Total Manga Mag #3

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Evangelion: 2.22

you can (not) advance.

Le remake, la suite

redline

l'animation survoltĂŠe

quartier lointain

Du papier Ă la pellicule


4 7 Japan Anime Live Le spectacle sons et lumières de la japanimation.....................7 Evangelion: 2.22 You can (not) advance. On (ne) peux (qu’) adorer.........................................................10 King of Thorn - La SF a du piquant........................................12 Redline dépasse le mur de l’animation....................................14

17 Übel Blatt - La vengeance lui va si bien..................................17 Quartier Lointain, du manga au film........................................20 Comment RAN est devenu mangaka ......................................22

25 Dragon Ball: Raging Blast 2 - Final Flash ?.............................25 Kirby’s Epic Yarn - Voyage au pays du coton..........................26 Sonic Colours Parcourez l’espace à une vitesse supersonique !...................28 Majin and the Forsaken Kingdom - La dernière bataille..........30

TM Voyage au japon

32 VAMPS - Auraient-ils raté la jugulaire ?...................................32

36 Le phénomène Vocaloid, sans fausse note (ou presque)........36 Les universités japonaises recrutent à l’international..............38 Les mori girls renouent avec la nature.....................................40

Il fut un temps où les programmes proposés à la télévision en matière d’animation japonaise étaient limités, mal ciblés et de qualité discutable. Il faut un début à tout. Ce n’est pas qu’on aime pas, aujourd’hui encore, chanter les refrains de Bernard Minet, mais le nouveau paysage télévisuel qui se dessine est tout de même plus glamour. Outre les quelques dessins animés qui squattent Direct Star (FMA:B, One Piece) ou GONG (Karas, Queen’s Blade), et le simulcast Dybex (FMA:B, HOTD), nous avons KZTV, une chaîne 100% japanimation qui a fait son apparition il y a un an et qui propose désormais une grille qui, bien que faisant exclusivement appel au catalogue de Kazé, ne pourra que nous plaire – notamment parce que ce catalogue est bien fourni (Summer Wars, Garden of Sinners...) Avec : une segmentation des cases de diffusion par thématique (kidz, cinéma, ladies, playmate, guerilleros...) ; des recrues bien réfléchies pour les émissions experts comme Noémie de MCM pour la J-Music, Gamekult pour les jeux vidéo, Animeland pour le manga ou la Flander’s Company pour les geeks. Et tout ça dans le but de nous séduire et de dédramatiser la mauvaise réputation que l’on connait à l’animation nippone pourtant si riche. Vous la trouverez sur Free, Alice, Canalsat Web ou la Neufbox de SFR.

Céline Maxant

43 Kankurô Kudô - Le roi du drama.............................................43 Unubore Deka - Au nom de la loi, je vous épouse ! ...............45 Festival Kinotayo - Le cinéma du Soleil d’Or...........................46

Simulacre - p.52

48 Sonate à quatre mains.............................................................48

Total Manga Mag numéro 3 Décembre 2010 - Gratuit Publication mensuelle de J-Press SARL au capital de 5 000 € - RCS Paris 524 453 032 - Siège Social : 32 boulevard de Strasbourg CS 30108 75468 Paris Cedex 10 Directeur de publication : Lionel Jammes - jpress@total-manga.com Directeur de la communication et Publicités : Max Metayer publicites@total-manga.com Directeur éditorial : Jean-Marc Boyer, Rédactrice en chef : Céline Maxant - redac-mag@total-manga.com Rédacteurs qui ont participé à ce numéro : Thomas Hajdukowicz, Lauréline Lalau, Barthélémy Lecocq, Alexis Martin, Thomas Martin,

Kuromai - p.51

www.total-manga.com Paul Ozouf, Marie Protet, Kévin Rodet, Jérôme Salomon, Julien Souchet, Pascal Voglimacci, Sandra Després pour la traduction. Secrétaires de rédaction : Alexis Martin et Marie Protet Directeur artistique : Ludovic Honoré Maquettiste : Mathilde Dollin Abonnements : Max Metayer - abonnements@total-manga.com Imprimé en France par les Imprimeries Didier Mary 6 route de la Ferté sous Jouarre 77440 Mary-sur-Marne Dépôt légal : à parution - N° ISSN : 2110-7963 - N° CPPAP : en cours


actus

Actus

LES FÊTES AVEC AMWE

Un abonnement VOD sous le sapin tés fraichement diffusées en simulcast, comme Princess Jellyfish (en critique dans notre prochain numéro), Cobra the Animation ou Shi Ki, aux séries populaires qui ont déjà fait leurs preuves, telles que Code Geass, Soul Eater ou Ichigo 100%, il y en a pour tous les gouts. Mais aussi pour toutes les bourses avec un abonnement à 6,99 euros pour un

mois et à 59,99 euros pour un an. KZPlay, une idée originale à glisser sous le sapin, pour éviter de se faire enguirlander ou d’avoir les boules à Noël. J.Sa

Princess Jel lyfis KODANSHA h © Akiko Higashimura /KURAGEHIM E Committe e

Côté animation japonaise, pas toujours évident de choisir le DVD/Blu-ray idéal qui plaira à coup sûr. Alors pourquoi ne pas simplement opter pour l’alternative, une offre de vidéo à la demande ? Le service VOD de Kazé, KZPlay, propose un accès illimité à un large choix de séries animées. Des dernières nouveau-

Une édition spéciale de I AM AMWE, l’album de la chanteuse et productrice électro-pop AMWE, est disponible en Europe avec le label Crosslight Global Entertainement depuis le 2 novembre 2010 dans les points de ventes habituels.

Ce sont les adeptes d’électro (ou de soirées bien arrosées) qui seront ravis de découvrir cet opus dans leur soulier. À noter que cette édition européenne, qui vous accompagnera sans aucun doute dans votre nuit du nouvel an, contient trois titres bonus : Only Shallow et deux

remix de t par We Are Enfants Terribles et Pierre Du Son. C.M

La trilogie 20th Century Boys dans un coffret métallique

© 1996 by TSUKAS NSP Appro ved No.WA HOJO / A-16F

un air de famille Publié il y a plus de dix ans par Tonkam, Family Compo de Tsukasa Hôjô revient dans une édition Deluxe chez Panini Manga. L’occasion de faire (re) découvrir ce seinen manga qui aborde un sujet plutôt délicat à travers une chronique familiale pleine d’humour. À la mort de son père, Masahiko, un jeune étudiant,

doit s’installer chez la famille de sa mère, qu’il a perdue à l’âge de six ans. Il est accueilli à bras ouvert par sa ravissante tante Yukari, son oncle Sora et sa cousine Shion. Seulement, les apparences sont trompeuses, sa tante est en réalité un homme et son oncle une femme, quant à Shion, le doute plane. Très vite attachante, cette famille peu conventionnelle réserve bien des surprises.

Loin des polars auxquels il nous a habitués, Tsukasa Hôjô signe ici une série drôle et touchante, une leçon de tolérance sur la différence, sans préjugé ni vulgarité, où la famille compte plus que tout. Une idée cadeau à mettre entre toutes les mains pour passer les fêtes dans la bonne humeur en plaisante (et troublante) compagnie. J.Sa

Quels jeux pour noël ?

Epic Mickey © DISNEY. TOUS DROITS RÉSERVÉS.

En cette fin d’année, les éditeurs de jeux vidéo ont sorti l’artillerie lourde pour nous gaver de titres tous plus désirables les uns que les autres. Si la Xbox 360 et la Playstation 3 ne se démarquent pas vraiment par leurs exclusivités, c’est en revanche au niveau des accessoires que la bataille aura lieu. À gauche le

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Playstation Move, à droite la caméra Kinect : pour le moment les deux objets ont en commun d’être onéreux et d’avoir une bibliothèque de jeux de moindre qualité. Mieux vaut donc attendre et investir dans des valeurs sures comme le fabuleux Naruto Shippûden: Ultimate Ninja Storm 2 ou l’immanquable Call of duty: Black Ops. À l’heure où vous lirez ces lignes, Gran Turismo 5 devrait être disponible et se place donc tout logiquement en tête des listes d’achats vidéoludiques de cette année 2010. La Wii n’est pas en reste avec le prometteur Donkey Kong

Retrouvez les films 20th Century Boys, basés sur le manga éponyme de Naoki Urasawa, en intégralité dans un magnifique coffret collector chez Kazé. 1997, Kenji découvre qu’une mystérieuse organisation donne vie aux évènements que lui et ses amis d’enfance avaient décrits dans un cahier de prédictions et qu’elle utilise même

leur symbole. L’heure est grave car si leurs prédictions continuent de se dérouler, la fin du monde aura lieu le 31 décembre 2000 ! Le chef de cette secte, qui se fait appelé Ami, est sans aucun doute l’un de ses anciens camarades, mais lequel ? Le coffret 5 DVD (on regrettera l’absence de version Bluray), dont le packaging n’est pas sans rappeler la boite en métal utilisée par Kenji et ses

amis pour enterrer leurs souvenirs, contient les trois films en version française et japonaise sous-titrée ainsi que deux DVD bonus et le drapeau créé par la bande de Kenji. Un coffret qui, une fois visionné, pourra être enfoui au pied d’un sapin, afin d’être re-dévoré à chaque Noël. Alors n’attendez pas la nouvelle année et sauvez le monde avec Kenji et ses amis pour à peine 80 euros. A.M

Exposition Clichés japonais, pour changer des marchés de Noël Country Returns (en critique dans le prochain numéro), GoldenEye 007 ou encore l’efficace Epic Mickey. Nul doute que vos Nintendo DS ne feront qu’une bouchée de Golden Sun: Obscure Aurore et Sonic Colours, tandis que la PSP (dont les sorties de jeux se font de plus en plus rares) pourra s’assoir sur de véritables pépites comme Valkyria Chronicles 2 ou l’excellent Kingdom Hearts: Birth By Sleep. Retrouvez dès maintenant sur total-manga.com/guide-jv les jeux de l’année classés par support, tous sélectionnés avec soin par l’équipe. K.R

Jusqu’au 28 août 2011, le musée Albert-Khan à Boulogne-Billancourt présente les photos et les vidéos d’un Japon tiraillé entre modernité et tradition. On ne croirait pas que les techniques photographiques étaient déjà aussi avancées au début du XXe siècle, lorsque le banquier Albert Khan et son chauffeur Albert Dutertre partent faire le tour du monde, en passant par le Japon. Pendant 20 jours, Albert Dutertre,

récemment formé aux techniques de la photographie, va immortaliser des scènes de vie du Japon de 1907 grâce à des clichés en relief. Ces photographies ont été réunies, agrémentées par les commentaires du photographe et présentées à l’exposition Clichés japonais du musée Albert-Khan. Point de départ de l’exposition, ces photographies remplies de réalisme et de tradition sont accompagnées par des films noir et blanc et par de nouveaux clichés pris quelques années plus tard par deux autres opérateurs du banquier : Stéphane

Passet en 1912 et Roger Dumas en 1926 – 1927. L’objectif d’Albert Khan était de rassembler tous les rites et les traditions voués à disparaitre avec la modernisation du pays. Les jardins, les temples et les fêtes populaires sont illustrées par des photographies qui font encore référence au Japon d’aujourd’hui. M.Pr

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Japan Anime Live

Le spectacle sons et lumières de la japanimation Samedi 23 octobre 2010, 20 h 15 : nous arrivons aux portes du Zénith de Paris pour assister à la grande première européenne du Japan Anime Live1 , spectacle vivant dédié à l’animation japonaise et à la culture otaku. Malgré des signes de faiblesse, tant dans la communication sur l’évènement que dans sa préparation, l’ambiance a été au rendez-vous. Il n’en fallait pas moins, étant donné que la troupe nippone aurait l’intention de se produire deux fois par an chez nous.

Nawata Yuya (Byakuya) © Florian Lambert

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anime

Reportage

Imaginé spécialement pour le public occidental, l’ensemble du contenu diffusé lors du Japan Anime Live a été créé et supervisé par les plus grandes sociétés d’animation japonaise : Shûeisha, Toei Animation, Aniplex, Sunrise, Pierrot et TV Tokyo, autour de cinq des plus grands shônen du manga : Fullmetal Alchemist: Brotherhood, Bleach, One Piece, Gundam Series et Naruto Shippûden.

Compte à rebours 20 h 30, le spectacle ne va pas tarder à commencer et déjà les esprits s’échauffent, et ce, bien que les spectateurs soient beaucoup moins nombreux que prévus (environ 1 500 pour 6 000 places disponibles d’après les organisateurs). Les enfants ne tiennent plus en place. Les fans européens scandent déjà quelques-uns des génériques de leur anime préféré et se demandent par quelle licence le spectacle va commencer. Le public japonais, qui s’est spécialement déplacé pour l’occasion, reste quant à lui crispé sur son siège. La tension est palpable ! Les lumières viennent de s’éteindre et voilà que nous sommes face à des figures bien connues de la littérature japonaise.

Pour chaque série, on avait le droit à un message vidéo de la part d’une personnalité ayant contribué à sa réalisation – avec, par exemple, Hayato Date, réalisateur sur l’anime Naruto ou Eiichirô Oda créateur du manga One Piece – nous remerciant de l’intérêt que l’on portait à son œuvre et de nous être, bien sûr, déplacés à cette soirée. Le teasing fonctionne, les fans sont chauds bouillants, tandis que les Nippons restent encore droits sur leur siège en attendant la suite. Telle une veille de nouvel an, c’est alors que s’affiche devant nous un compte à rebours, fort long, rythmé par des extraits de ce qui sera notre divertissement de ce soir. Si la salle restait encore assez calme, ce décompte a donné le coup d’envoi à une débauche de « yatta » et autres applaudissements. Difficile de ne pas se laisser emporter par la dynamique de la foule alors avide d’images et de son. Soudain les cinq thèmes s’affichent devant nous et c’est par le célèbre blondinet tout de chair et de métal – Edward Elric, héros de Fullmetal Alchemist: Brotherhood – que débute le spectacle.

Pour toi public ! S’ensuit alors un va-et-vient constant entre karaoké, avec le chanteur PIKO et le musicien Daisuke Asakura sur les titres Again (Fullmetal Alchemist: Brotherhood), We are! (One Piece) ou encore Go! (Naruto Shippûden) ; diffusion d’épisodes et rétrospectives, pour lesquelles aucune génération n’a été épargnée, de

anime animeReportage

Gundam (1979) à Bleach (2004) ; et la reproduction de scènes, extraites des séries, sur fond de comédie musicale jouées et chantées par les acteurs Yûichiro Hirata et Miki Satô dans les rôles de Ichigo et Rukia (Bleach) et Taizo Shiina, Yuki Tamaki et Ayumi Shimozoano dans les rôles de Naruto, Sasuke et Sakura (Naruto Shippûden). Mais ce n’est pas tout. Pour les animes largement suivis en France en VF, certains comédiens de doublage ont fait une apparition pour nous interpréter quelques extraits de Fullmetal Alchemist: Brotherhood ou de One Piece (diffusés sur Direct Star anciennement Virgin 17). Force est de constater que même si le doublage français est considéré par la communauté de fans comme peu convainquant – et que Fullmetal Alchemist: Brotherhood a en l’occurrence été beaucoup regardé en VOST via le simulcast de Dybex – en live il en est tout autre. Le discours tendancieux entre Winry (Marie Diot) et Edward Elric (Arthur Pestel) a suscité de nombreux fous rires et des réactions d’admiration, voire de moqueries bon enfant. 21 h 35, grosse surprise de la soirée, la diffusion d’une vidéo mettant en scène les comédiens de doublage japonais officiels de la série phare de Toei Animation, One Piece. C’est au cœur du studio nippon, que nous avons été amenés à découvrir chacun des membres de l’équipage de Monkey D. Luffy, fidèles à leur esprit déjanté. Tour à tour, les seiyû nous ont fait visiter le studio pour fina-

lement nous montrer l’enregistrement d’un épisode. Et le reportage se termine sur un bouquet final. Alors que les comédiens se mettent à chanter et danser sur Family (ending spécial de l’arc Alabasta), un morceau sans conteste sur le thème de la série : Nakama2 , les héros sous licences3 du shônen débarquent sur scène sous les hurlements de la foule.

