Le Misanthrope : programme de salle

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Côté public Séances spéciales Surtitrage français Vendredi 14 mars Surtitrage allemand Samedi 15 mars Bord de plateau Mardi 18 mars à l’issue de la représentation Conversations de la Librairie Kléber Rencontre avec Jean-François Sivadier et Nicolas Bouchaud Samedi 15 mars à 11h30 Réservation recommandée au 03 88 24 88 00 c

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Le misanthrope De Molière Mise en scène Jean-François Sivadier

Collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit Scénographie Daniel Jeanneteau, Christian Tirole, Jean-François Sivadier Lumière Philippe Berthomé assisté de Jean-Jacques Beaudouin Costumes Virginie Gervaise Perruques Cécile Kretschmar assistée de Jérôme Ventura Son Ève-Anne Joalland Chant Emmanuel Olivier Assistante à la mise en scène Véronique Timsit Avec Cyril Bothorel Oronte, Garde Nicolas Bouchaud Alceste Stephen Butel Acaste Vincent Guédon Philinte, Du Bois Anne-Lise Heimburger Éliante Norah Krief Célimène Christophe Ratandra Clitandre Christèle Tual Arsinoé, Basque Équipes techniques En tournée Régie générale Dominique Brillault Régie plateau Christian Tirole, Julien Le Moal Régie lumière Jean-Jacques Beaudouin, Caroline Gicquel Régie son Ève-Anne Joalland Habilleuse Valérie de Champchesnel Assistant tournée Rachid Zanouda Du TNS Régie générale Stéphane Descombes Régie lumière Olivier Merlin Électricien Alexandre Rätz Régie son Sébastien Lefèvre Régie plateau Alain Meilhac Machiniste Pascal Lose Habilleuse Bénédicte Foki Lingère Charlotte Coffinet Du mardi 11 au vendredi 21 mars 2014 Horaires : du mardi au samedi à 20h et dimanche 16 mars à 16h Relâche : lundi 17 mars Salle Koltès Durée : 2 heures 30 Production Théâtre National de Bretagne-Rennes Coproduction Italienne avec Orchestre, Odéon-Théâtre de l’Europe, Maison de la Culture de Bourges, La Comédie de Reims-CDN, Le Quartz-Scène nationale de Brest > Construction décor Atelier de la Maison de la Culture de Bourges > Confection costumes Atelier Bas et Hauts (Paris), Atelier du TNB – Rennes > Jean-François Sivadier est artiste associé au Théâtre National de Bretagne – Rennes > Remerciements Christian Biet, Olivier Férec, Opéra de Rennes, Théâtre de la Commune – CDN d’Aubervilliers Avec l’aide de toute l’équipe du TNB > Création au Théâtre National de Bretagne – Rennes le 8 janvier 2013

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Diego Vélasquez La famille de Philippe IV ou Les Ménines

Qu'est-ce donc que le Misanthrope de Molière ? Un homme de bien qui déteste les mœurs de son siècle et la méchanceté de ses Contemporains ; qui, précisément parce qu'il aime ses semblables, hait en eux les maux qu'ils se font réciproquement et les vices dont ces maux sont l'ouvrage. S'il était moins touché des erreurs de l'humanité, moins indigné des iniquités qu'il voit, serait-il plus humain lui-même ? Autant vaudrait soutenir qu’un tendre père aime mieux les enfants d’autrui que les siens, parce qu’il s’irrite des fautes de ceux-ci, et ne dit jamais rien aux autres.

Jean-Jacques Rousseau

Lettre à Mr. D’Alembert, Éd. Droz, 1948, p.49

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Des amis ? Pas un seul. Des connaissances, tout au plus, qui s’imaginent sympathiser avec moi, et qui éprouveraient peut-être de la peine si je passais sous un train et qu’il pleuve le jour de l’enterrement. Le prix, bien naturel, qu’a reçu mon éloignement de la vie a été de susciter chez les autres une totale incapacité à se sentir en accord avec moi. Il existe autour de moi une auréole de froideur, un halo glacial qui repousse les autres. Je n’ai pas encore réussi à ne pas souffrir de ma solitude – si grande est la difficulté d’atteindre cette distinction de l’esprit qui permettrait à l’isolement d’être un repos sans angoisse. Je n’ai jamais accordé le moindre crédit à l’amitié que l’on a pu me témoigner, comme je n’en aurais donné aucun à l’amour qu’on aurait pu me manifester – ce qui, d’ailleurs, eût été impossible. Sans nourrir aucune illusion à l’égard de ceux qui se disaient mes amis, j’ai néanmoins réussi à souffrir chaque fois des déceptions qu’ils m’infligeaient – si subtile et si complexe est ma destinée, qui est de souffrir. Je n’ai jamais douté d’être trahi à chaque pas ; et j’ai toujours été stupéfait quand on me trahissait. Quand se produisait ce à quoi je m’attendais, c’était toujours pour moi totalement inattendu. N’ayant jamais découvert en moi de qualités capables d’attirer un être humain, je n’ai jamais cru non plus qu’un être humain puisse être attiré par moi. Une telle opinion serait d’une modestie frisant la niaiserie, si les faits – ces faits inattendus auxquels je m’attendais toujours – ne l’avaient confirmée jour après jour.

