BAZOOKA

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Éric de Chassey

BAZOOKA : PISTOLETS-SEXES ? 1

What counts to jump out of the 20th century as fast as you possibly can in order to create an environment that you can thruthfully run wild in. Flyer Anarchy in the U.K. Christmas Day Sex Pistols Huddersfield, décembre 1977

Bazooka Production n° 1, décembre 1974 - janvier 1975, dessin de couverture par Bernard Vidal, Christian Chapiron, Loulou et Lulu Larsen

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Dans les histoires du mouvement punk, la France est généralement absente, sinon comme terre de tournées ou de concerts (en particulier avec les deux festivals de Mont-de-Marsan, en 1976 et 1977). Lorsqu’un nom de groupe français est cité, ce n’est généralement pas pour ses qualités intrinsèques mais plutôt à cause de certains concours de circonstances : les Stinky Toys, parce qu’ils participent en septembre 1976 au premier festival punk de Londres, au 100 Club, aux côtés des Sex Pistols, de Clash ou des Damned ; Métal Urbain, parce que leur 45 tours est la première référence du label indépendant Rough Trade et éventuellement parce qu’ils sont les premiers punks, avec les New-yorkais de Suicide, à utiliser des synthétiseurs… Seul peut-être le groupe Bazooka bénéficie parfois d’une place autonome, encore faut-il que l’on s’intéresse à autre chose qu’à la musique à strictement parler – or, même si tout le monde reconnaît que, comme tous les mouvements de musique populaire du vingtième siècle, l’identité du punk réside au moins autant dans le visuel que dans le sonore, il n’empêche que les conclusions en sont rarement tirées. Les productions visuelles de Bazooka occupent alors le rôle d’illustration d’un « esprit punk », même si elles vont parfois être considérées comme le principal apport français au mouvement 2. Il est vrai que Bazooka fonctionne comme un groupe de rock. C’est sous ce nom collectif ou sous celui de Bazooka Production que des individus choisissent de se faire connaître entre 1974 et 1980, leurs identités individuelles ne s’affirmant que progressivement. Il ne s’agit pas vraiment d’un collectif d’artistes comme les années 1970 en ont vu fleurir un peu partout dans le monde occidental. Son modèle n’est certainement pas celui des avant-gardes ou des néo-avant-gardes, relevant explicitement des beaux-arts : pas de manifeste préalable ou récapitulatif auquel des artistes seraient libres de s’agréger (selon les modèles futuriste, surréaliste ou nouveau-réaliste) ; pas de définition a posteriori par la critique, à l’occasion du passage au public (selon le modèle canonique des fauves de 1905, qui perdure jusqu’à la figuration narrative des années 1960) ; pas de travail collectif à partir d’un partage explicite des territoires en fonction d’objectifs théoriques ou politiques (comme chez B.M.P.T. ou la Coopérative des Mallassis). C’est d’une communauté d’intérêts et d’usages que naît le groupe, qui rassemble une partie des étudiants de l’atelier « Arts et communications » de l’École des beaux-arts de Paris, dirigé par Marcel Gili, lieu de rencontre à partir de 1973 de Jean-Louis Dupré (dit Loulou, alias Laboratoire de mécanique intime et hygiène assimilée

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Activité sexuelle normale, printemps 1976, quatrième de couverture

Jean Rouzaud et Loulou Picasso, 1977, photo DR

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et Loulou Picasso), Christian Chapiron (dit Chap ou Kiki, alias Chapi 0, Tim Timide, Exquise Esquisse, Chris Plak de Crasse, Kim Bravo, Marielescouleursavecgoût et Kiki Picasso), Philippe Renault (dit Lulu, alias Lou Larsen et Lulu Larsen) et Bernard Vidal (dit Bananar et, brièvement, Bernard Picasso), ainsi que Dominique Willoughby et Olivia Clavel (c’est en dehors de l’école que se feront les rencontres ultérieures avec Philippe Bailly – dit Ti-5 Dur – et Jean Rouzaud, d’une dizaine d’années plus âgé) 3. Le fonctionnement de cette association est proprement celui d’un groupe de rock, avec un noyau dur (les trois seuls membres à participer à toutes les productions du groupe sont Loulou, Kiki et Olivia – celle-ci, cependant étant absente de la première apparition collective), des changements de line-ups, des exclusions (Rouzaud en 1978) et un split final (annoncé comme tel dans Rock & Folk) 4. Son identité collective se dessine dès la première réalisation, alors que les membres n’ont pas vingt ans, en décembre 1974 (à l’occasion de la parution du fanzine offset Bazooka, signé Bazooka Production), et s’affirme clairement dans les très nombreuses réalisations de la fin de l’année 1976 et surtout de 1977, notamment à travers de nombreux travaux non signés d’un nom individuel ou réalisés à plusieurs mains. Bazooka pourrait être un groupe de rock garage, chacun des membres de son noyau dur jouant l’équivalent d’un instrument de base et, de fait, encore aux Beaux-Arts, il a été un moment envisagé de constituer un tel groupe, où Loulou aurait été lead-guitare, Kiki chanteur et Bernard Vidal ou Olivia bassiste (comme dans la plupart des groupes de garage rock, le batteur est celui que l’on va recruter à l’extérieur, celui que l’on remplace sans que l’identité du groupe soit changée, comme le montre l’histoire exemplaire des Clash). Mais au lieu de jouer de la musique, ce groupe joue des arts visuels, dans un cadre de production qui s’apparente à la bande dessinée (mais ne s’y limite pas) et qui en adopte les caractéristiques externes pour aussitôt en casser les codes : publication en format magazine, fanzines photocopiés puis supports de grande diffusion, cases successives souvent, pleines pages parfois, mélange des textes et des images. Bref, une forme d’art qui trouve dans l’imprimé son mode privilégié, comme le remarquera Loulou : « Je cherche précisément à utiliser l’impression, le dessin, le texte, la composition typographique, la mise en page, comme matière pour une expression artistique. Quand l’un des éléments manque, il me semble toujours que le résultat est déficient 5. »

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Le groupe va à la fois publier ses propres magazines, signés Bazooka Production – Bazooka au tout début de 1975, Loukhoum Breton quelques mois plus tard (en mars-avril), Activité sexuelle normale au deuxième trimestre de 1976, six numéros successifs de Bulletin périodique entre 1976 et 1978, six numéros d’Un regard moderne de février à juin 1978 –, faire paraître des pages collectives ou individuelles dans des journaux de bande dessinée ou dans la presse humoristique – notamment L’Écho des savanes de 1977 à 1978, Métal Hurlant entre 1977 et 1979 et Hara Kiri de 1978 à 1980 –, ainsi que dans des revues politiques ou communautaires – Nouvelle critique et Avant-Garde, émanations du Parti communiste en 1977, Gaie Presse en 1978 – et réaliser des projets à caractère plus isolé – affiches, couvertures de livre ou pochettes de disque, où l’identité du produit ou de l’événement paraît souvent secondaire par rapport à la diffusion d’une esthétique revendiquée comme celle du groupe (le nom du prétexte peut ne pas occuper plus de place visuellement que celui du groupe, qui signe les projets avec insistance). L’une des stratégies les plus efficaces et les plus originales va surtout consister, pendant l’année 1977, à occuper plus ou moins subrepticement, à parasiter ou à envahir selon les moments, les pages du jeune quotidien d’information Libération. C’est Alain Bizos, directeur artistique du quotidien, qui joue le rôle de passeur. Il a d’abord fait appel à Lulu et à Jean Rouzaud, ce dernier ayant acquis une certaine réputation bien avant son intégration à Bazooka, en 1976 (grâce à ses parodies de bandes dessinées publiées par Actuel

