Allez savoir ! 53

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NUMÉRO

53

ÉCONOMIE Le forfait fiscal en questions 24-28

24 JANVIER 1798 Le prix méconnu de la Révolution vaudoise 30-37

RELIGION Marie apparaît davantage dans le Coran que dans la Bible 50-55

JUSTICE

LES EXPERTS SE TROMPENT AUSSI

!

ALLEZ

SAVOIR  Le magazine de l’UNIL | Janvier 2013 | Gratuit


ALUMNIL Le réseau des diplômé·e·s de l’UNIL Vous êtes diplômé·e de l’UNIL?

Rejoignez-nous! Participez à nos prochains ateliers : 31 janvier 2013 : Atelier «développez votre voix» 6 février 2013 : Atelier cinéma 12 mars 2013 : Atelier emploi – les atouts des PME

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ALUMNIL : le réseau des diplômé·e·s 4

UNIL | Université de Lausanne – Bureau des alumni contact.alumnil@unil.ch – tél. : +41 21 692 20 88 Allez savoir !

N° 51

Mai 2012

UNIL | Université de Lausanne


ÉDITO

PETITE MARIE, GRAND CHAMBARDEMENT

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne N° 53, janvier 2013 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Sonia Arnal Sophie Badoux Michel Beuret Elisabeth Gordon Virginie Jobé Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger Renata Vujica Francine Zambano Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Graphisme Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Infographie Pascal Coderay (pp. 34-35) Photographie Nicole Chuard Fabrice Ducrest Félix Imhof Illustration Eric Pitteloud (pp. 3,23)

ISSN 1422-5220

Couverture ©jorgophotography-Fotolia Impression IRL plus SA, Renens Tirage 15'000 exemplaires Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 62)

O

n devrait toujours revenir au texte. C’est, du moins, ce que prétendent les extrémistes religieux en tout genre, qui déplorent le peu d’intérêt que nous porterions aujourd’hui aux écrits sacrés. Cette complainte est reprise avec un bel unisson par les catholiques fondamentaux, les plus réveillés des évangéliques protestants, les juifs conservateurs ou les musulmans qui brandissent la charia et le Coran comme par réflexe. Et s’ils avaient raison ? Ne serait-ce qu’un petit peu. Et si ces textes sacrés avaient encore quelque chose à nous apprendre au XXIe siècle ? Allez savoir ! vous propose de tenter l’expérience dans ce numéro. Rassurez-vous, elle est sans risque. Vous n’y trouverez aucune raison de relancer ce fameux choc des civilisations dont on nous rabat les oreilles. Car, s’il faut replonger dans ces textes, ce n’est pas pour y trouver des causes de querelles supplémentaires, mais pour y découvrir des similitudes insoupçonnées et des héritages communs entre les différents écrits sacrés qui restent très largement méconnus. En tout cas dans nos contrées. Comme vous pourrez le vérifier en page 50 de ce magazine, de nombreuses figures bibliques apparaissent dans le Coran, parfois sous des traits étonnamment proches de ceux que nous connaissons dans la tradition chrétienne. C’est notamment le cas d’Adam, de Noé, d’Abraham, de Moïse ou de David. Jésus a lui aussi trouvé sa place dans le livre de référence des musulmans. Même s’il n’y est pas vénéré comme fils de Dieu, le prophète Jésus reste une figure importante de l’islam. Autre point de convergence, peut-être plus fort, et surtout plus inattendu, c’est la place importante que le Coran accorde à Marie. La mère de Jésus est en effet célébrée dans la tradition chrétienne comme dans la tradition musulmane, notamment parce qu’une sourate, l’un des fameux chapitres du Coran, porte son nom. L’affaire est moins anecdotique qu’on pourrait l’imaginer à prime abord, puisque Marie est la seule femme dont le nom est mentionné dans le texte sacré musulman.

La Marie du Coran, comme celle de la Bible, a vu un ange lui apparaître pour annoncer la venue prochaine d’un enfant tout à fait imprévu. La Marie du Coran est aussi un « modèle pour tous les croyants ». Un personnage qui « apparaît comme une véritable figure rassembleuse », assure le spécialiste de l’UNIL Jean-Claude Basset dans ce numéro. A tel point que le Liban a institué en 2010 une fête de l’Annonciation faite à Marie, qui se célèbre le 25 mars et qui est désormais une cérémonie commune aux musulmans et aux chrétiens. Il faut en revenir aux textes, disent les extrémistes de tous bords. D’accord pour en revenir aux textes. Car, quand on relit ces ouvrages sacrés avec la volonté d’y trouver, non pas les versets qui sèment la haine, mais les écrits plus rassembleurs – ceux qui sont étonnamment oubliés –, la lecture ouvre des perspectives bien plus fécondes. 

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Séjours Linguistiques The experience of a lifetime • • • •

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SOMMAIRE

PORTFOLIO Patagonie, Haydn et étudiants.

BRÈVES L’actualité du campus : évènements, conférences, distinctions, publications.

MÉDECINE Coma : qui va se réveiller ?

RÉFLEXION Contre l’hégémonie de l’anglais. Par Antoine Chollet et Gianni Haver, chercheurs.

ÉCONOMIE Le forfait fiscal en questions.

MOT COMPTE TRIPLE Qu’est-ce que la métabolomique ? Par Bertrand Rochat.

HISTOIRE Révolution vaudoise et trous de mémoire. Les origines mystérieuses du Papet vaudois.

NATURE Pourquoi les chouettes hulottes sont-elles fidèles et les femelles effraies noires sexy ?

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL Le notaire féru de lettres. Rencontre avec Franco del Pero.

JUSTICE Ils ne sont pas aussi « Experts » que vous le croyez ! Entretien avec Joëlle Vuille.

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!

ALLEZ

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SAVOIR  Le magazine de l’UNIL | Janvier 2013 | Gratuit

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HISTOIRE DES RELIGIONS

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C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !

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MÉMENTO

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FORMATION CONTINUE

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ABONNEMENTS

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LIVRES

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LIVRES

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CAFÉ GOURMAND

Marie apparaît plus souvent dans le Coran que dans la Bible.

Loup y es-tu ? Oui, et en famille. Texte paru en 2003.

Cours publics, animations, visites et expositions ouvertes au public.

Le marketing management en 8 étapes. Deux nouvelles filières sous la loupe.

Retrouvez Allez savoir ! et l’uniscope sur iPad. Coupon d'abonnement.

Les médecines complémentaires sous la loupe. Avec Bertrand Graz.

Art, littérature, archéologie, médias, justice, société.

L’aventure Blaise Cendrars. Avec Christine Le Quellec Cottier.

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RECHERCHES EN PATAGONIE

Un bloc issu du glacier Grey flotte sur le lac du même nom, au soir du 27 novembre 2012. Une vingtaine de doctorants en sciences de la Terre des Universités de Lausanne et de Genève, ainsi que de l’EPFZ, ont passé 15 jours en Patagonie, du côté argentin et du côté chilien. Accompagnés par 5 professeurs, ils ont pu échanger et confronter leurs connaissances sur le terrain, dans une région à la géologie exceptionnelle. Une occasion unique pour ces spécialistes de partager leur savoir de manière transversale. Au programme : trekking, camping, confort minimal et cours à ciel ouvert, en pleine nature. Images supplémentaires www.unil.ch/unimedia/page94703.html

PHOTO FABRICE DUCREST

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HAYDN À LA MONTAGNE

Directrice du Chœur universitaire de Lausanne, Fruzsina Szuromi mène l’ensemble lors d’une répétition, le 17 novembre 2012 à Leysin. Pendant tout un week-end « au vert », près de 80 choristes amateurs ont travaillé la Missa Cellensis de Haydn, avec le soutien d’une préparatrice vocale et d’une pianiste. Des moments de musique d’une grande intensité, alternant exercices vocaux, déchiffrage et attention portée sur les détails de la partition. Pour sa première saison à la tête du Chœur, la jeune cheffe a choisi une œuvre souvent joyeuse, brillante et enlevée. Membres de la communauté UNILEPFL, les chanteurs donneront la messe en public et à Lausanne le 26 février 2013, ainsi que les 2 et 3 mai 2013 (lire en p. 58). DS Article détaillé et images supplémentaires www.unil.ch/allezsavoir.

PHOTO LUCA DA CAMPO - STRATES




LA RELÈVE EST ASSURÉE

Directeur de l’Ecole des sciences criminelles (ESC), Pierre Margot s’adresse au public rassemblé dans l’auditoire Erna Hamburger le 2 novembre 2012, à l’occasion de la cérémonie de remise des diplômes. Ce jour-là, 33 bachelors en science forensique, 65 masters en science forensique et en droit, 2 doctorats et 5 prix ont été décernés. L’ESC comptait l’an dernier 494 étudiants, dont une majorité de femmes. En 1988, ils étaient 50 : l’intérêt pour les études dans le domaine des sciences criminelles n’est pas près de faiblir.

PHOTO ALBAN KAKULYA


BRÈVES

LE CHIFFRE

ALUMNI

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Félix Imhof © UNIL

Il s’agit du nombre d’étudiants âgés de plus de 40 ans, que ce soit en bachelor ou en master, à la rentrée de septembre 2012. Soit 1,3 % du total des personnes inscrites en premier et deuxième cycle, qui se monte à 10 783. Au niveau du doctorat, le taux de quadragénaires (et plus) s’élève à 12 %, soit 228 sur 1 877. Ces proportions ont peu varié par rapport aux données des 20 dernières années. L’Université de Lausanne accueille aujourd’hui plus de 12 600 étudiants. DS ANTICIPATION

LE FUTUR SUR PETIT ÉCRAN

A quoi ressemblera l’université en 2084 ? De quoi sera faite demain la vie quotidienne des étudiants et des chercheurs ? Pour la troisième édition de son concours annuel de films de poche, l’UNIL a choisi un thème qui entre en écho avec 1984 et s’inscrit sous les thèmes de l’utopie et de son côté obscur, la dystopie. Le principe ? La communauté universitaire et les anciens étudiants ont été invités à tourner des séquences d’une durée de 84 secondes au maximum, au moyen d’un téléphone portable ou d’un baladeur équipé d’une caméra. Les vidéos soumises par les participants sont visibles en ligne, sur le site www.unil.ch/filmsdepoche. Les internautes peuvent y voter pour leurs favoris, et un jury composé de professionnels du cinéma et de chercheurs de l’UNIL remettra trois prix. DS 12

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SOUVENIRS, SOUVENIRS Pour une première, ce fut une réussite. La soirée alumni, organisée le jeudi 13 septembre 2012, a rassemblé 150 anciens diplômés de l’UNIL au Restaurant de Dorigny. Issus de toutes les facultés, les convives se sont échangé cartes de visites et sou-

venirs dans une ambiance sympathique. Un évènement agrémenté par quelques discours, dont celui du recteur Dominique Arlettaz et du vice-recteur rattaché à la Recherche Philippe Moreillon. A relever la présence enthousiaste de Claude Béglé,

ancien directeur de La Poste. Enfin, Vincent Kucholl, qui vit un beau succès avec 120 secondes, chronique satirique et matinale de Couleur 3, s’est produit dans un sketch à son image, soit... impertinent. FZ Inscriptions et infos  : www.unil.ch/alumnil

FORMATION

UN MASTER POUR ENQUÊTEURS Les enquêtes d’opinion font partie de la vie quotidienne. Nos habitudes de consommation et nos comportements sociaux ou politiques sont régulièrement passés au crible. Pour fournir les techniques nécessaires à l’élaboration des sondages, à la collecte et à l’analyse des résultats, les universités de Lausanne, Lucerne et Neuchâtel ont mis sur pied une « Maîtrise universitaire en Méthodologie d’enquête et opinion publique ». Les premiers étudiants sont attendus en septembre 2013. Ce cursus de haut niveau ne possède aucun équivalent en Suisse. « Il suscite de l’intérêt auprès des entreprises spécialisées dans le domaine », ex-

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plique Sybil Krügel, coordinatrice du projet, qui est confiante quant aux débouchés professionnels des futurs diplômés. Donnée en deux langues (français et anglais ou allemand et anglais selon l’Université dans laquelle on est immatriculé) et sur trois sites, la formation se compose d’un tronc commun et d’une spécialisation pendant un an, puis d’un travail de mémoire – que l’on peut lier à un stage - d’une durée de 6 mois. Ce master requiert des connaissances de base en statistique ou en méthodes quantitatives. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 31 mai. DS www.unil.ch/enseignement/page91125_fr.html


Félix Imhof © UNIL

NOTRE BUT N’EST PAS DE FAIRE CROÎTRE NOTRE OFFRE DE FORMATION À TOUT PRIX MAIS DE LA RENDRE LISIBLE ET COHÉRENTE. Danielle Chaperon, vice-rectrice en charge du dicastère « Enseignement et Affaires étudiantes », dans Le Temps du 14 septembre 2012

CONFÉRENCE

RÉSEAUX SOCIAUX

L’EUROPE VUE DE BUDAPEST

qui peuvent se permettre de faire cavalier seul », le diplomate a mis l’accent sur les pays des Balkans et de l’Est (comme le Bélarus et l’Ukraine). Pour ces derniers, l’UE n’est pas le seul pôle d’attraction du continent. La Russie et la Turquie exercent également leur influence. En conclusion, l’orateur a appelé à une « révision générale de la vieille machinerie politique » de l’Union, tout en rappelant qu’il s’agit d’une « construction admirable ». DS www.jean-monnet.ch

140 SIGNES (ET DES PHOTOS) POUR LA SCIENCE Pour suivre au quotidien l’actualité de la recherche à l’UNIL, et pour ne pas manquer les manifestations importantes qui s’y déroulent, le passage par Twitter s’avère utile. Le compte @unil est suivi par plus de 1 200 personnes. Ce réseau social prend de l’importance dans les milieux scientifiques, car il permet de partager facilement l’information entre les chercheurs. Le campus et sa vie quotidienne sont souvent photogéniques. Pour en rendre compte, le compte unilch sur instagram rassemble des photos insolites et décalées, grâce aux filtres nostalgiques que propose cette application gratuite. L’architecture des bâtiments, certains événements, le passage des saisons et le paysage de Dorigny constituent les sujets les plus traités. DS

© Sébastien Féval/FJME

La Fondation Jean Monnet pour l’Europe a lancé un cycle de conférences, sous le titre « Plaidoyer pour l’Europe ». Le 16 novembre 2012, le Hongrois Péter Balázs s’est adressé – en français – au public rassemblé à l’UNIL. Ancien ministre des Affaires étrangères de son pays, ce professeur à l’Université d’Europe centrale à Budapest a retracé l’histoire récente de l’Union et de son élargissement, de manière lucide. S’il a parlé des « enclaves heureuses, comme la Suisse et la Norvège,

https://twitter.com/unil et http://instagram.com/unilch

CONCENTRATION

LE SPORT REGROUPE SES FORCES L’Université de Lausanne pourrait accueillir le cœur d’un nouveau réseau. La Ville de Lausanne et le Canton de Vaud ont décidé de créer un « cluster du sport international ». Chacun des partenaires le subventionne à hauteur de 250 000 francs par an. Le secrétariat permanent de cette structure pourrait s’installer dans un bâtiment encore à construire, sur le campus de Dorigny. Un crédit cantonal de 400 000 francs a été accordé pour étu-

CE « CLUSTER » PERMETTRA DE DÉVELOPPER LES LIENS ENTRE LA RECHERCHE ET LES INSTITUTIONS DU SPORT INTERNATIONAL

Allez savoir !

dier la réalisation de cette infrastructure, qui accueillera également l’Académie internationale des sciences et techniques du sport, ainsi que l’Institut des sciences du sport de l’UNIL. Le « cluster » permettra de développer les liens entre la recherche et les institutions du sport international, renforcera l’accueil de nouvelles fédérations sportives et de manifestations. Il servira aussi d’atout pour la promotion économique. (RÉD.)

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BRÈVES

L'UNIL DANS LES MÉDIAS

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Le nombre de références faites à l’Université de Lausanne et au CHUV dans les médias suisses, en 2012 (selon la revue de presse Argus, au 11 décembre 2012). L’exhumation du corps de Yasser Arafat, le 27 novembre, a suscité de très nombreux articles et commentaires dans le monde. Les experts du CHUV ont en effet prélevé des échantillons de sa dépouille, afin de déterminer si le leader palestinien a été empoisonné au polonium. Les résultats ne seront pas connus avant plusieurs mois. La venue prochaine du Dalaï-Lama à l’Université de Lausanne, annoncée à fin octobre, a été largement relayée (lire également en page 59). Toujours sur le plan international, les élections américaines ont permis à des chercheurs de différents domaines (politique, économie, environnement) de faire valoir leur expertise dans les médias. Les publications de l’Institut CREA d’économie appliquée, qu’elles concernent les exonérations fiscales, le PIB vaudois ou l’état de la conjoncture, ont donné matière à commentaires dans la presse. Les 25 ans du programme d’échanges Erasmus, fin septembre 2012, ont permis de montrer que les Hautes Ecoles suisses attiraient particulièrement les étudiants étrangers. Enfin, les informations institutionnelles, comme le regroupement des sciences du sport de l’Université de Genève et de Lausanne à Dorigny ou l’inauguration du Centre Sport et Santé UNIL-EPFL, ont fait l’objet d’articles dans la presse régionale. La campagne menée en ville de Lausanne pour attirer l’attention de la population sur le manque de logements pour étudiants a rencontré un écho. DS Allez savoir !

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TRAVAUX RÉCOMPENSÉS

Professeure boursière du Fonds national suisse (FNS) à l'Ecole des sciences criminelles, Céline Weyermann a été distinguée par la Sociedad Atlántica de Criminalística y Ciencias Forenses, fin octobre 2012. En août, le Emerging European Forensic Scientist Award récompensait la chercheuse pour l'ensemble de ses travaux. Ces derniers, soutenus par le FNS et par l’UNIL, portent plus particulièrement sur la datation des traces et sur leur évolution au fil du temps, qu’il s’agisse d’empreintes digitales, de résidus de tir ou d’encre. Une expertise utilisée pour déterminer si du texte a été

Félix Imhof © UNIL

OBAMA, ÉCONOMIE ET ÉTUDIANTS

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PASSAGE EN REVUE

RECHERCHE

ajouté en douce et après signature à un document. Céline Weyermann apprécie de pouvoir travailler de manière transversale avec ses collègues. Etablir des liens entre les domaines fait partie intégrante de sa mission : « Ma recherche consiste à développer un modèle commun pour toutes les traces, qu’elles soient physiques ou numériques. Mais elle va audelà, puisque les témoignages sont concernés. » La trentenaire dirige trois doctorants et donne un cours à options (dans le cadre d'un projet pédagogique soutenu par l'UNIL) pour les étudiants de master en Science forensique. DS

UNIL | Université de Lausanne

AMATEURS 1 – PROS 0 897

Voici le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître cette année dans des revues scientifiques (d’après Serval au 11 décembre 2012). Certains d’entre eux sont tout à fait accessibles aux profanes. Ainsi, dans la Revue Suisse d’Histoire (Vol. 62/1/2012), Philippe Vonnard et Grégory Quin publiaient des Eléments pour une histoire de la mise en place du professionnalisme dans le football suisse dans l’entre-deuxguerres : processus, résistances et ambiguïtés. Un sujet original et peu traité. « Dans les années 20, la tendance est à la professionnalisation dans le football européen, explique Philippe Vonnard, assistant à l’Institut des sciences du sport (ISSUL). La Suisse suit ce mouvement général avec la création d’une ligue professionnelle en 1933. » Il faut néanmoins rappeler que dans les décennies précédentes, certains joueurs sont déjà rémunérés de manière illégale, un phénomène appelé « amateurisme marron ». Même si cela semble difficile à comprendre aujourd’hui, cette légalisation est contestée. Les arguments ? Seule l’équipe nationale fait recette, et non le championnat (qui rassemble en moyenne 4 000 spectateurs par match dans les années 30) : de fait, les clubs n’arriveront pas à assumer la nouvelle donne. Par ailleurs, « des membres des élites conservatrices ont de la peine à considérer que le sport puisse constituer un métier à part entière », note Philippe Vonnard. Ceux-ci parviennent finalement à renverser la vapeur, et le professionnalisme est aboli en 1941, durant près de deux décennies. Clair et passionnant, l’article a requis des recherches dans les archives de l’Association suisse de football, où sont notamment conservés les documents émanant du Comité central. Cette documentation a été complétée par une revue d’articles de journaux spécialisés de l’époque. « C’est l’une des difficultés rencontrées par les historiens du football : les sources sont rares et éparses », ajoute encore Philippe Vonnard, qui prépare en ce moment une thèse sur la genèse de l’UEFA (Union des Associations Européennes de Football). Le travail des deux jeunes chercheurs ouvre des perspectives sur d’autres périodes du football suisse, encore très peu défrichées, comme la Deuxième Guerre mondiale et les années 50-60. DS


LITTÉRATURE

INTERNATIONAL

UN PRIX LEENAARDS POUR DORIS JAKUBEC © Jean-Luc Epard

© Jean-Christophe Bott/Keystone

RDB/GES/Balz Murer

Professeure honoraire à l’UNIL, Doris Jakubec a reçu l’un des Prix culturels Leenaards le 27 novembre 2012 à l’Opéra de Lausanne. La lauréate a dirigé le Centre de recherches sur les lettres romandes de 1981 à 2003. « Trois axes orientent son enseignement et sa recherche : la critique génétique et la pratique de l’établissement de textes ; l’ouverture aux littératures suisses et à la francophonie, dans une perspective comparatiste ; la construction d’importants chantiers éditoriaux, dont Ramuz, Charles-Albert Cingria et Guy de Pourtalès », explique la Fondation. En ce moment, Doris Jakubec travaille justement sur le troisième volume de la Correspondance de Guy de Pourtalès, un ouvrage qui paraîtra en juin 2013 chez Slatkine. DS

DES ÉCHANGES AVEC L’INDE

Le 8 octobre 2012, un accord d’échange a été signé entre l’UNIL et la KIIT University (Est de l’Inde), qui compte 17 000 étudiants. Représentant de cette dernière, et directeur de son Ecole de biotechnologie, Mrutyunjay Suar avait exposé en 2010 les problèmes environnementaux du Chilika Lake, une lagune située non loin de son institution, à la Faculté des géosciences et de l’environnement (GSE). Depuis, trois professeurs lausannois se sont rendus sur place. La formalisation de la relation avec KIIT permettra des échanges d’étudiants pour des projets de master et des collaborations au niveau de la recherche. (RÉD.)

NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES

© DR

© Xavier Nussbaum

Décerné par The American Society For Cell Biology, le « Women in Cell Biology Junior Award 2012 » a été remis le 16 décembre 2012 à Sophie Martin, professeure associée au Département de microbiologie fondamentale de la Faculté de biologie et de médecine et mère de deux enfants en bas âge. Cette reconnaissance internationale consacre l’originalité de son travail. La chercheuse et son équipe étudient la polarisation cellulaire, c’est-à-dire la manière dont une cellule se construit en trois dimensions et prend la forme nécessaire pour remplir correctement sa fonction spécifique. Par exemple transmettre de l’information dans le cas des cellules neuronales. (RÉD.)

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Félix Imhof © UNIL

QUATRE CHERCHEURS DISTINGUÉS Professeur au Département d'économétrie et d'économie politique de la Faculté des Hautes Etudes Commerciales (HEC), Mathias Thoenig vient de recevoir une bourse junior de l'European Research Council (ERC). Des fonds difficiles à décrocher, puisque seuls 10 % des postulants y parviennent. Il s’agit d’une première pour un projet junior en Sciences humaines et sociales à l'Université de Lausanne. Cette bourse, qui se monte à plus de 1  200 000 francs sur 60 mois, permettra au professeur et à son équipe de lancer un projet de recherche interdisciplinaire d'envergure intitulé « L'économie des griefs et des conflits ethniques ». (RÉD.)

Professeure assistante boursière FNS à la Faculté de biologie et de médecine, Greta Guarda a obtenu un « Starting Grant » de l’European Research Council (ERC). Il s’agit de bourses européennes destinées à soutenir des chercheurs en début de carrière. Ainsi, en septembre 2012, 536 scientifiques de 41 nationalités se sont vu octroyer des fonds importants. Née en 1980, la chercheuse a étudié à l’Université de Zurich et à l’EPFZ, avant de faire son doctorat à l'Institut de recherche en biomédecine à Bellinzona. Elle a rejoint l’UNIL en 2007. Le projet mené par Greta Guarda et par son groupe vise à mieux comprendre notre système immunitaire. (RÉD.)

Le concours Durabilis UNIL-EPFL récompense des projets d’étudiants ayant trait au développement durable. Le projet de master de Lucile Develey, Si on marchait à Morgarten ? Etude de la marchabilité et des facteurs incitant à la marche dans un quartier chaux-defonnier, a été primé lors de l’édition 2012. Pour son enquête, l’étudiante en Faculté des géosciences et de l’environnement a parcouru les rues et rencontré les habitants d’un quartier jugé peu convivial et peu praticable à pied. Un mémoire rassemble les résultats obtenus et les solutions proposées. Aujourd’hui, Lucile Develey effectue un stage au sein de l’Association Mobilité piétonne, à Zurich. DS

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MÉDECINE

COMA QUI VA SE RÉVEILLER ? Certaines personnes sortent du coma. D’autres décèdent. Comment prédire le devenir de chacun ? Pour la première fois, des équipes du CHUV et de l’UNIL ont réussi à identifier des patients qui allaient se réveiller. Ils ont levé un coin du voile sur un phénomène encore mystérieux. TEXTE ÉLISABETH GORDON

L

e phénomène est troublant. La personne est allongée sur un lit, immobile, les yeux fermés. Elle respire et la plupart de ses fonctions physiologiques sont intactes ; elle ouvre même parfois les yeux. Pourtant, elle reste déconnectée de son environnement. Elle ne répond à pas aux stimuli extérieurs et reste indifférente à ses proches. C’est le coma. Il s’agit d’un « trouble quantitatif de l’état de conscience, pendant lequel la personne reste sans réaction – ou avec des réactions minimes – et sans communication », comme le définit Andrea Rossetti, médecin-associé au Service de neurologie et responsable de l’Unité d’épileptologie/EEG du CHUV. Ce phénomène est donc différent de l’état de conscience minimale. Dans ce dernier cas, « la personne a du mal à se réveiller, mais par moments, la communication passe, même si elle est infime ». Cet état ne doit pas non plus être 16

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L’ARRÊT CARDIAQUE EST LA PREMIÈRE CAUSE D’ADMISSION DE PATIENTS COMATEUX AUX SOINS INTENSIFS.

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confondu avec l’état végétatif, qui se situe entre ces deux cas de figure, dans lequel le patient « ouvre par moments les yeux, mais sans communiquer ». Dans tous les cas, la conscience est atteinte. L’infarctus, première cause de coma Dans cet état pathologique qu’est le coma, c’est le cerveau qui est atteint. Parfois directement, par exemple par un arrêt de la circulation sanguine qui crée un manque d’oxygène dans le cerveau. D’ailleurs, précise Mauro Oddo, responsable de la filière neuro-réanimation au Service de médecine intensive adulte du CHUV, « l’arrêt cardiaque est la première cause d’admission de patients comateux dans les services de soins intensifs ». Elle devrait le rester puisque le nombre de personnes qui se retrouvent dans le coma après un infarctus « a beaucoup augmenté au cours


© Miroslaw Oslizlo - getty images

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UNIL | Université de Lausanne

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Le Centre d’imagerie biomédicale www.cibm.ch

MÉDECINE

Du traumatisme aux intoxications Le cerveau peut aussi être directement affecté par « un traumatisme très sévère comme un choc, une infection – par exemple une méningite bactérienne, indique Andrea Rossetti. Plus rarement, cela peut venir d’une attaque cérébrale à un endroit stratégique comme le tronc cérébral, d’une tumeur, d’un saignement ou de bien d’autres affections », car les causes du coma sont multiples. Le cerveau peut aussi être altéré, indirectement cette fois, par des intoxications, notamment dues à des médicaments, à l’alcool ou à la drogue. Il peut encore être lésé par des dysfonctionnements d’organes – comme une insuffisance rénale ou une hépatite sévère – ou par des métabolites qui détériorent son fonctionnement.

des dix dernières années, du fait de l’amélioration de la prise en charge précoce de l’arrêt cardiaque », selon le spécialiste de neuro-réanimation. Grâce à cela, « le nombre de patients qui arrivent vivants à l’hôpital a doublé au cours des dernières années, ajoute son collègue neurologue. 40 % d’entre eux se réveillent et parmi eux, la plupart (de 80 à 90 %) ne gardent que peu, ou pas, de séquelles de leur état comateux. »

ANDREA ROSSETTI ET MAURO ODDO Responsable de l’Unité d’épileptologie/EEG du CHUV. Responsable de la filière neuro-réanimation au Service de médecine intensive adulte du CHUV. Nicole Chuard © UNIL

CHUV

Protéger le cerveau des comateux Quelle que soit la cause, les conséquences sont les mêmes. « Du point de vue fonctionnel, la personne n’est plus autonome », constate Andrea Rossetti. La prise en charge peut toutefois varier selon l’origine de la perte de conscience. « Si le coma est dû à un arrêt cardiaque, on peut tenter de remettre le cœur en route. S’il a été provoqué par une artère bouchée, on reperfuse cette dernière. Et si une infection est en cause, on administre des antibiotiques de manière agressive. » Lors d’un arrêt cardiaque, tout est fait pour protéger le cerveau des malades. « On met le patient en hypothermie, en refroidissant légèrement son corps à 33°. Cela a pour effet de ralentir son métabolisme et de diminuer le stress oxydatif et l’inflammation qui peuvent aggraver les dégâts du cerveau », explique Mauro Oddo.

Entretien entre une infirmière et deux médecins, au Service de médecine intensive adulte du CHUV (à g.). Ce dernier compte 33 lits. Le médecin assis au centre tient la « feuille d’ordres », qui répertorie les traitements et surveillances à apporter au patient, dont le dossier médical s’affiche à l’écran. Sur la photo de droite : les « pousse-seringues », qui fournissent les traitements nécessaires par voie veineuse. © Nicole Chuard

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En outre, on administre aussi au comateux des sédatifs afin « de maintenir son cerveau au repos pendant 24 ou 48 heures, on stabilise sa pression sanguine et on fait en sorte que le débit sanguin cérébral soit optimal ». Quel patient a une chance de sortir du coma ? Grâce à ces gestes médicaux, et notamment à l’utilisation de l’hypothermie, le neuro-réanimateur a pu constater que « le pronostic s’est amélioré au cours de ces dernières années ». En outre, les traitements précoces améliorent la qualité du fonctionnement cognitif après le réveil des patients. Il serait donc utile d’affecter de préférence les ressources disponibles aux patients qui ont une bonne chance de sortir de leur coma. Mais comment les repérer ? Le problème est, qu’actuellement, il est impossible de le faire. Certes, il existe de nombreux tests cliniques – examens des réflexes (notamment de la pupille), mesure de marqueurs sanguins qui reflètent l’état des neurones, électroencéphalogramme (EEG), imagerie cérébrale, etc. Mais ils permettent uniquement de détecter des personnes qui ont un grand risque de ne jamais sortir du coma. Quant aux autres, ils se trouvent dans une « zone grise », selon les termes d’Andrea Rossetti. « Il faut attendre des jours, ou parfois des semaines, avant de pouvoir prédire leur devenir, ce qui entraîne un stress pour les soignants et pour la famille », souligne le neurologue. Une première à Lausanne La situation pourrait bientôt changer grâce aux recherches menées au Centre d’imagerie biomédicale (CIBM), un institut commun au CHUV, à l’UNIL, à l’EPFL, à l’Université de Genève et aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

MARZIA DE LUCIA Maître-assistante au Centre d’imagerie biomédicale. Nicole Chuard © UNIL

Marzia De Lucia, maître-assistante au CIBM, en collaboration avec Andrea Rossetti et Mauro Oddo, a en effet trouvé le moyen de repérer, lors des premiers jours du coma, les personnes qui avaient une chance quasi certaine de se réveiller. Ce résultat, publié récemment dans le journal de neurologie Brain, représente une première, car aucune étude de ce genre n’avait jamais été réalisée dans ces conditions, « même sur des animaux », précise la jeune chercheuse.

PRÉSENCE HUMAINE

Le personnel est formé spécialement aux soins en médecine intensive. « Au-delà des aspects techniques, les contacts humains sont essentiels », indique Thierry Szostek, infirmier chef au Service de médecine intensive adulte du CHUV. Par exemple, il faut apprendre à détecter la douleur ou l’inconfort chez des personnes qui ne peuvent pas parler. Les soignants parlent aux patients comateux comme s’ils étaient conscients. © Nicole Chuard

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MÉDECINE

Le test consiste à soumettre les patients à des stimuli auditifs – il s’agit « d’une série de sons réguliers, entrecoupés de sons plus inattendus, c’est-à-dire plus longs ou plus courts ou encore plus aigus ou plus bas », explique Marzia De Lucia. Parallèlement, les réactions cérébrales du malade sont mesurées à l’aide de l’électroencéphalographie, une technique qui enregistre l’activité électrique du cerveau à l’aide d’électrodes posées sur le crâne. L’expérience est faite une première fois au cours du premier jour du coma, « pendant que le patient est en hypothermie », puis elle est renouvelée le lendemain, alors que son corps a été réchauffé et qu’il a retrouvé une température normale. Seule compte l’évolution des performances L’étude, menée par la doctorante Athina Tzovara sous la direction de Marzia De Lucia, a porté sur 12 personnes admises au Service de soins intensifs du CHUV et qui étaient dans le coma après un arrêt cardiaque. « Nous avons constaté que la plupart d’entre elles pouvaient effectivement distinguer les différents types de sons, même lorsqu’elles étaient sous sédation et en hypothermie », explique la chercheuse du CIBM. Mais le plus intéressant est ailleurs. Les chercheurs ont remarqué que le paramètre important est « l’évolution des performances de discrimination auditive » des patients au cours des deux enregistrements. Seuls ceux qui différenciaient mieux les sons le deuxième jour que le premier sont par la suite sortis du coma. Soucieuse de valider leurs résultats, la chercheuse et ses collègues ont renouvelé leurs expériences sur « 18 autres nouveaux patients, avec le même protocole et la même machine ». Ils ont pu confirmer leurs premières conclusions : seuls ceux qui avaient progressé dans la dis-

AIR ET NOURRITURE introduit dans sa trachée. 20

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crimination sonore étaient sortis de leur coma. En outre, à titre de contrôle, ils ont aussi étudié 5 volontaires sains, qui se sont prêtés à l’exercice « allongés et les yeux fermés ». Leurs réactions cérébrales aux stimuli auditifs se sont révélées « assez similaires à celles des patients en hypothermie ».

100%

UN TEST PERMET DE PRÉDIRE À COUP SÛR LES CHANCES DE RÉVEIL D’UN PATIENT DANS LE COMA.

Pouvoir prédictif de 100 % Non sans satisfaction, Marzia De Lucia peut donc dire que le test qu’elle a mis au point a « un pouvoir prédictif de 100% sur les chances de réveil ». La chercheuse souhaite toutefois renouveler l’expérience sur un nombre plus grand de patients – « entre 100 et 150 » – pour être sûre de son fait. Si les résultats sont à la hauteur de ses espoirs, ce sera une très bonne nouvelle pour les familles des patients. Le test serait en effet facilement utilisable dans la pratique hospitalière. « Il n’est pas besoin d’être un expert pour estimer l’évolution de la discrimination auditive des patients, souligne la chercheuse. Nous avons développé un programme informatique qui permettra aux médecins de se contenter d’appuyer sur un bouton, puis de lire les résultats des enregistrements sur leur écran. » Intérêt pratique et éthique Ce test devrait ainsi permettre aux soignants « d’optimiser la prise en charge des patients durant la phase aiguë du coma et de mieux informer les familles », conclut Marzia De Lucia. En tant que clinicien, Andrea Rossetti compte beaucoup sur cette nouvelle technique qui pourrait lui donner les moyens de « poser le pronostic le plus fiable possible » dans les premiers jours du coma. Ce test, estime-t-il, aurait « un intérêt pratique et même éthique ». Les patients, leurs familles et les soignants auraient tout à y gagner. 

L’infirmière manipule la sonde naso-gastrique qui permet de nourrir le patient (à g.). La machine sur la photo de droite est le respirateur, qui supplée à la fonction respiratoire de la personne soignée. Celle-ci est ventilée grâce à un tube

© Nicole Chuard. Remerciements à l’équipe du Service de médecine intensive adulte du CHUV.

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PEUT-ON PASSER 20 ANS DANS LE COMA ?

Phénomène mystérieux, le coma intrigue et donne naissance à de nombreux préjugés. Allez savoir ! vous propose un « Vrai ou faux ? » avec les spécialistes. ON NE RESSENT PAS LA DOULEUR QUAND ON EST DANS LE COMA

C’EST VRAI ET FAUX « C’est très difficile à savoir, mais il paraît très peu probable qu’on éprouve une souffrance », constate Andrea Rossetti, médecin associé au Service de neurologie du CHUV. Les patients dans le coma qui sont traités dans les services de soins intensifs reçoivent des sédatifs puissants. Toutefois, « nous avons un moyen qui nous permet de dire qu’ils ressentent la douleur, précise Mauro Oddo, responsable de la neuro-réanimation au Service de médecine intensive du CHUV. Mais la ressentir, cela ne signifie pas pour autant qu’ils en soient conscients ». Donc qu’ils souffrent réellement. UNE PERSONNE DANS LE COMA ENTEND TOUT CE QUI SE PASSE AUTOUR D’ELLE

C’EST PLUTÔT FAUX « Plus on est en coma profond, moins on interagit avec l’environnement et moins en entend », précise Andrea Rossetti. Il se peut toutefois que dans certaines formes de coma, lorsque les patients ne sont pas sous sédation ou que cette dernière est minimale, la personne réagisse à ce qui se passe autour d’elle.

TERRI SCHIAVO

Après des années dans le coma, cette Américaine est morte en 2005 suite à la coupure de son alimentation. Son cas est devenu un enjeu de débat national autour de l’euthanasie aux Etats-Unis.

L’étude menée au CHUV (lire article principal) utilise des stimuli auditifs pour prédire si un patient va, oui ou non, se réveiller. Ces sons sont donc reçus par le cerveau qui réagit. Mais sont-ils pour autant intégrés, traités de manière à être vraiment perçus et entendus ? Il n’y a pas d’argument, à ce stade, pour l’affirmer.

© Peter Muhly - Reuters

sens aide à la récupération », selon le spécialiste de neuro-réanimation. « Il faut aussi parler aux malades, ajoute son collègue neurologue. On traite un patient comateux comme s’il était conscient : on lui explique les gestes que l’on fait, on communique avec lui. »

IL FAUT TOUCHER LES PATIENTS COMATEUX

SI UN COMATEUX OUVRE LES YEUX, C’EST SIGNE QU’IL VA SE RÉVEILLER

C’EST VRAI

C’EST FAUX

Bien qu’il y ait peu d’études sur le sujet, « il semble que le fait de toucher le patient et de stimuler ses divers Allez savoir !

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« Après un arrêt cardiaque, certains malades se trouvent dans un coma irréversible ; on sait que leur cortex

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MÉDECINE

n’est plus en état de fonctionner et qu’ils ne se réveilleront pas. Pourtant, il leur arrive d’ouvrir les yeux, ce qui perturbe leur famille », constate Mauro Oddo. En fait, dans ce cas, « l’ouverture et la fermeture des yeux sont un réflexe automatique », précise le neuro-réanimateur. La sortie de coma peut être constatée uniquement « lorsque la personne ouvre les yeux à la demande ». C’est un bon signe, car cela prouve qu’elle a repris le contact avec son environnement. ON PEUT PASSER 20 ANS DANS LE COMA

C’EST VRAI On peut passer de très nombreuses années dans cet état de perte de conscience, comme le prouve le cas d’Ariel Sharon, ex-premier ministre israélien plongé dans un coma profond depuis janvier 2006. Plus que d’une affaire médicale, la durée du coma « est une question culturelle », remarquent de concert les deux spécialistes du CHUV. Dans certains pays, les médecins maintiennent les patients en respiration artificielle jusqu’à leur décès. C’est notamment le cas en Israël, en Italie, au Japon ou parfois aux Etats-Unis où le cas de Terri Schiavo, restée dans le coma entre 1990 et 2005, a créé la polémique. Quoi qu’il en soit, « plus on est resté longtemps dans le coma, moins grande est la chance de réveil », souligne Andrea Rossetti.

rêve, dit Andrea Rossetti. D’autant que le rêve est un état physiologique, alors que le coma n’en est pas un. » LE COMA ÉTHYLIQUE N’EST PAS UN VRAI COMA

C’EST FAUX

« Nous n’avons aucun argument pour dire qu’une personne dans le coma

L’intoxication par l’alcool, de même que par des drogues, « est l’une des causes du coma. On peut d’ailleurs en mourir », souligne Mauro Oddo. Toutefois, le pronostic est a priori meilleur que dans d’autres cas car, dans la mesure où la personne n’a pas de lésions cérébrales, « si elle se réveille, elle aura moins de séquelles ».

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LORSQU’ON EST DANS LE COMA, ON NE RÊVE PAS

C’EST VRAI Allez savoir !

