Allez savoir ! 52

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NUMÉRO

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ÉCONOMIE Ce que les crises du passé nous apprennent 44-48

TOLKIEN Sur les pas de Bilbo le Hobbit 16-22

APOCALYPSE Pourquoi nous sommes obsédés par la fin du monde 50-56

!

ALLEZ

SAVOIR  Le magazine de l’UNIL | Septembre 2012 | Gratuit

2030

QUEL AVENIR POUR

L’AGRICULTURE ?


UNICOM

THÉÂTRE

LA GRANGE

12-13

DE DORIGNY

UNE SAISON QUI DÉCHIRE ! DEMANDEZ LE PROGRAMME 021 692 21 12 – CULTURE@UNIL.CH

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ÉDITO

PAYSAN, Ç’A EU PAYÉ. ÇA PAIE PLUS.

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne No 52, septembre 2012 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Direction artistique Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Sonia Arnal Sophie Badoux Geneviève Comby Elisabeth Gordon Virginie Jobé Nadine Richon Renata Vujica Francine Zambano Correcteur Albert Grun Fabienne Trivier Graphisme et mise en page Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Infographie Pascal Coderay (p. 34-35) Photographie Nicole Chuard Pierre-Antoine Grisoni (Strates) Félix Imhof Alban Kakulya Illustration John Howe (p. 20) Eric Pitteloud (p. 3, 23)

ISSN 1422-5220

Couverture George Clerk – iStockphoto.com Impression Swissprinters Lausanne SA Tirage 15'000 exemplaires Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 62) 021 692 22 80

«J’

suis qu’un pauvre paysan… J’ai 89 hectares de blé, mais le blé, ça paie quoi? Ça paie la semence. Le blé, ç’a eu payé, mais ça paie plus…» Avec ce sketch inoubliable, Fernand Raynaud faisait glousser la France. Mais c’était en 1965, au millénaire précédent, et l’on peut parier qu’il mettrait moins facilement les rieurs de son côté s’il venait donner son spectacle, aujourd’hui à Lausanne. Notamment parce que, chaque année en Suisse, il y a désormais 1600 exploitations agricoles qui disparaissent. Et que, selon les scénarios qui ont été esquissés par des chercheurs de l’UNIL, le phénomène risque de s’accélérer méchamment d’ici à 2030. Pourtant, les Suisses des villes n’ont jamais semblé si envieux de renouer avec leurs racines terriennes. Ils plantent des tomates sur leur balcon et cultivent leur jardinet. Ils font leurs courses au marché fermier, parce qu’ils ont pris goût au bio, aux produits de saison et au slowfood. Les Helvètes se bousculent encore à la ferme pour le brunch du 1er Août. Nos enfants des cités fréquentent l’école à la campagne pour découvrir que le lait ne tombe pas sur terre dans les berlingots du supermarché. Et nous avons tous en tête la musique jazzy de la pub Migros qui rythme la course folle de Chocolate, cette petite poule rousse qui file à crête abattue afin de pondre l’œuf manquant dans la barquette en partance pour le grand magasin. Enfin, le lundi soir venu, quand on allume sa télé, on se retrouve sur M6 avec plus de 100 000 Romands pour suivre «L’amour est dans le pré», cette télé-réalité qui sourit des amours contrariées des fermiers français. C’est dire si le petit peuple de la terre a réussi à se défaire de la mauvaise réputation qui lui collait aux basques au siècle dernier, quand les humoristes ironisaient sur les paysans en Mercedes, les éleveurs subventionnés et autres «agriculteurs pollueurs». Seulement voilà, entre-temps, tout a changé, ou presque. Au point que cette profession ne ressemble plus vrai-

Allez savoir !

ment aux clichés que s’en font les bobos urbains du XXIe siècle. Le paysan sur son tracteur? Seulement quand il trouve le temps d’aller aux champs, car, désormais, cet «as de la débrouille» gagne 20% de son revenu dans une activité accessoire, comme emmener des adolescentes en balade à cheval, produire du biogaz ou emballer ses légumes dans du plastique. Les paysans subventionnés? C’est toujours vrai, mais encore faut-il savoir pourquoi. Au siècle dernier, la Confédération demandait aux fermiers de nourrir la nation. Et voilà qu’ils reçoivent des paiements directs pour entretenir les forêts, laisser s’épanouir des coquelicots et assurer le bien-être des coccinelles. Bref, pour devenir des jardiniers zen du paysage. Une mutation qui ne va pas forcément de soi. Sans parler des nouveaux nuages qui s’accumulent à l’horizon. Et qui ne promettent pas une pluie bienvenue sur des cultures assoiffées après un mois d’août caniculaire. On pense ici à la possible ouverture de nos frontières aux fruits et légumes chinois, certes terriblement moins chers, mais produits dans des conditions sociales et biologiques incompatibles avec nos standards helvètes. Du coup, vous serez certainement nombreux à découvrir dans ce numéro que la paysannerie suisse subit actuellement «une crise silencieuse» (c’est en page 30). La situation est d’autant plus problématique que les agriculteurs se retrouvent souvent «très seuls» quand ils doivent s’inventer un avenir, «car personne n’en sait rien». L’importance de l’enjeu, comme le peu d’écho que rencontrent les difficultés actuelles des paysans, ont poussé des chercheurs de l’UNIL à s’investir dans le projet «Vaud 2030: quelle agriculture pour quel territoire?». Ils vous invitent désormais à cheminer un moment avec eux, que ce soit sur Internet ou dans le cadre d’un cours public (prenez rendez-vous en page 33), afin d’imaginer un avenir pour cette profession aussi fantasmatique que menacée. 

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Les communautés du savoir vivant prennent leur envol Vous êtes diplômé·e de l’UNIL

rejoignez-nous!

ALUMNIL : le réseau des diplômé·e·s UNIL | Université de Lausanne – Bureau des alumni contact.alumnil@unil.ch – tél. : +41 21 692 20 88

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Allez savoir ! Allez savoir !

N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne N° 52 Septembre 2012 UNIL | Université de Lausanne


SOMMAIRE

PORTFOLIO Recherche, archéologie et Mystères de l’UNIL.

BRÈVES L’actualité du campus: visites, bâtiments, prix, distinctions, publications.

TOLKIEN Sur les pas de Bilbo le Hobbit. Suivi de: parlez-vous elfique?

RÉFLEXION Normaliser… ou respecter la singularité! Par Marie-Hélène Gauthier, philosophe.

MÉDECINE Ces adjuvants qui boostent les vaccins. Suivi de: un vaccin lausannois contre
 la grippe aviaire pour l’Indonésie.

MOT COMPTE TRIPLE Qu’est-ce que l’Anthropocène? Les explications de Torsten Vennemann.

SOCIÉTÉ Le paysan de demain deviendra-t-il un jardinier? Quelle agriculture voulez-vous pour 2030?

COURSE À PIED Pourquoi se fait-on tant de bien en se faisant tant de mal ? Un entraînement personnalisé pour améliorer ses résultats.

ÉCONOMIE Ce que les crises du passé nous disent de la crise actuelle.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL La colère, une profession. Rencontre avec Manon Schick, directrice générale de la section suisse d’Amnesty International.

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HISTOIRE DES RELIGIONS

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C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR!

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MÉMENTO

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FORMATION CONTINUE

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ABONNEMENTS

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LIVRES

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LIVRES

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CAFÉ GOURMAND

Allez savoir !

Le 21.12.2012, dormez tranquille, l’apocalypse a déjà eu lieu!

Etudiant, un métier en pleine mutation. Texte paru en 1996.

Cours publics, animations, visites et expositions ouvertes au public.

Le MBA, une expérience de vie. Deux nouvelles filières sous la loupe.

Retrouvez Allez savoir! et l’uniscope sur iPad Coupon d'abonnement.

Une vie sobre, mais pas austère. Avec Dominique Bourg.

Management, polar, histoire, politique et psychologie.

Jean-François Delaloye, chirurgien au CHUV: «J’aime les vrais malades.»

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TOUS LES SECRETS DE LA MATIÈRE

La géologue et lab manager Anne-Sophie Bouvier, lors de l’installation de la sonde ionique IMS 1280-HR. Cet instrument complexe, d’un poids de plus de 5 tonnes, a été installé fin août au rez-de-chaussée de Géopolis, dernier-né des bâtiments de l’UNIL. Il va permettre d’analyser très précisément un petit volume d’échantillons solides, pour déterminer les éléments qui le composent. Les applications possibles vont de la minéralogie à la biologie, en passant par la médecine ou les sciences de l’environnement. Cette machine constitue une partie majeure du cœur technologique du nouveau Centre de compétence en analyse de surface des matériaux (CASA), réalisé en partenariat avec l’Université de Genève et l’EPFL. Article complet: www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO LUCA DA CAMPO - STRATES

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LES ARCHÉOLOGUES SONT DANS LE PRÉ

Guillaume Nicolet dessine le squelette d’un homme qui fut enterré dans une église bâtie entre la fin du IVe et le début du Ve siècle. Durant tout l’été, une vingtaine d’étudiants en archéologie de l’UNIL, ainsi qu’une dizaine de leurs collègues de l’Université de Besançon, ont travaillé au bord du Doubs, sur le chantier de fouilles de Mandeure (Franche-Comté). Site religieux déjà au temps des Gaulois, Epomanduodurum fut un centre économique névralgique à l’époque romaine. Les objets découverts, comme des pièces de monnaie en bronze, des fragments de statues monumentales, du marbre de Carrare et même du porphyre venu de Sparte, attestent de l’importance et du cosmopolitisme d’un lieu qui n’a pas livré tous ses secrets. Article complet: www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO ALBAN KAKULYA

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TOUJOURS PLUS HAUT

Le mur de grimpe installé sur le campus a rencontré un franc succès auprès des plus jeunes, lors des derniers Mystères de l’UNIL. Entre le 31 mai et le 3 juin, plus de 9000 personnes, parmi lesquelles de nombreuses familles, ont ainsi participé aux portes ouvertes de l’institution. L’édition 2012 de cette manifestation annuelle était consacrée au sport, au travers de nombreux ateliers animés par des chercheurs. Transportés dans un tribunal en l’an 2049, les visiteurs étaient également invités à juger un sportif cybernétique, dans le cadre d’un procès pour dopage high-tech.

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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BRÈVES

LE CHIFFRE

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C’est le nombre de personnes accueillies par l’UNIL cet été, dans le cadre des Cours de vacances. En provenance du monde entier, ces étudiants âgés au minimum de 17 ans ont passé 3, 6 ou 9 semaines à l’UNIL dans le but d’apprendre le français. Tous les niveaux, des débutants aux plus avancés, étaient représentés. Parmi ces derniers, certains ont entamé des études universitaires à la rentrée. Ils ont donc profité de la pause estivale pour se préparer au mieux à des cursus donnés en français. www.unil.ch/cvac

RECHERCHE

© Fotolia .com

L'ARIZONA VOIT DU PAYS

COURSE AU MÉRITE Professeur à l’Institut des sciences sociales, Fabrizio Butera mène un nouveau projet de recherche, en partenariat avec l’Université de Genève et l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Des travaux à rebrousse-poil: «Notre hypothèse consiste à montrer que la sélection, considérée comme l’instrument de l’excellence, a des effets néfastes… sur l’excellence. Au lieu de se soucier de ce qu’ils doivent apprendre, les élèves, les étudiants et les chercheurs se battent pour être meilleurs que les autres.» Le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) soutient ce projet, ce qui permettra l’engagement de sept jeunes chercheurs pendant trois ans. DS www.unil.ch/struggle

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Félix Imhof © UNIL

VISITE AMÉRICAINE À DORIGNY

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Avec plus de 70'000 étudiants et une recherche ultraperformante, l’Arizona State University déploie sa force de frappe intellectuelle au cœur d’un Etat de l'Ouest américain. L’ASU, au contraire, mise sur la diversité culturelle et encourage ses étu-

diants à voyager. Une vingtaine d’entre eux vient de passer trois semaines à l’UNIL pour s’imprégner de notre culture politique et de nos pratiques en matière de santé et d’environnement. Le modèle défendu par l’ASU: ouverture plus large des études dans

un système américain hypersélectif et attention portée aux étudiants; mobilisation des sciences pures et des sciences appliquées sur les problèmes actuels de la société, dans et hors des frontières de l’Arizona. NR www.asu.edu

FORMATION

LE DROIT, AUCH AUF DEUTSCH ! Dès la rentrée de septembre 2012, une nouvelle offre s’est ouverte aux étudiants. Il s’agit d’un «Master of Law» conjoint et bilingue, fruit de la collaboration entre la Faculté de droit et des sciences criminelles de l’UNIL et son homologue de l’Université de Zurich. Ce cursus de 90 crédits ECTS permet d’approfondir les connaissances juridiques et d’acquérir une deuxième langue de travail. Concrètement, un semestre au minimum doit se dérouler dans chacune des universités; pour leur mémoire, les étudiants peuvent choisir l’une des villes, ou même panacher. Le master peut être

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accompli sans mention, ou avec l’une des mentions suivantes: «droit du commerce» ou «droit public». Outre des compétences linguistiques correctes, un bachelor en droit constitue le critère d’admission. Les responsables zurichois le certifient: les cours sont donnés en Hochdeutsch, et non en dialecte. Ces derniers ajoutent que si les premiers temps peuvent être difficiles, une maîtrise passive de l’allemand s’installe progressivement. L’université devient alors un laboratoire idéal pour apprendre à rédiger dans une autre langue. DS www.unil.ch/droit/page92398.html


Félix Imhof © UNIL

PARCE QUE L’ÉDUCATION EST UN DROIT, ET NON UN PRIVILÈGE, NOUS CONTINUERONS À DIRE HAUT ET FORT QUE LA FORMATION, C’EST L’AVENIR. Mélanie Glayre et Camille Goy, coprésidentes de la Fédération des associations d'étudiant-e-s (FAE), lors du Dies academicus du 31 mai 2012

PLÂTRE ET CIMENT

RECHERCHE SUR LE CERVEAU

de base du sport universitaire, une salle polyvalente pour les activités physiques modérées. L’espace de physiothérapie sera dirigé par le CHUV. Trois laboratoires permettront aux chercheurs de l'UNIL, de l'EPFL et du CHUV de collaborer dans le domaine des sciences du sport. «Tourné vers le futur, le CSS répondra aussi bien aux attentes du sport pour tous qu'à celles du sport de performance», résume Georges-André Carrel, chef des Sports. FZ

NEUROPOLIS, L'ÉCRIN DES NEUROSCIENCES Le campus UNIL-EPFL va accueillir un nouveau bâtiment, dédié aux neurosciences et aux technologies de la modélisation et de la simulation. Fruit d’une collaboration entre l’Université de Genève, l’EPFL et l’UNIL, Neuropolis est un ambitieux projet de recherche sur le cerveau, qui s’annonce particulièrement intéressant dans ses conséquences cliniques et thérapeutiques, ainsi que dans le domaine des sciences de la vie. Il a été annoncé ce 11 juin à Lausanne par les conseillers d'Etat genevois et vaudois Charles Beer, Anne-Catherine Lyon et Pascal Broulis, le secrétaire d'Etat Mauro Dell'Ambrogio, Patrick Aebischer (président de l'EPFL), Dominique Arlettaz (recteur de l'UNIL), Jean-Dominique Vassalli (recteur de l'UNIGE) et Fritz Schiesser (président du Conseil des EPF).

Félix Imhof © UNIL

Réservé en priorité à la communauté universitaire, le Centre sport et santé (CSS) de l’UNIL et de l’EPFL a été inauguré en septembre. Devisé à 11 millions de francs, il a bénéficié du soutien financier de la Banque cantonale vaudoise, du Fonds cantonal du sport et du CHUV. Dessiné par les architectes lausannois Krüger et Kazan, le CSS est une extension de la salle omnisports SO1. A l'intérieur, une zone de tests et d'entraînement, une salle de sport pour les disciplines

Félix Imhof © UNIL

UN CENTRE À LA POINTE

FORMATION

LES PREMIERS MASTERS EN SCIENCES INFIRMIÈRES Le 25 mai 2012, onze infirmières et infirmiers ont reçu les premiers titres de Master en sciences infirmières de Suisse romande, une formation conjointe UNIL et HES-SO unique en Suisse. Alors que la pénurie de professionnels du système de santé ne cesse de préoccuper politiques, médias et société, ces diplômés seront mieux armés pour affronter l’avenir. Cette première volée, déjà suivie par trois autres, s’est vue félicitée par Diane

CES EXPERTS DOTÉS D'UNE EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE ET ACADÉMIQUE SONT D'ORES ET DÉJÀ TRÈS ATTENDUS PAR LES MILIEUX CLINIQUES ET LES HAUTES ÉCOLES Allez savoir !

Morin, directrice de l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins, qui a enjoint ses étudiants à incarner un nouveau leadership, ainsi qu’à faire évoluer le système de santé grâce à une pratique réflexive. La qualité des soins, la sécurité des patients, ainsi que la coordination des équipes de soins interdisciplinaires seront également améliorées par ces professionnels dotés d’une formation académique supérieure. SB N° 52

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BRÈVES

L'UNIL DANS LES MÉDIAS

CANCER

SPORT, MÉDECINE ET POLONIUM

LA LUTTE SE RENFORCE

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Le nombre de références faites à l’Université de Lausanne et au CHUV, dans les médias, depuis le début de l’année (selon la revue de presse Argus, au 28 août 2012). Début juin, ce sont les «Mystères de l’UNIL», consacrés au sport (lire également en page 10), qui ont intéressé la presse régionale. L’engagement à l'UNIL- CHUV du professeur George Coukos (lire ci-contre) a également été relayé. Début juillet, Al-Jazeera s’appuyait sur les travaux de l’Institut de radiophysique du CHUV, qui a révélé avoir trouvé des niveaux significatifs de polonium dans les effets personnels de Yasser Arafat. Une nouvelle répercutée dans le monde entier et dans toutes les langues, y compris sur les réseaux sociaux. A la même période, une étude du professeur Jörg Stolz sur les pratiques de plus en plus personnelles des croyants a fait l’objet d’articles. Les travaux de Vincent Viblanc (Département d’écologie et évolution) sur le stress chez les manchots ont paru dans le Figaro et ont circulé sur Facebook. Menée par la vice-rectrice Franciska Krings, l’enquête sur le harcèlement sexuel au travail a trouvé un écho dans la presse alémanique. Fin juillet, l’arrivée du célèbre chirurgien René Prêtre à Lausanne a suscité plusieurs articles et entretiens (lire également en page 15). Enfin, les spécialistes du sport que compte l’UNIL ont été régulièrement sollicités dans le cadre des Jeux olympiques de Londres. DS

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PASSAGE EN REVUE

Arrivé le 1 juillet 2012 en provenance de Philadelphie, où il a créé le Centre de recherche sur le cancer de l’ovaire à l’Université de Pennsylvanie, George Coukos est l’une des figures majeures de l’immunothérapie et un expert international des cancers gynécologiques. Nommé professeur à la Faculté de biologie et de médecine, il va créer d’ici au 1er janvier 2013 un département d’oncologie réunissant les compétences du CHUV et de l’UNIL, où il reprendra également la direction du Centre Ludwig pour la recherche sur le cancer. Il s’agit d’offrir une er

approche thérapeutique qui exploite la compréhension moléculaire de chaque tumeur, les médicaments ciblés élaborés dans les pharmas partenaires et l’immunothérapie. Celle-ci doit permettre de reconfigurer les cellules immunitaires du patient pour les aider à reconnaître la maladie et la combattre. Cette approche personnalisée, reposant sur une étroite collaboration entre la recherche et la clinique et regroupant les meilleurs spécialistes dans plusieurs types de cancer, fera du Département d’oncologie CHUV-UNIL un centre d’excellence unique en Europe. NR

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DES RECHERCHES TRÈS NATURE 568 C’est le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître en 2012 dans des revues scientifiques (d'après Serval, au 28 août 2012). L’édition du 17 mai 2012 de Nature publiait les travaux d’une équipe de chercheurs américains et suisses. Parmi ces derniers figurent Sébastien Jacquemont (médecin associé au Service de génétique médicale du CHUV), Jacques Beckmann (chef du Service de génétique médicale du CHUV) et Alexandre Reymond, professeur associé au Centre intégratif de génomique (CIG) de l'UNIL. Pour ces derniers, il s’agit de la troisième parution dans la célèbre revue, en trois ans, consacrée à un segment du chromosome 16. «Les nouveaux outils à disposition ont permis de découvrir de grands réarrangements dans le génome humain», explique Alexandre Reymond. Lorsque des parents transmettent leurs gènes à leurs enfants, tout ne se passe pas toujours parfaitement. De petits segments d'ADN peuvent être perdus (le terme technique est la délétion). Ou alors hérités à double de l'un des parents (ce qu’on appelle la duplication). Le premier article paru en 2010 dans Nature, sous la plume de l’équipe de chercheurs, a démontré le lien existant entre une délétion sur le chromosome 16, des traits autistiques et un risque d’obésité. En 2011, rien de moins que la couverture de la revue américaine présentait le deuxième article, qui associait notamment duplication, sous-poids sévère et schizophrénie. Enfin, le papier paru en mai 2012 traitait de travaux menés en collaboration avec l’équipe de Nicholas Katsanis (Université de Duke) sur le poisson zèbre. Ils ont permis d’aller encore plus loin, et de resserrer les recherches sur les trois gènes impliqués dans les pathologies. Bien des pistes de recherche ont été ouvertes, même si les applications thérapeutiques ne sont pas encore à l’ordre du jour. En génétique humaine, les progrès technologiques sont si rapides qu’Alexandre Reymond parle de «période bénie». Les travaux sur le chromosome 16 requièrent beaucoup de contacts, afin de récolter par exemple le plus possible de données relatives aux rares patients porteurs de ces anomalies (1 cas sur 1000 personnes): travailler en réseau, en formant des équipes internationales, est indispensable. DS


CARDIOLOGIE

RENTRÉE

OPÉRATION «LOGEMENTS»

Les 29 août et 5 septembre derniers au centre de Lausanne, l’UNIL et l’EPFL ont organisé des «happenings» festifs et participatifs, sur un sujet pourtant sérieux. Il s’agissait d’attirer l’attention du public sur la pénurie de logements pour étudiants, qui s’intensifie d’année en année. Des solutions existent pourtant du côté des particuliers. Ceux-ci peuvent alléger leurs charges et découvrir les atouts de la colocation en logeant une personne en formation dans l’une des chambres inoccupées de leur appartement ou de leur maison. Renseignements www.unil.ch/logement ou 021 692 21 10

Début août, René Prêtre a repris la direction du Service de chirurgie cardiovasculaire du CHUV, où il succède à Ludwig von Segesser. Il est également devenu professeur ordinaire à l’UNIL. Ce Jurassien d’origine a fait ses études de médecine à Genève. Il obtient son titre FMH en chirurgie générale en 1988 puis commence une spécialisation de chirurgie cardiaque à NYU (New York University) jusqu'en 1990. Il poursuit ensuite cette formation à Genève puis, dès 1998, à Zurich en chirurgie cardiaque et pédiatrique. Personnage chaleureux, élu «Suisse de l’année 2009», René Prêtre effectue régulièrement des opérations cardiaques pour le compte de plusieurs organisations, dont sa propre fondation «Le petit cœur». (Réd.) RDB/GES/Balz Murer

Fabrice Ducrest © UNIL

LE CHIRURGIEN RENÉ PRÊTRE ENGAGÉ À LAUSANNE

NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES

Félix Imhof © UNIL

© DR

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© UNIL

CINQ CHERCHEURS SONT À L’HONNEUR Chercheuse à la Faculté des géosciences et de l’environnement, Jasquelin Peña analyse les sédiments de trois rivières, dont la Venoge, pour déterminer leurs interactions avec des polluants comme le cuivre, le cadmium et le zinc, rejetés par nos activités urbaines, industrielles et agricoles. Elle a reçu dans ce but le Prix scientifique de la Fondation BCV, doté d’un montant de 125 000 francs. Il faut savoir comment ces métaux se comportent dans l’eau, s’attachant aux minéraux et aux bactéries, ou subissant des changements de leur état chimique pouvant les rendre plus ou moins toxiques. Pour prédire comment les écosystèmes résistent à ces polluants. NR

Le «European Consortium for Political Research» a choisi Ioannis Papadopoulos en tant que coéditeur de son périodique European Journal of Political Research. «Il s’agit de la revue généraliste de science politique du continent avec le plus d'impact. Nous recevons environ 300 manuscrits par an et nous n’en publions que moins de 10%», explique le professeur, qui travaille avec Claudio M. Radaelli (University of Exeter). Ce tandem privilégie les contributions «innovantes et qui sortent du cadre étroit de la politique nationale. Nous voulons également assurer la diversité des approches et l’originalité des perspectives», précise Ioannis Papadopoulos. DS

Le 7 juin, Andreas Mayer a reçu le «Jürg Tschopp Basic Life Science Award» lors de la remise des «FBM Awards 2012». Ces derniers encouragent l’excellence dans les domaines de recherche de la Faculté de biologie et de médecine. Professeur au Département de biochimie de l'UNIL, il est vicedoyen pour l'organisation de la Section des sciences fondamentales depuis le 1er août. Au sein d’une équipe de 13 chercheurs, et grâce à un subside de l'European Research Council, Andreas Mayer observe les processus moléculaires de la neurotransmission au sein du système nerveux des plantes, et qui sont les mêmes que chez les animaux. EURESEARCH

La Fondation Bill & Melinda Gates soutient deux jeunes chercheuses de l’UNIL. Leur projet de recherche porte sur la leishmaniose, soit la deuxième infection parasitaire au monde après le paludisme. La doctorante MaryAnne Hartley et Catherine Ronet, maître-assistante au Département de biochimie de la Faculté de biologie et de médecine, font ainsi partie des lauréats des «Grand Challenges Explorations». Ces derniers ont pour but d'encourager des idées de recherche originales pouvant apporter des solutions aux problèmes persistants de santé publique et de développement. Le subside obtenu se monte à 100 000 francs. (Réd.)