Des détails qui entachent le plaisir Les scénettes jouées par des acteurs n’ont pas fait l’unanimité auprès du public. Pourtant il faut reconnaitre que cet exercice de style a été relativement bien réalisé (chansons, mise en scène, chorégraphies). Il semblerait simplement que le show ne soit pas accessible pour le spectateur qui ne connait pas tel ou tel anime. « La partie One Piece devait être intéressante pour les fans mais moi, ne connaissant pas la série, je n’ai rien suivi », témoigne Nathalie. Concept à ré-étudier donc. Il faut dire que le sous-titrage de la partie spectacle vivant n’a pas aidé. Lorsqu’on assiste à un show sur le fleu-

ron de l’animation populaire japonaise et qu’aucune phrase n’est sous-titrée en bon français, ou tout du moins en français compréhensible, difficile de ne pas quitter sa place pour de bon. Pour la diffusion d’épisodes originaux, il est possible de faire preuve d’indulgence. En revanche, pour la partie comédie musicale, spécialement créée pour l’occasion, il y avait de quoi s’alarmer. 23 h 00, c’est en fin de compte avec un esprit mitigé que l’on quitte la salle. Les raisons sont multiples, mais une domine auprès des fans. Où étaient les exclusivités (épisodes inédits, entre autres) promises lors de la communication de l’évènement ? On déplore avoir eu pendant toute la soirée un gout amer de déjà-vu. Les exclusivités seront-elles pour la prochaine édition ? Julien Souchet n

. Six dates en tout. Une en France, une en Bel1 gique, une en Allemagne et trois en Italie. 2. Compagnon, ami. 3. Ou kigurumi, acteurs en costume représentant les plus grands héros de la bande dessinée, reconnaissables à leur masque grotesque.

Les scénettes jouées par des acteurs n’ont pas fait l’unanimité auprès du public. Shiina Taizo (Naruto), Tamaki Yuki (Sasuke), Shimozono Ayumi (Sakura) et les acteurs de Naruto © Florian Lambert

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Sato Miki (Rukia) © Florian Lambert

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critique

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Rebuilt of Evangelion: Evangelion: 2.22 You can (not) advance. On (ne) peut (qu’) adorer

Le deuxième volet du remake de l’anime culte fait encore évoluer la mythologie et donne à Neon Genesis Evangelion un splendide lifting grâce au Bluray, disponible depuis le 23 novembre chez Dybex.

On a failli attendre

© khara - CGI Visual by Makoto Kamiya

Un an après l’avant-première aux Utopiales de Nantes et une diffusion française cantonnée à quelques festivals, le voilà, il arrive spécialement pour nous attendre au pied du sapin : Evangelion: 2.22 You can (not) advance. Le second volume du remake en quatre parties de l’anime original Neon Genesis Evangelion. Bon, maintenant que c’est dit il y a deux réactions possibles. Vous l’avez déjà vu (lors d’un festival ou par d’autres moyens qu’on ne veut pas connaitre). Vous ne voulez pas le voir, parce qu’en tant que fan de l’anime vous n’avez pas envie d’être déçus par une quelconque relecture qui pourrait ne seraitce qu’érafler la carrosserie de l’EVA-02.

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Dans les deux cas, vous avez une bonne raison de récupérer le coffret DVD/Bluray qui vient de sortir. Si vous avez déjà vu le film, vous êtes des acharnés (probablement des psychopathes mais on s’en fiche tant que vous lisez Total Manga, on ne juge pas) donc vous allez vouloir le posséder comme tout bon

fanboy/fangirl. Si vous n’avez pas voulu le voir, déjà procurez-vous le coffret du premier opus, le 1.11, sinon vous n’allez pas avoir les idées claires, régalez-vous des retouches somptueuses et du fan service et ensuite procurez-vous le 2.22.

Mais pourquoi ? Mais parce que ! Oui, parce qu’il ne s’agit pas forcément d’une simple nouvelle version avec remasterisation, jolies images et tout le tralala. On évoquait presque un redémarrage de la série mais Khara, le studio de Hideaki Anno, tranche en employant le terme rebuilt, soit « reconstruction » en bon français. Et c’est tout à fait ça : d’abord, l’histoire a été intégralement repensée. Pas beaucoup de bouleversements non plus : on est toujours 15 ans après le Second Impact sur Terre, explosion massive provoquée par Adam, le premier Ange, et ayant dévastée une bonne partie de la planète. La NERV, une organisation secrète contrôlée par l’ONU, combat les Anges grâce aux EVA, gigantesques robots au fonctionnement mystérieux. De ce côté-là, pas de nouveauté. Et les héros ? Pas de panique, nos personnages sont bien les mêmes ados recrutés par la NERV dans la ville de Tôkyô-3 pour combattre les Anges à bord des EVA. C’est la psychologie des personnages qui est épurée, sans pour autant leur enlever la moindre épaisseur. Les monologues un peu soulants qui occupaient parfois une moitié d’épisode sont bien finis, et pourtant : Shinji est toujours l’ado torturé en conflit avec son père, Asuka (qui a changé de nom de famille, pour souligner son rang de capitaine) est toujours insupportable, mais ce n’est pas de sa faute elle est perturbée, et Rei fait toujours des phrases de trois mots. Et les autres ? Ils sont toujours là, et même si on les voit un peu moins, leurs rôles sont sensiblement les mêmes que dans l’anime. Ah, il y a bien sûr ce nou-

veau pilote, Mari Illustrious Makinami, apparu en cliffhanger du premier volet mais dont le rôle est toujours aussi obscur, patience... Pas beaucoup de changement jusque là me direz-vous, et pourtant. Si le précédent volet reprenait la trame des six premiers épisodes, ici l’intrigue se condense un peu et prend une nouvelle direction, justement grâce à l’adaptation sur grand écran. Et le spectateur peut facilement s’y retrouver, puisqu’au cinéma le contexte a toute la place qu’il veut pour s’installer : quels sont les vrais projets de la SEELE ? Que manigance Gendo Ikari ? Qu’est-ce que c’est cette fichue base lunaire ? Et Shinji, il se tait parfois ? Le spectateur a désormais le temps de se poser toutes les questions qu’il veut entre deux séquences de combat acharné et avouons-le, c’est très plaisant.

critique

différentes confrontations avec les Anges, absolument toute l’histoire profite du Blu-ray pour prendre une nouvelle dimension, notamment une séquence finale d’anthologie qui en plus de surprendre tout le monde nous fait déjà saliver pour la suite... Barthélémy Lecocq n

L’histoire a été intégralement repensée. Plaisir des yeux Avec tout ça on allait oublier de parler du bonheur qu’on prend plein les mirettes à contempler les EVA redessinées et surtout des Anges plus spectaculaires que jamais. N’oublions pas que le principal intérêt du projet Rebuilt était d’offrir aux fans non seulement une vraie fin, mais surtout un aspect visuel digne de ce nom, pour changer un peu de la qualité parfois... brouillonne (ah les crayonnés miteux de Death & Rebirth) de l’anime, due en grande partie aux délais de production très courts et au management quasi-dictatorial chez Gainax à l’époque. Le réalisateur lui-même, Hideaki Anno, était lui aussi parfois mécontent du rendu final de certaines scènes, faute de moyens techniques conséquents. Visiblement, il a enfin eu ce qu’il voulait : le film entier, même les plans reproduits à l’identique, est une démonstration de maitrise graphique. Rien n’a été laissé au hasard, du réveil du GeoFront aux

Titre : Evangelion: 2.22 You Can (Not) Advance. (Evangelion Shin Gekijôban: Ha) format : Film d’animation, 108 min Genre : Science-fiction, mecha Année : 2009 réalisation : Hideaki Anno Character design : Yoshiyuki Sadamoto Mecha design : Ikuto Yamashita Production : Khara éditeur EU : Dybex Sortie FR : 23 novembre 2010

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critique

King of Thorn

La SF a du piquant mythe du Déluge de l’Ancien Testament, ou encore le panurgisme.

Kasumi se réveille © 2010 Yuji Iwahara/Enterbrain, Inc./Team Ibara

Les héros © 2010 Yuji Iwahara/Enterbrain, Inc./Team Ibara

Kasumi et Marco Owen © 2010 Yuji Iwahara/Enterbrain, Inc./Team Ibara

Les Utopiales de Nantes se démarquent du reste des conventions par leur exhaustivité. C’est l’ensemble de l’imaginaire (cinématographique, littéraire, ludique…) mondial qui y est abordé depuis plus de 10 ans. En plus de rencontrer facilement de grands noms de la science-fiction (tous genres confondus), c’est l’occasion pour le public de découvrir des films bien souvent inédits dans l’Hexagone, à l’instar de ce King of Thorn (Ibara no Ô en VO, et Le Roi des Ronces en VF), diffusé dans le cadre de la compétition officielle du festival. Il était une fois à Raccoon City En 2012, un mal non identifié frappe la planète. Son nom : Medusa. Comme le monstre mythologique, cette pathologie pétrifie littéralement celui qui en est porteur. Pour essayer d’endiguer le problème, une société pharmaceutique, Venus Gate, va proposer de cryogéniser 160 chanceux pendant 100 ans, dans l’espoir qu’un remède à ce fléau mondial soit découvert durant cette période. Cependant, un problème inconnu survient, et les cobayes sont réveillés plus tôt que prévu. Ils se retrouvent alors dans un

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décor à mi-chemin entre conte de fée et horreur. Nous suivons un groupe de ces survivants, essayant de se sortir de cet enfer, et de trouver des réponses à toutes les nouvelles questions qu’implique cet éveil prématuré (Qui ? Pourquoi ? Quand ?)

Comme une composition de Bach Voilà comment on peut résumer rapidement le film sans trop en dévoiler l’intrigue. Adapté d’un manga de Yuji Iwahara en six volumes (disponible chez Soleil), le film diverge de la trame scénaristique

originelle pour perdre le spectateur dans un univers onirique et envoûtant, tel un Ghost in the Shell 2: Innocence. Tout comme ce titre, ou comme un tableau de Van Gogh, ou comme une composition pour clavecin de Bach, King of Thorn est superbe dans sa forme, mentions spéciales à Hidenori Matsubara, le chara-designer, et bien évidemment à Kazuyoshi Katayama, le réalisateur, mais terriblement retord dans son fond. Et c’est là que le bât blesse : en dépit de son intrigue assez captivante et de son esthétique irréprochable, le film reste assez hermétique et le specta-

teur se perd dans la compréhension des tenants et aboutissants de l’histoire qui se noue. On jongle entre les flashbacks, les réalités, les perceptions, les points de vue. Le discours n’en est alors que plus confus, et c’est avec un sentiment mitigé, satisfaction d’avoir vu quelque chose de beau mêlé à incompréhension, que l’on quitte la salle de projection. Les interprétations vont bon train, et les rédacteurs de Total Manga restent partagés sur le sens d’une des scènes clés du film. Cela est sans doute imputable à la densité du manga, que l’on peut difficilement retranscrire complètement sur pellicule, et ce malgré la durée plus que raisonnable du film, environ 110 minutes, qui passent comme un charme.

La complexité du récit fait aussi paradoxalement sa force.

« Nous devons aller plus loin ! » Cependant, la complexité du récit fait aussi paradoxalement sa force. King of Thorn se paye le luxe d’aborder quasiment toutes les grandes thématiques de la SF contemporaine, donnant même corps aux peurs de ce récent XXIe siècle : guerre biologique, science au service des sectes, voyage temporel cryogénique, lutte homme/machine, entreprises plus puissantes que les États souverains... Le film est bien ancré dans son temps, et c’est un vrai plaisir de voir tous ces sujets traités avec pertinence. Par ailleurs, la symbolique, qu’elle soit mythologique, légendaire ou religieuse, est quasiment omniprésente dans l’œuvre. Si le récit est rythmé par des passages de La Belle au Bois Dormant, on appréciera aussi les liens fait avec le

Enfin, il y a tout le contenu « méta », toutes les références faites plus ou moins consciemment par le réalisateur. On ne peut s’empêcher de penser à 28 Jours Plus Tard, au J-RPG ou à Jurassic Park. Plus tiré par les cheveux, on pourra aussi voir dans ce film une critique/théorie du processus créatif, ainsi que des éléments de psychanalyse lacanienne dans la caractérisation des personnages principaux en fonction de leurs actions. On pourra même essayer de transposer les tempéraments de certains personnages de Lost aux héros. En définitive, King of Thorn est un film qui mérite d’être vu, et peut-être même revu, pour mieux comprendre l’intrigue finale. Mêlant l’ensemble de la SF d’aujourd’hui, il est un condensé du génie créatif nippon quand il s’agit d’anticipation. Thomas Hajdukowicz n

Titre : Ibara no Ô Format : Film d’animation, 110 min Genre : Science-fiction, horreur, survival Année : 2010 Réalisation : Kazuyoshi Katayama Character design : Hidenori Matsubara Production : Sunrise Auteur : Yûji Iwahara

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Redline

Un film fou et furieux

dépasse le mur de l’animation Époustouflant, funky, psychédélique, paroxystique... Les adjectifs ne manquent pas pour décrire Redline, la dernière bombe lâchée par Takeshi Koike et le studio Madhouse sur le monde de l’animation. Le film, qui a déjà reçu la Mention spéciale du jury et le Prix SyFy du public des Utopiales de Nantes ce mois de novembre, aura demandé près de sept ans de production et accusé un certain retard. Un temps qui peut sembler long mais qui prend tout son sens lorsque l’on constate l’achèvement que cet ouvrage représente en terme de design et d’animation. « Witness the future of animation » 1 Cette accroche, présente sur les affiches du film, annonce clairement la couleur et les intentions avouées des auteurs du nouveau chef d’œuvre de l’animation japonaise : prouver, à l’heure de la 3D, que l’animation traditionnelle en a encore dans le ventre. C’est là le vœu pieux de Takeshi Koike, qui s’était déjà distingué sur la scène internationale avec le court métrage World Record, segment d’Animatrix en 2003. Animateur maison chez Madhouse depuis la fin des années 80,

Koike a su se créer un style personnel et ainsi acquérir ses galons de véritable auteur avec Animatrix. Il a également œuvré sur le moyen-métrage Dead Leaves (2003) et la série de courts OAV Trava Fist Planet (2002), dont est directement issu Redline, puisqu’on y retrouve les deux personnages principaux de Trava dans les rôles secondaires de participants à la course. Autant d’œuvres qui lui ont permis d’affirmer un style mixant sensibilités américaine avec un esprit très « comics » et une attirance pour la vitesse et les grosses mécaniques,

et japonaise, avec notamment un fort côté « nekketsu ». Un style qui trouve en quelque sorte son aboutissement dans Redline. Pour réaliser ce premier long-métrage véritablement personnel, il s’est entouré d’une véritable dream team, à commencer par Katsuhito Ishii. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Koike collabore avec le réalisateur de Taste of Tea et de Shark Skin Man & Peach Hip Girl, puisqu’il avait déjà réalisé les séquences en animation de Party 7, Taste of Tea et Nice no Mori.