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« PARLE AVEC ELLE »

Le film d’Almodóvar met en scène une jeune femme dans le coma qui se réveille enceinte après avoir été violée par un infirmier. © Kpa - RDB

DANS LE FILM « PARLE AVEC ELLE », UN INFIRMIER VIOLE UNE JEUNE FILLE COMATEUSE. PEU APRÈS, CELLE-CI SORT DU COMA

MÉDICALEMENT FAUX « C’est du cinéma », constate en riant Mauro Oddo. D’autant que, ajoute Andrea Rossetti, « l’héroïne est tombée enceinte, alors que durant le coma, on observe une dérégulation des hormones qui rend l’ovulation très peu probable ». Les deux médecins ont apprécié l’aspect artistique de ce film qui n’est toutefois pour eux qu’une « fiction ».  EG


RÉFLEXION

CONTRE L’HÉGÉMONIE DE L’ANGLAIS

GIANNI HAVER ET ANTOINE CHOLLET Enseignants-chercheurs à la Faculté des sciences sociales et politiques

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ntre nous, chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales, il est devenu courant de dénoncer la dictature de l’anglais dans nos disciplines, tout en continuant à rédiger dans cette langue des articles calibrés pour des revues qui les publient non pas en fonction de leur originalité scientifique, mais pour nourrir leur propre visibilité. La pression s’étend puisqu’il est quasi indispensable, même pour des postes de relève, d’afficher de tels articles sur son CV. Au niveau professoral, une postulation pourtant excellente risque d’être écartée si elle ne contient pas tant de publications dans cette langue. L’anglais devient la clé pour séduire les pairs et les experts détenant le pouvoir d’accorder des postes et des crédits. Chose étrange, nos chercheuses et chercheurs subissent une situation qu’ils jugent déplorable du point de vue scientifique et humain, tout en se pliant à ces normes mondialisées : aucune résistance collective ne s’organise dans nos disciplines et nos institutions. Systématiser la publication et les interventions en anglais ne peut relever que de la servitude volontaire. C’est faire allégeance à une puissance – notamment universitaire –dominante en se plaçant automatiquement dans une situation d’infériorité. Le spectacle de chercheuses et chercheurs, parfois confirmés, baragouinant un Pidgin English plus ou moins disgra-

SYSTÉMATISER LA PUBLICATION ET LES INTERVENTIONS EN ANGLAIS NE PEUT RELEVER QUE DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE.

cieux serait risible s’il ne constituait pas le lot de plus en plus ordinaire de la communauté universitaire. La piètre qualité d’écriture de la plupart des articles rédigés en anglais par des non-anglophones inspire les mêmes sentiments. Il ne s’agit pas, en effet, d’une lingua franca que personne ne maîtrise comme sa langue maternelle. C’est, pour les millions d’universitaires non anglophones de par le monde, la langue de l’autre, et il s’avère que cet « autre » tire une partie de sa puissance de ce simple fait. Les exemples, encore nombreux, de travaux ignorant les débats menés dans d’autres langues sur leur objet de recherche sont d’ailleurs tout aussi inquiétants. Une certaine pratique de l’anglais nous semble nécessaire et cette aptitude peut s’étendre à d’autres langues encore ; une connaissance au moins passive permettrait à la communauté universitaire de mettre en commun ces différentes lectures. Or, aujourd’hui, c’est moins de mise en commun que de sens unique qu’il s’agit. La pensée n’est pas antérieure au langage. Condamner l’université, la recherche et la science au monolinguisme, c’est automatiquement les appauvrir. Soit parce que nos textes devront être traduits avant d’être diffusés, soit parce que nous nous efforcerons de penser dans une seule langue. L’injonction à se plier à ce rituel absurde s’inscrit dans un mouvement d’ensemble de la recherche et

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des universités, visant à faire de ces dernières un grand marché homogénéisé et standardisé au sein duquel les personnes et leurs « productions » se trouvent en perpétuelle concurrence. La qualité desdites productions – livres, articles, interventions, organisations de rencontres, etc. – est devenue bien secondaire, seule compte leur quantité. Les universitaires sont ainsi animés d’une véritable frénésie qui produit tout sauf des travaux créatifs, originaux, inventifs. La contrainte du nombre ne peut conduire qu’au mimétisme des thématiques et des concepts, travers de plus en plus fréquent puisque cette répétition garantira les meilleures chances de publication. Le monolinguisme intégré comme une évidence creuse cette dérive. Ces évolutions servent en réalité deux objectifs : la fin des universités conçues comme des services publics, au sens le plus noble du terme, et l’affaissement de la pensée critique au sein même des universités. L’espace d’autonomie et de liberté que nos institutions ont pu représenter, dans certains moments privilégiés, est en train de disparaître. On sent chaque jour davantage les ravages de ces transformations, et l’on désespère en constatant la faible résistance qui leur est opposée. Pour les chercheurs et chercheuses que nous sommes, ce qu’il est désormais urgent d’imaginer, ce sont des stratégies de résistance. Et nous ajoutons qu’il faut le faire collectivement. 

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ÉCONOMIE

MICHAEL SCHUMACHER

L’ex-champion de Formule 1 allemand peut bénéficier du forfait fiscal vaudois. © David Ebener / DPA / Keystone

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ROGER FEDERER

Par contre, le Bâlois n’y a pas droit. Pourtant, les deux sportifs réalisent l’essentiel de leurs gains à l’étranger. @ Andy Rain / EPA / Keystone

LE FORFAIT FISCAL

EN QUESTIONS Est-il normal que Michael Schumacher bénéficie de cette procédure et pas Roger Federer ? C’est l’une des questions que pose ce fameux forfait fiscal, qui aurait été inventé par les Vaudois il y a 150 ans, et qui est de plus en plus contesté en Suisse et à l’étranger. La France vient ainsi de lancer une offensive contre cette spécialité. TEXTE SONIA ARNAL Allez savoir !

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Le Département d’économétrie et d’économie politique de la Faculté des hautes études commerciales www.hec.unil.ch/deep/home

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Qui peut en bénéficier ? « Pour que l’administration entre en matière, il faut que le demandeur soit étranger, qu’il réside en Suisse (qu’il y vive donc plus de six mois par an) et qu’il n’y exerce pas d’activité lucrative », énumère Marius Brülhart. Un directeur de banque, comme le patron américain de Credit Suisse Brady Dougan, n’est pas concerné, puisqu’il travaille essentiellement à Zurich. En revanche, Johnny Hallyday, qui réalise ailleurs dans le monde la plus grande part de ses gains, peut en profiter, alors qu’un Suisse ne peut en aucun cas y avoir droit, quelle que soit sa situation financière. On peut ainsi supposer que Michael Schumacher en bénéficie, alors que Roger Federer doit déclarer à l’autorité fiscale l’entier de ses revenus et de sa fortune. Et pourtant, le champion de tennis comme l’ex-pilote de Formule 1 réalisent l’essentiel de leurs revenus à l’étranger.

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es Bernois ont décidé, pour le plus grand bonheur de Johnny Hallyday, de sauver le forfait fiscal. C’était le 23 septembre 2012. Mais Zurich, les deux Bâles, Schaffhouse et Appenzell Rhodes-Extérieures y ont tous renoncé entre 2009 et 2012. Depuis que la crise se manifeste à nos portes, le forfait fiscal est controversé : outre ces abolitions, différents cantons, comme Berne justement, ont durci les conditions d’octroi. Cette façon bien particulière de taxer les résidents étrangers est également sur la sellette au niveau national puisque la gauche a lancé une initiative pour le rayer définitivement – le Parlement a pour sa part décidé de le maintenir, mais de revoir à la hausse ses exigences. Au-delà des frontières la contestation monte aussi. Ainsi, début janvier, la France a décidé de s’attaquer au forfait fiscal, un geste qualifié de « déclaration de guerre » par Pascal Broulis, conseiller d’Etat en charge des finances vaudoises. Bref, cette forme d’imposition fait débat actuellement en Suisse. Mais au fond, de quoi parle-t-on vraiment ? Le point avec un spécialiste de l’UNIL.

MARIUS BRÜLHART Professeur au Département d’économétrie et d’économie politique de la Faculté des hautes études commerciales. Nicole Chuard © UNIL

Qu’est-ce qu’un forfait fiscal ? « C’est un moyen particulier de taxer une frange très précise de la population », explique Marius Brülhart, professeur d’économie à la Faculté des hautes études commerciales. Plutôt que de remplir un document où il déclare l’entier de ses revenus et de sa fortune, le contribuable négocie une somme annuelle forfaitaire avec l’administration, suivant des règles différentes de celles qui sont en vigueur pour les contribuables ordinaires. 26

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Comment le montant du forfait est-il calculé ? La somme forfaitaire négociée avec l’administration ne se base pas sur une déclaration des revenus globaux ou de la fortune totale, que le contribuable peut conserver cachés. « Elle est calculée sur les dépenses en Suisse, explique Marius Brülhart. Concrètement, c’est le loyer ou la valeur locative du domicile qui constitue l’élément central du calcul. On estime la valeur annuelle, et on la multiplie par cinq. A ce total, le fisc peut ajouter d’autres éléments de dépenses, comme les voitures, les avions privés, et aussi les salaires versés au personnel. » Concrètement, un étranger qui achète un appartement dont la valeur locative mensuelle est de 5 000 francs sera imposé sur un revenu de 300 000 francs par année (5 000 x 12 x 5), au minimum. Le rentier étranger qui vient s’établir sur les rives du Léman est donc incité, s’il souhaite économiser sur ses impôts, à louer un studio dans l’Ouest lausannois plutôt qu’à vivre dans un château sur la Riviera – et à passer lui-même la tondeuse. Le forfait ne devient intéressant, forcément, que si le montant ainsi calculé est inférieur à la somme qui serait due à l’administration fiscale si le contribuable déclarait l’entier de sa fortune et de ses revenus, comme n’importe qui d’autre. Où est-il en vigueur ? Le forfait fiscal existe dans tous les cantons suisses, moins les cinq qui ont décidé de le supprimer durant les trois dernières années, soit Zurich, les deux Bâles, Schaffhouse et Appenzell Rhodes-Extérieures. Ailleurs dans le monde, on trouve également des possibilités de négocier des conditions d’imposition particulières lorsqu’on est un résident étranger. « A Monaco par exemple, personne ne paie d’impôts sur le revenu, rappelle le chercheur. Ni les nationaux, ni – à l’exception des Français – les étrangers qui viennent y résider. En Autriche, on peut sous certaines conditions obtenir une forme de taxation qui se base sur les principes appliqués dans le précédent pays de résidence, quel qu’il soit. »


Autre exemple avec le Royaume-Uni, où les personnes qui sont soumises au régime dit du « résident non domicilié » ne paient un impôt que sur les revenus réalisés dans le pays – les autres gains sont exonérés. De quand date son invention ? Le canton de Vaud est, semble-t-il, le premier à avoir eu cette idée. En 1862 – on a fêté l’an passé ses 150 ans –, le Grand Conseil a constaté que les riches étrangers s’installaient volontiers sur les rives du Léman pour de longues périodes, voire définitivement. Il a donc proposé d’introduire une taxe sur la fortune mobilière, histoire notamment de les faire contribuer à la construction des infrastructures qu’ils utilisaient (transports, etc.). Deux fronts s’opposent déjà à propos du forfait fiscal, dès les origines : certains craignent que cet impôt ne fasse fuir les riches étrangers vers des cieux plus cléments fiscalement, fussent-ils moins agréables en termes de climat, pénalisant ainsi l’hôtellerie, l’industrie des loisirs et les commerces. D’autres trouvent inique que ces personnes aisées jouissent de privilèges (par exemple une exonération totale les deux premières années) inaccessibles aux contribuables suisses. A quoi sert-il ? Soit à attirer des grandes fortunes étrangères par le biais d’un climat fiscal clément, soit – une fois qu’ils sont installés ici – à les faire contribuer à l’effort collectif, mais sans

les étrangler, au risque sinon de les voir repartir vers des pays fiscalement plus attractifs. Toute la question est de savoir à quel point la fiscalité est décisive pour le choix de résidence de ces contribuables, et dans quelle mesure d’autres paramètres (sécurité, qualité de vie, des écoles, du climat, de l’offre culturelle) jouent un rôle. Combien cela rapporte-t-il au canton de Vaud et à la Confédération ? « Il y a en Suisse quelque 6 000 personnes au bénéfice d’un forfait fiscal, explique Marius Brülhart. Le quart environ, soit 1 500, habitent le canton. Les forfaitaires résidant sur sol vaudois paient 230 millions de francs d’impôt chaque année, ce qui, pour donner un ordre de grandeur, correspond à la moitié du budget de fonctionnement annuel de l’Université de Lausanne. » A l’échelle de la Suisse, ce sont 700 millions de francs chaque année qui sont payés via un forfait fiscal.

GSTAAD

Le chalet acheté par Johnny Hallyday dans la station des Alpes bernoises. Le chanteur n’y passe que peu de temps. © Jean Pierre Clatot / AFP

Que se passerait-il si on le supprimait ? C’est la grande question. Parmi les défenseurs du forfait fiscal, beaucoup insistent sur le fait que ces grandes fortunes quitteraient la Suisse s’il était abandonné – ce qui, outre une baisse des recettes fiscales, impliquerait d’autres pertes indirectes (on parle de 20 000 emplois menacés, notamment dans la construction et les services de type, par exemple, conseil fiscal et gestion de fortune). Difficile évidemment de savoir ce qu’il en est sans étude et avec fort peu de chiffres – les administrations sont très réticentes à donner des

LUTTE

Le virus H5N1 (ci-dessus). Vaccination orale contre la polio au Yémen (en haut à gauche) et vaccina­ tion contre la grippe saisonnière en Europe.

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ÉCONOMIE

informations dans ce domaine. « Les seules données précises dont nous disposons concernent Zurich, constate Marius Brülhart. Ce canton a publié des chiffres sur les réactions des contribuables concernés dans l’année qui a suivi l’abolition du forfait fiscal. Ces chiffres permettent de voir si les résidents qui en ont bénéficié quittaient en masse le canton, comme le prétendaient les défenseurs du forfait. Clairement, ce n’est pas le cas. Mais on constate néanmoins qu’ils ont une très forte mobilité. » Sur les 201 résidents concernés, 26 ont quitté la Suisse, et 66 ont changé de canton. Ce qui représente une perte de 13 millions de francs pour le fisc zurichois. « Mais les 109 qui sont restés, et qui représentent plus de la moitié des personnes jusque-là au bénéfice d’un forfait fiscal, ont été imposés de façon ordinaire, soit sur la base d’une déclaration de leur fortune et de leurs revenus totaux, et ont donc payé plus d’impôts », nuance le spécialiste. Au final, pour le canton de Zurich, l’opération est presque blanche – avec un solde très légèrement positif.

MONACO

en ne remplissant pas tous les critères (par exemple la délicate question du lieu de résidence effectif, mais aussi du Personne n’y paie lieu où sont réalisés les revenus : à l’heure d’internet, allez d’impôts sur le revenu. savoir si tel patron est en villégiature dans son chalet ou si Ni les nationaux, ni – à l’exception des Français – son salon n’est pas plutôt le quartier général de sa multinales étrangers qui viennent tionale). Mais au-delà, une violation du principe de l’impoy résider. sition selon la capacité contributive peut déranger, comme © Eric Gaillard / Reuters l’observe Marius Brülhart : « Bien sûr, il existe une concurrence fiscale en Suisse entre certains cantons et à l’intérieur des cantons entre les communes. Mais vous ne pouvez pas éviter l’impôt sur vos revenus réalisés dans un canton en déclarant votre résidence dans le canton d’à côté. Par contre, avec le forfait fiscal, il est vrai que tous les contribuables ne sont pas soumis au même traitement. »

Pourquoi le forfait fiscal est-il remis en question aujourd’hui ? Johnny Hallyday qui devrait habiter Gstaad, mais avoue plus ou moins ouvertement n’y passer que les vacances de ski, ça agace. Depuis la crise, la population est plus sensible à la justice dès que l’argent est en jeu, et donc notamment en matière fiscale. Voir les plus aisés bénéficier de ce qu’elle considère comme des avantages alors que la classe moyenne n’en a guère est mal toléré. Il y a bien sûr le soupçon que certains bénéficiaires des forfaits fiscaux « trichent » 28

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En quoi la recherche peut-elle être utile dans ce débat ? « La mobilité des contribuables, notamment des plus aisés, ainsi que leur sensibilité à la variation de la charge fiscale sont des éléments essentiels pour anticiper les effets des changements dans la façon dont on impose les contribuables », explique Marius Brülhart. Pouvoir mener d’autres études comme celle entreprise avec les chiffres du canton de Zurich après l’abrogation du forfait fiscal serait idéal, mais ces données sont le plus souvent enfouies sous le sceau du secret. « Par contre, nous avons accès à une base de données de la Confédération, qui contient toutes les déclarations, bien sûr anonymisées, des quarante dernières années. Nous avons un financement du Fonds National pour les étudier. Cela nous permettra d’analyser plus finement les réactions des contribuables aux variations de charge fiscale. » 


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des métabolites. Au 18e étage du CHUV, la plateforme technologique qMSF (quantitative Mass Spectrometry Facility), dirigée par le biologiste Bertrand Rochat, teste un nouveau spectromètre de masse. Cette machine, mise à disposition par la firme Thermofischer avant son entrée sur le marché, permettra de réaliser des analyses de métabolites quantitatives et ciblées. Bertrand Rochat travaille en étroite collaboration avec le Dr Hugues Henry du Laboratoire de chimie clinique. La machine est en prêt jusqu’en mai 2013, mais Bertrand Rochat aimerait prolonger l’aventure de plusieurs semestres pour se familiariser plus concrètement avec cette technologie inédite au CHUV et à l'UNIL. Et histoire aussi de produire les premiers résultats en clinique. Grâce à ce petit bijou, récent et robuste, les chercheurs vont pouvoir mesurer des centaines de métabolites et espèrent découvrir les influences d’un évènement – prise d’un médicament ou d’un aliment, un stress - sur une personne. En matière de lutte antidopage, les spécialistes ont décidé de créer un passeport biologique pour les

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ous souhaitez épater vos interlocuteurs dans les salons ? Prononcez le mot métabolomique. C’est une science, jeune, qui étudie l'ensemble des métabolites (sucres, hormones, acides gras, etc.) présents dans une cellule, un organe ou un organisme. Sur le plan technologique, elle utilise principalement la spectrométrie de masse. Plus simplement encore, la métabolomique est une analyse des petites molécules, par exemple celles qui circulent dans le sang. Il faut intégrer la métabolomique avec deux autres domaines, mieux connus, qui composent un individu : la génomique ainsi que la protéomique, qui étudie les protéomes, soit l'ensemble des protéines d'une cellule. Il y a dix ans encore, les scientifiques étudiaient les métabolites de manière anecdotique en analysant seulement quelques composés, comme une « photo analytique » à 1000 pixels. Les spectromètres de masse permettent désormais d’en mesurer des centaines simultanément et maintenant ce cliché contient des millions de pixels. Aujourd’hui, les chercheurs peuvent donc observer une cartographie plus complète

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athlètes de pointe. Grâce à la métabolomique, cela pourrait concerner Monsieur et Madame Tout-lemonde. Nécessaire, pour y parvenir, d’identifier entre 200 et 800 composés ; ce qui donnerait une sorte de carte d’identité, non pas génétique, mais métabolique. Les chercheurs pourront voir ce qui se passe entre deux « photos » à, par exemple, plusieurs années d’intervalle. La métabolique observe et compare et se distingue, selon Bertrand Rochat, de la génétique plus déterministe. Preuve d’un bel avenir promis à la métabolomique ? Le laboratoire antidopage créé à Londres pour les Jeux olympiques de l’été dernier a certes fermé ses portes, mais une petite équipe travaille sur ce fameux passeport biologique pour tous. Plus près d’ici, Pierre-Edouard Sottas, un collaborateur de l’Agence mondiale antidopage, qui œuvre avec Bertrand Rochat, a créé une start-up, BioKaiZen, pour aller dans ce sens. Cette start-up vient de remporter le prix BioArk 2012, décerné dans le domaine des sciences de la vie en Suisse.  FRANCINE ZAMBANO

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Après la génomique et la protéomique, voici venue l'ère de la métabolomique, une nouvelle brique pour la recherche et la clinique à l'UNIL-CHUV. Cette science étudie les sucres, acides gras, acides aminés et, entre autres, les hormones. Objectif ? Créer un passeport biologique pour Monsieur et Madame Tout-le-monde. Les explications de Bertrand Rochat, biologiste au CHUV.

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RÉVOLUTION ... ET TROUS DE MÉMOIRE

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VAUDOISE... Le 24 janvier, les Vaudois se souviennent du jour où ils ont renvoyé les Bernois avec l’appui de la France révolutionnaire. Mais la commémoration élude souvent une « libération » cher payée à ces féroces soldats, venus jusque dans nos campagnes pour taxer, piller et même violer. TEXTE MICHEL BEURET

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e 24 janvier, la tradition veut que l’on déguste un Papet aux porreaux, ce « plat national » qui semble immémorial... même si rien ne l’atteste (voir page 37). Ce jour-là, les Vaudois célèbrent en effet leur liberté conquise après 262 ans d’autorité bernoise. Cette histoire, peu enseignée dans les écoles et souvent mythifiée par-delà les non-dits, laisse supposer que, comme toute li-

5 MARS 1798

Entrée triomphante des Français dans Berne. © Schweizerische Nationalbibliothek, Graphische Sammlung : Grafiken PP, Geschichte

berté à l’époque, celle-ci fut cher payée. Ce n’est pas faux, mais la commémoration omet souvent de rappeler à qui et surtout comment. Que se passe-t-il ce fameux mercredi 24 janvier 1798 ? Ce jour-là, dès l’aube, un comité de révolutionnaires lausannois fait flotter, face à l’Hôtel de Ville, le drapeau vert avec inscrit « République lémanique, Liberté, Egalité ». Un peu plus tard, la scène se reproduit à Vevey. L’opération a été encouragée en sous-main depuis Paris par une poi-

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La section d’histoire de la Faculté des lettres www.unil.ch/hist

HISTOIRE

La placide Révolution vaudoise n’offrant guère de prétexte pour attaquer Berne, il fallait en trouver un. Ce casus belli, sera retenu sous le nom de « l’incident de Thierrens ».

gnée de Vaudois partis plaider la cause d’un peuple présenté comme opprimé. Ces « patriotes » ont obtenu l’oreille, compatissante mais pas désintéressée, d’une France révolutionnaire en phase hégémonique. Le 24 janvier, les 10 000 hommes de l’armée d’Italie se massent aux frontières du Pays de Vaud. Dans une proclamation, le général Ménard assure les Vaudois du soutien de la France si Berne tentait quoi que ce soit contre eux.

