L'esprit du lieu

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Esprit du lieu Takuji Shimmura


Esprit du lieu Takuji Shimmura

Lauréat du concours Mise en lumière du 9-9bis Catégorie photographes professionnels


Esprit du lieu Takuji Shimmura

Lauréat du concours Mise en lumière du 9-9bis Catégorie photographes professionnels


Le 9-9bis

Classé Monument Historique en 1994, le carreau de fosse 9-9bis est un ensemble minier exceptionnel des années 30 qui a marqué la fin de l’exploitation du charbon dans le Nord-Pas de Calais en 1990. Il incarne aujourd’hui l’un des quatre grands sites de la mémoire minière avec le 11/19 à Loos-en-Gohelle, la fosse Delloye à Lewarde et le carreau de fosse de Wallers-Arenberg. Depuis le 30 juin 2012, il est inscrit, avec 353 autres éléments représentatifs du Bassin minier Nord-Pas de Calais, au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de Paysage culturel évolutif vivant. Aujourd’hui, le 9-9bis s’apprête à mu(t)er puisqu’il fait l’objet d’un projet de reconversion porté par la Communauté d’Agglomération Hénin-Carvin et dédié aux pratiques musicales et à la mémoire du lieu. Construction de la salle de spectacles le Métaphone®, aménagement d’un parcours patrimonial et d’un café-concert au sein du bâtiment des machines, conception d’une “chaîne des pratiques musicales“ dans la salle des douches… autant d’espaces transformés, réaménagés – dans le total respect des lieux – qui insuffleront au 9-9bis sa nouvelle vie. C’est pourquoi, le pôle patrimoine du 9-9bis, a organisé l’hiver dernier, un concours photo s’adressant aux professionnels et aux étudiants afin de garder trace du carreau de fosse 9-9bis avant sa fermeture pour travaux de reconversion. Une carte blanche a été donnée à une vingtaine de photographes qui se sont déplacés sur le site afin de le fixer dans le temps. L’exposition en trois volets, “ Lumière(s) sur le 9-9bis “, a vu le jour suite à ce concours et grâce aux magnifiques clichés que nous ont offert 10 photographes, professionnels et étudiants. Quant à ce catalogue, puisque l’exposition n’est là que pour un temps, il est là lui aussi pour garder trace. Trace du lieu. Trace de ces regards. Trace du temps.


Le 9-9bis

Classé Monument Historique en 1994, le carreau de fosse 9-9bis est un ensemble minier exceptionnel des années 30 qui a marqué la fin de l’exploitation du charbon dans le Nord-Pas de Calais en 1990. Il incarne aujourd’hui l’un des quatre grands sites de la mémoire minière avec le 11/19 à Loos-en-Gohelle, la fosse Delloye à Lewarde et le carreau de fosse de Wallers-Arenberg. Depuis le 30 juin 2012, il est inscrit, avec 353 autres éléments représentatifs du Bassin minier Nord-Pas de Calais, au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de Paysage culturel évolutif vivant. Aujourd’hui, le 9-9bis s’apprête à mu(t)er puisqu’il fait l’objet d’un projet de reconversion porté par la Communauté d’Agglomération Hénin-Carvin et dédié aux pratiques musicales et à la mémoire du lieu. Construction de la salle de spectacles le Métaphone®, aménagement d’un parcours patrimonial et d’un café-concert au sein du bâtiment des machines, conception d’une “chaîne des pratiques musicales“ dans la salle des douches… autant d’espaces transformés, réaménagés – dans le total respect des lieux – qui insuffleront au 9-9bis sa nouvelle vie. C’est pourquoi, le pôle patrimoine du 9-9bis, a organisé l’hiver dernier, un concours photo s’adressant aux professionnels et aux étudiants afin de garder trace du carreau de fosse 9-9bis avant sa fermeture pour travaux de reconversion. Une carte blanche a été donnée à une vingtaine de photographes qui se sont déplacés sur le site afin de le fixer dans le temps. L’exposition en trois volets, “ Lumière(s) sur le 9-9bis “, a vu le jour suite à ce concours et grâce aux magnifiques clichés que nous ont offert 10 photographes, professionnels et étudiants. Quant à ce catalogue, puisque l’exposition n’est là que pour un temps, il est là lui aussi pour garder trace. Trace du lieu. Trace de ces regards. Trace du temps.