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Libération, 4 août 1977, p. 15, illustration Olivia Clavel

Libération, 4 août 1977, p. 2, illustration Kiki Picasso

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jusqu’à la fermeture du magazine). Mais leurs dessins, y compris lorsqu’ils se voient offrir des pleines pages (à partir d’août 1976), ne tranchent guère encore avec l’esthétique du dessin de presse underground qui domine le quotidien créé en 1973, au côté d’un style de caricature plus traditionnel incarné par Soulas. C’est avec le début des activités en tant que groupe, à partir de mai et surtout de juillet, que les choses changent véritablement, même si la première rupture se produit dès mars avec la publication, encore isolée et sporadique, de quelques dessins de Kiki (le premier, le 4, est un portrait au trait agité du politicien Olivier Guichard, agrémenté d’un damier noir et blanc, sous la signature de Tim Timide). L’un des effets les plus visibles du travail collectif sera en tout cas la mise en place, somme toute rapide, des styles et des particularités par lesquels chacun des membres de Bazooka va affirmer à la fois son appartenance au groupe (en abandonnant en particulier les derniers vestiges d’esthétique hippie) et une esthétique personnelle. Si les dessins se placent d’abord dans les emplacements réservés à cet effet et dans les culs-de-lampe que la maquette quelque peu aléatoire du quotidien encore marginal ménage depuis sa création à la liberté des illustrateurs, très vite ils s’autonomisent, aussi bien formellement que thématiquement. Peu à peu, ils s’étendent sur n’importe quelle page ; des signes graphiques abstraits – quadrillages, frises géométriques diverses – ou des traits acérés et répétitifs viennent rompre l’équilibre établi entre le texte et les rectangles limités de l’image. Coexistant un temps avec les illustrations plus traditionnelles, ils occupent toute la place au fur et à mesure que l’été avance et que le reste de la rédaction est en vacances, les Bazooka organisant des coups à l’avance (prévoyant une ligne graphique ou un thème) ou bien improvisant dans l’urgence. Un membre du groupe, ou plusieurs, passe désormais la soirée dans les locaux du journal, jusqu’au moment final de l’impression, ajoutant des éléments, jusqu’à la limite du possible, directement au banc de reproduction souvent, à une maquette établie quelques heures auparavant (la logique de production ultra-rapide suscite des solutions techniques qui deviennent aussitôt des outils artistiques). Dans une logique qui passe par un accroissement progressif du degré de provocation, atteignant des paliers qui conduisent souvent au retrait de toute activité pour quelques jours, puis à un retour qui conduit à franchir un degré supplémentaire, Bazooka s’enhardit peu à peu jusqu’à insérer des remarques manuscrites dans les marges, à caviarder des pavés de texte, voire à supprimer d’un coup toute image pour la remplacer par une multitude de rectangles noirs barrés des slogans « Débrayage pour censure systématique » et « Deuil national », signés « Bazooka Production » 6. La première occurrence des remarques manuscrites est d’ailleurs une sorte de signature de la prise de pouvoir par le groupe sur l’esthétique du quotidien, une prise de pouvoir certes provisoire mais suffisamment forte pour empiéter sur le contenu idéologique et informationnel, jusqu’à susciter d’ailleurs des protestations violentes de quelques lecteurs et de plusieurs membres de la rédaction (deux d’entre eux vont jusqu’à frapper Kiki et Loulou). Le 4 août 1977, Kiki décalque un détail d’une photographie qui a fait la couverture du journal deux jours avant, celle d’un manifestant tué dans une protestation mêlant hippies et gauchistes contre le réacteur nucléaire de Creys-Malville : le visage de Vital Michalon mort est réduit à quelques traits nerveux que viennent comme étirer deux mains venues des bords de l’image, tandis que les colonnes d’un courrier de lecteur clamant son indignation et appelant à des manifestations de masse sont caviardées par des slogans manuscrits : « CON MORT / on va pas pleurer pour lui, je vous le dis ! / Pour le nucléaire, avec les réactivistes / faut être con pour mourir. / moi j’étais dans mon lit. », le tout signé « Bazooka ». L’association entre Bazooka, triomphe de l’esthétique sur le politique, punk et « réactivisme » (organisation politique factice dont l’histoire se déroulera dans les pages du journal pendant tout l’été, baptisée d’un nom qui indique une volonté explicite de confusionnisme idéologique à but provocateur) est établie dans le reste du numéro et dans ceux du jour précédent par la récurrence d’un procédé similaire.

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Le 3 août un autre dessin de Kiki, particulièrement nerveux, placé sur une page où se trouve également un dessin d’Olivia sur le thème du « retour des phallocrates », était agrémenté d’une première profession de foi « réactiviste », avec un début de condamnation des manifestations de Malville, avec cette précision : « Contre l’information gauchiste. […] La société détruit mon œuvre, je détruirai la société. » Le 4, quelques pages après le dessin de Vital Michalon, un dessin d’Olivia Clavel, cette fois-ci directement sur photocopie (laissant visible la crudité du procédé et provoquant d’ailleurs la colère de la photographe, Liliane Vittori, qui giflera Kiki en représailles) et signé de son nom, ainsi que du sigle de l’éclair dans un cercle (sigle de « Tridimon » ou des « brigades de l’ombre » que les membres du groupe bombent simultanément dans la rue et dans le métro), accompagne un article d’Alain Pacadis annonçant le festival punk de Mont-de-Marsan sous le titre « Le punk, fun, fun, fun, de Mont-de-Marsan ». Représentant la « reine des punks » parisiens, Edwige, les cheveux en épis et la langue tirée, il est accompagné d’un texte manuscrit de Kiki qui décrit les positions morales et politiques des « réactivistes », une langue tirée plus littérale et plus précise dans ses cibles : « Ils sont contre toutes les gauches et pour un retour du fachisme, de l’antisémitisme, de la violence enfin. […] Tuons les enfants seuls dans la rue. Moquons-nous des vieux, tu vas pas faire de la peine à un vieux… Soulas, c’est mauvais, Soulas c’est de la merde. les gratte-papiers politicards minables de Libération, c’est pareil. Vive la dictature graphique et l’interprétation réactiviste de l’information. » Aux provocations écrites (fautes d’orthographe comprises), aux provocations esthétiques (un graphisme qui insiste sur son caractère mécanique et l’absence de savoir-faire technique), s’ajouteront bientôt – après un court répit dû à l’éviction momentanée du groupe, suite aux protestations d’une partie de la rédaction – des provocations iconographiques avec des images à caractère pornographique (y compris homosexuelles, sado-masochistes ou pédophiles, souvent associée avec une imagerie tirée de revues médicales) ou faisant l’apologie des drogues dures (seringues, lignes, etc.), d’abord d’une manière peu décelable (dans des bandes de petites images réalisées par Rouzaud, dont le premier exemple paraît justement dans le numéro du 4 août) puis d’une façon très explicite (à partir du mois d’août), qui vaudra d’ailleurs plusieurs procès au journal.