Fernando Pessoa

Le livre de l’intranquilité, trad. F. Laye, Éd. Christian Bourgois, 1998, p. 544

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Deux hommes, au bord du plateau, au seuil du monde civilisé, parlent. Deux hommes comme un seul qui dialoguerait avec lui-même, se combattent et s'accouchent l'un et l'autre d'une parole qui prend rapidement pour chacun des deux des allures de manifeste. L'un prône l'absence totale de compromis, la sincérité absolue jusqu'au chaos, l'autre, un accommodement bienveillant au jeu social pour maintenir un ordre. L'un rêve d'une société sans masques, l'autre appelle cela la jungle. Alceste est radical, (les hommes sont divisés en trois catégories : les franchement mauvais, les lâches et lui-même) Philinte est modéré. Nous sommes séduits par l'un, exaspérés par l'autre et puis inversement. La question n'est pas de savoir qui a tort, qui a raison et si on doit choisir son camp. La première scène du Misanthrope n'est pas la conversation entre deux amis dont l'un défendrait la sincérité et l'autre l'hypocrisie, mais l'exposition d'une question vertigineuse qui les concerne également, qui nous concerne également (nous qui sommes capables d'être un peu de chacun des deux, Alceste et Philinte, l'un après l'autre ou simultanément). La question serait plutôt : est-il possible dans un monde civilisé d'être autre chose que les deux à la fois ? L'ennemi du genre humain est amoureux fou de celle qui représente, à ses yeux, le meilleur exemple de duplicité La pièce commence comme hors du temps, un dialogue philosophique sur la frontière qui sépare l'être et le paraître, le réel et l'apparence. Mais ce sont deux acteurs qui parlent. Quelle histoire pourrait s'écrire si, avant même que quoi que ce soit commence, un des protagonistes prétend rester sur scène sans jouer la comédie ? Dès la première scène du Misanthrope, la représentation elle-même est en crise. Le théâtre commence quand Molière invente dans l'esprit d'Alceste une faille déterminante : l'ennemi du genre humain est amoureux fou de celle qui représente, à ses yeux, le meilleur exemple de duplicité. Mais la raison n'est pas ce qui règle l'amour : le Misanthrope est une comédie. Aux pieds de Célimène qui accueille chez elle « l'univers entier », Alceste, qui ne veut que « être unique ou disparaître », pose un ultimatum « moi ou les autres ». Célimène ne choisit pas. Alceste qui ne voulait pas entrer sur scène, ne veut plus du tout en sortir mais seulement être ici et maintenant, vulnérable, nu, sans masque ni maquillage, et prétendant que les autres font du théâtre et que lui n'en fait pas, parler aux acteurs cachés derrière leur personnages. Sa position intenable, tragi-comique, (toujours-là-déjà-parti) déséquilibre le plateau. Tout le monde dérape et Alceste comme les autres. Tous les personnages du Misanthrope possèdent en eux la même faculté d'être sincère et celle de dissimuler Le lieu du naufrage est un lieu de passage étrange, un no man's land coupé du monde au- dessus du peuple (et juste au-dessous du roi). Une arène où des animaux oisifs n'ont rien d'autre à faire que se rapprocher, se fuir, s'étreindre, se combattre, et gérer, tant bien que mal, le ballet parfaitement réglé d'un petit monde satisfait de lui-même, qui passerait volontiers l'éternité à s'aimer sur la scène et se haïr en coulisses. Ici tout le monde se ressemble, personne n'a le pouvoir. Alceste n'est pas un personnage authentique face à des tricheurs, ni un être vivant face à des marionnettes. Tous les personnages du Misanthrope possèdent en eux la même faculté d'être sincère et celle de dissimuler, de jongler entre l'intégrité et la compromission. Philinte, Eliante, Arsinoé, Oronte, Acaste, Clitandre, Célimène, rapidement contaminés par la fureur d'Alceste, ne lui tournent jamais le dos mais viennent, sur son propre terrain, répondre au défi qu'il leur a lancé : distinguer ce qu'ils sont de ce qu'ils représentent, séparer les acteurs des personnages. 6


