Rapport régional sur la Décentralisation

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DÉCENTRALISATION ET DÉMOCRATIE LOCALE DANS LES PAYS DE L’ESPACE UEMOA

Rapport régional sur la décentralisation et la démocratie locale dans les pays de l’espace UEMOA

amgb

AVRIL 2011


DÉCENTRALISATION ET DÉMOCRATIE LOCALE DANS LES PAYS DE L’ESPACE UEMOA

Document réalisé sur financement de l’Union Européenne

United Cities and Local Governments Cités et Gouvernements Locaux Unis Ciudades y Gobiernos Locales Unidos


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Rapport régional sur la décentralisation et la démocratie locale dans les pays de l’espace UEMOA


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TABLE DES MATIÈRES Sigles et abréviations

8

1 Avant-propos

9

2 Vue d’ensemble de la décentralisation et de la démocratie locale dans la région de l’Afrique de l’ouest

17

. Introduction générale

18

2. L’évolution des structures

24

2.1 Politique et stratégie de décentralisation nationale

24

2.1.1 Historique et évolution du processus

24

2.1.2 Les objectifs visés et les défis des politiques de décentralisation

26

2.2. Evolution de la structure territoriale et fonctionnelle du gouvernement local

27

2.3. Structure et/ou politiques publiques spécifiques à l’organisation des grandes métropoles

29

2.4. Evolution des relations entre l’État et les collectivités locales.

30

2.5. Impact de la décentralisation sur les territoires, le développement et les conditions de vie de la population

32

2.6. Impact et participation des collectivités locales aux processus régionaux d’intégration

33

3. Responsabilités, finances et gestion

35

3.1. Compétences

35

3.1.1. Les modalités de transfert des compétences aux collectivités locales

35

3.1.2. Les principaux services locaux assurés par les collectivités locales

36

3.2. Gestion financière

38

3.2.1 Le poids des collectivités locales dans les ressources publiques

38

3.2.2. L’Autonomie des collectivités territoriales en matière de dépenses

40

3.2.3. Les sources de financement des collectivités locales

41

3.2.4. La promotion du développement économique local (DEL)

50

3.3. Capacités administratives

53

3.3.1. L’évolution du service public local

52

3.3.2. Les programmes de renforcement des capacités des collectivités territoriales

54

3.3.3. Le statut du service public local : une évolution progressive vers la mise en place de fonctions publiques territoriales

56

3.3.4. Le respect de l’intégrité, de la transparence et les progrès effectués dans la gestion de la prestation de services dans les collectivités locales

57

4. Démocratie locale

59

4.1. Système politique local

59

4.1.1. Rôle, structure et influence des partis politiques dans la représentation locale

59

4.1.2. Systèmes d’élection des conseils et des autorités exécutives

61

4.1.3. Relations entre les institutions traditionnelles ou de droit coutumier et les collectivités locales

62

4.2. Participation citoyenne

63

4.2.1. Formes de participation citoyenne innovantes dans la vie politique au niveau local

63

4. 3. Relations entre États et collectivités locales

68

4.4. Rôle des associations de gouvernements locaux

69

4.4.1. Typologie des APL en Afrique de l’Ouest

69


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TABLE DES MATIÈRES 4.4.2. Missions des APL en Afrique de l’Ouest

70

4.4.3. Fonctionnement des APL en Afrique de l’Ouest

71

4.4.4. Quelques difficultés rencontrées par les APL

72

4.4.5. Perspectives et recommandations

72

Conclusion

73

4

75

Recommandations politiques en faveur de la décentralisation dans l’espace UEMOA

1. Sur les réformes en faveur de la décentralisation : recommandations générales

76

2. Sur l’organisation territoriale

76

3. Sur la décentralisation et la démocratie locale

76

4. Sur l’évolution des relations entre le gouvernement central et les collectivités locales

76

5. Sur les Associations de pouvoirs locaux

77

6. Sur la fourniture et la gestion des services par les collectivités territoriales

77

7. Sur les capacités et le fonctionnement des Collectivités territoriales

77

8. Sur l’amélioration des finances des collectivités territoriales

78

Bibliographie

70


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SIGLES ET ABRÉVIATIONS AALGB :

Association des Autorités Locales de Guinée Bissau

ACCM :

Association des cercles du Mali

ACCRM :

Association des collectivités cercles et régions du Mali

ACPT :

Associations des Collectivités Préfecture du Togo

ADDCI :

Association des départements et Districts de Côte d’Ivoire

ADEPAC :

Projet d’appui à la décentralisation et à la participation citoyenne au Burkina Faso

ADM :

Agence de Développement Municipal au Sénégal

AIMF :

Association internationale des maires francophones

AMBF :

Association des municipalités du Burkina Faso

AMM :

Association des Municipalités du Mali

AMN :

Association des Municipalités du Niger

AMS :

Association des Maires du Sénégal

ANCB :

Association nationale des communes du Bénin

ANCR :

Association Nationale des conseillers Ruraux

ANFICT :

Agence nationale de financement des collectivités territoriales au Niger

ANICT :

Agence Nationale d’Investissement des Collectivités territoriales au Mali

APL :

Association de pouvoirs locaux

ARBF :

Association des Régions du Burkina Faso

ARM :

Association des Région du Mali

ARS :

Association des Régions du Sénégal

BRVM :

Bourse régionale des valeurs mobilières

CAEL :

Cellule d’Appui aux Elus Locaux

CCT :

Conseil des collectivités territoriales de l’espace UEMOA

CEFAL :

Centre de formation pour l’administration locale


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SIGLES ET ABRÉVIATIONS CFCT :

Centre de formation des collectivités territoriales

CFGCT :

Centre de formation et de gestion des collectivités territoriales

CGLU :

Cités de Gouvernements Unis Locaux

CGLUA :

Cités et gouvernements locaux unies d’Afrique villageoises de gestion des terroirs

CPCT :

Caisse de Prêts aux Collectivités Territoriales au Niger

CSCRP :

Cadre stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté

CSMOD :

Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation au Burkina Faso

CVD :

Conseil villageois de Développement (Burkina Faso)

DCPND :

Document cadre de politique nationale de décentralisation (Mali)

FACT :

Fonds d’Appui aux Collectivités Territoriales (Togo)

FADEC :

Fonds d’appui au développement des communes (Bénin)

FER :

Fonds d’équilibre financier (Guinée Bissau)

FNACT :

Fond National d’appui aux Collectivités Territoriales (Mali)

FPCL :

Fonds de Prêt aux Collectivités Locales (Côte d’Ivoire)

FPDCT :

Fonds Permanent de Développement des Collectivités Territoriales (Burkina Faso)

OMD :

Objectifs du Millénaire pour le Développement

PONADEC :

Politique nationale de décentralisation et de déconcentration (Bénin)

PPTE :

Pays pauvre très endetté

PIRDU :

Programme indicatif régional de développement urbain

SCADD :

Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (Burkina Faso)

UAEL :

Union des Association d’Elus Locaux

UCT :

Union des communes du Togo

UEMOA :

Union Economique et Monétaire Ouest Africain

UVICOCI :

Union des villes et communes de Côte d’Ivoire


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AVANT-PROPOS Avec l’effort constant des uns et des autres, la décentralisation de l’administration territoriale commence par devenir une réalité dans la plupart des pays du continent africain. Du Maghreb au Cap en passant par le Sahara, les collectivités territoriales existent et travaillent pour le développement des peuples africains. Il est vrai que l’organisation n’est pas uniforme et les responsabilités confiées aux autorités locales tendent à baisser de volume dans certains pays. Cependant, la dynamique décentralisatrice est en marche de façon irréversible et est appelée à se renforcer au fil des ans. C’est ce qu’a compris l’Afrique de l’Ouest en créant au niveau de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), un organe spécifique de représentation des collectivités locales : le Conseil des Collectivités Territoriales (CCT) de l’Union. Cette importante mutation survenue dans l’environnement institutionnel de cette sous région de l’Afrique révèle, s’il était encore nécessaire, la reconnaissance par les Hautes Autorités de nos Etats de la contribution remarquable des collectivités territoriales africaines dans le développement. Pour accompagner cette dynamique et documenter les expériences qui se développent dans la sous région, Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA) en accord avec Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) qui est la représentation mondiale des collectivités locales, a appuyé l’élaboration de ce rapport sur l’état des lieux de la décentralisation dans les pays de l’UEMOA. Le processus a été conduit par les APL de la sous région sous la supervision des deux faitières énoncées ci-dessus. Le présent rapport a été initié dans l’optique de produire des analyses sur les avancées et les éventuels reculs de la démocratie locale et de la décentralisation dans l’espace UEMOA, anticiper les évolutions possibles, analyser les obstacles rencontrés et les solutions pour y faire face. Sa réalisation s’appuie d’abord sur les rapports GOLD produits par CGLU, notamment les chapitres Afrique du rapport Gold I (2008) qui fait un point global sur l’état de la décentralisation sous différents angles et du rapport Gold II (2010) qui met l’accent sur la question du financement des collectivités territoriales. Il reprend aussi divers travaux et réflexions d’institutions et d’acteurs de la décentralisation et de la gouvernance locale en Afrique. Il est structuré autour de quatre points : i) l’introduction qui présente le contexte général d’évolution de la décentralisation dans l’espace UEMOA, ii) l’évolution des collectivités locales et leur articulation avec les structures de l’État, iii) la gestion financière des collectivités locales et les différentes responsabilités et compétences, iv) et la démocratie locale. Une série de recommandations politiques régionales en faveur de la décentralisation, déjà discutées et validées au cours d’un atelier sous régional , sont également présentées à la fin du document; elles portent sur différents thèmes : l’organisation, les fonctions et la gestion des collectivités locales, la démocratie locale, les relations entre l’État et les collectivités locales, le rôle des Associations de pouvoirs locaux, la fourniture et la gestion des services publics locaux, les finances locales. Ces recommandations constituent aujourd’hui, un Agenda des priorités régionales de la décentralisation et peuvent servir d’outil de lobbying pour les APL de l’espace UEMOA. CGLUA félicite les APL de l’espace UEMOA pour l’élaboration de ce rapport qui peint véritablement le tableau de la décentralisation dans la sous région. Cette production documentaire vient enrichir à n’en point douter, la disponibilité informationnelle sur la décentralisation au niveau de cette partie du continent et constitue une référence sur la question. Je voudrais également, au nom de toutes les collectivités territoriales africaines, remercier l’Union Européenne qui a financé l’élaboration et l’édition du présent rapport. Chers Elus Locaux de l’UEMOA, vous avez produit un document de qualité, vous venez d’être intégrés dans le dispositif institutionnel de l’Union, il ne vous reste qu’à montrer à la face du monde ce que vous avez été pendant ces longues années : les bâtisseurs infatigables de nos cités. Jean-Pierre ELONG MBASSI Secrétaire Général de CGLUA


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VUE D’ENSEMBLE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA DÉMOCRATIE LOCALE DANS LA RÉGION DE L’AFRIQUE DE L’OUEST


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INTRODUCTION GENERALE

A

l’instar des pays de l’Afrique de l’Ouest, les pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA) se sont engagés dans la réalisation de réformes de décentralisation depuis le milieu des années 80, chacun suivant son rythme. Les réformes mise en œuvre ont favorisé presque partout, une meilleure gestion de proximité des affaires publiques d’intérêt local. Cette évolution sensible du paysage institutionnel local s’est concrétisée par une plus grande autonomie de gestion financière et administrative des collectivités locales. Comme un peu partout en Afrique, les dynamiques sociopolitiques engagées au début des années 1990, avaient conduit certains observateurs à annoncer une « vague de démocratisation » qui devait entraîner l’instauration du pluralisme politique, économique et syndical et l’organisation d’élections concurrentielles. Près de 20 ans plus tard, on constate que les élections se sont imposées comme la procédure légitime de la compétition politique et que le vocabulaire de la démocratie est aujourd’hui largement repris et plébiscité par la majorité des dirigeants ainsi que par les institutions régionales. La communauté internationale a contribué à la diffusion de cette norme démocratique en réclamant et finançant parfois à grand frais l’organisation des scrutins électoraux. L’UEMOA a été créée le 10 janvier 1994, à Dakar, avec comme objectifs de « i) renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des États membres ; ii) assurer la convergence des performances et des politiques macro-économiques des États membres, à travers une procédure de surveillance multilatérale ; iii) créer entre les États membres un marché commun, basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes ainsi que sur un Tarif Extérieur Commun et une politique commerciale commune ; iv) coordonner les politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre d’actions communes, dans les grands domaines de la vie socio-économique des États membres ; v) harmoniser les législations des États membres, en matière économique ». Elle est composé de 8 pays côtiers et sahéliens (Bénin, Burkina Faso, Côte d’ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) liés par des traditions culturelles communes et également par l’usage d’une monnaie commune, le Franc CFA. Au plan économique, son évolution a été impactée par la crise financière et économique internationale. Ainsi, en 2009, la croissance du PIB réel s’est limitée à 3%, contre 3,7 % en 2008 et l’inflation est ressortie à 1,3% contre 7,4% en 2008. La gestion des finances publiques a été marquée par des difficultés de trésorerie persistantes et un déficit du solde global hors dons, qui s’est établi à 7,2% contre 5% en 2008. En 2010, l’UEMOA a enregistré un taux de croissance de 4,3%, grâce à la bonne tenue de la production vivrière, la vigueur de la production minière ainsi que le regain de dynamisme du secteur du Bâtiment et des Travaux Publics. Quant au taux d’inflation annuel moyen de l’Union, il est estimé à moins de 3%, en 2010, soit un taux conforme à la norme fixée par le Pacte de convergence (rapport annuel 2010 UEMOA).


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Les pays de l’UEMOA tout comme les autres pays africains ont été confrontés à la fin de la décennie 80 au problème du fardeau de la dette extérieure. L’encours de la dette publique représenterait 41,2% du PIB (fin décembre 2009), en diminution de 3 points de pourcentage par rapport à fin décembre 2008, sous l’effet des allègements obtenus par le Togo et la Côte d’Ivoire, qui ont atteint le point de décision de l’Initiative PPTE (pays pauvre très endetté), respectivement en novembre 2008 et mars 2009 (rapport annuel BOAD 2009). L’initiative PPTE est une initiative d’allégement de la dette des pays pauvre, engagée en 1996 (et améliorée en 1999), par la Banque mondiale et le FMI pour éviter que la dette ne compromette le processus de développement économique des pays concernés et appuyer les politiques de lutte contre la pauvreté en respectant des engagements en matière de financement des secteurs sociaux. Il faut relever que cinq pays (Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger et Sénégal) ont dès la première phase atteint le point d’achèvement au titre de l’initiative PPTE renforcée en 1999. Globalement au plan économique, à l’instar des autres régions du monde, l’UEMOA a ressenti l’impact de la crise économique et financière mondiale qui a frappé l’économie mondiale, durant les années 2008 et 2009 et les pays membres ont connu une baisse de leurs recettes d’exportation consécutive à la contraction de la demande mondiale et une diminution des flux financiers reçus du reste du monde.

Tableau 1 : Croissance économique par pays Pays Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Guinée Bissau Mali Niger Sénégal Togo

Taux de croissance 2,8 5,5 3,0 4,5 5,8 4,6 3,4 3,5

Source : Rapport annuel 2010 Commission UEMOA

Les effets de la crise financière internationale La crise financière internationale n’a pas eu d’effets directs sur les institutions financières de l’Union, en raison de leur faible intégration au système financier international. Les conséquences de la crise ont essentiellement été ressenties au niveau de la économie réelle et se sont traduits par (i) un ralentissement de la demande étrangère, qui a entraîné un repli de l’activité dans les secteurs tournés vers l’extérieur, (ii) la baisse des cours des principaux produits d’exportation et (iii) la baisse des flux d’entrée de ressources financières. Ce faisant, la crise a de fait affecté les pays de l’Union dans la quasi-totalité des secteurs de l’économie. D’une manière générale, il est noté un ralentissement de la croissance, lié à la baisse de l’activité dans les Bâtiments et Travaux Publics, l’industrie de transformation du bois, les industries textiles et le commerce. Au-delà de l’effet direct sur la production des secteurs d’activité, la crise financière s’est traduite par des incertitudes dans la réalisation de certains investissements, aussi bien publics que privés. Le secteur minier, qui tend à devenir le principal moteur de la croissance dans plusieurs pays de l’Union, est le plus affecté.


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Encadré 1 : Les effets des changements climatiques Les changements climatiques constituent aujourd’hui, plus que jamais, une question majeure de développement au niveau mondial et principalement en Afrique, l’un des continents les plus touchés par ses effets. Ils engendrent des problèmes dans les domaines de l’agriculture, de l’assainissement, du traitement et de la gestion des eaux, ainsi que d’importants dégâts sur les infrastructures de base et modernes de transport, de communication, de santé et d’éducation, sur les habitations situées près des côtes, et aussi sur les résultats liés à la lutte contre la pauvreté. Dans l’espace UEMOA, on assiste, depuis plusieurs années, à des manifestations de ces changements climatiques, avec l’avènement de phénomènes météorologiques extrêmes, qui ont des effets néfastes sur la santé, l’éducation et l’agriculture, menaçant ainsi gravement la sécurité alimentaire dans la sous région. Ainsi au cours de l’année 2009, plusieurs pays (Sénégal, Togo, Burkina Faso, Niger) ont subi de graves inondations, dues aux pluies torrentielles qui ont rasé plusieurs villages, des milliers d’habitations et endommagé des infrastructures (ponts, routes, hôpitaux, écoles) au Burkina Faso, au Bénin, au Niger, au Sénégal et au Togo notamment. Ces événements ont eu des impacts diversifiés selon les pays, au plan humain, économique, social et financier : inondation de milliers d’hectares de superficies cultivées, enclavement de certaines régions agricoles, déplacement de populations occupant des zones inondables dans les villes, pertes de récoltes entrainant ainsi une réduction de l’offre de produits alimentaires et agricoles. L’agriculture des pays de l’UEMOA est fortement tributaire des conditions pluviométriques, la production agricole étant réalisée à près de 96% en culture pluviale. Ainsi, les effets de la variabilité et du changement climatique (sécheresse/inondations) impactent plutôt négativement la productivité et la production agricole, la disponibilité alimentaire au niveau des ménages agricoles et des marchés, ainsi que les prix des produits agricoles. Extrait rapport annuel BAD 2009

Dans ce contexte, la situation de l’emploi s’est dégradée, accentuant le risque d’aggravation de la pauvreté dans l’ensemble de l’Union. Un repli est également constaté dans les transferts des migrants, évalués en moyenne à 3,0% du PIB dans l’UEMOA, et qui constituent un des principaux postes d’entrées de devises dans certains États membres (rapport annuel 2009 BOAD). Par ailleurs, l’économie de l’UEMOA souffre depuis quelques années des effets des changements climatiques qui ont un impact négatif sur le développement socioéconomique et humain de l’Union. Plus globalement, les effets cumulés de la crise financière et économique internationale, des changements climatiques et des crises politiques, en particulier en Côte d’Ivoire, ont eu des impacts négatifs sur les performances économiques plus récentes de la région, en dépit des efforts faits par les États pour atteindre les OMD, et plus généralement pour le progrès social. Au plan du développement humain, les États membres de l’UEMOA sont toujours classés parmi les pays caractérisés par de faibles indices de développement humain. Néanmoins, il est noté une amélioration continue dans cinq des pays de l’Union, entre 2000 et 2007. La pauvreté humaine a légèrement reculé dans la plupart des États de l’Union, entre 2005 et 2007, avec un progrès global, au niveau de la santé et de l’éducation. Cependant malgré les progrès enregistrés, les conditions de vie demeurent globalement précaires, avec la persistance des difficultés d’accès aux services publics de base, à savoir l’eau potable, l’électricité, les infrastructures sanitaires, l’assainissement et l’éducation. Au plan démographique, l’évolution est très importante avec une population totale estimée à 90 474 000 habitants et un taux d’accroissement naturel estimé entre 2 à 3% par an selon les pays. La population de l’ensemble de la zone, élargie à l’espace CEDEAO, a été multipliée par 3,8 pendant un demi-siècle, entre 1950 et 2000 (Africapolis).