Malgré un récent crash, JP, pilote cassecou au grand cœur, décide de participer à la Redline, course la plus dangereuse de l’univers, déclarée hors la loi par les autorités de la planète Roboworld. Il y affrontera une poignée de coureurs déjantés au volant de véhicules gonflés à blocs, notamment Sonoshee, pilote talentueuse dont il est secrètement amoureux. Il devra aussi faire face aux armées de Roboworld, bien décidées à annihiler quiconque s’avisera de participer à la Redline. Avec une histoire-prétexte que l’on peut résumer sur un timbre-poste, Takeshi Koike et Katsuhito Ishii ont construit un film stupéfiant, véritable shoot d’adrénaline injecté directement dans les artères du spectateur. C’est bien simple, chaque élément du métrage – le design, l’animation, le montage, la musique – n’est dévoué qu’à une chose : retranscrire la vitesse sur pellicule comme jamais auparavant. Et c’est une totale réussite ! On n’a qu’une envie, se lever de son siège et se mettre à courir vers l’écran. Le style, totalement flamboyant et outrancier, multiplie déformations, perspectives forcées et mouvements de caméra tout

simplement fous. On ne peut détacher son regard de l’écran une seconde alors que le sang bat contre nos tempes au rythme de la musique techno-heavy de James Shimoji. Du début à la fin, le film ne nous lâche pas. Après une séquence d’introduction quasi sans parole, on se retrouve catapulté dans l’action pour ne plus en sortir jusqu’à un dernier plan paroxystique en forme d’apothéose. Seuls quelques rares passages plus calmes, essentiellement entre les deux courses, font office de respirations nécessaires pour laisser le spectateur reprendre son souffle et permettre, au passage, d’étoffer des personnages et un univers auxquels on s’attache finalement assez facilement. « Stupéfiant » est donc bien le mot qui convient, tant on a parfois le sentiment de regarder du Yoshiaki Kawajiri sous acide. On ne sera d’ailleurs pas surpris d’apprendre que Koike a fait ses premières armes sous la direction du maitre dès Wicked City en 1988, mais aussi – entre autres – sur Cyber City Oedo 808 en 1990, Ninja Scroll en 1993 et Vampire Hunter D en 2001. Ce style et ce foisonnement de couleurs risquent d’ailleurs d’en décontenancer plus d’un, d’autant plus que le film

critique

n’évite pas certaines lourdeurs et complications inutiles, notamment dans le dernier tiers : toute la partie sur l’arme biologique géante, référence appuyée à Akira, embrouille plus la compréhension du spectateur qu’autre chose. Mais force est de constater que la qualité de l’animation atteint un réel sommet tout au long de ce véritable « trip » qui ne vous lâchera pas, pour peu que vous vous laissiez embarquer ! Au final, si le film est parfois un peu fouillis, il reste tellement exaltant dans la forme et dans l’esprit qu’on ne peut que s’enthousiasmer pour l’entreprise et attendre impatiemment la prochaine création de Koike. Alors que Satoshi Kon nous a quitté récemment, Redline, que l’on peut d’ores et déjà considérer comme l’anime de l’année, marque l’intronisation d’une nouvelle valeur sure dans le monde de l’animation japonaise. Pascal Voglimacci n

1. Soyez témoin du futur de l’animation.

Titre : Redline

© 2009 Katsuhito Ishii • Gastonia • Madhouse / REDLINE Partners

format : Film d’animation, 101 min

manga mag 14 total Décembre 2 01 0

Genre : Science-fiction, action Année : 2010 réalisation : Takeshi Koike production : Madhouse scénario : Katsuhito Ishii musique : James Shimoji comédiens de doublage : Takuya Kimura, Tadanobu Asano, Yû Aoi

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Übel Blatt La vengeance lui va si bien

TM

La fantasy, réservée il y a une décennie à un public de niche, est aujourd’hui omniprésente dans l’industrie du divertissement. Mais Le Seigneur des Anneaux ou Final Fantasy ne sont que la partie émergée de l’iceberg et de nombreux sous-genres de la fantasy rencontrent également le succès. C’est le cas depuis maintenant cinq ans pour Übel Blatt, une saga de dark fantasy qui mêle histoire complexe et trait séduisant. Arrivé aujourd’hui à mi-parcours, l’auteur fait une petite pause… Et nous un premier bilan.

© Etorouji Shiono / SQUARE ENIX CO., LTD.

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Méfiez-vous des légendes !

Un jour, par pur hasard, je suis tombé sur un livre qui parlait du Saint-Empire romain germanique. J’y ai trouvé des termes comme empereur élu ou régions frontalières, et ces mots m’ont plu, je les ai trouvés classe et j’ai eu envie de les réutiliser. Etorouji Shiono © Paul Ozouf

Etorouji Shiono était en dédicace à Paris le 28 octobre. Nous l’avons rencontré à cette occasion afin qu’il nous livre tous les noirs secrets de fabrication du manga Übel Blatt et ce qui l’a inspiré. Avant de commencer votre carrière de mangaka vous travailliez chez un éditeur de jeu vidéo. Est-ce que certains jeux d’aventure ou de fantasy ont déjà influencé vos travaux ? Lorsque j’étais petit, je n’avais pas de console de jeu à la maison. Tous mes camarades de classe parlaient de Dragon Quest et d’autres jeux du genre, mais je n’avais pas l’occasion d’y jouer. Par contre j’achetais beaucoup de magazines sur les jeux vidéo. Donc j’avais tout assimilé et on peut dire que j’ai fantasmé sur tous ces jeux de fantasy. C’est une source d’inspiration importante pour moi.

Pour Brocken Blood j’ai un jour lu un livre sur la chasse aux sorcières, j’ai fait travailler mon imagination et l’histoire est née, mais c’est un pur hasard qu’elle se déroule en Allemagne et il n’y a pas de lien avec Übel Blatt. À la fin de chaque volume vous faites le lien entre le tome et le background historique de Übel Blatt… d’où vous est venue cette envie de détailler 4 000 ans d’histoire et comment vous y prenezvous ?

(Il réfléchit) La question est difficile. Je ne voulais pas d’une histoire avec un simple scénario et quelques personnages qui ennuieraient mes lecteurs rapidement. Je voulais donc enrichir l’univers de la série sans partir dans tous les sens et perdre de la cohérence. Il a donc fallu trouver un moyen pour que l’histoire soit plus riche et que les lecteurs puissent fantasmer dessus. Je détaille donc cet historique dans les Puisque l’on parle de source d’ins- bonus pour développer l’univers de la piration, vous parlez souvent du ci- série, sans pour autant gêner l’intrigue. néma, quel est le genre de film qui vous inspire ? Quelle lecture, anime, film ou jeu Je suis assez éclectique, je regarde vidéo conseilleriez vous au fan de tous les genres de films. Je ne sais dark fantasy et de Übel Blatt, en attendant le retour de ce dernier ? pas si on peu dire que cela m’a « influencé » mais, dans les années 80, (Il réfléchit à nouveau) En jeu vidéo il y avait beaucoup de films d’action j’adore l’univers de Ogre Battle que je avec des héros sur-armés que j’aimais vous conseille. beaucoup.

Propos recueillis par Paul Ozouf n Retrouvez l’intégralité de notre interview en vidéo sur total-manga.com/etorouji-shiono

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C’est l’hiver de l’an de grâce 3972 et ils sont portés en triomphe partout dans le pays. Vingt années s’écoulent depuis et les héros sont désormais des comtes, puissants et vénérés. Mais la gloire qui les auréole ne leur appartient pas, car la légende qui berce le peuple depuis deux décennies est fausse. Le prix de la trahison va devoir être payé et le jeune semi-elfe Köinzell, capable de maitriser une technique disparue il y a vingt ans, réclame vengeance.

Dark fantasy et vengeance, l’accord parfait La dark fantasy – ou fantaisie noire – est un sous-genre de la fantasy, caractérisé par une ambiance très sombre, souvent proche de l’apocalypse. Généralement violentes et proches de l’horreur, les œuvres de dark fantasy évitent tout manichéisme facile et favorisent la réflexion sur les notions de bien et de mal. Trahison, mensonge et vengeance en sont donc des ingrédients naturels. En 2005, la maison d’édition nipponne Square Enix décide de s’essayer au genre, généralement boudé par les éditeurs japonais, et passe commande auprès d’un jeune auteur, Etorouji Shiono. Ce dernier, fan de fantasy depuis son plus jeune âge, comprend immédiatement qu’une œuvre de fan pour les fans ne connaitra, au mieux, qu’un

© Etorouji Shiono / SQUARE ENIX CO., LTD.

Qu’il s’agisse de Übel Blatt ou de Brocken Blood, l’Allemagne est un pays qui semble vous inspirer, pour quelles raisons ?

Dans une époque sanglante, noyée dans les guerres incessantes contre les forces des ténèbres de Wischtech, l’empereur choisit 14 braves et leur confie 14 lances sacrées et une mission : celle d’enrayer les attaques de Wischtech. Trois de ces guerriers périssent en chemin et sont appelés plus tard « les glorieux guerriers sans retour ». Quatre autres passent à l’ennemi et sont exécutés. On les surnomme alors « les lances de la trahison ». Enfin, les sept illustres guerriers restants reviennent avec leurs lances sacrées après avoir accompli leur mission et ramené la paix sur le royaume. On les appelent « les sept héros ».

succès anecdotique. Il décide donc d’ajouter à son imaginaire prolifique un héros trahi mais ressuscité et avide de vengeance. Ainsi nait Köinzell, un semi-elfe torturé et charismatique. Sa quête vengeresse, née dans la perfidie et le meurtre, devient rapidement celle du lecteur qui plonge alors dans un univers sombre et délabré, où la noirceur des âmes n’a d’égal que leur soif de pouvoir. Köinzell affronte tour à tour des faux héros qui gouvernent par le mensonge, la peur et la cruauté et il devient, petit à petit, le vrai héros d’un peuple affamé et manipulé. Mais les légendes ont la vie dure et le chemin du semi-elfe balafré est parsemé d’embuches, de détours et de rebondissements qui pimentent l’aventure et parviennent au fil des tomes à la hisser au rang de saga épique, dont il est difficile de se défaire. Car comme toute épopée qui se respecte, Übel Blatt se déroule dans un monde aussi vaste que le notre, issu de

4 000 ans de guerres, conflits, romances et trahisons, dont les détails nous sont dévoilés dans les bonus de chaque tome. En marge de l’histoire principale, cette fresque enrichit l’intrigue sans l’alourdir ni lui faire perdre sa cohérence, bien au contraire. Ajoutez à tout ceci des duels à l’épée mis en scène avec dynamisme et agilité et un coup de crayon très fin, duquel nait aussi bien des personnages puissants et massifs que vifs et sveltes. Vous aurez ainsi suffisamment d’arguments pour confirmer les bonnes critiques dont a bénéficié Übel Blatt lors de ses débuts français en 2007, chez l’éditeur Ki-oon. Onze tomes plus tard et avec plus de 400 000 exemplaires vendus dans l’Hexagone, d’après la maison française, c’est donc avec plaisir qu’on apprend une reprise prochaine de la série. Du plaisir et même un peu d’impatience... Paul Ozouf n

Au fil des tomes, l’aventure parvient à se hisser au rang de saga épique.

Titre : Übel Blatt Mangaka : Etorouji Shiono Genre : Seinen, dark fantasy Format : Série de 11 tomes, en cours Année : 2005 Prépublication : Young Gangan éditeur JP : Square Enix éditeur FR : Ki-oon

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Quartier Lointain, du manga au film Après avoir connu un grand succès en France, le manga Quartier Lointain de Jirô Taniguchi nous revient dans un film sorti dans les salles depuis le 24 novembre. Mais là, surprise, cette adaptation réalisée par Sam Garbarski est francophone. L’action prend place en France et Hiroshi s’appelle désormais Thomas. Du manga au film, promenons-nous dans les ruelles de ce Quartier Lointain.

Du Japon à la France, un travail d’adaptation Thomas adolescend (Léo Legrand) © Patrick Muller

Une histoire universelle Quartier Lointain raconte l’étrange aventure à travers le temps, d’Hiroshi, un salaryman qui approche de la cinquantaine. De retour d’un voyage d’affaires, il se trompe de wagon au lendemain d’une soirée un peu trop arrosée et se retrouve dans un train en direction de la ville où il a grandi. Coincé là-bas pour quelques heures, il décide d’aller se recueillir sur la tombe de sa mère. Pris dans les souvenirs de son enfance, son esprit s’égare et Hiroshi se retrouve projeté à l’année de ses 14 ans. Le voilà de retour dans son corps d’adolescent tout en restant l’adulte qu’il est devenu. Une occasion unique de revivre sa jeunesse mais aussi d’en changer le cours... Bien que très ancré dans le contexte du Japon d’après-guerre des années soixante et comptant de nombreuses références culturelles, ce manga de Jirô Taniguchi est parvenu à conquérir le public francophone dès sa parution française en 2002 aux éditions Casterman.

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Le bouche à oreille et la critique aidant, Quartier Lointain rencontre vite un grand succès, concrétisé en 2003 par le prix du meilleur scénario au Festival de la BD d’Angoulême. Un succès dont Jirô Taniguchi est le premier surpris. « Aujourd’hui encore c’est quelque chose qui me laisse dans l’embarras, je ne sais pas comment l’expliquer », témoigne-t-il.

Une histoire universelle dans laquelle chacun peut se projeter. Une partie de la réponse se trouve justement dans le scénario, qui, tout en étant inspiré par l’expérience personnelle de son auteur, part d’une question simple que tout le monde s’est posé un jour. « Lorsque je suis entré dans la quarantaine j’ai commencé à réfléchir à des thèmes plus rétrospectifs, à me retourner sur le chemin parcouru et à me demander de manière un peu veine : qu’est-ce qui aurait pu se passer si j’avais pris un autre chemin ? » Qui n’a

jamais imaginé revenir en arrière pour changer le cours des choses ? C’est une histoire universelle dans laquelle chacun peut se projeter. « À mes yeux, Quartier Lointain est une forme de récit type, certes basé sur mon expérience personnelle mais que chacun porte en lui, sous forme d’une variante en fonction de sa propre histoire et qui correspond au moment où l’on voudrait revenir en arrière pour emprunter une autre voie », raconte l’auteur. Cette histoire teintée de nostalgie et racontée avec sensibilité finit par arriver entre les mains du réalisateur Sam Garbarski. « Il y a 7 ans alors que je finissais Le Tango des Rashevski (son premier film), un ami qui est d’ailleurs mon coscénariste Philippe Blasband, me l’a offert (le manga) et m’a dit qu’après l’avoir lu, j’aurais surement envie d’en faire un film », nous indique le cinéaste. Profondément touché et captivé par cette œuvre, il finira bel et bien par l’adapter au cinéma.

En passant du manga au film, le risque était d’en gâter le charme et de se contenter de porter le récit original à l’écran. Malgré leurs similitudes, bande dessinée et cinéma possèdent leurs propres particularités, comme l’explique Sam Garbarski : « Il fallait se défaire du rythme du manga pour trouver le rythme du film. » Le premier choix du réalisateur aura été de situer Quartier Lointain non plus au Japon mais en France. « On s’est rendu compte que quelque part, cette histoire aurait pu être racontée n’importe où », souligne-t-il. C’est dans un petit village des Alpes que le tournage a eu lieu, un choix loin d’être anodin. Dans l’œuvre de Jirô Taniguchi, le décor tient une place essentielle. D’après Sam Garbarski, « l’idéal serait de parvenir à en faire un personnage à part entière. » Difficile de retrouver ce quartier lointain perdu en pleine campagne japonaise, et pourtant... « On a trouvé un petit village en France qui je crois respire presque la même histoire. […] pour raconter l’histoire qui est derrière l’histoire, c’est-àdire la guerre, il me fallait un lieu où la résistance ait vraiment pu exister. »

Thomas adolescend (Léo Legrand) © Patrick Muller

© by TANIGUCHI Jiro / Shôgakukan

Mais plus que la forme, c’est également le fond que le cinéaste a dû modifier. Le Hiroshi du film, Thomas, se rappelle dès son retour dans le passé que son père va disparaitre. « Dans le manga Hiroshi met plus d’un mois à se rendre compte que son père va quitter sa famille cette année-là. Au cinéma ça aurait été trop long. »

plu, on se laisse finalement prendre par ce film tout en gardant dans un coin de la tête le manga.