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VERS L’AVENTURE

Alors qu’il ne rêve que de tranquillité, Bilbo (Martin Freeman dans le film) va devoir courir les routes avec une compagnie de Nains. © 2012 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved.

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La Section d’anglais de la Faculté des lettres www.unil.ch/angl

LITTÉRATURE

TOLKIEN

SUR LES PAS DE BILBO A Le 12 décembre 2012, «Bilbo le Hobbit» sort sur les écrans. Ce joyeux conte pour enfants est le prélude du sombre «Seigneur des anneaux». Il en dit également beaucoup sur les passions de son auteur, l’Anglais J. R. R. Tolkien. Décryptage. TEXTE DAVID SPRING

près avoir adapté Le Seigneur des anneaux sous la forme d’une trilogie cinématographique au retentissement planétaire, le réalisateur néozélandais Peter Jackson sort sa version de Bilbo le Hobbit (The Hobbit en version originale), peu avant Noël 2012. Son film est conçu en trois volets (il faudra attendre 2014 pour en voir la fin). Derrière ce qui s’annonce comme un grand spectacle familial et pyrotechnique, passé à la moulinette de la 3D et tourné en 48 images par seconde, se niche un texte charmant publié en 1937. L’auteur, John Ronald Reuel Tolkien, est alors âgé de 45 ans. Poète à ses heures, cet universitaire enseigne l’anglais médiéval au Pembroke College de l’Université d’Oxford. Né un peu par hasard des récits qu’il faisait à ses

«BILBO LE HOBBIT EST UN OUVRAGE TRÈS RICHE, À CÔTÉ DE SES ASPECTS ENFANTINS.» AMRIT SINGH, MÉMORANT EN SECTION D'ANGLAIS

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trois enfants, son conte rencontre aussitôt un succès important en librairie, qui continue d'ailleurs à ce jour (lire le résumé de l’histoire en p. 18). Révisées plusieurs fois, les aventures de Bilbo, un petit bonhomme aux pieds poilus, deviennent au fil des années un prélude au très sérieux Seigneur des anneaux, qui paraît entre 1954 et 1955. Plusieurs personnages se retrouvent dans les deux histoires, comme par exemple le magicien Gandalf ou le misérable Gollum. Plus tard dans sa vie, le professeur anglais a jeté un regard critique sur son Hobbit. Mais «c’est un ouvrage très riche, à côté de ses aspects enfantins. Son ton léger en fait tout le charme», estime Amrit Singh, qui vient de terminer son mémoire de master (en Faculté des lettres) sur la

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LITTÉRATURE

manière dont l’univers de fantasy créé par Tolkien se laisse entrevoir dans ses écrits, comme un arrière-plan cohérent. Il convient toutefois d’être prudent avec les interprétations: «L’auteur l’a écrit dans ses lettres: il n’aimait pas que l’on voie dans ses textes ce qu’il n’avait pas prévu lui-même!», ajoute le mémorant. Progressons donc avec le pas délicat de l’Elfe. Passage à l’âge adulte «Bilbo le Hobbit possède la structure classique d’un roman d’apprentissage, ou Bildungsroman, note Victoria Baumgartner, mémorante en section d’anglais à l’UNIL. Un personnage pas du tout héroïque se retrouve impliqué malgré lui dans une épopée, traverse une série d’épreuves dangereuses (affronter des trolls ou des araignées géantes) avant d’en venir à la confrontation finale avec le redoutable dragon Smaug. Puis il s’en retourne chez lui, mûri.» Sur ses petites jambes, et en compagnie de 13 Nains, Bilbo effectue un long voyage qui le mène de la Comté, son foyer paisible, vers des terres sauvages peuplées d’Elfes et de Gobelins. «Les Hobbits habitent un monde edwardien, où l’on jardine et on fume la pipe», décrit Amrit Singh. Autour de cette «île» se trouve un vaste monde médiéval tein-

«DANS LE RÉCIT, LA NATURE EST UN PERSONNAGE EN SOI.» VICTORIA BAUMGARTNER, MÉMORANTE EN SECTION D'ANGLAIS

té de magie. «Pour notre Hobbit, les dragons appartiennent à la légende, tout comme pour nous autres lecteurs», ajoute le mémorant. Ce qui permet à Tolkien de nous faire entrer dans son histoire grâce à un héros anachronique, auquel on peut s’identifier. Un deuxième élément renforce cet accompagnement du lecteur dans l’aventure: le roman montre comment un Monsieur Tout-le-Monde, qui n’est ni noble ni guerrier, peut jouer un rôle central, voire même décisif, dans une quête qui concerne des personnages épiques, parmi lesquels un magicien et plusieurs rois. Une idée moderne, souligne Digby Thomas, licencié en anglais de l’UNIL, spécialiste du romantisme et fin connaisseur des œuvres de Tolkien. «Dans la mythologie, le héros est un demi-dieu. Ses actions se situent toujours à la hauteur de son héritage surhumain. Dès le XIXe siècle, c’est un être ordinaire: son épreuve consiste alors à apprendre à devenir lui-même.» Ensuite, le narrateur s’adresse souvent, et avec humour, au lecteur. Mais «sur un ton très anglais: on rit quand même avec une tasse de thé à la main», s’amuse Victoria Baumgartner. Enfin, les Hobbits plaisent aux plus jeunes, en premier lieu parce que «ces êtres de petite taille, qui se baladent pieds nus, doivent se débrouiller dans le monde

L'HISTOIRE EN BREF

Bilbo Baggins habite Hobbitebourg, un paisible village peuplé de... Hobbits. Ces petites créatures paisibles, aux pieds velus, détestent toute forme d’aventures et d'imprévus. Un jour, il reçoit la visite du magicien Gandalf et de 13 Nains barbus, dont le roi Thorïn. Grâce à une carte au trésor, ces derniers projettent de récupérer un trésor gardé par le dragon Smaug, au cœur de la Montagne Solitaire, loin à l’Est. Il leur faut un voleur agile: ce sera Bilbo, embarqué malgré lui dans cette quête par une manigance de Gandalf. Un long voyage s’engage. En chemin, de nuit, le groupe tombe dans les pattes de trois trolls, d’affreux carnivores. Le magicien parvient à distraire suffisamment les monstres pour qu’ils se fassent surprendre par le lever du soleil, ce qui les pétrifie. Dans leurs possessions, Bilbo récupère une courte épée magique, qu’il baptise «Dard». La compagnie arrive ensuite à Rivendell, un lieu paradisiaque peuplé d’Elfes. Le maître de la maison, Elrond, traduit les runes dessinées sur la carte de Thorïn, et découvre l’existence d’un passage secret menant au cœur du repaire de Smaug.

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Allez savoir !

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Dans les Monts Brumeux, des gobelins, aussi maléfiques que crasseux, capturent les Nains et le Hobbit. A nouveau, une intervention de Gandalf leur permet de s’échapper. Sauf Bilbo, qui s’égare dans l’obscurité. Sous la montagne, il rencontre le misérable Gollum, qui vient d’égarer son anneau magique, capable de procurer l’invisibilité. Notre héros récupère le bijou, et parvient à s’échapper à la faveur d’un concours d’énigmes. La compagnie se reforme, et loge chez Beorn, un homme capable de se transformer en un ours terrifiant. Gandalf les quitte ensuite, pour s’attaquer au problème du Nécromancien, au Sud. Les Nains et le Hobbit traversent alors la forêt de Mirkwood, où ils sont capturés par des araignées géantes, puis par des Elfes. Grâce à son anneau, à son épée et à la chance, Bilbo sauve ses compagnons. Ils parviennent à Esgaroth, une cité lacustre peuplée d’humains, avant

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de se rendre, via le passage secret mentionné sur la carte, à l’intérieur de Montagne Solitaire, l’antre du dragon. Ce dernier, furieux que Bilbo lui ait volé une coupe en or, met le feu à Esgaroth. Un guerrier de cette cité parvient toutefois à l’abattre d’une flèche. Retranchés dans la montagne, les Nains refusent de céder une partie du trésor aux victimes de Smaug ou aux Elfes. Alors qu’un combat semble inévitable, des hordes de gobelins fondent sur eux et une grande bataille s’engage. Bilbo tombe assommé. Mais ses amis sortent victorieux, malgré la mort de Thorïn. Le trésor est partagé. Puis le Hobbit, désormais riche, s’en retourne chez lui, pour constater que son mobilier a été vendu aux enchères. Tout le monde le croyait mort! Il écrit désormais de la poésie, et passe pour «bizarre» aux yeux de ses congénères. Quelques décennies plus tard, son neveu Frodon reprend l’anneau et le flambeau: Le Seigneur des anneaux commence. 

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POUR CEUX QUI N'AURAIENT PAS TOUT SUIVI...


des grands, indique Digby Thomas. Ils vivent dans un état d’anarchie innocente, aiment manger et prendre du bon temps. Cela ne correspond pas du tout aux modèles éducatifs que l’on proposait aux enfants de l’époque!» Revenir, c’est mourir un peu Le sous-titre du conte, «There and Back Again», donne un indice essentiel: rien n’est plus pareil après que le destin a frappé à la porte. Quand Bilbo revient à la maison, il découvre que ses meubles et son logis ont été vendus aux enchères, car tout le monde le croyait mort! «Même si sa quête l’a rendu riche d’or, sa réputation auprès de ses compatriotes est ruinée», remarque Amrit Singh. En effet, dans la conservatrice Comté, un citoyen convenable ne court pas les routes. Ses habitants parleront désormais de notre Hobbit en secouant la tête. Ce dernier, qui se met à écrire de la poésie, vit ensuite dans la nostalgie de l’aventure. Si son voyage a obligé le petit héros à s’approcher de l’âge adulte, l’histoire reste destinée aux enfants: «Bilbo parvient à revenir chez lui. Dans Le Seigneur des anneaux, son neveu Frodon rate son retour: les épreuves l’ont trop changé et il ne se sent plus chez lui dans son pays natal. Il doit s’exiler», compare Digby Thomas. Des paysages... en Suisse Dans le récit, «la nature est un personnage en soi», remarque Victoria Baumgartner. L’auteur prend plaisir à décrire de hautes montagnes, des forêts mystérieuses ou des plaines désolées. Cela n’a rien d’étonnant: J.R.R. Tolkien détestait l’industrie, le bruit et les machines. Il attribue le goût pour les rouages et les explosions aux maléfiques gobelins. Alors que les Elfes, un peuple de créatures gracieuses, vénèrent les arbres. L’auteur, qui a grandi dans la campagne des West Midlands, non loin du Pays de Galles, était amoureux des doux paysages de l’Angleterre rurale. En 1911, l’écrivain passe des vacances en Suisse, en compagnie de son frère cadet Hilary. Du côté du glacier d’Aletsch, leur équipe de randonneurs se trouve prise dans un éboulement effrayant: «[les rochers] arrivaient en sifflant sur notre sentier et allaient rouler dans le ravin», a-t-il raconté en 1968. Une scène que l’on retrouve dans le conte, lorsque le Hobbit et ses compagnons les Nains sont pris dans une situation semblable. Autre inspiration helvétique: l’Anglais achète une carte postale qui reproduit un tableau de Josef Madlener, Der Berggeist (l’esprit de la montagne). Il s’agit du portrait d’un vieil homme à la barbe blanche, dans un paysage montagneux. Un document que Tolkien a conservé dans ses archives, avec la mention «The Origin of Gandalf», soit le magicien qui déclenche l’aventure. Dans Bilbo, la nature est peuplée d’animaux comme les araignées géantes, les corbeaux, les grives, les aigles, les loups et... le dragon, qui possèdent tous un point commun: ils parlent. Ce qui renvoie à la passion de l’auteur pour les langues.

GANDALF Ce magicien déclenche les aventures de Bilbo. © Warner Bros

«LE DRAGON SMAUG EST UN ANTIDOTE MERVEILLEUX AUX BANQUIERS.» DIGBY THOMAS

Allez savoir !

Le seigneur des mots «Pour Tolkien, les langues sont fondatrices, note Amrit Singh. Il les a créées avant de faire quoi que ce soit d’autre.» Le professeur, philologue, en connaissant de nombreuses et des plus improbables, comme le vieux norrois (Islande), le gallois, le finnois ou le vieil anglais, parmi une dizaine d’autres. Son grand plaisir consistait à en créer, un exercice qu’il appelait son «vice secret», entamé dès son adolescence. Pour les faire vivre, quoi de mieux que de bâtir une mythologie et des peuples comme les Nains, les Elfes et les Hobbits? (lire également en p. 22). Les runes (ancien alphabet germanique fin et anguleux) jouent ainsi un rôle central. «Le livre s’ouvre sur la carte au trésor que possède Thorïn, le roi des Nains, explique Amrit Singh. Des runes qu’aucun personnage ne comprend au début y sont inscrites. Leur traduction au cours du récit fournit une clé essentielle, à la fois pour la réussite de la quête et pour le lecteur: elles donnent l’accès à un passage secret qui mène au trésor gardé par le dragon.» La littérature et la mythologie médiévales germaniques comptent aussi beaucoup. En 1936, Tolkien donne une conférence qui fera date. Beowulf: The Monsters and the Critics traite des aspects littéraires de cette œuvre anglosaxonne, probablement composée entre le VIIe et le Xe siècle. Ce poème épique contient un passage dans lequel un esclave vole une coupe en or dans le trésor d’un dragon (voir illustration en page 20). Rendu invisible grâce à un anneau magique, Bilbo va commettre un larcin identique dans le conte. Dans les deux cas, cette roublardise déclenche la colère de la Bête, qui met le feu à tout ce qu’elle rencontre, avant qu’un guerrier n’intervienne pour l’arrêter. Parmi les autres travaux académiques du professeur figure une traduction en anglais moderne de Sir Orfeo, un poème médiéval qui reprend des éléments du mythe d’Orphée et Eurydice. Avec une différence: «l’épouse N° 52

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de Sir Orfeo a été enlevée par le roi des Elfes», rappelle Victoria Baumgartner. Un rapt que subiront les Nains, compagnons du Hobbit. Autre point commun avec Tolkien: une scène de chasse qui implique un cerf blanc et une meute de chiens aboyants se trouve dans les deux textes. Décor grandiose Un élément frappe le lecteur: le sentiment que la quête de Bilbo se situe dans un contexte plus vaste, qui échappe largement au récit en cours. C’est justement le sujet du travail de mémoire d’Amrit Singh. «Dans ses écrits, Tolkien glisse des petites phrases qui font comprendre au lecteur que derrière l’aventure existe un monde plus grand.» Ainsi, le magicien Gandalf abandonne les Nains et le Hobbit à leur quête, car il doit régler le problème d’un dangereux Nécromancien. Rien ou presque n’est expliqué à ce sujet, ce qui ne nuit d’ailleurs en aucune façon à la compréhension de l’histoire. Par contre, on réalise par la suite que ce sorcier maléfique est en fait Sauron, le grand méchant du Seigneur des anneaux. 20

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SMAUG

Cet immense dragon va se fâcher: Bilbo lui a volé une coupe en or. Une scène peinte par l'illustrateur John Howe, tirée de l'Official Tolkien Calendar 2013, publié par HarperCollins.

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Autre exemple: la compagnie rencontre un personnage important, Elrond. L’auteur écrit simplement, dans l’une des adresses aux lecteurs qui parsèment Bilbo, qu’il «figure dans bien des contes». C’est tout ce que nous en apprenons à cette occasion. Alors que ce noble érudit est une figure essentielle de la mythologie tolkienienne, du Silmarillion au Seigneur des anneaux. Un procédé que synthétise Digby Thomas: «Chez Tolkien, c’est l’univers qui sécrète le récit, et non l’inverse.» A la fin du conte, la grande histoire envahit la petite: une bataille entre d’un côté les Gobelins, et de l’autre l’alliance des Hommes, des Nains et des Elfes se déroule. Cette lutte est totalement indépendante de la quête menée par le Hobbit et ses amis. «A cause des films, on peut avoir l’impression que les combats sont omniprésents dans l’œuvre de Tolkien, regrette Amrit Singh. Or l’auteur ne les décrit qu'en quelques pages». A cette occasion, Bilbo prend un caillou sur la tête, et s’évanouit! «Cette guerre le dépasse. Il y a des limites à ce qu’un Monsieur Tout-le-monde, même porteur d’un anneau magique, peut faire.»


Valeurs humaines et chrétiennes Loin des coups de hache, le conte traite de quelques sentiments humains. «Les motivations de la quête originale ne sont pas très nobles: des Nains engagent Bilbo en tant que cambrioleur, pour récupérer le trésor de leurs ancêtres, gardé par un dragon», note Victoria Baumgartner. Malgré ce point de départ plus économique qu’héroïque, le Hobbit passe son temps à sauver ses compagnons, devenus des amis malgré leur caractère bougon. En chemin, sous la montagne, il rencontre Gollum, un misérable qui n’a qu’une obsession : son précieux anneau ensorcelé en or, qu’il perd. Le roman connaît un tournant moral important, quand Bilbo, devenu invisible grâce au bijou et porteur d’une redoutable épée elfique, décide de ne pas tuer l’être malfaisant pourtant à sa merci. Dans Le Seigneur des anneaux, Frodon épargnera à son tour cette créature. Son geste généreux, inspiré par la pitié, sauvera le monde à la toute fin de l’histoire. J.R.R. Tolkien a été engagé dans la Première Guerre mondiale et son expérience de l’horreur des champs de bataille l’a marqué. Le courage est une vertu très présente dans ses textes. Non pas celui, presque banal, des grands guerriers. Mais celui des Hobbits, personnages ordinaires, qui doivent d’abord vaincre leur peur avant de se battre pour ce qu’ils estiment juste. Et le Mal, dans tout ça? Digby Thomas est intarissable sur la figure de Smaug. «Immense et dangereux, ce dragon est l’antagoniste à vaincre. Mais il a beau être rusé, voire sophistiqué, il incarne deux valeurs fausses aux yeux de Tolkien: l’envie et l’avarice.» Son instinct le pousse en effet à voler et amasser de l’or et des joyaux, mais sans jamais rien en faire. «Ce travers ridicule en fait un antidote merveilleux aux banquiers», sourit Digby Thomas. Le conte va au-delà: Smaug est un animal, et il ne peut donc être tenu pour moralement responsable de ses actes. En revanche, le roi des Nains Thorïn, tout aussi cupide que la Bête, est une créature consciente capable de discerner le Bien et le Mal. Un jeu de miroir entre l’humain et l’animal, qui touche à la foi catholique de l’écrivain. Même s’il faut rester prudent avec ce sujet: ami proche du professeur, C. S. Lewis, auteur du Monde de Narnia, rendait sa foi anglicane très présente dans ses romans. Une attitude que Tolkien n’approuvait pas. Comme tout bon conte pour enfants, Bilbo possède sa petite morale en coin. Fier, intransigeant et obsédé par le trésor jusqu’à la déraison, Thorïn «se repentit avant de mourir», rappelle Victoria Baumgartner. «Si un plus grand nombre d’entre nous préféraient la nourriture, la gaieté et les chansons aux entassements d’or, le monde serait plus rempli de joie», figure parmi ses dernières paroles.

VICTORIA BAUMGARTNER ET AMRIT SINGH Mémorants en Section d'anglais à l'UNIL. Nicole Chuard © UNIL

avait eu une épouse, ou Frodon une mère en vie, ils ne seraient jamais partis à l’aventure !» Il existe de nombreux textes académiques sur ce sujet, qui vont jusqu’à chercher des traces d’homosexualité cachée chez Tolkien. Amrit Singh dégonfle la polémique. «Plusieurs femmes jouent des rôles très importants dans Le Seigneur des anneaux, comme la reine des Elfes Galadriel, ou Eowyn, fille du roi Théoden.» La vie de l’auteur dément également toute misogynie. Créée par Tolkien, et relatée dans le cryptique Silmarillion, l’histoire d’amour entre l’humain Beren et l’hlfe Lúthien se poursuit au-delà de la mort, puisque ces noms sont gravés sur la tombe du professeur et de son épouse Edith, à Oxford. Un héritage S’il n’est pas l’écrivain fondateur de la fantasy, «Tolkien a malgré lui créé un genre», note Amrit Singh. Ses œuvres ont marqué plusieurs générations, où les amateurs de jeux de rôle et de jeux vidéo figurent en bonne place. Dès les années 60, elles furent tour à tour adulées par les étudiants contestataires américains, les tenants de la contreculture, les hippies ou les fans de metal, avant que la trilogie cinématographique de Peter Jackson ne globalise les romans. Mais derrière ce phénomène se niche un universitaire anglais que sa gloire rendait perplexe, vêtu de tweed et amoureux des mots. 