DANIÈLE TOSATO-RIGO Professeure associée à la section d’histoire. Nicole Chuard © UNIL

A Vevey, on pleure le départ du bailli Bien conscients du rapport de force, les Bernois se retirent sur la pointe des pieds. Ni combat, ni règlement de comptes. « Les baillis bernois sont priés de rentrer à Berne, certains sont poliment reconduits à leur calèche, sans qu’aucun ne soit blessé, ni même menacé », constate Danièle Tosato-Rigo, historienne, professeure associée à l’UNIL et auteur de nombreuses recherches sur la période. (1) « A Vevey, on produit même un certificat de bonne conduite pour le bailli, pour dire combien on l’a apprécié et certains témoignages assurent que des gens pleurent le départ de leur bailli. » Etrange attitude de la part d’un peuple opprimé. La province est donc libérée sans un coup de feu et les anciens maîtres ne menacent guère de revenir. Trois jours plus tard, le Pays de Vaud est néanmoins envahi par l’armée française. Pourquoi ces bruits de bottes ? C’est ici que débute un épisode moins glorieux de la Révolution vaudoise. La France, ruinée par ses guerres en Europe, a besoin d’argent, nervi belli pecunia, et convoite le Trésor bernois. 32

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Vaudois et Français ont un ennemi commun Dans la nuit du 25 au 26 janvier, l’armée française envoie une petite délégation à la rencontre du chef des troupes bernoises, munie d’un ultimatum du Gouvernement français qui lui intime l’ordre de ne pas armer contre les Vaudois. La délégation conduite par l’adjudant Authier, accompagné de deux membres de l’Assemblée provisoire vaudoise, de deux hussards français et de deux dragons vaudois, arrive à hauteur de Thierrens entre chien et loup. Dans la pénombre, les gardes du village croyant à une attaque française ouvrent le feu. Les hussards sont tués. « Mais dès le lendemain, le général Ménard fait imprimer un texte qui impute leur décès non aux Vaudois, mais aux Bernois... », sourit Danièle Tosato-Rigo. Par ce renversement machiavélique, le général Ménard transforme le quiproquo de l’incident en motif d’intervention légitime : « Vaudois et Français ont désormais un ennemi commun ». La suite est connue. Les forces françaises débarquent le 27 janvier, déclarent la guerre à Berne qui capitule le 4 mars et s’emparent de son Trésor. Cinq millions de livres bernoises financeront donc la campagne d’Egypte du général Bonaparte. « A cette période, les campagnes de libération sont souvent aussi des opérations de pillages », relève l’historienne. La nouvelle République lémanique, pourtant alliée, n’y échappera pas. Les Français sont une force d’occupation « Les troupes françaises agissent d’emblée comme une force d’occupation. Il existe alors une sorte de droit pour les armées de libération à vivre sur le dos de l’habitant, soudain forcé de contribuer à l’effort de guerre », note l’historienne qui cite cette lettre du pasteur Bugnion de Lausanne, datée du 29 janvier 1798 (2) : « Les troupes françaises de l’armée d’Italie sont entrées chez nous. Dimanche 28, 2 500 hommes débarquèrent à Ouchy venant de Savoie (...). Le même jour, 3 000 hommes venant de Versoix logèrent ici et sont partis ce matin (...) On attend 3000 hommes, demain, l’artillerie puis la cavalerie. Pour fournir à leurs besoins, le général Ménard a demandé en vingt-quatre heures 700 mille livres, le pain, la viande, le vin et l’eaude-vie nécessaires. » Mais à Lausanne, nouvelle capitale, rien n’est prêt pour héberger une telle quantité d’hommes. « L’armée est donc disloquée sur le reste du territoire vaudois, nourrie, logée et souvent soldée aux frais de la population », souligne Danièle Tosato-Rigo. Le commandement français exigera aussi, à la mi-février, 4 000 volontaires vaudois pour rejoindre l’armée « sous cinq jours ». Enfin, en plein hiver, l’armée a besoin de bois de chauffage et de fourrage pour ses che-


vaux. Toutes les communes, rurales surtout, sont mises à contribution. Certaines comme Payerne sont plus exposées que d’autres. Les 2 000 habitants du bourg broyard voient débarquer 2 400 soldats français. Rolle vit une situation analogue. En juin, les Lausannois doivent nourrir trois bataillons. Bex doit héberger jusqu’à 12 000 hommes et 1000 chevaux pendant trois mois. « A Vevey, on collecte aussi de vieilles chaussures pour les soldats, l’indice d’un équipement misérable », relève Danièle Tosato-Rigo. Les réquisitions sont d’autant plus nombreuses que les passages de troupes se multiplient. Récapitulons : mijanvier, environ 10 000 hommes de l’armée d’Italie s’installent un mois en Pays de Vaud avant d’attaquer Berne. Mi-mars, une division en route vers l’Egypte revient victorieuse de Berne et repasse pour aller embarquer à Toulon. Plus tard, le reste de l’armée d’Italie revient également. S’ajoutent les troupes en transit : 14 000 hommes débarquent d’Allemagne en mai, puis 20 000 autres en juin et encore en septembre, avec chaque fois 1 500 chevaux. Chacun de ces passages, les Vaudois le payeront très cher. « Ne jamais laisser de femmes seules en présence de Français » Si certaines élites vaudoises ont d’abord été favorablement impressionnées par les officiers français et leurs manières, très vite les abus et le comportement belliqueux de leurs soudards inquiètent. « Il faut s’imaginer des milliers d’hommes, mal payés, mal équipés et souvent indisciplinés, rappelle Danièle Tosato-Rigo. C’est l’arrière de la troupe qui présente le plus grand risque pour les civils. L’arrière passe parfois trois jours après la tête de colonne. C’est souvent à ces moments-là que se produisent les déprédations et les viols. » Il fait peu de doute aujourd’hui que l’armée de « libération » s’est rendue coupable de viols, même si cette réalité reste peu documentée. L’information doit se lire en creux dans les messages des autorités locales qui recommandent de ne jamais laisser de femmes seules en présence de Français. « Cet appel peut-il être autre chose qu’une prévention contre le viol ? s’interroge l’historienne, voire l’indice que des viols ont déjà été commis ? Ce crime étant rarement dénoncé par les victimes, nous avons peu de sources, mais la violence sexuelle envers les femmes est inhérente à la soldatesque. » Et puis, d’autres indices renforcent les soupçons. Le général français Schauenburg, commandant en chef de l’armée d'Helvétie, multiplie les directives pour imposer la discipline et limiter la boisson. Et voilà la résistance passive ! Les abus se multiplient à mesure que la troupe française devient de facto le bras armé du nouveau Gouvernement

BRUNE

En mars 1798, ce général français a proposé de diviser la Suisse en trois régions, ce qui a semé un vent de panique (voir p. 34). Un projet rapidement abandonné. © Rue des Archives/Tallandier

vaudois, débordé par les actes de résistance au nouveau régime dans Les Ormonts, le Pays-d’Enhaut et le Jura vaudois. « Cet arrière-pays, épargné fiscalement sous l’autorité bernoise, avait joui aussi d’une plus grande autonomie, observe Danièle Tosato-Rigo. Il n’a pas le même intérêt à exiger plus de liberté et d’égalité, et encore moins à subir le centralisme d’une nouvelle constitution importée de France (3). » L’arrière-pays y voit le projet d’une élite bourgeoise, urbaine et la domination des villes. « L’effort de guerre exigé d’emblée par l’occupant français, et répercuté par les nouvelles Autorités vaudoises, alimente la sédition. Mais dès la capitulation de Berne en mars, toute résis-

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tance armée cesse », précise la chercheuse de l’UNIL. La résistance prend alors une forme plus passive. « La lenteur avec laquelle certaines communes répondent à l’emprunt Ménard et le fait que bien peu réunissent les sommes exigées sont un signe », estime Danièle Tosato-Rigo. Autre indice : les désertions nombreuses de conscrits vaudois.

INDÉPENDANCE

Carte postale éditée à l’occasion du centenaire de la Révolution, en 1898. © Musée historique de Lausanne

La Suisse divisée en trois L’hostilité s’exprime aussi un temps dans les médias. « De janvier à novembre 1798, on observe une forme de liberté de presse, mais que le nouveau régime ne tarde pas à censurer, car elle fait surtout le jeu des opposants. » Dès novembre, la presse marche au pas et célèbre la Grande Nation. « Elle tente aussi de convaincre que la situation pourrait être pire », note l’historienne de l’UNIL. La Suisse a échappé, il est vrai, au projet de partition du général Brune présenté le 16 mars 1798. Cette tripartition imagine la création d’une Rhodanie, englobant toutes les provinces latines et tuant dans l’œuf la République lémanique... « Pour les Vaudois, qui craignaient d’être annexés comme Genève, le Jura et bientôt le Valais, le projet Brune a semé un vent de panique. Très vite, toute la Suisse s’y oppose et Paris doit y renoncer », note Danièle Tosato-Rigo. La République helvétique, unitaire, tiendra cinq ans. Dès 1803, la Suisse revient au modèle fédéral. Le 14 avril 36

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marque ainsi l’entrée du canton de Vaud dans la Confédération. Une date elle aussi commémorée, comme la deuxième fête officielle. « Les raisons de se remémorer l’une ou l’autre date, et pour chacune le sens qu’on veut lui donner, varient selon les sensibilités, estime Danièle Tosato-Rigo. Pour la gauche, la Révolution vaudoise, c’est avant tout l’accès aux droits de l’homme. D’autres insisteront sur l’indépendance. Mais j’aime assez l’idée de célébrer plusieurs fêtes. Ce sont les régimes totalitaires qui commémorent les grandes dates de manière univoque. »   Danièle Tosato-Rigo, « La continuité par la révolution ? L’exemple du canton du Léman ». In : Schläppi D. (éd.) Umbruch und Beständigkeit. Kontinuitäten in der helvetischen Revolution von 1798, Ières Journées suisses d’histoire. Schwabe, Bâle, pp. 25-47, 2009. (1)

Danièle Tosato-Rigo, « La présence militaire française dans une province « libérée » : discours, pratiques, mémoire ». In : Würgler A. (éd.) Grenzen des Zumutbaren. Erfahrungen mit der französischen Okkupation und der Helvetischen Republik (1798-1803). Schwabe, Bâle, pp. 83-104, 2011. (2)

Danièle Tosato-Rigo, « Constitution parisienne et Suisse républicaine : attraction, rejet à l’ère des révolutions ». In : Marie-Jeanne Heger-Etienvre, Guillaume Poisson (éd.) Entre attraction et rejet : deux siècles de contacts franco-suisses (XVIIIe -XIXe s.). Michel Houdiard, Paris, pp. 14-40, 2011. (3)

L’infographie des pp. 34-35 est disponible sur www.unil.ch/allezsavoir


LES ORIGINES MYSTÉRIEUSES DU PAPET VAUDOIS C’est le plat rituel du 24 janvier. Et pourtant, son histoire, comme ses liens avec le canton, reste assez obscure. Explications.

©ganko et natika/Fotolia.com

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i le canton de Vaud devait se distinguer par un plat « national », ce serait forcément lui : le Papet, suivi de son adjectif, qui ne peut être que « vaudois ». « Le Papet est un mélange de pommes de terre et de poireaux parfois lié à la farine, rappelle Stéphane Boisseaux, maître-assistant à l’UNIL et à l’IDHEAP qui a dirigé l’Inventaire du Patrimoine culinaire suisse (1). Son nom vient de sa consistance, la “papette”, un terme francoprovençal qui désignait sous l’Ancien Régime tous les plats à base de bouillies de farine. » Ce plat de brasserie, qui s’accompagne généralement aujourd’hui de la fameuse saucisse aux choux, donne parfois l’impression d’une origine très ancienne. Assez pour être devenu le plat dégusté traditionnellement à la mémoire de l’Indépendance, le 24 janvier 1798. Pourtant, rien n’atteste de cette ancienneté, assure Stéphane Boisseaux. « La pomme de terre ne se répand pas avant la grande famine de 1770 dans le Pays de Vaud. Certes, les Vaudois connaissent le tubercule, mais le système des taxes étant bâti sur le blé, la reconversion dans cette culture a pris plus de temps. Et l’on peut douter que l’on trouve une trace de Papet avant cette époque. » Le poireau pose problème lui aussi. « François de Capitani (2) évoque la mauvaise réputation de ce légume à l’époque, montré du doigt comme

« excitant à la luxure », dans l’Encyclopédie d’Yverdon (1770-80). Sa morphologie évocatrice explique peut-être cela », sourit Stéphane Boisseaux. L’origine de la saucisse aux choux reste tout aussi mystérieuse. « Rien n’atteste que la saucisse serait très ancienne, souligne l’expert lausannois. En 1749, le Bernisches Koch-Büchlein propose des recettes de saucisses mais rien qui corresponde à celle-ci. » La première mention connue est celle d’un pasteur vaudois qui évoque une saucisse au foie et aux choux en 1884. « Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’existait pas avant. » Mais son origine ne remonte sans doute pas au XVIIIe siècle. A la fin de l’Ancien Régime, le porc coûte plus cher que le veau car il est un concurrent alimentaire de l’homme, écrit François de Capitani. En période de pénurie, même les épluchures ne vont pas aux cochons. « Ceci permet de douter de l’existence d’une tradition très ancienne de saucisse au porc », conclut Stéphane Boisseaux. L’ordinaire de la table vaudoise sous l’Ancien Régime est essentiellement végétarien. Mais au XIXe siècle, tout change Allez savoir !

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très vite, avec la généralisation de la culture de la pomme de terre et la descente de la fromagerie en plaine. Ces aliments permettent de nourrir les cochons aisément, et le célèbre Juste Olivier peut écrire en 1837 qu’en Pays de Vaud, « le cochon est roi », relève Stéphane Boisseaux. On ne sait pas davantage à quelle époque Papet et saucisse s’associent. « Au XXe siècle on sait que c’est le cas, mais c’est tout. Et encore, dans l’Encyclopédie vaudoise, en 1970, on apprend qu’une variante de saucisse aux choux de la vallée de Joux, la frâche, ne s’accompagne pas de Papet, mais de carottes rouges ou de choux-raves. » Ce qui semble plus sûr, c’est que le Papet se popularise dans la seconde moitié du XIXe siècle, une période qui coïncide avec l’essor du Parti radical et une relecture de la Révolution vaudoise. A défaut d’une autre explication, Stéphane Boisseaux relève en souriant cette évidence : « Symboliquement, le Papet, c’est l’alliance du vert et du blanc, les couleurs du drapeau vaudois. »  MB

www.patrimoineculinaire.ch

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Soupes et citrons : la cuisine vaudoise sous l’Ancien Régime. Par François de Capitani. Editions d’En Bas (2002) (2)

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Une nichée peut compter jusqu’à onze petits. Pendant que Monsieur chasse, Madame couve. Photographie réalisée en Israël. © Amir Ezer 38

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POURQUOI LES CHOUETTES HULOTTES

ET LES FEMELLES EFFRAIES

NOIRES SEXY ? A l’occasion de La Nuit de la chouette, qui se déroulera le 23 mars cette année, Allez savoir ! s’est intéressé aux mœurs, parfois débridées, des hulottes et des effraies. Ces magnifiques rapaces nocturnes adaptent leurs stratégies de survie aux changements climatiques. Mais pas seulement. Plongée au cœur du nid. Pour le meilleur, et pour le pire. TEXTE VIRGINIE JOBÉ Allez savoir !

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Le Département d’Ecologie et Evolution de la Faculté de biologie et de médecine www.unil.ch/dee

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hez les chouettes effraies, les mâles, souvent volages, préfèrent les noiraudes. Leurs femelles en revanche accordent plus aisément leurs faveurs aux prétendants moins basanés. Les plus expérimentées se transforment volontiers en « cougars » – autrement dit en femelles d’âge mûr qui copulent avec des jeunes voisins à peine sortis du nid – sous le bec du père de leur progéniture. Les chouettes hulottes, elles, mâles comme femelles, ont un penchant pour le roux et restent fidèles à un seul partenaire tout au long de leur existence. Par attachement, certes, mais est-ce vraiment à leur couple ? Et dans quelle mesure la couleur du plumage et l’infidélité des parents peuventelles avoir une influence sur la survie de l’espèce ? Décryptage avec Alexandre Roulin, professeur associé au Département d’Ecologie et Evolution (DEE), qui étudie les chouettes depuis vingt-cinq ans.

ALEXANDRE ROULIN Professeur associé au Département d’Ecologie et Evolution, il étudie les chouettes depuis 25 ans. Nicole Chuard © UNIL

La hulotte est une tigresse et l’effraie une cougar Dans la famille chouette, il y a d’abord la femelle, une reine, et ensuite le mâle, son serviteur. Tout du moins aux prémices 40

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de leur relation. En effet, c’est Madame qui demande à s’accoupler, en criant de son nichoir. Madame hulotte hulule, tandis que Madame effraie chuinte. Et Monsieur, hulotte ou effraie, émoustillé par ces appels, s’approche de la chanteuse avec une offrande, en général une souris. « Il ne s’agit pas pour lui de poser des bougies sur une table et de préparer un superbe dîner, rigole Alexandre Roulin. La femelle a besoin d’accumuler des ressources pour pouvoir produire des œufs très rapidement. Plus elle grossit, plus elle a de la peine à chasser. Donc le mâle, petit, agile, la nourrit afin de pouvoir se reproduire. » Plus ce dimorphisme sexuel est important (femelle imposante, mâle léger), plus la répartition des tâches le sera. Madame assume alors le rôle de tigresse. « Chez la hulotte, lorsqu’on monte au nichoir, la femelle n’hésite pas à attaquer l’homme pour défendre le nid, note le biologiste. Il faut mettre un casque ! » Pendant que Madame pond, puis couve, puis s’occupe de la nichée, qui peut aller jusqu’à onze petits chez l’effraie, Monsieur chasse pour elle. Le couple idéal ? Pas forcément. Car au sein des couples d’effraies se cachent


des femelles cougars : Alexandre Roulin a en effet constaté que dans la moitié des familles, Madame disparaissait avant que sa progéniture ne puisse se débrouiller seule pour aller roucouler avec un jeune mâle sans expérience des environs. « Les chouettes effraies, qui ont jusqu’à deux nichées par an – un cas relativement unique chez les rapaces – passent leur vie entière à penser à se reproduire, souligne le biologiste. Pour tenter d’accélérer le processus, elles cherchent d’autres partenaires tout en élevant leurs petits. Si elles trouvent un nouveau mâle, souvent un petit jeune qui n’a pas eu la chance de se reproduire et qui est prêt à le faire, elles abandonnent leur première portée à mi-course. Et le premier mâle n’a aucun choix. Il continue à élever seul les petits. On peut dire que la femelle effraie a le pouvoir de décider de sa vie sexuelle. » Ce qui n’empêche pas les pères effraies de batifoler dans d’autres nids. Ni le mâle ni la femelle ne sont donc fidèles. Pourtant, lorsque l’on fait des analyses génétiques de paternité dans un nid d’effraies, il reste rare de découvrir un petit qui n’est pas nourri par son père. Selon le biologiste, ce serait parce que les couples de chouettes effraies s’accouplent très souvent, jusqu’à septante fois par jour. « Le premier mâle copule sans arrêt tout en s’occupant de la première nichée, sûrement parce qu’il ne sait pas si la femelle va le quitter ou pas. Ainsi, si elle l’abandonne, le premier mâle aura peut-être une chance d’avoir un fils ou une fille dans la deuxième nichée de la femelle partie avec un jeune mâle. » A l’inverse, les chouettes hulottes sont très fidèles. Parce qu’elles s’aiment pour toujours dès le premier hululement ? La réponse semble plus terre-à-terre. D’après Alexandre Roulin, c’est la philopatrie – une tendance à demeurer proche de l’endroit où l’on est né – qui les oblige à rester ensemble. « Les chouettes hulottes nichent dans des cavités d’arbres, peu éloignées du lieu où elles ont grandi, et surtout très rares. Elles doivent ainsi protéger leur territoire toute l’année. Ce qui sous-entend que le mâle et la femelle ne sont pas fidèles au couple, mais à leur cavité. » Néanmoins, le biologiste a aussi découvert dans ses analyses que les chouettes fidèles se reproduisaient davantage. « Peut-être arrivent-elles mieux à s’accorder pour l’élevage des jeunes, comme les oiseaux en général. Il a été démontré que les couples qui restaient ensemble étaient plus coordonnés, même physiologiquement. Le profil hormonal est en adéquation entre le mâle et la femelle. Leur progéniture en bénéficie, parce que les soins parentaux sont de meilleure qualité. » Des petits qui ont aussi leur travail à effectuer dans le nid : discutailler toute la nuit pour savoir qui sera nourri. Ils ne communiquent pas avec leurs parents, seulement entre eux. « Il s’agit de la négociation dans les fratries, explique le biologiste. Les parents reviennent toutes les demi-heures à une heure avec une souris, indivisible. Un seul jeune peut être nourri par visite parentale. Si les petits ne se mettent pas d’accord, ils vont se taper dessus toute la nuit. Donc ils

vocalisent entre eux pour savoir qui prendra la prochaine proie qui arrivera. »