Un film avant tout Tous ces changements et libertés prises par rapport à l’œuvre originale étaient un passage obligé pour en faire un film sans tomber dans le piège de l’adaptation. « On a adapté un manga mais je crois qu’on a surtout fait un film. Et si on y retrouve un peu l’âme et le côté envoutant, c’était notre seul objectif, pas de coller au manga. » De ce côté-là, le pari semble réussi. Il est cependant difficile d’oublier le manga de Jirô Taniguchi lorsqu’on regarde le film de Sam Garbarski, en particulier pendant les premières scènes qui semblent hantées par les planches de la bande dessinée. La déception pointe et on n’accroche pas facilement. Pourtant le récit s’installe peu à peu, on retrouve l’ambiance mystérieuse et nostalgique qui nous avait

Il faut dire que l’image du film est soignée et que les acteurs, en particulier le père du héros, donnent une nouvelle dimension à cette histoire. Comme le dit Jirô Taniguchi, « je trouve que le film développe mes personnages d’une manière même plus concluante que dans le manga. Je pense en particulier à la représentation et l’expression des sentiments. » Au final, le jeu des acteurs est sans doute la grande réussite de cette adaptation, qui offre une relecture des personnages originaux et nous prouve bel et bien que ce récit est universel. N’y cherchez pas l’œuvre de Jirô Taniguchi mais plutôt votre propre histoire. Ce voyage dans le temps ne pourra rien changer, si ce n’est de trouver la réconciliation. Jérôme Salomon n Propos recueillis au cours de la rencontre croisée Fnac du 20 octobre avec Jirô Taniguchi et Sam Garbarski. Retrouvez notre compte rendu de l’évènement sur total-manga.com/quartier-lointain

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Comment RAN est devenu mangaka

RAN, du hamster aux maids En maternelle, RAN avait déjà fait du hamster de sa classe un héros de manga extraterrestre en armure avec une dizaine de pattes et une longue queue. Aujourd’hui devenu mangaka professionnel, ses protagonistes ne sont plus des hamsters mais des maids ! « Au début, j’ai eu du mal à dessiner des êtres humains, j’étais trop habitué à dessiner des hamsters », plaisante-t-il en interview. En regardant bien, on doit pouvoir retrouver ce petit hamster partout dans

ses créations. Malheureusement, cet auteur, sorti du Japan Animation and Manga College de Niigata (cité portuaire se trouvant sur la côte nord-ouest de Honshû), en 2002, n’est pas encore édité en France. C’est pourtant lui qui a été choisi à la suite d’un concours pour réaliser le manga Mao-chan, tiré du dessin animé éponyme qui doit son concept original à Ken Akamatsu, le célèbre auteur des best-sellers Love Hina et Negima!. Une première expérience dans le monde professionnel qui est suivie par la création de sa propre série, en cours de parution chez Kôdansha : Maid Senki, une histoire, entre SF et fantasy, de guerre de territoire entre des royaumes défendus par des maids.

JAM : créateur de talents Mais ce qui nous intéresse, outre cette œuvre divertissante, bien dessinée et qui plairait sans aucun doute aux amateurs de fan service, c’est de savoir comment un jeune dessinateur comme RAN a pu se hisser au rang de mangaka édité par l’une des plus importantes maison d’édition nippone. « Le JAM College, dans lequel j’ai fait mes études de manga, organise des

RAN nous montre l’évolution de son hamster © Alexis Martin

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rencontres entre les étudiants et les éditeurs. Si nos travaux leur plaisent, ça peut déboucher sur une proposition de travail », témoigne RAN. Sa patte graphique a plu et on lui a vivement conseillé de participer au concours pour dessiner le manga Mao-chan. Bien sûr, réussir le concours ne tenait qu’à lui, mais, avec son programme, le JAM College a sans conteste aidé. RAN y a tout appris du métier de dessinateur, et il a, en plus, touché à l’animation (il ne serait d’ailleurs pas contre se lancer dans ce milieu), à l’informatique et même au doublage ! Là où les grands mangakas comme Osamu Tezuka (dieu du manga, Le Roi Léo, Astro Boy) ont fait leurs armes en passant par une école de cinéma et en apprenant sur le tas, la nouvelle génération d’auteurs sortira des écoles de manga. C’est en effet un phénomène récent comme l’explique M. Yoshimoto, le représentant éditorial qui accompagne l’auteur dans son travail, alias le tantô : « Les écoles de manga n’ont pas encore une longue histoire, mais nous accueillons de plus en plus de jeunes mangakas issus de celles-ci. » Mais sortir d’une école de manga, est-ce la garantie de trouver un emploi, qui plus est intéressant ?

Maid Senki © 2007 RAN / Kôdansha

Mao-chan © Story by Ken Akamatsu, Art by RAN

Invité du pôle asiatique des Utopiales de Nantes, RAN, jeune mangaka qui a collaboré avec Ken Akamatsu sur la saga Mao-chan, s’est prêté au jeu de la performance graphique en direct. Le mangaka n’a pas fait que dessiner puisqu’il nous a aussi présenté ses outils de travail ou expliqué comment on plaçait des trames. Tout ça, il l’a d’abord appris au JAM College, école qui forme les artistes aux métiers de l’animation et du manga au Japon.

Le hamster sort de sa cage Probablement grâce à son talent, mais aussi avec un peu de chance, RAN est tout de suite entré sur le marché du travail. Un marché qui, comme il le rappelle, « reste précaire ». Ça ne l’a pas découragé pour autant, surtout qu’il a toujours eu le soutien de ses parents dans son choix de carrière (contrairement au cas de la plupart des auteurs). C’est même eux qui l’ont poussé à le faire. Et malgré son point faible : le scénario, RAN peut compter sur son tantô : « J’adore cette relation étroite entre le mangaka et son éditeur, raconte-t-il. Si un jeune mangaka est très bon en dessin mais pas très doué pour le scénario, l’éditeur va lui donner des conseils. » Et sur ses assistants (qui s’occupent généralement du dessin des décors, de l’encrage...) « Au début j’ai eu du mal à m’y faire, j’avais du mal à travailler avec des assistants, mais aujourd’hui j’en ai deux que je considère comme mes amis et tout se passe bien. »

surtout être informative et grossière, pour donner avant tout le fond de l’histoire et le caractère des personnages. Avec cette rencontre, le pôle asiatique des Utopiales souhaitait donner une définition simple du métier de mangaka au public français. Pour RAN, il était aussi question de nous faire apprécier d’autant plus le manga à travers son travail. Sa série Maid Senki justement, est en cours

enquête

de publication dans le magazine Shônen Sirius de Kôdansha. Si c’est un manga d’action, destiné aux lecteurs de shônen, l’auteur a confié vouloir revenir à un récit plus comique. Les hamsters de RAN envahiront-ils bientôt la France ? Céline Maxant n Propos recueillis lors de la performance graphique et de notre interview de l’auteur dont vous pouvez retrouver la retranscription sur total-manga.com/ran

La nouvelle génération d’auteurs sortira des écoles de manga. La gestion des assistants a été pour lui l’une des principales surprises qu’il a rencontré en début de carrière. À noter qu’il en a eu sept au total. En effet, il faut savoir que les assistants dessinateurs aspirent eux aussi à devenir mangakas, à prendre leur indépendance. C’est d’ailleurs comme ça que chacun commence. RAN, lui, n’a jamais été assistant mais a eu le plaisir de collaborer avec Ken Akamatsu. « Le conseil qu’il m’a donné et qui m’a le plus marqué et surtout beaucoup touché, était d’avoir confiance en moi. » On le comprend. Mais ce qu’il retiendra d’un point de vue plus terre-à-terre est de ne pas travailler autant ses « name » (équivalent japonais du storyboard). « Je perdais en fait beaucoup de temps en détaillant énormément mes name », alors que cette partie doit guider les créateurs dans l’élaboration du manga et donc RAN en performance graphique sur les Utopiales de Nantes © 2010 Ludovic Failler

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Dragon Ball: Raging Blast 2 Final Flash ?

Tous en rang Dragon Ball: Raging Blast 2 embarque plus de 90 personnages jouables, avec une vingtaine de nouvelles têtes. Un chiffre à relativiser puisqu’il comprend les différents stades d’évolution, mais qui impressionne tout de même ! Il est possible de personnaliser son héros avec quelques items supplémentaires, efficace lors des parties en ligne ! Un mode online qui offre d’ailleurs un contenu des plus classique et dont le un contre un reste incontournable. Il est bon à savoir qu’au moment du test, les problèmes rencontrés en ligne (ralentissements, déconnexions...) étaient plus présents que dans Naruto Shippûden: Ultimate Ninja Storm 21, un titre qui fait mal à ce Dragon Ball: Raging Blast 2 dans la comparaison.

Habillage émoussé Et le jeu continue de souffrir avec des graphismes clairement dépassés : si le cell-shading utilisé pour la modélisation des personnages est globalement maitrisé (sans être parfait), les décors, eux, sont hideux. Peu d’aliasing certes, mais des textures d’un autre âge et des environnements vides montrent à quel point ce nouvel opus semble avoir été développé dans la précipitation. Ajoutez à cela une mise en scène atteignant le minimum syndical et des musiques passepartout. Dragon Ball: Raging Blast 2 ne

© BIRD STUDIO / SHUEISHA, TOEI ANIMATION Game © 2010 NAMCO BANDAI Games Inc

Les fans de Dragon Ball auront certainement déjà jeté leur dévolu sur l’épisode numéro deux du jeu de combat Dragon Ball: Raging Blast. Disponible sur Playstation 3 et Xbox 360 depuis le 5 novembre 2010 en France, le nouvel opus du jeu tiré de l’anime le plus célèbre au monde a-t-il gommé les quelques erreurs de jeunesse reprochées à son prédécesseur ? Round 2, fight! peut décidément compter que sur une dynamique élevée, notamment en terme de rapidité... mais à quel prix ?

Et la lumière... Le principal faire-valoir de ce deuxième opus est véritablement la nervosité des combats. Entre deux rush et un rechargement de Ki, une attaque spéciale envoie l’adversaire dans les airs : on ressent bien la puissance des attaques et les combos peuvent s’enchainer à une vitesse folle. L’implémentation du mode « Raging Soul » renforce l’immersion dans les combats, qui ne disposent hélas que d’une technique de façade, mais nous y reviendrons. Au chapitre des réjouissances, les fans auront le plaisir de découvrir un OAV de 30 minutes, « Le Plan d’anéantissement des Saïyens », remastérisé pour l’occasion. Enfin, les bonus déblocables ne surprennent guère (vidéos, images tirées de l’anime), mais permettent d’accroitre la durée de vie du titre.

… disparut dans l’ombre Le mode histoire du jeu, intitulé Mode Galaxy, n’est au final qu’une succession de challenges divers et variés : battre tel ennemi en moins de 90 secondes, gagner contre un adversaire dont la force augmente graduellement, etc. Chaque challenge relevé amène à l’attribution d’une note et donne l’accès à des items

ou des attaques bonus. Enfin, on passera rapidement sur l’impression de pouvoir sortir n’importe quelle attaque en matraquant aléatoirement les boutons du pad, tandis qu’au contraire l’apprentissage en détail des techniques s’avère fastidieux. Dragon Ball: Raging Blast 2 plaira sans doute aux fans de la série, mais ceux qui n’auraient pas d’affinité dès le départ feront un bien meilleur choix en se tournant vers le récent Naruto. Pas foncièrement mauvais, ce nouvel épisode doit pourtant servir d’électrochoc aux développeurs pour revoir entièrement le moteur graphique, sous peine d’aller droit dans le mur... Kévin Rodet n . Retrouvez nos critiques du titre 1 dans le précédent numéro de Total Manga et sur total-manga.com/naruto-storm2

Titre : Dragon Ball: Raging Blast 2 Éditeur : Namco Bandai Games Développeur : Spike Sortie FR : 5 novembre 2010 PEGI : 12+ Nombre de joueurs : 1 à 2 (+online)

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Kirby’s Epic Yarn Voyage au pays du coton En juin 2010, Nintendo présentait à l’E31 Kirby’s Epic Yarn sur Nintendo Wii. Quelques mois après cette découverte, Total Manga vous propose une critique de la version japonaise du jeu. HAL Laboratory a rendu le tablier Kirby, c’est désormais le développeur Good-Feel qui est aux fourneaux pour cette nouvelle aventure. Reste à savoir si cette fournée est plus digeste que les précédentes. Voyage au pays du kawaï à outrance : allergiques au rose bonbon et aux univers mignons, passez votre chemin. Ponpon a besoin d’aide ! On s’en doutait, le scénario de Kirby’s Epic Yarn est d’une simplicité exemplaire. Kirby se rend au pays de la Courtepointe, sur lequel le terrible sorcier Maillalenvers a lancé une malédiction. En effet, tout est transformé en fil de laine. Kirby réalise alors qu’il ne pourra plus aspirer et engloutir ses ennemis, comme il le faisait dans ses précédentes aventures. Vous serez accompagné tout au long de l’histoire par le prince Ponpon, un personnage qui peut être incarné par un deuxième joueur en coopération. L’objectif est tout trouvé : redonner au pays de la Courtepointe, ainsi qu’à ses habitants, leur forme d’origine et mettre un terme aux vils desseins de Maillalenvers. Situation classique pour un jeu de plateforme, mais réussie : la mise en image par des séquences animées de toute beauté aspire le joueur dans cet univers enfantin et coloré. Dans la version testée, la voix narratrice nippone était d’excellente facture et toute en exagération, mais il semblerait que le jeu soit entièrement doublé en français lors de sa sortie, toujours prévue pour début 2011.

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Transformation... Kirby, privé de sa capacité d’aspiration, doit poursuivre l’aventure à l’aide d’un fil étoilé aux multiples fonctions. Vous pouvez en effet saisir des ennemis pour les lancer, ou encore vous servir du fil comme d’une liane. Mais monde de tissu oblige, les développeurs de GoodFeel ont exploité l’idée à fond. Il est donc possible d’activer des mécanismes pour littéralement froisser le paysage, ou même tirer sur des languettes de fermeture éclair pour découvrir un nouveau chemin. Notons également l’utilisation de deux plans dans lesquels Kirby peut naviguer en passant à travers une simple porte : une idée reprise de nombreuses fois, mais qui reste ici quelque peu anecdotique. La boule rose, détachée de toute forme imposée, peut se transformer à tout moment en voiture afin de se déplacer plus rapidement, ainsi qu’en enclume pour détruire des blocs situés en contrebas. Lors d’un saut, Kirby peut également se matérialiser en une sorte de parachute et se laisser planer quelques instants. Enfin, lors de séquences aquatiques, c’est tout naturellement que notre héros se change en sous-marin. Si le gameplay apporté par

critique

ces transformations reste en définitive très classique, l’enrobage dont il dispose et les petites attentions apportées aux détails font pencher la balance en faveur du titre de Good-Feel.