Où sont les femmes? Zéro. Nada. Aucun personnage féminin à signaler. «Ce n’est pas si important, sourit Victoria Baumgartner. Si Bilbo Allez savoir !

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LITTÉRATURE

PARLEZ-VOUS ELFIQUE?

La Terre du Milieu, le monde imaginé par Tolkien, est si vaste que le touriste peut s’y perdre. Apprendre les langues locales pour pouvoir demander son chemin aux autochtones est une bonne idée... impossible à réaliser !

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ès le début de Bilbo le Hobbit, le lecteur est confronté aux runes inscrites sur une carte que possède le roi des Nains, Thorïn. J. R. R. Tolkien se fend même d’un préambule à ce sujet, dans l’édition anglaise de son conte (publié chez HarperCollins). Le Seigneur des anneaux est émaillé de phrases elfiques. Ce piment linguistique, ingrédient essentiel de l’univers du professeur d’Oxford, rend ses œuvres vivantes. Mais il donne à certains l’impression que les langues inventées par l’auteur peuvent être apprises, comme l’anglais ou l’espagnol. Dans le sillage des films, de nombreux sites proposent des cours rarement sérieux de sindarin ou de

NAMÁRIË

En trois versions: originale, dans notre alphabet et traduite en français par le linguiste Édouard Kloczko. Ce dernier vient de faire paraître Le haut-elfique pour les débutants aux Editions Fetjaine.

quenya, deux des langages présents dans les livres. Problème: J. R. R. Tolkien n’a «jamais composé d’Elfique en 10 leçons à potasser le soir», explique le linguiste Edouard Kloczko, qui vient de faire paraître Le haut-elfique pour les débutants aux Editions Fetjaine. L’auteur a plutôt semé des fragments dans de nombreux écrits et documents souvent techniques, et donc seulement accessibles aux spécialistes. Au final, il n’est pas possible d’apprendre les créations linguistiques du philologue, mais seulement de les étudier. Bonne nouvelle tout de même: le sindarin (bâti en partie sur le gallois) et le quenya (inspiré entre autres par le fin-

nois) sont assez avancés dans leur élaboration pour qu’il soit envisageable de s’y exprimer. Mieux: J. R. R. Tolkien a laissé des indications sur la manière de les prononcer dans un appendice au Seigneur des anneaux. Il a même enregistré certains poèmes, dont Namárië (voir ci-dessous). Cette Complainte de Galadriel se récite en quenya. Son écriture élégante, une autre des passions du médiéviste anglais, est baptisée tengwar. Complexes, les langues fragmentaires imaginées par l’auteur de Bilbo ne permettent pas de communiquer au quotidien avec les Elfes. Petite consolation tout de même: sans elles, l’œuvre de J. R. R. Tolkien n’aurait pas eu la même profondeur.  DS

LA VERSION TRANSLITTÉRÉE...

Ai! laurië lantar lassi súrinen, / yéni únótimë ve rámar aldaron! / Yéni ve lintë yuldar avánier / mi oromardi lissë-miruvóreva / Andúnë pella, Vardo tellumar / nu luini yassen tintilar i eleni / ómaryo airetári-lírinen. Sí man i yulma nin enquantuva? An sí Tintallë Varda Oiolossëo / ve fanyar máryat Elentári ortanë / ar ilyë tier undulávë lumbulë / ar sindanóriello caita mornië / i falmalinnar imbë met, ar hísië / untúpa Calaciryo míri oialë. / Sí vanwa ná, Rómello vanwa, Valimar! Namárië! Nai hiruvalyë Valimar! / Nai elyë hiruva! Namárië! ... ET LA VERSION FRANÇAISE

Qui à présent remplira la coupe pour moi ? Car désormais l'Enflammeuse, Varda, la Reine des étoiles, / a élevé ses mains comme des nuages, à partir du mont Toujours-blanc, / et toutes les routes furent profondément noyées dans la brume; / et venues d'un pays gris les ténèbres s'étendent / entre nous sur les vagues écumantes / et les brumes recouvrent les joyaux de la Calacirya pour toujours. / Perdu désormais, perdu pour ceux de l'Est, est Valimar! Au revoir! Peut-être trouveras-tu Valimar. / C'est peut-être toi qui la trouveras. Au revoir!

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© iStockphoto.com - Jacob McClenny - wikipedia

Ah! comme l'or tombent les feuilles dans le vent, / de longues années innombrables comme les ailes des arbres! / Les longues années ont passé pareilles à de rapides gorgées / de l'hydromel sucré dans les hautes salles / au-delà de l'Ouest, sous les dômes bleus de Varda, / où les étoiles tremblent / au chant de la voix sainte de la Reine.


RÉFLEXION

NORMALISER… OU RESPECTER LA SINGULARITÉ !

MARIE-HÉLÈNE GAUTHIER Philosophe, maître de conférences HDR à l’Académie d’Amiens

L’

université, obéissant à l’effort de démocratisation, de modernisation, d’intégration de tous ceux qui ont été si longtemps écartés de la formation, se trouve, dans cette course un peu folle à la transformation incessante, souterrainement traversée de courants contradictoires qui peuvent, si l’on n’y prend garde, la dénaturer. Foyer d’un repli propice à la réflexion, elle se voit soumise aux techniques de gestion, de management, d’ouverture sur l’entreprise et le marché du travail ; lieu possible de la création individuelle, elle est noyautée par l’esprit de collectivisation qui uniformise les pratiques et tue la temporalité longue nécessaire à l’éclosion des pensées. L’université s’est ouverte comme jamais sur la réalité extérieure: il ne faudrait pas qu’elle en étouffe. En France, étudiants, enseignants-chercheurs, dirigeants et agents administratifs sont abreuvés de termes éblouissants: l’excellence, la recherche, la scientificité, la professionnalisation... Les universitaires sont pris au filet d’un discours qui n’engage plus que la dimension collective qui les enserre. On ne pense plus seul, on n’écrit plus seul, on ne cherche plus tout à fait librement... Pour mériter la note qui sanctionne la survie d’une équipe, et toutes les modalités de quantification qui préparent le jugement des experts, on construit en amont l’architecture qui

L'UNIVERSITÉ S'EST OUVERTE COMME JAMAIS SUR LA RÉALITÉ EXTÉRIEURE: IL NE FAUDRAIT PAS QU'ELLE EN ÉTOUFFE.

doit conduire au résultat escompté: label hautement repérable des laboratoires de recherche, qui fixent depuis le sommet de la pyramide les directives qui concernent les unités inférieures, recrutement adapté, collègues soumis à une thématique commune, rétrécissement du spectre d’analyse, présence surnuméraire de représentants d’un même courant disciplinaire venant menacer l’équilibre d’une formation pédagogique, contorsion des projets individuels pour entrer dans l’identité sans laquelle un chercheur n’a plus droit de cité. L’insoumission, le soupçon quant à l’inanité de ce courant impérieux, sont rapidement domptés : le chercheur récalcitrant a perdu le sens du réel, est doté d’une forme de sensiblerie qui le met sur la touche. La situation des sciences humaines est la plus précaire; on ignore les expériences singulières qui les soustendent, et dont la plus fondamentale, déjà affirmée par Aristote, penseur de la diversité des savoirs et des méthodes, tient précisément à l’irréductibilité des différences des matériaux étudiés, des chercheurs qui les étudient et dont l’enseignement s’enrichit de cette spécificité. Seule la collectivité fait force en ce moment, et un système de complaisance réciproque encourage les uns et les autres à tout approuver. «Des individus de plus en plus nombreux, du fait de leur indolence apathique, auront

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pour seule aspiration de n’être rien - de façon à devenir le public tout entier», écrit Kierkegaard, cité par Lindsay Waters dans L’Eclipse du savoir. Le directeur des Presses Universitaires de Harvard y dénonce les dangers du système américain. Hannah Arendt parlerait de normalisation des individus... Dans ce contexte, les sciences humaines sont tentées de travestir leur propre statut en essayant de singer la scientificité des sciences prises pour références. A tel point que les historiens de la philosophie, par exemple, sont relégués dans une sorte de honte intérieure; l’étudiant se sent pris dans les horizons de recherche trop pointus des enseignants, alors qu’il doit encore acquérir les bases de sa discipline. Plaquer ainsi les thématiques de recherche sur la formation, c’est dévaloriser l’enseignement et désorienter les étudiants. La formation est progressivement minorée, la recherche devenant le vocable ultime, alors que chez les grands chercheurs, grands philosophes ou historiens, l’enseignement demeurait essentiel. Avec cet éclairage si cru projeté sur l’excellence de la recherche, la primauté de l’échange entre un maître et un disciple, autrement dit un enseignant et un étudiant, est oubliée. De même que l’on compromet, en homogénéisant les pratiques du savoir, la réalité d’un dialogue entre les scientifiques et les représentants des sciences «simplement» humaines. 

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Le Département de biochimie de la Faculté de biologie et de médecine www.unil.ch/ib

MÉDECINE

CES ADJUVANTS QUI

BOOSTENT LES

VACCINS Les vaccins contre la grippe seront bientôt disponibles en pharmacie. A cette occasion, comme chaque année, resurgiront les polémiques sur les vaccins et les supposés risques des adjuvants qu’ils renferment. Que sont ces substances et sont-elles réellement dangereuses? Tour d’horizon avec Nicolas Collin, microbiologiste et spécialiste de la question. TEXTE ELISABETH GORDON

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ls sont souvent pointés du doigt. Les adjuvants présents dans les vaccins sont périodiquement accusés d’être responsables de maux divers. Des assertions «largement infondées scientifiquement», affirme Nicolas Collin, directeur du laboratoire de formulation vaccinale du département de biochimie de l’UNIL. Adjuvant. Le mot paraît savant, mais si l’on revient à l’étymologie, il dérive du latin adjuvare qui signifie simplement aider, assister. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit dans le domaine de la vaccinologie. Ces substances renforcent le pouvoir de certains vaccins et augmentent ainsi leur efficacité qui, sinon, serait faible voire quasi nulle. Avec à la clé une baisse des coûts et une accessibilité accrue des vaccins pour les pays en développement. Le rôle d’un vaccin prophylactique est en effet de stimuler le système immunitaire pour qu’il soit capable de lutter contre 24

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NOVARTIS COMMERCIALISE LE PREMIER ADJUVANT «MODERNE»

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l’intrusion dans l’organisme d’un microbe (virus, bactérie ou parasite). A cette fin, on peut utiliser le micro-organisme en question entier vivant (mais avec une activité atténuée) ou totalement inactivé. On peut aussi, comme cela se fait dans les vaccins modernes, n’employer que quelquesuns de ses fragments – «une partie de son enveloppe, des sucres, des protéines, de l’ADN, etc.», précise Nicolas Collin. A ce principe actif qui est au cœur du pouvoir vaccinal, on peut ajouter divers produits comme des conservateurs, des stabilisateurs, des excipients, des sels et quelques autres. Et souvent, donc, des adjuvants. L’histoire des adjuvants ne date pas d’hier. Dans les années 20, le vétérinaire et biologiste français Gaston Ramon découvre que l’ajout de pus à la toxine de la diphtérie améliore l’immunisation des chevaux contre cette maladie et il conceptualise la notion d’adjuvant. Les scientifiques «es-


Des vaccins moins coûteux Depuis, quelques autres adjuvants sont apparus sur le marché et l’on a découvert que ces substances avaient de multiples rôles. «C’est l’un des paradoxes des temps modernes: les vaccins les plus récents, qui sont produits à partir de

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saient alors de trouver des substances capables de transformer un mauvais vaccin en un bon et ils testent de nombreux produits présents dans leur cuisine: huile, sucre, etc.», ainsi que les sels d’aluminium qui sont restés, depuis 1925, les adjuvants les plus utilisés en médecine humaine. Mais il a fallu attendre 1997 pour que Novartis commercialise le premier adjuvant «moderne», qui est fait à partir d’une émulsion de type huile dans l’eau. Ce qui fait dire à Nicolas Collin que «le développement des adjuvants est l’un des procédés les plus fastidieux de l’histoire de la médecine».

PRIX

LES ADJUVANTS PERMETTENT DE RÉDUIRE LES COÛTS DES VACCINS Allez savoir !

fragments de micro-organismes, ont une immunogénicité – c’est-à-dire un pouvoir de susciter des réponses immunitaires – de plus en plus faible.» Ils doivent donc renfermer de grandes quantités de principe actif. «Si ce dernier est cher, comme c’est le cas pour les vaccins contre la grippe H5N1 ou la rage, les adjuvants permettent d’en utiliser moins pour des résultats analogues.» Et donc d’abaisser les coûts. N° 52

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MÉDECINE

RECHERCHE

LE MODE D'ACTION DES ADJUVANTS N'EST PAS TOTALEMENT ÉLUCIDÉ Toutefois, les adjuvants ne sont pas obligatoires. De nombreux vaccins en sont d’ailleurs dépourvus, comme les préparations protégeant contre la grippe saisonnière (hormis celles destinées aux personnes âgées), la rougeole, la rubéole et autres maladies de type aiguës. Il en va autrement des pathologies chroniques comme le sida, l’herpès ou les maladies tropicales comme la leishmaniose. Dans ces cas, les agents infectieux sont plus futés. Ils circulent peu dans le sang et se cachent surtout dans les cellules. Pour les détruire, il faut donc «biaiser le système immunitaire», dit le microbiologiste. Réorienter son action pour faire en sorte qu’en plus de produire des anticorps (qui luttent contre les pathogènes présents dans le sang), il s’attaque aussi aux cellules infectées. Ce que seul un adjuvant permet de faire.

Autre avantage, les adjuvants permettent aux vaccins d’offrir une immunogénicité plus large. «De nombreux agents infectieux, comme le virus du sida, mutent facilement. L’adjuvant a le potentiel d’ouvrir le spectre des réponses immunitaires qui peuvent lutter contre des souches différentes.» Il permet aussi, dans le cas de la grippe par exemple, d’accroître l’efficacité du vaccin chez des personnes ayant un système immunitaire moins performant, comme les enfants ou les personnes âgées. Globalement, conclut le microbiologiste, «l’adjuvant améliore la qualité de la réponse vaccinale et, en plus, il offre une protection plus rapide et qui dure plus longtemps». Le mode d’action de ces produits «n’est pas totalement élucidé et fait l’objet d’intenses recherches de la part des immunologistes et des biologistes», constate Nicolas Collin. On sait toutefois que «les adjuvants historiques (comme les sels d’aluminium et les émulsions du type huileux) améliorent la présentation du principe actif au système immunitaire, explique le chercheur de l’UNIL. En outre, ils provoquent une légère inflammation locale qui a pour effet de stimuler le système immunitaire. Quant aux plus modernes, ce sont des immunostimulants qui activent directement les cellules immunitaires.» Certains adjuvants jouent d’ailleurs sur les deux tableaux. 26

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NICOLAS COLLIN Directeur du laboratoire de formulation vaccinale du département de biochimie de l'UNIL. Nicole Chuard © UNIL

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Eradiquer la polio Le cas de la poliomyélite offre un exemple intéressant du rôle des adjuvants. Il existe depuis de nombreuses années un vaccin oral, sans adjuvant, contre la maladie – l’OPV (Oral Polio Vaccine) – qui a fait ses preuves puisque, grâce à lui, la polio a été quasiment éradiquée. Sur ce front, quelques résultats encourageants ont même été constatés récemment. «L’Inde, qui était une zone critique, a annoncé en février dernier qu’elle n’avait enregistré aucun nouveau cas au cours de l’année précédente.» La bataille n’est toutefois pas encore gagnée, car la pathologie «résiste dans quelques foyers au Pakistan, en Afghanistan et au Nigeria. La situation reste fragile et il faut utiliser un nouveau vaccin.» Car l’OPV renferme le virus entier vivant et, même si celui-ci est atténué, il pourrait conduire à une résurgence de cette maladie qui pourrait devenir virulente et se répandre à nouveau. «Ce vaccin est donc inadapté dans le cadre d’un effort d’éradication», souligne le chercheur de l’UNIL qui a travaillé précédemment à l’OMS. La stratégie choisie consiste à remplacer l’OPV par l’IPV (Inactivated Polio Vaccine) qui, comme son nom l’indique, renferme un virus totalement inactivé. Ce vaccin est d’ailleurs déjà disponible et il a notamment été utilisé en Scandinavie. «Le problème est qu’il est cher et donc inaccessible aux pays qui en ont besoin. Pour diminuer son coût, une solution est de rajouter un adjuvant.»


© Sebastian Kaulitzki - iStockphoto.com

© Al Mahdi - Reuters © Fernando Madeira - Fotolia.com

C’est à cette tâche que s’est attelé le laboratoire de formulation vaccinale. Dans le cadre d’un mandat que lui a confié le Wellcome Trust, un prestigieux fonds caritatif britannique, puis, plus récemment, avec le soutien de la Fondation Gates, Nicolas Collin et son équipe ont testé un adjuvant de type huile dans l’eau existant sur le marché. «Nous avons montré que cette émulsion était compatible avec l’IPV.»

LUTTE

Le virus H5N1 (ci-dessus). Vaccination orale contre la polio au Yémen (en haut à gauche) et vaccina­ tion contre la grippe saisonnière en Europe.

Les adjuvants sous le feu de la critique C’est là une nouvelle preuve – s’il en fallait une – des apports des adjuvants à la vaccinologie. Pourtant, ces substances ont mauvaise presse. Les sels d’aluminium ont, par exemple, été accusés de provoquer la myofasciite à macrophages (infiltration de macrophages dans le tissu musculaire qui provoque une fatigue chronique, ainsi que des troubles physiques et neurocognitifs). Quant au squalène, utilisé dans certains vaccins antigrippaux, il serait, diton, à l’origine des problèmes de santé des anciens combattants de la guerre du Golfe. Des critiques que Nicolas Collin récuse avec force, en rappelant que les sels d’aluminium «ont été utilisés dans des vaccins (diphtérie, tétanos, coqueluche, polio) administrés à des milliards de personnes sans provoquer de problèmes». Allez savoir !

Les adjuvants peuvent causer «dans de rares cas, des phénomènes inflammatoires, des douleurs et des rougeurs», admet le scientifique qui rappelle que «toutes les molécules actives ont des effets secondaires qui dépendent de la dose administrée et des personnes traitées». Reste que , en matière de vaccination, «il est difficile, sinon impossible, d’évaluer les risques. Tout ce qui arrive à quelqu’un que l’on a vacciné est souvent considéré comme étant la faute du vaccin.» Le problème vient du fait que les vaccins prophylactiques sont administrés à des personnes saines. En revanche, lorsque qu’un vaccin est utilisé à des fins thérapeutiques, comme dans le traitement d’un cancer, «les gens sont prêts à admettre d’avoir plus d’effets secondaires. La clé de voûte de l’acceptabilité est l’évaluation du rapport risques/bénéfices.» «Il faut lutter contre les rumeurs et les fausses informations qui ont des conséquences importantes pour la santé publique», affirme Nicolas Collin en soulignant que l’on a «beaucoup plus de risques d’attraper une forme sévère de grippe que de souffrir d’un effet secondaire du vaccin». Et le chercheur de conclure que «les comportements changeront lorsque des maladies infectieuses graves vont à nouveau frapper».  N° 52

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MÉDECINE

UN VACCIN LAUSANNOIS CONTRE LA GRIPPE AVIAIRE POUR L’INDONÉSIE

A l’UNIL, un laboratoire unique en son genre étudie le fonctionnement des adjuvants, ces substances qui renforcent le pouvoir de certains vaccins, en augmentent l’efficacité et en font baisser le coût. Le ministère américain de la Santé a accordé un financement à une équipe lausannoise.

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l est unique en son genre. Le laboratoire de formulation vaccinale du département de biochimie de l’UNIL est spécialisé dans les adjuvants. Il n’en élabore pas de nouveaux, mais il «cherche à comprendre comment ces substances fonctionnent et, d’autre part, à les mettre à la disposition, tant des chercheurs européens que des pays en développement qui en ont besoin», explique son directeur, Nicolas Collin. Surtout, collaborant avec des entreprises de la pharma et biotechnologie, ainsi qu’avec le milieu académique, ce laboratoire reconnu «centre d’ex-

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«Le vaccin existant est peu immunogénique et il nécessite trop de principe actif pour exercer son pouvoir. En lui ajoutant un adjuvant, on peut diminuer la dose de 20 fois; en d’autres termes, on peut vacciner 20 fois plus de personnes pour le même coût», assure Nicolas Collin.

cellence de l’OMS» travaille «en toute indépendance. Notre règle d’or est de dire à ceux qui nous approchent pour concevoir un nouveau vaccin: si vous n’avez pas besoin d’adjuvant, n’en mettez pas.» Financement américain Sans doute est-ce cette neutralité toute helvétique qui a séduit le ministère américain de la Santé. Ce dernier a décidé d’accorder un financement à l’équipe de l’UNIL afin qu’elle aide le gouvernement indonésien à fabriquer un adjuvant pour le vaccin contre la grippe aviaire H5N1.

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Chambre d'hôpital destinée aux personnes touchées par le H5N1. © Crack Palinggi - Reuters

Transfert de technologie L’Indonésie n’ayant pas accès à la technologie pour fabriquer l’adjuvant nécessaire, une émulsion de type huile dans l’eau, les chercheurs lausannois ont développé dans leur laboratoire une «production quasi industrielle», donc à échelle réduite. Ils ont ensuite transféré leurs compétences à une entreprise indonésienne. «Désormais, l’adjuvant lui appartient et elle devra en développer la production industrielle», précise le directeur. Pour cette société, la prochaine étape consistera à combiner cet adjuvant au vaccin qu’elle fabrique et à tester l’ensemble sur des animaux, avant d’entreprendre des essais cliniques. C’est dire que la mise au point du vaccin indonésien contre la grippe aviaire devrait encore prendre «quelques années». Ce long processus n’aurait pas pu être initié sans l’intervention de Nicolas Collin et de ses collègues qui, forts de cette expérience, ont déjà engagé un partenariat du même type avec le Vietnam.  EG


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Les activités humaines ont transformé la planète. Est-ce au point de justifier notre entrée dans une nouvelle ère, appelée «anthropocène» ? En août dernier, cette idée a été abordée lors 34e Congrès international de géologie de Brisbane. Les explications d’un participant à cet événement: Torsten Vennemann, professeur à l’Institut des sciences de la Terre de l’UNIL.