Ti-5 (Philippe Bailly), « Riff sec dans ta tête », Bulletin périodique, n° 5-6, automne 1977, p. 8

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En réalité, l’esthétique de Bazooka, si elle trouve ses stratégies de diffusion et sa formalisation explicite en 1977, fonctionne bien dans la continuité de la culture visuelle typique de la fin des années 1960 et du début de la décennie suivante. De même que le Punk est une radicalisation de certains des aspects du mouvement hippie, radicalisation assez forte pour provoquer une rupture radicale, de même Bazooka sort peu à peu de la bande dessinée marginale américaine ou belgo-néerlandaise. Les premières productions des membres du groupe s’insèrent parfaitement dans le style des comics underground américains à la Robert Crumb ou Zap Comics (style qui domine encore chez Lulu à la fin de 1976) ou dans celui du groupe de dessinateurs réunis depuis 1971 autour de la revue néerlandaise Tante Leeny Presentiert, de Joost Swarte ou Evert Gerardts, revue que démarquent assez précisément les premières publications collectives de Bazooka. L’usage de plus en plus important des drogues, le passage du haschich à l’acide ont pu être considérés comme le premier facteur d’évolution stylistique, responsable de la rapidité du graphisme, de son caractère désordonné et agité. Mais il faut remarquer que nombre de leurs contemporains, pourtant eux aussi consommateurs d’acides variés (même si peut-être pas en de telles proportions), n’ont pas pour autant suivi la même évolution et surtout que celle-ci n’est pas exactement synchrone avec l’arrivée de ces drogues, dont il faut plutôt penser qu’elles ont joué un rôle de facilitation (il n’y a pas non plus de transformation stylistique majeure concomitante avec l’usage de l’héroïne, qui va en revanche finir par provoquer un ralentissement de l’activité du groupe). En réalité, si l’on pense qu’agité, rapide et cru sont les trois adjectifs qui définissent

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le mieux le style Bazooka – à moins que maladif, terme employé par Loulou en 1977, ne les résume tous –, il faut dire qu’il en est ainsi très tôt dans le travail de certains membres du groupe, dont les réalisations finissent par susciter l’abandon des références anciennes et la diffusion d’une esthétique commune (facilitée par la multiplication des œuvres collectives et l’absence répétée de signatures individuelles) 7. Ainsi la première publication commune, Bazooka, s’ouvre-t-elle par une couverture conçue collectivement par Bananar, Kiki, Loulou et Lulu, particulièrement violente dans son intention, qui détourne une image de petites filles devant des décorations de Noël en leur donnant des mitraillettes dont elles se servent vigoureusement. Elle se poursuit avec une double page dessinée en commun par Bernard Vidal et Loulou sous le titre « Japon, tradition et expansion » (les deux substantifs forment un programme en soi) : il ne s’agit pas d’une narration linéaire mais d’un collage d’images (plutôt que de vignettes ou de cases), de styles hétérogènes, mêlant imagerie exotique (des japonaiseries et des chinoiseries, comme de fausses cartes postales), imagerie érotique (renvoyant aux images « polissonnes » des années 1930 aussi bien qu’au bondage américain des années 1950), imagerie de guerre et de politique (avec les photographies dupliquées côte à côte d’un kamikaze avant son ultime décollage et de Lénine en veste de tweed ironique, envoyant ses « grosses bises » sur fond de forêt). Dès 1976, Jean-Luc Hennig peut écrire des Bazooka : « Ça parle de rien, ça sert à rien. […] Car ils veulent surtout pas du style, de crever de leur style. Fini du coup de crayon, des bons “scenarii” 8. » Quelques mois plus tard, dans Loukhoum Breton, ces premiers jalons sont poursuivis par Olivia, dont le style original, avec des bandes dessinées narratives au feutre noir épais et aux personnages récurrents aux corps évidés, apparaît presque d’un seul coup, ainsi que par Kiki, qui présente une page de dessins décalqués sur un catalogue de corsets et d’accessoires d’hygiène intime, les ombres ayant été remplacées par des semis de points plus ou moins aléatoires. C’est enfin dans les quatre pages de « Percutant Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii … Bang ! », parues en novembre 1975 dans Bien dégagé sur les oreilles (tentative éphémère, initiée par Rouzaud, de créer un magazine à partir du noyau Bazooka mais sans adopter de ligne esthétique), que Kiki affirme clairement un style et une iconographie qui restent sa marque tout au long de Bazooka. Les images juxtaposées montrent des corps après des accidents de voiture et des détails d’opérations chirurgicales, avec des déformations et des blessures plus horribles les unes que les autres, sans narration, entrecoupées de quelques images plus sereines sur l’automobile ; le dessin y est particulièrement nerveux et les indications de volume ont été remplacées par des saccades de petits traits agressifs qui deviennent de plus en plus nombreux au fur et à mesure de la progression des pages, sans plus de justification mimétique, comme si une dégénérescence de l’image se produisait, que justifie ironiquement la signature finale « peint avec la bouche par c.chap ->o », placée sous la photocopie d’une publicité pour des médailles de Saint-Christophe (ces quatre pages seront rassemblées en quatrième de couverture de Libération, daté du 29 septembre 1977).

Christian Chapiron (Kiki Picasso), « Percutant Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ... Bang! », Libération, 29 septembre 1979, p. 16

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Dans la suite de son article de 1976, Hennig précise : « On recommence tout. En flashs de plaisir. » Et une grande partie des productions de Bazooka se présente bien sur le mode du vite-fait, du spontané, du rapide, bref sur le mode du retour à zéro. Par un apparent paradoxe, l’un des instruments en est pourtant la citation. Il ne s’agit pas seulement d’un recours massif à la citation d’images préexistantes, directement décalquées ou photocopiées, voire collées et rephotographiées (en particulier dans les dessins de Lulu Larsen à partir de 1977). Mais aussi d’un usage décomplexé d’une vaste gamme stylistique qui emprunte sans vergogne aux traditions artistiques les plus antagonistes, dans une culture du recyclage et du détournement. Les principes du Pop Art et de ses versants français, le nouveau réalisme (Kiki a fréquenté Martial Raysse de près pendant son enfance niçoise) et la figuration narrative, sont ainsi pillés, notamment par la transformation des images

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photographiques en compositions linéaires parfois relevées de couleurs acides et de carambolage de registres iconographiques hétérogènes. Aux peintres Bernard Dufour et Gérard Fromanger (auquel Kiki avait par ailleurs rendu visite dans son atelier), qui stigmatisent ces emprunts, pontifiant « qu’il y a les chercheurs qui sont les peintres et des vulgarisateurs qui sont les affichistes et les dessinateurs », Bazooka réplique cependant 9. Le 16 août 1977, sur une page entièrement consacrée à des courriers de lecteur sur le thème de « Bazooka le punk et nous », paraît un dessin manifestement décalqué sur photographie (il s’agit sans doute d’une image du peintre surréaliste Clovis Trouille dans son intérieur pseudo-bourgeois, avec quelques variantes évidentes), montrant un vieux monsieur assis dans un confortable fauteuil, une étoile que l’on suppose rouge sur la poitrine, au milieu de tableaux et de sculptures stéréotypés. Ce dessin est barré du gros titre « MORT AUX PEINTRES COCO » (les artistes de la figuration narrative sont généralement associés au PCF) et agrémenté d’un commentaire qui joue sur les noms des deux peintres : « Le four et le fromage sont dans le déménagement. Je suis dans la voiture devant. Ils sont dans le camion derrière. »