L’esprit du lieu

Véritable héritage culturel régional, le carreau de fosse du 9-9bis témoigne de tout un pan de l’histoire industrielle du Nord - Pas de Calais. C’est en effet à Oignies que fût, pour la première fois, découvert du charbon dans le département du Pas-de-Calais, en juin 1842, et c’est dans cette même ville que s’est clôturée en 1990 l’aventure de l’exploitation du charbon dans le Bassin minier, avec la fermeture précisément du 9-9bis, qui avait débuté ses activités en 1933. La rigoureuse structure des bâtiments du 9-9bis démontre, aujourd’hui encore, la puissance incarnée par le site dans le passé. Les machines qui y sont conservées évoquent de dérisoires jouets oubliés là par quelque enfant herculéen, mais elles n’en demeurent pas moins impressionnantes par leur volume monumental, tandis que leurs surfaces brillantes attestent du soin avec lequel elles sont entretenues et démentent l’impression première d’abandon. Car, même s’ils ne remplissent plus de fonction industrielle, ces lieux et ces machines se sont désormais vu confier un autre rôle, celui de gardiens de la mémoire, mémoire de toute une région, mémoire aussi de plusieurs générations de travailleurs, qui ont consacré leur vie à la marche implacable du progrès industriel. Les vastes espaces prévus, à l’origine, pour les ouvriers sont maintenant investis par la vacuité. Mais ce vide est riche, il porte en lui des traces, encore sensibles, de l’activité qui a fait vibrer ces salles par le passé. Les crochets de toutes sortes qui pendent des plafonds semblent encore attendre de recevoir les vêtements et autres accessoires de l’attirail des mineurs, dont la présence fantômatique est presque palpable,

en creux. Un téléphone, vestige d’une époque où les numéros se faisaient encore par la rotation d’un cadran circulaire, patiente vaillamment que quelqu’un se décide un jour à le sortir de son silence. Il parait prêt à sonner, tout comme l’on s’attend à voir les machines se remettre en route, écrasant du vacarme de leurs voix le son chétif de la sonnerie téléphonique. Que pouvait donc ajouter à ces témoignages grandeur nature, si majestueusement concrets, le regard inédit d’un artiste contemporain, d’un créateur dont les racines sont ailleurs ? Comment photographier ce témoin muet mais puissant qu’est le carreau de fosse du 9-9bis, de manière à en apporter une perception neuve, à la fois surprenante et conforme à la réalité du lieu ? Takuji Shimmura, photographe japonais installé depuis plus de dix ans en France, riche de ses deux cultures, celle de son pays natal et celle de sa patrie d’adoption, parisien mais amoureux du Nord, a tout simplement tenté de demeurer lui aussi un témoin lors de sa mission photographique. L’artiste s’est donné pour tâche de consigner en images les survivances d’une époque révolue. Il a mis au service de cet engagement son expérience de photographe d’architecture, domaine dans lequel il s’est construit une large renommée. Il y a apporté aussi sa connaissance de la région, où il expose régulièrement avec l’Association Hélio et à laquelle il a déjà consacré de superbes séries. La prise de vues sur le site du 9-9bis a été pour Takuji Shimmura une sorte de balade sur le fil ténu de l’espace-temps, l’une des préoccupations majeures de ce photographe voyageur qui s’aventure jusqu’aux confins méconnus et mal aimés des grandes métropoles, de cet observateur attentif des mutations urbaines. Takuji Shimmura est un archéologue de l’image, en quête permanente du Genius loci des lieux qu’il explore. La photographie s’est en effet avérée, dès son invention, un outil précieux pour l'archéologie. Elle a rendu visibles les vestiges du passé, en remplaçant l'objet par sa représentation capturée par l’objectif puis retransmise sur papier. Fidèle à cette qualité fondamentale de la photographie, Takuji Shimmura a tenté lors de sa mission au 9-9bis de retrouver l’esprit du lieu, de l’extirper de son long sommeil.