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La croissance urbaine demeure également un phénomène important dans les pays de l’UEMOA . En dépit de cette forte croissance, le taux d’urbanisation demeure le plus bas du monde. Il s’élevait à 7,5% en 1950, 32% en 2000 et devrait passer à 35% en 2020. Le mouvement d’urbanisation suit l’évolution globale du phénomène constaté en Afrique de l’ouest et qui se caractérise ainsi par la mise en place d’un double mouvement : i) la prolifération de nouvelles petites agglomérations qui franchissent chaque année le seuil de l’urbain, ii) et l’affirmation très marquée des métropoles (capitales nationales actuelles ou anciennes). Globalement, les capitales semblent écraser la hiérarchie urbaine de leur pays, Les villes de plus de 100 000 habitants se sont développées mais sont encore peu nombreuses, tandis que les petites villes se sont quant à elles multipliées, notamment dans l’espace rural, à la périphérie des grandes villes et le long des axes routiers. L’armature urbaine des petits pays les moins peuplés, comme la Guinée Bissau et le Togo, repose sur une métropole et quelques petites villes (Africapolis). Tableau 2 Situation démographique et urbanisation des collectivités locales de l’espace UEMOA Régions

Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Guinée Bissau Mali Niger Sénégal Togo

Population (millions) (2009) 8,792 15,746

Superficie Taux urbanisa- Pop. moyenne au niveau (en km2) tion (%) (2007) local (en milliers) 115 700 274 100

47 18

120 43

Pop. dans la capitale (en milliers) 223,5 1 475

20,617

322 500

46

20

3 802

1,520

36 100

40

-

387

12,667 15,306 13,712 6,020

1 240 000 1 267 000 197 200 56 800

41 26 52 37

18 55 29 19

1 494 1000 2 604 1 452

L’espace UEMOA compte entre 30 et 40 villes de plus de 100 000 habitants, avec 7 agglomérations dont les populations dépassent le million d’habitants. L’urbanisation galopante a entraîné une extension des territoires des viles et grandes agglomérations (superficies urba-


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nisées) avec la constitution de nouvelles zones d’habitations (formelle, informelle). Dans le même temps, les autorités locales doivent faire face dans les zones anciennement ou nouvellement urbanisées aux besoins croissants des populations en services essentiels (terrain à bâtir, eau, électricité, infrastructures éducatives et sanitaires, électrification, etc.), sans pour autant qu’elles aient les capacités d’y répondre. Elles doivent également faire face à l’accumulation et à la concentration de nuisances, le développement de la précarité et de la pauvreté et aux disparités d’accès aux services de base en milieu urbain. Au plan politique, depuis les années 1990, on note à l’instar des autres pays du continent, une progression importante du nombre de régimes politiques démocratiques dans les pays de l’UEMOA. L’accès au pouvoir d’État se fait moins par des coups d’État et les systèmes politiques consacrent le multipartisme et le suffrage universel comme modalités du choix des dirigeants au plan national et local. Il existe cependant encore des foyers de tensions et des pays où les systèmes politiques et institutionnels restent fragiles (Côte d’Ivoire, Guinée- Bissau). Enfin, les régimes constitutionnels sont tous des régimes présidentiels, à l’exception du Niger qui a un régime semi présidentiel. Tableau 3 : Situation politique des pays de l’UEMOA Pays. Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Guinée Bissau Mali Niger Sénégal Togo

Régimes politiques Présidentiel Présidentiel Présidentiel Présidentiel Présidentiel Semi-présidentiel Présidentiel Présidentiel

Types d’État Unitaire Unitaire unitaire Unitaire Unitaire Unitaire Unitaire Unitaire


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En matière de décentralisation La plupart des huit pays de l’UEMOA ont suivi le vaste mouvement de démocratisation et de décentralisation de l’administration territoriale, qui a touché l’Afrique de l’ouest. L’état des lieux de la décentralisation dans les pays montre que le processus est en pleine évolution. La décentralisation est en effet inscrite dans les différentes Constitutions de ces pays en faisant référence aux collectivités territoriales comme niveau à part entière de gouvernance publique au niveau local. La plupart des pays ont adopté une politique et une stratégie nationale en la matière et disposent également d’une législation relativement fournie avec un grand nombre de textes d’application (décrets, arrêtés…) ; mais cette profusion des textes complique la mise en œuvre de la décentralisation et introduit des délais importants entre le vote des textes de lois et leur application concrète. Enfin, la croissance sensible et continue au plan quantitatif, du nombre des collectivités locales permet de couvrir ainsi de plus en plus largement les territoires urbains et ruraux. Globalement, la décentralisation est déjà effective dans six pays de l’UEMOA (Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Mali, Bénin, Niger). Dans deux pays (Togo, Guinée Bissau), elle n’est pas encore mis en œuvre sur le terrain, mais le cadre légal existe (Togo) ou est dans le circuit d’adoption par l’assemblée nationale (Guinée Bissau). Mais elle connaît de nombreuses difficultés qui se présentent comme des défis à relever aussi bien par les pouvoirs centraux que par les collectivités locales et leurs structures faîtières nationales, les Associations de pouvoirs locaux (APL). Pour les huit pays de l’UEMOA ici ciblés, l’état des lieux de la décentralisation qui suit, a été initié dans l’optique de produire des analyses sur les avancées et les éventuels reculs de la démocratie locale et de la décentralisation, anticiper les évolutions possibles, analyser les obstacles rencontrés et les solutions pour y faire face dans les pays de l’Union et à l’échelle régionale. Sa réalisation s’appuie d’abord sur les rapports Gold produits par CGLU, notamment les chapitres Afrique du rapport Gold I (2008) qui fait un point global sur l’état de la décentralisation sous différents angles et du rapport Gold II (2010) qui met l’accent sur la question du financement des collectivités territoriales. Il reprend aussi divers travaux et réflexions d’institutions et d’acteurs de la décentralisation et de la gouvernance locale en Afrique. Après la partie introductive qui présente le contexte général d’évolution de la décentralisation dans l’espace UEMOA, le rapport aborde trois autres points i) l’évolution des collectivités locales et leur articulation avec les structures de l’État, ii) la gestion financière des collectivités locales et les différentes responsabilités et compétences, iii) et la démocratie locale. La dernière partie du rapport présente une série de recommandations politiques régionales en faveur de la décentralisation, déjà discutées et validées au cours d’un atelier sous régional organisé mi décembre 2010, par l’ANCB pour le compte des APL de l’UEMOA avec l’appui du Secrétariat Mondial de CGLU. Ces recommandations qui portent sur différents thèmes (l’organisation, les fonctions et la gestion des collectivités locales ; la démocratie locale ; les relations entre


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l’État et les collectivités locales ; le rôle des Associations de pouvoirs locaux ; la fourniture et la gestion des services publics locaux ; les finances locales) constituent aujourd’hui, un Agenda des priorités régionales de la décentralisation et peuvent servir d’outil de lobbying pour les APL de l’espace UEMOA.

2. L’ÉVOLUTION DES STRUCTURES

2.1 Politique et stratégie de décentralisation nationale 2.1.1 Historique et évolution du processus

Les expériences de décentralisation dans les pays de l’espace UEMOA trouvent leur origine dans la période coloniale. Elles ont été maintenues et renforcées à l’aube des Indépendances et ont connu une accélération au début des années 1990. Les premières expériences de décentralisation ont démarré au XIXe siècle au Sénégal et se sont étendues progressivement au XXe à tous les territoires coloniaux. Elles ont ressemblé davantage à une forme de déconcentration administrative qui visait surtout la maîtrise du territoire et l’encadrement des populations locales par le colonisateur. Elles reposaient sur le système de la gestion directe (direct rule), en vigueur dans tous les pays de la sous-région de tradition française ou lusophone. Ce système permettait un encadrement administratif du territoire colonial (en cercles, subdivisions et cantons) placé sous la responsabilité des administrateurs coloniaux, mais ne donnait qu’un rôle consultatif aux assemblées locales, contrairement au système de gestion directe « indirect rule » (rapport Gold Afrique)6 . Le Sénégal est le premier pays d’Afrique francophone à connaitre la communalisation avec Saint-Louis et Gorée en 1872, Rufisque en1880 et Dakar en 1886. Dans un certain nombre de pays (Côte d’Ivoire, Niger), c’est la loi française n°55-1489 du 18 novembre 1955, qui institue la mise en place de commune de plein exercice (Abidjan, Bouaké et grand Bassam, en Côte d’Ivoire ; Niamey au Niger), puis un décret de 1957 donne aux chefs de territoire le pouvoir de créer des communautés rurales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Au lendemain des indépendances, la période se caractérise par le maintien par les nouveaux États des structures administratives héritées de la colonisation, ce qui ne contribua guère à changer les perceptions sur ces structures décentralisées.

La décentralisation au cours de la période coloniale : une expérience qui visait davantage un encadrement administratif du territoire colonial

Les années 80 - 90 : une période d’accélération du processus avec la promulgation de différentes lois de décentralisation.

Dans les années 80, et surtout avec la vague de démocratisation des années 90, on voit naître une nouvelle orientation et un regain d’intérêt à l’égard de la décentralisation avec des collectivités locales qui prennent en main une bonne partie des affaires qui les concernent. Après avoir adopté depuis le milieu des années 80, des politiques d’ajustement libéral et d’ouverture économique qui ont également inspiré les réformes des collectivités locales et des politiques urbaines, les États africains


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avec la vague de démocratisation des années 90, ont connu une accélération du processus décentralisation avec la promulgation de lois dans les différents pays. Au Sénégal, la promulgation d’un ensemble de lois (96-06 et 96-07 du 22 mars 1996), donne une nouvelle dimension à la politique de décentralisation, en conférant une plus grande autonomie aux collectivités locales, celles déjà existantes (communes et communautés rurales) et celles nouvellement créées (régions). Au Niger, malgré les soubresauts politiques qui ont bouleversé le pays depuis 1996, et qui ont retardé la mise en œuvre de la politique de décentralisation, les 1ères élections communales sont organisées en 1999. Au Burkina Faso, le processus de décentralisation entamé depuis 1993, a débouché sur l’organisation des premières élections locales en 1995. Dans les années 2000, avec l’évolution des orientations et stratégies de développement dans les différents pays de l’UEMOA on assiste au Les années 2000 : une place plus passage des DSRP (documents de stratégie de réduction de la pauimportante à la décentralisation vreté) aux documents dans les nouvelles orientations Encadré 2 : Une place plus importante don- de croissance qui amnée à la décentralisation dans le cadre des bitionnent de mettre de développement adoptées par documents nationaux de stratégies de dévelop- davantage l’éconoles États pement mique au service du développement. Ces documents donnent une place un peu plus importante à la décenQue ce soit au Mali (CSCRP) ou au Burkina Faso (SCADD), la tralisation. C’est le cas notamment pour le décentralisation constitue une préoccupation importante dans le CSCRP (Mali)7 et la SCADD (Burkina Faso)8 . cadre des orientations de développement des États. Au Mali, les principaux enjeux du CSCRP en matière de décentraAujourd’hui, la plupart des huit (8) pays de lisation et de déconcentration sont : l’UEMOA ont suivi le vaste mouvement de déi) la consolidation des acquis de la décentralisation à travers le mocratisation et de décentralisation de l’adtransfert effectif de la maîtrise d’ouvrage du développement régioministration territoriale, qui a touché l’Afrique nal et local aux collectivités territoriales décentralisées (régions, de l’ouest. La décentralisation est en effet inscercles et communes) ; ii) la déconcentration effective des administrations centrales pour mettre plus d’efficacité et plus d’efficrite dans les différentes Constitutions de ces cience dans les interventions de l’État ; iii) l’amélioration de la pays, avec une référence explicite aux collecterritorialisation des stratégies sectorielles à travers l’élaboration tivités territoriales comme niveau à part entière et la mise en œuvre effective de la politique d’aménagement du de gouvernance publique au niveau local. territoire ; iv) l’amélioration des dispositifs d’appui technique et financier aux collectivités territoriales et leur pérennisation et/ou transformation; v) la déconcentration et la décentralisation de la gestion des ressources humaines et de la dépense publique. Au Burkina Faso, il s’agit dans le cadre la SCADD de i) réussir la décentralisation économique (création de véritables pôles régionaux de développement) ; ii) assurer le transfert effectif des compétences et des ressources dans tous les domaines retenus ; iii) renforcer les capacités des collectivités à gérer les affaires locales ; iv) assurer la cohérence de l’action locale avec les politiques de l’État ; et v) d’appuyer l’élaboration et la mise en œuvre des plans de développement local.

Cependant, les processus engagés l’ont été avec des rythmes et cadences différentes en fonction de la situation politique et institutionnelle des pays, le plus souvent selon le principe de la progressivité. Les différents pays de l’UEMOA disposent tous, sous des appellations variées, d’une


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Encadré 3 : La décentralisation en Guinée Bissau : un enjeu important pour sortir le pays de l’instabilité politique et institutionnelle Depuis 1994 et l’organisation des premières élections législatives démocratiques, différentes lois ont été votées de façon successive en faveur de la décentralisation. Il s’agit notamment de la loi de base portant création des municipalités et définissant leurs limites territoriales (loi n°4/96 du 9 décembre….). Depuis lors, plusieurs textes portant à la fois sur l’organisation des élections municipales, l’autonomie financière et patrimoniale des collectivités territoriales, la tutelle de l’État sur les collectivités territoriales, ont été adoptés entre 1996 et 1997. Le pays ayant connu une instabilité politique et administrative chronique n’a pas encore engagé une décentralisation effective de son territoire. Aujourd’hui, avec la volonté politique affichée par les pouvoirs publics d’organiser très prochainement les élections locales, différentes réformes ont été engagées notamment : i) la relecture de la loi de base portant création des municipalités et définissant leurs limites territoriales (loi n°4/96 du 9 décembre) ; la relecture des différents textes de loi portant à la fois sur l’organisation des élections municipales, l’autonomie financière et patrimoniale des collectivités territoriales, la tutelle de l’État sur les collectivités territoriales, etc. ; iii) la mise en place d’une commission nationale d’organisation des élections ; iv) l’élaboration d’un avant-projet de texte loi portant sur le code général des collectivités territoriales. L’organisation très prochainement des premières élections locales devraient déboucher sur la mise en place de 38 nouvelles communes, réparties dans les 8 régions que compte le pays. En plus de la capitale Bissau et de sa région qui devrait compter une seule commune (le camara municipal de Bissau). 4 circonscriptions administratives de la région de Gabu ont déjà acquis en décembre 2009, un statut de structures pré-municipales. Le processus de décentralisation amorcé en Guinée Bissau mérite une attention particulière puisque le pays s’appuie sur sa tradition lusophone pour définir son cadre institutionnel, tout en s’inspirant de l’expérience des autres pays de l’UEMOA, plutôt de tradition francophone. Un des buts recherchés est d’aider le pays à retrouver sur une certaine stabilité politique et institutionnelle à travers la promotion de la gouvernance et de la démocratie locale. Aujourd’hui, la décentralisation n’est pas encore effective sur le terrain (tout comme au Togo) et le pays doit relever plusieurs défis, devant lui permettre de mettre en place des collectivités territoriales viables et se mettre au niveau des autres pays de l’espace UEMOA : - L’élaboration d’une politique nationale en matière de décentralisation qui sera la boussole dans la mise en ouvre du processus, ce travail a été engagé et les différents textes sont dans le circuit d’adoption à l’Assemblée nationale ; - L’information, la sensibilisation et la préparation de l’ensemble des acteurs locaux et en particulier des responsables actuels des collectivités locales (administrateurs nommés, techniciens, agents des services) à l’exercice des compétences qui leur seront dévolues ; - L’organisation des élections locales qui vont consacrer l’avènement d’élus locaux à la tête des collectivités territoriales ; - La mobilisation et la mise à disposition des nouvelles entités décentralisées des ressources minimales (au plan humain, financier et matériel) indispensables à la conduite du développement local.

politique et d’une stratégie nationale de décentralisation. C’est l’expérience béninoise qui est la plus récente en matière de pilotage de la décentralisation, puisque l’État a adopté la politique nationale de décentralisation et de déconcentration (PONADEC), en 2009.Le Mali dispose d’un document cadre de politique nationale de décentralisation (DCPND), le Burkina Faso, d’un cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD), le Niger, d’un document cadre de politique nationale de décentralisation, tandis que le Sénégal est entrain d’élaborer une lettre de politique sectorielle de décentralisation. Dans ces différents pays ces documents sont également complétés d’un dispositif juridique et d’accompagnement de cette politique de décentralisation. Le Togo, qui n’a pas encore organisé les élections locales dispose aussi d’une lettre sectorielle sur la décentralisation avec l’option de couplage décentralisation-déconcentration. Le cadre juridique qui crée et responsabilise les collectivités territoriales existe aussi, preuve de l’existence d’une volonté politique de l’État. Cependant on observe une lenteur de la traduction de cette volonté politique dans les faits. L’organisation des élections locales est annoncée dans le courant de l’année 2011. Un pays, fait exception, la Guinée Bissau seul pays lusophone de l’espace UEMOA qui tente aujourd’hui d’amorcer son processus de décentralisation.

2.1.2 Les objectifs visés et les défis des politiques de décentralisation Dans la grande majorité des États, la décentralisation a pendant longtemps été, pour diverses raisons historiques, politiques et sociologiques, conçue surtout comme une simple technique d’organisation et de gestion administrative héritée de la période coloniale.


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Le vaste mouvement de démocratisation intervenu dans les années 90 dans la sous-région, a poussé les États à adopter des politiques de décentralisation à la suite de la demande de participation fortement exprimée par les populations locales. Aujourd’hui, on assiste à un approfondissement et une consolidation sur le terrain de la décentralisation, avec une plus grande part qui est donnée à l’autonomie des collectivités locales et à la responsabilisation des autorités locales élues au suffrage universel. Globalement, les contenus des politiques de décentralisation sont fortement influencés par les contextes historiques qui leur ont donné naissance et par la tradition administrative héritée de la période coloniale. Dans les pays de l’espace UEMOA, l’adoption par les États des réformes de la décentralisation peut être analysée de différentes manières : - i) une réponse à la demande de démocratisation et de libéralisation posée comme conditionnalité par les partenaires techniques et financiers pour apporter leur appui ; - ii) une réponse à la quête d’une plus grande autonomie dans la gestion de leurs affaires que certaines régions exprimaient dans leur pays. Ainsi, au Mali, la décentralisation est un engagement moral, souscrit par l’ensemble de la classe politique et de la société civile à la Conférence nationale de juin 1991 et inscrit dans la constitution de 1992. De même, le pacte national signé en avril 1992 entre le Gouvernement de la République du Mali et les Mouvements et Front Unifiés de l’Azawad a posé le principe de la libre administration des trois régions du nord; - iii) une occasion de dépasser, voire d’effacer les stigmates des remous politico institutionnels que connait le pays. En Guinée Bissau, un des buts recherchés dans la décentralisation est d’aider le pays à retrouver une certaine stabilité politique et institutionnelle, à travers la promotion de la gouvernance et de la démocratie locale. Dans tous les pays la décentralisation est perçue comme un progrès, qui doit permettre d’avancer notamment, dans i) la mobilisation de la population pour le développement local durable et l’amélioration de ses conditions de vie ; ii) l’approfondissement et l’enracinement de la démocratie au niveau local ; iii) la refondation de l’État et la reconstruction de la légitimité des institutions publiques à partir de la base ; iv) une intégration régionale réellement enracinée sur les réalités africaines. L’atteinte de tels objectifs devra cependant passer par une adaptation progressive des politiques de décentralisation pour coller davantage aux réalités locales et nationales, voire sous-régionale.

2.2. Évolution de la structure territoriale et fonctionnelle du gouvernement local Le contenu des politiques de décentralisation est relativement homogène dans les pays de l’UEMOA qui ont globalement adopté le même type d’État (unitaire) et partage la même tradition administrative francophone héritée de la colonisation, à l’exception de la Guinée Bissau (pays de tradition lusophone). La mise en place des collectivités locales correspond en principe à une répartition des compétences entre autorités centrales et autorités locales, ces


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dernières étant représentées par un organe délibérant élu et un organe exécutif élu. L’organisation des collectivités locales est généralement uniforme sur l’ensemble du territoire national. Et l’option dominante repose sur une dynamique de décentralisation intégrale avec la communalisation de l’ensemble du territoire national. L’organisation des collectivités territoriales est variable suivant les pays de l’UEMOA. Certains pays disposent de trois niveaux ou types de collectivités territoriales, c’est le cas du Sénégal (communauté rurale, commune et Région) et du Mali (commune, cercle, région). D’autres ont deux niveaux de collectivités territoriales : le Burkina (commune et Région), la Côte d’Ivoire (commune et département/district ), le Niger (communes et région) et le Togo (commune et préfecture). Le Bénin est le seul pays qui ne possède pour l’instant qu’un seul niveau de collectivité territoriale (la commune). Et ce sera également le cas de la Guinée Bissau qui envisage d’organiser très prochainement les premières élections locales qui devraient déboucher sur la mise en place de 38 nouvelles communes, réparties dans les 8 régions que compte le pays. Bissau et sa région devrait compter une seule commune. Quatre constats majeurs caractérisent la mise en place des collectivités territoriales : - La commune constitue le dénominateur commun de la décentralisation au sein des différents pays de l’espace UEMOA. - Le niveau intermédiaire de collectivité territoriale (département, cercle) existe seulement dans deux pays, la Côte d’Ivoire (Conseil général) et le Mali (Cercle). D’autres pays qui avaient envisagé sa mise en place l’ont maintenant supprimé, c’est le cas du Burkina Faso (province) et du Niger (département). - La région est déjà une réalité dans quatre (4) pays le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui vient de créer cet échelon de collectivité locale lors des dernières élections locales (janvier 2011). La mise en place des régions est envisagée au Bénin et en Côte d’Ivoire (lors des prochaines échéances électorales locales) et est déjà prévue dans les textes de décentralisation (Togo). - Les échelons de décentralisation se multiplient et les États tentent de les réorganiser en même temps que l’organisation administrative. Au Sénégal, 100 nouvelles collectivités locales ont vu le jour à la suite des dernières élections locales d’avril 2009, l’État a engagé la réflexion sur la provincialisation du territoire, avec la création très récente d’un ministère d’État en charge de la provincialisation (novembre 2010). Au Bénin, il existe un projet de découpage territorial déjà dans le circuit de l’Assemblée nationale, qui propose le passage de 12 à 29 départements et la création de régions. En Côte d’Ivoire, le nombre de collectivités territoriales a été augmenté par décrets (passage des 197 communes actuelles à 987 et création de 19 régions). Cependant, les nouvelles collectivités territoriales créées ne seront fonctionnelles qu’après l’organisation des prochaines élections locales. Au Niger, un deuxième palier de collectivité territoriale a été créé (les conseils régionaux), suite aux dernières élections locales organisées fin janvier 2011, et un niveau de circonscription administrative (l’arrondissement), a été supprimé. Enfin, au Togo, il existe un projet de redécoupage territorial qui pourrait déboucher en perspective sur la création de plus de 300 communes. L’organisation territoriale actuelle mise en place dans les pays de l’espace UEMOA affecte globalement le fonctionnement des collectivités territoriales. Les principaux problèmes qui


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Tableau 4 : Organisation territoriale décentralisée des pays de l’UEMOA Pays.

Région

Département Commune

Bénin

-

-

77

Burkina Faso

13

-

351, dont 49 urbaines et 302 rurales

Côte d’Ivoire

-

58

197

Guinée Bissau

-

-

39*

Mali

8

49 cercles

703

Niger

7

-

Sénégal

14

-

Togo

5*

35 préfectures*

Collectivité à statut particulier agglo-urbaine – ville-district 3 villes à statut particulier Cotonou, Porto Novo et Parakou 2 communes à statut particulier Ouagadougou (5 arrondissements) et Bobo Dioulasso (3 arrondissements) 2 Districts (Abidjan et Yamoussoukro) 1 camara municipal (Bissau)

1 district (Bamako) à statut particulier avec 6 communes de plein exercice 266 4 villes à statut particulier (Niamey, Maradi, Zinder, Tahoua) 529, dont 159 5 villes (Dakar, Pikine, Guécommunes et 370 diawaye, Rufisque et Bargny) communautés avec 46 communes d’arrondisrurales sement 34 communes* 1 ville (Lomé) et 5 communes urbaines d’arrondissement

* Pour le cas du Togo et de la Guinée Bissau les chiffres correspondent au nombre de collectivités envisagées, après l’organisation des élections locales.

se posent ont trait notamment : i) au manque de clarté dans la répartition des compétences entre les différents échelons décentralisés; ii) les difficultés à favoriser des initiatives intercommunales ou inter-collectivités territoriales ; iv) l’émiettement des territoires avec la multiplication parfois de petites collectivités locales, dont la fonctionnalité et la viabilité (économique, sociale, administrative,…) sont incertaines.

2.3. Structure et/ou politiques publiques spécifiques à l’organisation des grandes métropoles Dans la plupart des pays du continent, quelle que soit la tradition, on observe une tendance plus ou moins marquée à la métropolisation avec une affirmation très marquée du rôle des villes capitales actuelles ou anciennes et qui dominent la hiérarchie urbaine de leur pays. La


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décentralisation donne à ces villes métropolitaines un régime juridique particulier, dérogatoire au droit commun des municipalités. Au plan organisationnel, les métropoles sont subdivisées en unités infra-métropolitaines, avec des communes ou arrondissements érigées en collectivité locale régies par le doit commun des communes. Les autorités métropolitaines sont toutes des autorités locales élus dirigées par des exécutifs élus (exception faite de la Côte d’Ivoire où le gouverneur du District est actuellement nommé par l’autorité centrale). Pour des pays, comme le Togo et la Guinée Bissau, la non effectivité du processus de décentralisation fait que les métropoles sont encore dirigées par des autorités locales nommées par le gouvernement (Lomé, Bissau). Dans certains pays, en dehors des villes capitales (politique ou économique), des agglomérations présentant une certaine importance (au plan démographique, politique ou économique) bénéficient également d’un statut particulier ou spécifique. - Au Niger, les communautés urbaines de Niamey, Maradi Tahoua et Zinder ont changé récemment de statut et deviennent des villes à statut particulier, composées d’arrondissements (anciennes communes) ;

- Au Sénégal, ce sont les cinq grandes communes de la région de Dakar (Dakar, Guédiawaye, Pikine,

Rufisque et Bargny) qui bénéficient d’un statut spécial « Ville » qui leur permet de se subdiviser en communes d’arrondissement ; il existe au total 5 Villes et 46 communes d’arrondissements, dont les compétences et relations financières sont fixées par la loi 96-09 du 22 mars 1996.