En cas de chute ou si Kirby est touché par un ennemi, un grappin saisi le personnage et lui fait perdre quelques diamants (la monnaie du jeu)... et c’est tout. Ajoutez à cela un mode coopération facilitant encore plus l’aventure et … jusqu’au bout vous obtenez un titre qui se parcourt Outre les transformations inhérentes à sans accroc. Le seul véritable défi tient Kirby dès le départ, le héros peut éga- de la volonté du joueur à terminer le lement se changer en des objets plus jeu à 100%. En effet, en ramassant un maximum de complexes à la fin Mignon et gourmand diamants par nide certains niveaux. jusqu’au bout des pixels. veau, il est posEn une sorte de char d’assaut par exemple, le joueur doit sible d’obtenir des médailles qui déblofaire avancer Kirby à l’aide de la croix quent des stages bonus. Chaque level directionnelle, tandis qu’il vise les enne- contient également trois objets servant mis en inclinant la Wiimote à gauche ou à décorer les habitations du village de à droite. Même principe pour le Kirby- départ ou à écouter la bande originale camion de pompier, à la différence près du jeu. Même avec ces subtilités, le titre que les roquettes du char d’assaut lais- ne résistera pas longtemps dans les sent place à un canon à eau, pratique mains d’un joueur de niveau correct, à pour éteindre un incendie ou dénicher notre grand regret. des diamants situés en altitude. Changé en soucoupe volante, Kirby doit aspirer quelques ennemis pour gonfler son attaque spéciale et ainsi faire exploser des blocs impossibles à détruire autrement. Plusieurs niveaux se concluent également par des transformations, mais celles-ci, plus rapides, transforment presque le niveau en épreuve de course. Comme par exemple en buggy, où il faudra faire preuve d’un bon timing pour espérer récolter un maximum de points. À quelques exceptions près, ces transformations avancées tirent partie de la Wiimote de façon exemplaire. Plus généralement, on peut dire sans prendre de risque que Kirby’s Epic Yarn est une leçon de gameplay. Calibré au millimètre, ce nouvel opus de la saga peut définitivement se mesurer au maitre Mario, du moins sur ce point.

Immortel Malheureusement, cette première apparition de la saga Kirby sur Wii ne dispose d’aucun challenge, ou presque. Degré zéro de la difficulté dans un jeu vidéo, le héros ne peut simplement pas mourir.

© 2010 Nintendo/Good-Feel. © 2010 HAL Laboratory, Inc./Nintendo. Kirby and Wii are trademarks of Nintendo. © 2010 Nintendo.

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Fil d’Ariane Car malgré sa difficulté bien trop légère, Kirby’s Epic Yarn est un titre qu’il faut absolument parcourir dès lors que l’on possède une Wii. Magnifique, que ce soit au niveau de l’animation ou de l’aspect graphique, le jeu s’offre des références de choix. On pense notamment à Yoshi’s Story sur Nintendo 64, et la musique remémore souvent les thèmes du dessin animé Mes voisins les Yamada du studio Ghibli. Mignon et gourmand jusqu’au bout des pixels, ce nouveau Kirby risque de provoquer une overdose de kawaï chez le plus terre-à-terre des joueurs. En définitive, la dernière production de Good-Feel ne comblera peut-être pas les attentes de ceux qui présageaient un jeu de plateforme aussi exigeant que le dernier Mario. Mais les autres décolleront à coup sûr pour cette aventure pleine d’imagination qui, à défaut d’être corsée, possède un délicieux gout sucré. Kévin Rodet

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1. Electronic Entertainment Expo, salon incontour-

Titre : Kirby’s Epic Yarn Éditeur : Nintendo Développeur : Good-Feel Genre : Plateforme Sortie JP : 14 octobre 2010 Sortie US : 17 octobre 2010 Sortie FR : 25 mars 2011 Plateforme : Nintendo Wii PEGI : 3+ Nombre de joueurs : 1 à 2

nable du jeu vidéo se tenant chaque année à Los Angeles

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Sonic Colours Voilà près de 20 ans que la Sonic Team a donné naissance à Sonic sur Mega Drive. Après un passage à la 3D parsemé de titres plus mauvais les uns que les autres, Sega s’est mis en tête de revenir aux bases de sa franchise : la 2D. Seulement après un retour en demi-teinte avec Sonic 4, censé calmer les fans purs et durs, voici venir Sonic Colours sur Nintendo DS et Wii, annoncé comme étant l’épisode de la réconciliation. L’occasion, enfin, d’enterrer la hache de guerre ou bien d’achever définitivement la mascotte de Sega ?

changer en onde laser afin de rebondir sur les murs à une vitesse étourdissante. Enfin, le sixième et dernier, mauve, permet littéralement d’absorber tout ce qui se trouve à portée du hérisson bleu. Des pouvoirs aussi divers que dévastateurs, que Sonic sera amené à utiliser dans les six mondes qui composent le parc d’attraction.

De la poudre aux yeux ? Un véritable retour ?

Sonic Colours est tellement bon que l’on se croirait revenu à l’âge d’or de la série.

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Il faut remonter jusqu’en 2007 pour retrouver une aventure solo du hérisson bleu sur la console tactile de Big N. En effet, depuis Sonic Rush Adventure, Sega nous aura entrainé dans les méandres du RPG, des circuits de course automobile, des jeux olympiques sans oublier un petit détour rapide et expédié par la compilation rétro. C’est donc avec plaisir que l’on aborde ce nouveau chapitre de l’univers de Sonic, cette foisci situé dans un parc d’attraction spatial tenu par le mythique Docteur Ivo Robotnik, cherchant apparemment à se racheter de ses crimes passés… Comme vous vous en doutez,

c’est bien sûr un prétexte de ce cher savant fou pour acquérir une nouvelle source d’énergie en usant des Wisps, une race extraterrestre aux pouvoirs extraordinaires. Il existe en tout dix types de Wisps, dont six sont disponibles sur cette mouture DS (les quatre autres étant exclusifs à la Wii). Le premier, blanc, permet à Sonic d’utiliser une jauge de boost supplémentaire, très utile pour terminer les niveaux en un temps record. Le second, rouge, transforme Sonic en une boule de feu qui lui permet d’agir comme une bombe tout en multipliant les sauts dans les airs. Le troisième, orange, métamorphose Sonic en roquette pour un décollage immédiat à la verticale. Le quatrième, jaune, donne la possibilité de forer le sol pour se frayer un chemin. Grâce au cinquième, de couleur cyan, Sonic peut se

Toutes ces nouvelles aptitudes constituent-elles une énième tentative infructueuse pour relancer une franchise mise à mal par des années de jeux médiocres ? Non. Sonic Colours est tellement bon que l’on se croirait revenu à l’âge d’or de la série, quand les cours de récré se battaient pour savoir qui de Mario ou de Sonic était le meilleur. La vitesse d’affichage du jeu est véritablement impressionnante pour les deux écrans de la DS, à tel point qu’on a parfois du mal à se rendre compte que l’on est sur une console Nintendo ! Heureusement, les phases tactiles sont là pour nous le rappeler. C’est pendant des stages spéciaux – très inspirés de Sonic 2 – qu’il faut en effet user du stylet pour récupérer les fameuses émeraudes du chaos, passage obligé pour transformer le hérisson bleu en Super Sonic. Seulement, avant d’obtenir le pouvoir

SEGA, the SEGA logo and Sonic Colours are either registered trademarks or trademarks of SEGA Corporation.

Parcourez l’espace à une vitesse supersonique !

ultime, il vous faudra vaincre les différents boss des sections. Ici, pas de surprise, la Sonic Team et son développeur Dimps reprennent la formule déjà utilisée dans Sonic Rush tout en l’améliorant avec les pouvoirs des Wisps. On citera ainsi l’utilisation du Wisp jaune pour forer le sol et atteindre les points faibles de votre ennemi, sans quoi son énergie se régénérera à l’infini, ou encore le Wisp rouge pour aller chercher directement dans les airs un boss un peu trop timide.

Sega c’est toujours plus fort que toi En définitive, Sonic Colours est une grande réussite. Sega promettait il y a peu, vouloir arrêter de proposer de mauvais titres de la franchise, et il semblerait que cela soit enfin le cas. Cette déclinaison DS est rapide, addictive, fun… Le tout servi par une musique entrainante et punchy composée par cinq habitués de la saga. Faites passer le mot, Sonic Colours, et non pas Sonic 4, est le véritable retour du hérisson bleu ! Thomas Martin n Retrouvez notre test du jeu sur Wii sur total-manga.com/sonic-colours-wii

Titre : Sonic Colors Éditeur : Sega Développeur : Dimps Genre : Plateforme Sortie JP : 18 novembre 2010 Sortie US : 16 novembre 2010 Sortie FR : 12 novembre 2010 Plateforme : Nintendo DS PEGI : 3+ Nombre de joueurs : 1 à 2

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and the Forsaken Kingdom La dernière bataille

Si Majin and the Forsaken Kingdom a su rester discret jusqu’à sa sortie le 26 novembre, nombreux sont les joueurs à avoir adhéré dès le départ à l’univers du jeu. Aujourd’hui, les dés sont lancés, et le titre édité par Namco Bandai Games risque bien de rester dans l’ombre des mastodontes sortis il y a peu. Dommage, car vous allez le voir, Majin and the Forsaken Kingdom est loin d’être un mauvais jeu.

Majin and the Forsaken Kingdom™ & © 2010 NBGI

Titre : Majin and the Forsaken Kingdom Éditeur : Namco Bandai Games Développeur : Game Republic Genre : Action, Aventure Sortie JP : 20 janvier 2011 Sortie US : 23 novembre 2010 Sortie FR : 26 novembre 2010 Plateforme : Playstation 3 et Xbox 360 PEGI : 12+ Nombre de joueurs : 1

Une histoire ambitieuse Vous incarnez un voleur du nom de Tepeu. L’aventure démarre alors que vous cherchez un trésor dans une mystérieuse cité, que l’on vous présentera plus tard comme étant la limite du domaine des Ombres. Si vos poches resteront vides de deniers, vous trouverez néanmoins une étrange créature, le Majin. Il vous racontera l’histoire de ses ancêtres, et du terrible malheur arrivé sur les terres de ce royaume oublié. Impossible de ne pas penser à Zelda lorsque l’on découvre ce Majin and the Forsaken Kingdom, bourré d’évocations qui dureront d’ailleurs tout le long de l’aventure. Pour ce qui est du scénario en lui-même, l’oscillation entre conte poétique et fable écologique n’en fait pas un bijou d’originalité, mais l’ensemble reste cependant très homogène. Le véritable intérêt de ce titre est sans conteste la relation que vous tisserez avec le Majin Teotl, un lien qui sert par ailleurs sur plusieurs pans des mécanismes du soft.

Majin est ton ami Privé de l’aide de la bête, le personnage que l’on incarne montre très vite ses limites en terme de solidité. Heureuse-

ment, les combats s’articulent autour de l’utilisation que vous ferez des compétences du Majin, mais aussi de la possibilité de faire des attaques combinées dévastatrices. Le choix de soumettre des ordres à la brute est suffisamment bien amené pour que le titre ne sombre pas dans un aspect stratégique rebutant. « Avance, attaque, bats-toi » sont quelques exemples des directives sommaires que l’on peut donner en un clin d’œil à Teotl. Durant l’épopée, le niveau d’amitié entre les deux compères augmente et offre ainsi au joueur de nouveaux combos, tout comme les fruits récoltés ça et là qui auront pour effet de booster les capacités du Majin. Une jauge spéciale permet d’ailleurs au géant d’user d’un peu de magie comme le vent, le feu ou l’électricité.

Temps de réflexion Outre les combats dynamiques et le placement de caméra relativement judicieux, l’intérêt du jeu réside aussi dans la construction des chemins que vous arpenterez. Comprenez par là que la plupart des niveaux sont pensés comme de vrais puzzles et tout est fait pour mettre la paire Tepeu/Teotl à contribution.

On peut par exemple ordonner au Majin de souffler sur une plateforme accrochée à une corde, puis sauter dessus pour continuer la progression. Les interactions se perfectionnent au fil de l’histoire, et nul doute que vos méninges souffriront si vous vous obstinez à récupérer le moindre item caché. Sachez également qu’il est possible de parcourir à volonté les parties du royaume déjà visitées, mais l’obligation de rebrousser chemin finit par décourager.

Royaume en demi-teinte

Complet En terme de durée de vie, comptez une quinzaine d’heures pour voir l’issue de l’aventure, en prenant le temps de découvrir l’univers du royaume oublié. Sachez aussi qu’il est possible de récupérer de nouvelles tenues pour le héros principal, ainsi que des fragments de mémoire de Teotl. Car au final, ce que l’on retient le plus dans Majin and the Forsaken Kingdom, c’est bien ce lourdaud au départ un peu pataud et volontairement infantilisé. Un attachement du joueur pour le personnage clairement voulu par les développeurs, peut-être pour mieux surprendre, mais nous n’en dirons pas plus.

Si Majin and the Forsaken Kingdom se révèle être une très bonne surprise en terme de gameplay, on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne les graphismes. Assez laid et pixelisé, le Voué à l’oubli ? jeu ne propose d’ailleurs pas assez de Les joueurs qui recherchent un bon paysages différents pour réellement jeu d’aventure à mettre sous le sasurprendre. Nous avons aussi remar- pin trouveront sans aucun doute qué quelques problèmes de collisions. leur compte avec Majin and the Par exemple, si vous tombez d’une Forsaken Kingdom. Complet plateforme (à cause d’un placement et terriblement addictif, il peut hasardeux) et que le Majin reste coincé compter sur un gameplay riche et de l’autre côté de la porte, vous serez une ambiance onirique qui n’est trop faible pour venir à bout des enne- pas dénuée de charme. Malheumis en présence. Quelques soucis dans reusement, les tares techniques et un l’animation des léger manque de Un gameplay riche personnages sont et une ambiance onirique qui personnalité, en aussi à déplorer, et n’est pas dénuée de charme. plus d’une sortie continue de nous suicidaire entre éloigner un peu plus du rêve dans lequel les grosses pointures de cette fin d’anle jeu veut nous garder. On apprécie née, risquent de lui être fatals. Une néanmoins de voir le cycle jour/nuit dé- bouteille jetée à la mer en somme, filer, mais les décors eux, ne changent qui nous l’espérons, se trouvera pas. De plus, la ressemblance frappante échouée dans votre console. Car si d’univers avec les déifiés Ico et Shadow le manuscrit à l’intérieur semble quelof the Colossus desservent finalement conque, il se pourrait bien qu’il abrite en l’intérêt du jeu. C’est dans cette compa- son sein une vraie carte au trésor. raison immanquable que le dernier titre Kévin Rodet n de Game Republic montre ses limites. Si les boss, la musique et l’aventure en général sont réussis, il manque cependant ce petit quelque chose qui aurait pu en faire un grand jeu. Majin and the Forsaken Kingdom™ & © 2010 NBGI

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J-music

VAMPS

Et ce n’est pas en poussant le bouton du volume qu’on règle ce genre de problème, bien au contraire.

K.A.Z © Paris 2010 Vamprose

Auraient-ils raté la jugulaire ? Paris, 16 octobre 2010. L’un des concerts de J-music le plus médiatisé, et l’un des plus attendus, de l’année s’apprête à débuter. VAMPS a donné rendez-vous à son public à l’Espace de la Grande Arche de la Défense, pour une première rencontre pleine d’envie. Mais le concert n’était-il qu’un fantasme ou bien une réelle performance musicale ? Un peu des deux finalement... L’attente était en tout cas bien réelle et elle est montée crescendo jusqu’à l’ouverture des portes de la salle. Une marée humaine composée d’adolescents et de jeunes adultes a alors déferlé, surexcitée par l’envie autant que par l’heure de retard sur le planning.

Une première partie poussive…

Titre : Beast SORTIE : 28 juillet 2010 GENRE : J-rock Label JP : Vamprose Label EU : Gan-Shin Chanteur : Hideto ‘Hyde’ Takarai Musicien : K.A.Z nombre de pistes : 13

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Les notes de Plug In ont ensuite lancé ce concert, avec l’arrivée de tout le groupe : Arimatsu à la batterie, Ju-ken à la basse et bien sûr le duo phare du groupe : K.A.Z puis Hyde, accompagnés de leur guitare. Après cette intro, c’est le moment de démarrer ce show attendu au tournant, ayant eu vent de premiers concerts nippons de pré-tournée décevants, voire inquiétants. Mais, une quarantaine de dates plus tard, VAMPS est rodé et Devil Side embrase la fosse. Les gradins sont séduits mais ils sont encore loin de faire corps avec les premiers rangs de la salle. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant...

