on doit surveiller l'alimentation des génisses de très près, les animaux doivent être en permanence en train de grandir, donc il faut les surveiller tout le temps. Les Blanc-bleu vêlent à deux ans, ce qui est impossible dans les races traditionnelles. Donc pour cent veaux que 50


vous voulez faire naître par an, si vous vêlez à deux ou à trois ans, la taille de votre cheptel ne sera pas la même, parce qu'un an de différence implique que vous ayez 50, 60 femelles en plus à nourrir pour le même nombre de veaux : ça a des incidences sur toute la rentabilité de l'exploitation. Donc quand vous qualifiez un élevage d'« intensif », vous vous référez uniquement à la race Blanc-bleu-belge dont les caractéristiques sont intensives, ou est-ce que le mode d'élevage peut être lui aussi qualifié d'intensif ? P.F. : Bien sûr, il doit l'être, ce qui condamne à avoir ce type de race. Pour moi, la différence entre un élevage intensif et extensif, c'est la production rapportée à la surface, en étant en 51


autarcie sur la partie du fourrage. L'intensivité viendra de la production de viande par unité de surface. À voir les clients français, ça arrive petit à petit chez vous aussi. En Aveyron, les hectares sont maintenant à 9 000 ou 10 000 euros, ça augmente. Ça n'a encore rien à voir avec les prix des hectares en Belgique, mais ça arrive, petit à petit. La réflexion et l'évolution de la production agricole devra s'adapter à ça, la terre n'est pas extensible. C'est pas une question de positif ou de négatif, c'est une question de souveraineté alimentaire. Parce que si on produit moins, les gens ne vont pas consommer moins pour autant, donc on va être obligés d'importer, c'est tout. La viande produite ici est très chère, la Blanc-bleu est plus chère, parce qu'elle est plus rare, plus chère à produire sur des hectares plus chers.

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Donc la question du succès de la Blanc-bleu au nord mais pas au sud de l'Europe s'explique seulement par des questions de prix des terrains ? P.F. : Oui, et puis les goûts ne sont pas les mêmes selon les pays : en Allemagne on mange plutôt de la femelle, à Bruxelles on mange plutôt du mâle... Les gens choisissent à l’œil. Les mâles sont tués plus jeunes (à 18 mois) donc ils sont moins gras et plus clairs par exemple. La femelle est plus colorée. La race Blanc-bleu est plus pauvre en graisse, il y a plus d'oméga 3 que d'oméga 6, elle est plus tendre, donc elle est meilleure pour la santé. On a eu des offensives de Carrefour qui voulait promotionner d'autres types de viande, sauf qu'au niveau de la valorisation des carcasses, il y avait quelques morceaux qu'ils arrivaient à vendre mais dès 53


qu'il y a un morceau de gras ou un nerf, ça ne se vend pas ! Donc c'est aussi un marché local particulier. En France, c'est pas pareil, les gens préfèrent une viande plus foncée, c'est pour ça que les taurillons blanc bleu ne se vendent qu'au nord nord de la France, parce qu'elle est plus claire. C'est pour ça qu'ils essaient de faire un Label Rouge pour vendre les taurillons. Pour l'instant, en France, ils font surtout des bœufs, ce qui ne se fait pas du tout ici, parce que cette viande colle beaucoup mieux à ce que les gens veulent. Et quelle viande est utilisée dans les steaks industriels ? P.F. : Attention, les steaks industriels que vous voyez, c'est pas la même chose, c'est les déchets de la viande, l'avant des carcasses. Ils refont des 54


pains de viande avec tout ce qui reste après la découpe, ils mettent ça dans un gros boudin, ils congèlent, et voilà. C'est pour ça qu'il y a eu la viande de cheval ! C'est parce que quand vous voyez ces pains de viande, pour faire la différence entre un pain de viande de bœuf et un pain de viande de cheval, faut déjà y regarder à deux fois... Le seul moyen de savoir ce que vous mangez, c'est d'aller dans les commerces de proximité : le mieux c'est même qu'on passe le steak à la moulinette devant vous... Mais là votre hamburger va pas vous coûter 3 euros. Et même quand vous allez dans les bons restaurants, votre steak haché, impossible de savoir ce que c'est exactement.