JEUNE HULOTTE Cet animal est très fidèle à son conjoint et ne s’éloigne guère de l’endroit où il a grandi. © COLIBRI - A.M. LOUBSENS

De l’importance d’être noiraude, ou rousse Monsieur chouette ne répond pas aux avances, hululements ou chuintements, de n’importe quelle femelle. Et Madame ne s’incline pas devant le premier venu non plus. D’après les recherches du biologiste Alexandre Roulin, il semblerait que l’un et l’autre s’attardent sur la couleur du plumage ventral du prétendant pour élire le père ou la mère de sa progéniture... Chouettes hulottes et chouettes effraies qui, comme 3 à 5 % des oiseaux sur terre bénéficient d’un polymorphisme de coloration, n’ont que l’embarras du choix. « La couleur des chouettes hulottes, au niveau ventral, varie de roux à non roux, c’est-à-dire gris, en passant par le blanc, signale Alexandre Roulin. En fait, le morphe gris révèle une absence de pigments roux nommés phéomélanines, les mêmes qui colorent nos cheveux roux. Ces différences de couleur sont dues à des gènes. Les individus gris ont des gènes qui ne leur permettent pas de produire des pigments roux. » Chez les chouettes effraies, on retrouve des variations identiques, avec en plus des pigments noirs (eumélanines) sous forme de taches. D’un nid à l’autre, le professeur s’émerveille à chaque fois de trouver des couples aux couleurs totalement différentes. Une rousse et une blanche, une grise et une noiraude. Toutefois, il s’est rendu compte que les individus les plus foncés, donc au plumage le plus euméla-

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nique, se révélaient être meilleurs d’un point de vue physiologique. « La coloration est corrélée à beaucoup d’autres phénotypes : le système immunitaire, la résistance au stress oxydatif et aux parasites, les processus énergétiques, l’activité sexuelle, l’appétit, et même le sommeil. Chez les chouettes effraies, j’ai constaté que les femelles foncées étaient les plus performantes. » Elles mangent et dorment peu, ont un appétit faible, résistent mieux à toutes les agressions. Du coup, les mâles effraies se les arrachent. Le hic : le biologiste a découvert qu’il existe un conflit entre les sexes. A savoir une sélection positive chez les femelles pour être très foncées et négative chez les mâles pour avoir des petites taches sombres. « En Suisse, il est plus important pour la femelle d’avoir de grosses taches foncées qu’il n’est important pour le mâle de posséder de petites taches foncées, génétiquement et physiologiquement. Comme les mâles préfèrent les femelles sombres, celles-ci donnent naissance à des fils qui ont des grosses taches sombres, et sont faibles. Ils seraient donc voués à disparaître, à très long terme. Les femelles évolueraient vers un plumage fortement tacheté et les mâles très peu tacheté, autrement dit à un dimorphisme sexuel très prononcé. » Les Messieurs effraies les plus clairs demeurent les plus forts, soit les plus virils, et ont les faveurs de Mesdames les noiraudes. Tandis que les Messieurs foncés doivent trouver une parade. « Les mâles qui ressemblent à des femelles, car il existe des mâles efféminés, vont produire plus de filles dans leur nichée, des filles noires, donc fortes. Et les femelles non

ÉTUDE LES CHOUETTES ROUSSES ÉVINCENT PEU À PEU LES CHOUETTES GRISES

© Colibri - M. Chatelain

LA NUIT DE LA CHOUETTE EN ROMANDIE

Le 23 mars 2013 verra la septième édition en Suisse romande de La Nuit de la chouette, un événement né en France dans les années 90 destiné à faire connaître les rapaces nocturnes et surtout à faire comprendre l’importance de les protéger. Le temps d’une soirée, des spécialistes présentent chouettes et hiboux, de l’amour qu’ils ont, ou pas, pour leur lieu de vie aux rongeurs qui les régalent, en passant par leurs petites habitudes. Au programme : conférences, ainsi qu’observation et écoute sur le terrain. Dans le canton de Vaud, les amoureux des hululements et autres chuintements pourront se rendre à Corsier-sur-Vevey, Morges et Orbe. Tout public. Renseignements : www.nosoiseaux.ch

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noires de pondre plus de fils clairs afin de tirer leur épingle du jeu. Chacun a ses stratégies pour compenser son handicap. » Le professeur ajoute que cette analyse sur les chouettes pourrait être valable pour un certain nombre de vertébrés, sans considérer l’homme : les individus les plus foncés restent les plus performants, du moins sur certains aspects. La coloration rousse a aussi des conséquences sur les stratégies reproductives. La hulotte très rousse, la plus agressive et la plus forte, qu’elle soit mâle ou femelle, adopte toujours le même comportement : produire peu de jeunes de très bonne qualité. Tandis que la grise ajuste ses stratégies en fonction des conditions environnementales. « Les grises résistent aussi mieux au manque de nourriture, mais cette méthode est coûteuse, car cela reste difficile de s’adapter aux changements. » Idem au niveau de l’appétit. Les chouettes rousses, effraies ou hulottes, prennent plus de poids s’il y a beaucoup de nourriture et leurs petits grandissent beaucoup mieux. Ce qui n’est pas le cas des grises, qui perdent moins de masse si on leur enlève de la nourriture. Quant à l’effraie, sa rousseur paraît liée à des adaptations locales, en Suisse comme en Israël, selon le biologiste. « La rousse chasse principalement dans les milieux ouverts, alors que la blanche reste plus proche des forêts. Toutes deux exploitent donc des espaces écologiques relativement différents. Et le roux est utile pour se camoufler. On repère moins aisément une chouette rousse qui vole sur un terrain vague qu’une blanche… Ces changements de coloration sont aussi liés à des régimes alimentaires distincts. Une rousse mange plus de campagnols, qui vivent en milieu ouvert. Une blanche ingère plus de mulots, rongeurs essentiellement forestiers. » Une étude menée en Finlande sur ces cinquante dernières années montre que les chouettes rousses évincent peu à peu les chouettes grises. Alexandre Roulin a pu constater le même phénomène au Musée d’histoire naturelle de Genève où les chouettes empaillées grises, les plus nombreuses dans les années 20, disparaissent peu à peu pour faire place aux rousses. « Visiblement, quelque chose de global se passe, remarque le biologiste. Les hivers sont moins rigoureux à cause du réchauffement climatique. Et les rousses préfèrent la chaleur, alors que les grises résistent aux grands froids. Mais est-ce vraiment dû aux changements de température ? Je ne sais pas. Cela peut aussi être lié à la disponibilité en ressources alimentaires. Il faudrait l’étudier. » La dizaine d’espèces de chouettes qui sont installées en Suisse, et la quinzaine qui volent en Europe, restent protégées. Si chez certaines – toutes les chouettes ne sont pas polymorphes – les variations de coloration jouent un rôle prépondérant en matière de stratégies de survie, leur plus grand ennemi demeure la route. Surtout pour les chouettes effraies dont le nombre diminue peu à peu en Europe. « Pour chasser, elles volent au raz du sol en milieu ouvert, non loin des autoroutes placées à côté des champs. L’augmentation du trafic routier est devenu un réel problème. » 


IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

LE NOTAIRE FÉRU DE LETTRES

L'

étude, que se partagent plusieurs associés, se situe à Morges, au bord du lac, dans une vieille bâtisse. Le bureau de Franco del Pero intrigue. On pensait ses quartiers chics et stricts. Au premier coup d’œil, ils le paraissent. Le coin de la pièce réservé aux rendez-vous est imposant et dépouillé. Mais le regard de la visiteuse est vite happé par la table de travail à proprement parler. Partout, des classeurs éparpillés, des plumes utilisées ; un désordre plaisant. L’endroit incarne à merveille un parcours au double visage. A la fin des années 60, Franco del Pero entame un cursus de droit, parallèlement à des études en histoire de l’art, latin et français. Au bout de quelques années, l’étudiant, qui s’autofinance et cumule les jobs, abandonne les Lettres pour se consacrer au droit. « J’ai fait un choix de raison. » Longtemps, Franco del Pero se destine à une carrière d’avocat, puis à la magistrature ; une tragédie familiale en décide autrement. Le décès de sa femme et la priorité d’élever leur fils seul l’amène vers le notariat. « Ce choix n’était pas tout à fait innocent. C’est un métier stimulant où on a une responsabilité égale à l’égard des deux parties et où on est poussé à trouver des solutions imaginatives. » Mais la vraie vie est ailleurs. « J’ai toujours consacré du temps à la collectivité, avec beaucoup de joie, en pensant qu’on a un devoir. » L’époux et père de deux enfants cumule les activités bénévoles. Il a passé plus d’une décennie à la tête de la Société académique vaudoise ; une fonction qu’il vient de quitter. « Le renouvellement est nécessaire. C’est pourquoi j’ai voulu partir avant, mais il était difficile de trouver un successeur », affirme-t-il.

FRANCO DEL PERO Licence en droit en 1974 et doctorat en 1993. Notaire. © Pierre-Antoine Grisoni/Strates

La communauté des alumni de l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

Et il s’empresse d’ajouter qu’il reste membre du Conseil. Ancré dans la culture locale, le notaire a rejoint le comité de publication de l’Encyclopédie vaudoise avec l’éditeur Bertil Galland et préside le Conseil de fondation du Théâtre du Jorat. Franco del Pero a aussi mené une carrière politique, en tant que député au Grand Conseil (1982-1998), au sein du Parti libéral vaudois, dont il a été le secrétaire général pendant quatre ans. Né en 1949 dans une famille d’immigrés italiens – un père chef cuisinier, une mère aide-soignante – le « secondo » a goûté à la notion d’individualisme autour de la table familiale. « On ne discutait pas de politique directement. Mais mon grand-père maternel était un antifasciste et autonomiste valdôtain et l’idée de responsabilité individuelle a toujours été très importante. » A l’instar de son parti, il juge les études universitaires trop accessibles et prône des exigences strictes. Mais lorsqu’il s’agit de l’alma mater, le notaire se positionne parfois en porte-à-faux avec sa famille politique. Il s’est notamment opposé à un projet de coupes budgétaires visant l’UNIL. Tout en restant libéral, jusque dans ses convictions religieuses : éduqué dans une famille catholique, il se sent proche du protestantisme et participe à la vie de cette collectivité. Lettreux par amour, notaire par raison, Franco del Pero n’exprime pas de regrets. Aux futurs étudiants, il prodigue pourtant un conseil que lui-même n’a pas suivi : ne pas faire de calculs en fonction des débouchés, mais obéir à ses envies. Et l’avenir suivra. Devant la perplexité de l’interlocutrice, il précise. « Oui, je suis un être de contradiction. »  RENATA VUJICA

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CSI : LAS VEGAS

D.B. Russell (Ted Danson) et Catherine Willows (Marg Helgenberger) dans la 12e saison des Experts. © Sonja Flemming/RTS/CBS Entertainment

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ILS NE SONT PAS AUSSI

«EXPERTS» QUE VOUS LE CROYEZ! La série TV la plus regardée au monde influencerait le comportement des criminels, le bon déroulement des procès et notre vision du travail de la police. Qu’y a-t-il de vrai dans ces reproches qui sont souvent adressés au célèbre feuilleton ? Une spécialiste de l’UNIL trie le vrai du faux. TEXTE JOCELYN ROCHAT

«O

n ne se fera plus avoir. » Dès le générique des Experts Miami, tout est dit. Même si les Who chantent en anglais, le message est transparent : Won’t get fooled again. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère policière. Désormais, plus besoin de questions faussement ingénues à la Colombo ni de déductions géniales à la Sherlock Holmes, pour confondre les suspects et résoudre les enquêtes. Les Experts veulent envoyer Kurt Wallander et Hercule Poirot à la retraite. Au XXIe siècle, la science s’est appropriée la lutte contre le crime. Elle nous enjoint de « suivre ce qui ne peut mentir : les indices », comme le répète inlassablement Gil Grissom, le mentor des Experts. Les témoins, « on n’en a pas besoin. Tout ce qu’on doit savoir, on l’a sous les yeux », appond le docteur Langston, lors d’un dialogue avec Nick Stokes, de la brigade de Las Vegas. Les vrais policiers critiquent Depuis le 6 octobre 2000 et la diffusion du premier épisode des Experts sur CBS, notre vision de la lutte contre le crime est influencée par ces épisodes qui passent et repassent dans une septantaine de pays, ce qui en fait la série la plus regardée au monde. A force, ces pro-

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grammes ont forgé notre vision de la police. Et pourtant, ils seraient « trompeurs » à bien des égards, assure Joëlle Vuille. Cette docteur en criminologie et licenciée en droit à l’UNIL est actuellement basée à Los Angeles, grâce à une bourse du FNS. Elle y mène une recherche sur l’utilisation des preuves scientifiques par la justice pénale, en comparant les pratiques américaine et suisse. Et elle rappelle qu’au fil des années, Les Experts « se sont attiré les critiques de nombreux policiers et procureurs qui regrettent que la série donne une vision simpliste, et parfois fausse, de leur travail quotidien. » Explications de détail.

GRANDS MOYENS

Nick Stokes (George Eads) et Catherine Willows (Marg Helgenberger) sur les lieux d’un crime. Dans la série, les enquêteurs semblent disposer de moyens illimités. © Sonja Flemming/CBS

Les Experts créent des espoirs irréalistes Dans la série, chaque cas est résolu au terme d’une enquête rondement menée. En 52 minutes – la durée d’un épisode –, les coupables sont arrêtés et sanctionnés par des peines américaines, bien plus lourdes que les nôtres. Les Experts « font croire aux Helvètes que la justice est beaucoup plus efficace qu’elle ne l’est en réalité, assure Joëlle Vuille. Dans la vraie vie, sur la masse de délits commis quotidiennement, il n’y en a qu’une petite partie qui est détectée et traitée. Je ne parle pas des meurtres, qui ne passent généralement pas inaperçus, mais d’innombrables petits délits dont les auteurs ne sont jamais arrêtés. A l’inverse, la série nous fait aussi croire que les autorités ne font jamais d’erreur. » Un coup d’œil aux statistiques conforte l’analyse de la chercheuse de l’UNIL. Si on prend l’exemple des cambrio46

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lages, qui sont en forte hausse dans le canton de Vaud, on découvre que le taux d’élucidation de ces affaires était inférieur à 15 % durant l’année 2011. Les infractions contre la vie et l’intégrité corporelle, ainsi que celles contre l’intégrité sexuelle, enregistrent des taux d’élucidation plus élevés, respectivement 74 % et 66 %. Trouver les coupables, ça n’aurait pas de prix Quand ils mènent une enquête, Les Experts de Las Vegas, de Miami ou de Manhattan semblent disposer de moyens illimités. Les enquêteurs peuvent recourir à tout moment à l’ensemble des sciences forensiques, comme l’informatique, la médecine légale, la balistique, la toxicologie, la graphologie, la zoologie, la minéralogie, l’entomologie, etc. « C’est un autre biais du feuilleton, observe Joëlle Vuille. La série fait croire au téléspectateur que les enquêteurs sont toujours prêts à dépenser des sommes importantes pour des examens scientifiques compliqués. Dans la réalité, les enquêteurs font toujours une pesée d’intérêts entre les coûts des analyses, l’utilité des résultats attendus et la gravité de l’infraction. Tout l’arsenal n’est pas engagé à chaque enquête. Très souvent, on prélève de nombreux échantillons qui ne seront pas analysés. Et on garde ces traces quelque part, au cas où on en aurait besoin. » Du coup, les policiers suisses qui débarquent sur le lieu d’un cambriolage, par exemple, provoquent de nombreuses interrogations s’ils ne se livrent pas à une fouille complète de la scène du crime, avec recherche d’ADN et


d’empreintes digitales. « La série a créé un standard, et les victimes s’attendent à ce que la police travaille chez eux comme dans Les Experts, explique la chercheuse de l’UNIL. Or ce n’est pas toujours le cas, car il y a des contraintes financières mais également de temps à consacrer à chaque affaire. Dans des cas avérés d’erreurs judiciaires, on voit parfois que des indices n’avaient pas été analysés, alors qu’ils ont permis par la suite d’exonérer le condamné. »

Le crime parfait existe La série permet aussi d’imaginer que chaque criminel laisse toujours derrière lui des indices qui vont le trahir. C’est, en tout cas, le credo d’Horacio Caine. Dans un épisode des Experts Miami, la star du feuilleton explique à un suspect qu’il vient d’arrêter, grâce à des fibres de tissus détectées dans le coffre de sa voiture : « Vous avez été trahi par Locard ». « Qui ? » répond le meurtrier hébété. « Edmond Locard. » Horacio Caine fait allusion à l’un des pères fondateurs de la criminalistique moderne. On lui doit le principe de Locard, qui veut que « nul ne peut agir avec l’intensité que suppose l’action criminelle sans laisser des marques multiples de son passage ». Seulement voilà, tout cela reste théorique, car « le crime parfait existe, assure Joëlle Vuille. C’est rare, mais il y a des gens qui arrivent à commettre un meurtre dont on ne retrouve jamais le cadavre, ou bien qui se débrouillent pour maquiller le crime en suicide, en accident ou en mort naturelle. » Il y a enfin d’innombrables délits « où le coupable ne laisse pas de traces, et d’autres où les indices sont détruits avant l’arrivée de la police et où la science reste impuissante ». Les Experts n’ont pas tué Colombo : le facteur humain reste décisif La série Les Experts ne porte pas le nom de son héros, et ce n’est pas un hasard. Gil Grissom à Las Vegas, Horacio Caine à Miami et Mac Taylor à Manhattan ne passeront pas à la postérité comme Sherlock Holmes. Car la vedette de la série, c’est la science. Le génie de l’enquêteur s’efface derrière l’efficacité collective et anonyme des sciences forensiques. Mais là encore, Joëlle Vuille conteste. « Un chercheur français nommé Laurent Mucchielli a étudié une série d’homicides qui se sont produits en France. Après avoir décortiqué ces enquêtes, il a conclu que le principal facteur qui permettait de résoudre les affaires, c’était l’enquêteur. Car, même quand on a d’excellentes preuves matérielles sous la main, il faut un esprit humain qui soit capable de reconstituer les motivations d’un autre esprit humain, le délinquant. Le problème avec Les Experts, c’est qu’ils font croire que tout se passe dans le laboratoire, alors qu’il faut tenir compte du contexte dans lequel les preuves s’insèrent. »

GIL GRISSOM

Le mentor des Experts enjoint de « suivre ce qui ne peut mentir : les indices ». © Ron Jaffe/CBS

« SOUVENT, LES DÉLINQUANTS SONT D’UNE BÊTISE INSONDABLE. ON EST RAREMENT DANS DES SCÈNES À LA COLOMBO, OÙ L’ACCUSÉ EST AUSSI BRILLANT QUE L’ENQUÊTEUR. » JOËLLE VUILLE

Il y a des Experts qui se trompent, qui bâclent ou qui trichent Dans la série TV, Les Experts sont des gentils qui ne comptent pas leurs heures pour traquer les méchants criminels. Mais la réalité est moins manichéenne, assure Joëlle Vuille. « Dans ces feuilletons, on ne parle jamais des experts malhonnêtes. Et pourtant, ils existent. » Elle pense notamment à Annie Dookhan, qui a rédigé des milliers de rapports d’analyses de stupéfiants au Massachusetts, et qui témoignait qu’il y avait de la cocaïne dans certaines saisies alors qu’elle ne les avait pas traitées. « Elle n’est que le dernier exemple de dizaines de cas d’experts qui ont fait condamner des prévenus avec des preuves manipulées. » Heureusement pour les Suisses, ces dérapages restent une caractéristique américaine. « Aux Etats-Unis, les experts font vraiment partie de l’accusation : ils travaillent dans le but de faire condamner des accusés. En Suisse, la police scientifique a une position qui est neutre. Ils ne poursuivent pas les mêmes buts, c’est pour cela que je pense que ces problèmes n’existent pas en Suisse, ou, en tout cas, pas dans les mêmes proportions. » Les Experts influenceraient les tribunaux Le feuilleton le plus diffusé au monde serait encore capable de modifier l’issue de certains procès. Des sociologues et des juristes américains ont prétendu que les attentes des victimes, des jurés mais également des criminels, auraient évolué depuis l’apparition de ces séries. Cet « effet CSI » (le titre américain des Experts est CSI : Crime Scene Investigation) pousserait l’accusation à produire toujours plus de preuves scientifiques, notamment ADN, même quand cela ne présente aucun intérêt pour l’affaire, avec la conséquence que les jurés refuseraient de condamner lorsque de telles preuves sont absentes d’un dossier. « Cela reste une hypothèse, elle n’a jamais été confir-

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« UN FICHAGE ADN RAPIDEMENT LES

mée », précise Joëlle Vuille. Mais cette théorie laisse la chercheuse perplexe. « La bonne question, ce serait de demander pourquoi l’accusation n’a pas apporté de preuves scientifiques au procès. Quand on commet un délit, un meurtre ou un viol, on laisse souvent des preuves de son passage. Si la police n’a pas trouvé de traces, c’est peut-être parce que la personne accusée n’était pas sur les lieux. » Cela dit, on trouve dans l’article consacré par Wikipédia à l’« effet CSI » la mention d’un juré qui aurait refusé de condamner une personne accusée d’escroquerie, parce qu’elle n’aurait pas été soumise à un test ADN ! L’anecdote fait rire Joëlle Vuille : « Cet exemple est consternant, et les Américains ont effectivement un problème avec les jurés, puisque ce ne sont pas toujours les meilleurs qui finissent sur les bancs des tribunaux. Cela dit, quand on parle d’un « effet CSI », on pense généralement à des exemples où il était plus raisonnable d’attendre des preuves scientifiques. »