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n très peu de temps, notamment à l’échelle géologique, l’homme a bouleversé la surface de la Terre et modifié son climat. C’est probablement la première fois dans l’Histoire qu’une espèce atteint un tel degré de contrôle sur son environnement. Cela justifiet-il l’introduction d’une nouvelle période géologique qui porterait notre nom, l’anthropocène? Cette dernière succéderait à l’holocène, qui a débuté il y a 11 700 ans environ et qui dure encore à ce jour. En 2007, la parution d’un article scientifique rédigé par Will Steffen, le prix Nobel de chimie Paul J. Crutzen et John R. McNeill a fait entrer cette question dans le monde des chercheurs. La notion d’anthropocène pose d’abord la question de sa définition et de ses limites. Les géologues ont besoin d’une localité type, c’est-àdire un lieu, quelque part dans le monde, où les couches sédimentaires (nos «archives») montrent qu’un événement s’est produit, qu’une nouvelle période a commencé dans l’histoire de la Terre. Il peut s’agir d’un changement dans la composition chimique du sol. La paléontologie fournit également

des informations, grâce aux fossiles. A un moment donné dans le passé, certaines espèces disparaissent alors que d’autres apparaissent, ce qui marque un changement d’époque. Les foraminifères, de minuscules organismes unicellulaires répandus dans les milieux marins, sont très sensibles aux changements climatiques et donc souvent utilisés pour donner la limite des grandes extinctions. Ensuite, il faut prouver que le changement constaté localement dans les couches sédimentaires est en fait global, donc observable ailleurs dans le monde. Une localité type, et un phénomène global: voilà donc les deux points qui doivent être éclaircis avant que la Commission internationale de stratigraphie décide d’avaliser l’anthropocène officiellement. Un travail qui n’est pas simple, tant notre impact varie d’un endroit à l’autre du globe. En Australie, les Hommes ont provoqué la disparition d’espèces, il y a plus de 5000 ans. Mais pour un Danois, l’anthropocène pourrait débuter à la création du Jardin Botanique de Copenhague au XVIIe siècle, qui induit un changement dans les sédiments et l’appa-

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rition de nouveaux pollens. D’autres chercheurs penchent pour l’augmentation générale de la quantité de carbone 14, provoquée par les tests nucléaires du début des années 60. De son côté, Paul J. Crutzen privilégie le taux de CO2 dans l’atmosphère, qui a fortement augmenté depuis l’âge industriel. Mais comment cela se traduit-il dans les couches? En seulement un siècle, très peu de sédiments se sont accumulés, avec de grandes variations d’un endroit à l’autre. L’anthropocène se situe donc au carrefour du temps long des géologues et du temps court des chercheurs en sciences de l’environnement, ce qui permet un dialogue entre ces disciplines. L’adoption de cette notion serait une première: jamais aucune espèce n’a donné son nom à une période géologique. Notre entrée dans l’anthropocène montrerait également que les scientifiques se sont mis d’accord pour affirmer que l’Homme possède un impact majeur sur son environnement. Une idée aujourd’hui contestée, chez certains chercheurs et dans quelques milieux politiques.  Découvrez Géoblog: www.unil.ch/geoblog

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Cours public: 28 novembre 2012 Bâtiment Amphimax à 18h www.unil.ch/autrementdit

SOCIÉTÉ

La Faculté des géosciences et de l'environnement www.unil.ch/gse

LE PAYSAN DE DEMAIN

DEVIENDRA-T-IL UN

JARDINIER? Avant, la Suisse subventionnait ses agriculteurs pour qu’ils la nourrissent. Ce n’est plus le cas, et les agriculteurs toussent. Leur métier, disent-ils, c’est de donner à manger à la population, pas d’entretenir des petites fleurs et des coccinelles. Que vont-ils devenir? Des chercheurs de l’UNIL se sont penchés sur la question. TEXTE VIRGINIE JOBÉ

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haque année, la Suisse voit disparaître 1600 exploitations de son territoire. Faute de ne pas dégager de revenus suffisants, pour des problèmes de successions, ou aussi parce que la forêt mange du terrain. Si le plan Wahlen leur avait octroyé un rôle prépondérant au sein de la société durant la Deuxième Guerre mondiale, s’ils ont ensuite été subventionnés afin de produire toujours plus – avant de recevoir des aides de l’Etat pour cultiver moins –, les agriculteurs doivent aujourd’hui imaginer des stratégies de survie au jour le jour. Autant de changements dont on ne mesure pas forcément l’ampleur quand on fait son marché. C’est pourquoi Nelly Niwa, doctorante à l’UNIL et directrice du projet «Vaud 2030: quelle agriculture pour quel territoire?», a mis sur pied une exposition virtuelle sur Internet qui raconte l’évolution de la paysannerie dans le canton de Vaud (www.vaud2030.ch). 30

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1600 LE NOMBRE

D'EXPLOITATIONS AGRICOLES QUI DISPARAIS­SENT CHAQUE ANNÉE EN SUISSE

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Le tout accompagné de cinq films très didactiques, réalisés par la cinéaste indépendante Mélanie Pitteloud, où l’on découvre concrètement ces changements à travers les destins d’agriculteurs contemporains, bien décidés à garder leur exploitation. On part d’abord à la rencontre de Dominique Yersin, qui a labellisé la fabrication de son fromage à Châteaud’Œx. Grâce à la production d’Etivaz, il reçoit de «grosses subventions», mais doit en contrepartie participer à la sauvegarde du paysage en défrichant la montagne. Rien à voir avec l’usine agroalimentaire de Sylvain Agassis, qui emploie 160 personnes près d’Yverdon. Son grand-père était l’un des premiers à proposer des carottes sous emballage. Selon lui, s’il s’en sort, c’est parce qu’il est passé d’une entreprise familiale artisanale à une production industrielle. Martine et Bertrand Meldem, eux, préfèrent vendre leurs produits directement aux consommateurs à Apples et à Lausanne. Ils voient dans l’agriculture contractuelle,


BERTRAND MELDEM

Cet agriculteur d'Apples vend ses produits directement aux consommateurs. © Nicole Chuard

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SOCIÉTÉ

JEAN RUEGG Professeur de politiques territoriales et président du comité de pilotage du projet Vaud 2030. Nicole Chuard © UNIL

du type «Les jardins du Flon», un moyen de «rassembler des énergies pour construire des choses». Tandis que Georges Martin, éleveur de bovins, récupère fumier et purin pour en faire de l’électricité par le biogaz. Une tactique qui, selon lui, sera à l’avenir «peut-être plus payante que de faire du lait ou de l’engraissement». De son côté, Jean-Marc Bovay partage son temps entre ses vaches laitières et une classe d’accueil, dans sa commune, pour enfants en difficulté scolaire. Ce qui lui apporte un revenu supplémentaire sans devoir s’éloigner trop de ses bêtes. «Quand on évoque l’agriculture, on a l’image d’un gars sur son tracteur, alors que pour survivre il doit développer toutes sortes de stratégies», souligne Nelly Niwa.

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LA PART DU REVENU DES AGRICULTEURS QUI PROVIENT D'UNE ACTIVITÉ ANNEXE

L’agriculteur d’aujourd’hui est multifonctionnel «Ces portraits sont assez révélateurs de ce que devient la paysannerie en Suisse, remarque Jean Ruegg, professeur de politiques territoriales et président du comité de pilotage du projet Vaud 2030. C’est-à-dire un monde de plus en plus diversifié, avec des trajectoires de plus en plus spécialisées, de l’agriculteur devenu entrepreneur au petit paysan qui tire toutes les ficelles de la nouvelle politique agricole pour pouvoir maintenir son exploitation.» Dans les années 60, éleveurs et cultivateurs recevaient des subventions en rapport avec leur production, ce qui faisait d’eux des producteurs de denrées alimentaires. 32

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Mais dès le début des années 90, la Confédération a fait évoluer sa politique en cessant de soutenir la production pour d’autres services, liés à l’environnement par exemple. «A cette époque, la Suisse signe de nombreux accords de libre-échange, commente Nelly Niwa. Ce qui fait qu’elle ne peut plus, vis-à-vis des autres pays, aider sa propre production. La Confédération a donc trouvé une parade: l’agriculture sera soutenue grâce à des paiements directs pour des prestations qui ne sont pas liées à la production alimentaire. Tels que l’entretien du paysage ou la sauvegarde de l’environnement.» En d’autres termes, l’agriculteur reçoit dorénavant des primes pour des activités qui ne sont plus directement liées à son métier. «Il se fait récompenser pour ne plus cultiver comme on le lui avait appris, analyse Jean Ruegg. Auparavant, on lui demandait d’utiliser son outil de production de la manière la plus efficace possible. Tandis qu’à présent, il peut recevoir un soutien pour des tâches de maintien du paysage. Mentalement, c’est quand même un changement considérable.» Par ailleurs, le paysan contemporain semble obligé de s’accrocher à des revenus accessoires pour ne pas perdre son domaine. En effet, 20% du revenu des agriculteurs proviendraient actuellement d’une activité annexe, sur l’exploitation ou à l’extérieur. «Et ce pourcentage risque d’augmenter, signale Nelly Niwa. Souvent, les agriculteurs font une double formation pour pouvoir plus tard osciller entre deux métiers. Le salaire de l’épouse, ou de l’époux, est également très important pour la survie de l’exploitation.» As de la débrouille Comme le signale la doctorante de l’UNIL, les paysans ont dû devenir des as de la débrouille ces dernières années. «Celui qui n’était que dans la production auparavant commence à proposer un service de loisirs, des balades à cheval, des dîners à la ferme. Ce qui, peut-être, est en train de détruire l’agriculture. Dans le sens où si les paysans montrent trop qu’ils arrivent à joindre les deux bouts sans les aides de la Confédération, elle ne va plus rien leur donner du tout. Et la part consacrée à l’élevage et aux cultures diminuera.» Jean Ruegg ajoute que le paysan paraît très seul dans ses choix. Si la Confédération semble le pousser à offrir des activités diverses sur son exploitation, les organismes de coordination capables de gérer la nouveauté et les articulations avec d'autres domaines sont peu nombreux. «Lors d’une pré-étude réalisée dans le canton de Neuchâtel au début des années 2000, j’ai eu l’impression qu’on invitait les paysans à se tourner vers le tourisme à la ferme sans trop réfléchir à une éventuelle concurrence avec les structures hôtelières, sans véritable discussion ou coordination de l'offre avec les offices du tourisme, signale le professeur de politiques territoriales. Si l’agriculteur était bon, il rentrait dans ses fonds. Sinon, il ne faisait qu’augmenter sa dette.»


La Confédération devrait-elle donc se mouiller davantage pour ses agriculteurs à l’avenir? «J’espère que ce sera la population, enfin consciente de la gravité de la situation, qui demandera elle-même à l’Etat d’intervenir plus, déclare Jean Ruegg. Pour l’instant, la paysannerie suisse subit une crise, silencieuse, car personne n’en sait rien.» A cela s’ajoute le fait que les paysans sont loin d’avoir terminé leur révolution. Une recherche de l’UNIL, plus exactement de l’Institut de géographie et durabilité (anciennement IPTEH), a tenté de savoir quel futur il fallait envisager pour ces paysans suisses, qui se retrouvent baladés au rythme de la mondialisation. Elle s’est longuement penchée sur le sort des agriculteurs vaudois, qui peut être généralisé à toute la Suisse, comme l’explique Nelly Niwa, responsable de l’enquête: «Le canton de Vaud représente une agriculture traditionnelle, avec des réseaux de villes et une agriculture au centre. On y trouve des paysages de montagne, des bordures de lac, le littoral, la plaine. Il s’agit vraiment d’une Suisse miniature.» Le projet «Vaud 2030: Quelle agriculture pour quel territoire?» invite donc les internautes à réfléchir à l’avenir des paysans vaudois, voire helvétiques. Ce travail collectif de longue haleine a permis de donner naissance à quatre scénarios hypothétiques, qui vont de la généralisation optimiste du contrat bobo entre producteurs et consommateurs à celui, plus catastrophique pour la paysannerie suisse, d’une libéralisation totale du marché (lire en page 34). Cette recherche, qui fera prochainement l’objet d’un cours public (lire l’encadré ci-contre) a levé quelques lièvres. Et posé quelques questions ultrasensibles, comme celle-ci: faut-il, par exemple, responsabiliser les producteurs ou continuer à les entretenir? Sur le terrain, Nelly Niwa a relevé qu’un agriculteur n’aborde pas facilement la part des aides de l’Etat dans son revenu. Le sujet reste tabou. «Il existe des profils très divers d’agriculteurs, signale-t-elle, qui reçoivent plus ou moins de subventions. Selon moi, il faudrait plutôt utiliser le terme d’encouragement, à devenir plus écologique, à produire plus d’énergie, à fournir des produits sains. Les subventions doivent se faire en fonction des services fournis par l’agriculture. Je ne pense pas qu’il faille placer les agriculteurs dans la catégorie des fonctionnaires de l’Etat.»

UN COURS PUBLIC À SUIVRE Des rencontres publiques sur l’avenir de l’agriculture sont organisées en octobre dans le canton de Vaud. Jeudi 4 octobre à 19 h. Morges. Agrilogie Marcelin - Ecole d'agriculture et de viticulture, Avenue Marcelin 29. 021 557 92 50 Lundi 8 octobre à 18 h 30. Château d’Oex. Salle du Conseil communal, Grand-Rue 67. 026 924 22 00 Jeudi 11 octobre à 19 h. Moudon. Agrilogie Grange-Verney - Ecole et stations cantonales d'agriculture, Chemin de Grange-Verney 2. 021 557 98 98 Mardi 16 octobre à 18 h 30. Vallorbe. Auberge communale, Place du Pont 3. 021 843 12 52 Le mercredi 28 novembre, l’UNIL accueille un cours public portant sur la recherche menée par Nelly Niwa. Les résultats du vote des internautes sur l’avenir de l’agriculture seront présentés à cette occasion (bâtiment Amphimax, 18h) www.unil.ch/autrementdit

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NELLY NIWA Doctorante à l’UNIL et directrice du projet «Vaud 2030: quelle agriculture pour quel territoire?» Nicole Chuard © UNIL

Vers des cultures ultabiologiques Faudrait-il encore, c’est une autre piste, inciter les agriculteurs à foncer dans la direction des cultures ultrabiologiques? 95% des exploitations vaudoises possèdent en effet le logo IPSuisse, la fameuse petite coccinelle, qui indique que les producteurs fournissent des prestations écologiques. «On utilise moins de produits fertilisants phytosanitaires (pesticides, ndlr), donc moins de produits chimiques polluants, note Nelly Niwa. Les années 60 ont causé beaucoup de dégâts sur l’environnement, car c’est à cette époque qu’on a commencé à employer des produits dérivés du pétrole, ce qu’on appelait la révolution verte.» Dans les années 90, les autorités en ont pris conscience et des mesures ont été mises sur pied. C’est la fin du slogan critique «agriculteurs pollueurs», mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on estime qu’ils font tout juste. Au contraire, les agriculteurs restent dans le collimateur des associations de protection de l’environnement. Les raisons de la discorde: l’octroi de paiements directs pour des activités écologiques n’aurait pas fait augmenter la biodiversité, ou peu. «Ces associations aimeraient que l’on soumette les paysans à des résultats, explique Nelly Niwa. Mais les agriculteurs que j’ai rencontrés trouvent qu’ils en font déjà beaucoup pour l’environnement. Alors qu’avant les champs de blé étaient propres et carrés, y abandonner des bandes de terre pour laisser s’épanouir des coquelicots ne va pas N° 52

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SOCIÉTÉ

QUELLE AGRICULTURE De 1965 à aujourd’hui, l’agriculture a beaucoup évolué. Le nombre des exploitations a sensiblement diminué, alors que leur taille n’a cessé d’augmenter. Cette tendance va-t-elle s’affirmer? Que vont devenir les paysans en 2030? Choisissez parmi les quatre scénarios ci-dessous celui que vous désirez voir exister et votez sur www.vaud2030.ch. Et si aucune des propositions ne vous convient, vous êtes invité à présenter votre propre vision de l’avenir. Les résultats seront annoncés le 28 novembre 2012, lors du cours public de l’UNIL (lire également en p. 33).

1965: une agriculture bien soutenue Surface agricole utile

119’689 ha

Taille moyenne des exploitations

11’070 35’462 ha

480’914

10.8 ha Emplois agricoles

Nombre d’exploitations

Céréales

Population vaudoise

44’280

Bovins

Porcins

94’280

66’924

Les quatre scénarios pour 2030: 1 Libéralisons

2 Canton superstar

L'économie se stabilise. Les marchés sont grands ouverts à la concurrence. La Suisse, extrêmement attractive, compte plus de 9 millions d'habitants. Les soutiens fédéraux à l'agriculture ont fortement baissé. L'agriculture est sacrifiée au profit des autres secteurs économiques. Les surfaces agricoles sont transformées soit en réserves naturelles, soit en terrain pour les loisirs (golf ou parcs «Agriland»). Le consommateur Comparis joue la concurrence et ne paie plus cher que les produits labellisés ou de luxe. Les paysans, entrepreneurs, s’en sortent s’ils sont concurrentiels sur le marché mondial. Ils sont aussi devenus des jardiniers du paysage, pour empêcher que la forêt n'avance trop, surtout en zone touristique.

La situation économique est stable. La Suisse compte 8,7 millions d’habitants. On vit dans un contexte de crises sanitaires, de scandales alimentaires et de remise en question des OGM. L'échelle cantonale s'avère la meilleure pour mettre en place la politique agricole (aujourd'hui, c'est la Confédération). Les soutiens financiers sont importants, des labels sont mis en place. On assiste à une conversion au bio, à la diversification. Le consommateur «Doctissimo» est prêt à payer plus des produits locaux, pour sa santé et la qualité des produits. Les agriculteurs sont considérés comme des partenaires dynamiques. Tout en produisant de la nourriture, ils collaborent avec les parcs régionaux, les écoles, les urbains.

Population vaudoise

900’800

Surface agricole utile

Surface agricole utile

Taille moyenne des exploitations

75’247 ha

Taille moyenne des exploitations

40 ha

Nombre d’exploitations Céréales

12’910 ha

Porcins

18’235 34

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1881

Bovins

Emplois agricoles

5570

25’910 ha

Porcins

37’353

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874’400

3707

Bovins

Céréales

Population vaudoise

30 ha

Nombre d’exploitations

34’000

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111’202 ha

66’500

Emplois agricoles

10’376


VOULEZ-VOUS EN 2030 ? 1990: un climat de changements

2010: un présent instable, un avenir incertain Population vaudoise

104’043 ha

Taille moyenne des exploitations

Surface agricole utile

Taille moyenne des exploitations

16 ha

Nombre d’exploitations

6701

Bovins

31’771 ha

Porcins

19’934

Bovins

Céréales

Porcins

La crise est persistante. Les frontières deviennent plus hermétiques. La Suisse revient au protectionnisme, comme à l’époque du plan Wahlen en 1940. La population atteint 7,8 millions. On subit une crise énergétique: la Confédération demande aux agriculteurs de produire plus (pour monter l'auto-approvisionnement à 80%, contre 57% aujourd'hui), et aussi de l'énergie (biogaz, éoliennes, solaire). Elle soutient beaucoup le secteur agricole. On défriche les forêts, on cultive en ville. Le consommateur «Minergie» achète en fonction de l’empreinte énergétique, donc plus local. Il mange plus de tofu et moins de viande. Les agriculteurs sont au centre de la société, en produisant de la nourriture et de l’énergie de manière efficace.

Population vaudoise

Surface agricole utile

874’400

Surface agricole utile

103’474 ha

35 ha Nombre d’exploitations 2956 Bovins

29’412

58’665

111’202 ha

Taille moyenne des exploitations

Taille moyenne des exploitations

Porcins

13’389

4 Watt-len

L'économie reste instable. On poursuit une ouverture progressive aux produits étrangers. La population croît à 8,7 millions. Les aides de la Confédération sont en baisse, comme les revenus, ainsi que le nombre d'exploitations. La stratégie «qualité du secteur agroalimentaire» de la Confédération est mise en place, avec des labels reconnus (AOC, etc.) pour certains produits suisses. La forêt avance en montagne, les terrains agricoles proches des villes ont été changés en logements. Le consommateur «zappeur» paie plus cher les produits suisses labellisés - dont la viande, mais pour le reste, il achète étranger. Les agriculteurs, débrouillards, ont une autre activité (tourisme, transformation de produits) à temps partiel.

22’524 ha

Emplois agricoles

68’326

36’359

3 Si rien ne bouge

Céréales

697’802

26 ha

4259 25’910 ha

79’701

42’447

Population vaudoise

Nombre d’exploitations Emplois agricoles

Céréales

111’202 ha

8831

Céréales

29’010 ha

Porcins

36’359

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822’700

26 ha

Nombre d’exploitations Emplois agricoles

Population vaudoise

4277

Bovins

Emplois agricoles

16’000

49’000

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Infographie: Pascal Coderay

Surface agricole utile

574’661


SOCIÉTÉ

PRODUCTION

La famille Meldem apparaît dans le film de Mélanie Pitteloud, «Agriculteurs malgré tout». Pour s'en sortir, ces paysans ont misé sur la vente directe. © Nicole Chuard

de soi pour eux. Leur métier, disent-ils, c’est de donner à manger à la population, pas d’entretenir des petites fleurs et des coccinelles.» Autre question qui aura son importance dans les années à venir: peut-on allier les cultures biologiques avec des perspectives de bénéfices? Oui, estime la doctorante de l’UNIL. Il s’agit clairement d’un enjeu d’avenir: allier écologie et rendement agricole, avec des énergies renouvelables, produites par les agriculteurs eux-mêmes. Avec un passage obligatoire au bio? «Il sera nécessaire de trouver un compromis, car il n’y a pas que du mauvais dans les solutions chimiques, juge-t-elle. Une étude mondiale de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) a fait sensation en proclamant qu’on arriverait à tous nous nourrir grâce à l’agriculture biologique. Certes, mais si ce genre de production n’utilise pas de produits chimiques, il faut savoir par exemple que pour désherber, on brûle les jeunes pousses au lance-flammes, avec d’énormes machines qui consomment beaucoup d’énergie.» L’étude apporte aussi quelques bonnes nouvelles aux agriculteurs. Nelly Niwa souligne ainsi que, contrairement à ce que l’on imagine, il reste des marchés à conquérir pour les agriculteurs suisses. Par exemple, la production de céréales bios, car, étonnamment, ce marché n’existe pas en Suisse: «Ce qui fait que quand je vais acheter mon müesli bio typiquement suisse à la Coop, je constate qu’il est plein de produits qui viennent du bout du monde.» D’ailleurs, les relations qu’entretiennent grands distributeurs et agriculteurs restent mystérieuses. Ni les producteurs ni les grandes surfaces ne tiennent à s’appesantir sur le sujet. «C’est un peu la mafia, rigole Nelly Niwa. Ce qui est sûr, c’est que les supermarchés ont un rôle énorme pour l’agriculture. 95% de la production suisse finissent dans leurs magasins.» 36

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Comme le remarque le professeur Ruegg, ce qui compte aux yeux du consommateur demeure le prix, qui doit continuer à être bas. «En Suisse, on justifie une bonne partie des aides de l’Etat parce qu’on veut des productions respectueuses de l’environnement, mais cela ne veut pas dire pour autant que chacun est prêt à payer le juste prix. A ma connaissance, la quantité d’argent dépensé par les ménages helvétiques de l’autre côté de la frontière, en France, ne diminue en tout cas pas.»