Lulu Larsen, « SuperStarliner », Bulletin périodique, n° 5-6, automne 1977, p. 6

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La liberté à l’égard des influences uniques est de toute façon assurée par le recours à des registres opposés. C’est ainsi que l’histoire de la bande dessinée reste en permanence un réservoir de formes et de solutions esthétiques, notamment parce que, comme le remarque Olivia (la plus attachée à ce mode) : « Nous avions déjà compris que la Bande Dessinée était, avec la musique rock, le seul enfant moderne de l’art qui touchait le plus de monde [sic] 10. » Mais elle se double rapidement de l’histoire de l’illustration, notamment de l’imagerie de propagande, de toute provenance mais peut-être plus spécialement, parce que le gauchisme forme le terreau de la culture de l’époque, de la propagande de Chine populaire ou de Russie soviétique, tandis que Kiki pour sa part s’intéresse de près aux travaux du Japonais Tadanori Yokoo, dont les livres connaissent une grande diffusion internationale au début des années 1970, et y découvre une manière d’animer des figures linéaires par des petits traits internes nerveux, qu’il va radicaliser. En même temps ces sources low coexistent avec des sources high, sans contradiction, ou plutôt en jouant des contradictions. C’est ainsi que, à partir du mois de novembre 1977, nombre d’images de Bazooka citent la tradition de l’art construit, spécialement celle des années 1920, tout en entretenant la confusion sur la connaissance exacte des sources, transformées en simple répertoire de formes et de slogans. Le 5 décembre 1977, une petite composition de huit rectangles blancs disposés dans un carré, dont certains prolongent les lignes du filet de la page, constitue une sorte de pastiche de De Stijl, qui combinerait les styles de Huszar et de Mondrian, mais elle est signée Picasso (la confusion du style géométrique construit et du principe du collage dadaïste est en fait fidèle à l’esprit de collaboration entre les deux mouvements, que l’historiographie ne redécouvrira véritablement qu’à partir des années 1980). Dans les pages d’Un regard moderne, en 1978, spécialement celles signées par Loulou Picasso et Bernard Vidal, les références constructivistes deviendront plus visibles encore, les dessins s’ornant de réseaux de signes géométriques abstraits, en une sorte de trivialisation d’un suprématisme et du Bauhaus à la fois. En fait, ces collages de citations placent Bazooka dans le droit fil de l’esthétique du situationnisme, en particulier dans sa version tardive, telle qu’on peut la voir (et que les membres de Bazooka la virent effectivement) dans les bandes dessinées d’André Bertrand (l’auteur en 1966 de Le Retour de la colonne Durutti). À cela rien de fortuit non plus, puisque, entre autres, Olivia Clavel a connu dès son enfance Gil Wolman, ami de son père, le peintre Claude Clavel ; Lulu a lu et illustré pour lui-même et ses amis La Société du spectacle ; tandis que Kiki réalise dès 1975 plusieurs couvertures de livre pour la collection Chute Libre (science-fiction) de Gérard Lebovici (éditeur et ami de Debord). Comme dans les publications situationnistes, mais sans l’atour de mystère et de politisation du mouvement des années 1950, les événements de la vie personnelle (avec une étonnante dose de sentimentalité)

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aussi bien que la réflexion intellectuelle ou la fiction provocatrice serviront de matériau aux œuvres et aux actions des Bazooka, d’une manière qui mêle journal intime, fanzine destiné à un public d’initiés, canular, roman à épisodes et journalisme d’actualités. Si l’esthétique de Bazooka peut être caractérisée comme punk, il ne faudrait pas croire pour autant qu’elle serait le résultat d’une influence directe de la musique punk et de l’esthétique qui l’accompagne 11. Elle n’est pas une nouvelle version d’une anglomanie bien française, même si, effectivement, les Bazooka ont été des consommateurs avides de musique punk anglaise et américaine dès son apparition. D’une manière frappante, leur histoire et leur évolution se font selon les mêmes étapes que celles des Sex Pistols, et elles se produisent à peu près aux mêmes moments, preuve s’il en était qu’il s’agit plutôt d’une communauté d’esprit et de préoccupations que d’influence subie.

Malcolm McLaren, Glen Matlock et Bernard Rhodes, affiche pour le concert des Sex Pistols au Châlet du Lac, Paris, août-septembre 1976

Jamie Reid et Sophie Richmond, Anarchy in the U.K., n° 1, décembre 1976, p. 1

Libération, 17 septembre 1977, p. 14

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La première coïncidence n’est que fortuite : il se trouve que le premier concert des Sex Pistols, en novembre 1975 – mois où sort Bien dégagé sur les oreilles –, a lieu en première partie d’un groupe qui s’appelle précisément Bazooka Joe, et dans une école d’art, la St Martin’s School of Art de Londres. Plus profondément, la stratégie esthétique tout entière du groupe anglais est également appuyée sur un fort rapport au situationnisme, bien connu aujourd’hui puisqu’il forme notamment le fond du propos du livre Lipstick Traces de Grail Marcus, notamment à travers la connaissance de l’imagerie et des slogans qu’en ont le manager du groupe, Malcolm McLaren, et son publiciste-graphiste, Jamie Reid. Elle repose largement sur une rhétorique contradictoire, proclamant le caractère de rupture et d’inédit alors même qu’elle fait usage d’un assemblage désordonné de sources historiques diverses (dès 1983, Jon Savage déconstruira cette mythologie en démontrant, à travers l’exemple de quelques pochettes de disque, comment « le punk a ouvert l’âge du pillage ») 12. Mais, dans ce cas comme dans celui de Bazooka, il s’agit non pas d’une hypostase des sources, mais au contraire d’une tendance à tout traiter comme déchet (à rebours donc d’une vogue rétro sentimentale, qui s’exprime de façon contemporaine, en bande dessinée dans les productions de Ted Benoit – qui côtoient celles des Bazooka dans L’Écho des savanes, jusqu’au pastiche – et en musique dans un tube d’été comme le « Rockollection » de Laurent Voulzy) 13. Comme Bazooka, les Sex Pistols utilisent des références politiques contradictoires, imitant la révolte politique en n’en retenant plus que le spectacle, mêlant références au nazisme et au communisme dans une situation qui est celle de la queue de comète de mai 68 et repose sur une désillusion à l’égard de prétentions révolutionnaires qui ne sont plus désormais grand-chose d’autre que des gesticulations (pour répliquer à ceux qui leur reprochent le dessin contre le mort de Creys-Malville, les Bazooka expliquent : « Le programme nucléaire ne sera pas ralenti. Les écologistes ont enfin leur martyre, et perdent déjà leur temps à le pleurer. ») 14. Pendant l’été 1977, au moment où le sigle Bazooka surmontant la faucille et le marteau s’immisce dans les pages de Libération, la boutique Seditionaries de Malcolm McLaren sort une nouvelle version d’une chemise de 1976 souvent portée en concert par Glen Matlock, guitariste du groupe, avec des slogans comme « Only Anarchists are pretty » et des photographies sérigraphiées de Marx et Mao ainsi que des pochettes plastique avec des images de femmes nues (complétées éventuellement par un bandeau sur le bras avec une svastika) 15.