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Dans Les Experts, on voit sans cesse les enquêteurs utiliser des banques de données incroyables, qui permettent de croiser en un clin d’œil, par exemple, la liste de toutes les personnes qui ont un 4x4 BMW noir, qui ont déjà été condamnées pour des crimes sexuels et qui habitent dans un rayon de 50 kilomètres. Pourtant, vous expliquez, dans votre livre « L’ADN : reine des preuves ou roi des canulars ? » qu’en Suisse, c’est interdit... Effectivement. Comme nous sommes des champions de la protection des données, il est très difficile de constituer des bases de données. Et encore plus difficile d’offrir aux enquêteurs la possibilité de croiser les informations contenues dans deux bases de données. En cela, les séries des Experts donnent une image totalement fausse de la réalité. En Suisse, la police scientifique ne travaille pas avec ces technologies. Ici, nous n’avons que deux grandes banques de données biométriques. Celle qui permet de comparer les empreintes digitales, et celle qui rassemble les analyses ADN. Mais on n’y trouve pas les gènes de tout le monde. Il n’y a que l’ADN des personnes condamnées pour certains crimes ou délits. Et encore, il ne s’agit pas de tous les délits et de tous les crimes. Ce sont les seules bases de données de la police suisse ? Non, les enquêteurs disposent encore de certaines bases de données comme les plaques d’immatriculation de voitures, les modèles de véhicules, les objets disparus et les armes. Enfin, il y a aussi – c’est le charme de la Suisse – de petites bases de données locales. Certaines polices prélèvent par exemple les traces des semelles de chaussures des cambrioleurs qu’ils arrêtent. Mais cela reste au niveau local. Si le voleur est à nouveau arrêté dans un autre canton, il n’est pas dit que les autorités auront connaissance de cette information. © eddiesimages/istockphoto

Les Experts influenceraient les criminels Les victimes de crimes et les policiers ne sont pas les seuls à regarder Les Experts. Les criminels sont aussi des téléspectateurs, et ils seraient également sensibles aux images de la série. Aux Etats-Unis, plusieurs victimes ont ainsi expliqué qu’un violeur les avait forcées à prendre une douche, ou à se laver avec de l’eau de Javel après l’agression. Mais ces cas avérés ne suffisent pas pour conclure que la série Les Experts aiderait les délinquants à échapper à la justice. « Quand vous consultez les statistiques, et que vous regardez le nombre de personnes qui se font arrêter, chaque année en Suisse, à cause de leur ADN ou de leurs empreintes digitales, cela fait quand même beaucoup de gens qui n’ont rien compris aux méthodes de la police scientifique, observe Joëlle Vuille. Bien sûr qu’on commence à voir des criminels qui mettent des gants, mais il reste une grande majorité de délinquants qui ignorent totalement comment travaille la police scientifique. C’est d’ailleurs sur cette ignorance que l’on compte lorsque l’on établit des bases de données. » La chercheuse lausannoise est « toujours étonnée de voir que les criminels ne prennent pas davantage de précautions. On voit des auteurs de meurtre, couverts de sang, qui mettent leurs habits dans leur propre poubelle, et qui se font arrêter le lendemain matin, parce que les policiers ont débarqué et que leur premier réflexe a été de regarder dans la poubelle. Souvent, les délinquants sont d’une bêtise insondable. On est rarement dans des scènes à la Colombo, où l’accusé est aussi brillant que l’enquêteur. Bien sûr, il arrive qu’une personne nettoie une scène de crime à grande eau et détruise les indices ADN, mais la grande majorité des délinquants continuent à commettre les mêmes erreurs, et c’est pour cela que les preuves scientifiques fonctionnent si bien. » 

Aux Etats-Unis, Les Experts peuvent utiliser des policiers suisses. Dommage, estime Joëlle Vuille.

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Mais en Amérique du Nord, Les Experts peuvent utiliser ces moyens informatiques dans leurs enquêtes ? Aux Etats-Unis, j’ai l’impression que vous pouvez faire n’importe quoi au niveau local. Par exemple, dans le comté d’Orange, en Californie, la police arrête des délinquants mineurs, puis leur propose de ne pas les poursuivre s’ils


UNIVERSEL PERMETTRAIT DE METTRE PLUS INNOCENTS HORS DE CAUSE » banques de données électroniques pour faire avancer leurs enquêtes. Mais ces technologies sont interdites aux donnent leur ADN. Or, cet ADN n’ira pas alimenter la base de données fédérale, seulement la base locale, car ses conditions de prélèvements sont trop mauvaises. Pourtant, ce serait logique de pouvoir bénéficier de ces aides électroniques, au minimum pour les enquêtes importantes. Or, on découvre en vous lisant que la police est davantage empêchée qu’encouragée à le faire. Oui. Mais c’est une question de pesée des intérêts entre la lutte contre le crime, le respect de la vie privée des citoyens, et les moyens que la société veut investir dans la lutte contre la délinquance. Dans votre livre, vous parlez aussi des carrières criminelles, pour rappeler que les personnes arrêtées pour un crime grave ont souvent commis des petits délits auparavant... Le crime, c’est un métier qui s’apprend comme n’importe quelle profession. Avant de rouler avec une moto surpuissante, on commence sur un vélo quand on est enfant. C’est exactement la même chose avec les criminels. On ne viole pas et on ne tue pas trois prostituées dans la même soirée alors que l’on n’a jamais agressé personne auparavant, car il nous manque le savoir-faire. Le plus souvent, on observe une progression dans ces parcours criminels, y compris chez les délinquants en col blanc. Ce sont souvent des gens qui ont commis d’autres délits auparavant. Si on ciblait ces personnes au début de leur carrière criminelle et qu’on prélevait leur ADN plus tôt, les gains seraient multiples : moins de délits, moins de victimes, des peines moins longues pour les délinquants, et donc des coûts sociaux et humains moins lourds. Ce serait aussi utile pour innocenter les suspects... Oui, si l’ADN d’une plus large partie de la population était fiché, cela permettrait d’exclure de l’enquête des personnes de manière moins intrusive que par les moyens traditionnels que sont l’interrogatoire ou la perquisition : bien des gens préféreraient que leur ADN soit vérifié à distance plutôt que de voir apparaître un policier sur leur palier, qui vient leur demander s’ils ont un amant ou s’ils fréquentent des clubs échangistes.

JOËLLE VUILLE Docteur en criminologie et licenciée en droit de l’UNIL, actuellement basée à Los Angeles. Nicole Chuard (archives)

Tout cela plaide pour des banques de données plus complètes, avec l’autorisation accordée aux enquêteurs de croiser les informations des différentes banques de données ? Oui. A condition de se souvenir que cette technologie n’exclut pas tout risque d’erreur.  PROPOS RECUEILLIS PAR JR L’ADN : reine des preuves ou roi des canulars ? Par Joëlle Vuille. Ed. de l’Hèbe, coll. La question (2011).

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HISTOIRE DES RELIGIONS

MARIE APPARAÎT PLUS SOUVENT

DANS LE CORAN QUE DANS LA BIBLE On ne le sait que trop peu, mais la mère de Jésus est considérée comme un véritable modèle de pureté et de piété dans l’islam. Les explications de Jean-Claude Basset, chargé de cours, spécialiste de l’islam et des relations interreligieuses à l’UNIL. TEXTE ANNE-SYLVIE SPRENGER

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e fait est des plus surprenants : Marie est plus souvent évoquée dans le texte coranique que dans la Bible ! Et pourtant, son fils Jésus n'y occupe pas la même place centrale que dans la foi chrétienne. En effet, dans la confession musulmane, Jésus n’est pas reconnu comme le Fils de Dieu, mais comme l’un des prophètes majeurs de l’islam, mis sur un pied d’égalité avec Abraham, Moïse, David ou encore Mahomet (plus correc-

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« MARYAM »

Cette miniature du XVIIe siècle, conservée à Istanbul, est inspirée d’un modèle occidental. © R. et S. Michaud / akg-images

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tement appelé Muhammad). « Marie est présente dans le Coran comme bien d’autres personnages bibliques », relève Jean-Claude Basset, spécialiste de l’islam et des relations interreligieuses à l’UNIL. Pour le comprendre, il convient premièrement de rappeler la nature même du Coran, et ses liens fondamentaux avec la Torah et l'Evangile, les textes de référence des deux autres religions monothéistes que sont le judaïsme et le christianisme.



HISTOIRE DES RELIGIONS

Mahomet. Dans cette confession, seul le texte coranique fait cependant foi, puisqu’on considère qu’autant la Bible hébraïque que le Nouveau Testament ont été modifiés avec le temps, l’usure, les déformations et autres interprétations – volontaires ou non, d’ailleurs. Le Coran est alors perçu comme le dernier rappel envoyé par Dieu pour guider les humains. » Des sourates portent les noms de personnages bibliques Ainsi fondés sur un héritage commun, les textes des trois grandes religions monothéistes partagent plusieurs points de convergence, notamment quant à la présence des mêmes personnages. « Plusieurs sourates portent le nom de personnages bibliques (Abraham, Jonas, Joseph, Noé), mais cela ne signifie pas qu’ils soient nécessairement identiques. On peut d’ailleurs leur trouver autant de ressemblances que de divergences (lire en page 54) », précise le spécialiste de l’UNIL. Dans ce contexte, le personnage de Marie (Maryam, en langue arabe), la mère de Jésus, apparaît comme une réelle figure rassembleuse. A l’instar de la foi catholique, la confession musulmane lui accorde une place tout à fait privilégiée : la sourate (chapitre du Coran, ndlr) 19 porte son nom et lui est largement consacrée. « C’est le seul nom féminin qui est mentionné dans le Coran », souligne JeanClaude Basset. « Les autres femmes sont toujours évoquées sous le titre de "sœur de", "fille de", "compagne de". Elles n’ont pas de nom. » Et d’expliquer : « Traditionnellement, dans l’islam, la filiation est marquée par le père, on est toujours le "fils ou la fille de". Mais comme Jésus n’a pas de père, ce qui est fondamental dans la foi musulmane, il est désigné comme le fils de Marie. »

« Il faut savoir que pour les musulmans, il n’y a qu’un seul Livre », nous explique-t-il. « Une sorte de Livre-Matrice qui est au Ciel et descend en fonction des circonstances. L’islam ne se présente pas comme une nouvelle religion, mais s’appuie clairement sur ces deux traditions antérieures et s’inscrit dans la continuité d’un même message originel qui a été transmis successivement à Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et finalement 52

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FAMILLE

Marie et Jésus sont représentés sur cette miniature persane du XVIIe siècle, conservée au Caire. © R. et S. Michaud / akg-images

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Marie est un modèle pour tous les croyants Dans l’islam, Marie est une figure fortement respectée. Le Coran insiste beaucoup sur sa pureté, son humilité ainsi que sa piété. « Les musulmans n’utilisent pas le mot "sainte", mais elle est mise sur un véritable piédestal », précise Jean-Claude Basset. « D’ailleurs, elle n’est pas seulement un modèle pour les femmes, mais pour tous les croyants. Ses qualités portées en exemple ne se cantonnent pas à la gent féminine ! » Et le professeur lausannois d’ajouter qu’il existe même un hadith (ces paroles rapportées de Mahomet, ndlr) selon lequel « il n'y a pas de nouveau-né qui soit mis au monde sans que Satan ne le pique et que l'enfant crie sous la piqûre, la seule exception est celle du fils de Marie et de sa mère. » Si le premier marque un réel point de rupture entre la religion chrétienne et la foi musulmane (lire en page 55), Marie, quant à elle, apparaît comme un point de convergence notoire. Dans les parallèles évidents entre le récit biblique et le texte coranique, l’on peut notamment relever la célèbre


scène de la révélation où un ange, envoyé de Dieu, lui annonce qu’elle enfantera d’un fils, bien qu’elle n’ait jamais connu d’homme. Elle aurait accouché seule, sous un palmier Le récit de la naissance de Jésus est quant à lui fortement différent. Dans la tradition musulmane, on ne retrouve ni Joseph, ni étable : Marie, chassée par les siens parce qu’elle aurait fauté, accouche seule, sous un palmier – probablement en Egypte, précise le spécialiste. Et c’est en ces termes que le Coran relate cet épisode : « Les douleurs de l’enfantement l’amenèrent au tronc du palmier, et elle dit : "Malheur à moi ! Que je fusse morte avant cet instant ! Et que je fusse totalement oubliée !" Alors, il (l’ange ou l'enfant) l'appela d'au-dessous d'elle : "Ne t'afflige pas. Ton Seigneur a placé à tes pieds une source. Secoue vers toi le tronc du palmier : il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange donc et bois et que ton œil se réjouisse ! Si tu vois quelqu'un d'entre les humains, dis : "Assurément, j'ai voué un jeûne au Tout Miséricordieux : je ne parlerai donc aujourd'hui à aucun être humain" » (Sourate Maryam, 19, 23-26). Accusée d’être une prostituée Encore une fois, Jean-Claude Basset tient à préciser que « le Coran n’a rien inventé, il s'agit d’éléments présents dans des textes apocryphes chrétiens qui n’ont pas été retenus lors du consensus de l’Eglise quant à la désignation des textes bibliques, mais comportent des traditions qui ne sont pas forcément fausses mais expriment davantage la religion populaire ». De cette littérature non officielle, comme une sorte de « chaînon intermédiaire », l’islam a également puisé d’autres éléments quant à la figure de Marie, dont cette scène étonnante, où elle va être accusée d’être une prostituée – un reproche totalement gommé dans le christianisme mais qui existe dans la tradition juive. Dans le texte coranique, c’est le nouveau-né même qui prend la parole pour défendre l’honneur de sa mère face à cette injure. Et le spécialiste de l’UNIL de citer la suite de la Sourate Maryam (v. 27-30) : « Puis elle vint auprès des siens en le portant (le bébé). Ils dirent : "Ô Marie, tu as fait une chose monstrueuse ! Sœur de Hâroûn, ton père n'était pas un homme de mal et ta mère n'était pas une prostituée." Elle fit alors un signe vers lui (le bébé). Ils dirent : "Comment parlerions-nous à un bébé au berceau ?" Mais (le bébé) dit : "Je suis vraiment le serviteur d'Allah. Il m'a donné le Livre et m'a désigné Prophète." » L’enfance de Marie est racontée dans le Coran La pureté de Marie est capitale dans l’islam, explique JeanClaude Basset. « Les musulmans sont d’ailleurs les fervents défenseurs de Jésus contre ces attaques. Lorsqu’on a discuté, au sein de la tradition protestante et plus largement

JEAN-CLAUDE BASSET Chargé de cours, spécialiste de l’islam et des relations interreligieuses. Nicole Chuard © UNIL

« DES LIEUX DE PÈLERINAGE DE MARYAM SONT VISITÉS AUSSI BIEN PAR LES CHRÉTIENS QUE PAR LES MUSULMANS » JEAN-CLAUDE BASSET

en Orient de la question des frères de Jésus, des voix musulmanes se sont levées pour dire que la virginité de Marie est éternelle, elle n’a pas pu avoir d’autres enfants. » De Marie, le Coran a également gardé le récit de sa propre enfance, dont la Bible ne dit rien. « Sa naissance a été difficile, sa mère était âgée et avait de la peine à avoir des enfants », relate le professeur. « Alors, cette femme fit le vœu de consacrer l’enfant qui allait naître à Dieu. » Bien que cela fût une fille, certains textes apocryphes tout comme la tradition musulmane et, en partie, le Coran rapportent que Marie a été mise à part dès son plus jeune âge, qu’elle a été élevée au temple dans une cellule particulière, et instruite – parce qu’il fallait bien honorer le vœu de sa mère. Les apocryphes disent encore que, lorsqu’elle sera grande, on décidera de la confier à quelqu’un et que l’homme tiré au sort sera Joseph. Si on retrouve cette anecdote dans la tradition musulmane, elle ne figure cependant pas dans le Coran à proprement parler. Ainsi, de part et d’autre du monde musulman, Marie est respectée, voire célébrée, tout autant que par les catholiques fervents. « Des lieux de pèlerinage de Maryam sont visités aussi bien par les chrétiens que par les musulmans », note encore Jean-Claude Basset qui rapporte enfin que le Gouvernement libanais a décrété, en 2010, que le 25 mars, soit la fête de l’Annonciation, serait journée de fête commune pour les musulmans et les chrétiens. Comme quoi, quand on veut bien voir les ponts entre les hommes faisant partie d’une même humanité, on les trouve ! 

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HISTOIRE DES RELIGIONS

COMMENT LE CORAN DÉCRIT LES HÉROS DE LA BIBLE Quelques autres personnages bibliques présents dans le Coran, entre convergences et divergences. Adam et Eve Dans le Coran, Adam (idem en arabe) et son épouse apparaissent au sein du même contexte que dans la religion juive et chrétienne, à savoir le récit de la Création : ils sont les premiers êtres humains créés par Dieu. Le récit islamique se différencie sur deux points principaux. Premièrement, dans le Coran (Sourate 2 dite La vache, v. 30 ss), on trouve un récit antérieur à la création de l'être humain, où Dieu discute avec les anges. « Ces derniers ne sont pas vraiment enchantés avec cette idée de créer un homme », explique Jean-Claude Basset. « Ils pressentent que ce dernier va semer le désordre. Mais Dieu réplique : « Je sais ce que vous ne savez pas » et la discussion s'arrête là. » La seconde grande différence, c’est la réaction d’Adam et de son épouse, après avoir été pris en faute. Alors que dans l’Ancien Testament, Adam accuse Eve, qui incrimine à son tour le serpent, dans le Coran, ils assument tous deux leur erreur. « Soit, ils ont désobéi, mais la reconnaissance de leur faute fait que Dieu pardonne. On est ici plus dans le registre de la faiblesse que de la faute originelle. » Et comme Adam et Eve admettent ne pas savoir faire les bons choix, Dieu promet de leur donner un guide : ce seront les prophètes à venir, dont Adam est d’ailleurs considéré comme le premier. 54

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Abraham et son fils Ismaël Abraham (Ibrâhim) est l’un des prophètes majeurs de l’islam, de ceux qui ont reçu un livre de Dieu. En outre, il apparaît comme le premier croyant au Dieu unique. Dans le Coran, il est ainsi stipulé qu’Ibrâhim n’est « ni juif ni chrétien, mais hanif », soit « monothéiste ». Il va donc aller à l’encontre du polythéisme ambiant, le récit coranique rapportant même sa destruction de toutes les idoles de son village, une tradition que connaît le judaïsme. « Ibrâhim se cherche un Dieu unique. Il est d’abord tenté d’adorer le soleil, mais l’astre va se coucher tous les soirs. Il pense alors aux étoiles, mais celles-ci s’éteignent également », relate Jean-Claude Basset. « Il va alors affirmer l’existence d’un Dieu qu’on ne peut pas voir. » Ibrâhim est également un personnage crucial dans la tradition musulmane, car il est le père d’Ismaël (Ismâ'îl), celui par qui va se faire la lignée jusqu’à Mahomet. Par ailleurs, contrairement à ce qui est écrit dans la Bible, selon les commentateurs du Coran, le fils qu’Ibrâhim était prêt à sacrifier pour son Dieu n’était pas Isaac, mais bien Ismaël. Le fils avec lequel Ibrâhim va reconstruire la Ka’aba, soit le lieu sacré par excellence de La Mecque. Encore aujourd’hui, le pèlerinage à La Mecque se fait sur les pas d'Ibrâhim. David Pour le Coran, de la même manière que Moïse (Mûsâ) a reçu la Torah (Tawrât) et Jésus l’Evangile (Injîl), David (Dâwud) reçoit la révélation d'un texte sacré, les Psaumes (Zabûr). Cependant, comme pour les autres récits du Coran, la tradition islamique ne s’intéresse pas à l’histoire, mais mentionne seulement des épisodes qui servent à illustrer une leçon, comme la célèbre confrontation avec le géant Goliath, dont David sortira vainqueur. Sur un point, cependant, le récit de David est en désaccord avec le récit biblique : « Traditionnellement, dans

ADAM ET EVE

(à g.) Miniature persane. XVIe siècle. © R. et S. Michaud / GammaRapho

ABRAHAM ET IBRÂHIM

(au dessus) Le sacrifice du fils, interrompu par l’ange Cebrail (Gabriel), est représenté dans cette miniature turque de la fin du XVIe siècle. © R. et S. Michaud / akg-images

NOÉ

La sourate 71 porte le nom du prophète Nûh, montré ici sur le pont de l’Arche. Miniature turque de 1579. © R. et S. Michaud / akg-images

JÉSUS

(à dr.) L’ascension du prophète Isâ ibn Maryam. Miniature turque de 1583. © R. et S. Michaud / akg-images

l’islam, les prophètes sont protégés contre l’erreur, explique Jean-Claude Basset. Comme ils sont chargés d’un message, ils ne peuvent pas se tromper. Ainsi le Coran ne dit rien des égarements de David relatés dans la Bible, notamment du fameux épisode de l’adultère avec Bath-Schéba. » David reste en effet un modèle pour tout musulman, notamment quant à sa façon de prier avec assiduité. Jésus Jésus (Isâ) est également un personnage important dans la religion musulmane. Il est le fils de Marie, auquel l’islam reconnaît une naissance virginale, mais aussi plusieurs miracles. On trouve encore un très joli passage, où l’on rapporte que Jésus, enfant, joue avec de la terre. « Il fait des petites formes d’oiseaux et les oiseaux s’envolent », raconte JeanClaude Basset qui précise que l'on trouve le même épisode dans les apocryphes chrétiens comme l'Evangile du Pseudo-Thomas ou Histoire de l'enAllez savoir !