Dans le Misanthrope, parler c'est survivre Dans ce combat des identités, la seule règle est l'égalité des armes : Alceste ne veut « lâcher aucun mot qui ne parte du cœur » mais il doit parler comme tout le monde : en alexandrins. Acceptant les compromis que suppose la traduction en vers de douze pieds, de ses désirs et de sa révolte. Ici on peut hurler, tuer, acheter, séduire mais en mesure. Ici on garde le pouvoir quand on écrit bien. Mieux on parle, plus on est libre. Dans le respect de la règle, la liberté est infinie. On entre en scène pour un corps à corps qui s'éprouve dans le jeu du vocabulaire, des rimes et de la syntaxe. On sort quand l'épuisement prend le pas sur l'inspiration. Dans le Misanthrope, parler c'est survivre. Donc on parle. Une parole qui, jusqu'à l'asphyxie, ne sort jamais de son sujet. On se tend des miroirs, on dissèque les sentiments, on cherche les racines du mal. Une parole qui résonne, au bout du compte, comme l'expression d'un manque : quelque chose qui, pour chacun se serait, depuis l'enfance, perdu en route, dans l'apprentissage de ce jeu étrange qui déguiserait la nature humaine. Quelque chose qu'Alceste ne cesse de désigner, quand il oppose au sonnet d'Oronte une chanson populaire, quand il embrasse Célimène pour l'empêcher de parler, quand il part dans son désert seul, à ressasser son rêve noble et naïf d'une société honnête, sans artifices, d'une intégrité sans partage. Molière démonte les mécanismes du discours politique et du discours amoureux dans un autoportrait impitoyable Dans une œuvre qui ne cesse d'interroger la complexité humaine à travers de grands caractères obsessionnels, la folie d'Alceste ressemble à celle de ses « frères », Orgon, Jourdain, Arnolphe, Dom Juan, Argan, Harpagon se rêvant le temps d'une pièce demi-dieux, au-dessus du monde et des lois et, au terme d'un voyage initiatique au bout de leur délire, se retrouvant cloués au sol, dans la réalité, faillibles, définitivement humains. Alceste s'est rêvé seul en face de l'humanité, le dernier des honnêtes hommes, avec comme seul espoir la place qu'il occupe dans le cœur de celle qu'il aime. Le verdict du dernier acte est sans appel. Le cœur de Célimène est ouvert en public : la place est vide. Alceste est confondu dans la foule. En démontant les mécanismes du discours politique et du discours amoureux dans un autoportrait impitoyable, l'auteur du Misanthrope, (qui sait s'incliner devant ceux qui lui donnent les moyens d'exercer son art, par exemple en préfaçant chacune de ses pièces d'une dédicace pleine de superlatifs) semble exposer aussi sur scène la complexité de son propre rapport au pouvoir, et celle de sa vie amoureuse quand il s'agenouille en public aux pieds de Célimène-Armande qui regarde ailleurs. Le 4 juin 1666 au Palais-Royal, Molière joue Alceste et le ridiculise. Son masque de clown est un révélateur. Si le comédien prend l'auteur au sérieux, il sait bien que le rire est l'outil le plus sûr pour atteindre le cœur et l'esprit de celui qui l'écoute. Le personnage trébuche et parce que l'acteur nous permet de rire de ses chutes, nous reconnaissons chez l'auteur, les accents véritables de sa colère et de sa douleur. Toutes les deux intactes comme son espérance. C'est parce que son espérance est intacte que sa colère l'est aussi. À peine masqué par son personnage, Molière signe dans l’incandescence d'Alceste, l’aveu d'une foi inaltérable en l’humanité et magnifie la scène, comme le dernier endroit où l'on peut réveiller cette part de nous-mêmes qui ne s'est jamais laissé totalement apprivoiser. Jean-François Sivadier 7


ON NE SERA JAMAIS ALCESTE. Alceste est un personnage qui existe avant nous et qui existera après nous. […] Alceste périt sous les intentions des comédiens qui depuis longtemps veulent le jouer, comme depuis longtemps la pièce est morte en Sorbonne sous les explications des professeurs barbus qui veulent démontrer que « c’est le conflit du monde et de la vertu ». Louis Jouvet