Sur la question de la traçabilité et des subventions allouées aux éleveurs. Autrement dit, on vous force à tout tracer, 55


mais le consommateur lui ne sait toujours pas ce qu'il mange ni d'où ça vient ! P.F. : Le problème, c'est qu'on a pris la chaîne à l'envers. Un agriculteur comme Claude, ou moimême, nous sommes obligés de tracer tout ce qu'il fait, mais le problème, c'est qu'au niveau de la cheville, la traçabilité se fait jusqu'à un certain point mais pas plus loin. C. PDB. : Le but premier de la traçabilité, c'est de pouvoir se dédouaner en cas de problème. Quand tout va bien on s'en fout, mais dès qu'il y a un problème, on peut dire « c'est pas moi, c'est lui » ! Autrement, ça sert à rien. Quand on a un circuit court et qu'on fait de la qualité, ça sert à rien. Moi, je ne sais pas où va ma viande. Je travaille à la commission avec un marchand, mais après, je ne sais rien. Je travaille plutôt en 56


circuit long, ma viande va en grande surface. J'ai un marchand de bêtes qui s'occupe de dispatcher la viande à la cheville, il travaille comme un avocat pour moi. Il fait l'intermédiaire entre moi et la cheville, c'est-àdire les personnes qui dispatchent la viande à la grande surface. P.F. : Et encore, il y a les abattoirs qui n'appartiennent pas à la cheville ! La cheville exploite les abattoirs... Le marchand règle le transporteur, qui apporte les bêtes à la cheville qui abat ça dans son abattoir, puis revend à la grande surface. Et puis le marchand s'occupe de tout ce qui concerne les prix, les finances... Parce que l'éleveur n'a pas le temps de s'occuper de ça. C'est vraiment un partenariat. C. PDB. : Et puis les grandes surfaces, il y a 57


celles qui font du bas de gamme et celles qui font du haut de gamme... Par exemple chez Aldi, ils vont préférer les avants. Il y a aussi la question de la période de l'année : là on va arriver en période de barbecue, donc il y a de la demande pour les morceaux nobles, les arrières, donc il va rester plus volontiers des avants pour la fabrication, les plats cuisinés... Parfois ils ne prennent qu'une demi-carcasse parce qu'ils ont de la demande pour les avants ou les arrières... P.F. : Les grandes surfaces n'ont pas le temps d’étiqueter toutes leurs barquettes avec l'origine de la viande et tout. Ils mettent seulement des numéros de lots. Normalement ils sont tenus de le faire, mais en réalité ça leur coûterait trop cher...

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C. PDB. : Mais en même temps le consommateur n'a pas besoin de savoir d'où vient la viande... Ce qu'ils veulent c'est une certaine homogénéité dans ce qu'ils mangent. Après c'est aussi le boucher qui va faire maturer la viande, vérifie qu'elle évolue bien, il va faire son métier quoi. Mais en grande distribution, ils n'ont pas le temps de faire ça. P.F. : C'est un choix de consommation, mais c'est sûr que la grande distribution restera l'alimentation de masse, standardisée. Et puis après, il restera les artisans à côté, pour ceux qui voudront mettre le prix. C. PDB. : Un autre problème sur les primes qu'on touche, c'est que le consommateur ne se rend pas toujours compte. Oui, l'agriculture est fort subventionnée, mais il faut quand même 59


bien savoir que si nous autres on nous permet de travailler entre guillemets « à perte » parce qu'on nous donne des primes, c'est quand même le consommateur qui s'y retrouve après, parce qu'il se retrouve à avoir de la viande à un certain prix. P.F. : Il faut avoir une vue vraiment globale pour comprendre pourquoi on fait les choses, et ce que le grand public en retire. C. PDB. : Il y a à peu près une dizaine d'années, on avait fait le calcul entre les primes que je touchais uniquement pour la circulation de viande, par rapport au kilo sur une carcasse que je vendais, on était pratiquement à un euro, un euro vingt de subventions. Est-ce que le consommateur est prêt à payer sa viande – parce que là c'est un kilo carcasse, c'est pas 60