- En Côte d’Ivoire, les deux villes capitales, économique (Abidjan) et politique (Yamoussoukro) bénéficient d’un statut de District et sont subdivisées en communes d’arrondissement dirigées par un conseil et un maire tous élus au suffrage universel. Au rang des organes du District on trouve le Conseil du District, le Bureau du District, le Gouverneur du District, et le Comité consultatif du District. - Au Mali, la capitale Bamako bénéficie également d’un statut particulier de District et est composée de 6 communes de plein exercice. - Au Burkina Faso, les villes d’Ouagadougou (actuelle capitale) et de Bobo Dioulasso (ancienne capitale) bénéficient d’un statut particulier et sont composées respectivement de 5 et 3 arrondissements. Des réflexions ont été engagées concernant l’évolution de l’organisation et du statut de ces deux villes et ont récemment débouché notamment sur l’augmentation du nombre d’arrondissement des deux villes (12 pour Ouagadougou et 7 pour Bobo Dioulasso). - Le Bénin, compte trois villes à statut particulier (Cotonou, Parakou et Porto-Novo), tandis qu’au Togo, la capitale Lomé est composée de 5 arrondissements.

2.4. Évolution des relations entre l’État et les collectivités locales. De façon globale, l’organisation territoriale mise en place affecte le fonctionnement des collectivités territoriales de l’espace UEMOA. Les principaux problèmes qui se posent ont trait notamment : - Au non respect de la maîtrise d’ouvrage et de l’autonomie des collectivités territoriales ;


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Encadré 4 : La spécificité de la ville Bamako, une collectivité territoriale composée d’un District à statut particulier et de 6 communes de plein exercice L’organisation de la capitale Bamako se caractérise par la division de la ville en six communes de plein exercice en plus du District. - Chaque commune est gérée par un conseil communal, dirigé par un maire élu en son sein. - Le District de Bamako est dirigé par un maire élu par l’ensemble des conseillers ; l’organe exécutif du District est composé du Maire du District, du Président du conseil et de deux adjoints ; - Le conseil du District de Bamako est de composé de 27 conseillers, représentant les six conseils communaux ; il se réunit en session ordinaire sur convocation de son président chaque trimestre ; il est élu pour une durée de cinq ans ; - Le District assure deux fonctions essentielles, l’assainissement et l’éclairage public de la ville et n’a pas un territoire propre qu’il gère. Ce mode d’organisation de la ville de Bamako, est la source de plusieurs dysfonctionnements, dont la principale demeure la multitude des pôles de décisions avec six communes de plein exercice, gérant chacune leur territoire. Cette situation entrave la prise et la mise en œuvre de décisions importantes pour la gestion d’ensemble de la capitale. Ces difficultés ont poussé l’État a engager la réforme du Statut particulier du District de Bamako. Des échanges et réflexions, deux tendances se sont dégagées. : i) la première opte pour le maintien du statut actuel ; ii) tandis que la seconde estime qu’il faut ériger Bamako en une seule commune composée d’arrondissements, avec un seul centre de décision. Cette dernière tendance a été privilégiée dans le projet de relecture du statut particulier de Bamako qui déjà été adopté par le Conseil des ministres.

- A l’intervention des ministères dans le champ de compétences des collectivités territoriales du fait souvent de l’ignorance des textes sur la décentralisation, mais surtout du fait du non transfert des ressources qui sont encore détenues par le pouvoir central ; - A l’absence d’autonomie de gestion des collectivités, dans le sens instauré par les lois de décentralisation, notamment des pays où les organes de gestion des collectivités, encore nommés par le Gouvernement, sont de fait dans une position de relation hiérarchique (cas du Togo). En Guinée Bissau, la municipalité dispose d’une relative autonomie de fonctionnement. - A la coexistence d’un nombre important de niveaux de gouvernements locaux (région, cercle, département, district, ville à statut particulier, commune rurale et urbaine) et de circonscription administratives (région, département, commune, arrondissement) qui pose des problèmes de cohabitation, entre les collectivités locales et les structures de l’État. De nombreux écueils subsistent également au plan institutionnel et fonctionnel et empêche la mise en œuvre correcte des politiques de décentralisation dans les différents pays. Parmi ceux-ci on relève : - La faible implication dans la mise en œuvre de la décentralisation des ministères sectoriels. Ces derniers restent encore jaloux des compétences transférées aux collectivités territoriales par la loi et n’apportent pas un accompagnement de proximité, permanent et efficace aux collectivités territoriales (non respect du transfert de ressources, absence réelle d’appui-conseil et d’assistance technique). - La survie de la tutelle de l’État, l’absence de réformes juridictionnelles et la lourdeur admi-


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nistrative. Les États conservent encore trop de prérogatives même dans les domaines de compétences transférées ; ainsi prévaut toujours une logique de délégation de pouvoirs au détriment d’une logique de transfert réel de pouvoirs. - La persistance des conflits de compétences et les querelles d’intérêt, entre les différents niveaux de collectivités locales et les structures de l’État. Cette situation est liée en partie à la non clarification des pouvoirs et compétences des différentes catégories d’acteurs, en particulier les collectivités locales, dont les pouvoirs sont encore mal définis, avec pour conséquence des chevauchements de responsabilités et des problèmes de cohabitation avec les autorités représentants de l’État et les services déconcentrés. A cela, il faut rajouter les difficultés d’harmonisation des lois sectorielles avec les textes de la décentralisation. Ces différentes difficultés freinent de fait l’ancrage et l’approfondissement de la décentralisation sur le terrain. Leur résolution passe notamment, par la clarification des pouvoirs et compétences des collectivités locales, la déconcentration effective des services techniques de l’État et l’organisation du transfert effectif des compétences et des ressources. Cela suppose aussi que les acteurs de la décentralisation abordent un débat majeur qui est aujourd’hui posé quant à la nécessité de définir un contenu minimal commun aux décentralisations africaines. Et qu’ils avancent en outre sur la question de l’harmonisation (non pas dans le sens de l’uniformisation) des processus, procédures et pratiques en matière de décentralisation au sein de l’espace UEMOA.

2.5. Impact de la décentralisation sur les territoires, le développement et les conditions de vie de la population Au-delà des goulots d’étranglement identifiés, au plan institutionnel et fonctionnel, et des difficultés rencontrées par les autorités locales sur le terrain (faiblesse des ressources financières et humaines, etc.), des avancées significatives peuvent être mis en avant, notamment : i) la proximité créée avec les citoyens via la mise en place progressive d’administrations locales plus proches des populations; ii) l’appropriation progressive par les collectivités locales, des démarches de planification du développement, via l’élaboration des plans locaux (communaux régionaux, etc.) ; iii) l’existence de collectivités locales dirigées par des autorités locales élues au suffrage universel et dorénavant responsables de l’exécution des politiques publiques de développement à l’échelle locale (commune, département ou région). La multiplication et la diversification par les collectivités locales, des partenariats à la fois avec les acteurs locaux (ONG, associations et groupements locaux, etc.) et aussi avec d’autres acteurs extérieurs, en particulier dans le cadre de la coopération décentralisée, montre la vigueur de la décentralisation et surtout l’engagement et la mobilisation des autorités locales à améliorer la fourniture des services publics locaux aux populations dans divers domaines (état civil, lotissement, traitement et gestion des ordures ménagères, accès à l’éducation et à la santé, accès à l’eau potable, etc.).


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2.6. Impact et participation des collectivités locales aux processus régionaux d’intégration Depuis déjà quelques années les collectivités territoriales de l’espace UEMOA ont engagé des initiatives pour se mettre en réseau. C’est le cas notamment de : i) l’action engagée à Bamako et qui a abouti à la signature le 10 octobre 2008, d’une déclaration de constitution du réseau des associations de pouvoirs locaux de l’espace UEMOA ; ii) l’initiative prise par les femmes pour créer un réseau des femmes élues locales de l’espace UEMOA ; iii) la volonté manifestée par les régions de créer une plateforme des régions de l’UEMOA. Ces initiatives des collectivités locales ont rencontré la volonté de la Commission de l’UEMOA qui, soucieuse d’accompagner la consolidation des processus de décentralisation, la gouvernance et la participation des collectivités au processus d’intégration régionale, a initié plusieurs rencontres avec les acteurs de la décentralisation de la sous-région, en particulier les collectivités locales, notamment pour échanger et réfléchir sur les modalités et conditions de leur meilleure implication dans la dynamique d’intégration régionale La rencontre de Ouagadougou , organisée par la Commission de l’UEMOA, en partenariat avec la ville a constitué une première étape clé de cette dynamique. Elle a été suivie par la Conférence régionale sur le développement territorial qui a débouché sur la signature d’une déclaration commune qui marque la volonté des États membres représentés par les ministres de la décentralisation et de l’Aménagement du territoire, de la Commission de l’UEMOA, des collectivités territoriales et des partenaires techniques et financiers de soutenir le processus de création d’un Conseil des collectivités territoriales (CCT) de l’espace UEMOA. Cette recommandation a depuis lors été suivie d’effets, avec notamment : i) la réunion des experts et des ministres chargés de la décentralisation et des collectivités territoriales qui ont examiné et adopté la proposition de projet d’acte additionnel portant création du CCT (17 décembre 2010, à Ouagadougou) ; ii) la réunion du Conseil des Ministres statutaires de l’UEMOA (1er avril 2011 à Lomé), qui après examen du projet d’acte additionnel relatif à la création du CCT dans l’espace UEMOA, a recommandé l’adoption dudit projet d’acte additionnel par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernements. Il faut également relever que les collectivités locales, à travers leurs associations nationales, ont effectué un important travail de plaidoyer et de lobbying pour appuyer la création du CCT, à l’image de la rencontre de concertation qu’elles ont organisé (14 mars 2011, à Lomé), juste avant la réunion des Ministres statutaires de l’UEMOA, et qui a servi de cadre de plaidoyer en vue de la présentation diligente du projet d’acte additionnel aux instances de l’UEMOA. La mise en place du CCT, comme nouvel organe consultatif de l’UEMOA, vise principalement à impliquer de façon formelle les collectivités territoriales des États membres de l’Union dans le processus d’intégration régionale. Pour les autorités locales, l’enjeu majeur de la création du CCT est de permettre au sein de l’UEMOA, un renforcement des processus de décentralisation, un meilleur accompagnement du développement territorial, ainsi que la mobilisation et l’implication des populations, ceci pour une intégration citoyenne. Ces orientations sont aussi partagées par la Commission de


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l’UEMOA qui ambitionne accompagner la consolidation des processus de décentralisation, la gouvernance et la participation des collectivités au processus d’intégration et à la réalisation des OMD. Ainsi, le développement de la solidarité communautaire et le renforcement de la cohésion sociale constitue un des axes stratégiques de la politique d’Aménagement du Territoire Communautaire (PATC), que la Commission de l’UEMOA souhaite concrétiser, en prenant appui sur la décentralisation et le développement local, et en privilégiant le partage des responsabilités, les synergies et les complémentarités dans les interventions des différents niveaux d’acteurs (Commission de l’UEMOA, États membres, autorités locales et organisations de la société civile), ceci avec l’appui des partenaires techniques et financiers. C’est dans cette perspective que programme indicatif régional de développement urbain (PIRDU) a été adopté et se fixe, entre autres, comme objectifs d’appuyer la décentralisation et la gouvernance locale ainsi que l’amélioration des conditions et du cadre de vie des populations urbaines au sein de l’Union. La création du CCT revêt une importance capitale et constitue donc une étape charnière de la mise en œuvre des processus de décentralisation. Son ancrage à l’échelle régionale au sein de l’UEMOA est également une avancée majeure. En effet, le niveau régional est de plus en plus considéré comme une échelle importante et pertinente pour la résolution d’un certain nombre de préoccupations communautaires (changement climatiques, sécurité alimentaire, gestion des conflits, gouvernance locale et décentralisation, migrations, etc.). Le besoin de coordination et la recherche de l’efficacité dans l’utilisation de l’aide (Cf. déclaration de Paris et processus d’Accra) font aussi que les partenaires techniques et financiers appréhendent mieux l’opportunité d’intervenir à ce niveau, même si l’échelle régionale (en l’occurrence ici l’espace UEMOA) ne constitue pas leur échelle naturelle d’intervention. Aujourd’hui, l’intérêt de la mise en place du CCT est corroboré par plusieurs constats : i) la nécessité et le besoin affirmé d’institutionnaliser le plaidoyer des collectivités territoriales et de leurs APL en faveur de la décentralisation et du développement territorial ; ii) la reconnaissance et la valorisation progressive du rôle des collectivités territoriales et des APL de l’espace UEMOA dans la mise en œuvre de la décentralisation et le développement économique, social, culturel et humain des territoires; iii) la volonté affichée des pouvoirs locaux de s’organiser et participer pleinement au processus d’intégration. La création du CCT constitue enfin un défi à relever, puisqu’elle peut permettre, face aux nombreuses préoccupations exprimées par les associations nationales de collectivités, en particulier en faveur du développement économique local, de faciliter la mobilisation des ressources communautaires (exemple du PIRDU) et des autres partenaires pour accompagner les investissements des collectivités territoriales. Enfin les évolutions constatées, au niveau de l’espace UEMOA montrent que des changements sont entrain de s’opérer en faveur d’une intégration et coopération régionale davantage renforcée au plan économique, politique, sociale et humain

qui permettent véritablement d’évoluer d’une «UEMOA des institutions» vers une «UEMOA des peuples».


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3. RESPONSABILITÉS, FINANCES ET GESTION

3.1. Compétences 3.1.1. Les modalités de transfert des compétences aux collectivités locales

Les modalités d’attribution des compétences aux collectivités locales dans les pays de l’UEMOA sont relativement proches. Dans la grande majorité des pays le transfert se fait par blocs de compé-

tences. Ainsi au Sénégal, pays où le processus de décentralisation est le ancien, 9 blocs de compétences ont été transférés aux collectivités locales , tandis qu’au Burkina Faso 11 blocs de compétences ont été transférés. Un seul pays, le Niger, octroie des compétences générales aux collectivités locales notamment en matière de santé et d’éducation de base, approvisionnement en eau potable, hygiène et assainissement, tout en transférant 12 blocs de compétences. Les processus de transfert de compétences aux collectivités locales reposent en général sur quelques principes directeurs, à savoir la subsidiarité et la progressivité, c’est-à-dire que le transfert se réalise au fur et à mesure que les collectivités territoriales sont capables de les assumer et en tenant compte des moyens de l’État. Ainsi au Burkina Faso, pour les 11 blocs de compétences transférés, seuls quatre (4) décrets ont été adoptés et ont ensuite fait l’objet de signature de protocoles de transfert entre l’État (représenté par les Gouverneurs de Région) et les communes notamment dans les domaines suivants : santé, approvisionnement en eau potable et assainissement, enseignement préscolaire, primaire et alphabétisation, culture jeunesse sport et loisirs. Au Mali, trois (3) domaines ont été transférés aux collectivités territoriales (santé, éducation et hydraulique). Dans certains pays (Mali, Burkina Faso) des commissions interministérielles ont été mises en place pour suivre le processus de transfert des compétences. Ces commissions sont généralement rattachées au cabinet du Premier Ministre. Les transfert des compétences aux collectivités locales reposent également sur quelques fondements: i) les transferts des compétences de l’État doivent être accompagné du transfert aux collectivités territoriales des moyens et des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences dans les conditions prévues par la loi (concomitance du transfert des compétences et des ressources) ; ii) les ressources nécessaires aux collectivités territoriales pour l’exercice de leurs compétences leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotation, soit par les deux à la fois. Le principe de la concomitance entre le transfert des compétences et le transfert de ressources n’est pas toujours respecté (exemple Mali, Burkina Faso) et le transfert des ressources de l’État aux collectivités locales est marqué par leur imprévisibilité. L’évolution des politiques de décentralisation a également eu pour conséquence l’élargissement et l’accroissement des compétences et responsabilités des collectivités locales en matière de services publics et de gestion urbaine. Toutefois, le transfert de la maîtrise d’ouvrage et des ressources liées aux compétences transférées est encore timide pour permettre aux


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collectivités territoriales d’assurer pleinement la gestion de la continuité du service public au niveau local.

3.1.2. Les principaux services locaux assurés par les collectivités locales Les collectivités locales assurent un certain nombre de services dans plusieurs domaines : l’assainissement des eaux ; l’urbanisme (service domanial et foncier) ; la voirie (entretien) ; la salubrité et le traitement des ordures ménagères ; la gestion des équipements marchands (marchés, gares, etc.) ; l’hydraulique (construction et entretien des bornes fontaines et forages, etc.) ; le développement communautaire ; l’éducation primaire de base ; la santé de base. En plus de ces services de base il faut rajouter les services d’ordre administratifs, dont l’état civil. Cependant, la fourniture de ces services publics locaux par les collectivités locales surtout en milieu rural, demeure globalement peu satisfaisante dans l’ensemble des pays de l’UEMOA. Parmi les services assurés sous la responsabilité des collectivités locales certains sont considérés comme plus décentralisés par rapport aux autres. On peut citer, entre autres, les serTableau 10 : Compétences des collectivités locales PAYS

Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Guinée Bissau* Mali Niger Sénégal Togo

COMPETENCES DES COLLECTIVITES LOCALES (COMMUNES) Planifi- Eau Sécurité UrbaServices Sports Culture Énergie cation et potable, (police nisme et de base et loisirs et tousoutien déchets, adminis- habitat (santé, risme à l’éco- assaitrative et éducanomie nissejudition de locale ment ciaire) base) X X X X X X X X X X X X X X X

Transport

X

X

X

X

X

X

-

-

-

X

X

X

X

-

-

-

-

-

X X X

X X X X

X X X

X X X X

X X X X

X X X -

X X X -

X

X X -

-

* En ce qui concerne la Guinée Bissau sont ici présentées les compétences de la ville de Bissau (planification cadastre urbain, assainissement, gestion marchés et commerce informel, entretien réseau routier communal, gestion jardins et zones vertes)


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vices de base en matière d’éducation et de santé ; les services socioculturels et sportifs ; la propreté et la salubrité publique (gestion des ordures ménagères) ; la gestion des équipements marchands (marchés, gares routières, etc.) ; la planification et la gestion urbaine (urbanisme, voirie, domaine). Ces compétences se retrouvent globalement dans tous les pays et sont assurés de façon autonome par les collectivités locales sans grande intervention des services déconcentrés de l’État. Les services locaux tels que la collecte des déchets et l’entretien de la voirie sont en général assurés par les services techniques des municipalités lorsqu’elles existent, notamment dans les grandes villes, avec des appuis de l’État et de la coopération internationale (coopération bi-multi et décentralisée). En l’absence de moyens propres et suffisants des municipalités et face aux besoins accrus liés à la croissance urbaine rapide dans les grandes villes, les autorités locales n’arrivent pas encore à répondre de façon satisfaisante aux besoins des populations. On peut toutefois, relever le cas de la Côte d’Ivoire où il y a eu une annulation par ordonnance (n°2007-586 du 4 octobre 2007) des compétences dévolues aux collectivités en matière de salubrité. Dans le domaine des services sociaux de base (santé, éducation, action sociale et culturelle), les collectivités locales interviennent encore le plus souvent de façon partagée avec les services déconcentrés de l’État. L’effectivité des transferts de compétences dans ces domaines n’est pas encore réelle et est variable selon les pays en fonction des domaines ; dans la réalité les collectivités locales ne sont responsables que de la construction, l’entretien et la gestion des infrastructures scolaires et des structures sanitaires de base. La programmation, l’investissement et le paiement des salaires du personnel relèvent des ministères sectoriels (par exemple Éducation et Santé). Pour certains services locaux, comme l’eau potable, l’environnement et les ressources naturelles; la gestion domaniale et foncière ; l’accès à certains services marchands (électricité et téléphonie, transport urbain), même si des compétences ont été transférées aux collectivités locales dans certains pays (par exemple l’eau n’est pas une compétence transférée aux communes au Sénégal contrairement au Burkina Faso), leur exécution demeure encore assez centralisée et sous l’emprise des services déconcentrés de l’État et des sociétés nationales. Cette situation pose souvent des problèmes d’articulation et de partenariat entre les collectivités locales et les entreprises publiques d’État, en l’absence de textes qui définissent très clairement les responsabilités des différents acteurs. Par contre dans le cas des pays africains de tradition anglophone, ce sont souvent les conseils municipaux ou les entreprises municipales qui fournissent ces services (c’est le cas du Ghana en Afrique de l’ouest). Enfin, on relève que l’expérimentation de partenariat public/privé dans la gestion des affaires, des services et des biens locaux est encore très faible et mérite d’être davantage explorée. Les collectivités locales sont confrontées à quelques défis majeurs, notamment, i) améliorer l’offre de services aux populations en quantité et en qualité, ii) et concourir à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), dont l’atteinte constitue une préoccupation forte des États. Dans le même temps, elles ne sont pas suffisamment responsabilisées dans la fourniture des services et sont confrontées à plusieurs difficultés qui limitent leurs pos-


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sibilités d’agir sur le terrain. Ainsi, leurs compétences sont élargies et accrues en matière de services publics et gestion urbaine, sans pour autant que leur soient octroyées les ressources financières, humaines et matérielles nécessaires pour la fourniture des ces services. Elles doivent faire face à la centralisation par les structures de l’État des investissements dans le cadre des programmes sectoriels que ce soit sur financement du budget national et/ou des partenaires, en particulier dans les domaines réellement transférés (éducation, santé). Elles souffrent aussi du non respect par les structures de l’État de leur rôle de maître d’ouvrage des compétences transférées, du principe de la subsidiarité, ainsi que de la confusion dans l’interprétation des termes du transfert de compétences et de ressources. La faiblesse de leurs capacités techniques et institutionnelles (ressources humaines et moyens) constitue une limite dans la fourniture et la gestion des services publics locaux. Enfin, les collectivités locales doivent également faire face à l’absence de fichiers et données statistiques fiables au niveau local, ce qui rend difficile l’élaboration des plans et projets, ainsi que le calcul des allocations versés par l’État, sur la base des réalités locales.

Encadré 5

Aujourd’hui, le renforcement des responsabilités des collectivités locales dans la fourniture des services publics locaux constitue une nécessité ; il suppose cependant qu’un certain nombre de défis soient relevés : i) mettre à disposition des collectivités locales des moyens adéquats pour la réalisation des services aux populations, en définissant de façon claire les domaines transférés et en assurant leur transfert effectif avec les ressources financières afférentes ; ii) les doter d’un personnel administratif et technique minimum et appuyer la formation et le recrutement de personnel de qualité susceptible de les aider dans la fourniture de services de qualité ; iii) appuyer là où cela est possible, la mise en place de services techniques propres aux collectivités locales et développer les expériences de mutualisation ; iv) favoriser un meilleur accès des collectivités territoriales aux services techniques déconcentrés de l’État; v) renforcer les capacités des collectivités territoriales à produire leurs propres données statistiques au niveau local.

Les syndicats inter-collectivités : expériences de mutualisation de services publics locaux De nombreuses collectivités territoriales maliennes pour faire face à l’absence de services techniques propres se sont impliquées dans des syndicats intercollectivités territoriales. Environ 46 syndicats inter-collectivités territoriales sont recensés. Ils permettent aux communes de constituer des services communs après la disparition des centres de conseils communaux (CCC). Au-delà de l’intérêt réel qu’ils suscitent auprès des communes, ces syndicats rencontrent un certain nombre de difficultés, liées entre autres, à la faible maîtrise par les acteurs des principes et des modalités de création, d’organisation et de fonctionnement de ces structures de coopération inter-collectivités. Par ailleurs, du fait de la faiblesse de leurs capacités techniques propres et de l’absence d’appui technique et financier, les syndicats inter-collectivités territoriales rencontrent également des difficultés de fonctionnement.