42 %

LA SURFACE DU TERRITOIRE VAUDOIS UTILISÉE PAR L'AGRICULTURE

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Libre-échange avec la Chine Autre enjeu du futur: nos relations bilatérales avec la Chine. Car si la Confédération propose d’un côté une nouvelle politique agricole pour 2014-17 (PA 14-17) – dont les buts, selon le site de l'Office fédéral de l’agriculture (OFAG), sont «de promouvoir davantage l'innovation dans l'agriculture et la filière alimentaire, d’accroître encore la compétitivité et de soutenir d'une manière plus ciblée les prestations d'intérêt public» – elle négocie en même temps des accords de libre-échange avec l’Empire du Milieu. Ce qui provoque une certaine inquiétude chez les agriculteurs. Beat Röösli, chef de la division Relations internationales à l’USP, regrette de ne pas avoir d’informations concrètes sur le contenu des accords. «Nous ne pouvons réfléchir qu’en fonction des sensibilités de chacune des branches. Ces accords peuvent être une chance dans le secteur laitier, surtout pour des produits comme les yoghourts et le fromage, qui se vendent déjà très bien à Hong Kong ou Shanghai. Mais les paysans n’en profiteront que si les entreprises de transformation utilisent le lait suisse et partagent les profits avec les producteurs sur un prix élevé.» En revanche, Beat Röösli souligne que les importations de viande ainsi que de fruits et légumes préparés ou congelés pourraient devenir problématiques. «La grande question


MARCHÉ À LA FERME

Les consommateurs peuvent acquérir les produits de saison cultivés par les Meldem à Apples et à Lausanne. © Nicole Chuard

selon moi est: voulons-nous sacrifier nos principes éthiques élevés (écologiques, sociaux, sur la protection des animaux) uniquement pour que les grandes entreprises industrielles et de services fassent du profit?» A ce jour, environ 45% des denrées alimentaires consommées sur notre territoire sont importées, qu’en sera-t-il après des accords avec la Chine? Va-t-on vers la disparition pure et simple de l’agriculture helvétique? «En 2030, cela semble peu plausible, car il restera forcément au moins quelques résistants, affirme Nelly Niwa. Mais si on se projette sur le long terme, la Suisse, très attractive, pourrait plutôt miser sur les entreprises de pointe avec des personnes à fort niveau économique et social. On laisserait alors tomber les agriculteurs.» Concurrence urbaine Autre paramètre qui va jouer un rôle à l’avenir: l’évolution du rapport ville-campagne. En effet, la doctorante ne peut imaginer que le monde agricole suisse disparaisse, car depuis la crise économique de 2008, elle constate un boom de l’agriculture urbaine: «Après les problèmes financiers, sanitaires, avec l’augmentation des cancers, le nombre de reportages sur les animaux dans les abattoirs, on se raccroche à la terre. On s’est connecté à la modernité, maintenant, on veut un retour aux racines. Et la population se met à cultiver des jardinets.» Encore une nouvelle concurrence qui effraie les cultivateurs diplômés qui ne comprennent pas qu’on installe l’agriculture dans les villes, alors que ces dernières avancent et mangent leurs terrains. «La Loi sur l’aménagement du territoire de 1979 faisait de l’agriculture un outil clair, une vraie barrière à l’extension de l’urbanisation, assure Jean Ruegg. On a affaibli cette fonction en 2000, lors de la révision de cette loi.» Aujourd’hui, les terrains agricoles ne voient plus seulement les producteurs, mais aussi les touristes et les pro-

UN PROJET INNOVANT Vaud 2030: quelle agriculture pour quel territoire?, est l’un des 6 projets retenus dans le cadre du programme «Vivre ensemble dans l’incertain» (VEI). Ce dernier est consacré aux défis qui attendent la société vaudoise dans le futur proche. Soutenue financièrement par la Fondation du 450e anniversaire de l'UNIL et chapeautée dans ses aspects scientifiques par le Conseil Anthropos de l’UNIL, la démarche de VEI est inhabituelle et novatrice. Il s’agit «d’impliquer la société civile dans des travaux académiques qui traitent de questions émergeant du terrain», explique Philippe Moreillon, vicerecteur en charge de la recherche. Ainsi, un dialogue s’établit entre les sciences humaines et les préoccupations des citoyens. Le mitage du territoire et la densification en font partie aujourd’hui, ce qui rend le projet de Nelly Niwa d’autant plus intéressant. www.unil.ch/vei

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meneurs. Un doux mélange qui provoque de nombreuses querelles de voisinage. «Les déjections de chiens dans les champs sont une plaie pour les éleveurs, raconte Nelly Niwa. Car les vaches qui les ingèrent tombent malades. En outre, les dégâts dans les cultures sont en augmentation.» Les urbains venus s’installer au vert pour le calme et les paysages acceptent mal les odeurs de fumier et les tracteurs qui roulent le week-end. «Ce n’est pas compatible avec l’image qu’ils se font de la campagne, ajoute la doctorante. Ils veulent voir de jolies vaches, avec de jolies cornes, mais pas de taureaux parce qu’ils sont dangereux. Sans oublier des gros problèmes de circulation. L’apparition de dos d’âne pour protéger les enfants sur les routes rurales rend le passage des tracteurs très difficile, ce qui ralentit le trafic.» Pour le moment, l’agriculture occupe encore 42% du territoire vaudois. On essaie de faire revenir la population en ville afin d’éviter un mitage, une explosion de villas à la campagne. Mais pour combien de temps? «Si les agriculteurs n’occupent plus ce terrain, la forêt reprendra sa place, car elle pousse extrêmement rapidement et est bien protégée en Suisse, remarque Nelly Niwa. L’urbanisation ira aussi plus vite.» Jean Ruegg se souvient que dans les scénarios les plus fous imaginés, on a pensé aux fermes verticales. «Il s’agirait de structures empilées les unes sur les autres. Par gravité, l’eau et les déchets organiques des étages supérieurs serviraient à fertiliser les étages inférieurs. Cela formerait un circuit fermé de cultures totalement hors-sol, indépendantes de la terre. Ce qui au niveau paysage donnerait naissance à de magnifiques “gratteciel” de fermes agricoles entourés, sur les terres ainsi non cultivées, de terrains de golf ou de territoires urbanisés.» Et vous, de quelle agriculture rêvez-vous? A vous de vous exprimer sur www.vaud2030.ch.  N° 52

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L'Institut des sciences du sport www.unil.ch/issul

SPORT

POURQUOI SE FAIT-ON TANT DE BIEN

EN SE FAISANT TANT DE

MAL? Les grandes courses populaires, comme le prochain Marathon de Lausanne, font de plus en plus d’adeptes. Voici les raisons, chimiques, biologiques et psychologiques, qui expliquent pourquoi les pros, comme les amateurs, s’infligent de tels efforts. Et les apprécient. TEXTE GENEVIÈVE COMBY

I

ls sont de plus en plus nombreux, les joggeurs du dimanche, à courir le lundi, le mercredi et même le vendredi. Les listes d’inscriptions aux courses populaires s’allongent d’année en année. Même les marathons, durant lesquels il faut avaler plus de 42 kilomètres, connaissent un succès phénoménal. C’est le cas de celui de Lausanne, qui aura lieu le 28 octobre. La première édition, en 1993, avait attiré 1472 coureurs toutes distances confondues (quart, demi et marathon). L’an dernier, ils étaient 11 820 inscrits au départ de la plus longue distance. La course devient-elle vraiment une drogue?

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EFFORT

Sigur Karlsson - iStockphoto.com

LORS D'UNE COURSE, LE CERVEAU PRODUIT DES ENDORPHINES, AUX PROPRIÉTÉS ANTIDOULEUR

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SPORT

plus journalistique que scientifique.» Alors que se passe-til exactement dans la tête et les cuisses d’un coureur? Des endorphines sont libérées par le cerveau, mais progressivement, «après plusieurs dizaines de minutes d’exercice à une certaine intensité», précise Grégoire Millet. Selon certaines expériences, il faudrait au moins 30 minutes d’effort à 60% de sa fréquence cardiaque.

Après quoi courent-ils? Qu’est-ce qui les pousse à avaler les kilomètres, à surmonter la fatigue et la douleur? La course à pied est-elle une drogue, comme on le dit souvent? Procure-t-elle des sensations de bien-être, voire d’euphorie comme le rapportent certains adeptes? Suscite-t-elle un manque chez ceux qui y ont goûté? Une chose est sûre, c’est qu’un petit tourbillon chimique se déclenche lorsqu’on enchaîne les foulées. Le cerveau produit alors de la dopamine (une hormone qui stimule la zone de la récompense), de la sérotonine (qui contribue à la sensation de bien-être), mais surtout des endorphines, aux propriétés antidouleur et antistress. Cousines de la morphine, celles-ci sont souvent pointées du doigt pour expliquer une forme de dépendance qu’induirait la course à pied. «Les endorphines ont un effet anesthésiant, mais on ne peut pas pour autant leur attribuer un pouvoir addictif identique à celui de la morphine, tranche Grégoire Millet, professeur à l’Institut des sciences du sport (ISSUL) et au département de physiologie de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. En ce qui concerne le phénomène de bigorexie, soit une addiction au sport, les données scientifiques ne sont pas solides. C’est, à mon avis, un concept 40

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GRÉGOIRE MILLET Professeur à l'Institut des sciences du sport et au département de physiologie de la Faculté de biologie et de médecine. Nicole Chuard © UNIL

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Même quand c’est fini, ça continue! La course à pied fait indéniablement partie, avec d’autres sports d’endurance – comme le vélo ou le ski de fond – des activités qui stimulent le plus la sécrétion d’endorphine. C’est vrai pendant l’effort, mais aussi après. Environ 30 à 45 minutes après avoir posé ses baskets, le niveau d’endorphines atteindrait encore cinq fois les valeurs au repos. Si l’éventualité de devenir physiquement accro à la course à pied est largement sujette à controverse, les cas de dépendance psychologique sont avérés. «C’est ce que l’on appelle l’addiction au mouvement, explique Denis Hauw, professeur de psychologie du sport à l’Institut des sciences du sport (ISSUL) de l’UNIL. Cela correspond à un besoin irrépressible de pratiquer une activité physique régulière et d’une certaine intensité.» Typiquement, la course d’endurance, qu’on ne peut pas pratiquer de manière épisodique, peut générer une dépendance psychologique. «Les gens disent qu’ils ne sont pas dépendants, mais organisent une grande partie de leur vie autour de leur activité et des conditions pour pouvoir la pratiquer, poursuit le psychologue. Ils ne se rendent compte de leur situation qu’au moment où ils doivent s’arrêter, pour cause de blessure par exemple. Ils se retrouvent alors dans une réelle détresse psychologique.» Cette forme de dépendance est loin de ne toucher que les sportifs de haut niveau, reconnaît Denis Hauw: «Parmi les adeptes de la course à pied, il y en a plus que l’on croit.» Pour autant, tous les joggeurs ne sont pas esclaves de leur foulée. S’ils sont assidus, c’est pour d’autres raisons. «Au-delà des effets immédiats, de la production d’endorphines notamment, la course à pied, comme d’autres sports, produit des effets indirects. On observe une amélioration de l’estime de soi, de son corps, relève Grégoire Millet. Si vous vous trouvez à votre poids de forme, vous aurez tendance à vous sentir mieux dans votre peau.» Courir, c’est bon contre l’anxiété Efficace pour éliminer ses bourrelets, la course fait en effet partie des activités physiques induisant la plus grande dépense énergétique (environ 600-700 calories pour 1 heure à un rythme modéré). Et puis, rappelle Grégoire Millet, «celui qui court trois à quatre fois par semaine, à une certaine intensité, mais aussi en se faisant plaisir aura tendance à être globalement moins anxieux que le sédentaire absolu. Les données épidémiologiques le montrent». En même temps, le joggeur régulier renforce sa capacité


MARATHON DE LAUSANNE

Après quoi courent les participants à cette course populaire? Ici, l'édition 2011 de passage dans Lavaux. © Jean-Bernard Sieber - ARC

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SPORT

lorsqu’ils sont tellement engagés que la douleur n’existe plus. Comme des petits enfants, tellement pris par leur jeu que le monde pourrait s’écrouler autour d’eux, ils ne s’en rendraient pas compte, affirme Denis Hauw. Vu de l’extérieur, vous avez l’impression que ces coureurs se trouvent à des seuils de douleurs intolérables, mais quand vous leur posez la question, ils ne vous disent pas avoir ressenti les choses de cette manière.» Les pros, par ailleurs, apprennent carrément à détourner leur attention de la douleur. Une des techniques utilisées consiste à se focaliser sur des choses positives, un peu comme on pratiquerait de l’auto-relaxation ou de l’auto-hypnose. Les amateurs, eux, retrouvent parfois un second souffle grâce à de la musique ou en prenant un autre coureur comme point de repère. «Ça peut en effet être bénéfique pour autant que ça ne vous mette pas en surrégime», met en garde Grégoire Millet. Car la clé pour durer, c’est de bien gérer son allure.

cardiaque et s’assure une meilleure protection contre les accidents cardiovasculaires. Mais si la course à pied séduit autant, c’est peut-être avant tout grâce à sa simplicité. Il suffit d’une paire de baskets pour se lancer. «Aller nager ou faire une sortie cycliste prend forcément plus de temps», confirme Grégoire Millet. Pour Denis Hauw, derrière l’engouement pour l’endurance, il y a aussi une quête de sensations. «En courant, on sent son corps fonctionner et c’est un plaisir», explique-til. Parallèlement, le coureur rationalise volontiers ce qu’il fait. «Il veut connaître sa façon de courir, sa vitesse, les effets physiologiques et biomécaniques de la course, poursuit le psychologue. Il sait ce qu’il faut faire pour être performant à son niveau. Bref, à côté de la dimension émotionnelle liée aux sensations, il y a un sentiment de pouvoir contrôler son corps. Une forme de maîtrise de soi qui est valorisée par la société actuelle.»

DENIS HAUW Professeur de psy­ chologie du sport à l'Institut des sciences du sport. Nicole Chuard © UNIL

Comment les coureurs échappent à la douleur Si le joggeur s’entête à tester l’endurance de son organisme, à défier la fatigue, voire la douleur, il n’est pas maso pour autant. «On parle, pour les sportifs, d’état de “flow”, 42

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Les stratégies pour continuer malgré la fatigue A entendre Denis Hauw, il y a globalement deux stratégies pour faire face à la fatigue et la douleur en courant. La première est rationnelle: «On se dit, par exemple, qu’il faut travailler à des intensités plus fortes, qu’il va falloir souffrir à certains moments et que ça va payer.» La seconde stratégie est émotionnelle: «Les gens racontent qu’ils pensent à autre chose, qu’en courant leur esprit s’échappe. Il se produit un effet cathartique qui les libère de la pression du quotidien. C’est comme s’ils oubliaient tout. Mieux, ils arrivent, dans ces moments-là, à trouver des solutions à certains de leurs problèmes! Ça a été démontré. On a tendance à séparer le cerveau, que l’on dit fait pour la réflexion, et le corps, fait pour l’action. Or, ici, on voit bien qu’il n’y a pas de séparation. L’action permet de mieux penser.» La course à pied apparaît donc séduisante sous bien des aspects. N’empêche, si beaucoup s’y mettent, ils sont aussi très nombreux à jeter l’éponge… «Parce qu’ils se font des représentations incorrectes, voient ce sport comme étant forcément intense, pénible», explique Grégoire Millet. Ces nouveaux venus forcent, se dégoûtent et parfois se blessent. «Au fond, la course à pied n’est peut-être pas l’activité qui leur convient le mieux, ajoute le spécialiste de l’UNIL. C’est une pratique très intense, très sollicitante, déjà parce qu’il est biomécaniquement difficile de courir à des vitesses très faibles. Elle n’est d’ailleurs pas recommandée pour une partie de la population, notamment pour les gens qui sont en surpoids ou qui souffrent de maladies métaboliques, même à des stades très légers. Ils risquent d’avoir mal aux pieds, aux genoux, de se blesser.» D’ailleurs, même si vous êtes en parfaite santé, mais que vous avez décidé de vous remettre en forme grâce au jogging, il est conseillé de commencer tranquillement, en alternant course et marche. Avant d’augmenter l’allure et de faire vraiment durer le plaisir. 


UN ENTRAÎNEMENT PERSONNALISÉ POUR AMÉLIORER SES RÉSULTATS

Chez les coureurs, la durée des périodes d’effort intense et des moments de récupération dépend de chaque individu. Apprendre à connaître ce rythme permet à la fois d’optimiser ses performances et de prévenir les risques cardiaques, particulièrement pour les sportifs du dimanche.

L

«LES COUREURS D'ÉLITE ONT UN GROS MOTEUR ET UNE CINÉTIQUE RAPIDE» GRÉGOIRE MILLET

atteindre sa vitesse maximale qui, elle, correspondrait à la cinétique de VO2, soit la rapidité à laquelle vous allez mobiliser votre capacité maximale d’oxygène. Avec l’âge et en l’absence d’entraînement, ces deux paramètres diminuent. «On pourrait dire que les coureurs d’élite, eux, ont un gros moteur et une cinétique rapide, résume le spécialiste. Si vous avez une cinétique rapide, vous pouvez utiliser des fractions d’effort courtes. Mais si vous avez une cinétique lente, il vaut mieux choisir des fractions d’effort plus longues, 3 minutes pour 1 minute de récupération, par exemple. Sans quoi, vous n’arriverez pas à mobiliser des niveaux suf-

fisamment élevés de consommation d’oxygène.» En d’autres termes, chacun peut ajuster la durée de ses fractions d’effort, mais aussi leur intensité et le temps de récupération. «Il est intéressant d’aller voir un cardiologue, de réaliser une épreuve d’effort sur tapis de course et mesurer ses paramètres, que ce soit pour prescrire un entraînement personnalisé, mais aussi pour prévenir les risques cardiaques», souligne Grégoire Millet. Car parmi les gens qui courent, nombreux sont ceux qui ont arrêté le sport à 30 ans, et reprennent vers 40 ans, parce qu’ils ont le sentiment de s’être un peu laissés aller...  GC

Gaspr13 - iStockphoto.com

es adeptes du jogging connaissent bien le 30’/30’. Trente secondes d’effort à forte intensité, suivies de 30 secondes d’effort à faible intensité. On appelle ça la course fractionnée. Un entraînement qui permet d’améliorer ses performances. Mais pour booster ses résultats, le must consiste aujourd’hui à personnaliser ce genre d’exercices. Pour comprendre, comparons le coureur à une voiture. «Certains ont un moteur plus ou moins puissant, ce qui correspond à une plus ou moins forte consommation maximale d’oxygène (VO2max), soit le volume d’oxygène consommé par vos muscles», précise Grégoire Millet. A côté de ça, il y a le temps qu’une voiture met pour

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ANGELA MERKEL

La chancelière allemande fait preuve de fermeté face aux pays européens en crise. © Markus Schreiber - Keystone

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La Faculté des hautes études commerciales www.unil.ch/hec

ÉCONOMIE

CRISE ACTUELLE CE QUE LES CRISES DU PASSÉ NOUS DISENT DE LA

Connaître les précédentes crises financières, la façon dont elles ont évolué, leurs conséquences comme les effets produits par les décisions politiques prises sur le moment permet notamment de ne pas répéter les erreurs du passé, expliquent deux spécialistes de l’UNIL. TEXTE SONIA ARNAL

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ÉCONOMIE

PHILIPPE BACCHETTA Professeur au Département d'économétrie et d'éco­nomie politique de la Faculté des hautes études commerciales de l'UNIL. Nicole Chuard © UNIL

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ersonne ou presque n’avait vu venir la crise des subprimes, qui a pourtant chamboulé en profondeur et durablement le secteur financier. Cette catastrophe a ensuite entraîné la crise de la dette dans toute la zone euro, qui ne cesse de faire parler d’elle. Pour en sortir, les avis divergent. Faut-il miser sur la croissance ou sur l’austérité? Faut-il maintenir la Grèce à tout prix dans la zone euro, ou lui faire renouer avec la drachme? Faut-il lancer des Eurobonds – ou pas? La Banque Centrale Européenne (BCE) devrait-elle baisser les taux d’intérêt, voire jouer le rôle de prêteur pour les pays en difficulté – ou alors se cantonner à un rôle plus mesuré? Faudrait-il taxer davantage les riches et les entreprises pour décharger les classes moyennes, relancer des dépenses publiques et soutenir la demande – ou faut-il y renoncer parce que cela ferait fuir les capitaux dans des pays plus complaisants?

«PRÉVOIR LES CRISES ET SURTOUT LE MOMENT DE LEUR ÉCLATEMENT RESTE POUR L'INSTANT TRÈS ALÉATOIRE» PHILIPPE BACCHETA

Deux millions pour étudier les crises A lire les multiples propositions qui se bousculent, souvent contradictoires ou inapplicables dans le même temps, on s’interroge: mais que font les économistes? Ils étudient notamment les crises qui ont marqué l’Histoire pour éviter de répéter les erreurs les plus lourdes de conséquences, pour limiter les dépressions ou en sortir rapidement. 46

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Philippe Bacchetta, professeur au Département d’économétrie et d’économie politique de la Faculté des hautes études commerciales de l’Université de Lausanne (UNIL), fait partie de ceux qui s’attellent à cette tâche. Il a d’ailleurs reçu 2 millions d’euros de l’Union européenne, plus exactement du Conseil européen de la recherche, pour se pencher sur les crises financières passées et analyser leurs effets sur d’autres paramètres très sensibles tels que la consommation, la production ou l’emploi. Baptisée LIQRISK, cette recherche se propose notamment de creuser le lien entre le risque, ou les périodes de haute volatilité, et l’assèchement des liquidités, lequel peut, comme on l’a vu, provoquer des crises financières sévères. Dans la théorie économique classique, les valeurs peuvent fluctuer brutalement pour des raisons psychologiques: soudain, les agents économiques perdent confiance et suréagissent massivement, créant une sorte de prophétie auto-accomplie. Le modèle que se propose de vérifier le professeur Philippe Bacchetta repose lui sur l’hypothèse d’une alternance de périodes de haute et de basse volatilité. Cela, comme d’autres recherches, permettra-t-il d’éviter une prochaine crise? «Non, certainement pas, répond Philippe Bacchetta. Prévoir les crises et surtout le moment de leur éclatement reste pour l’instant très aléatoire.» Les prophéties de «Monsieur Catastrophe» Presque personne en effet n’a vu venir la crise qui a éclaté en 2007-2008, à quelques exceptions notables, comme celle de Nouriel Roubini par exemple. Cet économiste né à Istanbul dans une famille de juifs iraniens a mené toute sa carrière aux Etats-Unis – il enseigne à New York. Surnommé «Monsieur Catastrophe» par ses collègues, il a décrit longtemps avant qu’il n’arrive le désastre des prêts hypothécaires pourris et de ses conséquences tragiques pour l’industrie de la finance, puis pour toute l’économie. Certes, à force d’annoncer le pire, comme c’est souvent son cas, il finit forcément par avoir un jour raison. Mais au sortir de la crise financière, il a insisté sur le fait que le monde allait connaître une rechute, et que nous étions dans une situation en W, soit que nous allions vivre un semblant de reprise avant de replonger – c’est ce que nous vivons en Europe avec la crise de la dette. Et les économistes ne semblaient de loin pas tous d’accord avec lui, puisque le débat voyait se mêler les hypothèses en V, L, U…