encore un kilo vendu ! – faudrait faire la proportionnelle, probablement 2 euros, 2 euros 20 plus cher pour qu'on ne nous donne pas de prime… ? Donc on en revient toujours à la même question, celle de savoir si la viande doit demeurer un produit de consommation courante ou redevenir un produit « de luxe » comme c'était le cas il y a quelques décennies... Parce que si vous mangez de la viande une fois par semaine, mettre 2 euros de plus par kilo, c'est moins problématique que si vous en mangez deux fois par jour. P.F. : Le problème, c'est de savoir... Est-ce qu'on doit se payer un ou deux morceaux de viande sur la semaine ou si on veut avoir une merdouille tous les jours... 61


C. PDB. : Celui qui est content de manger qu'une fois de la belle viande, enfin ce qu'il croit être de la belle viande – parce qu'en grande surface, on n'est même pas encore certain... - et qui est prêt à le payer plus cher, il n'y en a pas beaucoup. Il y a quand même d'autres choses que la viande, à manger, dans la vie... P.F. : Oui... Le poisson ? Mais si vous parlez d'aquaculture, vous savez, tout ce qui a été interdit sur la viande bovine et porcine est volé par l'aquaculture. Il y a une dose incroyable d'antibiotiques là-dedans... Et on prône le poisson ! Ils sont tellement nourris avec des sous-produits, farine de viande etc, que leur profil en graisse est plus déséquilibré que ce qu'on a dans la viande bovine ! Et au niveau 62


mondial, l'aquaculture est devenu le numéro 1 au niveau production en tonnage d'aliments pour bétail. Tout le reste c'est rien du tout par rapport à l'aquaculture. Les consommateurs, on les mène par où on a envie... Il y a tellement d'enjeux économiques majeurs en aquaculture qu'on a intérêt à ce que les gens mangent du poisson ! L'argent que génère l'aquaculture au niveau mondial est bien plus important que le marché de la viande. Ça arrange beaucoup de monde...

Sur la responsabilité d'une entreprise comme Alfra, l'agréation et le système GMP. Depuis 2003, soit deux ans après votre arrivée au sein de l’Alfra, la société a adhéré au système qualité GMP, une certification établie par la Commission européenne ou par 63


les États et qui garantit la qualité des produits que vous développez. Pourquoi avez-vous choisi d'adhérer à cette certification ? P.F. : Après la crise de la dioxine, au niveau fédéral on a obligé les entreprises d'avoir une agréation, pour gérer la traçabilité, etc. Ça a modifié très fort les pratiques au niveau du secteur de l'alimentation animale : pour vous donner une idée, il y a plus de traçabilité en alimentation animale qu'en agroalimentaire. Par exemple, si vous allez demander chez Carrefour : vous avez abattu une bête n° untel, vous l'avez découpée en petits morceaux, dites-moi où les petits morceaux ont été vendus, ils savent dire dans quel centre de distribution c'est arrivé, mais après... ceinture. Pourquoi ? Parce que ça leur coûterait très cher de faire la traçabilité 64


jusqu'au bout. Mais il n'y a pas de réglementation là-dessus ? P.F. : Si, bien sûr ! Mais personne ne la fait respecter. Si vous prenez par exemple au niveau d'une étiquette, si par exemple je mets de l'huile de soja dans un aliment granulé, je suis obligé de mettre « huile de soja » dans la composition, je peux pas mettre « huile végétale ». En alimentation humaine, on peut toujours écrire « huile végétale », et ce sera encore le cas pendant un bon bout de temps... Moi je suis obligé de mettre les pourcentage des composants de la composition. Toute cette traçabilité a été due à l'agréation suite à la crise de la dioxine. Et puis est arrivé de Hollande un organisme qui a décidé que ce n'était pas 65