L’esprit du lieu

Véritable héritage culturel régional, le carreau de fosse du 9-9bis témoigne de tout un pan de l’histoire industrielle du Nord - Pas de Calais. C’est en effet à Oignies que fût, pour la première fois, découvert du charbon dans le département du Pas-de-Calais, en juin 1842, et c’est dans cette même ville que s’est clôturée en 1990 l’aventure de l’exploitation du charbon dans le Bassin minier, avec la fermeture précisément du 9-9bis, qui avait débuté ses activités en 1933. La rigoureuse structure des bâtiments du 9-9bis démontre, aujourd’hui encore, la puissance incarnée par le site dans le passé. Les machines qui y sont conservées évoquent de dérisoires jouets oubliés là par quelque enfant herculéen, mais elles n’en demeurent pas moins impressionnantes par leur volume monumental, tandis que leurs surfaces brillantes attestent du soin avec lequel elles sont entretenues et démentent l’impression première d’abandon. Car, même s’ils ne remplissent plus de fonction industrielle, ces lieux et ces machines se sont désormais vu confier un autre rôle, celui de gardiens de la mémoire, mémoire de toute une région, mémoire aussi de plusieurs générations de travailleurs, qui ont consacré leur vie à la marche implacable du progrès industriel. Les vastes espaces prévus, à l’origine, pour les ouvriers sont maintenant investis par la vacuité. Mais ce vide est riche, il porte en lui des traces, encore sensibles, de l’activité qui a fait vibrer ces salles par le passé. Les crochets de toutes sortes qui pendent des plafonds semblent encore attendre de recevoir les vêtements et autres accessoires de l’attirail des mineurs, dont la présence fantômatique est presque palpable,

en creux. Un téléphone, vestige d’une époque où les numéros se faisaient encore par la rotation d’un cadran circulaire, patiente vaillamment que quelqu’un se décide un jour à le sortir de son silence. Il parait prêt à sonner, tout comme l’on s’attend à voir les machines se remettre en route, écrasant du vacarme de leurs voix le son chétif de la sonnerie téléphonique. Que pouvait donc ajouter à ces témoignages grandeur nature, si majestueusement concrets, le regard inédit d’un artiste contemporain, d’un créateur dont les racines sont ailleurs ? Comment photographier ce témoin muet mais puissant qu’est le carreau de fosse du 9-9bis, de manière à en apporter une perception neuve, à la fois surprenante et conforme à la réalité du lieu ? Takuji Shimmura, photographe japonais installé depuis plus de dix ans en France, riche de ses deux cultures, celle de son pays natal et celle de sa patrie d’adoption, parisien mais amoureux du Nord, a tout simplement tenté de demeurer lui aussi un témoin lors de sa mission photographique. L’artiste s’est donné pour tâche de consigner en images les survivances d’une époque révolue. Il a mis au service de cet engagement son expérience de photographe d’architecture, domaine dans lequel il s’est construit une large renommée. Il y a apporté aussi sa connaissance de la région, où il expose régulièrement avec l’Association Hélio et à laquelle il a déjà consacré de superbes séries. La prise de vues sur le site du 9-9bis a été pour Takuji Shimmura une sorte de balade sur le fil ténu de l’espace-temps, l’une des préoccupations majeures de ce photographe voyageur qui s’aventure jusqu’aux confins méconnus et mal aimés des grandes métropoles, de cet observateur attentif des mutations urbaines. Takuji Shimmura est un archéologue de l’image, en quête permanente du Genius loci des lieux qu’il explore. La photographie s’est en effet avérée, dès son invention, un outil précieux pour l'archéologie. Elle a rendu visibles les vestiges du passé, en remplaçant l'objet par sa représentation capturée par l’objectif puis retransmise sur papier. Fidèle à cette qualité fondamentale de la photographie, Takuji Shimmura a tenté lors de sa mission au 9-9bis de retrouver l’esprit du lieu, de l’extirper de son long sommeil.