Cher Alceste, [...] Peut-être imaginez-vous que vous représentez la pureté face à leur compromission, à leur corruption. Je crois qu’il y aurait plus de vérité à dire que vous représentez la pureté face à leur pureté, à l’idée qu’ils se font de leur pureté perdue – non pas exactement en tant qu’elle serait corrompue, mais plutôt déplacée, et donc, d’une certaine manière, encore présente. Nul doute que la pureté et l’innocence ne soient dans la société des ingrédients dangereux, rarement susceptibles d’améliorer autant que possible une situation mauvaise, souvent susceptible de l’aggraver autant que possible, incapable de se rendre à la raison. Mais il en est de l’innocence comme de la virginité, il faudrait pouvoir la congédier au bon moment ; ce qui signifie au moment et dans le lieu qu’elle aura consentis. Dans un monde heureux, la pureté saurait d’elle-même quels sont ce moment et ce lieu. Mais supposez qu’elle ne le sache pas ? Supposez que le monde ne soit pas heureux. La pureté ne peut se fier qu’à son propre cœur et aux encouragements de ce qui l’attire. Ainsi donc, si je maintiens que l’expérience a le droit de négocier l’obtention du consentement, je maintiens également que l’innocence a le droit de donner ou de refuser son consentement sans négociation aucune, en se fondant sur son sentiment, sur l’idée qu’elle se fait d’elle-même. Cette idée, le monde en a besoin, il exige que vous disiez, de votre propre chef, que le monde est assez bon pour que vous désiriez y vivre. Et je présume que vous en général, que la jeunesse en général veut désirer le monde ; ce qui revient à dire : vous voudriez que l’on vous présente un monde que vous pouvez désirer, un monde auquel vous donner. Et pourquoi pas ?

Stanley Cavell

« Lettre d’introduction au Misanthrope de Molière », trad. S. Hirschmuller, dans Dialogues avec les classiques, OutreScène, n°5, Revue du Théâtre National de Strasbourg, mai 2005, p. 88

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L’amour délie. L’amour est une expérience analytique. En ce sens qu’il coupe, qu’il rompt des liens qui empêchent de partager, de répandre, de répartir l’amour. Aimer une fois une personne constitue l’acte créateur qui rendra apte à aimer. C’est un acte créateur qui demande un effort c’est pourquoi ça n’arrive pas à tout le monde. Lucien Israël

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Constantin Juon Création de la lumière la nuit

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XIV La chose et la manière.

Ce n’est pas assez que la substance, il y faut aussi la circonstance. Une mauvaise manière gâte tout, elle défigure même la justice et la raison. Au contraire, une belle manière supplée à tout, elle dore le refus, elle adoucit ce qu’il y a d’aigre dans la vérité, elle ôte les rides à la vieillesse. Le comment fait beaucoup en toutes choses. Une manière dégagée enchante les esprits, et fait tout l’ornement de la vie.

CIX N'être point répréhensif.

Il y a des hommes rudes qui font des crimes de tout, non pas par passion, mais par naturel. Ils condamnent tout : dans les uns ce qu’ils ont fait, dans les autres ce qu’ils veulent faire ; ils exagèrent tout si fort que des atomes ils en font des poutres à crever les yeux. Leur humeur, pire que cruelle, serait capable de convertir les Champs élyséens en galère. Mais si la passion s’en mêle, c’est alors qu’ils jugent à toute rigueur. Au contraire, l’ingénuité interprète tout favorablement, sinon l’intention, du moins l’inadvertance.

Baltasar Gracián

L’homme de cour, trad. A. de La Houssaie, Éd. Gérard Lebovici, 1987, p.8 et p. 64

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Any where out of the world Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu'il guérirait à côté de la fenêtre. Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme. « Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d'aller habiter Lisbonne ? Il doit y faire chaud, et tu t'y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l'eau ; on dit qu'elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal, qu'il arrache tous les arbres. Voilà un paysage selon ton goût ; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le liquide pour les réfléchir ! » Mon âme ne répond pas. « Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter la Hollande, cette terre béatifiante ? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as souvent admiré l'image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons ? » Mon âme reste muette. « Batavia te sourirait peut-être davantage ? Nous y trouverions d'ailleurs l'esprit de l'Europe marié à la beauté tropicale. » Pas un mot. – Mon âme serait-elle morte ? En es-tu donc venue à ce point d'engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal ? S'il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort. – Je tiens notre affaire, pauvre âme ! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l'extrême bout de la Baltique ; encore plus loin de la vie, si c'est possible ; installons-nous au pôle. Là le soleil ne frise qu'obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d'un feu d'artifice de l'Enfer ! » Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : « N'importe où ! n'importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde ! »

Charles Baudelaire

Le spleen de Paris, Éd. Lettres Françaises, 1979, pp. 217-218

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La raillerie est une gaieté agréable de l'esprit, qui enjoue la conversation, et qui lie la société si elle est obligeante, ou qui la trouble si elle ne l'est pas. Elle est plus pour celui qui la fait que pour celui qui la souffre. C'est toujours un combat de bel esprit, que produit la vanité ; d'où vient que ceux qui en manquent pour la soutenir, et ceux qu'un défaut reproché fait rougir, s'en offensent également, comme d'une défaite injurieuse qu'ils ne sauraient pardonner. C'est un poison qui tout pur éteint l'amitié et excite la haine, mais qui corrigé par l'agrément de l'esprit, et la flatterie de la louange, l'acquiert ou la conserve ; et il en faut user sobrement avec ses amis et avec les faibles.