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La stratégie de rapidité et son lien avec l’usage des drogues (amphétamines dans le cas des musiciens, acides pour les dessinateurs, héroïne pour tous) sont également prégnante dès l’origine dans les deux cas : la page est simplement l’équivalent de la chanson courte (2’30 au plus) à laquelle reviennent les Pistols (celle-là entretient le même rapport à l’album ou au tableau, que celle-ci aux morceaux de 20 mn du rock progressif ou du free jazz

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qui constituent les formes cultivées de cette musique). Dans « Seventeen », première composition originale des Sex Pistols, Rotten chante : « Je ne travaille pas, je speede » (cette esthétique du jeu rapide de guitare est au fondement du style musical des Ramones ou des Buzzcocks). De même le dédain à l’égard de la maîtrise technique (ce que Jon Savage a qualifié de « processus délibéré de désapprentissage ») est-il partagé comme principe : Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols, déclare dans sa première interview, n’avoir « absolument aucun intérêt pour le chant » ; Kiki affirme : « Faites comme moi, sans don, je ne sais pas dessiner, je décalque 16. » Ce laisser-aller touche également le langage, les fautes d’orthographe qui parsèment les images de Bazooka à partir de 1976 (jusque-là elles étaient largement corrigées) trouvant leur parallèle dans celles de prononciation de Rotten, qui expliquera à propos de la rime étonnante qui marque le couplet de la chanson de leur premier single, Anarchy in the U.K. (sorti en 1976) : « Le premier vers que j’ai écrit était “I am an Antichrist [aIst]”. Et je ne trouvais absolument rien qui puisse rimer avec. “Anarchist [Ist]” était parfait. » 17

Cris Plak de Crasse (Kiki Picasso), « Touche mon cucul », Activité sexuelle normale, printemps 1976, p. 3

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Il n’est pas jusqu’aux provocations pornographiques (notamment avec un recours aux imageries homosexuelles, sado-masochistes et pédophiles, similairement scandaleuses pour l’époque) qui ne rassemblent les deux groupes, suscitant d’ailleurs amendes et procès. C’est la même imagerie homoérotique qui orne les pages couleurs du Bulletin périodique n° 3, publié à la fin de 1976 (sous le titre « C-kikiki est la plus jolie des planètes » sont représentés des scènes de fellation entre quatre hommes généralement vêtus seulement de chemises, de grosses chaussures et de casquettes), et celle du fameux tee-shirt créé en août 1975 pour la boutique Sex de Malcolm Mc Laren, face-à-face entre deux cow-boys portant bottes et chapeaux dont les pénis se touchent. C’est le même jeu cruellement provocateur qui fait le cœur de la 1re page d’Activité sexuelle normale, sorti au printemps 1976 (un avis de recherche pour la petite Cécile, disparue à Tours, caviardé « Elle est morte couverte de sperme »), et le tee-shirt sorti par Sex quelques mois auparavant, avec un masque intégral de cuir noir à fermetures éclair recouvert de la mention « violeur de Cambridge » (une affaire qui secoue alors l’Angleterre). C’est encore le même rapport à la pédophilie qui se montre lorsque Loulou parsème de dessins de filles nues à peine pubères le premier numéro de Bazooka et les publications suivantes, tandis que, dans les pages « Touche mon cucul », dans Activité sexuelle normale, Kiki juxtapose sans liens évidents des images décalquées sur des photographies de Robert Manson pour les Scouts d’Europe ou sur des images animalières ou naturistes, des suites de photomatons de l’artiste, le tout accompagné d’un récit de l’état effectif de ses relations amoureuses avec Minh Truong, qui deviendra sa compagne, et qui appose ici l’empreinte de ses lèvres et quelques commentaires acerbes. Quant aux Sex Pistols, l’une des premières images à leur servir d’identifiant, figurant sur tee-shirts et affiches (notamment pour l’unique concert du groupe à Paris, au Chalet du Lac, le 3 septembre 1976), montre un petit garçon nu fumant une cigarette, surimposé sur une guitare électrique, créée par Malcolm McLaren, Glen Mattlock et Bernard Rhodes. La violence et la négativité enfin caractérisent les deux groupes. Les Sex Pistols obtiennent leur premier succès médiatique lors d’un concert au Nashville, le 23 avril 1976, lorsque, au milieu de la chanson « Pretty Vacant », les membres du groupe se jettent dans une bagarre dans la salle. Ils décrochent alors une couverture du Melody Maker et un important article dans le New Musical Express, où le journaliste Neil Tennant écrit : « Comment les Pistols créent-ils leur atmosphère quand leur musique n’y a pas réussi ? En assaillant un spectateur. Comment en serait-il autrement ? » C’est la même forme de violence gratuite, mais seulement visuelle et verbale, et non pas sonore et physique, qui fera interdire aux mineurs les publications de Bazooka. Dans un cas comme dans l’autre cependant, cette violence est largement théâtralisée (si l’on excepte les actes proprement déraisonnables de Sid Vicious,

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Les Sex Pistols en concert, 1976, photo Ian Dickson-Redfern

culminant dans le meurtre de Nancy Spungen, le 10 octobre 1978, et sa propre overdose mortelle quelques mois plus tard, et ceux de Lulu Larsen, se brûlant le bras au fer à repasser, et en laissant publier la photo dans Libération, le 1er août 1978). C’est une comédie que jouent les Pistols et quelques membres du Bromley Contingent en prononçant des jurons dans l’émission de télévision de Bill Grundy, le 1er décembre 1976 (suscitant des pages et des pages d’indignation dans la presse anglaise) ; c’est une comédie que rejouent, le 3 octobre 1977, les Bazooka sur Antenne 2, parasitant les prestations des chanteurs de variétés à une heure de grande écoute (Kiki notamment, déguisé en momie, se place sans cesse dans le champ de la caméra, interrompant l’interprétation d’une chanteuse de variétés débutante, Claudine Dumay, qui tente de célébrer les « chevaux de labour du Limousin »). Il ne s’agit pas tant pour les deux groupes de servir de reflets à une société malade, comme le veut une interprétation qui a cours dès les premières manifestations publiques du punk, que de manifester une sorte de négativité à l’état pur, dont Grail Marcus a montré qu’elle « est l’acte qui rend, à lui seul, évident à tous que le monde n’est pas ce qu’il semble être 18 ». L’un comme l’autre incarnent cette négativité dans une forme de neutralisation qui passe par la mise en chaos des formes : les Sex Pistols chantent « No Feeling » en même temps qu’ils déclarent « en réalité nous ne sommes pas dans la musique, nous sommes dans le chaos » ; Bazooka manifeste son absence de sentiments en juxtaposant, par exemple, des images de tombes archéologiques, d’un groupe de rock en costumes de cosmonautes de catastrophe ferroviaire et un petit dessin humoristique photocopié pourvu de la légende « Essaye. Quel bonheur ! » 19. La constatation de Serge July à propos de Kiki pourrait par conséquent aussi bien convenir au groupe anglais : « Chap est donc devenu un ennemi de toute interprétation. […] Chap n’agresse pas pour changer le monde. Ce n’est pas son problème : mieux, ça ne l’intéresse pas. Il agresse pour forcer un dialogue 20. » Et, les Bazooka de citer eux-mêmes, mais sans le dire, les paroles de la chanson « Pretty Vacant », qui vient d’être publiée en 45 tours, au milieu de leur argumentaire qui paraît dans Libération sur une pleine page en août 1977 : « Si vos réactions sont monolithiques, si vous êtes des machines mais programmées, si vous ne fonctionnez qu’aux réflexes conditionnés, gauchistes paranoïaques, vous pouvez être certains que jamais nous n’abandonnerons notre provocation ! Vous avez tous de sales gueules d’anciens combattants. Hé bien tant pis pour nous. Vos idées ne sont plus nos idées. Votre société n’est plus notre société. […] Vous nous croyez joliment vides, et on s’en fout 21 ! »