A quoi ça sert d’étudier les crises d’hier? Alors, étudier les catastrophes d’hier, si, au final, les spécialistes ne sont pas d’accord entre eux, est-ce bien sensé? Autrement dit, peut-on vraiment apprendre quelque chose d’utile pour le futur de certains désastres passés? «Oui, définitivement, répond Philippe Bacchetta. C’est d’ailleurs amusant que vous mentionniez Nouriel Roubini, parce que nous avons fait notre thèse sous la direction du même professeur. C’est quelqu’un qui a donc étudié les crises passées, et sur le W, il avait parfaitement raison. C’est d’ailleurs une vision qui faisait consensus parmi les spécialistes: nous étions tous d’accord pour dire que ce n’était pas fini, que la seconde secousse serait forte, et durerait longtemps – jusqu’en 2013 je pense.» Connaître les crises financières, notamment celles du XXe siècle, et la façon dont elles ont évolué comme les conséquences qu’elles ont eues, ainsi que les effets produits par les décisions prises sur le moment «a notamment permis à la Banque centrale américaine, la Fed, de réagir de manière rapide et adéquate en 2008, continue Philippe Bacchetta. Les tragiques erreurs qui avaient été commises en 1929 ont été évitées et grâce à ce savoir, les aspects purement financiers ont été très vite résolus. Nous n’avons pas eu à revivre une Grande Dépression, le chômage massif qui en a résulté, et bien d’autres éléments désastreux.» Son collègue à la Faculté des hautes études commerciales, Michael Rockinger, professeur au Département de finance, abonde dans ce sens: «Le problème a été vite cerné, et tous les économistes étaient d’accord sur les mesures à prendre. La connaissance tirée du passé a été déterminante pour prendre les bonnes décisions, par exemple retirer les actifs toxiques du bilan des banques et les traiter en entités séparées.» Tout le monde s’est dit «ok c’est fini» Restent par contre les suites de la crise purement financière, dont nous vivons aujourd’hui les développements en Europe. «On savait depuis 2008 qu’un travail important d’assainissement, notamment du secteur bancaire, était nécessaire en Europe, mais il n’a jamais été fait», déplore Philippe Bacchetta. Un certain nombre d’autres répercussions étaient attendues par les spécialistes, parce qu’elles surviennent systématiquement dans ce type de contexte. On a déjà mentionné une baisse durable, longue de plusieurs années, de la croissance dans tous les pays touchés, on peut y ajouter en toute logique une baisse des revenus pour ces mêmes Etats, une baisse elle aussi durable des prix de l’immobilier (on a vu la bulle exploser en Espagne), et une augmentation massive de la dette publique – de l’ordre de 90% dans les trois ans qui suivent. Des effets inévitables auxquels il aurait également été possible de trouver, comme pour la crise financière, des solutions adéquates. «Mais comme la crise financière a été

MICHAEL ROCKINGER Professeur au Département de finance Nicole Chuard © UNIL

«[EN 2008,] LA CONNAISSANCE TIRÉE DU PASSÉ A ÉTÉ DÉTERMINANTE POUR PRENDRE LES BONNES DÉCISIONS» MICHAEL ROCKINGER

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résolue de façon très rapide et suivie d’un semblant de reprise, tout le monde s’est dit “ok c’est fini”, et on n’a plus voulu écouter les économistes qui mentionnaient ces ennuis à venir», souligne Philippe Bacchetta. La lenteur des réactions européennes Miser sur une reprise rapide, comme l’ont fait certains gouvernements, était donc clairement une erreur, de même que de compter sur des rentrées fiscales importantes et continues pour financer des plans de relance. «Toute la problématique de la dette publique était parfaitement prévisible, mais elle n’a pas été anticipée correctement», note Philippe Bacchetta, qui déplore en outre «la lenteur des réactions européennes. En 2009 déjà, il était évident qu’il faudrait restructurer la dette grecque, dont le PIB est dérisoire à l’échelle de l’Union européenne – d’un point de vue purement économique, ce n’était donc pas très compliqué à résoudre, et cela fait partie des processus que nous savons parfaitement mener.» Si les choses traînent, c’est en partie pour des raisons idéologiques: «Il y avait consensus quant à la manière adéquate de réagir à la crise des subprimes, rappelle Michael Rockinger, mais pas sur la zone euro. Dans quelle mesure laisser les Etats et les établissements en difficulté se N° 52

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ÉCONOMIE

débrouiller seuls? La réponse dépend du courant dans lequel vous vous inscrivez – les néolibéraux n’ont évidemment pas la même que des économistes à la fibre plus sociale.» Reste que dans le cas de la crise européenne toujours, bien des gouvernements n’ont pas suivi les recommandations des spécialistes, même quand ils étaient unanimes, ou après bien trop de tergiversations. «Ce qui montre bien que parfois, les scientifiques ont une réponse qui fait consensus dans la communauté – mais les décisions relèvent de la sphère politique, et ne sont pas forcément prises ou appliquées, nuance Philippe Bacchetta. Ce qui explique la perception qu’a parfois l’opinion publique de l’économie comme une science qui ne débouche pas sur des solutions, mais seulement sur des options.» Les plans d’austérité ou la politique fiscale sont typiquement des domaines dans lesquels les politiciens pensent plus à la réaction de leur électorat qu’à la science des économistes. Entre méconnaissance du domaine et agenda politique, notamment lorsque des élections sont prévues, les gouvernements ont contribué à aggraver la situation: «Sur l’essentiel des décisions à prendre et des erreurs à ne pas commettre, une analyse des crises passées et de la situation de chaque pays donnait les outils pour faire beaucoup mieux», insiste Philippe Bacchetta.

MADRID

Graffiti hostile à l’Etat, dans une rue de la capitale. Le secteur bancaire espagnol est noyé par les créances issues de l’explosion de la bulle immobilière, ce qui nécessite des aides étatiques urgentes. © Susana Vera - Reuters

L’exemple des Etats-Unis de 1783 Pour comprendre ce que vit l’Europe et mettre en évidence les enjeux, Michael Rockinger ne se cantonne pas uniquement à l’actualité, mais se plaît lui aussi à plonger dans l’Histoire. Il utilise notamment l’exemple des Etats-Unis d’avant l’unification, soit d’avant 1783, époque où chaque Etat était politiquement indépendant et où certains étaient, comme nombre d’Etats européens aujourd’hui, très fortement endettés. «La solution est passée par un gouvernement joint qui a pu émettre des obligations – la contrepartie a été 48

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la création d’un système fédéral, raconte le professeur de l’UNIL. Cette situation historique est intéressante dans la perspective des Eurobonds: les pays du Sud ont envie d’être sauvés, mais pour ceux du Nord, quelle est la contrepartie? La Virginie par exemple n’était pas endettée – eh bien, en échange de sa solidarité sur le plan financier, elle a reçu la Capitale, établie à Washington. En créant une union politique forte, les Etats-Unis ont en outre aussi créé un système d’examinateurs fiscaux qui a eu la tâche de vérifier qu’il n’y ait pas de mensonges sur les recettes et que les mêmes règles étaient appliquées à tous. Est-ce qu’on peut imaginer quelque chose de comparable en Europe?» Même si on est encore loin d’un contrôle systématique, on notera que les mentalités évoluent dans ce sens: il y a un an encore, toute le monde voyait l’arrivée d’experts extérieurs comme une ingérence insupportable dans la souveraineté d’un Etat – les Grecs ont pourtant finalement dû ouvrir tout récemment leurs portes à des experts envoyés par l’Union européenne… Les répercussions inattendues de la crise Mais pour Michael Rockinger comme pour Philippe Bacchetta, la crise aura eu cela de positif qu’elle aura éveillé l’intérêt de leurs étudiants pour leur domaine d’enseignement et de recherche. Avant 2008, il était plus difficile de les passionner pour l’étude des crises passées – tout cela semblait lointain et désincarné. Alors que depuis quatre ans, les points abordés en cours peuvent tous les jours être mis en relation avec ce qui se passe en Europe et dans le monde. Michael Rockinger explique ainsi avoir complètement remanié son cours pour y établir des parallèles avec l’actualité et y intégrer les exemples les plus récents. Il s’amuse d’ailleurs de voir les étudiants très attentifs lors de ses cours: «Tout le monde trouve tout ce que je dis soudainement très passionnant!» 


IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

LA COLÈRE, UNE PROFESSION

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e rendre chez la directrice d’Amnesty International Suisse, c’est comme entrer chez une voisine. La sonnerie du petit immeuble lausannois ne fonctionne pas. Manon Schick dévale les escaliers, déverrouille la porte énergiquement. Elle invite à monter dans son nid, un trois pièces sans chichi: vieux parquet qui grince ici et là, couleurs chaudes, quelques accessoires «ethno», statuettes et fauteuils africains. Deux gorgées de café plus tard, la militante des droits humains s’insurge contre le nouveau durcissement de la loi sur l’asile. «Comment une telle décision peut-elle être prise en cinq minutes au Conseil national, alors qu’on parle du sort d’êtres humains? C’est un vrai coup dur. Certains collègues d’Amnesty, qui ont longuement expliqué les enjeux aux parlementaires avant le vote, ont aujourd’hui envie de baisser les bras.» Pour remonter le moral de sa «mini PME», Manon Schick compte sur des victoires ponctuelles, comme la libération d’Aung San Suu Kyi. Elle a rencontré la militante birmane à Berne en juin dernier. «J’aurais voulu lui suggérer de dire un mot sur la révision de la loi sur l’asile, ce qui aurait donné une baffe aux parlementaires. Malheureusement, elle n’a pas fait de discours devant le Parlement.» La révolte, Manon Schick l’a connue bien avant d’intégrer Amnesty International. A 14 ans, choquée par le soutien de Crédit suisse au régime de l’Apartheid, elle convainc sa mère de l’accompagner dans les bureaux de la grande banque pour boucler son compte enfant. «L’employée était déconcertée, car ce motif de fermeture de compte ne figurait pas dans son formulaire.»

MANON SCHICK Licence en Lettres entre 1997 et 2003 à l’UNIL (français, histoire, sciences politiques). Directrice générale de la section suisse d’Amnesty International. © Pierre-Antoine Grisoni – STRATES

La communauté des alumni de l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

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C’est dans les médias qu’elle fait ses premières armes professionnelles. Après le gymnase, elle intègre la rédaction de L’illustré. Pendant quatre ans, la jeune journaliste couvre des sujets éclectiques, «de l’élection de Miss Suisse aux matchs de Marc Rosset, en passant par la politique fédérale». Puis elle décide de quitter la presse pour entrer à l’Université de Lausanne. Elle opte pour la Faculté des lettres, combinant le français, l’histoire et les sciences politiques. «Dans ce cursus, j’ai appris des choses fascinantes, y compris sur mes propres pratiques. Par exemple, dans les médias, les femmes sont toujours dépeintes comme petites et fragiles. Décririons-nous un homme avec ces mots? Seulement de manière dépréciative.» En parallèle, Manon Schick œuvre comme bénévole au sein d’Amnesty International, avant de rejoindre Peace Brigades International en Colombie pour neuf mois. A son retour en Suisse, le poste de porte-parole d’Amnesty International se libère. Elle occupera la position pendant sept ans, jusqu’en 2011, où elle accède à la tête de la section suisse de l’association. A 38 ans, Manon Schick possède de l’indignation à revendre, mais garde des activités «non Amnesty». «Je ne suis pas Mère Teresa! Je ne travaille pas pour le bonheur des autres au détriment de mon propre bien-être.» Elle chante dans un chœur lausannois, assiste aux concerts de son compagnon musicien de jazz, privilégie les soirées en famille ou entre amis, se laisse le temps de lire des BD. Et assure ne pas avoir de plan de carrière, avant d’ajouter, espiègle: «Les gens de mon entourage me demandent souvent si je me lancerai dans la politique. Pour l’instant, ce n’est pas compatible avec mon mandat.»  RENATA VUJICA

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HISTOIRE DES RELIGIONS

LE 21.12.2012 DORMEZ TRANQUILLES, L'APOCALYPSE

A DÉJÀ EU LIEU! Eh bien non, les Mayas n’annoncent pas la fin des temps pour le 21.12.2012. Pas plus que les Indiens Hopi ou un oracle chinois. Ce serait très étonnant, d’ailleurs, vu que les prophètes de l’apocalypse les plus convaincus ont toujours été… chrétiens. Voici pourquoi. TEXTE JOCELYN ROCHAT

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es calendriers mayas n’ont jamais annoncé l’apocalypse pour le prochain solstice. Les scientifiques le répètent sur tous les tons, mais n’arrivent pas à se faire entendre. «Les Mayas prédisaient que le monde continuerait, et que dans 7000 ans, les choses seraient exactement comme elles étaient alors», a notamment tonné l’archéologue William Saturno, dans le très sérieux magazine Science, où il a révélé qu’il avait découvert un calendrier précolombien qui va largement au-delà de la date fatidique du 21.12.2012. A ceux qui en douteraient encore, précisons avec l’anthropologue Steve Bourget que les Mayas avaient un calendrier complexe, qu’il était fait de cycles entremêlés, et que le plus grand d’entre eux arrive effectivement à son terme en décembre 2012, sans que cela ait jamais été un signe annonciateur de fin du monde. «S’ils utilisaient encore ce 50

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BIDOUILLE LES MAYAS N’ONT JAMAIS DÉVELOPPÉ DE CALENDRIER SUSCEPTIBLE DE CALCULER LA FIN DU MONDE

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calendrier aujourd’hui, les Mayas recommenceraient tout simplement le compte d’un nouveau cycle», a-t-il précisé lors d’une récente conférence à l’UNIL consacrée aux catastrophes et à la fin du monde. Reste à savoir pourquoi, malgré toutes ces démonstrations rassurantes, la peur de la fin du monde trouve encore des adeptes – 15% des Terriens selon un récent sondage international – à l’approche du fameux 21.12.2012. Il faut évidemment montrer du doigt la terrible machine à images hollywoodienne, qui a largement diffusé la fausse théorie de la prophétie maya afin d’assurer la promotion de «2012», un film à grand spectacle où l’on voyait des vagues dignes du déluge engloutir les montagnes de l’Himalaya. Mais voilà, une fois de plus, Hollywood a bidouillé le scénario: tous les peuples de l’histoire, les Mayas, les Indiens Hopi ou l’oracle chinois Yi Jing n’ont jamais développé de calendrier sus-


MAYAS

Tête de serpent sculptée au pied d'un temple de Palenque (Chiapas, Mexique). © Bastian Carel/National Geographic My Shot/National Geographic Stock


HISTOIRE DES RELIGIONS

ceptible de calculer la date de la fin du monde avec plus ou moins de précision. Bien sûr, les siècles passés fourmillent de Cassandres annonçant des tragédies à leurs compatriotes, mais ces destructions restent, la plupart du temps, limitées à une région de la planète. Les Mésopotamiens et les Assyriens, par exemple, ne tremblaient pas à l’idée de la fin du monde. «Ils s’attendaient à des catastrophes, à des guerres ou à des famines, mais ils n’avaient pas de scénario global, rappelle Thomas Römer, professeur de théologie à l’UNIL et au Collège de France. La divinité assyrienne Ishtar menace une fois les hommes de faire remonter les morts des enfers pour dévorer les vivants, mais c’est le seul récit de ce type que l’on connaisse et que l’on cite souvent.»

DÉLUGE

La première catastrophe majeure racontée dans la Bible ressemble davantage à une bonne nouvelle qu’à la mère de toutes les calamités. Ici, le tableau de Charles Gleyre, datant de 1856. © J.-C. Ducret, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne. Huile et pastel sur toile, 98.5 x 197 cm. Acquisition par souscription publique, 1899

On craint des frappes célestes chirurgicales Dans l’Antiquité, les craintes apocalyptiques restent rarissimes. «Les Juifs, les Egyptiens, les Romains ou les Grecs ne spéculent pas à propos de la fin des temps. Le seul concept approchant que l’on connaisse à cette époque, c’est la théorie de la succession des empires, que l’on trouve chez les Perses, et aussi les Grecs. Selon cette idée, il y a des âges 52

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du monde, durant lesquels un empire chasse l’autre», explique Thomas Römer. Bien sûr, les prophètes, les mystiques et les illuminés ont toujours été très actifs. Y compris dans l’Antiquité. En Grèce comme à Rome, la Pythie de Delphes ou la Sybille de Cumes livraient régulièrement des oracles aussi tarabiscotés que potentiellement dramatiques, mais ces prophéties ne concernaient que l’issue des batailles ou la disparition possible d’une dynastie. Jamais la fin des temps. On a également conservé la trace des terribles menaces qui ont été lancées à des peuples ou à des souverains qui osaient déplaire à une divinité (Jonas espère la destruction de Ninive, Moïse annonce les plaies d’Egypte, Jérémie et Ezéchiel annoncent la chute de Babylone). Mais, même quand ces prophéties se réalisent, les dieux se contentent de frappes «chirurgicales» sur une ville ou un pays, comme à Sodome et Gomorrhe. «L’idée de l’apocalypse n’est pas constitutive, poursuit Thomas Römer. On trouve dans toutes les religions des discours sur les origines. Parce que les hommes veulent savoir d’où ils viennent, et aussi – c’est très important –, en quoi ils se distinguent des dieux. Mais on ne trouve pas, chez la plupart des peuples de l’Antiquité, de discours glo-


bal sur le calendrier ou les signes annonciateurs de l’apocalypse, avec un scénario planétaire. Et même chez les Assyriens et les Babyloniens qui racontent aussi le mythe du Déluge – ce qui en ferait, selon certains historiens, le mythe le plus répandu dans toutes les religions –, ce n’est pas le récit de la fin du monde. En réalité, le motif de l’apocalypse est presque une spécificité biblique.» Et encore, le Déluge, la première catastrophe majeure racontée dans la Bible, ressemble davantage à une bonne nouvelle qu’à la mère de toutes les calamités. «La Genèse raconte que la catastrophe mondiale est intervenue, non pas à la fin des temps, mais aux origines de l’humanité, observe le professeur de l’UNIL. Dans la Bible, quand les éléments se calment enfin, Dieu donne l’assurance à Noé que cela ne se reproduira pas et il s’engage avec l’arc-en-ciel de renoncer à faire revenir un nouveau déluge. L’Ancien Testament raconte que la fin des temps a déjà eu lieu, que Yhwh a déjà essayé de détruire le monde, et que, d’une certaine manière, il n’a pas pu le faire ou qu’il a changé d’avis à ce sujet.» Reste à comprendre comment les croyants de l’Antiquité ont pu passer de la promesse rassurante apportée par l’arc-en-ciel à des visions plus terrifiantes. Cette création-

FIN DU MONDE

Le film «2012» de Roland Emmerich a contribué à diffuser la fausse théorie de la prophétie maya. © DR

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là ne s’est pas faite en un jour. Mais – c’est assez rare pour être mentionné – on peut en dater l’apparition avec une très grande précision. «La première mise en scène de la fin des temps se trouve dans le Livre de Daniel, qui contient une allusion très claire au roi Antiochos IV, assure Thomas Römer. Comme l’auteur du Livre de Daniel sait que le souverain a pillé le temple de Jérusalem, mais qu’il ne sait pas qu’Antiochos IV est mort, on peut en déduire que le récit a été rédigé entre 167 et 163 av. J.-C.» Ce Livre de Daniel est composé de deux parties bien distinctes. Dans les six premiers chapitres, il raconte la biographie d’un certain Daniel, qui aurait été exilé à Babylone à l’époque de Nabuchodonosor, vers 590 av. J.-C. C’est là que notre homme s’illustre en échappant aux lions qui devaient le dévorer, avant de briller à la cour du roi grâce à ses talents dans l’interprétation des rêves. Après avoir expliqué les songes de Nabuchodonosor, Daniel va relater, dans un deuxième temps et dans un style très différent, ses propres visions qu’il interprète avec l’aide d’un ange, et qui concernent l’avenir inquiétant de Jérusalem. Détail significatif: plus on avance dans le temps, et plus les visions attribuées au personnage de Daniel se font pré N° 52

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HISTOIRE DES RELIGIONS

DANIEL

La première mise en scène de la fin des temps se trouve dans le Livre de Daniel. Illustration de Gustave Doré. © ruskpp – 123RF

SODOME ET GOMORRHE Lot et sa famille fuient la colère divine. Gravure allemande de 1860. © Rue des Archives / CCI

cises, comme si son biographe connaissait mieux les événements du IIe siècle av. J.-C. que les époques précédentes. «Ces visions font clairement allusion aux Assyriens, aux Babyloniens et aux Perses. Il y a encore une partie finale qui concerne Antiochos IV, précise Thomas Römer. Pour l’auteur du texte, le comportement de ce roi annonce clairement la fin du monde. Ce souverain hellénistique est décrit comme l’abomination des abominations qui est entrée dans le saint des saints, une allusion transparente au temple de Jérusalem qu’Antiochos IV a profané, parce qu’il cherchait de l’or pour payer des impôts dus à Rome. L’idée que le roi païen ait pu entrer dans le temple était clairement insupportable à l’auteur du Livre de Daniel, qui y a vu le signe de la fin des temps et qui en écrit le scénario. Après une succession d’empires, le règne d’Antiochos IV est le dernier, et il débouche sur une sorte de tribunal où tous les méchants vont être punis de mort, et tous les justes qui ont été opprimés vont se relever de la terre.» Notons cependant que les auteurs des différents textes qui figurent dans l’Ancien Testament n’ont pas zappé d’un coup l’arc-en-ciel rassurant de Yhwh pour passer brutalement à la vision du jugement dernier présentée dans le Livre de Daniel. Entre les deux conceptions de l’apocalypse, on trouve une série de textes qui préparent la mutation. «Il y a par exemple le Livre d’Ezéchiel, qui contient la prophétie de Gog et Magog, ainsi que l’annonce de l’Armageddon, une sorte de bataille finale (à ce sujet, lire Allez savoir! No 39, de septembre 2007). Ce texte très obscur a certainement été rédigé avant le livre de Daniel, estime Thomas Römer. On trouve déjà dans le livre d’Ezéchiel la vision d’un Israël entièrement anéanti, juste avant que ne se produise la revivification des ossements, qui permettra au peuple de revivre. Mais, contrairement à Daniel, Ezéchiel n’annonce pas la disparition du monde.» Comment croire après des malheurs en série? On trouve aussi dans la Bible hébraïque diverses mentions de prophéties promettant un jugement terrible à toutes les nations qui ont frappé Israël. Il y a encore des livres qui annoncent la réhabilitation et la reconstruction d’Israël, «mais ce n’est jamais inscrit dans un scénario de destruction planétaire, comme cela sera le cas, cette fois très clairement, dans le Livre de Daniel ou, dans le Nouveau Testament, dans l’Apocalypse de Jean». 54

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Cette évolution des mentalités antiques s’explique notamment par le destin contrarié des habitants de Jérusalem. La première destruction de la ville et du temple, par Nabuchodonosor en 587 av. J.-C., a fortement déstabilisé les croyants. «A cette époque, le peuple d’Israël a perdu son autonomie politique. Les références identitaires traditionnelles ne fonctionnaient plus. Le roi des Juifs a été exilé à Babylone, le dieu national n’a pas défendu son peuple qui s’est retrouvé dominé par des ennemis. Ces malheurs ont provoqué une remise en question et la lente mutation du concept de fin des temps qui prend une forme nouvelle avec le Livre de Daniel, vers 165 av. J.-C.» A partir de ce moment-là, les récits apocalyptiques prolifèrent et deviennent un genre littéraire. Ces attentes croissantes de la fin du monde continuent à se manifester jusqu’aux époques de Jésus et de Paul, «qui étaient persuadés de connaître la fin des temps de leur vivant, tout comme Jean de Patmos, l’auteur de l’Apocalypse qui est devenue le dernier livre de la Bible». Les Juifs n’ont pas développé la même peur de la fin des temps Le fait que le récit chrétien commence avec la Genèse, et se termine par l’Apocalypse «n’est pas sans incidence sur l’intérêt que portent les chrétiens à la fin du monde», estime Thomas Römer. Cette organisation de la Bible, qui va de la création du monde jusqu’à sa disparition, a forcément joué un rôle. «On connaît de très nombreuses sectes chrétiennes qui ont annoncé la date de l’apocalypse. Même si cette attente a été régulièrement déçue, l’espérance persiste et l’on trouve toujours un autre croyant pour penser qu’il y a eu une erreur et recommencer les calculs.» Là encore, c’est une particularité chrétienne. «Les Juifs, qui partagent pourtant de nombreux textes sacrés avec les chrétiens, n’ont pas développé la même peur de la fin des temps, observe Thomas Römer. D’ailleurs, je rappelle toujours aux gens qu’on ne peut pas dire que la Bible juive, c’est l’Ancien Testament. Si l’on trouve bien les mêmes livres dans les deux canons (en ce qui concerne la version protestante de l’Ancien Testament), ils sont organisés de manière très différente.» Le récit hébraïque comporte trois parties: la Torah, les Prophètes, et enfin les Ecrits qui se terminent sur le livre des Chroniques, soit l’histoire des rois de Juda jusqu’à la fin du royaume et l’arrivée des Perses. Et ce récit s’achève sur l’appel du roi perse qui enjoint les Juifs de retourner à Jérusalem. «L’idée finale du canon juif, ce n’est pas la fin des temps, comme dans la Bible chrétienne, mais c’est cet appel à la restauration, à la reconstruction d’Israël. Ce qui a pu laisser croire à certains que tout était accompli en 1948, avec la renaissance d’Israël.»