C’est à ce titre que les collectivités locales pourront mobiliser sur leur territoire tous les acteurs parties prenantes, organiser avec eux un dialogue permanent pour la gestion, la fourniture et l’évaluation des services essentiels, et ainsi par ce biais participer activement à la réalisation des OMD qui constitue un de leurs défis majeurs aux côtés des États.

3.2. Gestion financière 3.2.1 Le poids des collectivités locales dans les ressources publiques A l’instar de la majorité des pays d’Afrique, le niveau de participation des collectivités territoriales des pays de l’UE-


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MOA aux dépenses publiques demeure faible (en moyenne autour de 4%). Il varie de 2% (Togo) à 7% (Côte d’Ivoire). Dans la majorité des pays, il est de 4% (Sénégal, Niger, Bénin, Mali). Ce niveau de participation aux dépenses publiques totales est en-dessous d’autres régions comme l’Europe (25% en moyenne), - La faiblesse des capacités financières des collectivités locales

Sur le plan financier, les collectivités locales africaines sont confrontées à la faiblesse de leurs ressources et de leurs pouvoirs sur la fiscalité locale. L’analyse des rapports Gold I et II Afrique, Tableau 5 : Indicateurs de finances publiques dans les pays de l’UEMOA

Dépenses État Collectivités locales Pays Millions USD Millions USD % de l’État Bénin (2007) 1301 53 4.1 Burkina Faso 1820 45 2.5 (2007) Côte d'Ivoire 3826 237 6.2 (2007) Guinée Bis- sau Mali (2007) 1858 64 3.4 Niger (2007) 877 21 2.4 Sénégal 3017 95 3.2 (2007) Togo (2006) 522 9 1.8

Revenus État Millions USD 1149 1407

Collectivités locales Millions USD % de l’État 49 4.3 31 2.2

3775

252

6.7

-

-

-

1599 640 2369

57 23 97

3.6 3.6 4.1

482

8

1.6

Source : extrait Rapport Gold II, chapitre Afrique

relève la faiblesse des capacités financières des collectivités locales, dans les pays d’Afrique subsaharienne de tradition francophone. Les collectivités territoriales disposent de ressources propres très faibles et la mobilisation de ressources financières en faveur de la décentralisation demeure toujours difficile (insuffisance des investissements, moyens financiers dérisoires des CT, impôts imposés par l’État aux collectivités locales , lenteur dans le transfert des ressources, inexistence d’emprunt). Cette situation pose la question de la viabilité économique des collectivités territoriales dans la plupart des États. C’est le cas notamment, dans les pays de l’espace UEMOA, où les collectivités locales disposent de ressources financières (endogènes et extérieures) très faibles qui ne leur permettent pas de faire face aux nombreux défis du développement local, notamment en termes de financement des infrastructures économiques, sociales, etc. A cela, s’ajoutent


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les difficultés des États à assurer le financement du budget des nouvelles collectivités territoriales qu’ils créent tout en maintenant à un niveau équivalent le transfert effectif des moyens financiers aux collectivités déjà existant. Quatre facteurs principaux expliquent la faiblesse des capacités financières des collectivités locales: i) la fiscalité locale et les finances locales sont tributaires du cadre macroéconomique caractérisé par des contraintes financières sévères imposées aux États; ii) la pauvreté de larges segments de la population qui impose des limites aux prélèvements fiscaux ; iii) l’absence fréquente d’une volonté politique de l’État de redistribution des prélèvements fiscaux plus favorables aux collectivités locales et l’inefficacité de la chaîne fiscale, notamment du recouvrement ; iv) les faiblesses persistantes des collectivités locales en matière de capacités administratives et de ressources humaines.

3.2.2. L’Autonomie des collectivités territoriales en matière de dépenses L’autonomie des collectivités locales de l’espace UEMOA en matière de dépenses est globalement limitée. Le partage de compétences et donc des dépenses entre collectivités locales et États est souvent mal défini. Les compétences reconnues aux collectivités locales sont dans la plupart des cas partagées entre plusieurs niveaux de collectivités et l’État. L’État Central exerce partout un pouvoir de contrôle sur les collectivités locales qui va largement au-delà du simple contrôle de légalité. Ce contrôle s’exerce par : i) des textes (circulaires budgétaires, etc.) qui spécifient divers pourcentages ou ratios à respecter lors de la préparation du budget (plafonnement des dépenses de personnel, part du prélèvement destiné à l’investissement, …) ; ii) et lors de l’étude des budgets par l’autorité de tutelle. La procédure budgétaire instaure des contrôles d’opportunité, a priori et/ou a posteriori. Le contrôle d’approbation des budgets locaux est effectué sur la légalité des recettes et des dépenses, l’équilibre réel du budget et l’inscription d’office des dépenses obligatoires. Le contrôle est considéré comme souple lorsqu’il se fait sur la structure du budget, c’est le cas pour des pays comme le Burkina et le Bénin. On note également une relative souplesse du contrôle au Sénégal, où les décisions individuelles prises par les collectivités locales ne sont pas soumises à approbation préalable par l’autorité investie de ce pouvoir, mais sont exécutoires d’office. Il est contraignant lorsqu’il porte sur les rubriques détaillées du budget (les lignes budgétaires) ou sur les deux structure et lignes budgétaires). Le temps d’approbation des documents budgétaires est également long dans la plupart des pays. Et il peut arriver que les délais réglementaires d’approbation soient dépassés du fait même de la lenteur relevée dans la transmission des remarques de l’autorité de tutelle. De même, le contrôle d’opportunité exercé par l’État central sur les décisions budgétaires des collectivités locales limite l’exercice de leurs responsabilités. En effet, dans les différents pays l’avant projet du budget ou le projet du budget voté par le conseil communal, sont soumis à l’approbation d’autorités de tutelle, le représentant de l’autorité nationale au niveau local (Préfet, Gouverneur, etc.) et/ou les administrations centrales de tutelle (le Ministère de la Décentralisation ou l’Administration Territoriale et/ou le Ministère des Finances). Dans ce cas, la


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collectivité locale concernée doit attendre les remarques et recommandations de la tutelle sur son budget avant son approbation définitive. Enfin, les collectivités locales ont une autonomie relative dans le recrutement ou le licenciement de leur personnel. Dans la plupart des pays, les décisions de recrutement et de licenciement des ressources humaines locales sont conjointement prises par l’État central et les collectivités locales. Deux pays, le Bénin et le Sénégal, offrent aux collectivités locales une marge de manœuvre pleine. Tableaux 6: Trois indicateurs des compétences en dépenses, dans les pays de l’UEMOA

Indicateurs de légalité/ Indicateur d’autonomie budgétaire Indicateurs d’autonomie dans réalité le domaine du personnel Pays Inscrite Différence Restrictions impo- Responsabilité de Responsabilité dans la fixation dans la entre la sables par autorités l’embauche des des salaires Constitution législation et supérieures (2) cadres locaux (ou les lois) la réalité (1) Bénin Oui Oui Structure Collectivités locales Condition Burkina Oui Oui Structure État/CL État/CL Faso Côte Oui Non Ligne/structure État/CL État/CL d’Ivoire Guinée Bissau Mali Oui Oui Ligne/structure État/CL État/CL Niger Non Oui Ligne/structure État/CL État/CL Sénégal Oui Oui Ligne/structure Collectivités État/CL Locales Togo Oui Oui Ligne/structure État/CL État/CL Source: Rapport Gold II, chapitre Afrique CGLU (1) Un « oui » indique que la réalité diffère de la Constitution (2) Le contrôle est exercé sur les « Lignes » du budget ou sur la « structure » global du budget, ou sur les deux

3.2.3. Les sources de financement des collectivités locales Pour accomplir leurs missions, les collectivités locales disposent de trois (03) sources principales de financement : i) les ressources propres mobilisées sur le territoire de la collectivité ; ii) les transferts provenant de l’État (subventions, dotations, impôts) ; iii) et les autres ressources (emprunt, appui financier des partenaires extérieurs, dons et legs, etc.).


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Les ressources propres des collectivités locales de l’espace UEMOA sont globalement faibles. Dans la majorité des pays, environ la moitié des ressources globales des collectivités locales proviennent de transferts intergouvernementaux et l’autre moitié provient des impôts locaux. Dans quelques pays les ressources propres des collectivités locales (taxes et impôts) dominent le budget local : c’est le cas du Niger, du Sénégal et du Togo, où les revenus propres apportent autour de deux tiers des revenus locaux. De façon générale, les collectivités décentralisées comme les régions, cercles ou départements, du fait entre autres de leur création plus récente et de l’occupation des champs fiscaux de nature locale par les communes, dépendent plus des transferts pour leur financement que les communes. Certains pays tentent de pallier cet écueil, en développant les ressources propres de cette catégorie de collectivités. Au Sénégal, un projet de loi sur la fiscalité de la région est en cours, avec comme objectif de renforcer les capacités financières des régions via le transfert de certaines recettes de l’État et la création de nouvelles sources de revenus pour les régions. Au Mali, l’État réfléchit à la possibilité que chaque niveau de collectivités locales puisse collecter ses impôts. Pour l’instant, ce sont les communes qui assurent la collecte des impôts locaux, dont un pourcentage est reversé aux régions et cercles. Pour les communes, la part des recettes issues des transferts est généralement moins importante par rapport aux autres catégories de collectivités locales (régions, cercles). Les grosses communes dépendent moins des transferts que les petites communes ou les communes rurales. Pour ces dernières, les revenus issus des activités économiques sont moins importants, alors que l’imposition du sol agricole est problématique, voire non permise.

Les ressources propres des collectivités locales Les ressources propres de la plupart des collectivités locales proviennent d’un nombre limité d’impôts, de taxes et de redevances, complétés par des revenus des services locaux dont la contribution est globalement insatisfaisante. Les textes législatifs et réglementaires fixent un champ de ressources propres aux collectivités locales et les conditions d’exercice du pouvoir des collectivités locales en matière de taxation et de collecte de ressources. La loi permet aux collectivités locales des pays de l’UEMOA, en particulier les communes, de mobiliser directement sur leur territoire diverses ressources issues des produits de la fiscalité locale directe ou indirecte, des produits du patrimoine, des revenus du domaine et des recettes de prestation. Cette fiscalité locale diversifiée est souvent héritée dans la plupart des pays de l’UEMOA de l’ancienne fiscalité locale française. La fiscalité locale : Les recettes de la fiscalité locale sont constituées des impôts et taxes portant sur les personnes physiques, le foncier et l’immobilier, les activités économiques, les moyens de transport, la publicité, les spectacles, jeux et divertissements, les ressources naturelles (exploitation des mines, exploitation des carrières, exploitation des forêts, etc.) et le


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cheptel. La diversité de ces ressources varie en fonction des réalités de chaque pays et à l’intérieur d’un même pays, des réalités de chaque localité.

Les produits et revenus du domaine, du patrimoine et les recettes de prestations et ventes diverses sont constitués généralement des droits et taxes portant sur l’hygiène

publique et la protection de l’environnement, l’urbanisme opérationnel, les prestations d’électricité et d’eau, la commercialisation des produits agricoles d’origine animale et végétale, les actes administratifs et l’état civil, l’exploitation des infrastructures marchandes (marchés, gares routières, parkings, abattoirs), et autres infrastructures sociocommunautaires (cimetières, salle de spectacles, terrain de sport, etc.). L’inexistence ou la faiblesse du pouvoir de taxation des collectivités locales : Comme dans la plupart des pays d’Afrique de tradition francophone, le pouvoir fiscal des collectivités locales de l’UEMOA est faible. C’est le législateur qui a le pouvoir de modifier les assiettes des impôts locaux, les bases et souvent aussi les taux (consignés dans le code des impôts au même titre que ceux de la fiscalité nationale). Encadré 6 : Principales taxes partagées par les collectivités locales de l’UEMOA Les sept (7) taxes et redevances les plus partagées par les collectivités locales de l’espace UEMOA - Produits des amendes de police ou prononcées par les tribunaux, Taxe de séquestre ; Autres produits de gestion courante (vente d’animaux de fourrière, taxe de fourrière), Produit des amendes de produits forestiers - Droit de stationnement et parking (taxis et véhicules de transport en commun, etc. ;) - Droit de place sur les marchés ; Taxes sur les marchés ; Taxes foires et expositions ; Taxe de stationnement et vente sur les trottoirs et places autres que les marchés ; Taxe sur les abattoirs ; - Taxes de visites et inspection sanitaires produits alimentaires et viandes ; Taxe d’abattage ; Droit et produit de vente de fourrière ;, Taxe et produits des opérations de désinsectisation - Droits et taxes d’expédition, d’enregistrement et de légalisation d’actes administratifs et d’état civil ; - Taxe sur la publicité et l’affichage - Contributions des patentes et licences 7 autres taxes et redevances partagées - Taxe et redevance pour prestations et distribution de l’eau, de l’électricité et du téléphone - Produits des inhumations et concessions de sépulture, Cimetière – Services funéraires (inhumation, exhumations) ; Transports funèbres ; Ventes de cercueils ; - Taxe et Redevance de balayage et d’enlèvement des ordures ménagères - Taxe sur la coupe de bois, taxe d’abattage ; Droit d’exploitation de forêts, prairies ; reversement sur les permis de coupe - Droit d’exploitation de carrières, sablières, de gaz, énergie solaire ; Taxe additionnelle sur l’exploitation minière et l’exploitation de carrière - Taxe sur les spectacles, jeux et divertissements et l’exploitation de vidéos - Taxe sur les taxis ville à quatre, trois ou deux roues ; Taxe ou vignette sur les cycles à moteur et bicyclettes Extrait rapport étude nomenclature budgétaire collectivités locales UEMOA


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Tableau 7 : Pouvoir de taxation des collectivités locales des pays de l’UEMOA Pays

Taux

Base

Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Guinée Bissau* Mali Niger Sénégal Togo

Oui Oui

Non Non Non

Collecte des impôts Non Non Non

Oui Oui

Non Non Non

Non Non Non

Collecte des taxes Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Véto de l’État central Non Oui

Non Oui

* Ville de Bissau collecte directement ses taxes Source : rapport Gold II, Afrique + données auteurs

Le tableau ci-dessous décrit pour chacun des pays de l’UEMOA la liberté ou non pour les collectivités locales de fixer le taux ou de changer la base d’imposition. Il précise aussi si les collectivités locales collectent les impôts et taxes locales. Enfin, le tableau indique si l’État a un droit de contrôle ou de veto sur le budget des collectivités locales. Dans certains pays les collectivités locales ont néanmoins le droit de définir le taux d’imposition par rapport à certaines taxes : c’est le cas en Côte d’Ivoire, pour la patente, la licence et la taxe d’habitation et au Bénin, pour la taxe foncière unique (entre 4% à 8% à l’intérieur d’une fourchette déterminée par l’assemblée nationale). Dans le cas du Sénégal, les collectivités locales peuvent jouer sur la base du cadre des recettes tirées du domaine public (produits domaniaux) ou des services publics. Les collectivités locales ont par ailleurs, un peu plus de flexibilité, concernant les taxes locales et recettes non fiscales, même si les taxes qui peuvent être levées sont décidées à l’Assemblée Nationale. Ainsi, elles peuvent fixer le montant des tarifs des services locaux et ont le pouvoir de varier les taux de certaines taxes. Elles sont également responsables du recouvrement des taxes et peuvent même mettre en place des régies de recettes municipales dans certaines conditions et jusqu’à un certain montant.

La centralisation de la gestion de la chaîne fiscale : Comme l’ensemble des pays

francophone d’Afrique, la gestion de la chaîne fiscale est très centralisée dans les pays de l’UEMOA. Les recensements fiscaux en vue de l’estimation de l’assiette fiscale locale sont réalisés par les services déconcentrés de l’État (Direction Générale du Trésor et/ou Direction Générale des Impôts). Une fois que l’assiette fiscale est déterminée, les services fiscaux procèdent à l’enrôlement de l’assiette, à l’émission des avis d’imposition et au recouvrement des produits de ces impôts locaux. Les impôts recouvrés sont versés par les services déconcen-


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trés de l’État au Trésor public. Ensuite seulement l’information sur le montant des recettes est donnée aux responsables locaux et au receveur municipal. Ainsi, les collectivités locales sont formellement exclues de la chaîne fiscale ; dans certains pays, elles fournissent des intrants lors de certaines activités telles la distribution des avis d’imposition, le recouvrement (main d’œuvre et carburant par exemple).

La contrainte de l’unicité de caisse : Les collectivités locales sont obligées de déposer leurs liquidités au Trésor public qui est le banquier du secteur public. Il leur est formellement interdit d’ouvrir des comptes dans des banques privées, sauf en cas de dérogations. Cette disposition légale est renforcée par le fait que dans tous les pays, c’est le Trésor public qui est chargé du recouvrement des impôts d’État et des collectivités locales. La contrainte de l’unicité de caisse ne se pose pas pour l’instant en Guinée Bissau, pays où la décentralisation n’a pas encore été engagée, et où la seule municipalité déjà en place (Bissau) gère directement ses ressources propres qui sont logées dans des établissements financiers de la place. Le principe d’unicité de caisse, qui domine dans les pays francophones, affaiblit également la capacité des autorités locales à disposer des leurs revenus. Comme il a été expliqué précédemment, l’État peut se servir des ressources des collectivités locales pour couvrir en priorité ses propres engagements, entraînant des problèmes de trésorerie, voir même des réductions des ressources disponibles pour les autorités locales.

Les transferts financiers de l’État aux collectivités locales Les transferts financiers sont organisés en général, dans la plupart des pays de l’espace UEMOA, sous forme de dotations ou de subventions qui sont le plus souvent soit ineffectifs, soit insuffisants ou aléatoires, ce qui handicape les collectivités locales dans l’exercice de leurs compétences. Ces transferts peuvent être globalisées (une situation qui assure aux collectivités bénéficiaires une liberté d’utilisation de la ressource) ou affectées. Ils peuvent aussi être attribués par l’État sur la base de critères objectifs préalablement définis ou avec une marge discrétionnaire plus ou moins importante. Les transferts financiers sont destinés en général à couvrir les dépenses de fonctionnement (subventions diverses de fonctionnement, subventions d’équilibre, fonds de solidarité ou fonds de péréquation, subventions spécifiques, etc.) et les dépenses d’investissement (subventions ou dotations d’équipement de l’État, des collectivités territoriales et d’organismes internationaux et étrangers, fonds globalisés d’investissement, etc.). Au Mali, les transferts de l’État aux collectivités locales, outre les rétrocessions d’impôts d’État (patentes, licences, etc.), incluent des subventions de fonctionnement et pour la réalisation d’infrastructures. Les principaux types de transferts sont : la Dotation d’investissement (DIN),


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la Dotation d’appui technique (DAT), la dotation d’appui au fonctionnement des collectivités territoriales (DAFCT), la dotation d’inter-collectivité (DIC) pour le financement des actions d’investissement en inter-collectivité et la dotation de garantie des emprunts des collectivités territoriales(DGECT). Ces deux dernières dotations viennent d’être abondées en 2001. Il existe également les subventions à travers le Budget Spécial d’Investissement (BSI) pour les Régions, Cercles et le District de Bamako. Enfin, les collectivités locales reçoivent des transferts de ressources pour les domaines transférés, 103 milliard de FCFA en 2011, pour l’éducation (salaires, entretien, cantine scolaire, etc.). Au Burkina Faso, en plus du reversement au titre de la Taxe sur les produits pétroliers (TPP), les collectivités locales bénéficient de la DGF et de la DGE (6.819.991.000FCFA en 2010) et de transferts financiers liés au transfert des compétences : i) enseignement de base, 9 100 315 993 francs CFA, affectés en 2010, au fonds école dans 340 communes, au fonctionnement des écoles dans les 351 communes, à la réhabilitation d’écoles dans 71 communes et aux nouvelles réalisations d’infrastructures scolaires dans 68 communes ; ii) eau et assainissement, 804.000 000 FCFA affectés en 2010, à 201 communes rurales pour des réhabilitations de forages ; iii) santé, 871 579 365) FCFA affectés aux communes en 2010. Au Bénin, les transferts financiers de l’État transitent via le FADEC et sont regroupés à travers 2 dotations : la dotation de fonctionnement et la dotation d’investissement. Au Niger, deux dotations existent la dotation aux communes et la dotation au démarrage aux nouvelles régions, dans le cadre du fonds d’appui à la décentralisation. Le poids des transferts de ressources de l’État sur les recettes des collectivités locales est également variable en fonction de leur catégorie et de leur taille. Pour les communes, la part des recettes issues des transferts est généralement moins importante par rapport aux autres catégories de collectivités locales (régions, cercles). De même, les grosses communes dépendent moins des transferts que les petites communes. Ainsi, au Mali la part des recettes des communes provenant des transferts est de 36% pour l’ensemble des communes, variant de 68% pour les communes de moins de 10 000 habitants à 43% pour celle de 20 à 50 000 habitants et à 16 % pour Bamako. La part du financement des cercles (niveau intermédiaire) provenant des transferts est de 42% et celle des régions 52%. Au Burkina Faso, on constate que les transferts comptent pour 29% des recettes des communes dans leur ensemble mais pour 67% des recettes pour celles de moins de 20 000 habitants et 18% pour celles de plus de 100 000 habitants et pour 47% du financement des régions. Le montant des transferts est déterminé selon les trois modalités suivantes: i) un pourcentage fixe, soit de l’ensemble des recettes du gouvernement central, soit d’une partie des recettes tirées d’une ou de quelques taxes spécifiques (impôts partagés) budgétisées ou réalisées. Ceci est le cas par exemple de la Côte d’Ivoire ; ii) un montant fixe déterminé annuellement comme toute autre dépense de l’État, avec ou sans consultation des collectivités locales ; iii) un montant variable déterminé par une formule (un pourcentage des dépenses des bénéficiaires ou un montant dépendant des caractéristiques de la population : âge, éducation, etc.).


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Encadré 7 : L’application du principe de la péréquation dans le transfert des ressources de l’État aux collectivités La décentralisation met en avant dans les différents pays, le principe de péréquation basé sur la logique d’attribution équitable des financements entre les collectivités locales. Toutefois, ce principe s’il est reconnu et accepté par tous, pose parfois des difficultés dans son application pratique sur le terrain. Ainsi, au Mali, ce principe, est jugé adapté pour la réalisation d’équipements à fonction sociale ou administrative, mais est considéré comme moins propice pour la réalisation d’équipements et d’infrastructures marchandes, porteurs de développement économique. Le pays est également confronté à la prédominance des fonds sectoriels et géographiques additionnels au niveau du FNACT qui réduisent les ressources soumises à la péréquation nationale et déjouent ses critères d’allocation, basés sur la solidarité et les performances des collectivités territoriales. Au Burkina Faso, les collectivités locales regrettent l’utilisation du seul critère démographique (nombre de population) pour la répartition des dotations de l’Etat, car cela ne permet pas de résoudre les disparités entre les collectivités locales. De même, elles déplorent l’instauration en 2010, d’un montant fixe pour toutes les communes rurales (quelque soit leur taille) dans la répartition des sommes transférées au titre de l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement. Elles proposent ainsi la prise en compte du niveau de développement des territoires pour corriger les disparités et améliorer l’efficacité de l’application du principe de péréquation.