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S’il y a coïncidence entre l’esthétique des Sex Pistols et celle de Bazooka, il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le groupe français s’associe au punk dès son apparition, s’intéressant d’abord à la musique, assistant aux concerts (y compris, pour certains, au festival punk de Mont-de-Marsan de 1977), puis en adoptant ses façons de s’habiller et une certaine attitude. Loulou déclarera : « On n’était pas punk, mais on s’est immédiatement reconnus dans le mouvement punk 22. » L’apparition publique maximale de Bazooka, en 19761977, explique que ce soient ses images qui fournissent son identité visuelle au punk français (puisque l’identité sonore du mouvement est généralement pour le moins dérivative), de la même manière que l’identité visuelle du mouvement en Angleterre va être forgée par les Sex Pistols et ceux qui gravitent autour d’eux.

Olivia Clavel, « Stinky Toys », Bulletin périodique, n° 5-6, automne 1977, p. 2

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La musique a toujours été présente dans les publications de Bazooka, de manière plus ou moins explicite. Dans Bien dégagé sur les oreilles, en novembre 1975, Loulou cite une chanson du groupe de café-théâtre décadent les Mirabelles et montre Nini Crépon en train de la chanter (le Bulletin périodique n° 1, au printemps 1976, contiendra une publicité pour le premier album du groupe, dessinée par Olivia). Dès le deuxième trimestre 1976, c’est le rock qui devient un modèle récurrent : dans Activité sexuelle normale, Dom Willoughby

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invente un disque du label « Bazooka Records » (au) dont la couverture reprend une image de l’assassinat de Kennedy et sème ses images au pochoir de galettes de vinyle endommagées ; une page est confiée au groupe inclassable (jazz-punk-rock ?) Etron Fou Leloublan dans le Bulletin périodique n° 2, en septembre 1976 (un encart leur est encore attribué dans le n° 4, au printemps 1977, alors qu’ils viennent de sortir leur premier album) ; des citations du Velvet Underground apparaissent ici et là et Olivia finit par consacrer un dessin entier à la chanson de Lou Reed « Caroline Says » dans Bazooka Production, publié en 1977 dans la collection 30/40 de l’éditeur Futuropolis, dont la quatrième de couverture est une illustration de « Gloria » par Patti Smith (également dessinée par Olivia). Le rock devient de fait très présent dans l’iconographie des Bazooka au moment même de l’apparition du punk, identifié comme mouvement en France à partir de l’automne 1976. Les interventions dans Libération représentent souvent des punks anonymes ou les protagonistes du mouvement. Mais c’est le n° 5/6 du Bulletin périodique (« Tête de mort »), rassemblant des œuvres datant de l’été 1977, qui incarne plus qu’aucune autre production du groupe cette identification au mouvement musical (si l’on excepte la participation de Kiki et de Rouzaud au n° 34 de L’Écho des savanes, en septembre, sous-titré « Servitude volontaire. Punk ? », qui comprend notamment des images des principaux groupes anglais dessinées par Rouzaud). Cette identification est faite par les observateurs de l’époque, comme Delfeil de Ton qui écrit : « Qu’est-ce que le punk ? Ce n’est pas clair. Bulletin périodique, ce n’est pas clair. On n’y comprend rien. Ce n’est pas pour comprendre. C’est pour qu’on sente 23. » Dans cette publication, on trouve de grandes pages d’Olivia fondées sur le principe du dessin sur photocopie et consacrées aux Stinky Toys (citant l’intégralité des paroles de « Driver Blues », face B du premier 45 tours du premier groupe phare de la scène punk française, dont la chanteuse vivra un temps en couple avec l’artiste) ou aux traductions de chansons de Clash, Devo, Buzzcocks, Damned ou des Sex Pistols (avec une image de Johnny Rotten dans son tee-shirt « Destroy » à côté des paroles de « Pretty Vacant »). Il y a aussi une pleine page de photographies de concerts des Dead Boys ou des Voidoids, prises à New York par Alain Bizos, ainsi que des autoportraits de Rouzaud en punk. Cette prégnance du thème iconographique, avec la présence des mentions techniques sur les images (fiches d’identité des artistes et dates de réalisation des œuvres), qui leur donne un aspect prosaïque et participant d’une esthétique du Do It Yourself, fait du reste des interventions un répertoire d’imagerie punk. Toutes les productions individuelles se sont d’ailleurs durcies à ce moment-là dans leur expression : Lulu présente des collages qui associent corps humains et éléments mécaniques, éléments naturels dessinés et logos publicitaires ; Bernard Vidal procède désormais par grands contrastes en aplats et en lignes directionnelles ; quant à Ti-5, il présente sous le titre « Riff sec dans la tête » un véritable fouillis de petites lignes agressives et excitées, qui raboutent des morceaux d’image sans suite logique (y compris une photographie de mouches écrasées), sans doute à l’instar de son jeu de batterie au sein du groupe de Rouen, Les Olivensteins. La couverture même, avec son logo à tête de mort et l’image réalisée par Loulou d’un enfant dans un corset médical, les lettres de Bazooka tracées au pochoir comme sur les costumes de scène des Clash ou de Métal Urbain, devient une image punk par excellence, en consonance avec celle du magazine Anarchy in the U.K., publié en décembre 1976 par Glitterbest, l’organe de promotion des Sex Pistols, avec une photographie de Ray Stevenson montrant Sue Catwoman et une mise en page décentrée de Jamie Reid, dont le graphisme est fait de lettres découpées (utilisé comme logo du groupe depuis avril).