THOMAS RÖMER Professeur de théologie à l’UNIL et au Collège de France. Nicole Chuard © UNIL

méfiance plus grande des Juifs (au moins des milieux responsables de la constitution du canon biblique) à l’encontre des prophètes qui annonçaient l’apocalypse. «Le Livre de Daniel est bien sûr issu du judaïsme, mais il a été rangé dans les Ecrits, et non pas dans les Prophètes. C’est une prise de distance, une manière de signifier que ce texte est bien moins important que ceux qui figurent dans la Torah, ou dans les Prophètes.» Friands de prophéties apocalyptiques Les chrétiens comme certains milieux juifs auxquels on doit par exemple les écrits de Qumrân, en revanche, ont été bien plus friands de prophéties apocalyptiques. Du moins, entre 167 av. J.-C. et l’époque où est écrite l’Apocalypse de Jean (autour de l’an 100 de notre ère). «Et puis, ça se calme au moment où le christianisme sort de l’ombre pour devenir un culte plus important, et surtout quand il accède au statut de religion d’Etat. Comme les croyants ne se sentent plus opprimés, ces thèmes vont perdre de leur importance, jusqu’à l’an mille.»

La somme de toutes nos peurs Ces différences dans l’organisation des textes religieux du judaïsme et du christianisme expliquent peut-être aussi la Allez savoir !

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Le sentiment d’insécurité serait donc un ingrédient indispensable au succès des prophéties de fin du monde. C’est, du moins, la théorie de Thomas Römer qui voit dans la nouvelle peur du 21.12.2012 un signe que notre époque va mal. «Je ne pense pas qu’un tel scénario aurait eu du succès dans les années 70, parce que cela trahit toujours le malaise d’une société. Le fameux livre de l’Apocalypse de Jean de Patmos s’inscrit dans un contexte de crise pour les communautés chrétiennes qui se voient menacées par l’Empire romain. Elles pensent que les persécutions ne peuvent plus continuer et elles espèrent qu’un changement de monde est imminent.»

JUGEMENT DERNIER

Des attentes croissantes de la fin du monde se manifestent jusqu'aux époques de Jésus et de Paul. Œuvre de Fra Angelico, 1440. © UA/Rue des Archives

La fin est connue L’explication vaut encore pour le Livre de Daniel, qui a probablement été rédigé «par des gens issus d’un milieu très conservateur, des Juifs de Jérusalem, qui se sentaient menacés par l’arrivée des Grecs, et qui pensaient que cette ouverture d’Israël à l’hellénisme constituait le début de la fin». Thomas Römer n’est donc pas autrement surpris que nos sociétés du XXIe siècle, qui entendent sans cesse parler de crise économique, financière, de crise des idéologies et de crise de l’Europe, se posent à nouveau des questions éternelles telles que: est-ce que ça peut continuer comme ça? Sur quoi va déboucher la crise? Est-ce que c’est le signe de la fin? A cette dernière question, nous aurons une réponse définitive le 21.12.2012. Mais cette fois, le suspense est bien moins haletant que dans un film hollywoodien.  56

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À LIRE

LA FIN DU MONDE 2012: fin du monde? A l’heure où ressurgissent de vieilles craintes millénaristes, le présent ouvrage propose une réflexion sur les thématiques de la fin du monde et des catastrophes, dans une perspective interdisciplinaire. A quelles sources, mythologiques, culturelles, doctrinales, les discours «apocalyptiques» puisent-ils? Quels sont les enjeux et les intérêts liés à de tels discours? Y a-t-il un lien entre les crises sociales ou individuelles et les idées de fin du monde? Dans quelle mesure les crises environnementales et économiques que traverse le monde actuel expliquent-elles l’apparition de discours apocalyptiques? Sous quelles formes, dans quels médias, enfin, se matérialisent ces conceptions ? Afin de répondre à ces questions, le présent ouvrage mobilise quinze spécialistes de champs traversés par l’histoire, la science, la théologie ou la philosophie.

Analyses plurielles d’un motif religieux, scientifique et culturel. Par P. Bornet, C. Clivaz, N. Durisch Gauthier, P. Hertig, N. Meylan N. (éd.). Les Editions Labor et Fides (à paraître le 17 octobre 2012).


C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !

ÉTUDIANT, UN MÉTIER EN PLEINE MUTATION Dans l’édition de Allez savoir! de juin 1996, le journaliste Pietro Boschetti battait en brèche le cliché de l’étudiant à la vie idyllique. Seize ans plus tard, qu’est-ce qui a changé? Exercice comparatif, à l’heure de la rentrée.

«E

n 1983, la durée moyenne des études en Suisse jusqu'à la licence était de onze semestres. Cinq ans plus tard, cette moyenne n'a pas bougé. Contrairement à ce que beaucoup pensaient, on n'a constaté aucun rallongement des études. Idem pour les étudiants «éternels» (15 semestres ou plus): leur proportion était de 12,6% de l'effectif en 1983 contre 13,3% en 1988», pouvait-on lire à l’époque dans Allez savoir! Par le passé, et notamment en Lettres, il n'existait pas de délai maximal pour décrocher une licence, même si les textes prévoyaient des sanctions en cas de non-présentations répétées aux examens. Aujourd’hui, et pour toutes les facultés, l’UNIL limite les études de bachelor à 10 semestres, et celles de master à 5 ou 6, selon que ces dernières imposent 90 ou 120 crédits ECTS. La notion d’étudiant «éternel» devient floue: il est possible de décrocher un bachelor rapidement, et de se lancer dans un master bien plus tard dans la vie. La durée totale moyenne des cursus demeure stable: d’après une enquête publiée fin 2011 par l’UNIL, elle se monte à 6 semestres pour le bachelor, et 4 pour le master. En 1996, Allez savoir! anticipait l’arrivée d’une nouvelle population. «[Alors] responsable du service Orientation et conseil aux étudiants de l'Université de Lausanne, Claude

Texte paru dans Allez savoir ! N° 5, juin 1996. Archives du magazine: www.unil.ch/allezsavoir

LA DURÉE DES ÉTUDES EST RESTÉE STABLE DE 1996 À AUJOURD'HUI

Roulin est bien placé pour observer les changements du public universitaire. Les personnes qui reprennent des études après une période de vie active, par exemple: “C'est difficile à mesurer, mais il n'y a aucun doute que cette population grandit, dit-il. C'est lié à la déstabilisation du monde du travail. Il y a une demande croissante de formation universitaire pour des gens qui sont dans la vie active ou qui en sortent. On est conscient qu'au cours de sa vie professionnelle, on va changer deux ou trois fois de métier. Et bénéficier d'une large formation représente un sérieux atout”. Un phénomène qu'on connaît bien aux Etats-Unis où plus de la moitié des nouveaux étudiants dans certaines universités sont des returners, des personnes qui reprennent des études après un passage par la vie professionnelle.» Dans l’article de 1996, Bologne pointait déjà son nez: «[...] l'offre universitaire est bien mal adaptée à ces étudiants atypiques. “Accueillir correctement les returners supposerait d'importantes modifications de la culture universitaire, souligne Claude Roulin. En termes d'organisation des études, tout d'abord, avec peut-être un système de crédits permettant de faire sa licence à la carte. Il faudrait également des changements pédagogiques dans le sens d'une “déscolarisation” de l'enseignement. Et puis, l'horaire devrait

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être revu de façon à ce que les gens qui travaillent pendant la journée puissent étudier le soir.” Bref, une petite révolution.» Depuis septembre 2010, l’UNIL permet de suivre un master à temps partiel: l’an passé, 57 personnes se sont inscrites dans un cursus de ce genre. Des aménagements sont possibles pour le bachelor, mais pas dans toutes les facultés. L’admission sur dossier, autorisée depuis le début du XXIe siècle, attire également un public plus âgé. Après le temps, l’argent. Alors secrétaire politique de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), Michel Cambrosio estimait en 1996 que «les contingences d'aujourd'hui sont d'une autre intensité que dans les années 80. “La situation typique est celle de la double dépendance financière à l'égard des parents et au fait de trouver un job. Une enquête de 1993 montrait que si les trois quarts des étudiants à Lausanne avaient une activité lucrative, les deux tiers dépendaient malgré tout de l'aide financière de leurs parents”.» La situation n’a pas évolué depuis: selon l’Office fédéral de la statistique (chiffres 2009), 75% des étudiants exercent aujourd’hui une activité rémunérée parallèlement à leur cursus. 90% d’entre eux bénéficient d’un soutien de leur parenté. Cette dernière fournit, en moyenne, plus de la moitié de leurs ressources. 

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RENDEZ-VOUS

Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Luis Ferreira©UNIL

Rencontre avec les enseignants et les chercheurs de l’UNIL, dans le canton de Vaud. Toutes les conférences ont lieu à 14 h 30. Abonnements, prix et plans d’accès sur www.unil.ch/connaissance3 021 311 46 87 Ve 26 octobre 2012, Nyon Le Cervin est-il africain? Par Michel Marthaler, professeur de géologie Lu 29 octobre 2012, Yverdon Alzheimer: espoirs et réalité. Par Geneviève Leuba, professeure de neurosciences, CHUV Je 8 novembre 2012, Les Diablerets Les mouches au service de la justice. Par Daniel Cherix, conservateur du Musée de zoologie, Lausanne Ve 9 novembre 2012, Nyon Une brève histoire scientifique et culturelle du cerveau. Par Francesco Panese, professeur d’histoire de la médecine Me 14 novembre 2012, Penthalaz Nos ancêtres les Celtes du Mormont. Par Gilbert Kaenel, directeur du Musée d’archéologie et d’histoire, Lausanne Ve 16 novembre 2012, Aigle Montagne et écriture: de Juste Olivier à C.-F. Ramuz. Par Daniel Maggetti, professeur de littérature Ve 30 novembre 2012, Morges Biodiversité: qu’en savons-nous? Par Daniel Cherix, conservateur du Musée de zoologie, Lausanne Ve 30 novembre 2012, Aigle Le montage cinématographique, des premiers temps à aujourd’hui. Par Laurent Guido, professeur d’histoire du cinéma Ma 4 décembre 2012, Echallens La répression de la sorcellerie en Suisse romande. Par Martine Ostorero, historienne

UNIPOLY A 10 ANS

Une semaine de festivités et d'animations pour célébrer les 10 ans de l’association des étudiants de l’UNIL et de l’EPFL pour le développement durable. Conférences, projection de documentaires, vide grenier, concerts, marché et cuisine écolo sont notamment au programme. http://unipoly.epfl.ch Jeudi 11 au 12 octobre

DE LA PAUVRETÉ

En Suisse, 1 personne sur 10 est touchée par la pauvreté. Pour mieux comprendre ce phénomène, le Département vaudois de la santé et de l’action sociale, l’UNIL, le pôle de recherche national LIVES et d’autres institutions organisent un colloque. UNIL. Dès 8 h 45. www.vd.ch/evenements-social. S’inscrire rapidement Tarif normal: 100 fr. Réduit: 20 fr. Vendredi 19 octobre

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LE CORPS ET SES HISTOIRES

LE POINT. VIRGULE,

Ce nouvel événement propose une sélection de quelques-uns des meilleurs projets présentés au Fécule 2012, le festival des cultures UNILEPFL. Projection de courts-métrages et trois représentations théâtrales. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange de Dorigny. Dès 19 h. www.fecule.ch 021 692 21 24

1984

La Cie générale de théâtre (CGT), en résidence, adapte le roman de George Orwell. Il s’agit de l’amorce d’un cycle sur la manipulation de l’information. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange de Dorigny. Ma-je-sa 19 h, me-ve 20 h 30, di 17 h. Table ronde le mercredi 31 octobre, 18 h 30, avec le metteur en scène et trois chercheurs. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24

JOURNÉE SUISSE DES ARCHIVES

Trois ateliers conçus comme des forums de débat organisés par le Centre d'études médiévales et postmédiévales. UNIL-Sorge. Amphipôle. Anthropos Café. Dès 9 h. Suite le 30 novembre 2012 et le 15 mars 2013. www.unil. ch/cem/page81454.html

Septembre 2012

Ce programme permet à deux personnes de langue maternelle différente de se rencontrer pour s’enseigner leur langue. Séance pour les anglophones, les germanophones (dont le suisse-allemand) et les francophones. Autres langues: 10 octobre. UNIL-Dorigny. Anthropole, auditoire 1031, 18 h. www.unil.ch/tandem 021 692 30 94

Samedi 3 novembre

DR

Me 12 décembre 2012, Payerne Alzheimer: espoirs et réalité. Par Geneviève Leuba, professeure de neurosciences, CHUV

Allez savoir !

«TANDEM»

Mardi 9 au 11 octobre

Jeudi 25 octobre au 3 novembre

Ve 7 décembre 2012, Nyon Jacques Necker, le banquier des Lumières. Par Léonard Burnand, Centre Benjamin Constant

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Rencontres, balades et conférences données par des chercheurs de l’UNIL, sur le thème de l’alimentation. Au programme: le marché de l’UNIL (avec la FAE), les alicaments (Jacques Diezi), la nourriture halal (Christine Rodier), les gènes et la nutrition (Nathalie Constantin), «Le goût, comment ça marche?» (animé par L’Eprouvette), les troubles alimentaires (Sophie Vust) et la durabilité (Suren Erkman). Durée: 45 minutes. UNIL-Sorge. Bâtiment Amphipôle. Anthropos Café, les 4 et 17 octobre, 1er, 13 et 29 novembre, 4 et 18 décembre à 12 h1  5. www.unil.ch/campus-plus/page87321.html Mercredi 3 octobre

Lundi 1er au 6 octobre

Lu 7 janvier 2013, Yverdon Pompéi: ville d'histoire, d'architecture et de culture. Par Michel Fuchs, professeur d'archéologie

MIDI CAMPUS PLUS

UNIL | Université de Lausanne

Ces «Portes Ouvertes» permettent au public d’explorer la douzaine d’institutions en charge de l’archivage, à Dorigny. Conférences, visites guidées en coulisses, films, animations pour enfants, restauration d’ordinateurs, recettes anciennes et défilés de mode sont au programme d’une journée riche en surprises. UNIL, Archives cantonales vaudoises, Fondation Jean Monnet et EPFL (nombreux lieux), dès 9 h. Rens. gilbert.coutaz@vd.ch 021 316 37 11

Centre de recherches sur les lettres romandes

CONFÉRENCES CONNAISSANCE 3

Dès octobre

Marc Müller

Octobre à janvier


Jeudi 8 novembre

En permanence

DU CYBORG À LA CHIMÈRE

Visite guidée de l’exposition Blaise Cendrars 1912-2012, New York - Hollywood - Lausanne, par son commissaire Sylvestre Pidoux. L’événement présente comment l’écrivain «s’est inventé une vie, et comment celle-ci est construite comme un livre». Lausanne. Palais de Rumine, BCU, 11 h www.unil.ch/bcu 021 316 78 63

Chercheur à l’UNIL et directeur de la Maison d’Ailleurs (Yverdon-les-Bains), Marc Atallah donne une conférence, dans le cadre de l’exposition TOUCH. Le monde au bout des doigts (à voir jusqu’au 13 janvier 2013). Lausanne. Fondation Claude Verdan, 19 h. www.verdan.ch 021 314 49 55 Jeudi 8 au 11 novembre

DR

LE RÊVE DE D’ALEMBERT ET PYGMALION

Dimanche 11 novembre

«Comment faire du vivant à partir du marbre?, se demande Rousseau. Pas de problème, répond Diderot: l’inerte et le vivant, c’est tout un.» UNIL-Mouline. Théâtre La Grange de Dorigny. Ma-je-sa 19 h, me-ve 20 h 30, di 17 h. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24

L’ÉPROUVETTE

Alain Herzog

BLAISE CENDRARS

Samedi 10 novembre

FORCETHON TALENT

Le «Trophée du Talent» est organisé par le Service des sports UNIL / EPFL. Dès cette année, les bénéfices de ces courses seront intégralement destinés à la recherche et à la formation sur le cancer de l’enfant (fondation FORCE). Chalet-à-Gobet. Site de l’Ecole hôtelière. www.trophee-lausannois. ch/Talent 021 692 21 50

Mercredi 14 novembre

MARCHÉ

LES DENTS DE LA RIVIÈRE FRÉQUENCE BANANE

Pain, légumes, fruits, fromages: des produits frais sont proposés chaque semaine sur le campus de Dorigny, par des marchands de la région. UNIL. Devant l'Internef, le mardi de 10 h à 16 h. Devant l'Amphipôle, le jeudi de 10 h à 16 h. www.unil.ch/campus-plus/ page88334.html.

Grâce à son studio mobile, et en partenariat avec l’uniscope, le magazine du campus, la radio universitaire et étudiante organise des débats sur des sujets d’actualité, en public. A suivre sur le câble, 94.55 MHZ. Les émissions seront disponibles en podcast. UNIL–Dorigny, 17 h. www.frequencebanane.ch DR

Une balade pour découvrir l'environnement d'un animal emblématique de nos cours d'eau: le castor. Pistez-le et apprenez à découvrir les indices discrets qui attestent de sa présence le long de la forêt alluviale de l'Aubonne. Etoy. Parking de l'Hôtel Lunika, 9 h. www.maisondelariviere.ch Inscriptions au 078 802 01 62

Anniversaires pour les enfants, ateliers sur la génétique, la police scientifique, le goût ou le cerveau parmi tant d’autres: le laboratoire public de l’UNIL organise des activités ludiques, accessibles à tous. L’animation est assurée par des jeunes chercheurs. www.unil.ch/interface/ page18617.html 021 692 20 79

Cynthia Gigon©UNIL

Samedi 3 novembre

Jeudi 22 au 24 novembre

DÉCRYPTER UN FILM

Cet atelier, conçu sur deux rencontres, propose aux participants d'apprendre à décrypter le langage cinématographique. Avec des intervenants de la Section d'histoire et esthétique du cinéma de l'Université de Lausanne. UNIL-Dorigny. BCU. Cinespace, 18 h. Suite le 4 décembre. Inscriptions: manifestations@bcu.unil.ch ou au 021 316 78 44/75

WESTERBORK

«1943 à Westerbork, camp de transit pour juifs déportés. Pas encore emprisonnée, Etty Hillesum y travaille bénévolement et envoie à ses amis restés à Amsterdam des lettres, où elle témoigne de ce qu’elle observe et vit au plus noir de l’histoire.» UNIL-Mouline. Théâtre La Grange de Dorigny. Ma-je-sa 19 h, me-ve 20 h 30, di 17 h. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24 Vendredi 30 novembre

27 novembre au 1er décembre

DES ZÈBRES ET DES AMANDES

Une mise en scène ludique et poétique de l’essai scientifique De l’inégalité parmi les sociétés, du biologiste Jared Diamond. Par Arc en Scènes. UNIL-Mouline. Théâtre La Grange de Dorigny. Ma-je-sa 19 h, me-ve 20 h 30, di 17 h. Café scientifique le 30 novembre à 18 h 30. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24 Jeudi 6 au 16 décembre

Fotolia.com

Mardi 20 novembre

Dimanche 9 décembre

DR

PLUS RIEN DIRE AMOURS HIVERNALES PATRIMOINE NUMÉRIQUE NE Un projet de Joël Maillard. «C’est l’hisIl fait froid et pourtant les truites Ouvertes au public, les Quatrièmes rencontres des patrimoines sont consacrées aux nombreuses questions que posent les nouvelles technologies dans les domaines des archives, des bibliothèques, de la formation et de la conservation du patrimoine. Conférences et débats. UNIL-Sorge. Amphipôle. Auditoire D, 9 h. www.reseaupatrimoines.ch

toire d’un homme qui se tait, progressivement et définitivement. Incapable de supporter, entre autres, la marchandisation des personnes et la personnification des marchés.» Lausanne. Place Chauderon. Maison du peuple. Ma-je-sa 19 h, me-ve 20 h 30, di 18 h. www.grangededorigny.ch 021 692 21 24

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vivent un grand moment d'amour. Venez découvrir les lieux secrets de leur reproduction, ainsi que l'attention qu'on leur porte pour assurer leur fraie. Etoy. Parking de l'Hôtel Lunika, 9 h. www.maisondelariviere.ch Inscriptions au 078 802 01 62

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Détails et inscriptions : www.formation-continue-unil-epfl.ch 021 693 71 20

FORMATION CONTINUE

LE MBA, UNE EXPÉRIENCE DE VIE L’Université de Lausanne et l’EPFL proposent des Executive MBA, avec diverses spécialisations. Pourquoi se lancer dans cette formation? A quoi faut-il s’attendre? Qu’en retire-t-on? Tour d’horizon.

L

e 27 août dernier, plus de 80 personnes ont entamé leur Executive MBA sur le campus de Dorigny. Agés en moyenne de 35 à 40 ans, ces professionnels se sont lancés dans un cursus certes à temps partiel, mais très exigeant. Ils ont choisi l’une des trois spécialisations proposées: Healthcare Management, Management & Corporate Finance et Management of Technology (MoT). Pendant les quinze mois qui vont suivre la rentrée, ces étudiants consacreront de nombreux vendredis et samedis, ainsi qu’une bonne partie de leur temps libre, aux cours et au travail personnel requis par leur formation. Mais pourquoi faire de tels sacrifices? Pour progresser dans leur carrière, par exemple. «La motivation peut résider dans une volonté d’évolution dans des postes à plus haute responsabilité («senior management positions») ou pour occuper un poste dans un autre domaine, plus stratégique. Voire dans une autre entreprise. C’est en tout cas le signal d’un passage à une nouvelle étape de la vie professionnelle, explique Lionel Stoudmann, en charge de la promotion et de la communication à l’Executive MBA à HEC Lausanne. Licencié en Lettres de l’UNIL, Laurent Wenker a exercé dans le domaine des études de marché. Chargé de responsabilités, notamment budgétaires, ce quadragénaire voulait «donner un côté business» à son parcours, et «obtenir un titre en ligne avec mon activité professionnelle». D’où le choix de se 60

Allez savoir !