Et il semble que l’artiste ait atteint le but qu’il s’était fixé. L’esprit du 9-9bis a accepté de révéler sa présence au photographe, l'a accompagné au long de sa promenade dans les édifices néo-régionalistes du carreau de fosse. Une trentaine d’images sont nées de cette collaboration entre un homme du présent et un esprit du passé. Le temps d’un instant, Takuji Shimmura est parvenu à s’imaginer la clameur des machines qui ont jadis fait résonner le site, parvenu même à ressentir l'odeur et la chaleur, la poussière, jusqu’à ce que le déclenchement de son appareil ne fasse brutalement revenir le silence et l’immobilité, que le passé ne recède subitement la place au présent. C’est cet intervalle entre hier et aujourd’hui, cet espace encore empli des efforts des travailleurs, des mouvements des machines, que Takuji Shimmura a su percevoir, pour l’imprimer en transparence sur les images du présent. L’artiste a également mis en lumière l’indéniable valeur esthétique du site, appréciable non seulement dans les formes structurelles de l’industrie, mais aussi dans la richesse des matières, créée par la double action du temps et de l'activité humaine. Toutes qualités qui peuvent particulièrement s'exprimer par l’image lorsque les objets sont compris, respectés, et fidèlement représentés par le photographe. Ainsi, dans cette série photographique de Takuji Shimmura, la beauté à la fois robuste et mélancolique des bâtiments et des machines, l’élégance utilitaire des constructions et outils industriels, se mêlent à l’émotion suscitée par l’évocation d’un passé tellement proche qu’il en paraît encore vivant, à la fois inatteignable et si familier.

Juin 2013 Valérie Douniaux Docteur en Histoire de l’art


Et il semble que l’artiste ait atteint le but qu’il s’était fixé. L’esprit du 9-9bis a accepté de révéler sa présence au photographe, l'a accompagné au long de sa promenade dans les édifices néo-régionalistes du carreau de fosse. Une trentaine d’images sont nées de cette collaboration entre un homme du présent et un esprit du passé. Le temps d’un instant, Takuji Shimmura est parvenu à s’imaginer la clameur des machines qui ont jadis fait résonner le site, parvenu même à ressentir l'odeur et la chaleur, la poussière, jusqu’à ce que le déclenchement de son appareil ne fasse brutalement revenir le silence et l’immobilité, que le passé ne recède subitement la place au présent. C’est cet intervalle entre hier et aujourd’hui, cet espace encore empli des efforts des travailleurs, des mouvements des machines, que Takuji Shimmura a su percevoir, pour l’imprimer en transparence sur les images du présent. L’artiste a également mis en lumière l’indéniable valeur esthétique du site, appréciable non seulement dans les formes structurelles de l’industrie, mais aussi dans la richesse des matières, créée par la double action du temps et de l'activité humaine. Toutes qualités qui peuvent particulièrement s'exprimer par l’image lorsque les objets sont compris, respectés, et fidèlement représentés par le photographe. Ainsi, dans cette série photographique de Takuji Shimmura, la beauté à la fois robuste et mélancolique des bâtiments et des machines, l’élégance utilitaire des constructions et outils industriels, se mêlent à l’émotion suscitée par l’évocation d’un passé tellement proche qu’il en paraît encore vivant, à la fois inatteignable et si familier.

Juin 2013 Valérie Douniaux Docteur en Histoire de l’art
























Catalogue édité en septembre 2013

Pôle Patrimoine/ Direction de la Communication - Projet 9-9bis - CAHC

L’exposition Lumière(s) sur le 9-9bis et les catalogues de cette exposition ont été réalisés avec le soutien du Conseil Général du Pas-de-Calais dans le cadre de l’événement Ch’mins de traverse.


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