La Rochefoucault

Maximes posthumes, dans Maximes, Éd. Garnier, 1983, pp. 168-169

Pieter Bruegel Le Misanthrope

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BIOGRAPHIE JEAN-FRANÇOIS SIVADIER

Ancien élève de l’école du Théâtre National de Strasbourg, JeanFrançois Sivadier est comédien, metteur en scène et auteur. Il travaille comme comédien, notamment, avec Didier-Georges Gabily, Laurent Pelly, Stanislas Nordey, Christian Rist, Yann-Joël Collin, Jacques Lassalle, Daniel Mesguich, Alain Françon...
En 1996, il mène à sa fin la création de Dom Juan / Chimère et autres bestioles au Théâtre National de Bretagne à Rennes. L’année suivante il écrit et met en scène Italienne avec orchestre qu’il crée au Cargo à Grenoble ; il donne une deuxième partie au spectacle avec Italienne scène et orchestre, créée dans le cadre de Mettre en Scène Edition Spéciale au TNB en 2003, et reçoit le Grand Prix du Syndicat de la critique de la saison 2004/2005. Il écrit et met en scène en 1998 une première version de Noli me tangere présentée sous forme d’impromptu au Festival Mettre en Scène et enregistrée par France Culture lors du Festival d’Avignon.
Il a créé au TNB La Folle Journée ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais (2000) ; La Vie de Galilée de Bertolt Brecht (2002) ; La Mort de Danton de Georg Büchner (2005) qui lui vaut un Molière de la mise en scène ; ces deux derniers spectacles sont repris en alternance au Festival d’Avignon avant le Théâtre Nanterre-Amandiers et en tournée. Il crée, pour le TNB, au Festival d’Avignon 2007, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes Le Roi Lear de Shakespeare, qui est ensuite joué au Théâtre Nanterre-Amandiers et en tournée. Il monte en avril 2008 La dame de chez Maxim de Georges Feydeau d’abord au TNB, ensuite au Théâtre de l’Odéon puis en tournée.
Il joue Partage de midi de Paul Claudel à la Carrière de Boulbon, dont il signe la mise en scène avec Nicolas Bouchaud, Valérie Dréville, Gaël Baron, Charlotte Clamens au Festival d’Avignon 2008.
Il écrit et met en scène au TNB une nouvelle version de Noli me tangere en janvier 2011, avant de présenter le spectacle au Théâtre de l’Odéon (Ateliers Berthier) et en tournée.
À l’Opéra, il met en scène Madame Butterfly de Puccini, direction musicale Pascal Verrot (2004) ; Wozzeck d’Alban Berg, direction Lorraine Vaillancourt (2007) ; Les Noces de Figaro de Mozart, direction Emmanuelle Haïm (2008) ; Carmen de Georges Bizet, direction Jean-Claude Casadessus (2010) à l’Opéra de Lille. Au Festival d’Aix-en-Provence en 2011, il met en scène La Traviata de Giuseppe Verdi, direction Louis Langrée présentée par la suite au Staatsoper de Vienne et à l’Opéra de Lille. En mars 2012, à l’Opéra de Lille, il met en scène Le couronnement de Poppée de Monteverdi, direction Emmanuelle Haïm, ainsi que Le Barbier de Séville de Rossini, direction Antonello Allemandi, en mai 2013.

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František Kupka L'Entêtement ou L'Idole noire

Directrice de la publication Julie Brochen Réalisation du programme Magali Mougel avec la collaboration de Éric de La Cruz, Caroline Strauch, Quentin Bonnell et Solenne Montandon Crédits Photos du spectacle : Brigitte Enguérand Graphisme Tania Giemza Édité par le Théâtre National de Strasbourg Kehler Druck/Kehl – Mars 2014

1 avenue de la Marseillaise BP 40184 67005 Strasbourg Cedex Téléphone : +33 (0)3 88 24 88 00 Fax : +33 (0)3 88 37 37 71 tns@tns.fr 19


SAison 13-14


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