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15 MOIS LA DURÉE DE LA FORMATION D'EXECUTIVE MBA PROPOSÉE PAR L'UNIL ET L'EPFL

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lancer dans l’Executive MBA in Management & Corporate Finance. Aujourd’hui vice-président de l’association MBA HEC Lausanne Alumni, il se déclare ravi par sa formation, qu’il qualifie de «super expérience». Jean Micol, directeur exécutif du MoT, donne d’autres raisons : «Certains veulent lancer leur propre entreprise, et d’autres souhaitent devenir des intrapreneurs, c’est-à-dire développer de nouvelles activités dans la société où ils travaillent.» Avant d’être acceptés, les candidats doivent constituer un dossier et passer un entretien. Comme les responsables de l’Executive MBA cherchent à obtenir une hétérogénéité maximale dans les volées, les profils atypiques sont les bienvenus. Toutefois, il est requis d’avoir un titre universitaire, de compter au moins cinq à sept ans d’expérience professionnelle et de posséder un bon niveau d’anglais (tous les cours sont dispensés dans cette langue). La concurrence est rude : la demande dépasse largement l’offre en places disponibles. Qu’apprend-on pendant ces quinze mois? «L’Executive MBA ne fait pas de vous un expert en finance. Mais il vous permet de comprendre une entreprise dans son ensemble, des questions de stratégie au marketing, en passant par le développement durable ou le leadership», détaille Lionel Stoudmann. «Nos étudiants reçoivent une vue à 360° du monde des affaires. Ils apprennent comment y faire leur place. Leur esprit de création d’entreprise en ressort stimulé», ajoute Jean Micol.


ET ENCORE...

NOUVELLES FORMATIONS

Ce bouillonnement commence en classe, dès le premier jour: les participants amènent leurs idées, posent des questions, interagissent. Les enseignants offrent un bagage académique, mais jouent aussi le rôle de modérateurs : il n’est pas question de cours ex cathedra. Des travaux de groupe, des devoirs à rendre et des études de cas rythment la formation. Du développement personnel, comme par exemple apprendre à parler en public, figure parmi les options du programme. Parce qu’il est dense, l’Executive MBA dévore le temps libre. Un soutien de l’employeur, que ce soit au niveau de l’aménagement des horaires ou de l’écolage (34 500 francs), est souvent nécessaire. «Travaillez de manière intensive, mais ciblée», conseille Laurent Wenker. Car, en parallèle, il faut gérer la vie professionnelle et ses urgences, la famille et d’éventuels loisirs… En contrepartie, les étudiants se créent un réseau de contacts précieux, voire d’amis et sont invités à rejoindre les associations d’alumni MBA, qui organisent de nombreux événements. S’ils partagent bien des cours généraux pendant les premiers mois de leur formation, les participants se retrouvent en plus petits ensembles, selon leurs spécialisations. Chacune d’elles possède ses enseignements propres. Cerise sur le gâteau, elles comprennent des voyages d’étude. Soit à l’Université Bocconi de Milan pour la finance, à l’ESSEC Business School de Paris pour la santé, et à Pékin (et Bangalore en option) pour le management de la technologie. «Ce programme, c’est une expérience de vie, sourit Jean Micol. Les étudiants souffrent, mais qu’est-ce qu’ils sont contents de l’avoir fait!»  DS

INTERACTION

Les enseignants attendent beaucoup de participation de la part des étudiants de l'Executive MBA (ici, la volée 2011-2012). Félix Imhof © UNIL

PRACTICAL COMPUTER SECURITY «Les entreprises sont de plus en plus menacées par les logiciels malveillants, les virus, les vers ou encore les hackers. Elles ne prennent pas assez de mesures pour se protéger», relève Philippe Janson, professeur en Section d’informatique à l’EPFL. C’est pour répondre à une demande croissante que cette nouvelle formation modulaire a été mise en place. Organisée sur cinq journées thématiques et donnée en anglais début janvier 2013, elle permet de comprendre et d’identifier les périls qui pèsent sur les infrastructures informatiques, de repérer les points faibles de ces dernières, d’acquérir une vue générale du paysage de la sécurité et de mettre en place des mesures de défense efficaces contre les différents types d’attaques. Des connaissances en cryptographie, à la fois théoriques et pratiques, sont également dispensées de manière accessible. Si les premières journées s’adressent plutôt aux cadres en charge de l’informatique dans les sociétés, deux modules pratiques intéresseront particulièrement les ingénieurs, invités à venir avec leurs propres stations de travail. «Au travers d’exercices de laboratoire, il va s’agir de découvrir des failles dans des serveurs configurés de manière fautive. Les participants vont ainsi acquérir les outils nécessaires pour effectuer cette démarche dans leur entreprise», explique Philippe Janson. Renseignements: www.formation-continue-unil-epfl.ch/ practical-computer-security

UNDERSTANDING SWITZERLAND Les Suisses ne mangent pas de la fondue deux fois par semaine et ne vont pas se coucher avec les poules. C’est notamment pour «lutter contre les clichés et les stéréotypes» que Hans-Peter Hertig, professeur au Collège des humanités de l’EPFL, a créé cette formation courte à l’intention des «expats», soit les cadres des entreprises étrangères et des organisations internationales installées dans notre pays. Histoire récente, politique, économie et culture figurent au programme: de quoi «comprendre les piliers de la Suisse, de visiter ses coulisses et de pouvoir jeter un regard critique, mais de manière fondée et positive», précise le responsable. Il ne s’agit donc ni d’un MBA, ni d’un cours pratique de survie au quotidien. Mais plutôt d’être capable de mieux «sentir» le pays, selon l’expression de Hans-Peter Hertig. Ce dernier souhaite également mettre l’accent sur la scène culturelle spécifique de l’arc lémanique, ainsi que sur son multiculturalisme. L’ex-conseiller fédéral Pascal Couchepin, le correspondant en Suisse du Financial Times Haig Simonian et l’écrivain Iso Camartin figurent parmi les intervenants annoncés pour ce cursus original d’une durée totale de quatre jours, donné entièrement en anglais - of course. Renseignements: www.formation-continue-unil-epfl.ch/ understanding-switzerland

La formation: www.hec.unil.ch/executivemba et http://mot.epfl.ch Les alumni: www.mba-hec.ch et www.mot-alumni.com

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Pour s’abonner à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch NOM / PRÉNOM

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LIVRES

UNE VIE SOBRE MAIS PAS AUSTÈRE

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La situation environnementale exige un changement de nos modes de vie. Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’Institut de géographie et de durabilité, apporte une réflexion sur l’idée de sobriété volontaire dans un ouvrage collectif qui vient de paraître.

DOMINIQUE BOURG Détenteur de deux doctorats (l’un en philo­sophie, l’autre en sciences sociales et philosophie), professeur à l’Institut de géographie et de durabilité de l'UNIL depuis 2006. Son dernier ouvrage: Sobriété volontaire. En quête de nouveaux modes de vie. Dominique Bourg et Philippe Roch (Ed.). Labor et Fides (2012). Collection «Fondations écologiques», 240 p. Nicole Chuard © UNIL

d’expériences contemporaines. «En regardant à travers l’Histoire, nous avons cherché des périodes qui ont rencontré des difficultés telles que les populations ont adopté des modes de vie moins dispendieux.» L’Empire romain propose un parallèle intéressant. Rome – qui n’a jamais annulé les dettes, tout comme l’Europe actuellement, et qui a fortement dégradé ses sols – a accumulé une richesse folle alors qu’elle imposait une fiscalité très lourde au peuple, qui en est venu à haïr profondément les dirigeants. Des éléments qui ont contribué à sa fin. Mais avant la chute, certaines élites ont abandonné Rome pour adopter des modes de vie plus sobres et construire une contre-société. Dans une deuxième partie, plusieurs auteurs reviennent sur des expériences contemporaines de sobriété volontaire. Si certains témoignages présentent des modes de vie exigeants qui sont le résultat d’un engagement fort (par exemple décider de vivre dans un écovillage), «nous n’allons pas demander à tous les gens de devenir des ascètes», rassure Dominique Bourg. Le but de l’ouvrage est de poser des questions sur les habitudes de consommation et de réfléchir à des manières de voyager ou de manger autrement, dans le but de réduire son empreinte matérielle. Sans pour autant régresser ou en devenir

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malheureux. L’environnementaliste rappelle d’ailleurs que la croissance actuelle ne semble pas amener prospérité et bonheur à la population. Symbole fort, l’espérance moyenne de vie aux Etats-Unis diminue depuis deux ans, alors que l’espérance de vie sans handicap diminue, elle, dans tous les pays occidentaux. Autre constat préoccupant: les écarts de richesse ont explosé. Les 11 Français les plus riches ont une fortune équivalente à celle des 20 millions de Français les plus pauvres. «Il faudrait promouvoir des valeurs moins “bling-bling”, plus fondamentales, ajoute le philosophe. Les jeunes d’aujourd’hui accordent énormément d’importance à la possession matérielle. On sait cependant que passé un certain niveau de richesse matérielle, on perd le sentiment d’accroissement du bien-être.» Sans être moralisateur, l’ouvrage de Dominique Bourg se veut instructif et incitateur de changements individuels. Le passage à des actions politiques n’est pas encore à l’ordre du jour des gouvernements. Mais c’est grâce à ce genre d’écrits – que Dominique Bourg dit semer comme autant de cailloux du Petit Poucet – que la réflexion avance et qu’une prise de conscience collective peut avoir lieu.  SOPHIE BADOUX

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Le constat est sans appel: les ressources naturelles ne sont pas infinies et nos modes de développement et de consommation ne sont pas durables. Les dégradations que nous infligeons à la planète pour maintenir une croissance exponentielle ne nous permettront pas de maintenir le rythme très longtemps. «A mon avis, dans cette décennie ou la suivante, nous connaîtrons déjà de gros problèmes», confie Dominique Bourg. Emissions de CO2 en constante augmentation, appauvrissement de la biodiversité, acidification des océans, artificialisation croissante des sols et des écosystèmes, disparités sociales explosives, etc.: tous ces facteurs risquent de faire éclater crises environnementales et conflits pour les ressources dans un futur proche. Selon le philosophe, de deux choses l’une: «Soit nous réduisons nos consommations matérielles et énergétiques de façon volontaire et progressive, soit ce changement nous sera imposé de façon violente et brutale.» Si le diagnostic que posent Dominique Bourg et Philippe Roch (ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement) dans l’introduction du livre est alarmant, le lecteur est invité par la suite à réfléchir de manière positive à des solutions au travers d’éclairages historiques et

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LIVRES

© Hulton Archives - iStockphoto.com

«RAPPELEZ RÉGULIÈREMENT QUE LE CHEF, C’EST VOUS» STRATAGÈME N O 08

Un ouvrage hilarant et indispensable rassemble 85 stratagèmes vicieux à l’intention des managers. Fruit d’une collaboration originale entre un chercheur de l’UNIL et un psychiatre, ce succès de librairie fait rire – jaune – dans les entreprises et sur internet. Il comporte également un volet académique prometteur.

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onument d’humour grinçant et de second degré, illustré de photographies décalées façon 50’s, Les seigneurs du management sont nés de «15 ans d’énervement», raconte Stefano Mastrogiacomo, collaborateur scientifique au Département des systèmes d'information (Faculté des HEC). Ce dernier, qui a travaillé longtemps dans le secteur bancaire, a pu constater de près les dégâts humains que produisent les pratiques toxiques de management. De son côté, le psychiatre Pierre Sindelar voit régulièrement débarquer des cadres au bout du rouleau dans son cabinet genevois. Tirées de l’observation de la vie réelle dans les bureaux, les situations et les petites phrases cruelles listées dans le recueil créent le malaise et incitent le lecteur à se poser des questions, sans lui faire la morale. La situation n’est guère riante: pour Stefano 64

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Mastrogiacomo, certaines entreprises possèdent tous les attributs des milieux hostiles, dans lesquels «de nombreux employés sont en mode survie, et se maintiennent debout à coups de médicaments». Très facile à lire, et même conçu comme un «livre d’aéroport», l’ouvrage a pour but «d’améliorer les choses ! La reconnaissance des problèmes constitue 99% de la solution», affirme l’auteur qui mène en parallèle des recherches avec Stéphanie Missonier, professeure assistante au Département des systèmes d'information, Riccardo Bonazzi (assistant étudiant dans le même département) et Flaviu Roman (assistant doctorant à l’EPFL). Un modèle de management plus sain sur le plan collectif, proposé par ces chercheurs, se trouve aujourd’hui en phase de test dans cinq entreprises de Suisse romande. Les premiers retours sont très positifs.

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«AVEC VOTRE TALENT, JE SUIS PERSUADÉ QUE VOUS SEREZ PLUS HEUREUX AILLEURS» STRATAGÈME NO 25

«CHANGEZ RÉGULIÈREMENT DE CHOUCHOU» STRATAGÈME NO 26 LES SEIGNEURS DU MANAGEMENT Par Stefano Mastrogiacomo. Avec la collaboration de Pierre Sindelar. Editions Eyrolles (2012), 236 p.

Sur le plan éditorial, Stefano Mastrogiacomo et Pierre Sindelar ne comptent pas en rester là : un deuxième tome (qui ciblera les manœuvres des employés) et un troisième (qui présentera une méthode de management simple) sont déjà prévus. Les auteurs jouent à fond la carte des réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, ainsi que du marketing viral. Un site internet (www. lesseigneursdumanagement.com) invite le lecteur à balancer ses chefs, en partageant les stratagèmes tordus auxquels il est confronté. Un moyen redoutable de constater que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.  DS


Un banquier est trouvé le crâne défoncé dans un petit village perdu près de Sion. Deux flics, le jeune bleu en quête de renom et l’alcoolique bourru, tentent de démêler une intrigue complexe, entravée par la présence d’un écrivain célèbre à la recherche d’un second souffle. Isaac Pante signe un premier ouvrage plaisant, nerveux et rythmé, qui se déroule avec une précision toute... mathématique. Ce Valaisan de 31 ans prépare une thèse en linguistique à l’UNIL sur le milieu des pompes funèbres. Il est chargé de cours en Informatique et méthodes mathématiques.  FZ JE CONNAIS TES ŒUVRES Par Isaac Pante, Editions G d’Encre (2012), 212 pages.

Le 213e Cahier Rouge de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe est consacré aux négociations en vue de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE). Un accord refusé par le peuple suisse, le 6 décembre 1992. L’économiste Philippe G. Nell, qui a participé de l’intérieur aux discussions à l’époque, raconte en détail quatre ans de travail intense. Blocages, coups de théâtre, avancées: l’ouvrage offre une visite inédite des coulisses d’un véritable opéra diplomatique.  DS SUISSE – COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE Au cœur des négociations sur l’Espace économique européen. Par Philippe G. Nell. Economica (2012), 422 pages.

Enseignant à l’UNIL, Giuseppe Merrone vient de publier L’Effet Popescu. Louise Anne Bouchard s’adresse aux lecteurs désireux de la suivre à travers sa propre jeunesse à Montréal et de pénétrer dans l’univers de cet autre étranger de Lausanne, le Roumain Marius Daniel Popescu, chauffeur de bus, séducteur, poète et prosateur qui n’hésite pas lui-même à narrer son pays d’origine et sa vie, comme dans La Symphonie du loup et Les Couleurs de l’hirondelle. Louise Anne Bouchard se glisse sur la pointe des pieds dans le sillage d’un Popescu monumental qu’elle admire et attire à elle, un jour à la sortie d’un dépôt TL, homme de chair et de papier, de maux et de mots.  NR L’EFFET POPESCU. Par Louise Anne Bouchard. BSN Press (2012), 48 p.

Eminence du parti radical, bibliothécaire cantonal puis chancelier de l’Etat de Vaud, chroniqueur et colonel divisionnaire, Ferdinand Lecomte fut un homme haut en couleur. Cet «adversaire acharné de l’esclavage» a été l’un des observateurs de la Confédération lors de la Guerre de Sécession. Le passionnant ouvrage du jeune historien David Auberson, diplômé de l’UNIL, retrace le parcours et les voyages d’un «personnage majeur de notes de bas de pages», comme le relève l’auteur.  DS FERDINAND LECOMTE 1826-1899, un Vaudois témoin de la Guerre de Sécession. Par David Auberson. Bibliothèque historique vaudoise No 136, (2012), 236 p.

«Eluveitie». Gravée vers 300 av. J.-C. à l’intérieur d’une coupe retrouvée en Italie du Nord, cette inscription est la plus ancienne mention connue d’un Helvète. Dans un ouvrage agrémenté de cartes et de dessins, l’archéologue Gilbert Kaenel retrace l’histoire d’un peuple qui a donné quelques cheveux blancs aux Romains, avant que Jules César ne leur inflige une défaite sanglante à Bibracte, en 58 av. J.-C. Ce livre inaugure une nouvelle série, «Grandes dates», consacrée à des moments-clés de l’histoire.  DS L’AN -58 LES HELVÈTES: archéologie d’un peuple celte Par Gilbert Kaenel. Presses polytechniques et universitaires romandes / Le savoir suisse (2012), 150 p.

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LA TYRANNIE DE LA MINCEUR U

n grand nombre de jeunes filles ont une relation difficile à leur corps et à la nourriture, sans pour autant être anorexiques ou boulimiques. Sophie Vust, chercheuse à l’Institut de psychologie de l’UNIL et psychologue-psychothérapeute à l’Unité multidisciplinaire de santé des adolescents du CHUV, a pris le temps d’écouter ces adolescentes et jeunes adultes qui ne savent plus comment se nourrir. Elle relate leurs inquiétudes, leurs souffrances et leur envie de s’en sortir au travers d’un livre qui questionne notre société où règne le culte de la minceur et de l’apparence. Sophie Vust espère sensibiliser le grand public et les professionnels à des troubles trop souvent méconnus ou banalisés. Ils constituent pourtant un véritable enjeu de santé publique. En effet, si seules 2 à 3% des jeunes filles souffrent d’anorexie ou de boulimie, elles sont cinq fois plus à être atteintes de troubles alimentaires atypiques, qui se manifestent par des préoccupations constantes concernant l’alimentation, le poids et l’apparence. Ces jeunes femmes s’infligent des restrictions alimentaires drastiques, souvent suivies d’abus de nourriture. Un cercle vicieux s’installe. Ces pathologies sont révélatrices de difficultés intérieures ou d’un manque d’estime de soi très fréquents à l’adolescence. Le premier pas dans les thérapies, individuelles ou de groupe, consiste alors à revaloriser ces jeunes et à leur faire comprendre que le problème ne provient ni de l’alimentation, ni de leur corps. Il s’agit aussi de «dédiaboliser» certains aliments. Maigrir est devenu un mode de vie. Les nombreuses campagnes de prévention contre l’obésité ont un effet déstabilisant et anxiogène, selon les témoignages récoltés par la psychologue. La surmédiatisation du thème de l’alimentation, les images publicitaires, le souci permanent de manger sain, conduisent en réalité à des effets délétères insoupçonnés. Sophie Vust dénonce le diktat des régimes et souhaite promouvoir une estime de soi qui ne soit pas liée à l’apparence ou au poids, afin de contribuer à prévenir les troubles alimentaires.  SB NI ANOREXIE, NI BOULIMIE: les troubles alimentaires atypiques. Quand l’alimentation pose problème... Par Sophie Vust. Editions Médecine et Hygiène (2012), 166 p. Conférence de Sophie Vust le 4 décembre 2012 à 12h15, devant l’Anthropos Café.

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CAFÉ GOURMAND

«J’AIME LES VRAIS MALADES»

Jean-François Delaloye a créé le Centre du sein au Département de gynécologie-obstétrique du CHUV. Rencontre avec un hyperactif qui prend son temps avec chaque patiente.

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e jour-là, après qu’il a opéré une patiente, Jean-François Delaloye souhaite manger dans les parages du CHUV, ou même à la cafétéria de l’hôpital, pour rester disponible en cas d’appel. En général, il n’aime pas «perdre du temps à table», même s’il s’installe tranquillement dans la conversation. Père de quatre garçons nés entre 1975 et 1984, JeanFrançois Delaloye est un homme patient. Pour lui, le temps c’est de l’or, et il faut d’abord le consacrer aux autres, les femmes notamment ! Car le professeur est un chirurgien sénologue (spécialiste du sein). Pour son premier Noël de garde, ce jeune père (premier fils à 23 ans) s’est vu projeter au-dessus d’un brancard par un blessé ivre auquel il avait eu le malheur de poser une question. «J’avais déjà choisi la gynécologie, j’aimais l’action, cette attention simultanée portée à la mère et à l’enfant, mais cet incident regrettable m’a fait comprendre à quel point je préfère la femme à l’homme, surtout à l’homme malade», raconte-t-il. Aimer l’humain ne l’empêche pas d’exercer son sens critique, envers lui-même d’abord. «Dans la vie, on pardonne mais on se souvient, de ses propres bêtises surtout. En famille, les enfants se chargent de vous renvoyer vos insuffisances à la figure, mais en médecine, si vous perdez, l’autre perd plus que vous. Dans ce métier, on n’a pas le choix, on doit avoir l’ambition de ne pas être mauvais.» D’où l’engagement fort manifesté envers ses patientes. Autrefois, beaucoup de femmes en bonne santé, venues pour un contrôle, de futures mères et de jeunes accouchées, puis

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Allez savoir !

N° 52

Septembre 2012

JEAN-FRANÇOIS DELALOYE Le professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine prend un repas léger à la cafétéria du CHUV. © Nicole Chuard

celles de tous âges dont il s’occupe aujourd’hui, ses «vraies malades» touchées par un cancer du sein. «Je ne veux pas perdre mon temps avec des personnes qui n’ont peut-être pas grand-chose. Je m’intéresse à la maladie grave, celle que l’on résout à plusieurs, le radiologue, le pathologiste, le chirurgien, le plasticien et le fondamentaliste avec qui vous êtes en contact pour essayer de nouveaux traitements. Le Centre du cancer fonctionne de manière interdisciplinaire», précise-t-il. Sur le plan chirurgical, JeanFrançois Delaloye a vécu le passage de la mutilation à la conservation du sein. En matière de radiothérapie, «nous sommes en train de passer de l’irradiation complète du sein à l’irradiation du lit de la maladie». Le dépistage contribue également

UNIL | Université de Lausanne

UN GOÛT QUI RAPPELLE VOTRE ENFANCE ?

Celui des mûres chez mes grands-parents et grands-tantes à Versoix.

LE GOÛT DONT VOUS RÊVEZ ?

Celui d’un café croissant pris debout dans un bar à Milan.

QUEL REPAS POUR UNE FIN DU MONDE CE SOIR ?

Si c’était la fin du monde ce soir, pourquoi devrais-je manger? Je ne me mettrais donc pas à table.

à la baisse de la mortalité dans ce domaine. Les traitements s’améliorent, les décisions changent. Un élément demeure: «L’approche des gens, qui reste essentielle. A l’heure de la robotique médicale, de la chirurgie à distance, il faudra se souvenir de rester proches des patients. Il ne suffit pas d’aborder les malades par une petite ouverture, par le trou de la serrure; il faut aller main dans la main avec les gens et leur tenir la tête hors de l’eau, même s’ils sont en train de couler», affirme ce professeur qui aime l’enseignement. Il organise à l’UNIL des cours pré- et postgradués, sans oublier les colloques comme le Congrès suisse de sénologie qu’il vient d’accueillir à Lausanne. «Je me serais ennuyé à mourir dans un cabinet», conclut-il. On le croit volontiers.  NADINE RICHON


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