encore une garantie suffisante, donc l’État a décidé que ce serait une bonne chose d'avoir des systèmes de certification privés. Donc en plus de l'agréation est venue se greffer la certification GMP, parce que bon nombre d'entreprises, surtout en Hollande, voulaient que leurs fournisseurs adhèrent à ce système de qualité en plus de l'agréation. Et puis après est arrivée la QFL, la « Qualité Filière Lait », ils ont également obligé leurs fournisseurs à être GMP. Donc non seulement on devait être GMP pour des pré-mixes qu'on fait pour d'autres fabricants d'aliments, mais aussi pour des produits qu'on vendait directement en ferme. Ça a encore été une deuxième chose. Le système s'entretient, et ce qui est pervers làdedans, c'est que le gars qui est GMP ne peut plus acheter que des aliments qui sont aussi GMP. A un moment donné, on a eu des 66


fournisseurs en France à qui on a été temporairement obligés d'arrêter d'acheter parce qu'ils n'étaient pas GMP. Donc euxmêmes ont été obligés de devenir GMP... C'est un truc qui génère un business fou. Mais le GMP n'apporte rien de plus que l'agréation sauf une contrainte supplémentaire. Comme disait mon maître de stage, ce genre de truc, ça ne dit pas que vous faites des choses de meilleure qualité, mais que si vous faites de la merde, elle est la même tous les jours ! Il faut savoir que la crise de la dioxine a été une super crise politique, le gouvernement a sauté, etc. Donc ils ont déjà mis en place l'agréation, mais comme eux devenaient carrément responsables de tout à ce moment-là, ils ont délégué une partie de l'auto-contrôle au GMP, donc finalement si ça pète encore, le politique sera à l'abri, et ce seront les gars en dessous qui vont trinquer. 67


Qu'est-ce qu'un élevage responsable ? Dans notre étude, nous essayons de cerner la définition d'un élevage responsable selon la vision des différentes personnes que nous interrogeons. Pour certains, les réponses sont radicales : certaines associations nous ont dit qu'aucun élevage ne pourrait être responsable, puisqu'il s'agit d'exploiter et de maltraiter les animaux pour satisfaire les envies de l'Homme... Et vous, quelle serait votre définition ? P.F. : On essaye toujours d'opposer les gens ou les modes de production. De toute façon, l'élevage se doit d'être responsable. Il ne fait jamais que répondre à la demande d'une société. Le jour où les consommateurs 68


choisiront de ne plus manger de viande, l'élevage s'arrêtera, point à la ligne. Donc pour vous, la responsabilité est prioritairement une responsabilité vis-à-vis du consommateur ? P.F. : Et de la société en général. Maintenant la question est de savoir ce que le consommateur veut. Parce que tout ça a des implications en termes de bien-être du consommateur, son autonomie financière... Si le consommateur veut que l'alimentation ne représente que 10 à 15% de son budget, il va falloir être très vigilant. Si on regarde les années 1960-1970, l'alimentation représentait beaucoup plus que ça ! Donc il faut savoir ce qu'on veut. Le jour où on arrête la production de viande, je crains qu'on soit obligés d'importer massivement 69


parce que le consommateur ne voudra pas changer ses modes d'alimentation. C'est pareil que l'huile de palme, qu'on a développée à fond parce qu'on a décrété que les huiles animales étaient mauvaises pour la santé. Donc on a voulu soutenir les huiles végétales, sauf qu'on n'a pas encouragé les huiles comme l'huile d'olive ou autres, bonnes pour la santé, parce qu'elles étaient beaucoup trop chères, et donc voilà comment on s'est mis à mettre de l'huile de palme partout, qui est une catastrophe pour la santé. Résultat, les gens ont une peur panique du beurre alors que les diabètes de type 2 ont augmenté de manière vertigineuse, et ça c'est une conséquence de ces décisions-là. C'est pareil pour l'élevage. Pour moi c'est vraiment l'implication de la communauté scientifique pour tordre le cou à tout ce qui peut être pseudo sensationnel. La conséquence de tout 70