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fance de Jésus 2, 1-4 ainsi que dans la Vie de Jésus en arabe 34. Si Jésus est considéré comme l’un des envoyés de Dieu sur terre, au même titre que les autres prophètes majeurs, le Coran rejette cependant l’idée qu’il puisse être fils de Dieu – le Dieu transcendant ne saurait être mêlé de quelque manière à sa créature. De là découle une divergence capitale d’avec la religion chrétienne. Jésus n’étant pas le fils de Dieu, il n'a pas davantage le caractère de sauveur. « En islam, on insiste beaucoup sur la responsabilité de chacun » explique le spécialiste. « Personne ne peut être le sauveur d’un autre, chacun a à rendre ses comptes devant Dieu. Donc ce rôle d’intercesseur n’a pas sa place en islam. » Quant à la crucifixion de Jésus, le Coran affirme qu'il n'a été ni tué ni crucifié, ce n'était qu'une apparence (Sourate 4, Les femmes, v. 157) ; la tradition islamique considérera qu'un autre a été crucifié à la place de Jésus, dont elle attend le retour à la fin des temps.  ASS

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Grégory 19 ans

Étudiant en architecture Cherche un espace de vie convivial et animé.

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ÉTUDIANT-E


2003

C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !

LOUP Y ES-TU ? OUI, ET EN FAMILLE

Cet été, trois louveteaux ont été observés dans les Grisons. Une meute de loups vit désormais en Suisse, une première depuis le retour de l’animal dans les années 90. Allez savoir ! avait anticipé cet événement. Extraits choisis.

L

e 28 août 2012, un « piège photographique » immortalisait un louveteau dans un pré, dans le massif du Calanda, non loin de Coire (GR). Il n’était pas seul : des chasseurs ont vu trois petits appartenant à un couple de loups qui réside dans la région. Neuf ans plus tôt, Allez savoir ! consacrait un article au retour de la... louve dans les Alpes (et dans un autre canton) : « Les loups de 2003 considèrent-ils le Valais comme un territoire suffisamment sûr pour y pointer le bout des oreilles avec une femelle, dans l'espoir de s'y reproduire et de former bientôt une première meute ? Voilà la question qui vous faisait passer pour un provocateur au Café des Trois-Chasseurs, il y a quelques semaines encore », pouvait-on lire dans l’édition de février 2003. « Reste que cette interrogation devient légitime depuis que les analyses génétiques du spécialiste de l'Université de Lausanne, Luca Fumagalli, ont démontré - c'était inédit depuis le retour présumé du grand canidé en 1994 - qu'une louve avait franchi la frontière suisse pour venir croquer quelques moutons dans la région du Simplon durant l'été 2002. » « Une présence féminine en Valais qui change tout. Ou presque. “Les individus commencent peutêtre à s'établir, observe Luca Fu-

Texte paru dans Allez savoir ! N° 25, février 2003. Archives du magazine : www.unil.ch/allezsavoir

« DU GIBIER EN ABONDANCE DANS LES ALPES, VOILÀ QUI SUFFIT À ATTIRER CE FORMIDABLE RANDONNEUR » LUCA FUMAGALLI

magalli [aujourd’hui maître d’enseignement et de recherche au Département d'écologie et évolution de l’UNIL, ndlr]. Il y a de la reproduction en France. Il y en aura vraisemblablement en Suisse, comme le laisse supposer l'arrivée de cette louve.” [Cette dernière], comme la femelle de l'ours, serait moins aventureuse que le mâle quand il s'agit de quitter la meute et de conquérir de nouveaux territoires [...] » Aujourd’hui, comme en 2003, l’animal suscite des craintes. « Le prédateur n'est pas revenu pour les moutons, poursuit Luca Fumagalli. Il est de retour parce que le nombre de chamois et de cervidés est infiniment supérieur à ce qu'il était il y a un siècle, à l'époque où les grands herbivores commençaient à disparaître de nos montagnes. Autant d'animaux qui ont été réintroduits depuis avec le succès que l'on sait, et qui viennent s'ajouter au nombre de proies potentielles du loup. » « Du gibier en abondance dans les Alpes, voilà qui suffit à attirer ce formidable randonneur capable d'abattre des centaines de kilomètres sans être repéré. Car, comme l'a confirmé l'étude lausannoise, il y a toujours un temps de retard entre l'arrivée des émigrants et leur détection sous forme de cas isolés, souvent fort éloignés les uns des autres. » « La trace génétique d'un loup italien est ainsi confirmée dans les

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Vosges en 1994, ce qui semble alors très loin de ses bases. Côté suisse, sa présence n'est confirmée qu'en 1996 en Valais, alors qu'elle était soupçonnée dès la fin 1994 dans le val Ferret. Sa présence est encore certifiée dans le Massif central en 1997, dans les Pyrénées orientales en 1999, et au Tessin et aux Grisons en 2001. » « Toutes ces traces dispersées nous indiquent que, comme on le savait, l'animal a un très grand potentiel de colonisation, précise Luca Fumagalli. On remarque encore que ces animaux sont de véritables opportunistes qui n'ont pas besoin d'un couloir de migration avec un habitat favorable. Ils sont capables de traverser des zones urbaines ou industrielles et ne sont pas gênés par les autoroutes. Bref, ils sont capables de parcourir de très longues distances. Et ce, dans tous les environnements. » « Avec de telles facultés, l'ennemi N° 1 des chasseurs et des éleveurs devrait, selon toute vraisemblance, regagner sa place dans nos forêts, estime Luca Fumagalli, qui ne voit guère de limite à sa dispersion actuelle : « Les loups recolonisent l'aire de répartition originelle de l'espèce. Sachant que le loup a été l'une des espèces les plus répandues sur ce continent, cela pourrait dire toute l'Europe. » Aujourd’hui, une douzaine de ces animaux résideraient dans notre pays. 

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RENDEZ-VOUS

Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Luis Ferreira©UNIL

Je 31 janvier au di 3 février

Dès février

Rencontres avec les enseignants et les chercheurs CHUV- UNIL, dans le canton de Vaud. Toutes les conférences ont lieu à 14 h 30. Abonnements, prix et plan d’accès sur www.unil.ch/connaissance3 021 311 46 87 Lu 4 février, Lausanne Les micropolluants, invisibles mais inquiétants. Par Nathalie Chèvre, écotoxicologue Ve 8 février, Morges Pompéi : ville d'histoire, d'architecture et de culture. Par Michel Fuchs, professeur d'archéologie Lu 11 février, La Tour-de-Peilz Nos ancêtres les Celtes du Mormont. Par Gilbert Kaenel, directeur du Musée d'archéologie, Lausanne

Le jeune Adolf Hitler s'installe à Vienne pour faire une carrière de peintre et conquérir le monde. Mais il doit d'abord entrer à l'Académie des Beaux-Arts. Une pièce de George Tabori. Par l’Atelier Sphinx. Mise en scène Frédéric Polier. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange
de Dorigny. Je-sa 19 h, ve 20 h 30, di 17 h. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24 Dès le 21 février

© Isabelle Meister

MEIN KAMPF (FARCE)

CONFÉRENCES CONNAISSANCE 3

Mardi 26 février

LE CORPS ET SES HISTOIRES MISSA CELLENSIS

Cours public du Centre d’études médiévales et post-médiévales. Conférences de Jean-Claude Mühlethaler, Michele Tomasi, Denis Renevey, Daniele Alexandre-Bidon (Paris EHESS), Barbara Wahlen, Martin Roch (Université de Genève) et Vincent Barras. Lausanne. Palais de Rumine, Salle du Sénat. Le jeudi de 18 h à 19 h. Entrée libre. www.unil.ch/cem

Lu 11 février, Le Sentier Comment gérer sa santé à tout âge ? Par Roger Darioli, professeur honoraire de médecine

Pour la première saison de sa directrice Fruzsina Szuromi, le Chœur universitaire de Lausanne donne la Messe de Sainte-Cécile en ut majeur, de Haydn (voir également en page 8). UNIL-Dorigny. Internef, hall central, 12 h 15 (avec piano). Autres concerts : les 2 et 3 mai à 20 h 30, à l’Eglise SaintFrançois de Lausanne (avec orchestre). www.unil.ch/chœur

Jeudi 14 février

RENÉ PRÊTRE

Directeur du service de chirurgie cardio-vasculaire du CHUV depuis août 2012 et professeur à l’UNIL, le chirurgien donne sa leçon inaugurale. L'occasion d'écouter ce Jurassien, également engagé dans des actions humanitaires. La conférence est ouverte au public. CHUV. Auditoire César-Roux, 17 h 15. www.unil.ch/fbm Je 28 février au sa 2 mars

OPUS INCERTUM, EMPILEMENT DE LISTES

Œuvre faite de listes écrites par diverses personnes : liste de sons agréables, de sons désagréables,... Par l’Ascenseur à poissons cie. Mise en scène Geneviève Guhl. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange
de Dorigny. Je 20 h, ve 20 h 30, sa 19 h. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24 Dès février

FOLIE À LA BCU

Série d'évènements à la Bibliothèque cantonale et universitaire. www.unil.ch/bcu 021 316 78 63

Me 13 février, Payerne La mort de Jésus dans les évangiles. Par Daniel Marguerat, professeur honoraire de théologie

Me 13 février Lecture à voix haute de La Poussette de Dominique de Rivaz, en présence de l’auteur. Palais de Rumine, atelier du 6e, 19 h.

Lu 25 février, Lausanne Schumann et son Carnaval. Par Georges Starobinski, professeur de musicologie

Me 6 mars Justice et folie, table ronde par Marc Renneville, Sylvaine Perret-Gentil, Bruno Gravier et Philippe Delacrausaz. Palais de Rumine, Salle du Sénat, 19 h.

Lu 4 mars, Lausanne Le CHUV dans le réseau de soins. Par Pierre-François Leyvraz, directeur général du CHUV

Dès le je 21 mars Anne M. Bourgeois ou la folie du livre singulier. Palais de Rumine, BCU. Vernissage 18 h.

Lu 4 mars, La Tour-de-Peilz Richesse de la faune et des paysages de Namibie. Par Daniel Cherix, conservateur du Musée de zoologie, Lausanne

Me 27 mars Lecture à voix haute : Le Horla de Guy de Maupassant. Palais de Rumine, Atelier du 6e, 19 h. Je 2 mai Névrose à Hollywoodien : Spellbound d'Alfred Hitchcock. Par Mireille Berton. Pully, Cinéma City Club, 19 h.

Lu 11 mars, Lausanne Evolution des soins et nouvelles pratiques infirmières. Par Diane Morin, directrice de l'Institut universitaire de formation et de recherche en soins

Ve 21 juin La Tarentelle. Conférence et concert. Par Salvatore Bevilacqua. Palais de Rumine, Salle du Sénat, 19 h.

Lu 18 mars, Yverdon Le monde extraordinaire des fourmis. Par Valérie Vogel, entomologiste

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© akg - images

Lu 25 mars, Lausanne Addictologie : le cerveau, l’esprit et les drogues. Par Jacques Besson, chef du service de psychiatrie communautaire du CHUV

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Frédéric Lordon choisit la forme du théâtre en alexandrins pour raconter la déconfiture du système financier. Par la Cie Voix Publique. Mise en scène Vincent Bonillo. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange
de Dorigny. Ma-jesa 19 h, me-ve 20 h 30, di 17 h. www. grangededorigny.ch 021 692 21 24 Vendredi 12 au samedi 27 avril

FESTIVAL FÉCULE

Organisé par les Affaires culturelles UNIL – Théâtre La Grange de Dorigny et plusieurs associations culturelles UNIL-EPFL, le Festival Fécule offre une plateforme d’expérimentation et de réflexion aux étudiants mettant sur pied des projets artistiques en parallèle de leurs études académiques. www.fecule.ch (programme dès mars). 021 692 21 24

Vendredi 22 mars

SCIENCES ET SOCIÉTÉ

L’Etat se désengage du financement de la culture scientifique. Est-il raisonnable de s’adresser au privé pour compenser ? Que deviennent alors l’indépendance et l’impartialité ? Un colloque ouvert au public analyse ce phénomène. Organisé par le Réseau romand Science & Cité. Genève. Muséum d’histoire naturelle, 13 h – 17 h 30. www.rezoscience.ch

RENCONTRES DE L’EAU

Deuxième édition d’un évènement qui rassemble chercheurs, autorités, ONG, spécialistes de la faune et de la pêche, ainsi que le public, autour de la thématique de l’eau. Des conférences ont lieu le matin, et des ateliers l’après-midi. Organisé par l’Interface sciences-société et La Maison de la Rivière. UNIL-Dorigny. Divers lieux. www.unil.ch/h2o

Lundi15 avril

En permanence

VISITE DU DALAÏ-LAMA

Le Dalaï-Lama s'arrêtera le temps d'une journée à l'Université de Lausanne pour participer à une rencontre avec les scientifiques. Une journée basée sur le thème : Vivre et vieillir en paix, regards croisés sur la vieillesse. La conférence, accessible sur invitation uniquement, sera retransmise sur www.unil.ch. UNIL-Sorge. Amphimax

LES PLUMES DE L’AUBE

© Yuriko Nakao/Reuters

Anniversaires pour les enfants, ateliers sur la génétique, la police scientifique, le goût ou le cerveau parmi tant d’autres : le laboratoire public de l’UNIL organise des activités ludiques, accessibles à tous. L’animation est assurée par des jeunes chercheurs. www.unil.ch/interface/page18617.html 021 692 20 79

Dimanche 26 mai

Me 29 mai et di 2 juin

© JMP de Nieuwburgh - Fotolia.com

FÊTE DE LA NATURE

A l’occasion de cet évènement, une sortie pour découvrir l'environnement d'un animal emblématique de nos cours d'eau : le castor. Pistez-le et apprenez à découvrir les indices discrets qui attestent de sa présence le long de la forêt alluviale de l'Aubonne. Etoy. Parking de l’Hôtel Lunika, 9 h. Inscriptions : www.fetedelanature.ch

Je 30 mai au di 2 juin

CONCERT DE L'OSUL

Sous la direction d’Aurélien Azan-Zielinski, l’ensemble donne la Petite Suite pour Orchestre de Claude Debussy, le Concerto n°1 pour violoncelle de Camille Saint-Saëns et le Concerto pour orchestre de Béla Bartok. Soliste : Elsa Dorbath, prix de l’OSUL 2012. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange
de Dorigny. Me 20 h 30. Di 17 h. www.unil.ch/osul Samedi 1er juin

AMOURES D’ANOURES © Karin Jähne - Fotolia.com

MYSTÈRES DE L’UNIL

Les journées portes ouvertes de l’UNIL attirent un public nombreux : 9000 personnes ont visité le campus et découvert les travaux des scientifiques en 2012, une édition consacrée au sport. Pour 2013... mystère ! UNIL. Divers lieux. Je 30 et ve 31 9 h-15 h (pour les écoles), sa et di 11 h-18 h (ouvert à tous). www.unil. ch/mysteres (dès mi-avril 2013)

Pain, légumes, fruits, fromages : des produits frais sont proposés chaque semaine sur le campus de Dorigny, par des marchands de la région. Le marché a lieu en période académique : de mi-février à fin-mai 2013. UNILDorigny. Devant l’Internef, le mardi de 10 h à 16 h. Devant l’Amphipôle, le jeudi de 10 h à 16 h.

L’ÉPROUVETTE

Dimanche 28 avril Du timbre flûté de la fauvette à tête noire en passant par les puissants trilles du troglodyte mignon, venez vivre le printemps au chant des oiseaux ! Petit-déjeuner compris après la sortie. Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 5 h à 9 h. www.maisondelariviere.ch Inscriptions au 078 802 01 62

MARCHÉ

Qui a dit que seuls les oiseaux chantaient ? Nous vous proposons de découvrir l’orchestre des grenouilles, crapauds et rainettes lors d’une balade à ciel ouvert, au plein cœur de la saison des amours. Guide : Layne Meinich. Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 19 h 30 à 22 h 30. www. maisondelariviere.ch Inscriptions au 078 802 01 62 Allez savoir !

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Cynthia Gigon©UNIL

D’UN RETOURNEMENT L’AUTRE

Lundi 18 mars

© Mathieu Guy - Fotolia.com

Jeudi 14 au samedi 23 mars

FRÉQUENCE BANANE

Animée par des étudiants, la radio du campus diffuse 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur le câble (94.55 MHz) ainsi que sur internet. Au programme : musique, chroniques, informations, débats, émissions thématiques (du metal à la culture geek). Sans oublier la vie quotidienne et les évènements culturels organisés à l’UNIL et à l’EPFL. www.frequencebanane.ch

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Détails et inscriptions : www.formation-continue-unil-epfl.ch 021 693 71 20

FORMATION CONTINUE

LE MARKETING MANAGEMENT EN Explorer le marketing dans toutes ses dimensions, de la stratégie aux applications en entreprise, en passant par le Net. C’est le pari tenu par un cursus de formation en cours d’emploi proposé pour la onzième année.

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omment concevoir une étude de marché ? A quoi faut-il penser avant de lancer un nouveau produit ? Comment piloter un projet de marketing sur internet ? Des questions auxquelles répond la formation continue en Marketing Management, qui a vécu sa onzième rentrée en octobre 2012. Ce cursus flexible se compose de huit modules de quatre jours, répartis sur neuf mois. Les suivre tous et rédiger un mémoire ouvre la porte d’un « Diploma of Advanced Studies (DAS) ». Choisir les six premiers mène au « Certificate of Advanced Studies (CAS) ». Il est possible de jeter son dévolu sur l’un ou l’autre des modules individuels. Si l’enseignement est donné en français, les participants doivent être capables de bien lire l’anglais. Enfin, l’admission se fait sur dossier. « Nos étudiants acquièrent des compétences managériales davantage que techniques, précise Ghislaine Cestre, codirectrice du programme et professeur à la Faculté des HEC. Comme par exemple la prise de décisions stratégiques au niveau d’une équipe, la planification d’un développement sur internet ou la valorisation d’une marque. C’est-à-dire des objectifs à moyen terme pour les entreprises. » Le public intéressé, âgé en moyenne de 35 à 40 ans, présente des profils très variés. Il s’y trouve aussi bien des néophytes désireux de changer de voie, que des cadres actifs dans le marketing, soucieux d’approfondir leurs 60

Allez savoir !

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« LE MARKETING CONTIENT UNE FORTE COMPOSANTE STRATÉGIQUE, QUI N'A PAS FORCÉMENT DE RETOMBÉES CONCRÈTES IMMÉDIATES » VINCENT BOSSEL

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connaissances et de progresser dans leur carrière. Comme Vincent Bossel, Marketing Director & International Market Manager chez Sonepar International Services, au Petit-Lancy. Avec ses 32 000 employés, le groupe Sonepar est la plus importante société de distribution de matériel électrique au monde. Ce responsable parle avec plaisir de son DAS en Marketing Management, décroché en 2011. « Dans la pratique professionnelle quotidienne, on suit son instinct. Mais il est parfois nécessaire de prendre du recul, afin de se demander si l’on agit toujours correctement. Le cursus est très utile pour cela, explique ce diplômé HEC Lausanne. La formule – un module par mois – m’a permis de mettre en pratique immédiatement, dans mon entreprise, les connaissances et la méthodologie acquises lors des cours. » Professeur honoraire à l’UNIL et diplômé de Harvard, Bernard Catry dirige le 6e module, intitulé « Mettre en œuvre une stratégie marketing ». Bien entendu, cette dernière « tient compte du marché et des consommateurs. Mais elle doit s’intégrer à la stratégie plus globale de l’entreprise, et tenir compte de toutes ses dimensions, comme les finances, la production ou les ressources humaines. Le marketing ne fonctionne pas de manière isolée. » L’enseignant utilise plusieurs « études de cas », qu’il fait préparer puis présenter par ses étudiants. Par exemple, la société easyGroup (à laquelle appartient easyJet) peut-elle se diversi-


ET ENCORE...