Le groupe enchaine pourtant des morceaux énergiques de leur nouvel album BEAST (juillet 2010), qui composait la moitié de la setlist, à des titres plus anciens comme Dolly, de l’album Faith (juin 2006), issu de la carrière solo de Hyde. Sans aller jusqu’à parler de léthargie, une partie du public et une majorité des gradins semblent difficilement rentrer dans le concert. Quelques morceaux comme l’excellent Get Up, taillé pour la scène, arrivent à les conquérir et les entrainer, mais ces envolées ne sont que de courte durée.

Une partie du public semble difficilement rentrer dans le concert. Cependant le premier coupable n’est pas on stage, mais plutôt autour. La salle de la Grande Arche n’est PAS une salle de concert. Il s’avérait donc difficile, voire impossible, de gommer les défauts acoustiques majeurs de cet espace dédié aux conférences, le son arrivant aux gradins en ayant perdu de sa clarté.

Des blancs trop longs entre chaque morceau, une setlist perfectible et une salle loin d’être comble sont d’autres éléments qui ont rendu cette première partie poussive, tant et si bien que sur le doublet Samsara – My First Last, pourtant étudié pour soulever l’émotion dans la foule, l’ambiance s’étiolait clairement, certains allant jusqu’à sortir leur téléphone portable pour envoyer des petits mots. Ce concert glissait donc sur une mauvaise pente, mais c’était sans compter sur le charismatique Hyde et ses acolytes aux dents pointues…

C’est alors qu’arriva Hunting Hyde prend pour la seconde fois du concert le micro et nous annonce « J’ai faim… qui vais-je manger ? » dans un français tout à fait correct. Le public se

Très décontractés et chaleureux, Hyde (L’Arc~en~Ciel) et K.A.Z (Oblivion Dust) les deux musiciens qui forment depuis 2006 le duo VAMPS, dégagent une assurance digne de leur rang. Le premier numéro de Total Manga en main, ils nous confient leurs impressions sur leur tournée internationale qui s’achèvera au Japon en décembre. À la veille de votre concert parisien, qu’est-ce que chacun d’entre vous attend de cette rencontre avec vos fans français ? Hyde : J’étais déjà venu avec L’Arc~en~Ciel, et j’espère avoir au moins le même accueil que nous avions reçu alors. K.A.Z : C’est la première fois que je me produis en France et j’espère être agréablement surpris. Je ne suis pas inquiet cela dit, je n’ai entendu que du bien du public français et j’ai d’autant plus hâte.

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prend alors au jeu et la magie tant attendue opère avec Hunting. Les gens se lèvent du fin fond des gradins pour danser et se rapprochent progressivement de la fosse, créant la cohésion qui manquait au concert.

C’est sur l’album Faith que s’achève le concert avec Midnight Celebration, à l’issue duquel Hyde, torse nu et en transe, se jettera dans un public en extase qui repartira ravi de cette première rencontre avec leurs idoles.

Les morceaux s’enchainent alors plus rapidement et l’ambiance perdure, tout le monde reprenant alors en chœur les refrains comme celui de Trouble, pourtant face B sur un des premiers singles du groupe. La fosse, sentant bien qu’elle n’est plus seule, donne enfin toute son énergie sur le célèbre Sex Blood Rock n’ Roll.

Ce premier concert des VAMPS s’avère, il faut bien l’admettre, inégal. Mais si les défauts ont bien handicapé toute une partie du concert, ils ne concernent heureusement pas l’essentiel. VAMPS s’est entièrement livré à son public pour cette première date française, et le charisme de Hyde, K.A.Z ou encore Ju-ken ont finalement réussi à emporter les faveurs du public. Espérons que le groupe reviendra rapidement, pour ne pas nous laisser sur notre faim...

Alors que le concert aurait dû s’arrêter là, les clameurs du public sont récompensées et VAMPS revient pour un rappel de haute volée, la meilleure partie du concert. Le groupe et le public se déchainent à l’unisson sur Revolution, où c’est au tour des gradins de mettre de l’ambiance en tapant des pieds.

Votre tournée est déjà bien avancée, quels moments vous ont le plus marqués ? Hyde : Toutes nos dates ont été marquantes, mais c’est vrai qu’en Espagne, l’ambiance a été géniale. K.A.Z : Les Espagnols m’ont souhaité mon anniversaire en plein concert, ça m’a rendu très heureux, ça m’a beaucoup touché, et ça a fait plaisir au groupe aussi. Dans votre setlist, sur quel morceau prenez-vous le plus de plaisir ? Hyde : Les morceaux de VAMPS sont comme des bons petits plats. Il existe une grande variété de cuisines, et elles sont toutes bonnes. VAMPS c’est pareil. Donc on aime interpréter tous nos morceaux. Mais j’apprécie l’échange avec le public sur le titre Hunting. On adore crier : « On va vous manger » (cf. ci-contre) et voir la réaction du public.

Paul Ozouf n Retrouvez notre critique de l’album BEAST sur total-manga.com/beast

Le morceau Samsara, avec ses notes orientales, dénote complètement du reste de votre second et nouvel album BEAST. Quelle est son histoire ? Hyde : Nous voulions faire un morceau complètement instrumental qui viendrait avant My First Last de façon naturelle. L’enchainement de ces deux titres symbolise l’effet que nous avions recherché pour notre album BEAST, imaginé pour le live. On y a inclu des sonorités religieuses pour créer une ambiance particulière, inspirée du groupe de rock The Doors dont nous sommes fans. Céline Maxant et Paul Ozouf n Retrouvez l’intégralité de notre interview des VAMPS sur total-manga.com/vamps

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culture culture

Mais qui est donc cette Miku Hatsune, chanteuse fictive aux chansons bien réelles, personnage ultra populaire au Japon, qu’une petite chronique à la télévision française a tourné en ridicule, au grand dam de ses nombreux fans ?

Premier album de Supercell © Sony Music

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Hatsune Miku: Project Diva © Sega

Le succès de ces stars virtuelles est tel que les plus connues sont récupérées par l’industrie japonaise, prête à inonder

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La clé du succès vient d’abord du chara design séduisant de Miku – dessiné par Kei qui réalisera également ceux de Ren, Lin et Luka – mais aussi au concept même du Vocaloid : la possibilité de faire chanter ce personnage sur ses propres compositions en toute simplicité. Ce logiciel s’adresse avant tout aux amateurs et met à l’épreuve leur créativité.

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Miku et Luka en concert lors du Miku no Hi Kanshasai 39’s Giving Day © Crypton Future Media, Inc.

Une musique de fans pour des fans

Si la licence des personnages appartient aux éditeurs, les chansons composées avec des Vocaloid appartiennent entièrement à leurs créateurs, qui peuvent donc en tirer tous les bénéfices. Forts de leur popularité, certains amateurs vont donc devenir professionnels, comme le groupe Supercell, composé de ryo le compositeur et de plusieurs illustrateurs, signé chez Sony Music, qui utilise Miku pour ses chansons. Crypton Future Media ne manque pas le coche et lance son label KarenT pour vendre la musique issue du phénomène Vocaloid. En 2010, une compilation réunissant des chansons de plusieurs artistes amateurs de Nico Nico Douga prend la première place du Top Oricon.

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Bien que son nom signifie « premier son du futur » et qu’elle soit la plus populaire, Miku est loin d’être la première ou la seule Vocaloid. Une première génération de logiciels a vu le jour à partir de 2004, tout d’abord au Royaume-Uni avec Leon et Lola de la société Zero-G, ainsi qu’au Japon avec Meiko de Crypton Future Media, suivis par Kaito en 2006. Basés sur la première version du moteur de Yamaha, ces Vocaloid n’ont pas suscité de véritable engouement. Tout a débuté avec la commercialisation en 2007 de la petite Miku, créée par Crypton Future Media, à partir de la nouvelle version

Après le Japon, Miku et ses acolytes commencent déjà à conquérir le reste du monde. Les fans de la pop culture japonaise l’ont déjà adoptée. À l’heure où cet article s’achève, sa page Facebook internationale compte déjà plus de 50 000 fans. La barre des 39 3903 ayant été dépassée, Crypton Future Media nous promet que Miku poussera bientôt la chansonnette en anglais ! (probablement pour 2012, fin du monde oblige...) to yp Cr

Derrière Miku Hatsune se cache en fait un logiciel basé sur le moteur de synthèse vocale baptisé Vocaloid (contraction de Vocal et d’Android), développé par Yamaha. Ce logiciel commercialisé par Crypton Future Media, qui utilise donc la technologie de Yamaha, permet à l’utilisateur de générer un chant en entrant des paroles et une mélodie sur une

Plus qu’un logiciel, c’est un véritable personnage virtuel.

du moteur de Yamaha, Vocaloid2. Le succès est immédiat et son éditeur en profite pour lancer d’autres Vocaloid, notamment les jumeaux Lin et Ren Kagamine en 2008 et Luka Megurine en 2009. Mais d’autres sociétés se lancent aussi dans l’aventure, comme Internet Co., Ltd. qui utilise des stars comme base de ses personnages – aussi bien pour la voix que pour le physique –, dont le célèbre Gackt, lui-même chanteur, qui a donné naissance à Gackpoid: Kamui Gakupo en 2008. Vocaloid devient un véritable phénomène social au Japon.

Miku Hatsune a 16 ans, de longs cheveux turquoise et une plastique de rêve. Elle chante, danse à la perfection et possède une voix qui dépasse l’entendement. Trop belle pour être vraie, cette superstar japonaise est une chanteuse virtuelle. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des milliers de fans, d’interpréter des milliers de chansons, de danser dans des milliers de clips et de remplir les salles de concert. Il n’en a pas fallu plus à Canal + pour s’emparer du phénomène et y voir « un pas de plus vers l’apocalypse... »1, sans chercher ni à le comprendre, ni à l’expliquer.

partition. Autrement dit, n’importe qui peut alors créer une chanson et la faire chanter par Miku. Car plus qu’un logiciel, c’est un véritable personnage virtuel possédant sa propre apparence et ses propres caractéristiques (timbre de voix, âge, taille, objet totem (le poireau pour Miku)...)

le marché en produits dérivés : figurines, jeux vidéo mais aussi concerts ! Miku donne son premier concert live en 2009, projetée sur un écran – qui deviendra transparent lors de ses prochains concerts afin de la rendre plus humaine – en compagnie d’un orchestre bien réel sur la scène du Saitama Super Arena, lors du Animelo Summer Live, grand événement annuel de musique d’anime.

©

Miku Hatsune, le poireau qui cache la forêt

De nombreux amateurs se sont mis à poster leurs compositions sur Internet, en particulier sur le site Nico Nico Douga2. Une communauté de fans et de compositeurs amateurs a donc vu le jour. De plus, pour revenir à l’importance des personnages, toutes ces chansons ont amené la création de nombreux fanarts, dérivés du chara design original, afin d’illustrer ces clips vidéos. Cette émulsion créative, faisant à la fois appel à la musique et au dessin, a renforcé l’existence virtuelle des Vocaloid, leur donnant une consistance et une réalité plus tangible. En 2008, un fan a même développé un logiciel gratuit baptisé MikuMikuDance, permettant de créer très facilement des animations 3D des Vocaloid, offrant ainsi la possibilité à tout le monde de les faire danser sur sa chorégraphie. Toute cette créativité entraine aussi l’apparition de personnages dérivés, créés par les fans, comme Miku Hachune, sorte de version chibi de Miku Hatsune. Ces dérivés, dont certains ont été officiellement reconnus par les éditeurs, possèdent même des réglages spécifiques sur le logiciel dont ils sont inspirés, afin d’être utilisés par tous.

Au cœur de cette communauté, des amateurs ont peu à peu commencé à sortir du lot. Signe de la reconnaissance de leur travail par leurs pairs, ils sont désignés par leur pseudonyme suivi du titre honorifique « -P », qui signifie producer (compositeur). La qualité de certaines chansons, mais surtout leur popularité finit même par intéresser les professionnels de la musique.

enquête

sans fausse note (ou presque)

Le –P aux œufs d’or

Le phénomène Vocaloid,

Depuis son apparition, des centaines de milliers de morceaux et de vidéos ont été mis en ligne sur Internet, quasiment tous composés par des amateurs, qu’il s’agisse de créations originales ou de reprises, de chansons pop, dance, rock ou électro. Comme le dit Crypton Future Media, la seule limite est celle de la créativité.

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culture

Jérôme Salomon avec Alexis Martin n

1. Dans l’instant T de Tania Bruna Rosso au Grand Journal de Canal + (émission du 25/10/2010). 2. Site japonais de partage de vidéos. 3. Jeu de mots sur la prononciation des chiffres en japonais, 39 pouvant se lire san kyû (thank you) ou Miku.

Fanart Find voice in SONG © Gaha

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Les universités japonaises recrutent à l’international Réaliser ses études supérieures au Japon est un projet tentant mais la langue japonaise peut s’avérer une barrière infranchissable. Heureusement, le gouvernement japonais souhaite ouvrir ses universités aux étudiants étrangers en proposant des cursus entièrement en anglais d’ici à 2013. Cependant, même si quelques universités zélées ont déjà entamé le processus, des observateurs doutent déjà de son efficacité.

Opération séduction En 2008, le premier ministre Yasuo Fukuda décide de moderniser les universités pour y attirer 300 000 élèves étrangers à l’horizon 2020. Cinquante mille d’entre eux sont attendus par le biais d’un seul projet : Global 30. Ce dernier prévoit la mise en place de 130 cursus, entièrement en anglais et répartis sur treize établissements, sélectionnés l’an dernier par le ministère de l’éducation. Parmi ces facultés on retrouve celles de Tôkyô, Tôhoku, Nagoya, Kyôto, Ôsaka, Kyûshû, etc. Pour réaliser cette tâche, chacune d’entre elles reçoit une aide annuelle de 200 à 400 millions de yens (1,8 à 3,6 millions d’euros) jusqu’en 2013. Le cahier des charges comprend la création de cursus de premier et second cycle entièrement anglophones, un accueil des étudiants étrangers et une prise en charge améliorée ainsi qu’un renforcement des échanges internationaux. Enfin, les universités vont établir des bureaux d’information à travers le monde, afin de permettre l’apprentissage de la langue et de la culture japonaise et le recrutement d’enseignants étrangers. « C’est une grande chance, explique Yoshitoshi Watanabe, vice-président de l’université de Nagoya, au Japan Times. Nous devions nous internationaliser, avec ou sans le projet Global 30. Mais maintenant, avec les fonds du gouvernement, nous pouvons prendre des mesures actives ». À l’université tokyoïte de Waseda par exemple, quatre licences et cinq masters en anglais ont été ouverts en septembre 2010 et d’autres sont à venir. À Nagoya, on prévoit cinq premiers cycles et six seconds pour octobre 2011, avec l’espoir de passer de 1 214 étudiants étrangers en 2008 à 3 000 fin 2020. Cette opération séduc-

enquête

tion commence au-delà des frontières : États-Unis, Europe, Australie ou encore Mongolie et Singapour, où l’on cherche à enroler les meilleurs étudiants et à promouvoir son université lors des grands événements étudiants. Tous portent donc de grands espoirs dans Global 30 et veulent en profiter pour redorer le blason des facultés nippones. En effet, dans le classement annuel des 200 meilleures universités du monde, paru en septembre 2010, ne figurent que cinq universités japonaises et la célèbre Tôdai est l’unique représentante à se hisser dans le top 50. Autant dire que l’enjeu est de taille.