Par ailleurs, deux modes de transfert prédominent, le transfert par péréquation et le transfert par incitation. Le transfert par péréquation vise à garantir un niveau minimal équivalent de services gouvernementaux dans toutes les régions d’un pays en assurant aux collectivités locales, des recettes totales adéquates. Il est par nature inconditionnel et accroît plus la marge de manœuvre des collectivités locales que le transfert d’incitation, qui est souvent conditionné, et vise plutôt à modifier le comportement des collectivités locales. Il peut aussi arriver que les deux modes de transfert soient combinées. Les transferts de ressources portent en général sur le transfert en totalité ou en partie par l’État de certains impôts (TVA et autres) et le transfert de patrimoine productif de revenus. Dans la plupart des pays, la mise en œuvre de la décentralisation s’est traduite dans les textes de loi par le transfert de certains impôts et taxes aux collectivités locales. Toutefois, pour certains pays qui n’ont aucun système organisé de transferts (Togo) le versement des dotations est sensible aux aléas politiques et est souvent irrégulier. Tableau 8 : Conditions de l’accès à l’emprunt des collectivités locales Indicateur pris en compte Montant Service de la dette Seuil de ressources totales

Marché financier Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo

Source : rapport Gold II, chapitre Afrique, CGLU

Institution Financière Spécialisée Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo


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Globalement, en matière de transfert financier, les gouvernements sont souvent hostiles à la décentralisation des moyens financiers des compétences décentralisées dans le domaine des politiques sectorielle qui drainent pourtant les flux d’aide les plus importants et les investissements publics nationaux.

L’accès à l’emprunt ou aux marchés des collectivités territoriales L’accès à l’emprunt ou au marché financier pour les collectivités locales est limité et touche les grandes collectivités (exemple Dakar, Ouagadougou). Même lorsque la législation l’autorise, la situation des finances locales et le fonctionnement du système financier ne facilite pas l’accès au marché.

Le recours à l’emprunt : Dans la plupart des pays de l’UEMOA, le recours à l’emprunt, y

compris auprès des banques généralistes, est codifié par la loi mais sa mise en application demeure difficile du fait de nombreuses contraintes imposées par les États. Le recours à

Tableau 9 : Missions des institutions de financement des collectivités locales de l’UEMOA Pays/Institutions Bénin - FADEC Burkina Faso FPDCT Côte d’Ivoire - FPCT Guinée Bissau – FER* Mali - FNACT Niger - ANFICT Sénégal -ADM Togo FACT*

Subventions

Prêts

Bonification d’intérêt

Garantie

x

Appui institutionnel x

x x x x x -

x x -

x -

-

x x x -

* le FER est envisagé après les élections locales en Guinée Bissau ; FACT (Togo), réflexion en cours pour sa mise en place Source : rapport Gold Ii, Afrique + données auteurs

l’emprunt n’est pas direct, car dans la plupart des pays, un intermédiaire financier gère les fonds destinés aux collectivités locales. L’accès des collectivités locales à l’emprunt est encadré par quelques principes. Ainsi, les autorités de tutelle des pays de l’UEMOA, retiennent comme critère, un seuil de ressources propres des collectivités locales afin de s’assurer de leur capacité ultérieure de remboursement. Dans certains pays africains (comme le Maroc) l’accès à l’emprunt des collectivités


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locales prend en compte plusieurs conditions : le montant de l’emprunt, le service de la dette et le seuil des ressources totales. Aucun des dispositifs actuels de financement des collectivités locales de l’UEMOA n’est réellement spécialisé pour leur faciliter l’accès à l’emprunt. A l’exception du guichet DGECT du FNACT au Mali qui peut servir aux collectivités locales de garantie d’emprunts réalisés auprès d’autres établissements et vient d’être opérationnalisé (versement de la première dotation en 2011). On peut aussi citer lesexemples de deux institutions qui ne sont plus fonctionnelles, le Fonds de Prêt aux Collectivités Locales (FPCL) en Côte d’Ivoire, créé par décret en 1989 et logé au sein de la banque nationale d’investissement, ainsi que la Caisse de Prêt aux Collectivités Locales (CPCT) du Niger. Elles ont été confrontées à différentes difficultés, notamment la faiblesse des taux de remboursement des prêts contractés (moyenne de 11% en Côte d’Ivoire) et la faiblesse de la souscription des communes. L’existence d’institutions de financement des collectivités locales dans la plupart des pays : Des dispositifs de financement des collectivités locales existent dans tous les pays de l’UEMOA, mais ne sont pas encore tous opérationnels. Dans certains pays, ces dispositifs fonctionnent déjà (Fonds Permanent de Développement des Collectivités Territoriales – FPDCT au Burkina Faso, Fonds d’appui au développement des communes – FADEC au Bénin, Fond National d’appui aux Collectivités Territoriales – FNACT au Mali, Agence de Développement Municipal – ADM au Sénégal). Dans d’autres, leur mise en place est en cours (Agence nationale de financement des collectivités territoriales – ANFICT au Niger, Fonds d’Appui aux Collectivités Territoriales - FACT au Togo). Dans le cas spécifique de la Guinée Bissau un dispositif financier est prévu pour les futures collectivités locales. Il s’agit d’un Fonds d’équilibre financier (FER), dont la mise en place est envisagée après les élections locales pour accompagner les municipalités ; il sera composé de 2 guichets, un fonds général municipal (fonctionnement) et un fonds de cohésion municipale. Ces différents dispositifs peuvent avoir des missions diverses et variées (subventions, prêts, appui institutionnel, etc.), mais servent le plus souvent à accompagner les investissements des collectivités locales sous forme de subventions. Ils sont aussi de nature variable avec des statuts, soit d’établissements publics administratif ou financier, le FNACT au Mali, logé à l’ANICT ; l’ANFICT au Niger ; le FPDCT au Burkina Faso, dont certains ont une autonomie financière ; soit d’agences issues de projets de la coopération internationale, l’ADM au Sénégal ou le Fonds de Prêts aux Collectivités Locales (FPCL) de la Côte d’Ivoire qui n’est plus fonctionnel. Ces agences sont abondées par des ressources de l’État et de la coopération internationale. Le FADEC au Bénin fonctionne sous forme de ligne budgétaire. L’accès aux marchés financiers : Il n’existe pas pour l’heure de collectivités locales de l’espace UEMOA ayant conduit une expérience d’émissions obligataires sur le marché des capitaux. Une bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) a été mise en place dans le cadre de l’UEMOA, dont les dispositions permettent en théorie l’accès des collectivités locales d’Afrique de l’Ouest aux marchés financiers. Mais dans la pratique, aucune collectivité locale de l’espace UEMOA n’a pour le moment accédé à l’emprunt par la BRVM car les États rechignent à donner leur visa, condition préalable à tout emprunt auprès d’elle.


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Encadré 8 : La bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) Mise en place dans le cadre de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA), la BRVM qui est basée à Abidjan est régie par le Conseil Régional de l’Épargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) et est opérationnelle depuis 1988. Les dispositions de la BRVM permettent en principe l’accès au marché à toute structure publique (État et ses administrations) ou privée (entreprise cotée ou non en bourse). Dans le cas des collectivités locales, elles doivent transmettre un certain nombre d’informations, en plus des informations relatives à l’opération, comme une description des titres offerts et leur condition, la valeur nominale et le prix d’émission de l’obligation, la destination des fonds collectés, les modalités de placement des titres, les modalités de rémunération de l’emprunt, etc.

Des dynamiques sont néanmoins en cours, soutenues par des institutions financières communautaires comme la BOAD qui souhaite accompagner le financement de la décentralisation au sein de l’espace UEMOA. Il s’agit de la mise sur pied d’un établissement financier spécialisé (Crédit Municipal Africain), chargé d’apporter des ressources financières aux collectivités locales sous forme de prêts pour la réalisation d’investissements. Le FAGACE, Établissement Public International à caractère économique et financier, spécialisé dans la promotion des investissements publics et privés, dont tous les pays de l’UEMOA sont membres, veut aussi s’ouvrir aux collectivités locales et est disposée à aménager ses modalités de traitement des dossiers ; elle demande à être mise en confiance par des comptes de collectivités locales transparents.

3.2.4. La promotion du développement économique local (DEL) L’intérêt des collectivités locales pour le développement économique local (DEL), s’explique par le fait que les politiques de DEL peuvent leur permettre de relancer leur économie locale, faciliter la création d’emplois et de revenu et améliorer leur gouvernance et leur performance. La promotion du DEL se Encadré 9 : Le Crédit Municipal Africain (CMA) : une initiative communautaire publique-privée pour accompa- base sur une approche différente des stratégies traditionnelles de développement. Elle met l’accent sur l’amélioration gner le financement de la décentralisation dans l’espace de la compétitivité et la performance économique d’un terriUEMOA toire ; par exemple une région ou une ville et son hinterland. Le CMA est un établissement financier en création, qui sera Collectivités locales, entreprises, communautés de base et/ spécialisé dans le financement des villes de l’UEMOA de plus de ou ONG travaillent ensemble pour développer une compré100 000 habitants. Cet établissement aura ainsi pour objet d’aphension de leur économie locale, réfléchir sur les différentes porter des ressources financières, sous forme de prêts, aux collectivités locales, pour le financement d’investissements dans leurs options de relance et développer des stratégies et des domaines de compétence. Il est prévu d’installer le siège du CMA projets qui permettent de partager les bienfaits de la croisau Mali, avec un rayonnement dans les autres pays visés par le sance économique. Le DEL se réfère donc à une stratégie projet. de développement économique basée sur un territoire, dont Suite à l’atelier organisé, du 2 au 3 juillet 2009, sur l’amélioration la maîtrise d’ouvrage et la gestion sont locales et qui vise de l’accès à l’emprunt des collectivités de l’Afrique de l’Ouest et du centre, le Conseil d’Administration de la BOAD a pris la décision principalement à augmenter le nombre d’emplois, la masse d’autoriser une prise de participation au capital du Crédit Municipal de revenus ainsi qu’à augmenter la croissance économique. Africain. Cette prise de participation s’est faite à hauteur de 20% Il participe aussi à l’efficacité de l’aide en encourageant la du capital du CMA, soit 1 milliard de FCA. L’enjeu est de soutenir maîtrise d’ouvrage locale, la planification locale et la prise de cette initiative du secteur privé et appuyer les États membres de décision au niveau local. Il améliore en outre la gouvernance l’UEMOA dans leurs politiques de décentralisation, conformément aux orientations de son Plan stratégique. locale, réduit la pauvreté et contribue à l’enracinement de la La BOAD envisage aussi d’apporter un appui au processus de dédécentralisation. La plupart des stratégies de DEL identifient centralisation en cours dans ses États membres notamment sur les les projets qui sont des priorités locales, pas nécessairement volets de financement des projets des collectivités locales touchant les priorités des partenaires au développement (François Yatà l’environnement et à l’énergie. ta ).


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La pratique du DEL est très marginale dans l’espace UEMOA et se heurte à de nombreux écueils (incivisme fiscal, lenteur dans la mise à disposition des dotations de l’État, accès difficile des collectivités locales à l’emprunt, trop forte prépondérance de l’informel, non maîtrise du potentiel économique local par les élus, utilisation de la majeure partie du budget des collectivités locales pour le fonctionnement alors qu’il faut investir pour pouvoir développer le territoire, contraintes du code des marchés publics). Les échanges et réflexions, déjà engagées au niveau de l’UEMOA par les autorités locales , montrent que les collectivités locales sont fortement intéressées par la mise en place de politique de DEL sur leur territoire, pour faire face à ces difficultés. Elle pointent néanmoins quelques préalables, démarches et principes d’action qui doivent guider son élaboration et sa mise en œuvre et son développement : i) faire attention au niveau pertinent de mise en œuvre des stratégies et actions (coopération entre collectivités) ; ii) procéder à une analyse approfondie des expériences de développement économique local au plan institutionnel et économique (identification des secteurs porteurs, meilleurs investissements, etc.) ; iii) renforcer les capacités des acteurs à travers des échanges d’expériences ; iv) orienter les partenaires techniques et financiers, en particulier la Encadré 10 : : Recommandations en faveur du développement économique local (DEL) dans l’UEMOA A l’endroit de la Commission de l’UEMOA : - Inciter les États à appuyer les collectivités territoriales en matière de mobilisation des ressources (dotation et cadre législatif de la décentralisation fiscale) ; - Opérationnaliser les instruments financiers et programmes structurants conçus au niveau de la Commission de l’UEMOA; - Faciliter l’accès des Collectivités locales à l’emprunt ; - Adapter la réglementation communautaire au DEL ; - Améliorer l’environnement des affaires ; - Faire un plaidoyer à l’endroit des États afin qu’ils dotent les collectivités territoriales de ressources humaines qualifiées ; - Constituer l’interface entre les États et les collectivités territoriales en vue du transfert effectif des ressources financières aux collectivités territoriales. A l’endroit des États : - Transférer effectivement les ressources financières aux collectivités territoriales ; - Mettre à la disposition des collectivités territoriales les informations nécessaires et les ressources humaines qualifiées ; - Décentraliser les marchés publics ; - Appuyer la mise en place d’un système d’information permettant de mener des stratégies de DEL crédibles mais aussi de les évaluer ; - Décentraliser les politiques sectorielles. A l’endroit des collectivités territoriales: - Adopter une gestion locale plus « positive » basée sur les potentialités et les forces ; - Mettre en place un système d’information économique locale ; - Renforcer la capacité des acteurs de l’informel afin de leur permettre d’accéder aux marchés publics locaux ; - Recourir au concours de la diaspora et des banques dans le financement du DEL ; - Procéder à une bonne planification intégrant un plan de formation et une stratégie de communication locale ; - Améliorer la qualité de la dépense publique locale (efficacité et efficience) ; - Proposer des schémas d’implication des populations, du secteur privé et des organisations de la société civile pour garantir le contrôle citoyen de l’action publique. Extrait actes Conférence régionale sur le développement territorial, UEMOA


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coopération décentralisée, pour une plus grande prise en compte des politiques de DEL ; v) assurer l’évaluation des politiques de DEL. Aujourd’hui, pour promouvoir le DEL et accompagner le financement des collectivités locales plusieurs défis doivent être relevés: i) inciter les États à appuyer les collectivités locales en matière de mobilisation des ressources (dotation et cadre législatif de la décentralisation fiscale) ; ii) opérationnaliser les instruments financiers et programmes structurants conçus au niveau de la Commission de l’UEMOA; iii) accompagner les États et les collectivités territoriales en vue du transfert effectif de ressources financières adéquates aux collectivités territoriales ; iv) faciliter l’accès aux crédits et aux marchés pour les collectivités territoriales, en particulier les grandes agglomérations urbaines, les régions ; v) appuyer la mise en place d’un système d’information permettant de mener des stratégies de Développement Économique Locales crédibles mais aussi de les évaluer.

3.3. Capacités administratives 3.3.1. L’évolution du service public local La faiblesse qualitative et quantitative des ressources humaines des administrations locales Les administrations des collectivités locales de l’espace UEMOA se caractérisent principalement par la faiblesse qualitative et quantitative de leurs ressources humaines. Les collectivités locales sont en effet globalement confrontées à un manque de personnel, de surcroît qualifié, pouvant leur permettre de prendre en charge de façon correcte les différents services publics locaux qui leur ont été transférés. Ce déficit de ressources humaines constaté dans les administrations locales est cependant variable en fonction du niveau et du statut des collectivités locales. Ainsi, les situations restent très diversifiées que ce soit entre les collectivités locales de même niveau (avec des communes urbaines plus nanties que celles rurales), ou entre les différents de niveaux de collectivités, avec des différences entre les communes urbaines et les autres niveaux de collectivités existants (département-cercles et régions en fonction des pays). La spécificité des grandes agglomérations urbaines (villes capitales politiques ou économiques) doit également être relevée, puisqu’elles regroupent en général, l’essentiel des effectifs des administrations des collectivités locales. Les administrations des collectivités locales sont composées de personnel recruté directement par les collectivités locales et émargeant à leurs budgets et de personnel mis à disposition par l’État. Pour le personnel recruté, les collectivités locales disposent de peu de marge de manœuvre, pour mobiliser des agents qualifiés et en quantité, notamment du fait de leurs faibles capacités financières mais aussi à cause de l’encadrement des procédures de recrutement observé dans la plupart des pays. La mise à disposition par l’État de personnel aux collectivités locales s’observe dans tous les pays. Cette mise à disposition concerne le plus souvent du personnel cadre (Secrétaire général, responsable des services techniques ou des services financiers), dont les salaires sont en général pris en charge par l’État, les collectivités locales se contentant de leur verser des indemnités (cas de la Côte d’Ivoire). Dans de nombreux pays les collectivités locales ont également hérité dans le cadre des transferts de beaucoup de personnel d’entretien non qualifié, ce qui pèse sur leur fonctionnement.


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La taille des effectifs est faible comparativement aux effectifs de la fonction publique nationale, elle varie entre 5 et 10%. Et le personnel des collectivités locales est globalement peu qualifié 5 % ont le niveau A et la très grande majorité constitue du personnel d’appui et de soutien (PDM). Au Bénin, les agents des catégories D et E sans qualification sont en surnombre actuellement dans les communes ; alors qu’elles ont surtout besoin de personnel composé d’agents de catégorie B et C, mais aussi d’agents de catégorie A pour les fonctions de direction et encadrement. Tableau 11 : Situation des ressources humaines PAYS

Effectif total de la fonction publique d’État

Effectif total Niveau de qualipersonnels fication collectivités locales

Régime juridique (droit public, droit privé ou mixte)

Procédure de recrutement pour les hauts cadres

Existence de programmes de formations

Bénin

47 175 (2010)

4 000

7 % qualifiés pour travaux de conception et d’encadrement.

Régime juridique mixte

Transfert des anciens employés des sous préfectures aux communes

- Pas d’institution spécialisée dans la formation des cadres locaux. - La Maison des collectivités créée en 1997 apporte un appui aux communes. - CEFAL en cours de création

Burkina Faso

98 606 (2010)

4 614*

-

- Fonction publique territoriale - Contractuel

- Recrutement encadré par la tutelle

- Formations organisées par l’État et les partenaires - ENAM (division collectivités locales)

Côte d’Ivoire

114 076 (1994)

47 325

Grade A 4 (ingénieurs, administrateur) Grades B3 (secrétaires, administratifs, techniciens supérieurs, assistants comptables

Régime mixte : - Statut général de la fonction publique et loi portant statut du personnel des collectivités territoriales pour les fonctionnaires ; - Code de travail, loi portant statut du personnel des collectivités territoriales pour les non fonctionnaires

- Tutelle en ce qui concerne le recrutement des fonctionnaires - Pour les non-fonctionnaires, chaque commune mène sa propre politique de recrutement (sur analyse du dossier et besoins exprimés)

- Les formations sont organisées par les partenaires au développement. - Chaque commune organise son propre plan de formation Il n’existe pas de formation initiée par la tutelle.

Guinée Bissau

-

Autour de 700 (ville de Bissau)

6% de cadres environ

-Fonction publique

- Recrutement par la municipalité

La municipalité de Bissau développe ses propres initiatives pour former ses agents

Mali

53 348 (2010)

10 000

Maitrise – DUTS- CAP

Fonction publique Territoriale opérationnelle en 2008

Concours

- Formation ponctuelle

Niger

40 000 (estimation 2011)

2 500 (estimation 2011)

-

- Fonction publique nationale - contractuel - convention collective interprofessionnelle

Recrutement par municipalité

- Formation par l’État et les partenaires - Création du CFGCT adossé à l’ENAM

Sénégal

65 000 (2010)

6 846

Cadres supérieurs niveau : 5 % Agents d’appui et d’exécution : autour de 90 %

Droit public pour le personnel de l’État détaché et droit privé pour le personnel recruté par les collectivités locales

Le personnel communal est recruté librement par les autorités locales

- Programme ponctuel de formation en fonction des appuis des partenaires au développement

Togo

-

-

-

Existe déjà une loi portant statut du personnel des collectivités locales

Pour l’instant les collectivités disposent d’agents de la fonction publique nationale et de contractuel

- Existe des programmes de formation

*Burkina Faso (source ADEPAC/BDCT, 2009)


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De nombreux problèmes et défis dans la gestion du personnel des collectivités territoriales Les collectivités territoriales doivent faire face à plusieurs écueils qui limitent leurs capacités d’agir et leur fonctionnement. Au-delà de l’insuffisance qualitative et quantitative de leur personnel, elles sont confrontées à plusieurs difficultés : i) la faiblesse de leurs ressources financières qui ne leur permet pas de recruter et prendre en charge un personnel minimal de qualité et d’assurer le paiement régulier des salaires des agents sur leurs budgets propres ; ii) le problème de la gestion de leur personnel (recrutement, licenciement.) qui n’est pas toujours décentralisée; iii) l’instabilité et la faiblesse des niveaux de compétentes des ressources humaines (très peu de cadres de catégorie A et B) ; iv) la faiblesse du niveau des salaires qui diminue l’attractivité des collectivités locales et ne valorise pas le personnel des collectivités territoriales; v) l’existence d’une pléthore d’agents avec un faible niveau de qualification, en particulier dans les grosses collectivités territoriales, liée souvent aux recrutements fantaisistes, par affinité et sans souci du rendement; vi) le caractère hybride du Statut de leurs agents (contractuel, agents mis à disposition de l’État, fonctionnaire territorial) qui ne facilite pas une gestion rationnelle des ressources humaines ; vii) et l’absence des compétences y compris souvent sur le marché de travail, pour satisfaire les demandes des collectivités. Aujourd’hui, les administrations des collectivités sont pour la plupart peu performantes et ne répondent pas toujours aux attentes des élus et des populations. Aussi, les questions liées au statut, au niveau, à la formation et au renforcement des capacités du personnel sont des préoccupations réelles des responsables des collectivités locales.