NOUVELLES FORMATIONS

HUIT ÉTAPES fier avec succès dans la vente de places de cinéma ? La manière d’aborder puis de résoudre cette question s’apprend ! Les débats comptent beaucoup. « C’est l’un des aspects que j’ai préféré, se souvient Vincent Bossel. Ce partage enrichissant des expériences professionnelles a parfois donné lieu à des discussions assez vives, car nous n’étions pas toujours d’accord ! » Un aspect apprécié par Bernard Catry : « J’attends une certaine impertinence de la part des participants, qu’ils osent contester ce qui est dit sur la base de leur parcours personnel. Cela implique aussi l’aptitude à s’exprimer en public. » Les travaux de groupe, qui requièrent des rencontres hors des jours de cours, soudent les volées. Parmi les qualités utiles aux participants, Vincent Bossel mentionne l’esprit d’analyse et de synthèse, c‘est-à-dire savoir rendre lisibles des situations complexes. « Le marketing contient une forte composante stratégique, qui n’a pas forcément de retombées concrètes immédiates. » Le cursus permet ainsi de « développer la capacité de théoriser par soi-même, pour se détacher de son activité professionnelle quotidienne, afin de structurer les problèmes dans sa tête », ajoute Bernard Catry. Enfin, un goût pour la négociation et un sens commercial aident à tirer le meilleur de cette formation. Prochaine rentrée en octobre 2013. L’inscription aux différents modules reste ouverte tout au long de l’année.  DS

DISCUSSION

Les participants à la formation continue en Marketing Management sont invités à partager leurs expériences professionnelles. Ici, la volée 2012-2013. Photos Nicole Chuard

MANAGEMENT DU RISQUE « Prévoir, prévenir, protéger, guérir. » C’est ainsi que Thierry Meyer, maître d’enseignement et de recherche à l’EPFL, résume les piliers de la gestion du risque. « Il s’agit d’identifier et d’analyser les risques à l’avance, de les maîtriser, de savoir comment répondre lorsqu’une crise survient, et de mettre ensuite en place les mesures de remédiation nécessaires », ajoute le directeur du programme. Le cursus se positionne du point de vue de l’ingénieur et se concentre sur les domaines liés à la technologie (comme l’industrie et la recherche, par exemple), ainsi qu’aux services. Il s’adresse aussi bien aux professionnels désireux d’approfondir leurs connaissances qu’aux personnes qui souhaitent se reconvertir. La formation se compose de quatre jours de cours théoriques et d’exercices de mise en pratique, donnés en français les 8, 9, 18 et 19 avril 2013. Les participants peuvent se soumettre à un examen et rédiger un travail personnel pour obtenir 4 crédits ECTS. Les intervenants sont des experts de la gestion du risque, issus d’entreprises (comme SwissRe et Swissi SA) et d’institutions partenaires (IRGC et INERIS), mais également de la haute école elle-même : « Nous souhaitons partager les 8 ans d’expérience de la gestion du risque que nous avons accumulés dans un milieu complexe – car diversifié – comme l’EPFL », indique Thierry Meyer. www.formation-continue-unil-epfl.ch/management-risque

NUTRITION ET ACTIVITÉS PHYSIQUES Unique en Suisse, le Certificate of Advanced Studies (CAS) en nutrition et activités physiques accueillera sa première volée en septembre 2013. Cette nouvelle offre de formation permettra aux participants de faire le point sur les relations qui existent entre l’alimentation et le sport. Ce dernier modifie en effet les besoins en énergie et en nutriments de l’organisme, d’où l’importance d’adapter son régime. Grâce à un mélange de théorie et d’exercices pratiques, les étudiants feront « la part des choses entre les idées issues de croyances personnelles ou du marketing, et ce qui repose sur des bases scientifiques solides », explique Luc Tappy, directeur du Département de physiologie de l’UNIL. Les cours traitent aussi bien des professionnels que des sportifs du dimanche. Mais ils vont bien plus loin. Par exemple, « le manque de sport joue un rôle dans certaines maladies cardiovasculaires, l’obésité ou le diabète. Les patients concernés sont incités à se lancer dans une activité physique, qu’il faut accompagner par une alimentation adéquate », ajoute le responsable du programme. Composé de neuf modules indépendants étalés sur 10 mois, ce CAS interdisciplinaire est destiné au personnel soignant et aux pharmaciens, ainsi qu’aux personnes qui encadrent des sportifs (entraîneurs et coachs). Si un bachelor ou un master est requis, l’admission reste possible sur dossier.

Renseignements : www.formation-continue-unil-epfl.ch/marketing-management-das Alumni : www.linkedin.com, groupe “Marketing Management Degree & Certificate – University of Lausanne”

www.formation-continue-unil-epfl.ch/nutrition-activites-sportives

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LES MÉDECINES COMPLÉMENTAIRES SOUS LA LOUPE

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Acupuncture, homéopathie, hypnose… Comment sortir enfin du débat « pour ou contre » les médecines non conventionnelles ? Récemment paru, un ouvrage aussi bref que clair donne les clés nécessaires.

BERTRAND GRAZ Ce chercheur et médecin généraliste enseigne dans le cadre de l’Unité de recherche et d'enseignement sur les médecines complémentaires. Il a dirigé l’ouvrage Les médecines complémentaires. Dépasser les clivages. Presses polytechniques et universitaires romandes (2012). Collection Le savoir suisse, 141 p. Nicole Chuard © UNIL

tions fiables et validées quant à leur efficacité. Ainsi qu’une liste d’indications et de contre-indications. Ceci amène à une notion nouvelle pour nous, l’evidence-based medecine, soit la médecine basée sur les preuves, qui s’est d’abord développée dans le monde anglo-saxon. « Nous sommes passés d’une époque où l’on se concentrait sur les mécanismes d’action des traitements à une autre époque : ce qui nous intéresse, c’est ce qui fonctionne. Et si on ne comprend pas tout à fait pourquoi, ce n’est pas si grave ! » explique Bertrand Graz. Bien entendu, les chercheurs s’attellent ensuite à décrypter le phénomène observé : ainsi un chapitre détaille comment il a été montré, grâce à l’imagerie, que l’acupuncture a un effet spécifique sur certaines parties du cerveau. Créée en 2011, l’Unité de recherche et d'enseignement sur les médecines complémentaires CHUVUNIL organise des cours sur ce sujet, à destination des étudiants en médecine et, dès mars 2013, en soins infirmiers. Une formation très appréciée. Autre exemple : l’hypnose est utilisée au CHUV pour soulager les douleurs des grands brûlés. Malgré ces efforts, la Suisse a encore du chemin à parcourir. Le livre propose un reportage à la Clinique Mayo, dans le Minnesota. Celleci pratique la « médecine intégrative », qui consiste à utiliser, sans ta-

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bou mais en toute rigueur, tous les moyens utiles pour assurer la santé et les soins. Les Etats-Unis ont pris une avance considérable, puisque 442 millions de dollars sont investis chaque année dans la recherche. Le livre documente également le cas du Mali, où des guérisseurs utilisent certaines plantes locales pour lutter contre le paludisme. Après étude, il apparaît que l’une d’elles, argemone mexicana, s’avère aussi efficace (et nettement moins chère) qu’un médicament classique, comme traitement de premier recours pour certains patients. Clair et très documenté, l’ouvrage de Bertrand Graz prend souvent le lecteur à rebrousse-poil. Ainsi, la médecine n’est pas, et de loin, la seule responsable de l’augmentation de notre espérance de vie depuis un siècle : l’amélioration des conditions d’existence comptent pour une bonne part. Il écrit également que « la guérison à elle seule ne prouve rien ». Car un malade peut se sortir d’affaire pour toutes sortes de raisons, comme par exemple la propension naturelle de l’homme à guérir…  DAVID SPRING

«

Le 17 mai 2009, le peuple suisse acceptait une initiative qui demandait de mieux prendre en compte les médecines complémentaires. Depuis 2012, cinq d’entre elles sont remboursées, sous conditions, par l'assurance maladie obligatoire. Dirigé par Bertrand Graz, chercheur et généraliste, un livre arrive au bon moment pour faire le point sur ce sujet. L’auteur annonce la couleur : « Les patients traversent plus facilement que les soignants les frontières entre écoles thérapeutiques […] ». Les approches complémentaires sont populaires parmi la population : mais par crainte d’un mauvais accueil, certains malades n’osent pas annoncer à leur médecin qu’ils y ont recours. Or, le risque d’interférence avec un traitement conventionnel est réel. Rencontré à deux pas du CHUV, Bertrand Graz prend l’exemple du millepertuis, qui est « un antidépresseur valable, mais également une source d’interactions ! » Pour qu’un dialogue dénué de jugements hâtifs s’instaure entre patients et soignants, ces derniers doivent être tenus au courant de l’abondante recherche menée dans le domaine des médecines non conventionnelles. L’ouvrage donne justement des liens vers des sites internet qui fournissent des informa-

La Commission des médecines complémentaires CHUV-UNIL : www.unil.ch/ fbm/ page88076_fr.html. Le site de l’ouvrage, augmenté d’un index : www.lesavoirsuisse.ch/livres/ 978-288074-975-0.html

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LIVRES

© André Rogi

PLONGÉE DANS LE CUBISME LITTÉRAIRE Les œuvres de Max Jacob, poète, romancier, essayiste et peintre français, sont rassemblées pour la première fois dans une édition établie et annotée par Antonio Rodriguez, professeur de littérature française à l’UNIL.

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ax Jacob (1876-1944), c’est tout d’abord une vie de rencontres – Braque, Matisse, Apollinaire ou Modigliani, mais surtout Pablo Picasso, dont il fait la connaissance en 1901 à Paris alors que le célèbre peintre espagnol n’a que 19 ans. Max Jacob deviendra le sujet de nombreuses toiles du maître cubiste et une profonde amitié s’établira entre les deux hommes. Homme de lettres moderniste et peintre étroitement lié au cubisme, Max Jacob reste plus connu pour sa biographie que pour son projet artistique, pourtant d’une diversité et d’une envergure impressionnantes. L’ouvrage édité par Antonio Rodriguez souhaite redonner goût à ses explorations littéraires. Des textes rares, dont certains inédits, sont désormais facilement accessibles. « Une œuvre incontournable pour qui s’intéresse au cubisme », remarque le professeur de littérature moderne de l’UNIL. Le livre rassembleur permet de retrouver par ordre chrono-

logique la quasi-totalité des œuvres de Max Jacob – contes, poèmes, romans, nouvelles, portraits et essais, ainsi que plus de 200 documents iconographiques. Il offre aussi de nombreuses clés de lecture, afin de mieux cerner l’écrivain et son contexte de création. « Une personnalité n’est qu’une erreur persistante ». Aphorisme emblématique du questionnement de Max Jacob, cette maxime est tirée de L’art poétique, essai théorique incisif présentant ses considérations sur l’art et la littérature. Parmi les classiques de l’artiste, Antonio Rodriguez recommande également Le Cornet à dés, recueil de poèmes en prose, qui reste une référence de la poésie moderniste, ainsi que Cinématoma, une superbe palette de portraits, que Max Jacob considère lui-même comme son meilleur ouvrage. Dans son travail d’écriture, Max Jacob juxtapose des voix, joue sur la forme des mots, tutoie la dérision, développe une esthétique du doute et de la déception et s’interroge longuement

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« UNE PERSONNALITÉ N’EST QU’UNE ERREUR PERSISTANTE » MAX JACOB MAX JACOB, ŒUVRES Edition établie, présentée et annotée par Antonio Rodriguez. Quarto Gallimard (2012), 1818 p.

sur l’identité. Multiplicité et peur de la fragmentation identitaire le taraudent. Personnalité atypique, homosexuel, Max Jacob est issu d’une famille juive laïque, mais il se convertit au catholicisme en 1915. Ce qui ne l’empêchera pas d’être déporté en 1944 à Drancy où il décède quelques jours avant le départ du convoi qui devait l’amener à Auschwitz. Si le recueil de Quarto Gallimard paraît imposant du haut de ses 1800 pages, sa mise en pages et sa typographie aérées invitent à le feuilleter et à s’arrêter sur l’un ou l’autre des textes, plutôt courts, eux, et mis en valeur par une brève présentation critique. Des textes qui défient la logique habituelle du récit et dévoilent principalement le point de vue de celui qui les lit.  SB


Le « Rapport social 2012 » propose un portrait détaillé de l’évolution de la société suisse (formation, emploi, culture, religion, etc.) Pour sa quatrième édition, cet ouvrage réalisé par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS s’intéresse particulièrement aux liens entre les générations. Parler de conflit entre elles semble excessif et, à l’intérieur des familles, la solidarité fonctionne. Mais l’enquête montre que 60 % des jeunes adultes n’ont pas d’amis ou de connaissances parmi les plus de 70 ans. Une certaine distance entre les générations s’est installée.  DS RAPPORT SOCIAL 2012 : GÉNÉRATIONS EN JEU Par Felix Bühlmann, Céline Schmid Botkine (et al.) Ed. Seismo (2012), 328 p.

Depuis 1964, l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce étudie l’antique cité d’Erétrie, sur l’île d’Eubée. Les résultats des travaux sont consignés dans une série d’impressionnants ouvrages. Le volume XXI, né de la thèse soutenue en 2009 à l’UNIL par l’archéologue et historien Sylvian Fachard, est consacré aux fortifications installées sur le territoire qui environne la ville. Un espace rural qui couvrait plus de 1 300 km2 au début du IIIe siècle avant J.-C. Illustré par des photos, des plans et des dessins, le livre est pointu, mais demeure accessible aux amateurs d’archéologie.  DS ERETRIA XXI. LA DÉFENSE DU TERRITOIRE Par Sylvian Fachard. Ed. Infolio (2012), 358 p.

Gianni Haver, professeur associé à la Faculté des sciences sociales et politiques, réussit à faire le tour du paysage suisse des médias en 100 pages. Illustré par Mix & Remix, l’ouvrage traite de manière synthétique de tous les aspects de cet univers, y compris dans ses volets théoriques. La presse, la radio et la télévision figurent bien sûr au programme, ainsi que le cinéma, la publicité et les bouleversements amenés par internet, le jeu vidéo et la téléphonie mobile. Enfin, plusieurs tableaux chronologiques résument une longue histoire, de Gutenberg aux quotidiens gratuits.  DS LES MÉDIAS EN SUISSE Par Gianni Haver, Mix & Remix. Ed. LEP (2012), 102 p.

C’est un pavé dans... le tribunal que jette André Kuhn, professeur associé à l’Institut de criminologie et de droit pénal. Dans son texte bref, nourri par la recherche, il remet en question les effets dissuasifs des sanctions pénales classiques. Par exemple, la peine de mort « désinhibe les citoyens en les confortant dans l’idée que la violence est une manière adéquate de résoudre les conflits ». Il décrit des moyens différents de sanctionner les auteurs d’infractions ou de crimes et de satisfaire les besoins des victimes, comme la justice réparatrice et la médiation parmi d’autres.  DS QUEL AVENIR POUR LA JUSTICE PÉNALE ? Par André Kuhn. Les Editions de l’Hèbe (2012), 90 p.

Le thème des inégalités dans l’enseignement supérieur, qu’elles soient sociales, économiques, de genre ou de carrière, revient régulièrement dans l’actualité. Cet ouvrage spécialisé collectif, auquel ont participé de nombreux chercheurs de l’UNIL, traite de cette question principalement en France, au Canada et en Suisse. La faible représentation des femmes dans le corps professoral, alors qu’elles sont souvent majoritaires parmi les étudiants, fait l’objet d’un chapitre particulier, basé sur une recherche menée à Lausanne.  DS INÉGALITÉS SOCIALES ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR Par Martin Benninghoff, Farinaz Fassa (et al.). De Boeck (2012), 256 p.

LE ROMAN DE ROLLAND

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rofesseur de littérature médiévale aux Universités de Lausanne et de Neuchâtel, Alain Corbellari propose une double plongée dans l’œuvre de Romain Rolland, un écrivain moderne (mort en 1944), dont il se sent proche à travers la musique. Le premier ouvrage réunit des articles d’auteurs divers sous l’intitulé Romain Rolland et la Suisse. Après avoir séjourné pendant la Grande Guerre dans la ville de la Société des Nations – il publie son fameux article Au-dessus de la mêlée dans le Journal de Genève – l’icône du pacifisme mondial et Prix Nobel de littérature s’était installé à Villeneuve, dans la villa qui illustre la couverture du présent volume. Entre 1922 et 1938, il y reçut d’innombrables visites, de ses amis suisses, ainsi que de Gandhi et de Tagore. Fasciné par la spiritualité hindoue, Rolland fut aussi un précurseur en matière musicale ; il occupa ainsi la première chaire de musicologie à la Sorbonne. La correspondance de l’écrivain français nourrit les articles rassemblés par Alain Corbellari et permet aux auteurs de restituer le contexte et les idées suisses de ce temps, sans oublier l’histoire controversée du compagnonnage de l’écrivain avec la Russie soviétique. Le volume nouvellement édité par les Etudes de Lettres est l’émanation d’une rencontre organisée en 2009 avec l’Association des amis de Romain Rolland. Musicien lui-même, Alain Corbellari a étudié durant près de dix ans l’œuvre de Rolland sous l’angle de la « musicologie littéraire » et de la « poétique musicale », un travail qui a donné lieu en 2010 à la parution de Les Mots sous les Notes. « Rolland n’aimait pas Debussy, mais était capable de le défendre. Il était opposé à une musique hédoniste et intimiste comme celle de Chopin. Il aimait Beethoven, Haendel, Wagner dans une certaine mesure, Richard Strauss qu’il a bien connu. A ses yeux, la musique et la littérature se devaient d’avoir un rôle social et de s’adresser au peuple. C’est la raison pour laquelle il n’aimait pas Proust », raconte Alain Corbellari, qui poursuit : « Rolland affectionnait deux champs métaphoriques, le courant qui nous emporte dans un sentiment océanique et le combat, la vie qui est une lutte, pour la paix, la défense des libertés... C’est lui qui invente le terme de roman fleuve. Il était inspiré par les Russes et il a contribué à faire connaître Tolstoï en France dans les années 1890... »  NR ROMAIN ROLLAND ET LA SUISSE. Etudes de Lettres (2012), 212 pages. LES MOTS SOUS LES NOTES. Droz (2010), 383 p.

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CAFÉ GOURMAND

L’AVENTURE BLAISE CENDRARS

Un repas au Château d’Ouchy avec Christine Le Quellec Cottier, spécialiste des littératures francophones à la Faculté des lettres.

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l’UNIL, Christine Le Quellec Cottier pourrait passer pour Madame Blaise Cendrars, n’était son engagement plus global en faveur des littératures francophones. Elle donnera au printemps un cours sur Agota Kristof, dont elle aime « les phrases nominales, la violence banalisée, les séquences brèves qui s’accumulent et créent une impression d’étouffement ». Pour cet entretien, nous nous sommes rendues au Château d’Ouchy, où l’auteur de Moravagine ou de Petits contes nègres pour les enfants des Blancs avait coutume de descendre. Directrice du Centre d’études Blaise Cendrars, Christine Le Quellec Cottier est membre du jury du Prix Ahmadou Kourouma, qui récompense au Salon du livre un écrivain d’Afrique noire. Elle envisage de créer un master avec les Lettres, SSP, le Centre d’études africaines de l’Université de Bâle et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le Chaux-de-Fonnier Frédéric Louis Sauser – devenu Cendrars en 1912 – est mort à Paris en 1961. Il faudra attendre le centenaire de sa naissance, en 1987, pour que la Suisse se réapproprie cet auteur à travers des expositions et travaux initiés à partir du Fonds déposé à la Bibliothèque nationale, archives qui continuent à s’enrichir et à offrir aux étudiants du monde entier un matériau exceptionnel. La thèse de Christine Le Quellec Cottier portait sur les écrits de jeunesse et la métamorphose de celui qui s’est délesté d’un passé pour s’inventer un destin existentiel et littéraire qui interroge encore le présent, comme en témoigne un nouvel

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CHRISTINE LE QUELLEC COTTIER La chercheuse nous emmène sur les traces lausannoises de l'écrivain franco-suisse. Nicole Chuard

ouvrage qu’elle a dirigé avec Myriam Boucharenc et qui réunit les textes d’un colloque sous l’intitulé Aujourd’hui Cendrars. L’année 2013 s’annonce florissante avec l’entrée du Suisse à La Pléiade, sous la direction de Claude Leroy, responsable d’une édition des œuvres complètes chez Denoël. Active dans ces entreprises, Christine Le Quellec Cottier dirige une collection de correspondances – Cendrars en toutes lettres – à paraître chez Zoé : « Grâce à ces lettres échangées, par exemple avec Henry Miller, on pourra mieux saisir Cendrars hors de l’œuvre. » Sur le plan politique, l’écrivain fut « anarchiste, à droite, ami du communiste Fernand Léger et plutôt isolé ». Que cherchait-il dans sa fascination pour l’oralité africaine, ses voyages au Brésil, en Russie ? « Aller

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UN GOÛT LIÉ À VOTRE ENFANCE ?

La tarte aux pruneaux.

UNE VILLE DE GOÛT ?

Sofia en Bulgarie pour la Banitsa (un feuilleté à la feta) et Ierapetra en Crète pour les feuilles de vigne !

QUEL REPAS POUR UNE FIN DU MONDE CE SOIR ?

Peu importe le menu, pourvu que « les miens » soient là.

au bout de soi-même et se mettre en situation de perpétuel recommencement », estime-t-elle. Après un enseignement au gymnase Auguste Piccard, un mariage et la naissance de ses deux enfants, la chercheuse a trouvé à l’UNIL l’occasion d’explorer sa passion pour les littératures francophones, en provenance spécialement de l’Afrique subsaharienne. « Ce continent a condensé en un siècle toutes les aventures littéraires, le passage à l’écrit qui débute avec les récits des colons et des missionnaires, l’imitation, l’émergence poétique et parisienne de la négritude, la révolte au sein même de la langue française, l’irruption des femmes romancières, les témoignages d’enfants soldats et de rescapés des guerres, les récits dans d’autres langues africaines... »  NADINE RICHON


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