La langue de Shakespeare suffira-t-elle ? « Nous faisons actuellement de notre mieux… Certaines facultés se demandent si les étudiants étrangers choisiront un pays où l’anglais n’est pas la langue principale, souligne le vice-président de Nagoya. Mais nous n’accepterons pas pour autant des personnes non ou insuffisamment qualifiées dans le seul but de remplir les places que nous avons préparées ». Le vice-président de l’université Meiji, Etsuko Katsu, pense pour sa part que l’anglais seul ne suffira pas. Selon lui, l’une des clés pour attirer les étudiants étrangers est de proposer des cursus supplémentaires, en mettant l’accent sur le Japon et ses loisirs. Joignant l’acte à la parole, Meiji lancera l’an prochain une licence sur la culture japonaise moderne, concentrée sur le manga, les animes, les jeux vidéo et tous les aspects du « Cool Japan », que le gouvernement nippon cherche à exporter depuis peu. En plus des problèmes idéologiques, la crise financière a également fait des dégâts, obligeant le Parti Démocrate au pouvoir à amputer de 20 % le budget initial, rendant plus qu’hypothétique l’ajout des dix-sept universités supplémentaires d’ici à 2013, pour arriver à la trentaine prévue, qui donnait son nom au projet. Plusieurs critiques s’élèvent également à

Shigenobu Okuma fondateur de Waseda

l’égard du secteur privé. Est-ce que ce dernier, premier demandeur d’étudiants internationaux, sera prêt à leur offrir des emplois ? Rien n’est moins sûr…

Un diplôme oui, un emploi… peut-être

dans les universités japonaises, 61,3 % d’entre eux expriment le désir de trouver un emploi au Japon. Mais seul 30,6 % des diplômés de 2007 déclarent avoir réussi. Or, selon le ministère du travail, durant la même période, 96,3% des étudiants japonais ont trouvé un travail.

Le lien entre les études supérieures et « Les dirigeants des grosses sociétés les emplois qui en découlent a été en disent qu’ils sont prêts à embaucher effet au centre des débats lors du Glo- des étudiants étrangers qui ne parlent bal 30 University-Business Joint Forum, pas le japonais, à condition qu’ils fasun colloque réunissant des officiels des sent preuve d’un haut niveau d’anglais ministères de La coopération entre l’université et d’un exl’économie et de cellent niveau et les affaires est vitale l’éducation, ainsi académique. pour le projet Global 30. que des responMais en réasables d’universités et d’entreprises. lité, lorsque ces étudiants postulent, on Par la voix de Shigeru Kato, directeur général du Bureau des Études Supérieures au ministère de l’éducation, le gouvernement a envoyé un appel aux employeurs : « La coopération entre l’université et les affaires est vitale pour le projet Global 30 », explique-t-il. Du coté des entreprises, on répond en renouvelant le désir de recruter des étudiants internationaux de premier plan, comme l’ont souligné les exécutifs de Sony Corp. et ceux de Rakuten Inc., le plus grand site de commerce en ligne du Japon. Mais derrière ces belles paroles, le travail sur les mentalités reste énorme. Selon une étude menée en 2007 par l’organisation japonaise gérant les étudiants désireux de faire un cursus

leur demande un niveau 2 au test d’aptitude en japonais », confirme monsieur Watanabe. À défaut de changer dans l’immédiat la mentalité nationaliste du monde du travail, Yoshitoshi Watanabe espère bien que le Global 30 permettra aux étudiants japonais d’ouvrir leur esprit. « En augmentant le nombre d’étudiants étrangers, les étudiants japonais devront davantage utiliser l’anglais et en créant un environnement de travail international, je pense qu’ils tourneront leur regard vers le monde extérieur », conclue-t-il. Pour la pérennité et la réussite du projet Global 30, espérons-le… Paul Ozouf n

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reportage

Les mori girls

renouent avec la nature De plus en plus populaire au Japon mais aussi dans le reste du monde, la mode mori girl déferle dans la presse. Ces jeunes femmes aux allures de petites filles pures et naturelles fascinent et intriguent. Basé sur des couleurs claires, des vêtements neutres et amples, leur style a déjà conquis de nombreuses nippones. Lumières sur un mouvement qui détonne de ce que l’on a l’habitude de voir dans la mode japonaise... On connaissait les sweet lolita, les fruits ou les yamamba : des styles qui misent sur la provocation, l’excentricité, les couleurs vives et les accessoires voyants. Ces modes, pour certaines considérées comme vulgaires sur l’archipel, se sont petit à petit imposées comme une référence de la culture japonaise. Pourtant, la vision de la mode japonaise tend à évoluer avec la naissance du mouvement mori girl, signifiant littéralement « filles de la forêt ». Adieu le mariage de rouge, vert et jaune pétants, les mori girls se veulent naturelles et innocentes. Les couleurs se limitent au rose pastel, marron, blanc et crème et les formes sont amples et légères. Les robes larges, jupes longues, leggings aux imprimés originaux, bonnets en laine et chaussures à bout rond caractérisent la matière première. Cette mode consiste à choisir ces vêtements neutres, faisant penser aux habits vendus dans nos friperies, pour ensuite les superposer et y ajouter une touche personnelle comme de la dentelle. Les mori girls s’inspirent d’ailleurs de la mode européenne, notamment scandinave, française et anglaise.

Promenade en forêt En plus de la dentelle présente sur chaque vêtement, elles aiment beaucoup les petites touches de fourrure (fausse, on espère), comme des cache-

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oreille, qui accentuent l’aspect bois façon de vivre. À l’intérieur de leur sac, et forêt. Ce côté champêtre et proche les mori girls transportent constamment de la nature est combiné avec des ac- un appareil photo pour prendre, ici et là, cessoires folkloriques tranchant avec des tranches de vie. Elles lisent beaucoup de magala clarté des vêtezines et de contes ments. Mais attenElles font parfois penser de fées, souvent tion, cela reste dans à des fillettes de dix ans la continuité de la de par leur fraicheur, leur à la terrasse d’un tenue. Voyez dans pureté et leur innocence. café, et écoutent de la musique dite « folkloriques » une écharpe aux gros motifs ou un sac dé- alternative, issue de l’industrie musicale coré d’une grosse fleur. Les coiffures londonienne aussi très populaire sur le sont elles aussi en adéquation avec le sol nippon. style : pas de coloration rose, verte ou Être une mori girl, c’est aussi apprécier bleue, place au naturel avec des coupes la vie, s’apprécier soi-même et ne pas aérées et fraiches. Quant au maquillage, avoir peur de ce que l’on est. En plus de il se veut discret – les pots de peinture leur aspect extérieur, les mori girls font sont bannis – : rose pastel pour les attention à leur bien-être. Si bien qu’elles lèvres, brun pour les paupières et noir font parfois penser à des fillettes de dix pour le mascara. Certaines mori girls ne ans de par leur fraicheur, leur pureté et se maquillent même pas et restent au leur innocence. À Tôkyô, ces jeunes filles naturel, leur maitre mot. se réunissent dans le magasin Marble Sud et au café Hattifnat. Si vous êtes Plus qu’une mode, intéressées mais que vous n’osez pas un mode de vie sauter le pas, vous pouvez toujours esLe mouvement mori girl est né en 2006 sayer le style mori girl en ligne grâce au sur le réseau social Mixi, très popu- jeu Mori Girl Makeover. À vous d’habiller laire au Japon. Depuis, il est sorti de la votre personnage pour qu’elle devienne sphère Internet pour prendre son envol la plus belle ! dans la vie réelle. La mode mori girl a inMarie Protet n vesti les rues de Tôkyô ainsi que les plus grands magazines internationaux comme Spoon, A nous Paris ou plus simplement Mori Girls. Car, en plus d’être un style vestimentaire, c’est aussi une nouvelle

culture

reportage

rencontre avec une mori girl Véritable icône de la mode et emblème du mouvement mori girl, MEG nous a livré ses impressions en interview sur cette tendance et sur la mode française. Vous avez créé votre propre ligne de vêtements, Carolina Glaser, quelles sont vos sources d’inspiration ? Mes idées proviennent de l’ancienne mode européenne, avec des vêtements qui font penser à la France, au romantisme et quelques fois aux princesses. Au départ, tous mes vêtements sont blancs, puis ils sont teints dans des couleurs rose clair et pastel. Ce sont des habits simples auxquels je vais ajouter des ornements de dentelle. Le but est de donner une apparence douce qui donne envie d’aimer les jeunes femmes ! (rires) Y’a t-il un lien entre votre travail de styliste et votre musique ?

MEG © Florian Lambert

culture

Non, ce sont deux carrières parallèles. Mes vêtements reflètent mon côté classique, doux et innocent et ma musique me permet d’exprimer mon côté plus pop. Ces deux mondes sont complémentaires et j’ai besoin des deux pour trouver mon équilibre. Quelle est la tendance aujourd’hui au Japon ? Le style militaire. C’est un style garçon manqué avec superposition de plusieurs couches de vêtements. C’est très à la mode en ce moment ! Comme vous vous inspirez de la France pour imaginer vos vêtements, pour vous, quelles sont les différences entre la mode japonaise et la mode française ? La mode française réussit à allier le côté mignon et sexy. Au Japon, c’est essentiellement une mode kawaï et aux États-Unis une mode sexy. La France se situe entre les deux. Et puis j’ai remarqué en arrivant à Paris que les Françaises savaient très bien mettre en valeur le noir. Par exemple, une jolie robe noire avec un rouge à lèvres rouge pétant. Je vais essayer de lancer cela au Japon ! Propos recueillis par Lauréline Lalau et Marie Protet n Retrouvez l’intégralité de notre interview de MEG sur total-manga.com/meg

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cinéma - drama

portrait

Kankurô Kudô Le roi du drama

L’un des dramas les plus attendus de l’été dernier était la comédie policière Unubore deka – L’inspecteur vaniteux. La raison tient en trois syllabes : Kudokan, le « boy wonder » de la comédie débridée à la japonaise, que l’on vous présente ici à travers ses réalisations. no Nyôbô, sorti le 20 novembre), une activité de musicien et d’écrivain, et vous aurez une vague idée de l’importance du personnage, au demeurant très discret, au sein du paysage audiovisuel nippon.

Le style « Kudokan »

Kankurô Kudô

Lorsque l’on se penche plus en avant sur l’ensemble des dramas de Kudokan, on peut en dégager quelques constantes qui ne sont certainement pas étrangères à son succès. Tout d’abord un côté répétitif, sériel. Il crée un canevas qui se répète sur les différents épisodes. Ainsi, chaque épisode de Tiger & Dragon est centré sur une histoire de rakugo tandis qu’un cambriolage ponctue chaque épisode de Kisarazu Cat’s eye... Il tempère cependant cette apparente simplicité par un fil conducteur, pas toujours apparent dès le début, mais bien présent. Les dramas créés par Kudokan sont donc souvent plus complexes qu’il ne peuvent sembler au premier abord.

S’il est une personnalité qui ressort dans le monde des dramas et brille au point d’en éclabousser l’ensemble de la production audiovisuelle japonaise – cinéma et théâtre compris – c’est bien celle de Kankurô Kudô, plus connu sous le nom de Kudokan. Scénariste, metteur en scène talentueux... c’est bien simple, le Cependant, la caractéristique la plus évibonhomme a, à un poste ou un autre, dente du style Kudokan est son humour accouché de certains des dramas (et débridé et volontairement absurde, films) les plus marquants et populaires ponctué généralement d’une pointe des dix dernières années. Collectionnant très légère de noirceur ou de drame sous-jacent. les récompenses, [Kudokan] a, à un poste Par exemple, il peut à juste ou un autre, accouché de le cancer incutitre être considéré comme un certains des dramas (et films) rable de Busstakhanoviste de les plus marquants et populaires san dans Kisades dix dernières années. razu Cat’s Eye ; la comédie. Ajoutez à cela une carrière d’acteur bien éta- le meurtre des parents dans Ryûsei no blie (on le retrouve d’ailleurs cet automne Kizuna (diffusé sur TBS en 2008) ; l’adsur les écrans de cinéma dans Gegege diction aux drogues de Kita dans Mayo-

naka no Yaji-san Kita-san, sa première réalisation cinéma en 2005. Ainsi, tout en étant résolument tourné vers l’humour, ses dramas n’hésitent pas à aborder en fond des thèmes plus sombres et sérieux, mettant en scène des personnages attachants souvent contraints de se remettre en question.

Kudokan’s Hall of Fame Ikebukuro West Gate Park (IWGP), adaptation de la série de romans policiers de Ira Ishida , est le drama qui a permis à Kankurô Kudô de démontrer son talent de scénariste. Diffusé en 2000 sur TBS, IWGP a fortement marqué de son empreinte le monde des dramas et constitue une étape importante dans la carrière de nombre des acteurs qu’il met en scène, à commencer par Yôsuke Kubozuka, Tomoya Nagase et Yamapi (alors tout jeune). Makoto (Nagase) est un jeune d’Ikebukuro, un rebelle sans cause mais débrouillard, qui navigue entre les différents groupes d’influence (gangs, yakuzas, policiers...) et se sert de ses connexions pour régler les incidents qui jettent le trouble dans le quartier (tueurs en série, trafiquants de drogue, violeurs ou encore guerre des gangs). Ce drama s’adressant à un public jeune a étonné par son mélange de noirceur et d’humour, ainsi que par son style relativement réaliste, dans lequel de nombreux jeunes japonais se sont retrouvés, au point de devenir un véritable phénomène de société.

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cinéma - drama

Kisarazu Cat’s Eye et Tiger & Dragon sont les mètres-étalons du style « Kudokan ». Kankurô Kudô est pour la première fois aux commandes d’une série avec Kisarazu, diffusée en 2002 sur TBS (à quoi s’ajouteront deux films au cinéma en 2003 et 2006). Et il va s’en donner à cœur joie pour créer un drama à l’humour déchainé et pétri de références. Il nous présente ici l’histoire de Bussan (Junichi Okada) et de ses amis, membres de l’équipe de baseball amateur de la petite ville de Kisarazu le jour, et cambrioleurs improvisés la nuit, en référence au célèbre manga Cat’s Eye de Tsukasa Hôjô. Aussi hilarant que touchant, Kisarazu Cat’s Eye est un monument d’humour absurde ainsi qu’une belle ode à l’amitié. Cuvée Kudokan 2005, Tiger & Dragon réunit les deux acteurs principaux de IWGP et Kisarazu – Nagase et Okada – pour ce qui reste à ce jour le meilleur drama créé par le réalisateur. Un jeune yakuza, Kotora (Nagase) décide de

portrait

se reconvertir en conteur de rakugo en suivant son apprentissage chez un maitre conteur (Toshiyuki Nishida) dont le fils (Okada), talent naturel du rakugo, se refuse à perpétuer l’héritage familial. Chaque épisode est l’occasion de présenter un véritable rakugo traditionnel (avec les acteurs en costumes de l’époque Edo) qui sera ensuite revisité et adapté par Kotora en même temps que son histoire trouve une résonance dans la réalité moderne de l’épisode. Représentant en quelque sorte l’avenir du rakugo, ce dernier prouve ainsi que cet art, profondément traditionnel et populaire, conserve toute son acuité. Kudokan marie ici la culture japonaise traditionnelle à son humour si particulier à travers cette histoire de deux jeunes qui cherchent respectivement leur voie à l’écart du sentier initialement tracé pour eux. Un intérêt pour une culture classique qu’il se plait à détourner joyeusement et qui se retrouvera dans sa première

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réalisation cinéma la même année, Mayonaka no Yaji-san Kita-san ainsi que dans le récent Ôedo Living Dead, projet complètement fou d’une pièce de kabuki moderne sous forme de comédie musicale avec des zombies, située à l’époque Edo. Monté pour la fermeture du théâtre Kabuki de Ginza, le spectacle est projeté en tant que théâtre filmé dans les salles de cinéma japonaises depuis le 16 octobre. Pascal Voglimacci n

Kisarazu Cat’s Eye

Unubore Deka

Au nom de la loi, je vous épouse ! Mariant humour et glamour dans le plus pur style Kudokan, la nouvelle série de ce spécialiste de la comédie, bien que légèrement en deçà de ses précédentes livraisons, prouve qu’il reste une valeur sure pour les amateurs de dramas comiques.