3.3.2. Les programmes de renforcement des capacités des collectivités territoriales Le renforcement des capacités propres des collectivités locales, constitue une des solutions pour aider les collectivités locales à améliorer leurs performances et l’offre de services publics locaux de qualité aux citoyens. Certains pays disposent de stratégies nationales de renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation déjà opérationnelles (Mali), en cours d’adoption (Niger, Burkina Faso) ou d’élaboration (Bénin, Sénégal). Les collectivités territoriales bénéficient aussi d’importants programmes de formation, qui sont bien souvent qu’une composante de programmes d’appui à la décentralisation, financés par la plupart des partenaires techniques et financiers intervenant dans le domaine. Ces programmes portent sur des actions de formation des autorités locales (le plus souvent au profit des premiers responsables des exécutifs des collectivités territoriales) et du personnel des collectivités territoriales sur divers thèmes sur la décentralisation et le développement local. Les différents programmes de formation réalisées avec l’appui des partenaires techniques et financiers et des États ont permis dans certains cas d’améliorer les conditions d’installation et de fonctionnement des organes des collectivités locales, ainsi que l’organisation de leurs services. Leur exécution sur le terrain révèle également un certain nombre d’écueils : i) la grande diversité des outils et des approches de formation, dont certains se révèlent peu appropriés, et la multiplicité des acteurs, source de cacophonie dans les interventions ii) l’absence de cadre institutionnel cohérent et pertinent dans le domaine, ce qui pose la question de l’har-


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monisation au niveau national et communautaire (UEMOA); iii) les redondances et les duplications des offres de formation ; v) la concentration des formations autour des responsables des exécutifs (présidents de conseils communaux ou régionaux et adjoints) au détriment du reste des élus et des autres acteurs locaux; vi) et l’absence de mécanisme de suivi évaluation. Pour faire face à ces contraintes et accompagner de façon plus cohérente et structurée le renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation, sont mises en place progressivement des structures spécialisées dans la formation des élus et des agents des collectivités locales, sous forme d’établissement public autonome. L’enjeu de la création de ces centres, c’est de pouvoir accompagner les stratégies nationales de renforcement des capacités par la mise en place de structures pérennes, spécialisées dans la formation des acteurs de la décentralisation. C’est le cas au Mali avec la création du Centre de formation des collectivités territoriales (CFCT) en 2007 et dont les activités ont démarré en 2008. Au Bénin, une feuille de route a été élaborée pour la mise en place d’une structure permanente de formation aux emplois communaux, le Centre de formation pour l’administration locale (CEFAL). Une Cellule a été en mise place au sein du MDGLAAT et est chargée de la préparation de l’avènement du CEFAL qui devrait être un établissement public national à caractère social, culturel et scientifique doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Au Niger a été mis en place le centre de formation et de gestion des collectivités territoriales (CFGCT), logé au sein de l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM). Encadré 11 : Le CFCT : un exemple de pérennisation d’une structure spécialisée dans la formation des élus et agents des collectivités locales au Mali. Créé en 2007, le CFCT est un Établissement Public à caractère Scientifique et Technologique doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Sa création rentre dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de formation des acteurs de la décentralisation élaborée par le MATCL en 2004 ; Cette stratégie préconisait en effet la mise en place d’une structure pérenne spécialisée dans la formation des élus et agents des collectivités territoriales. Le CFCT a pour missions principales : i) le renforcement des capacités des élus et agents des collectivités territoriales ; la réalisation d’études et de recherches en matière de décentralisation et de développement local. Elle assure deux types de formation : la formation professionnelle d’initiation et la formation continue ou perfectionnement articulée autour des trois filières de la fonction publique territoriale (Administration ; Comptabilité-Finances ; technique). De son démarrage en 2008 à ce jour, le Centre de Formation des Collectivités Territoriales a programmé et mis en œuvre de nombreuses activités de formation à l’intention des agents et des élus des collectivités territoriales. - La formation d’initiation des 721 fonctionnaires territoriaux recrutés en 2008. Sur les 721 agents recrutés en 2008, tous les 201 des catégories A et B2 ont bénéficié du cycle complet de la formation initiale du CFCT appelée « Formation Professionnelle de Base », qui comprend: i) la formation d’initiation de 15 jours; ii) et les formations spécifiques aux filières de la fonction publique territoriale (Administration, Finances, Technique) d’une durée d’environ 3 mois et ½ étalée sur 10 mois et qui se déclinent en phase de Tronc commun et en phase de Spécialisation. - La formation des membres des organes exécutifs des collectivités territoriales : cette formation d’une durée de 5 jours a concerné tous les Maires et Adjoints, Présidents et Vice-présidents des assemblées régionales et du conseil du District de Bamako, des conseils de cercle, soit au total 3011 élus locaux. - Les formations réalisées pour le compte d’autres partenaires : le PACR (Programme d’Appui aux Communautés Rurales), un projet de la Banque Mondiale), l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF), etc. En perspective, pour améliorer la qualité de la formation des élus et agents des CT et l’assurer de façon efficace le CFCT a besoin de renforcer ses capacités à différents niveaux : i) l’amélioration de son mécanisme de financement, avec le relèvement du pourcentage de la Dotation d’appui technique (DAT) affecté au CFCT au titre de la contribution des CT pour la formation de leurs élus et agents, (actuellement de 15%), à un montant minimum de 30% ; et l’augmentation de la subvention allouée au CFCT par l’État qui est actuellement de 114 millions environ ; ii) la consolidation de son cadre juridique, ceci pour prendre en compte par voie légale la formation de toutes les catégories de fonctionnaires des CT ; iii) la mise en œuvre du partenariat consacré par la Convention avec l’École nationale d’administration (ENA ); iv) la mise en place d’un dispositif de suivi-évaluation des actions de formation (apprenants, formateurs et outils de formation) ; v) la construction du siège, dont le financement est déjà acquis auprès de la KFW.


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La formation des acteurs de la décentralisation est un puissant levier sur lequel il faut agir pour permettre aux collectivités territoriales d’animer et de gérer de façon efficace et durable les affaires publiques locales. Son caractère transversal appelle à une large concertation de l’ensemble des parties prenantes au niveau national et au sein de l’espace UEMOA, ceci pour conforter les processus décentralisation et les principaux acteurs qui les portent et l’animent. De ce point de vue, il convient de saluer la constitution en réseau d’un certain nombre d’instituts et de centre de formation de l’espace UEMOA. Grâce au partage des approches pédagogiques et de formation et aux synergies créées entre eux, les différents centres veulent relever le défi de l’amélioration de la qualité de la formation des élus et agents des collectivités locales dans les différents pays. Encadré 12 : Des centres et instituts de formation de l’espace UEMOA mutualisent leurs expériences et pratiques pour mieux accompagner les acteurs de la décentralisation. Suite à l’atelier d’échanges et de réflexion a été organisé avec l’appui d’InWent (coopération allemande), dans le cadre de son « Programme Renforcement des capacités pour le soutien des processus de décentralisation en Afrique de l’Ouest-période 2010-2013 », des structures de formation de l’espace UEMOA ont souhaité inscrire leurs actions dans une perspective sous-régionale, ceci pour créer plus de synergie entre elles, partager les approches pédagogiques et de formation et améliorer ainsi la formation des élus et des agents des collectivités locales. L’atelier a permis aux structures de formation présentes, l’École nationale d’administration et de magistrature -ENAM du Burkina Faso, le centre de formation de l’administration locale - CEFAL du Bénin, le Centre de formation des collectivités territoriales - CFTC du Mali, le centre de formation en gestion des collectivités territoriales - CFGCT du Niger, ainsi que la Direction de la formation et de la communication du Ministère de la décentralisation du Sénégal, de jeter les bases de la création d’un « réseau des centres et instituts de formation des acteurs de la décentralisation dans l’espace UEMOA ». Le réseau qui se veut comme un cadre d’échanges et de dialogue sous-régional en matière de renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation, se fixe comme objectifs, entres autres, de : i) servir de plateforme d’échanges, de réflexion, et de capitalisation d’expériences et de pratiques des acteurs de la décentralisation ; ii) favoriser une plus grande harmonisation des outils de formation et d’ingénierie pédagogique, iii) promouvoir une démarche qualité dans le renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation.

3.3.3. Le statut du service public local : une évolution progressive vers la mise en place de fonctions publiques territoriales Selon les pays, on distingue plusieurs catégories de personnels au niveau des collectivités locales : i) le personnel fonctionnaire, régi par le statut général de la fonction publique; ii) le personnel fonctionnaire régi par la fonction publique territoriale ; iii) le personnel, régi par le Code du travail et la Convention collective interprofessionnelle ; iv) les agents contractuels. Beaucoup de pays de l’espace UEMOA, ont déjà adopté une loi portant sur le statut du personnel des collectivités locales (Mali, Burkina Faso, Niger, Côte d’ivoire). Dans certains pays le processus est en cours, c’est le cas du Sénégal et du Bénin, où le Statut est encore à l’étape de projet déposé à l’Assemblée nationale. Le Togo a déjà adopté une loi (n°2008-006 du 11


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Juin 2008), portant Statut des agents des collectivités territoriales. La fonction publique des collectivités territoriales est aujourd’hui une réalité au Mali et au Burkina Faso, et regroupe tout le personnel travaillant au niveau des collectivités locales et les agents publics des domaines ayant fait l’objet de transferts de compétences et de ressources. Au Mali, deux concours professionnels (filières administration, comptabilité/finances et techniques) ont été organisés pour les agents des collectivités territoriales en poste et ont été suivis en 2008, d’un concours direct de recrutement sur la base de besoins exprimés par les collectivités territoriales. Face au déficit de ressources humaines du service public local, la mise en place d’une fonction publique territoriale est considérée d’une certaine manière comme un palliatif. En effet, l’absence d’un Statut du personnel des collectivités territoriales est toujours considérée comme un facteur d’insécurité des agents du service public local qui se tournent alors vers des horizons professionnels jugés plus rassurants. Cette situation rend difficile le recrutement et le maintien d’un effectif de qualité au sein des administrations communales. De nombreux défis restent cependant à relever, i) le problème de l’opérationnalisation de ces réformes se pose un peu partout, en l’absence de textes d’application dans les différents pays, ii) et l’amélioration du corpus de textes régissant la fonction publique locale, de même que l’intégration des personnels transférés (enseignement et santé, etc.) se posent également dans les pays où la réforme est déjà opérationnelle.

3.3.4. Le respect de l’intégrité, de la transparence et les progrès effectués dans la gestion de la prestation de services dans les collectivités locales Le respect des principes de la bonne gouvernance et de la démocratie locale doit guider les collectivités locales dans la gestion des affaires locales et la prise de toutes initiatives pour promouvoir le développement local et l’amélioration des conditions de vie des populations. Dans la plupart des pays, des déficiences sont relevées dans la mise en place de mécanismes adaptés de promotion de la transparence dans la gestion locale (par exemple il n’y a pas de systématisation de la pratique du compte-rendu des actions développées vis-à-vis de la population). Et le problème de la qualité de gestion se pose dans un certain nombre de collectivités locales et peut déboucher parfois sur des condamnations de responsables élus, en particulier dans le domaine de la gestion foncière. Toutefois, malgré leur jeunesse au regard du caractère récent des processus de décentralisation, les collectivités locales arrivent à assurer une gestion correcte des affaires publiques locales, notamment grâce au contrôle citoyen qui s’exerce à la base dans plusieurs pays, via les structures locales organisées (Ong, associations et groupements de base) et la presse. A cela s’ajoute également les contrôles exercés par l’État (contrôle de légalité) Les expériences de reddition de compte (présentation du compte administratif) et de mise en place d’espace d’interpellation communal se développent de plus en plus. En outre, se mettent en place dans les pays des mécanismes obligeant les collectivités locales à rendre


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compte de leur gestion aux citoyens. Par exemple le nouveau code des collectivités locales du Niger prévoit des dispositions qui permettent de contrôler l’action de l’exécutif ; ainsi le maire est tenu de présenter un rapport annuel qui doit être validé par le conseil municipal, et de rendre compte également aux citoyens (présentation du rapport et débat en public). Des expériences ont été initiées pour favoriser la bonne gouvernance locale. Dans certains pays, les associations nationales de collectivités locales ont lancé des expériences pour mesurer l’évolution de la gouvernance locale au plan national. Ainsi, au Bénin, l’ANCB a lancé ce processus dans 76 communes après avoir défini différents critères de mesure de la gouvernance locale regroupés autour de quatre dimensions la participation, le genre, la transparence et la mobilisation des ressources. Dans d’autres sont promues des expériences encore limitées d’auto-évaluation de la gouvernance locale par les collectivités locales elles mêmes ; c’est le cas au Burkina Faso, dans le cadre de la mise en œuvre du projet d’appui à la décentralisation et à la participation citoyenne (ADEPAC) soutenu par le PNUD. Par ailleurs, les collectivités locales font progressivement de réels progrès en matière de gestion de la prestation de services aux populations. Malgré leurs difficultés à assurer pleinement la maîtrise d’ouvrage dans l’exécution des services et travaux publics locaux, elles ont obtenu des avancées sur le terrain grâce à la multiplication et à la diversification des partenariats à la fois avec les acteurs locaux (ONG, associations et groupements locaux, etc.) et aussi par le biais de la coopération décentralisée qui joue un rôle essentiel d’accompagnement des collectivités locales dans la gestion des affaires publiques locales. Aujourd’hui, le renforcement des capacités propres des collectivités locales en priorité, combiné au transfert par l’État d’une partie de ses effectifs aux collectivités locales peuvent constituer des solutions complémentaires au déficit de ressources humaines des collectivités locales. Toutefois, l’amélioration sensible du fonctionnement et des capacités des collectivités territoriales trouvera sa réponse dans la concrétisation de plusieurs démarches : la promotion d’une fonction publique locale attractive ; l’appui aux collectivités locales en vue d’une meilleure mobilisations de leurs ressources propres, ceci pour assurer le paiement régulier des salaires de leurs agents sur leur budget et faciliter leur stabilisation; la responsabilisation des collectivités locales dans la gestion de leur personnel; la définition de stratégies et la mise en place de programmes nationaux de renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation; l’appui à la création de centres spécialisés dans la formation des acteurs des collectivités territoriales (agents et élus); et la constitution d’un vivier de personnel pour les collectivités locales, grâce à la mise en place de programmes de formation initiale ou continue au sein de ces centres. Des mesures d’accompagnement complémentaires sont aussi nécessaires, en particulier l’engagement de réforme sur le statut des élus locaux, afin d’améliorer leurs conditions d’exercice du pouvoir au niveau local.


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4. DÉMOCRATIE LOCALE Toute démocratie locale s’apprécie généralement par une série d’indicateurs de gouvernance. Dans le cadre du présent rapport, cinq indicateurs parmi bien d’autres sont retenus pour l’analyse de la vitalité de la démocratie locale dans les pays de l’UEMOA. Il s’agit (i) du système politique local mis en place, (ii) de la participation citoyenne, (iii) des relations entre le gouvernement central et les pouvoirs locaux, (iv) de l’impact de la décentralisation et de la démocratie locale sur les politiques publiques nationales et (v) du rôle des associations de pouvoirs locaux dans l’enracinement de cette démocratie.

4.1. Système politique local 4.1.1. Rôle, structure et influence des partis politiques dans la représentation locale Dans la majorité des pays de la sous région, les élections locales sont restées une affaire de partis politiques. Les partis politiques jouent un rôle fondamentalement stratégique et politique dans le processus de décentralisation. Ces derniers seuls sont habilités à investir des candidats au cours de ces élections. Les populations participent à plusieurs sources de légitimité, notamment traditionnelle et religieuse, et s’y réfèrent souvent dans leur comportement de citoyen envers les institutions de la démocratie politique. Ainsi s’aperçoit-on qu’il existe une tendance à privilégier ou à favoriser le « fils du terroir ». A contrario, les citoyens ne comprennent pas toujours pourquoi des personnes dites « allogènes » pourraient être éligibles localement « alors qu’ils ne sont pas de la localité ». Par ailleurs, les lois électorales obligent à s’affilier à un parti pour pouvoir se présenter aux élections locales (Sénégal par exemple) dans la mesure où se sont les parties politiques qui animent la vie publique. Le risque est alors grand de voir les candidatures refléter davantage les enjeux des partis nationaux que les préférences des populations locales. Ainsi dans la majorité des pays d’Afrique de l’Ouest, les élections locales sont restées une affaire de partis politiques. Ces derniers sont les seuls habilités à investir des candidats au cours de ces élections. Le Bénin fait figure d’exception en ouvrant la compétition locale aux candidatures indépendantes. Le poids des enjeux nationaux sur les affaires locaux et les conseils des collectivités territoriales, conséquence directe de l’emprise des conflits partisans nationaux des partis politiques sur les organes délibérants voire exécutifs des collectivités locales, affecte le fonctionnement interne et entraîne très souvent des blocages. Presque partout, les querelles et les jeux politiques observés au niveau national, ont été transportés dans le système local avec l’avènement de la décentralisation et impactent sur la gouvernance locale. Malgré ces risques, les progrès de la démocratie locale sont indéniables. Dans nombre de pays, le renouvellement important des élus d’une élection locale à l’autre manifeste cet intérêt


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des citoyens, y compris dans les États où l’alternance politique est peu fréquent au niveau de la représentation nationale, de la présidence ou du gouvernement central. Les recherches récentes sur la décentralisation montre qu’au cours des ces six dernières années, la plupart des États ont confirmé leurs engagements en faveur de la décentralisation. Les politiques dans ce domaine ont franchi dans de nombreux pays des étapes supplémentaires malgré des perturbations politiques qui ont, dans certains cas, atteint le niveau de remise en cause totale des institutions nationales. En Côte d’Ivoire, les crises politiques successives dans ce pays n’ont pas fondamentalement remis en cause le processus de décentralisation. Les autorités locales issues des élections municipales de 2001 sont restées en place pour la plupart et les communes ont continué à fonctionner avec des conseils dans lesquels siègent et travaillent en commun des élus issus des partis politiques (RDR, PDCI, FPI). Bien plus, les élections départementales ont été organisées et les conseils généraux mise en place. Ainsi, par delà les discontinuités politiques nationales, il y a une continuité voire une permanence de la politique de décentralisation. Par ailleurs, les alternances politiques au niveau national n’ont apporté aucune discontinuité dans le mouvement de décentralisation amorcé depuis le début des années 90 dans toute la sous région. Au Mali, au Bénin, au Sénégal, les gouvernements issus des alternances démocratiques sont allés dans le sens d’une consolidation des acquis. Un ministère spécifique aux communes a même été créé au Bénin. Il s’agit du ministère de la décentralisation, de la gouvernance locale, de l’administration et de l’aménagement du territoire. Au Niger, après plusieurs reports durant les années 90 et même au début de l’actuelle décennie, les élections municipales ont été organisées en juillet 2004, puis très récemment en 2011 lors des élections générales consacrant de la VII République. Le Niger a réalisé pour l’ensemble du pays l’option initiale pour une décentralisation intégrale. Au Togo, depuis les premières élections locales organisées en 1987, le processus de décentralisation est en panne. En effet, les élections locales n’ont pas été renouvelées en 1992 et en 2001, les communes ont été dissoutes laissant la place à des délégations spéciales qui perdurent jusqu’à maintenant. Une loi de décentralisation a été votée en 1998 mais n’a pas été mise en œuvre. Suite aux états généraux démarrés en 2004, une nouvelle loi de décentralisation a été votée en 2007. Aujourd’hui, malgré la volonté politique affichée par l’État togolais qui souhaite engager courant 2011, l’organisation les élections locales , les avancées ne sont pas très significatives par rapport à la mise en œuvre de la décentralisation. En Guinée Bissau, le processus d’élaboration des textes de décentralisation est à son terme et des premiers échanges et concertation ont été organisés avec les principaux acteurs concernés. L’enjeu aujourd’hui est de pousser le gouvernement à organiser rapidement les


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élections locales, après discussion des propositions de textes et leur adoption par l’assemblée nationale. En somme, les turbulences politiques n’affectent en rien la confirmation du processus d’enracinement de la décentralisation dans l’espace UEMOA qui reste la nouvelle donne de l’échiquier politique et socio économique de cet espace.

4.1.2. Systèmes d’élection des conseils et des autorités exécutives Les élections locales rentrent de plus en plus dans les habitudes. Nombre de conseils locaux en sont à leur quatrième (Sénégal), troisième (Mali) ou deuxième mandature (Bénin, Niger). Malgré quelques cas de report (Mali, Sénégal, Burkina Faso) les échéances sont généralement respectées. Globalement, le taux de participation des citoyens aux élections locales est faible comparé aux scrutins nationaux dans presque tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Par exemple, lors des dernières élections régionales, municipales et rurales au Sénégal, le taux de participation était estimé à un peu plus de 50 % des inscrits. Mais au Bénin, lors des dernières élections locales de 2008, le taux de participation était de 73%. Tous les membres des conseils des collectivités locales sont élus au suffrage universel. Au sein des différents organes délibérants, les élus choisissent en leur sein les différentes équipes municipales. La durée des mandats locaux est généralement du même ordre que celle des institutions nationales (généralement 5 ans) et les mandats sont renouvelables. En Guinée Tableau 12 : Degré d’institutions de la démocratie locales par pays Pays

Conseil municipal Mode de scrutin

Durée mandat

Exécutif local

Démocratie directe

Tours scrutin

Mode de désignation

Durée mandat

Collégial

Nombre de tours

Vote de défiance

(référendum)

plusieurs

Oui

Non

Bénin

Mixte (majoritaire 5 ans et proportionnel)

2 tours

Indirect

5 ans

Oui

Burkina Faso

Majoritaire

5 ans

1 tour

Indirect

5 ans

Oui

Oui

Non

Côte d’Ivoire

Majoritaire

5 ans

2 tours

Indirect

5 ans

Oui

Oui

Non

Guinée Bissau

-

-

-

-

4 ans*

Oui

-

-

-

Mali

Proportionnel

5 ans

1 tour

Indirect

5 ans

Oui

2 tours

Oui

Non

Niger

Majoritaire

5 ans

1 tour

Indirect

5 ans

Oui

Oui

Oui

Sénégal

Majoritaire

5 ans

1 tour

Indirect

5 ans

Oui

Oui

Oui

Togo 5 ans* * Prévu par la loi au Togo et en Guinée Bissau dans l’avant projet de loi portant code général des collectivités territoriales

Oui


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Bissau, il est prévu un mandat de 4 ans pour les futurs élus locaux. Les exécutifs communaux, départementaux ou régionaux élus, disposent généralement de pouvoirs de décision réels dans la gestion de la collectivité, pouvoirs définis dans des textes légaux. Le tableau suivant donne un panorama des institutions de la démocratie locale dans chaque pays. Le système d’élections mise en place pour la désignation des autorités exécutives des collectivités locales ne manquent pas cependant de poser quelques difficultés dans le fonctionnement des municipalités. Au Bénin, la loi autorise la destitution du maire en cas de mauvaise gestion des affaires de la commune par le conseil communal à la majorité des deux tiers des membres du conseil. Le maire peut également être suspendu, par l’autorité de tutelle, le préfet lorsqu’il commet une faute lourde. Ces deux dispositions de la loi ont été utilisées à des fins politiques et on a assisté au cours des trois premières années de la décentralisation au Bénin à des destitutions en cascades des maires au niveau de différentes communes sur l’ensemble du territoire national. L’élection des maires et de leurs adjoints par les conseillers donne lieu à toutes sortes de tractations et parfois d’affrontements, dus principalement au fait que la plupart des élus locaux sont des représentants de différents partis politiques ayant prioritairement vocation à animer la vie politique au niveau national. Ces genres de pratiques existent également dans bien d’autres pays et révèlent que, dans le processus de décentralisation dans l’espace UEMOA, les relations entre les différents acteurs clés du système sont minées par différents conflits, des rapports de pouvoirs, des jeux d’acteurs. La forte implication des femmes dans la vie économique, sociale et culturelle du pays ne se reflète pas au niveau des instances décisionnelles locales. Pour assurer la représentation des femmes, plusieurs pays adoptent la fixation de quotas voulus par la loi (Sénégal, Burkina Faso, Niger, etc.). Au Niger où la loi impose que 10 % au moins des sièges dans les conseils locaux soient réservés aux candidats de sexe féminin. Le Burkina Faso a adopté une loi portant fixation de quota de 30% minimum de l’un ou l’autre sexe sur les listes électorales aux niveaux communal et législatif.