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Bernard Vidal et Loulou Picasso, couverture du Bulletin périodique, n° 5-6, automne 1977

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Loulou Picasso et Olivia Clavel, pochette du 45 tours d’Asphalt Jungle, Planté comme un privé, Skydog Records, décembre 1977-février 1978

Loulou Picasso, pochette de la compilation La crème de Skydog, Skydog Records, été 1978

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Il n’est pas étonnant dans ces conditions que le principal label punk français, Skydog Records, fasse appel au groupe pour créer quelques-unes de ses pochettes de disque ou affiches promotionnelles. Ami de longue date de Rouzaud, le fondateur du label, Marc Zermati, confie celles d’Iggy Pop à Rouzaud et à Olivia, d’Asphalt Jungle et de 1984 à Loulou et Olivia (dans le cas du disque d’Asphalt Jungle, l’usage du dessin sur photocopie renvoie à une sorte de style Bazooka générique), et surtout il fait réaliser par Loulou les compilations 33 tours Skydog Commando et La crème de Skydog, en 1977-1978. Les Bazooka s’y montrent fidèles à leur principes esthétiques et l’importance symbolique de ces réalisations attache durablement leur nom au mouvement, à l’égal de Jamie Reid (pour les pochettes et affiches des Sex Pistols), de Linder et Malcolm Garrett pour celles des Buzzcocks à partir du single « Orgasm Addict » (néo-dada et néo-constructiviste), de Barney Bubbles pour les productions de Stiff Records et notamment du premier album des Damned, Music for Pleasure (néo-Kandinsky) 24. En leur confiant la réalisation d’un numéro spécial du New Musical Express sur la scène punk française, publié tardivement, en janvier 1979, mais apparemment préparé dès le printemps 1978, les spécialistes anglais de la question en prennent en tout cas acte (les pages intérieures représentent entre autres les groupes Stinky Toys, Métal Urbain, Marie et les Garçons, Starshooter, les Lou’s et les Dogs). Sans doute, malgré tout, les productions musicales des punks français restent-elles bien en deçà de celles de leurs homologues anglais et Bazooka est-il le seul groupe français à atteindre le degré d’intensité de ceux-ci. Le seul à pouvoir peut-être leur être comparé est Métal Urbain, précisément parce qu’il a su renouveler les instruments et que son écriture reprend des principes très similaires à ceux du collage. Commentant notamment le morceau « Paris-Maquis », son deuxième 45 tours (qui s’ouvre par les paroles « inventer la liberté / fichés traqués matraqués / face aux nervis camouflés / payés armés pour nous tuer »), Éric Débris, son parolier explique : « On peut foutre deux substantifs l’un derrière l’autre sans qu’il y ait ni articles ni verbes : deux mots accolés peuvent souvent remplacer trois phrases 25. » Mais l’engagement politique de ce groupe, par trop explicite, ne pouvait en faire un allié des Bazooka. Ceux-ci sont en effet attachés à une esthétique qui est bien plutôt celle des Sex Pistols, sans en avoir forcément les atours extérieurs. Une esthétique que décrit leur ami Jean-Pierre Turmel, créateur en 1978 du label Sordide Sentimental, et collaborateur occasionnel du groupe en 1975-1976 (c’est lui qui permet l’impression des premières publications collectives) : « C’est ce qui est réellement insupportable pour son entourage : il rend l’habituelle communication (ou ce qui se prétend telle) impossible… en détournant mots et symboles il détruit la schématisation rassurante du tissu social des opinions et des étiquettes, il s’attaque à ce qui régit réellement la société et qui en est peut-être (qui sait ?) le point faible : ses habitudes sémantiques, les structures mêmes de la pensée consciente, les bases du rationalisme omniprésent 26. »

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En janvier 1978, au terme d’une tournée chaotique aux États-Unis, les Sex Pistols se séparent. Des décombres du groupe naîtra celui qui, plus qu’aucun autre, incarne la transformation profonde de la scène musicale internationale en réconciliant expérimentations de tous ordres et capacité à faire danser : Public Image Limited. Olivia Clavel consacre un dessin au split des fondateurs du punk anglais, dessin qui paraît en février dans le n° 0 de la revue Un regard moderne (provisoirement intitulée Un regard sur le monde), supplément mensuel de 32 pages de Libération, entièrement confié aux Bazooka (le dessin comporte par ailleurs une citation de l’image du « bus situationniste », inventé par Jamie Reid dès 1973 et utilisé à plusieurs reprises pour les Sex Pistols). Le passage à l’autonomie complète et à une diffusion en kiosque que constitue cette publication signe une transformation de l’esthétique du groupe, transformation certes partielle mais bien réelle, qui est l’équivalent du passage du punk à la new-wave en musique. Il est en outre accompagné par la réalisation des premières images

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en trichromie, imprimées sur papier glacé, et publiées par Hara Kiri de façon régulière (du numéro 197, début 1978, au numéro 221, deux ans après) et par Métal Hurlant dans un supplément à son numéro 16 de 1978. Si le format bande dessinée a désormais été abandonné par tous les membres du groupe à l’exception d’Olivia, c’est surtout le signe que le modèle de l’œuvre est désormais le tableau unitaire, autonome et lisible comme tel, même s’il trouve encore dans la page ou dans la double page imprimée son support de choix. Au caractère agité, rapide et cru de la période punk se substituent désormais des valeurs d’efficacité, de direct et de simplicité, l’aspect maladif étant de fait réservé à l’iconographie. L’ambiguïté sémantique persiste mais elle a en partie changé de nature, comme le remarque Emmanuel Pernoud, qui parle de qualités « comateuse », « somnambule » et insiste sur la manière dont « sur [un] plan d’images sans profondeur, pas plus épais qu’un plan d’eau, des signes viennent flotter et circuler 27 ». Le rapport avec la musique suit la même évolution, les pochettes de disque, les réalisations graphiques se multipliant pour les nouveaux groupes de la new wave, que résument trois réalisations exemplaires : le générique de l’émission « Chorus » pour Antenne 2 en 1978, par le groupe entier ; les pochettes pour le label Sordide Sentimental en 1979 (Loulou pour Throbbing Ghristle, T5 pour Tuxedomoon, notamment) ; le livre Silence de Loulou Picasso (en collaboration avec Dorothée Lalanne) publié en 1980 par Futuropolis, compilation d’interviews illustrées d’Iggy Pop, Magazine, Siouxsie and the Banshees, et Human League. Une autre histoire commence, qui obéit désormais à la devise placée par Kiki et Loulou en quatrième de couverture du n° 1 d’Un regard moderne : « Mon papi s’appelle art moderne / mais je ferai mieux que lui. »

Loulou Picasso, « Chronique de la résistance graphique n° 2 », Hara Kiri, n° 299, avril 1978, p. 49