Eye ou un IWGP, la dernière création de Kudokan pour TBS se savoure avec un plaisir non dissimulé. Unubore Deka reprend le style caractéristique de Kudokan et ses acteurs et si les premiers épisodes semblent installer un canevas sans surprise, trop simple et pas assez étonnant au regard des précédentes productions du maitre, on s’apercevra rapidement que, petit à petit, une toile de fond se met en place pour la suite.

Tomoya Nagase incarne un policier (surnommé « Unubore » – « le vaniteux » – par ses collègues) romantique à l’extrême, se croyant irrésistible et ayant la fâcheuse habitude de tomber amoureux des coupables des différentes affaires sur lesquelles il enquête, Mais ici, l’intérêt ne réside évidemment les confrontant en fin d’épisode en leur pas dans la complexité des enquêtes. offrant le choix du mariage ou de la pri- La répétition des scènes : l’évolution du son. Chaque épisode est l’occasion tournage du drama inspiré par Unubore ; de mettre en scène un invité féminin de les réunions des Unubore Five ; la sémarque, souvent déjà aperçu dans un quence de beuverie rituelle avec l’inspecdes précédents dramas de Kudokan. teur rival d’Unubore ; les confrontations entre Nagase et son C’est le cas de Ai Katô Nagase Tomoya, et Koyuki Katô, toutes comme à son habitude, ex-fiancée interprétée par Mika Nakashideux au générique en fait des tonnes, ma... d’un épisode à d’IWGP, ou encore de surjouant à satiété l’autre, en y ajoutant Yû Aoi, présente dans pour le plus grand plaisir à chaque fois un petit Tiger & Dragon. Un du spectateur. élément supplémencasting qui ajoute ainsi une touche de charme et de glamour à taire, contribue à créer une connivence la série. Parallèlement à ces intrigues, certaine entre le spectateur et le personUnubore fréquente assidument le bar nage principal. Nagase, comme à son « I am I » où il retrouve d’autres cœurs habitude, en fait des tonnes, surjouant d’artichaut (les « Unubore Five ») parmi à satiété pour le plus grand plaisir du lesquels Jun Kaname en pâtissier bour- spectateur. Et on se surprend à attendre reau des cœurs et Tôma Ikuta qui incarne avec impatience le moment où, dans un jeune acteur jouant le rôle d’Unubore son costume blanc, Unubore va se diridans un drama adapté du roman écrit ger, avec quelques pas de danse, vers par le père de ce dernier inspiré par les la charmante suspecte qui lui a volé son aventures de son fils (vous suivez ?) Une cœur (avec une confondante facilité) pour mise en abime vertigineuse qui masque lui proposer, avec l’énergie du désespoir, de choisir entre le mariage ou la prison. la terrible blessure secrète d’Unubore... Bien que moins originale ou surprenante qu’un Tiger & Dragon, un Kisarazu Cat’s

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critique

Titre : Unubore Deka Genre : Comédie policière Scénario : Kankurô Kudô Format : Renzoku drama, 11 épisodes Année : 2010 Chaîne : TBS

Pascal Voglimacci n

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cinéma - drama

enquête

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enquête

Festival Kinotayo Le cinéma du Soleil d’Or

mieux ce qu’ils auront pensé du film. Une fois celui-ci terminé, les votes sont rassemblés et comptabilisés de façon informatique afin d’attribuer une note globale au long-métrage.

Un pari réussi ?

Michel Motro

Le Festival Kinotayo, dédié au cinéma contemporain japonais se déroule depuis le 20 novembre et jusqu’au 11 décembre 2010 entre Paris et sa banlieue. Avec vingt films en compétition, projetés dans la région, abordant divers thèmes de la société actuelle, le Festival se veut être un pont culturel entre deux pays séparés par près de 10 000 km. Total Manga est allé à la rencontre de son créateur, Michel Motro, pour en apprendre davantage. Création et objectif Lieu d’implantation de quatre-vingts entreprises japonaises, le département du Val d’Oise (95) a décidé de créer un évènement autour du Japon. Mais il fallait d’abord trouver quelqu’un capable de porter un tel projet. Ce quelqu’un a été trouvé en la personne de Michel Motro, ingénieur et ancien patron d’une grande société japonaise. Aussi rodé sur le cinéma, pour lequel il a suivi une formation à Lyon, il est l’un des mécènes du Festival de Cannes depuis quinze ans. C’est avec lui que la première édition du Festival Kinotayo a vu le jour en 2006. « Kinotayo » est la contraction de l’expression japonaise « kin no taiyô » qui signifie : soleil d’or. Pourquoi avoir attribué ce nom au festival ? « Lorsqu’on ima-

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gine un événement on essaie de créer pour la plupart semble inaccessible. une histoire autour pour donner plus de Pour faire en sorte d’attirer un public profondeur aux choses », nous explique le plus large possible, les films, sortis M. Motro. Aussi, s’est-il demandé ce qu’il au Japon ces dix-huit derniers mois, y avait de japonais dans le Val d’Oise. Et ont été sélectionnés avec soin par un jury il s’est avéré que le lieu le plus visité par hétérogène autant au niveau de leur âge les touristes nippons était Auvers-sur- qu’au niveau de leur domaine culturel. Le but étant que ces Oise, où a résidé Van Aller voir un film japonais longs-métrages Gogh. En observant est souvent perçu comme soient ensuite les tableaux Les Iris distribués en Euet Les Tournesols une marque d’excentricité. du peintre, l’idée germe... Traditionnelle- rope. Ils sont traduits à partir des scripts ment ces deux toiles sont appelées les japonais et non de leur traduction anglaise et les sous-titres sont directement graSoleils d’Or de Van Gogh. vés sur la bande, de sorte que n’importe À travers ce festival, Michel Motro a quelle maison d’édition voulant projeter souhaité chasser les idées reçues des un de ces films n’ait qu’à se servir sans Français, et de manière plus générale avoir à ré-adapter son format. des Européens, sur le cinéma japonais, de vulgariser cette culture unique qui

Les Soleils d’Or : des récompenses à l’image du Festival Créés par les plus vieux joailliers de France, Mellerio dits Meller, les trophées représentent des Iris à la fois pour faire échos aux Iris de Van Gogh mais aussi à ceux que l’on donne traditionnellement aux Japonais à leur quinze ans et qui symbolisent leur pureté. Leur nom, tout comme leur forme, ont été ainsi donné de façon à ce que les cultures japonaise et française se superposent et s’entremêlent. Ce principe de mélange de cultures, de nationalités, se retrouve aussi dans les œuvres en compétition. Car les Soleils d’Or récompensent avant tout les meilleurs films japonais projetés au cours du festival, choisis par les spectateurs qui, eux, sont Français. Le vote se fait de façon simple. À chaque début de séance, ils reçoivent un formulaire sur lequel ils devront sélectionner la phrase qui représente au

Côté japonais, les réalisateurs étaient tout d’abord incrédules à l’idée que leur film soit projeté en France. Rien que le nom du festival « Kinotayo » avait suscité quelques émois : « Contracter des mots en supprimant des syllabes ? Ça ne va pas du tout ! », avait-on rapporté à M. Motro. Que nenni, le succès est bien là et il est tel que le président du Festival doit refuser certains films. « Il y a cinq ans, quand je voulais un grand film on me disait non. Il y a deux ans on me disait oui une fois sur deux. Cette année on m’a dit oui à tous et je me suis retrouvé avec « trop » de films. […] Je subis une pression énorme pour que certains longs-métrages soient projetés durant le festival », confie l’organisateur avant d’ajouter que l’un des réalisateurs lui avait même sauté dans les bras après avoir reçu le trophée. Aujourd’hui, avoir son film projeté au cours de ces quelques semaines, en France, entraine la reconnaissance du cinéaste nippon, aussi bien dans son pays qu’à l’étranger. En effet, le Festival Kinotayo est devenu source d’inspiration pour les autres festivals, comme celui de New York. Côté français, ce n’est pas non plus gagné d’avance. Aller voir un film japonais est souvent perçu comme une marque d’excentricité. Pourtant, selon Michel Motro, ce n’est pas la différence de culture qui gêne les Français car bien que l’approche (esthétisme, montage, jeu des acteurs...) soit difftérente, les thèmes abordés par les films japonais sont des problèmes de société que l’on

retrouve aussi en Europe. Parade de Isao Yukisada, par exemple, parle de la vie en collocation, phénomène nouveau au Japon mais très répandu en France. Non, ce qui gêne, c’est le format des longs-métrages. Un film japonais dure en moyenne 2 heures, 2 h 20, contre 1 h 30 pour un film français. Et puis surtout, dans la première demi-heure, il ne se passe rien. L’univers de l’œuvre est doucement introduit au spectateur pour qu’il comprenne bien la psychologie des personnages, qu’il s’imprègne de l’ambiance de l’histoire. Puis, survient un moment de « grand délire » qui tranche avec les lenteurs précédentes avant d’entrer dans la partie active du film. C’est généralement là que le spectateur français est perdu car il a l’habitude d’un film où la tension monte progressivement avant le grand final. Pourtant, passées ces 2 heures, M. Motro constate que le public français, bien qu’il ne soit pas composé de passionnés de culture japonaise, apprécie le film. « Beaucoup sont venus me remercier après les séances », témoigne-t-il. L’année dernière près de 3 000 personnes ont participé au vote des Soleils d’Or. Chaque année, les films qui sont récompensés sont ceux qui ont aussi marché au Japon. Preuve qu’il n’y a pas une si grande différence entre les attentes des Japonais et des Français. Devenu une référence dans le cinéma nippon, le festival Kinotayo se veut source de richesse culturelle en proposant une manière différente, ludique et nippone d’aborder la société actuelle. Lauréline Lalau n

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cosplay

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cosplay

portrait

Dans la peau de Falsetto et Salsa

Sonate à quatre mains

Et quelle interprétation de cet univers lyrique et onirique tout droit tiré des rêves de Frédéric Chopin ! Eme et Koyo se sont appropriées la poésie et la légèreté du jeu et leur gestuelle douce, assurée et dynamique nous rappelle le caractère des personnages qu’elles incarnent. Falsetto, une combattante et Salsa, une boutentrain un peu trop franche. « Nous choisissons inconsciemment nos personnages en fonction de nos particularités physiques, explique Koyo, la couturière du duo. J’ai par exemple un visage très enfantin, il y a donc toujours dans nos cosplays un personnage plutôt kawaï pour moi et un autre plus sérieux pour Eme. »

Il aura fallu à Koyo, aidée de Eme, trois semaines, du biais doré (et quelques pièces d’or ! ) et de la patience pour venir à bout des costumes de Falsetto et Salsa. Une fois enfilés, il ne leur faut en revanche pas plus d’une demi-seconde pour entrer dans la peau des personnages du RPG-fantasy Eternal Sonata.

Cela étant dit, les demoiselles de 21 et 23 ans n’ont pas hésité, sur scène, à plonger Falsetto et Salsa dans un univers 100% geek, avec, entre autres, des références à l’usage des réseaux sociaux (qui est par ailleurs l’un des sujets d’expertise de Eme), loin des partitions de Chopin mais très proche du public. Eme et Koyo ont en effet inauguré leur costume en se présentant aux pré-sélections de l’European Cosplay Gathering, la nouvelle compétition européenne créée par Japan Expo. Dans le cadre de ce concours, des pré-sélections sont organisées dans onze pays européens au cours de l’année et le coup d’envoi a été donné l’été dernier à la 11e édition de Japan Expo. Eme et Koyo ont été choisies pour représenter la France à la grande finale qui se déroulera – un an plus tard – à la 12e édition du célèbre festival.

Koyo et Eme (Salsa et Falsetto) © Ludovic Honoré

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C’est donc sur le ton de l’humour et de la dérision qu’elles ont séduit le public et le jury. « La nature de ce concours était assez inconnue pour nous, que ce soit son niveau général ou les exigences de son jury, car c’est sa première année d’existence », raconte Eme. Qu’à cela ne tienne, elles ont décidé de « se faire plaisir ».

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cosplay

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D’un costume à l’autre Et quel plaisir pour nous de pouvoir retrouver, dans des costumes chaleureux et jovials, ce duo de cosplayeuses qui sévit depuis 2007 et qui a déjà été récompensé sur la convention Mangacity à Rennes et aux Utopiales de Nantes. En effet, avant Eternal Sonata, il y a eu les deux Chii de Chobits, des créations de Masamune Shirow, mais surtout Belial et Kurai de Angel Sanctuary. Et ces derniers étant plutôt gothiques et sombres, Koyo a eu envie, en choisissant Salsa, de « réaliser un cosplay très coloré ». Eme, fan de manga et de J-RPG qui travaille dans le web et Koyo, étudiante en stylisme-modélisme à LISAA (Paris) qui pratiquait la couture avant de découvrir le cosplay, passent tout naturellement d’un costume à l’autre, d’un titre bestseller à un titre plus alternatif, d’un univers cyberpunk à un autre plus coloré, tout en gardant cette fraicheur qui les caractérise. Ce qui fait la force des deux jeunes femmes est sans aucun doute cette assurance qui se lit sur leur visage, dans leur prestation ou en shooting photo, cette façon qu’elles ont de ne pas se prendre au sérieux et de prendre plaisir à partager une passion, celle du manga et de l’animation japonaise. En bref, elles adorent ça et ça se voit.

cosplay

fanart

Les meilleurs amis du cosplayeur : le pistolet à colle et la patience À ce jour, leur plus belle expérience sur scène reste, selon elles, celle de Japan Expo 2008 où elles ont présenté du Masamune Shirow, car « le public a vraiment été très réactif à la prestation », rapportent-elles. Mais Koyo rappelle qu’elle s’est aussi « bien amusée » sur la fabrication des costumes de Angel Sanctuary, avec la couture d’une multitude de perles sur Kurai et la création des ailes de Belial. Un véritable terrain de jeu qu’elles ne sont pas prêtes de quitter. Elles font même monter le niveau à chaque nouveau costume. Sur le dernier, Eternal Sonata, la couturière en herbe a dû comme elle le dit si bien « s’armer de patience » pour réaliser les manches ballons de Falsetto, recouvertes de bandes de biais doré. Mais cette fois, compte tenu des délais de réalisation assez courts, elle a pu compter sur l’aide de sa grande sœur pour la fabrication de certains accessoires (chaussures, ceinture de Falsetto...) On attend avec impatience les prochaines créations de ce duo incontournable de la scène cosplay et coup de cœur de la rédaction.

Ce qui fait la force des deux jeunes femmes est sans aucun doute cette assurance qui se lit sur leur visage.

ETERNAL SONATA™ & © 2007 NAMCO BANDAI Games Inc.

personnages : Falsetto et Salsa cosplayeurs : Eme et Koyo temps de réalisation : 3 semaines cout de réalisation : Environ 200 euros défilé : European Cosplay Gathering

Modern Times

Céline Maxant n Retrouvez nos photos sur total-manga.com/eternal-sonata

Ciel et Sebastian à notre époque par Kuromai Ce dessin, réalisé par Kuromai, donne suite à la fin de la seconde saison de la série Black Butler (Kuroshitsuji en VO). « Ciel étant devenu démon avec Sebastian à ses cotés pour l’éternité, j’ai voulu imaginer ce qu’ils seraient à notre époque », explique la dessinatrice. Cette idée se traduit par un Ciel et un Sebastian dans une ambiance « apaisante et chaleureuse en apparence » mais où, « la solitude et la méchanceté des autres élèves, comme les mots cruels écrit sur le tableau l’indiquent, ne sont pas loin pour eux ». Son profil : total-manga.com/kuromai

Eme (Falsetto) © Ludovic Honoré

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Alimenté chaque jour par ses membres, l’espace Fanart de Total Manga est un vivier de créateurs. Nous vous proposons chaque mois de découvrir l’un de ces artistes à travers ses croquis et illustrations. total-manga.com/art-zone

Koyo (Salsa) © Ludovic Honoré

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