4.1.3. Relations entre les institutions traditionnelles ou de droit coutumier et les collectivités locales La recherche d’une meilleure efficacité dans la satisfaction des besoins collectifs, la lutte contre le centralisme qui reste fort, et le souci de faire participer les populations à la vie locale sont les enjeux majeurs de la démocratie et de la gouvernance politique en Afrique. Or la législation n’a pas tenu compte da ns le montage institutionnel de la décentralisation de la réalité des « têtes couronnées » qui symbolisent la gouvernance traditionnelle. Nombre de parties prenantes au processus de décentralisation se sont inquiétées de l’inadaptation des textes aux réalités locales et de la non implication des autorités traditionnelles. En effet, jouissant d’une forte légitimité dans les collectivités locales qui constituent l’essentiel du dispositif territorial de la décentralisation, ces autorités traditionnelles que le pouvoir semble négliger sur l’échiquier administratif, se trouvent au centre du système de régulation sociale dans les communautés rurales. L’un des défis des réformes de l’administration en cours partout dans les États ouest africain


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est la nécessité, dans l’équation d’une décentralisation réelle, d’associer davantage ces autorités traditionnelles de la gouvernance locale en définissant un cadre légal appelé à régir leur participation et leur implication dans les activités des collectivités décentralisées, notamment leurs droits et obligations, les activités de médiation dans les conflits, l’assistance-conseil à la prise de décision, le régime des incompatibilités et des indemnités. Au Niger, la loi prévoit que les chefs traditionnels installés sur le territoire local sont membres de droit du conseil local. De même, les parlementaires élus dans le cadre des circonscriptions du ressort d’une collectivité locale sont aussi membres de droit du conseil de cette dernière, s’ils ne sont pas déjà élus au conseil municipal en question. Cependant, tous ces membres de droit n’ont qu’une voix consultative.

4.2. Participation citoyenne L’échange et la concertation entre les élus et la population pour la gestion des affaires locales demeurent un enjeu important de la décentralisation basée sur une démocratie participative et la mobilisation des ressources locales. Les progrès réalisés en matière de démocratie représentative en Afrique de l’ouest, se doivent d’être soutenus par des avancées en matière de pratiques participatives dans plusieurs pays. Divers mécanismes sont en effet expérimentés en vue d’associer les populations et les organisations sociales à la gestion publique locale.

4.2.1. Formes de participation citoyenne innovantes dans la vie politique au niveau local Les relations de responsabilité et de participation au niveau local sont au cœur de toute stratégie de décentralisation réussie. En effet, en renforçant la participation des bénéficiaires et des populations locales dans la prise de décision et en rendant les autorités locales ainsi que les prestataires de services plus redevables, la décentralisation favorise une plus grande transparence dans la gestion des affaires publiques et permet d’améliorer la qualité de la fourniture de services. En Afrique de l’Ouest, les élections locales ont permis de créer une dynamique de participation civique qui a contribué à renforcer le cadre de responsabilités et de redevabilité, même si beaucoup d’efforts restent à faire pour institutionnaliser les pratiques et les mécanismes de participation. Ces mécanismes vont de la publicité des sessions, largement consacrée par les législations nationales, aux périodes de débats et de concertation entre assemblées locales et populations, à travers diverses formules. Ces dernières se voient ainsi confier la conduite d’un projet ou d’une activité de développement local ou le suivi de tels projets. Dans certaines municipalités du Bénin, du Burkina Faso, ou du Mali, les élus utilisent de plus en plus les antennes des radios communautaires pour garder le contact avec les populations et poursuivre les échanges avec elles sur les enjeux du développement local. Ces échanges permettent aux leaders communautaires, aux chefs religieux, aux enseignants, aux acteurs de la société civile de jouer leur rôle d’encadrement des populations et de relais des politiques publiques auprès d’elles, tout autant que d’exprimer des demandes sociales auprès des au-


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torités locales. Pour une meilleure représentativité des assemblées, des pays comme le Niger développent des instruments pour intégrer, dans les conseils locaux, des forces sociales, économiques ou coutumières afin de prendre en compte toutes les composantes sociologiques dans la gouvernance locale. Dans plusieurs pays (Mali, Bénin, Burkina Faso) différentes expériences sont développées avec l’organisation de rencontres de restitution publique, des bilans d’exécution des programmes de développement locaux, des bilans de gestion des services aux populations, des comptes administratifs et la mise en place d’espace d’interpellation communal, qui sont autant de moments forts d’échanges, de concertation, et de dialogue entre les autorités locales et les populations susceptibles de favoriser la participation citoyenne. Les différents textes fondamentaux sur la décentralisation dans chacun des pays ciblés, comportent des dispositions institutionnelles favorables à la participation directe des populations dans la gestion des affaires publiques locales et à la mise en responsabilité des élus locaux. En effet, presque partout, les collectivités locales constituent des cadres institutionnels pour l’exercice de la démocratie à la base. Elles sont l’expression de la décentralisation et le lieu privilégié de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques locales. De plus, plusieurs législations précisent que les séances du conseil communal sont publiques . Les lois de la décentralisation prévoient partout également un droit à l’information des populations concernant la gestion des affaires locales. Généralement, il est dressé un procès-verbal et/ou un compte rendu de chaque séance du conseil communal. Un relevé des décisions signées des autorités communales, est affiché à la municipalité à l’endroit destiné à l’information du public. L’élaboration du plan de développement de la commune constitue également un processus privilégié devant permettre une grande implication des populations dans la gestion des affaires publiques locales Encadré 12 : Le Conseil villageois de Développement (CVD) au Burkina Faso Avec la communalisation intégrale, une certaine marge de manœuvre a été accordée aux villages à travers l’institution d’un Conseil villageois de Développement (CVD) dont la mission est de contribuer à la promotion du développement local. Cette option de mettre en place des cadres de représentation et de concertation dans le village est conforme au principe de responsabilisation des communautés de base en les impliquant dans la planification du développement et en faisant remonter les besoins au conseil municipal : les actions et les investissements nécessaires à chaque village sont mieux identifiables par les habitants eux-mêmes. Ceci pour prendre en compte l’élargissement du territoire communal à la sphère rurale et les expériences des Commissions villageoises de gestion des terroirs (CVGT) dans la conduite des projets et programmes de développement local participatif. Le CVD, est l’interlocuteur privilégié en matière de développement local au niveau du village. Mais, il exerce ses différentes attributions sous l’autorité du Conseil Municipal, seul maître d’ouvrage du développement local communal. C’est ainsi que le CVD est organisé sous la tutelle du Conseil Municipal qui en supervise la mise en place et à qui il rend compte de ses activités par un rapport annuel transmis au Maire. Le CVD est doté d’une instance qui est l’assemblée générale et d’un organe de direction qui est son bureau, élu pour un mandat de trois ans. Le Président du bureau du CVD rend compte au Maire de l’exécution des projets et programmes de développement du village. Le CVD est chargé, sous l’autorité du Conseil Municipal de : i) contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans communaux de développement ; ii) contribuer à la promotion du développement local dans le village ; iii) participer à l’animation des différentes commissions spécifiques mises en place par le conseil municipal pour la gestion et la promotion du développement local. Deux types de responsabilités découlent de ces attributions : i) la participation aux actions du conseil municipal ii) et le développement et la gestion du village. Ce qui permet au CVD d’agir dans différents domaines : environnement et gestion des ressources naturelles, développement économique et planification ; gestion et entretien des infrastructures sociocommunautaires.


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Malgré ces dispositions institutionnelles, la participation directe des citoyens et la redevabilité de l’administration communale sont encore relativement faibles à cause de nombreuses contraintes institutionnelles et structurelles. Il a déjà été mentionné que l’emprise des appareils politiques nationaux sur la politique locale dans la plupart des pays, ne favorise pas la redevabilité des élus locaux vis-à-vis de leurs administrés. Aussi, les dispositions spécifiques sur la participation prévues par les textes fondamentaux sur la décentralisation ne sont pas assez explicites et ne sont pas systématiquement appliquées par toutes les administrations locales. Ces contraintes institutionnelles sont exacerbées par un manque de clarté sur les responsabilités respectives entre les décideurs (nationaux et locaux), les prestataires de services et les bénéficiaires. Le cadre de gouvernance, de responsabilité et de participation au niveau local souffre encore d’autres contraintes très importantes. Très souvent, le faible taux d’alphabétisation de la population et l’accès difficile aux informations constituent deux des principales contraintes structurelles à une participation effective des populations locales. La faiblesse du taux d’alphabétisation (38 % pour les pays de l’Afrique subsaharienne) limite la capacité des citoyens à comprendre les documents officiels écrits en français et par conséquent leur compréhension des enjeux de la décentralisation, les compétences de la commune et leurs devoirs par rapport à l’institution communale. Cette faiblesse se retrouve même au niveau de l’administration locale dont certains conseillers communaux/municipaux ont des connaissances limitées du cadre de la décentralisation et de leurs tâches et fonctions. A cela, s’ajoute l’absence d’institutions et de mécanismes appropriés pour favoriser l’implication des populations et la prise en charge de leurs besoins. Pour corriger ces faiblesses, des moyens de communication innovateurs/imaginatifs devront être mis en place pour atteindre une large partie de la population mais également permettre aux élus locaux de comprendre leurs fonctions principales (cela peut aller de l’utilisation des langues nationales aux radios communautaires). Il faudra également s’assurer que le renforcement des capacités au niveau local prenne en compte la nécessité de mettre en place des structures institutionnelles qui permettent une plus grande participation de la communauté. La forte centralisation de la gestion budgétaire et l’indisponibilité des informations financières sur les collectivités locales se traduisent par un faible niveau d’appropriation et de redevabilité au niveau décentralisé. La plupart des collectivités locales ne fournissent pas une information exhaustive sur l’exécution de leurs budgets, ce qui empêche une évaluation utile de l’utilisation de ces ressources. De ce fait, le suivi effectué par la société civile et les populations locales sur l’utilisation de ces ressources au niveau local est faible et doit être renforcé à travers notamment la disponibilité facile et à temps des rapports d’exécution des budgets communaux. Sans une plus grande participation des populations locales, il sera difficile de renforcer la gouvernance, la transparence et la participation et, in fine, d’améliorer la qualité des services de base fournis. C’est pourquoi, il est important que les mécanismes de participation des acteurs soient formalisés et renforcés.


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Le besoin d’une décentralisation accrue est fortement exprimé non seulement pour une meilleure participation des populations à la base, mais aussi pour une meilleure expression des spécificités culturelles et une meilleure gestion de la diversité socioculturelle au Bénin. La Constitution et les textes d’application subséquents s’en tiennent aux seuls principes de libre administration, de solidarité nationale et d’équilibre interrégional, insistant sur la démocratie représentative. En revanche les orientations sur la démocratie locale dans laquelle s’inscrit le droit des citoyens à être informés des affaires locales, et surtout à être consultés sur les décisions qui les concernent, ne sont pas clairement définies. Encadré 13 : Des initiatives spécifiques de contrôle citoyen ont été mises en œuvre au Bénin avec l’appui de certains partenaires au développement. En 2009, l’initiative pilote de reddition de comptes a été lancée avec l’assistance des Pays Bas, la SNV-Bénin et VNG International et la participation de quelques ONG tels que Social Watch et Alcrer ainsi que l’ANCB. L’objectif principal de cette initiative est de contribuer au renforcement de la bonne gouvernance au niveau local et l’amélioration de la prestation de services des administrations communales. La phase pilote a concerné les communes de Dogbo, Ouinhi et Sinendé et met un accent particulier sur le secteur de l’eau. L’évaluation de cette initiative en juillet 2010 a permis de noter un renforcement du contrôle citoyen et de l’implication des populations locales dans la gestion des affaires publiques locales et une amélioration de la communication entre les services déconcentrés de l’administration centrale et les administrations locales. Au niveau du secteur de l’eau, les résultats encourageants notés concernent l’effectivité du fonctionnement du comité communal de l’eau et de l’assainissement dans chacune des trois communes pilotes, une meilleure connaissance des acteurs communaux et départementaux de la fonctionnalité des ouvrages d’AEP et des interventions des acteurs avec la mise en place des cadres de concertation communaux et la restitution de l’exécution du BPO 2009 de la DG Eau et des prévisions pour 2010. Le principal défi à moyen terme est maintenant de consolider ces progrès, d’étendre cette initiative aux autres communes et d’en assurer la durabilité. A long terme, il s’agira d’ancrer le processus de reddition des comptes dans des mécanismes institutionnels réguliers et systématiques de mesure et de suivi de la performance des communes. Le suivi communautaire s’est également renforcé au cours des dernières années avec la mise en œuvre des programmes orientés vers une forte dynamique communautaire. C’est le cas des composantes communautaires du PNDCC et du PGUD où le suivi des réalisations est assuré respectivement par les Associations de Développement Villageois (ADV) et les Comités de Développement du Quartier (CDQ). D’autres initiatives de ce genre ont été également suscitées par certaines communes elles mêmes pour renforcer la participation des populations et la redevabilité des élus locaux mais elles restent irrégulières et non formalisées. Par exemple, dans la commune de Djougou, le conseil communal a procédé en 2008 à une reddition des comptes aux cadres et à la population du territoire qui a permis au conseil communal, de dresser en présence des membres de la diaspora invités, un bilan d’actions et de relever les points positifs et les défaillances de la gestion communale. Ceci n’est pas peut-être étranger au fait que Djougou figure parmi les communes qui ont les scores les plus élevés en matière de satisfaction de leurs populations selon une enquête d’opinion réalisée en octobre 2009 par la GTZ. Aussi, dans la commune de Dogbo, une cellule de veille citoyenne a été installée. Les membres de la cellule collectent des informations sur la gestion locale et les relaient à la population. Dans le cadre de cette initiative, le conseil communal a présenté son rapport d’activités 2009 à la population en janvier 2010 lors d’une assemblée publique.

Il est important que les rôles et les responsabilités des différents acteurs soient clairement reprécisés d’une part et que sur cette base, les populations locales et la société civile disposent du minimum de capacités et des informations nécessaires pour assurer un contrôle de la gestion locale et de mise en responsabilité des conseils exécutifs locaux et des prestataires de services. Les initiatives mentionnées plus haut mettent en exergue l’impact que peut avoir l’engagement dynamique de la société civile sur la mobilisation et l’organisation des populations et sur la gestion et la transparence des affaires publiques locales. Le renforcement des


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mécanismes actuels de participation des populations et de redevabilité des pouvoirs publics pourrait être accompagné par l’utilisation plus fréquente d’outils comme i) le budget participatif qui vise à associer de manière étroite les populations et la société civile aux décisions budgétaires et au choix des politiques publiques et à renforcer leur contrôle sur la gestion des pouvoirs publics, ii) et les « Community Scorecards » (fiche d’évaluation participative par la Communauté) et les « Citizen Report Cards » qui sont des mécanismes de suivi-évaluation participatif visant à évaluer la qualité des services publics fournis et à encourager le dialogue entre les bénéficiaires et les fournisseurs de services publics pour leur amélioration. L’intérêt des collectivités locales pour la mise en place du budget participatif, se développe progressivement dans l’espace UEMOA, grâce aux sessions d’échanges d’expériences et Encadré 14 : Le budget participatif comme mécanisme de contrôle citoyen de l’action publique : l’expérience des communautés rurales de Fissel et de Ndiaganiao au Sénégal Les communautés rurales de Fissel et de Ndiaganiao expérimentent depuis 2003, le budget participatif avec l’appui de IED Afrique. Le processus méthodologique de mise en place du budget participatif s’est déroulé en plusieurs étapes, entre autres, l’organisation d’un forum communautaire, la mise en place un système de suivi et évaluation participatifs, d’un groupe d’apprentissage, d’une équipe d’animateurs locaux formés; l’organisation d’un forum communautaire sur le suivi et évaluation participatif de la décentralisation, l’identification des actions de changement, etc.. Quelques enseignements tirés des expériences de Fissel et N’diaganiaw : A Fissel, le processus a été facilité par la combinaison de plusieurs facteurs : i) la Communauté Rurale de Fissel dispose d’une longue expérience dans le développement communautaire, avec des organisations locales dynamiques et fortes ; ii) elle fait partie de premières communautés rurales choisies en 1972 pour la phase pilote de la mise en œuvre de la décentralisation en milieu rural et a servi de terrain d’expérimentation de plusieurs outils (développement local, décentralisation), ce qui fait d’elle une entité ouverte à l’innovation ; iii) un partenariat sur une longue durée a été bâti entre le Regroupement Communautaire pour l’Auto Développement de Fissel (RECODEF), la communauté rurale et IED Afrique, ce qui a permis un renforcement des capacités méthodologiques et techniques des différents acteurs et a favorisé leur participation et leur appropriation du processus; iv) une grande adhésion du conseil rural au processus, favorisée par son ouverture et sa longue tradition de collaboration avec les organisations communautaires de base, ; v) l’existence d’une radio rurale qui a constitué un moyen important pour la circulation large de l’information. Au niveau des deux collectivités on relève : la disponibilité des élus et des animateurs à accompagner le processus de budget participatif ; l’expression libre des femmes et leur participation effective ; la bonne implication du sous-préfet dans le processus du budget participatif ; la responsabilisation de chaque catégorie d’acteurs ; l’existence d’un bon dispositif de suivi; la fidélité du budget participatif relativement aux aspirations des populations exprimées lors du forum etc. Les avantages du budget participatif : les choix d’investissement sont déterminés de concert avec les populations ; les forums villageois sont des moments importants permettant d’éviter des errements, car les décisions sont prises par les populations de façon participative ; le compte rendu du budget participatif est fait en plénière et les gens se prononcent ; chaque couche sociale présente ses problèmes ; lors des forums communautaires, les résultats sont présentés au conseil rural qui ne peut pas modifier les priorités dégagées par les populations lors du forum des délégués. Les contraintes et difficultés liées au budget participatif : le bénévolat ; l’exode rural qui est un frein à la participation au forum villageois ; la configuration ou appartenance politique des membres du conseil rural qui peut être source de contrainte ainsi que la mobilité des membres et le changement affectant les équipes (abandon, absence, mutation). L’expérience du budget participatif peut être réproduite dans d’autres collectivités locales, sous certaines conditions : i) l’engagement de la collectivité locale à non seulement participer au processus pratique mais également et surtout à faire de l’application du budget participatif une option politique mais non un simple exercice test ; ii) la nécessité d’avoir des organisations de la société locale fortes et bien structurées pour porter le processus de réflexion. Sa dissémination à grande échelle dans les pays de l’UEMOA, est également possible à condition de mettre à la disposition des collectivités locales un support méthodologique simple, mais surtout d’intégrer le mécanisme dans les dispositifs institutionnels et législatifs nationaux. Extrait IED : Fiche expérience Fissel et conclusions atelier régional de formation sur les mécanismes de Contrôle citoyen Dakar, 2010


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de pratiques et aux formations organisées par certaines institutions, comme Enda tiers monde ou l’IED Afrique qui appuie depuis 2003, la mise en place du budget participatif au Sénégal et dans d’autres pays de la sous région (Mali et Burkina Faso). Au Sénégal, l’expérience teste du budget participatif a démarré dans les communautés Rurales de Fissel et de Ndiaganiao situées dans la Région de Thiès et aujourd’hui, plus d’une dizaine de collectivités locales expérimentent le budget participatif.

4. 3. Relations entre États et collectivités locales Les relations entre les gouvernements centraux et les autorités locales traduisent très souvent le principe que les collectivités locales, en dépit de l’autonomie de gestion que leur confèrent les dispositions constitutionnelles dans la plupart des pays, restent des démembrements de l’État. La décentralisation s’est accompagnée d’une déconcentration des structures et services de l’État qui se déploient à travers le territoire national, sans que la déconcentration soit corolaire de la réussite de la décentralisation. On a ainsi une structuration territoriale de l’État pratiquement en autant de niveaux que compte la décentralisation. C’est ainsi que chaque territoire local est dédoublé en collectivité locale et en circonscription administrative. Sur les territoires, cohabitent non sans conflit, les représentants de l’État à la tête des circonscriptions administratives (Gouverneur, Préfet et Sous préfet) et les autorités locales représentant les populations (Présidents de région ou de département, maires de communes ou présidents de conseils ruraux) En outre, chaque niveau de déconcentration, correspond aussi à des niveaux de représentation de la plupart des ministères sectoriels : santé, éducation, eau, agriculture etc. La duplication administrative ainsi organisée n’est pas sans conséquence sur l’effectivité de la décentralisation, notamment les résistances constatées dans les transferts de compétence et de ressources. Les collectivités locales exercent souvent leurs fonctions sous le contrôle de l’État. Ce contrôle porte à la fois sur les organes et sur leurs actes. Si le rôle joué par la tutelle est très important notamment pour assurer la cohérence globale des politiques nationales mais également maintenir l’intégrité des finances publiques, il peut limiter de manière significative la marge de manœuvre des collectivités locales pour mettre en œuvre leurs politiques de développement et créer des tensions entre le représentant du pouvoir central et les élus locaux, notamment quand la tutelle est interprétée de manière littérale. On observe cependant une évolution positive dans un grand nombre de pays vers l’allègement des contrôles, même si des matières importantes (budget, attribution des terres) demeurent encore soumises à un contrôle a priori, et si le contrôle juridictionnel est loin d’être réellement organisé. Les nouvelles lois de décentralisation ont remis en cause la tutelle en mettant en avant une nouvelle conception, le contrôle de légalité. Ainsi, le contrôle a priori et d’opportunité sur les actes des autorités locales était sensé céder la place à un contrôle a postériori qui répond à un besoin d’un contrôle administratif et de respect de la loi. Dans la pratique, des domaines très importants sont encore soumis à un contrôle a priori. Cela concerne les actes de gestion budgétaire, des ressources humaines, la gestion domaniale


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et foncière, les marchés publics locaux dont le montant est supérieur à un plafond fixé par la législation. Les textes consacrent également les mécanismes classiques de contrôle. Formellement, les conseils adoptent le budget, contrôlent et approuvent les comptes administratifs et de gestion des exécutifs, lesquels doivent être approuvés par les autorités de tutelle. Notons, enfin, qu’une autre dimension des relations entre l’État et les collectivités locales est l’appui conseil. On attend des représentants de l’État, mais aussi des services déconcentrés de l’État, un appui technique par des conseils et une expertise dans leurs domaines de compétence au profit des collectivités locales afin d’améliorer la qualité de la décision locale.

4.4. Rôle des associations de gouvernements locaux 4.4.1. Typologie des APL en Afrique de l’Ouest Dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, quelque soit le degré d’engagement dans le processus de décentralisation, il existe une solidarité entretenue entre les élus locaux. Cette solidarité s’est matérialisée partout par la création d’associations. Il existe des associations nationales de pouvoirs locaux (APL) qui ont été mises en place, en fonction des différents ordres de collectivités territoriales existants. La dernière née des associations est l’association des municipalités de Guinée Bissau. Dans les pays disposant de plusieurs ordres de collectivités territoriales, une APL a été créée pour chaque ordre de collectivité : Sénégal (AMS, ARS, ANCR), Mali (AMM, ARM, ACCM), Côte d’Ivoire (UVICOCI, ADDCI), Burkina Faso (AMBF, ARBF), Togo (UCT, ACPT). Dans les autres pays, Bénin (ANCB), Niger (AMN). En Guinée Bissau a été créée une commission installatrice de l’association des autorités locales de Guinée Bissau (AALGB), en mars 2010. Le Sénégal est le seul pays ou des regroupements et alliances ont été organisés entre les différentes associations nationales pour déboucher sur la mise en place de l’Union des associations d’élus locaux (UAEL) regroupant l’AMS, l’ARS et l’ANCR. Encadré 15 : L’Union des Association d’Elus Locaux (UAEL) du Sénégal : un exemple de regroupement d’APL de différents niveaux à l’échelle nationale L’Union des Association d’Élus Locaux, est une association apolitique créée en 2003 et qui regroupe l’Association des Régions du Sénégal (ARS), l’Association des Maires du Sénégal (AMS), et l’Association Nationale des conseillers Ruraux (ANCR). Elle est appuyée au plan technique et administratif par la Cellule d’Appui aux Élus Locaux (CAEL). L’UAEL a pour objectif de : i) favoriser un dialogue constructif entre les associations membres, l’État et les partenaires au développement ; ii) contribuer à la promotion de la décentralisation, de la coopération décentralisée et du développement local ; iii) contribuer à l’harmonisation des interventions des partenaires au développement ; iv) fournir un support technique et administratif notamment en réalisant toute activité permettant aux associations membres de remplir leur mission visant à améliorer la gestion des collectivités locales


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Au Mali, l’ACCRM (Association des collectivités cercles et régions du Mali) qui regroupait les régions et les cercles dans une seule association a été dissoute et a donné place à deux structures distinctes (l’ARM et l’ACCM). Au Bénin, il existe également des associations de communes au niveau infranational. Il s’agit des associations départementales de communes et des associations régionales de communes (communément connus sous les sigles de AR/ AD). Elles jouent au niveau départemental ou régional (plusieurs départements) les mêmes rôles que l’ANCB au niveau national. Les conclusions récentes de la mission de réorganisation recommandent un partage des rôles dans le sens d’une complémentarité. L’ANCB, association faîtière des communes, laissera aux AR/AD la promotion et la défense des préoccupations spécifiques aux communes de chaque regroupement et se positionnera sur la défense des intérêts à caractère nationale des communes.

