Complètements urbains !

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lui, ce regard sur le détail doit s’appliquer à la fois à la peinture, mais aussi à la vie et au tout que forme le quotidien. Il ne peut que regretter l’emploi trop ingénu de la notion de détail dans les ouvrages d’histoire de l’art. b- Précisions sur le détail en peinture. Dans cette autre histoire de la peinture, où le détail trouve tout son sens, Daniel Arasse distingue avec fermeté deux statuts ou deux types de détails. A partir de la distinction faite dans la langue italienne entre les mots particolare et dettaglio, qui se traduisent tous deux par détail en français, l’historien montre la subtilité de ce terme. Le particolare est compris comme étant une petite partie d’une figure, d’un objet ou d’un ensemble, « un sourcil, le blanc des yeux, la couleur de l’iris, les petits sillons des jointures des doigts, les petites rides d’un visage, etc. ». C’est le détail qui fait image, celui qu’Arasse appellera « détail iconique ». « Qui sait mieux que lui combien il y a de boutons dans chaque uniforme, quelle tournure prend une guêtre ou une chaussure avachie par des étapes nombreuses ; à quel endroit des buffleteries le cuivre des armes dépose son ton vert-de-gris ? […] Je hais cet homme parce que ses tableaux ne sont point de la peinture mais une masturbation agile et fréquente, une irritation de l’épiderme français. » C’est ainsi que Baudelaire qualifie en 1846 les tableaux du peintre militaire Horace Vernet. Ici, il se manifeste à l’encontre du détail anecdotique qui veut raconter le tableau au premier degré (par exemple, le détail précis, historique allant jusqu’à être fidèle au nombre de boutons des habits militaires représentés). Le dettaglio est, pour sa part, le résultat, la trace de l’action de celui qui « fait le détail », qu’il soit peintre ou spectateur. Ce détail, qui sera qualifié de « détail pictural » par Arasse implique une notion d’action inhabituelle dans le rapport à l’œuvre. Ici, la production de détail dépend d’une action explicite d’un sujet sur un objet. Le dettaglio peut donc être le détail plastique que constitue le coup de pinceau du peintre ou son travail sur la matière. Il appartient à l’histoire même du tableau, de l’artiste ou encore du spectateur, qui saura le voir ou non. C’est en cela que Daniel Arasse se démarque réellement des autres approches en histoire de l’art. Il travaille au cœur même du rapport de détail et du plaisir éprouvé au tableau ; « quitte à ce que l’amateur découpe matériellement le tableau, le démembre pour en obtenir comme un extrait concentré de jouissance ». Il est important de faire ces différentiations ici car elles seront intéressantes une fois mises en relation avec les arts appliqués, le design et la démarche de projet.

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