Rapport sur le développement humain 2013

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Sud-Sud étaient abaissés au niveau des tarifs Nord-Sud, il en résulterait un gain de prospérité de l’ordre de 59 milliards de dollars pour le Sud.37 Même en Afrique, avec des mécanismes institutionnels appropriés pour l’ouverture des marchés agricoles, il existe un vaste potentiel de croissance du commerce fondé sur les cultures agricoles très variées de la région. Le cycle de Sao Paulo de 2010 est un bon exemple d’accord régional réussi. Lors de ce cycle, 22 pays en développement ont accepté de réduire les tarifs douaniers d’au moins 20 % sur près de 70 % des échanges qu’ils réalisent entre eux. Ces réductions ont été négociées dans le cadre du système global de préférences commerciales, établi en 1989 pour tirer parti de la clause d’habilitation des accords de l’Organisation mondiale du commerce, qui permet aux pays en développement de s’accorder des concessions entre eux sans remettre en cause leur obligation de traitement de la nation la plus favorisée. Les accords bilatéraux peuvent relancer les échanges commerciaux en cas de stagnation des négociations multilatérales. D’autres possibilités telles que les accords commerciaux préférentiels visant à atteindre l’objectif d’un commerce plus

libre et non-discriminatoire, pourraient être supervisées par une institution multilatérale comme l’OMC ou par des organismes régionaux. Prenons l’exemple des négociations qui visent à réduire les subventions à la production intensive et à l’exportation dans l’agriculture principalement octroyées par les pays développés. Ces subventions faussent le commerce mondial et exposent les agriculteurs des pays en développement à une concurrence déloyale. Cependant, il est pratiquement impossible de traiter ce problème de manière satisfaisante à un niveau bilatéral ou régional ; il requiert des disciplines multilatérales qui ne peuvent être négociées qu’à l’OMC. Face au dilemme selon lequel la plupart des pays admettent la nécessité impérieuse d’un organe multilatéral fort pour arbitrer les règlements du commerce mondial tout en sachant que le régionalisme est appelé à perdurer, l’une des solutions réside dans la « multilatéralisation du régionalisme » de façon graduelle.38

ENCADRÉ 5.3 Le financement régional en Asie : la multilatéralisation de l’initiative de Chiang Mai et la Banque asiatique de développement La crise financière actuelle a donné une forte impulsion à l’initiative de Chiang Mai, un accord régional conclu entre les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, plus la Chine, le Japon et la République de Corée (ASEAN+3). Début 2009, l’initiative a été « multilatéralisée » et rebaptisée « multilatéralisation de l’initiative de Chiang Mai ». À ce moment-là, tout décaissement de plus de 20 % des crédits disponibles en faveur d’un pays requerrait l’adhésion du pays emprunteur à un programme de surveillance du Fonds monétaire international (FMI), destiné à prendre en charge la tâche difficile consistant à élaborer et à mettre en œuvre la surveillance régionale. Les membres de l’ASEAN+3 ont continué à approfondir la multilatéralisation de l’initiative de Chiang Mai. En mai 2012, les capacités du swap de devises ont été doublées pour être portées à 240 milliards de dollars. En 2012-2013, il n’est plus nécessaire d’être soumis à un programme du FMI tant que les décaissements n’excèdent pas 30 % du seuil maximum pour le pays (40 % en 2014, dans l’attente de l’aboutissement des discussions en cours). La durée des swaps, qu’ils soient soumis ou non au FMI, a été prolongée. Et pour la première fois, une facilité de financement appelée « ligne de crédit préventive » a été mise en place, pour permettre aux membres de recourir aux swaps selon une formule fondée sur la taille du pays. (L’initiative sur les marchés obligataires asiatiques a également été étendue en mai 2012.) Le Bureau de recherche macroéconomique de l’ASEAN+3 a vu le jour le 30 janvier 2012 avec pour vocation d’effectuer la surveillance des membres au titre de l’article IV du FMI. Il se décrit lui-même comme le « dispositif régional de Source : Woods 2010 ; Chin 2010, 2012 ; Ocampo et autres 2010 ; ADB 2009 ; Ciorciari 2011 ; AMRO 2012.

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surveillance de la multilatéralisation de l’initiative de Chiang Mai ». Son rôle est de surveiller et d’analyser les économies régionales et de contribuer à la détection précoce des risques, à la mise en œuvre des actions de réparation et à une prise de décision efficace conformément à l’initiative. Certains observateurs ont constaté des tensions à l’égard de son mandat, sans compter la réticence persistante en Asie à critiquer les politiques des voisins de la région et par conséquent les obstacles à l’exécution d’une surveillance ferme. Avant le déclenchement de la crise financière mondiale, les activités de prêt de la Banque asiatique de développement (BAD) dépassaient déjà celles de la Banque mondiale dans la région. La crise n’a fait que renforcer cette tendance. La BAD a parfois répondu plus vite aux besoins et avec des prêts plus importants que le FMI et la Banque mondiale. Elle a par ailleurs mis en place de nouveaux types de programmes de financement rapide temporaire et des mécanismes de prêts contracycliques pour soutenir les pays en développement et à faible revenu. En avril 2009, l’Indonésie a proposé qu’une partie des nouveaux financements du FMI soient décentralisés à la BAD. Avec le soutien du Groupe des 20, la BAD a mis au point un mécanisme de soutien contracyclique pour fournir jusqu’à 3 milliards de dollars aux pays d’Asie touchés par la crise. Entre 2008 et 2009, les engagements de prêt de la BAD ont augmenté de 42 % et ses décaissements de 33 %. D’autres banques de développement régional n’ont pas tardé à suivre l’exemple de la BAD et se sont vu octroyer une partie des nouveaux fonds affectés au FMI pour établir de nouveaux mécanismes de prêt régionaux en vue de promouvoir un soutien contracyclique rapide dans leur région.


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