4.4.2. Missions des APL en Afrique de l’Ouest Les différents statuts des APL montrent que celle-ci ont une triple mission constituant ainsi des plateformes d’échanges entre leurs membres et de recherche d’opportunités pour ces derniers. Il s’agit des missions de : i) représentation et défense des intérêts des collectivités membres dans une logique d’unité de corps ; ii) promotion de la gouvernance locale par l’innovation, le retour et la diffusion d’expérience ; iii) promotion du renforcement des capacités des gouvernements locaux et amélioration de la gouvernance locale ; iv) promotion du réseautage notamment par le biais de l’intercommunalité. Ces associations s’inscrivent dans une logique de promotion de la décentralisation par un lobbying auprès de l’État et des partenaires nationaux et internationaux du développement. Encadré 16 : Rôle des Associations de collectivités locales La défense des intérêts des Collectivités locales constitue globalement la raison d’être de la plupart des APL de la sous-région qui développent pour ce faire de nombreuses stratégies et actions à différents niveaux :  Le plaidoyer et lobbying pour amener les États à prendre des décisions pour accompagner les collectivités territoriales ; - Remise de Mémorandum aux autorités nationales (Président de la République) ; - Mise en place d’un groupe de pression (Taskforce au Mali constituée de l’AN, du HCC, des OSC, de l’ACCM ; de l’ARM et l’AMM) ; - Organisation de séminaires, d’ateliers et de forums d’échanges et de réflexion sur les différents thèmes et enjeux de développement qui touchent les collectivités territoriales.  La représentation des collectivités territoriales - Préparation et participation de qualité dans les différentes instances de prise de décision ; - Rôle d’interface et dialogue entre l’État et les collectivités territoriales ; - Contribution au renforcement des capacités des collectivités à participer à toutes les rencontres dans le secteur du développement ;  Le renforcement des capacités des collectivités territoriales - L’information, la sensibilisation, la formation, et l’appui Appui-conseil aux collectivités territoriales dans plusieurs domaines : établissement de liens de coopération entre collectivités territoriales, mise en place de services d’assistance technique et juridique, appui à la réalisation d’études, publication de documents, etc.


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A cet égard, les APL constituent de puissants leviers pour réaliser l’émergence politique et institutionnelle de la décentralisation en Afrique de l’Ouest. Dans beaucoup de pays, elles contribuent à porter le point de vue des élus locaux dans le processus de prise de décision au niveau central. Au Sénégal, au Mali, au Ghana, et au Burkina Faso, les APL sont restées présentes dans la dynamique de la décentralisation grâce à leurs mémorandums au gouvernement sur les enjeux de la décentralisation.

4.4.3. Fonctionnement des APL en Afrique de l’Ouest Sur le plan institutionnel, tous les APL d’Afrique de l’Ouest se sont engagés dans un processus de renforcement de leurs capacités en se dotant notamment de sièges et de structures techniques permanentes disposant d’un personnel certes a minima, mais bien qualifié pour permettre l’atteinte des objectifs assignés. Au Burkina Faso, l’AMBF dispose depuis 2010 de son propre siège, construit en même temps que l’hôtel des maires à Ouagadougou. Cet édifice est aujourd’hui devenu une véritable maison des élus, ambition de la plupart des APL de la région ouest africaine. Au Bénin, l’ANCB a fait beaucoup de chemin. Elle s’est dotée d’un siège et d’un personnel administratif permanent. Elle a ainsi été en première ligne dans les discussions sur les transferts des compétences pour pousser le gouvernement à appliquer les lois de décentralisation. Son bureau se réunit régulièrement et sa présence auprès de ses membres se fait de plus en plus effective. Des appuis de la coopération internationale ont permis aux APL des pays comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal ou le Burkina Faso de disposer d’une capacité à remplir leurs missions notamment dans le service à leurs membres. Mais la fin de ces appuis a mis en exergue la fragilité structurelle de ces associations qui ont dû arrêter nombre de leurs programmes d’activités. Ce mode principal de mutualisation des intérêts des collectivités locales par des regroupements d’élus et de communes en associations (associations de pouvoirs locaux - APL) a été porté à l’échelle internationale avec la création de fédération des associations nationale de pouvoirs locaux. Une dynamique internationale de la décentralisation s’est progressivement mise en place. Cette dynamique du mouvement a pris corps au niveau régional avec le

Encadré 17 : Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA) L’organisation dénommée « Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique » est l’organisation panafricaine des collectivités locales. Cette organisation est née de la réunion de trois organisations africaines de collectivités locales alors basées sur les clivages linguistiques : l’African Union of Local Authorities (AULA), qui regroupait les collectivités locales des pays anglophones d’Afrique ; l’Union des villes africaines (UVA) d’obédience francophone et l’União dos ciudades y capitaes lusofono africana (UCCLA) qui se rattachait au registre de la lusophonie. Cette initiative répond à un enjeu de niveau mondial. La dynamique de la mondialisation n’épargne en effet pas les collectivités locales. Le congrès fondateur a eu lieu à Tshwane en mai 2005 et marque le point de départ du mouvement municipal africain unifié. CGLUA représente l’ensemble des collectivités locales d’Afrique. Son ambition est de s’arrimer à l’Union africaine pour porter la voix des collectivités locales africaines au sein de l’organisation panafricaine.


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Partenariat pour le Développement Municipal (PDM) organisation régionale rayonnant sur les municipalités de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Au niveau continental, les associations de pouvoirs locaux de l’Afrique de l’Ouest sont membres de Cités et gouvernements locaux unies d’Afrique (CGLUA) , et au niveau international, elles sont membres de Cités de Gouvernements Unis Locaux (CGLU), et de l’Association internationale des maires francophones (AIMF).

4.4.4. Quelques difficultés rencontrées par les APL Des difficultés sont perçues dans le fonctionnement de bon nombre d’associations des pouvoirs locaux (APL) de l’Afrique de l’Ouest. Trois difficultés majeures freinent leur évolution : - Les problèmes d’organisation et de fonctionnement des associations de pouvoirs locaux. Ils sont liés en partie à la faiblesse de leurs ressources (au plan humain, financier et matériel), au problème de management de leurs structures, à la mauvaise compréhension de leurs rôles par les membres et parfois à la jeunesse des structures. - Les difficultés internes de mobilisation de ressources. L’une des difficultés des APL procède de leur mode de financement. Il est basé sur les contributions de leurs membres. Le recouvrement de ces recettes est parfois une tâche difficile du fait des difficultés chroniques des collectivités membres. Dans beaucoup de pays, les APL font face à des difficultés de moyens. Elles doivent compter sur les contributions de leurs membres, une source très aléatoire du fait même de la situation difficile de certaines collectivités locales. La solution de la retenue à la source a été adoptée par quelques pays. Elle consiste pour l’APL à obtenir directement les contributions des membres par soustraction de la somme correspondante sur leur quote-part dans les dotations versées par l’État aux collectivités locales concernées. Ces difficultés budgétaires ne permettent pas aux APL de se doter d’un personnel à la hauteur de leurs missions. Dans beaucoup de pays, l’État a continué à prendre en charge un ou deux agents mis à la disposition de l’APL, mais cela reste insuffisant. - L’immixtion de la politique dans la vie des associations nationales d’autorités locales. Ils sont à l’origine de quelques crises ou tensions internes et des luttes de pouvoir que connaissent les APL et qui aboutissent le plus souvent à des scissions des structures lors du renouvellement des organes de direction (bureau). Les développements récents au Bénin et au Mali à ce propos sont très illustratifs du phénomène.

4.4.5. Perspectives et recommandations Malgré les difficultés rencontrées, les associations nationales de pouvoirs locaux jouent un rôle important dans la défense des intérêts de leurs membres adhérents. Elles doivent néanmoins améliorer leur organisation et fonctionnement, se positionner en interlocuteur crédible et


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se donner davantage les moyens de faire face à leurs missions. En perspective, pour conforter leurs actions et les rendre plus efficace, elles doivent inscrire leurs interventions dans une logique qui leur permettent de : - Favoriser le partage des expériences et des pratiques inter-collectivités ; - Assurer la promotion, la diffusion d’approches innovantes pour améliorer la bonne gouvernance et le développement local ; - Faire un travail de lobbying et plaidoyer auprès des gouvernements nationaux et des partenaires pour déboucher sur des appuis concret aux collectivités territoriales dans la conduite des actions de développement local et la lutte contre la pauvreté ; - Renforcer le travail en réseau des collectivités territoriales au plan national ; - Créer un cadre institutionnel communautaire des collectivités territoriales, en vue de la reconnaissance de leur rôle et place dans le processus d’intégration et de développement du territoire de l’Union.

CONCLUSION Le processus de décentralisation observé en Afrique depuis deux décennies a un impact important. Il a contribué à enraciner la démocratie et à améliorer la gouvernance de nombreux États en mal de légitimité. Son objectif est aussi d’améliorer la prestation des services et la qualité de vie des populations. Or, comme il a été analysé dans les sections précédentes, les collectivités locales en Afrique sont confrontées à des graves problèmes qui limitent la mise en œuvre de leurs responsabilités. Au-delà de la volonté politique affichée par les États, les processus de décentralisation engagés dans la plupart des pays de l’UEMOA doivent aujourd’hui être renforcés et davantage crédibilisés ; pour ce faire, un certain nombre de défis doivent être relevés par l’ensemble des acteurs nationaux (États, collectivités locales, société civile, etc.), avec l’appui des partenaires techniques et financiers.


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RECOMMANDATIONS POLITIQUES EN FAVEUR DE LA DÉCENTRALISATION DANS L’ESPACE UEMOA


DÉCENTRALISATION ET DÉMOCRATIE LOCALE DANS LES PAYS DE L’ESPACE UEMOA

Cette série de recommandation sur les priorités régionales en matière de décentralisation ont été formulées, discutées et validées au cours d’un atelier sous régional sur les priorités de la décentralisation dans l’espace UEMOA, organisé à Cotonou les 07 et 08 décembre 2010, par l’ANCB avec l’appui du Secrétariat mondial de CGLU. Ces recommandations politiques qui ont porté sur le contexte et l’organisation des collectivités, les fonctions et la gestion des collectivités locales et sur les finances locales constituent aujourd’hui, un Agenda des priorités régionales, et peuvent servir d’outil de lobbying pour les APL de l’espace UEMOA.

1. Sur les réformes en faveur de la décentralisation : recommandations générales • Transformer et faire évoluer la législation des collectivités territoriales afin d’assurer ; - La reconnaissance et l’application du principe de subsidiarité et l’autonomie locale dans les textes de loi fondamentaux ; - la clarification du partage des responsabilités entre les différents niveaux de gouvernance de l’État ; • Réviser et adapter les lois au niveau sectoriel pour une meilleure prise en compte du processus de décentralisation dans la mise en œuvre des politiques nationales sectorielles ; • Engager une véritable réforme de la fiscalité locale et du partage des ressources entre l’État central et les collectivités locales, pouvant garantir une autonomie financière suffisante aux collectivités locales et une prévisibilité des recettes financières locales. A cet égard, se fixer comme objectif de doubler la part des collectivités locales dans la dépense publique civile au cours des cinq prochaines années, et atteindre 15% dans les 5 ans et 25% dans les dix prochaines années ; • Mettre en place des mécanismes de financement du développement local faisant une large place au partenariat avec la société civile et le secteur privé, y compris la promotion de l’accès des collectivités locales à l’emprunt et au marché financier.

2. Sur l’organisation territoriale • Procéder à une déconcentration effective des services techniques de l’État ; • Définir dans les législations nationales, des critères minima de viabilité pour la création des collectivités locales en fixant notamment un seuil de population et de ressources minimales nécessaires pour la constitution des collectivités locales ; • Favoriser l’intercommunalité pour encourager et accompagner les initiatives communes en matière de fourniture de services essentiels de qualité aux populations et autour des projets de développement.

3. Sur la décentralisation et la démocratie locale • Développer des mécanismes favorables à la participation citoyenne à la gestion des affaires locales tels que les conseils de quartiers, les conseils des anciens, le budget participatif, les référendums d’initiative civile, les forums d’interpellation citoyenne, etc. Ces mécanismes ménageront notamment la prise en compte des pouvoirs traditionnels et des minorités (ethniques, religieuses…) dans la vie locale ; • Encourager la participation des femmes à la gestion des collectivités locales; • Favoriser les candidatures indépendantes, en dehors des partis politiques, aux élections locales.

4. Sur l’évolution des relations entre le gouvernement central et les collectivités locales • Respecter l’autonomie des autorités locales et limiter les contrôles d’opportunité des décisions administratives et de gestion dans la conduite des affaires publiques locales ; • Privilégier le contrôle de légalité et le contrôle juridictionnel par rapport aux contrôles a priori des actes des autorités locales dont les matières doivent être strictement limités ; • Mettre en place un cadre permanent de dialogue structuré entre l’État et les collectivités locales, notamment dans l’évaluation de la mise en œuvre de la politique de la décentralisation, la territorialisation des politiques nationales


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sectorielles, le partage des ressources publiques entre État et collectivités locales, la définition d’un domaine foncier propre aux collectivités locales, la gestion des ressources naturelles, la planification du développement local en rapport avec l’aménagement du territoire national, le contentieux administratif et financier entre collectivités locales et avec l’État, …. • Promouvoir l’organisation des journées nationales des collectivités locales qui offrent l’occasion aux collectivités locales de présenter un mémorandum aux plus hautes autorités de l’État sur la conduite du processus de décentralisation et les propositions pour son amélioration ; • Favoriser la complémentarité et la synergie d’intervention entre l’État à ses différents niveaux et les collectivités locales de sorte qu’ils soient en capacité de produire ensemble les meilleurs services au profit des citoyens.

5. Sur les Associations de pouvoirs locaux • Considérer l’association nationale des collectivités locales comme une personne de droit public représentant la voix des autorités dans le dialogue structuré avec l’État ; • Renforcer le travail en réseau des collectivités territoriales au plan national, favoriser le partage des expériences et des pratiques inter-collectivités ; • Assurer la promotion, la diffusion d’approches innovantes pour améliorer la bonne gouvernance et le développement local ; • Faire un travail de plaidoyer et de lobbying auprès des gouvernements nationaux et des partenaires pour déboucher sur des appuis concrets aux collectivités territoriales dans la conduite des actions de développement local et la lutte contre la pauvreté ; • Consolider l’initiative de création du Conseil des Collectivités Territoriales (CCT) en vue de la reconnaissance du rôle et de la place des autorités locales dans le processus d’intégration et de développement du territoire de l’UEMOA ; • Appuyer les APL dans le développement de stratégies de renforcement des capacités et de mobilisation des ressources financières ;

6. Sur la fourniture et la gestion des services par les collectivités territoriales • Exiger de l’État le respect du principe de subsidiarité notamment dans l’exercice des compétences liées à la fourniture des services essentiels ; • Doter les collectivités territoriales des moyens (humains, matériels et financiers) adéquats pour la prestation des services aux populations ; • Encourager la mutualisation des moyens (mise en place de services intercommunaux) ; • Favoriser un meilleur accès des collectivités territoriales aux services techniques déconcentrés de l’État ; • Renforcer les capacités des collectivités territoriales à produire leurs propres données statistiques au niveau local ; • Appliquer le principe de recouvrement des coûts des services essentiels, tout en assurant leur accès à tous les citoyens.

7. Sur les capacités et le fonctionnement des Collectivités territoriales • Élaborer et/ou mettre en œuvre le Statut des élus locaux et celui du personnel des collectivités territoriales ; • Renforcer les capacités des collectivités territoriales pour améliorer la gouvernance et le développement local à travers la mise en place des programmes nationaux de renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation ; • Exiger des collectivités territoriales, la mise en place et la budgétisation des moyens pour accompagner le renforcement des capacités de leur personnel ; • Désengager les services techniques de l’État et responsabiliser davantage les collectivités territoriales dans la gestion de leur personnel ; • Appuyer dans les différents pays, la création de centres spécialisés dans la formation des acteurs des collectivités territoriales (agents et élus) ; • Appuyer l’élaboration de stratégies de renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation et la mise en place de programmes de formation au niveau national; • Accompagner le processus de mise en réseau au sein de l’espace UEMOA, des centres et instituts de formation des acteurs de la décentralisation.


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8. Sur l’amélioration des finances des collectivités territoriales • Renforcer des capacités financières des collectivités locales : - Renforcer la fiscalité propre des collectivités locales y compris sur les activités du secteur informel ; - Accroître le montant des ressources des CL grâce au partage de certains impôts nationaux (TVA, impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises, sur les exploitations des ressources naturelles, etc. • Renforcer le pouvoir de décision des collectivités locales en matière de fiscalité locale (maîtrise de l’assiette fiscale, fixation du taux des impôts et des taxes) ; • Améliorer les modalités de transferts des ressources de l’État: leur prévisibilité et régularité, la traçabilité des transferts ; • Exiger la participation des autorités locales à la gestion de la chaîne fiscale (promouvoir des contrats de performance entre les services de l’État et les CL pour l’identification et l’enrôlement des contribuables, ainsi que pour le recouvrement des impôts et taxes) ; • Renforcer la déconcentration des services de recouvrement ; • Renforcer la capacité des CL pour la mobilisation des ressources locales (création d’outils techniques nécessaires pour renforcer la fiscalité foncière et immobilière et la gestion du sol) ; • Mettre en place un Fonds de dotation aux transferts des compétences qui serait géré conjointement par le ministère chargé des collectivités locales et les associations nationales des collectivités locales ; ce Fonds sera alimenté par les ressources des ministères après une évaluation systématique du coût des compétences transférées ou à transférer en recensant, ministère par ministère, les dépenses allouées lorsque ces compétences sont ou étaient exercées directement par l’État. Le fonds serait également abondé par des ressources additionnelles définies en fonction de la volonté politique d’accélérer le processus de décentralisation ; • Flexibiliser la législation pour favoriser et encourager l’accès au financement pour les CT ; • Opérationnaliser les autres dispositifs nationaux de financement des collectivités territoriales là où ils existent et appuyer leur mise en place dans les autres pays, notamment à travers la création d’un établissement d’appui au financement des collectivités locales et/ou à travers les banques commerciales ; • Faciliter l’accès à l’emprunt pour les collectivités locales par la mise en place par l’UEMOA, d’un fonds de garantie auprès de la BOAD ; • Promouvoir l’amélioration et l’harmonisation des nomenclatures budgétaires et comptables


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BIBLIOGRAPHIE - Africapolis, Dynamiques de l’urbanisation 1950-2020 : Approche géostatistique, Afrique de l’Ouest - Actes Conférence régionale sur le développement territorial, Commission de l’UEMOA, Mamadou SEMBENE, Aminata SY, juillet 2010 ; - Bara GUEYE, Engagement citoyen et transparence budgétaire. Le cas du budget participatif à Fissel, Sénégal ; IED Afrique - Cités et Gouvernements Locaux Unies (CGLU) : La décentralisation et la démocratie locale en Afrique, Premier rapport Gold Afrique - Mustapha BEN LETAIEF, Charles NACH MBACK, Jean Pierre ELONG MBASSI, Biram Owens NDIAYE, 2008 ; - Cités et Gouvernements Locaux Unies (CGLU) : Le financement des collectivités locales. Deuxième rapport Gold Afrique, François YATTA, François VAILLANCOUR, 2010 - Document Programme national d’appui aux collectivités territoriales (PNACT) du Mali, phase 3 - 2010-2014, version définitive, décembre 2009 ; - Décentralisation Fiscale en Afrique Francophone : Note sur les Transferts Intergouvernementaux ; Clémence Vergne, Septembre 2009 - Etude sur la nomenclature budgétaire des collectivités locales de l’espace UEMOA, Commission de l’UEMOA, 2009 - Fiches pays décentralisation Partenariat pour le Développement Municipal, (Bénin, Mali, Niger, Sénégal, Togo) 2007. - Fiche pays décentralisation, CGLU (Côte d’Ivoire) - Programme d’actions prioritaires du CSLP : bilan annuel 2010 ; MEF - Burkina Faso ; avril 2011 - Rapport annuel 2010 de la Commission de l’UEMOA sur le fonctionnement et l’évolution de l’union - Rapport annuel 2009, BOAD - Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD), Burkina Faso, document final, 2011. - Rapport synthèse « Atelier sur l’amélioration de l’accès à l’emprunt des collectivités locales d’Afrique de l’Ouest et du Centre », BOAD, PDM, 2-3 juillet 2009 - Yatta, F.P., 2009. La décentralisation fiscale en Afrique, Enjeux et perspectives, Karthala

- Communications

Atelier sous-régional « Dialogue et planification », organisé par Inwent (25-26/11/2010), à Bamako, dans le cadre du programme Renforcement des capacités pour le soutien des processus de décentralisation en Afrique de l’Ouest (période 2010-2013) • Paysage et enjeux de la formation pour les collectivités territoriales en Afrique de l’Ouest - Professeur EISENBERG, consultant • État d’avancement de la préparation de l’avènement du Centre de formation en Administration locales (CEFAL) au Bénin - Boniface CHACRA, MCL / MDGLAAT • Processus de mise en place d’un dispositif de renforcement des capacités des acteurs de la décentralisation au Burkina Faso - Anne Berthe OUBIDA, ENAM (Département collectivités locales) • Stratégie nationale de formation des acteurs de la décentralisation au Niger - SAIDOU HALIDOU, DGDD/MISD/AR • La situation de la formation et du renforcement des capacités pour les collectivités locales au Sénégal - Mayacine DIAGNE Directeur de Cabinet MDCL, Maguette LO BODIAN Directrice de la Formation et de la communication – MDC, Mamadou LO Responsable de la Formation de l’UAEL • Présentation du Centre de formation pour l’administration municipale (CEFAM ) au Cameroum - Mathieu HAGBE, Directeur du CEFAM • Le centre de formation des collectivités territoriales (CFCT) du Mali : Bilan et perspectives – Brahima FOMBA, Directeur CFCT • Stratégie nationale de formation des acteurs de la décentralisation au Mali - Adama SISSOUMA, Directeur National des Collectivités Territoriales

- Site Web :

• UEMOA : http://www.uemoa.int • IZF (Investir en zone franc) : http://www.izf.net • PDM: http://www.pdmĐnet.org).


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