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1 Cet article a été nourri par plusieurs entretiens avec les protagonistes de Bazooka, Olivia Clavel, Jean Rouzaud et Kiki Picasso, aux mois de juin et juillet 2007, ainsi qu’avec Marc Zermati : que chacun d’eux soit remercié pour sa disponibilité. Les informations inédites ici publiées sont tirées de ces entretiens. Certaines contraintes matérielles m’ont empêché de m’entretenir également avec les autres protagonistes de cette histoire, autrement que par courier électronique. J’espère que la véracité n’en souffrira pas trop, soutenu que j’ai été par la lecture du livre de Jean Seisser, La Gloire des Bazooka, Paris, Robert Laffont, 1980 (ci-après Seisser 1), du catalogue publié sous sa direction, Bazooka/Un regard moderne, Paris, Seuil, 2005 (ci-après Seisser 2), de l’anthologie Bazooka, préfacée par M. Zermati, Paris, Pyramid, 2006, de l’autobiographie illustrée de Jean Rouzaud, L’Inconnu de Bazooka, Neuilly, Ragage, 2007, de la longue interview de Loulou Picasso par Le Lièvre de Mars (en 2004 : http://www.le-terrier.net/albums/bazooka) et d’un mémoire de DEA de l’université Bordeaux III, Bazooka, La révolution par la dictature graphique, soutenu par Véronique Gauthier en 1998. Enfin, mes recherches ont été grandement facilitées par le dossier d’images réalisé par Éric Bricka pour un mémoire de fin d’étude de l’ENSAD, en 2004, intitulé Bazooka : histoire d’une dictature graphique (dont je n’ai malheureusement pu consulter le texte), ainsi que par la gentillesse des bibliothécaires de la BPI du Centre Pompidou (service des périodiques). Sur le punk en général, voir en particulier l’excellent blog http://onechordwonders.blogspirit.com, ainsi que le livre de Greil Marcus, Lipstick Traces, Une histoire secrète du vingtième siècle, traduction française de Guillaume Godard, Paris, Allia, 1999 [1989] et, plus ancien mais toujours utile, de Jean-Dominique Brierre et Ludwik Lewin, Punkitudes, Paris, Albin Michel, 1978. Sur le punk anglais, la référence principale reste le livre de Jon Savage, England’s Dreaming - Les Sex Pistols et le punk, trad. Denys Ridrimont, Paris, Allia, 2002 [1993]. Voir également Stephen Colegrave et Chris Sullivan, Punk : The Definitive Record of a Revolution, Londres, Cassell & Co, 2001 ainsi que Michael Bracewell et Andrew Wilson, No Future : Sex, Seditionaries and the Sex Pistols, Londres, The Hospital Group, 2004. Sur le punk en France, voir en particulier Christian Eudeline, Nos années punk 1972-1978, Paris, Denoël, 2002, ainsi qu’Alain Pacadis, Un jeune homme chic, Paris, Le Sagittaire, 1978 [réed. Denoël, 2002] et Patrick Eudeline, L’Aventure punk, Paris, Le Sagittaire, 1977 [réed. Grasset, 2004]. 2 En 1979, le journaliste Philippe Manœuvre écrit : « Ces histoires nous ont fait penser que Bazooka était le SEUL groupe punk français. » (« Voulez-Vous Danser Avec Moi ? : Is Britain Ready for French Rock ? », New Musical Express, 6 janvier 1979, p. 21). 3 D’autres noms se sont trouvés associés au groupe, en faisant plus ou moins partie un moment, comme Spot (qui livre des recettes de cuisine dans les premières publications) ou Alain Bizos (photographe de presse) ; ou collaborant ponctuellement à une activité sans que la nature de cette collaboration soit très précisément assignable (le groupe de musique expérimentale Etron Fou Leloublan, le patron de presse Jean-François Bizot, le futur créateur du label Sordide Sentimental, Jean-Pierre Turmel). 4 An., « Art növö », Rock & Folk, n° 145, février 1979, p. 72 : « Bazooka a fait long feu, comme un vulgaire groupe de rock. » 5 Loulou Picasso, cité Seisser 1, p. 44. 6 Ces placards de deuil sont publiés sur quatre pages du numéro du 25 octobre 1977, quelques jours après la mort de Baader et la condamnation officielle du terrorisme par le quotidien. 7 La déclaration complète de Loulou vaut la peine d’être citée : « L’esthétique sophistiquée, ça finit par devenir malsain et maladif. Le dessin, je le soigne, je passe un temps fou dessus en m’imposant une précision extrême. Quand je dessine, je me fais toujours chier. » (cité par Serge July, « Bazooka fout la merde », Libération, 12 août 1977, p. 12-13, repris Seisser 1, p. 5, c’est moi qui souligne). 8 Jean-Luc Hennig, « Bazooka B.D. Band », Libération, 16 août 1976, p. 7. 9 Cité Seisser 1, p. 39. 10 Olivia Clavel, Matcho Girl. Les aventures de Télé, Paris, Le Dernier Terrain Vague, 1980, p. 6. 11 L’un des premiers commentateurs des prestations des Sex Pistols, Mark Perry, insiste dès août 1976 sur la façon dont la musique punk fait image : « Quand les Pistols assénaient leur “musique” l’image remplissait chaque coin de la salle. Leur son, c’est de l’énergie pure. » (Mark Perry, Sniffin’ Glue, août-septembre 1976, cité M. Bracewell, op. cit., p. 42).

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12 Jon Savage, « The Age of Plunder », The Face, n° 33, janvier 1983, p. 47. 13 Dans Activité sexuelle normale, un dessin de Kiki place sous l’intitulé « Christian Forceps au musée » une photocopie de petits morceaux de papiers déchirés, rendant indéchiffrables textes et images, comme un fond de poubelle. 14 Bazooka (Loulou et Olivia Clavel), « Jamais notre travail n’a été aussi efficass[c]e », Libération, 12 août 1977, p. 2. 15 En 1977, des punks répondent à un article du Matin de Paris très hostile à l’égard du mouvement : « Pensez-vous réellement qu’un insigne nazi porté sur la même chemise qu’un portrait de Karl Marx garde son sens initial ? Les extrêmes s’annulent. “Nous ne sommes pas les héritiers du vieux monde”, Marx, Hitler, Mao et les autres sont tous aussi ridicules les uns que les autres, nous ne voulons plus les prendre au sérieux. » (« Les punks s’expliquent : nous sommes des milliers », Le Matin de Paris, 28 mai 1977, cité par Alexis Bernier et François Buot, L’Esprit des seventies, Paris, Grasset, 1994, p. 166, c’est moi qui souligne). 16 Johnny Rotten, Caroline Coon, « Rotten to the core », Melody Maker, 1976, reproduit M. Bracewell, op. cit., p. 35. Page signée Bazooka, et réalisée par Kiki, L’Écho des Savanes, n° 34, « spécial servitude / punk ? », p. 65. 17 John Lydon, dans le film The Filth and the Fury, de Julian Temple (2000). 18 G. Marcus, op. cit., p. 18-19. 19 Déclaration de Steve Jones dans le premier article consacré aux Sex Pistols, paru dans le NME en février 1976, un compte-rendu de concert signé Neil Spencer. Pages signées Bazooka, citées n.16, p. 63-66. 20 S. July, art. cit., p. 5. 21 Bazooka, art. cit. n.16. C’est moi qui souligne. 22 Loulou Picasso, cité Seisser 2, p. 6. 23 Delfeil de Ton, « Les lundis de Delfeil de Ton », Charlie Hebdo, cité Seisser 1, p. 263. 24 En 1978, les Bazooka auront l’occasion de collaborer avec Bubbles pour la pochette de Armed Forces d’Elvis Costello, également publié par le label Stiff Records. 25 Eric Débris, cité J.-D. Brierre, op. cit., n° 1, p. 127. 26 Jean-Pierre Turmel, « Climats du relatif : Punk ? », Oneshot, n° 2, « Sordide Sentimental », fanzine, 2e trimestre 1978, p. 3-7, repris Sordide Sentimental. Lumières et ténèbres, Rosières-en-Haye, Camion blanc, 2005, p. 104. D’une manière plus elliptique et plus graphique, Rouzaud ne dit pas autre chose lorsque, en légende d’une page où s’entrechoquent deux autoportraits en tenue punk, une image de punkette et une des Sex Pistols dans la rue, il écrit en légende : « Il y en a qui ont peut-être une solution, seulement voilà : ils ne sont pas clairs ! » (L’Écho des savanes, n° 34, septembre 1977, p. 57). 27 Emmanuel Pernoud, « L’info somnambule », Seisser 2, p. 9.

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Jean Rouzaud, « La servitude volontaire », L’Écho des Savanes, n° 34, septembre 1977, p. 57

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