ça, c'est qu'on réoriente la production dans des directions vraiment inquiétantes. Et puis parfois les décisions que l'on prend au nom du bienêtre animal font le contraire de leur objectif premier : prenez le cas de la césarienne dont je parlais tout à l'heure... Alors si on arrête la césarienne, c'est pas compliqué, on va retourner à 14% de mortalité à la naissance, et avec une mortalité de la mère aussi ! On peut en parler, du bien-être animal... Par contre pour ses propres enfants, alors là non, on préfère la césarienne... Il faut faire attention à tout ce tralala autour de la mécanisation. Le problème c'est qu'on n'interroge jamais les professionnels, on demande toujours aux lobbyistes...

Annexes : Sur l'avenir des éleveurs. Comment voyez-vous le futur pour le métier 71


d'éleveur ? P.F. : Ce qui va poser un gros problème dans les 10 prochaines années, c'est la succession. Parce que sur une génération, l'augmentation du capital foncier sur les exploitations est énorme. Quand vous prenez ici un hectare qui vaut 50 000 euros, si vous empruntez pour l'avoir, admettons que vous l'amortissez en vingt ans, même en faisant pousser du blé à 250 euros la tonne, à dix tonnes par hectare, pendant vingt ans, vous ne payez jamais les 50 000 euros. Donc ce qui se passe dans le nord de l'Europe, c'est des spéculations foncières, ce sont des gens qui auront beaucoup de mal à faire des successions. Les hectares n'arrêtent pas de monter en prix parce qu'il y a une vraie pénurie de terrain, même si c'est difficile à comprendre pour un Français ! Et encore, c'est encore pire en Hollande ! Et puis ça devient des capitaux colossaux... Le gars qui a 100 hectares à 50 000 72


euros, plus du matériel et des bêtes... Vous imaginez... Mais le rendement est encore trop faible et trop fluctuant pour intéresser les gens de la grande finance. Donc gros capitaux, pas de rendements... Plus ça grossit et moins c'est rentable, donc ça va être très difficile en termes de succession, surtout que les banquiers ne veulent plus prêter parce que les risques sont trop importants. Il y a un vrai risque d'effondrement de la production. Quand il y a eu la crise de 1929, toutes les grosses structures se sont faites couper en morceaux. Et pendant 50 on a essay2 de tout reconcentrer pour que tout soit transmissible. Pour réussir à transmettre de telles exploitations il y a deux solutions : soit obtenir un rendement beaucoup plus important si le prix du kilo de viande augmente beaucoup, soit les couper en morceaux pour que les banques acceptent de prêter. C'est clair que ça aura un impact sur le type d'élevage, ils auront une taille plus humaine. Et si vous regardez tous les types d'entreprises, on est à 80 vêlages par 73


couples, y compris pour les gros élevages : donc les gains en termes de charges fixes ne baissent pas parce que vous êtes gros. Parce que tout ce qu'on fait en plus coûte cher : plus de matériel, plus de main d’œuvre... Moi je vois pas l'intérêt de faire des grandes structures, pour moi c'est une grosse erreur, et pas en termes éthiques mais bien en termes économique parce que les banques prêtent en fonction de vos capacités de remboursement et de vos garanties, du moins en Belgique, ils ne regardent jamais un business plan d'agriculteur. Et une autre raison pour laquelle il y a plus de grosses structures en Belgique qu'en France, c'est qu'ils bénéficient à mort de la structure du forfait qui fait que les primes sont calculées sur le nombre d'hectares que vous occupez. En France ça ne marche pas comme ça, la rémunération se fait au réel. Pour des banquiers, c'est dur d'évaluer le risque avec les agriculteurs : est-ce qu'untel va réussir à produire son lait, sa viande... Comment ils pourraient le savoir ? Donc ils s'en fichent parce 74


que si ça ne marche pas ils ont les garanties. Si jamais le gars n'est pas solvable, ils récupèrent le terrain ; et comme le terrain est toujours une valeur sûre, ils prennent 0 risque.

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